• Gaza : Une frappe israélienne qui a tué 106 civils était un crime de guerre apparent | Human Rights Watch
    https://www.hrw.org/fr/news/2024/04/04/gaza-une-frappe-israelienne-qui-tue-106-civils-etait-un-crime-de-guerre-apparen

    Une frappe aérienne israélienne menée le 31 octobre 2023 contre un immeuble résidentiel de six étages abritant des centaines de personnes dans le centre de Gaza constitue un crime de guerre apparent, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. L’attaque, qui a tué au moins 106 civils dont 54 enfants, est l’un des incidents les plus meurtriers pour les civils depuis le bombardement israélien de la bande de Gaza et l’incursion terrestre qui ont suivi les attaques menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre.

    Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve qu’une cible militaire se trouvait à proximité du bâtiment au moment de l’attaque israélienne, ce qui signifie qu’il s’agissait d’une frappe indiscriminée et illégale en vertu des lois de la guerre. Les autorités israéliennes n’ont fourni aucune justification pour cette attaque. La fréquente absence d’enquêtes crédibles par l’armée israélienne sur des allégations de crimes de guerre dans le passé, met en évidence l’importance de l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes graves commis par toutes les parties au conflit.

    « La frappe aérienne illégale menée par Israël contre un immeuble résidentiel le 31 octobre a tué au moins 106 personnes, dont des enfants qui jouaient au football, des habitants qui rechargeaient leurs téléphones dans l’épicerie du rez-de-chaussée, et des familles déplacées en quête de sécurité », a déclaré Gerry Simpson, directeur adjoint de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Cette frappe, qui a infligé d’énormes pertes civiles sans qu’il y ait une cible militaire apparente, est l’une des multiples attaques qui ont provoqué un immense carnage et soulignent l’urgence de l’enquête de la CPI. »

    Entre janvier et mars 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 16 personnes au sujet de l’attaque du 31 octobre contre le bâtiment résidentiel appelé « Immeuble des Ingénieurs », et concernant notamment les décès de leurs proches et d’autres personnes. Human Rights Watch a analysé des images satellite, 35 photographies et 45 vidéos des conséquences de l’attaque, ainsi que d’autres photographies et vidéos pertinentes diffusées sur les réseaux sociaux. Human Rights Watch n’a pas pu visiter le site parce que les autorités israéliennes ont bloqué pratiquement toute entrée dans Gaza via les points de passage israéliens depuis le 7 octobre. Au cours des 16 dernières années, Israël a refusé à maintes reprises les demandes de Human Rights Watch d’entrer dans Gaza.

    Des témoins ont indiqué que le 31 octobre, au moins 350 personnes résidaient dans l’Immeuble des Ingénieurs, situé juste au sud du camp de réfugiés de Nuseirat. Parmi elles, au moins 150 personnes s’y étaient réfugiées après avoir fui leurs propres domiciles, ailleurs à Gaza.

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    Les autorités israéliennes n’ont fourni aucune information publique sur l’attaque, notamment sur la cible visée et sur les précautions prises pour réduire les dommages causés aux civils. Elles n’ont pas non plus répondu à une lettre de Human Rights Watch du 13 mars, résumant les conclusions des recherches de l’organisation, et demandant des informations spécifiques.

    Le droit de la guerre interdit les attaques ciblant des civils et des biens de caractère civil, qui ne font aucune discrimination entre civils et combattants, ou qui sont susceptibles de causer aux civils ou aux biens de caractère civil des dommages disproportionnés par rapport à tout avantage militaire escompté. Les attaques indiscriminées comprennent les attaques qui ne sont pas dirigées contre une cible militaire spécifique ou qui n’utilisent pas une méthode ou des moyens de combat dont les effets ne peuvent être limités comme requis. Les parties belligérantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour réduire les dommages causés aux civils, notamment en prévenant à l’avance des attaques, sauf si les circonstances ne le permettent pas, et en protégeant les civils sous leur contrôle des effets des attaques. Les violations graves des lois de la guerre commises par des individus avec une intention criminelle – que ce soit de manière délibérée ou imprudente – constituent des crimes de guerre.

    L’absence d’objectif militaire rendrait l’attaque contre l’Immeuble des Ingénieurs illégalement délibérée ou indiscriminée, a déclaré Human Rights Watch. Le fait que le bâtiment ait été touché à quatre reprises suggère fortement que les munitions étaient destinées à toucher le bâtiment et que la frappe n’était pas le résultat d’un dysfonctionnement ni d’une mauvaise orientation. Même la présence d’une cible militaire valide soulèverait des questions quant au caractère disproportionné de l’attaque, étant donné la présence visible et anticipée d’un grand nombre de civils à l’intérieur et autour du bâtiment.