“Parler d’anthropocène est historiquement faux et politiquement paralysant”

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  • #Baptiste_Morizot, philosophe : “Parler d’anthropocène est historiquement faux et politiquement paralysant”

    Après avoir côtoyé le loup, cet observateur attentif de la nature s’intéresse dans son dernier ouvrage, “L’Inexploré”, à l’activité des #castors. Un modèle dont nous devrions nous inspirer pour rendre notre planète plus habitable.

    (...)

    "je travaille actuellement sur les #rivières, et sur le meilleur ambassadeur pour activer leur #guérison, à savoir le castor. Loin d’être un nuisible ou un animal mignon à fourrure, le castor a transformé la plupart des milieux de plaine depuis des millions d’années : il crée des barrage et, ce faisant, ralentit l’eau sur la terre, la stocke dans les sols et la partage avec toutes les formes de vie. Il se trouve que les sciences hydrologiques contemporaines, confrontées aux sécheresses du changement climatique, défendent l’idée qu’il faut changer de paradigme dans notre gestion des rivières : passer d’une ère du drainage, où l’on a évacué l’eau vers la mer pour assécher les zones humides, à une ère de la réhydratation des continents, pour garder cette eau précieuse sur les terres. La beauté de cette affaire, c’est que ce programme d’action scientifique est ni plus ni moins que ce que fait le castor depuis sept millions d’années- quand on le laisse revenir et activer sa médecine spontanée. Les nuisances qu’il génère en mangeant quelques arbres et en inondant quelques parcelles apparaissent comme dérisoires (et par ailleurs évitables) au vu des enjeux climatiques. Le rapport du Giec 2022 pointait d’ailleurs l’importanée du castor dans nos milieux. Et les chercheurs Emily Fairfax et Chris jordan ont publié l’an passé un article fascinant et convaincant : ils assurent qu’un pan décisif du « plan d’action climat » pour lutter contre sécheresses, inondations et mégafeux aux États-Unis consiste en une alliance avec Je castor."

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    Question : S’allier avec le peuple castor, vraiment ?

    Cela implique une métamorphose philosophique, puisque le propre de la modernité est d’avoir revendiqué pour les seuls humains le privilège d’aménager le territoire - parce que nous avons un gros cerveau ... Si des scientifiques très sérieux, bardés de diplômes et de savoirs, estiment aujourd’hui que la meilleure manière de guérir les rivières est de s’inspirer d’un animal dont le cerveau n’est pas plus gros qu’une .noix, c’est parce qu’il est notre aîné : il transforme les rivières, à leur bénéfice, depuis des millions d’années, quand nous n’avons commencé à les aménager que depuis quelques siècles. Et dans notre seul intérêt. Nous sommes en quelque sorte le jeune prodige de la biodiversité, persuadé, en Occident, de tout savoir. Or ce monde est telle~ent plus ancien que nous, et peuplé de puissances qui savent le guérir~ qu’il faut accepter de se libérer de nos préjugés narcissiques. Et de nous allier avec des forces non humaines.

    https://www.telerama.fr/debats-reportages/baptiste-morizot-philosophe-le-meilleur-ambassadeur-pour-activer-la-gueriso
    #castor #rivières

    • L’inexploré

      « Ce livre n’est pas un livre, c’est une carte. Et ce n’est pas une carte, c’est un atelier de carto­graphe, dans lequel, sous vos yeux, sont dessinées des ébauches de cartes. Et ce n’est pas un atelier, puisque nous sommes chaque fois sur le chemin : c’est le récit fait en direct des parcours d’exploration trébuchants d’un nouveau continent inexploré – qui n’est autre que la Terre vivante, mais qui a brusquement changé de #nature sous nos pieds. »

      Pour la première fois depuis l’avènement de la #modernité, la nature des êtres non humains nous échappe. À notre époque d’extinction et de crise climatique, nos relations aux êtres vivants sont déstabilisées.

      Nous sommes sortis de l’illusion moderne selon laquelle « la #science » aurait stabilisé nos relations au monde. Nous ne savons plus ce que veut dire « nature » et ce que veut dire « #politique ».

      Nous sommes entrés dans le temps de la #métamorphose, dans le temps mythique : ce temps, en-deçà du temps, dans lequel se renégocient nos relations au monde. Entre nature et politique, il nous faut avancer par petits pas errants en quête de l’entre-deux : le continent englouti.

      Cet espace de relations dont on avait occulté l’existence même et nié la possibilité, cet espace d’égards ajustés envers les vivants non humains.

      L’enjeu : recommencer ce monde.

      https://wildproject.org/livres/l-inexplore
      #livre