BigGrizzly

Groumpf

  • En campagne sans trêve | À propos du mouvement « La France insoumise » | Jean-Luc Mélenchon
    http://melenchon.fr/2017/05/28/en-campagne-sans-treve

    J’utilise souvent ce blog pour poster au fil des évènements des observations sur la vie du mouvement que nous avons constitué avec « La France insoumise ». Je ne dis pas que ce soit un sujet qui passionne les observateurs. Ce n’est pas très important. Mais je me désole de voir que le contenu théorique de ce type de question ne retienne pas l’intérêt de ceux qui se sentent concernés par les discussions sur la forme que doit prendre une organisation politique de nos jours, en général, et dans notre famille, héritière du « mouvement ouvrier », en particulier. En ai-je lu, pourtant, des dissertations sur la « crise de la forme parti » !!!!! À présent, devant un fait concret et une tentative concrète de passer a l’acte du dépassement, ne surnagent que quelques papiers ici ou là, quasi tous animés par l’esprit de règlement de compte qui anime toute la « petite gauche » qui accable notre action de sarcasme pontifiants. Mais pourtant « elle tourne » !

    Car la Convention nationale du mouvement « la France insoumise » qui a ratifié notre liste de candidatures aux élections législatives a pris place dans un moment particulièrement porteur de la vie de notre mouvement. Beaucoup ne s’en sont pas rendues compte, mais ce fut un événement que de voir passer à 500 000 le nombre des personnes déclarant leur appui au mouvement. Cela s’est produit entre les deux tours de l’élection présidentielle, alors même que je n’étais plus candidat, dans un élan que je crois politiquement significatif.

    J’ai déjà montré ici, sur ce blog, à de nombreuses reprises, pourquoi et comment le mouvement n’est pas et ne sera jamais un parti politique. Il est un lieu de rassemblement où chaque personne décide individuellement et au coup par coup du niveau de son engagement et de sa participation effective aux diverses tâches et campagnes qui sont proposées. Dans les faits, tout repose évidemment sur la plate-forme internet qui permet ce que l’on appelle « l’horizontalité ». Pour ma part, je n’aime guère ce terme. D’abord parce qu’il sous-entend souvent une opposition à la verticalité qui est parfois tout simplement incontournable dans l’organisation d’une action. Ensuite, parce que les connexions rendues possibles par une telle plate-forme vont dans tous les sens ; elles sont par définition polymorphes. C’est-à-dire qu’elles ne sont ni exclusivement du haut vers le bas ni du bas vers le haut mais dans tous les sens de sorte que la notion même de haut et de bas, comme dans l’univers matériel… dépend de la position de l’observateur.

    Pour mieux souligner la singularité de l’objet, je veux plutôt appeler ici à réfléchir sur ce que ce type de mouvement a en commun avec le fonctionnement des partis politiques. Un certain nombre de fonctions qui semblaient propres à un parti s’accomplissent aussi en son sein : coordination des actions, appel à mobilisation, fournitures de matériel et de documents, universités populaires et ainsi de suite. Mais toutes ces fonctions donnaient lieu à une répartition parfois très soupesée des responsabilités. Elles fournissaient la raison d’être même de l’organisation du parti et de l’existence de postes de permanents politiques. Tout cela, désormais, est accompli par la plate-forme sans produire aucune sorte de ces bureaucraties intermédiaires hier encore indispensables à la marche ordinaire de la vie quotidienne.

    De la même manière, les processus de « démocratie interne » sont également à l’œuvre. Mais dans le mouvement, on s’efforce de ne jamais en faire un sujet de conflictualité interne. Il n’y a donc pas de « majorité », de « minorités », pas de plateformes concurrentes, pas d’orientation générale opposée les unes aux autres. Autrement dit : le mouvement se soucie d’abord d’être inclusif et collectif davantage que formellement « démocratique », sachant à quelles violences et dérives conduisent les soi-disant pratiques « démocratiques » organisées par les règlements intérieur des partis traditionnels. Le mouvement n’a qu’une référence idéologique commune a tous ses membres : le programme. C’est une autre manière de dire qu’ils se définit par son action, par ce qu’il compte faire dans la société s’il en a le pouvoir. De la sorte, le contenu de ce programme détermine le mode d’existence de cette organisation et son unique objet : l’action. Ou plus justement dit : les actions, au pluriel. Car il s’agit de mener des campagnes pour des objectifs lié au programme.

    Pour l’instant, comme cela est bien normal pour un mouvement fondamentalement inscrit dans la logique de la démocratie politique, les campagnes sont des campagnes électorales. Mais demain, elles redeviendront des campagnes sur des thèmes précis comme la sortie du nucléaire, la lutte pour la paix, contre la pauvreté et ainsi de suite. Ou bien des mobilisations en appui à des actions organisées par d’autres et dont les objectifs sont aussi les nôtres ; je pense aux actions sur le climat ou celle du type du samedi 20 mai contre Montsanto. Demain encore, le programme restera toujours l’objet central du mouvement. En effet, les 40 livrets thématiques qu’il a engendrés sur tant de sujets sont remis en chantier par ceux qui les animent avec la participation de toutes les personnes que cela intéressera. Et de même avec les « ateliers législatifs » qui permettent aux citoyens de préparer la mise en forme de projet de loi des diverses propositions du programme.

    Il me semble qu’un but essentiel du nouveau mode de fonctionnement est d’évacuer aussi définitivement que possible les enjeux de pouvoir. Ils pourrissent en effet la vie des partis en transformant toute question en un objet de conflits et de délimitation des influences. Bien sûr, toutes les pratiques que je viens d’évoquer sont encore très largement inexplorées et restent pour beaucoup tracées en pointillés. Je crois que c’est en marchant que nous ferons le chemin, selon l’expression bien connue. C’est à ce prix que nous pourrons le plus étroitement ressembler à la société que nous voulons représenter et mettre en mouvement elle-même. Car on ne doit pas oublier que le moyen doit préfigurer la fin : la révolution citoyenne. En ce sens, l’objet de l’action ce n’est pas le « développement du mouvement » mais l’augmentation de la capacité d’auto-organisation de la société ! C’est à cette question de l’auto-organisation que nous devons maintenant réfléchir avec soin. Il s’agit de se donner les moyens de les dépister quand ils existent pour les soutenir et les répandre. Il s’agit donc aussi de les déclencher quand c’est possible. Mais c’est une autre histoire que celle-ci.

    #auto-organisation

    • La plateforme, c’est un petit peu comme SeenThis : il faut que ce soit hébergé, il faut que ce soit maintenu... il faut que ça évolue.. et y-a forcément un « qui paie ». Et nous les utilisateurs, on en fait ce qu’on veut, enfin, c’est c’qu’on croit :-D
      Sauf que l’hébergeur, le mainteneur, peuvent en faire ce qu’ils veulent, le jour où ils le veulent. Et là, la FI, elle est hébergée chez des gens... des startupers si je ne m’abuse, ça n’est pas forcément rassurant. C’est un premier sujet, celui de la forme ?

      Quant à la façon donc la FI court-circuite... Pour suivre Mélenchon (avec un E) depuis 2005, et avoir eu des échos de la façon donc le PG a été repris en main par les apparatchiks habituels, avec les mêmes phénomènes d’ostracisation du « sang neuf » non-coutumier des appareils, j’avoue que la transformation, je la trouve intéressante. Même si oui, t’étais sortant·e et tu te disais que c’était naturel d’être à nouveau candidat·e, juste ça te fait râler d’être remplacé par un•e gugus tiré·e au hasard. C’est un second sujet, celui du pouvoir ?

      Je suis consterné comme toi par la façon dont tous, là, ils veulent se présenter. C’est chouette. Ils sont tous là sur la photo, avec leur sigle, et leur bilan (boite à rires, y-a pas beaucoup de ces sigles à pouvoir présenter un bilan national glorieux en ce qui concerne l’écologie ou le social...). Un dernier sujet, celui de... comment le désigner... celui de « combien de clônes pour les mêmes idées » ?

      Merci d’avoir ouvert la discussion sur ce sujet.

    • C’est à ce prix que nous pourrons le plus étroitement ressembler à la société que nous voulons représenter et mettre en mouvement elle-même. Car on ne doit pas oublier que le moyen doit préfigurer la fin : la révolution citoyenne. En ce sens, l’objet de l’action ce n’est pas le « développement du mouvement » mais l’augmentation de la capacité d’auto-organisation de la société ! C’est à cette question de l’auto-organisation que nous devons maintenant réfléchir avec soin. Il s’agit de se donner les moyens de les dépister quand ils existent pour les soutenir et les répandre. Il s’agit donc aussi de les déclencher quand c’est possible. Mais c’est une autre histoire que celle-ci.

      Merci à @biggrizzly d’avoir mis en ligne cet extrait fort intéressant.
      Après avoir participé au rassemblement des Glières en Hte Savoie des résistants d’hier et d’aujourd’hui, j’ai eu envie de rencontrer des partisans de la FI lors d’une réunion avec le candidat de ma circoncription. Et je fus agréablement surprise de la diversité des participant-e-s tous regroupé-e-s autour du programme « l’avenir en commun » et de notre représentant. Le paysan du coin nous avait tous réunis, de la documentaliste du lycée, au jeune informaticien qui s’était chargé de la communication, à l’éducateur d’une prison en Suisse pour l’affichage, jusqu’aux travailleur-euses dans l’industrie de la vallée dont une jeune musulmane qui m’a gentiment proposé de m’accompagner lors d’une distribution de tracts dans les immeubles de ma localité.
      J’ai ressenti une énorme convivialité et cette capacité à s’auto-organiser autour de notre courageux candidat (militant anti gaz de schiste et pour un éco-socialisme) car dans la vallée de l’Arve pro-Fillon nous n’avons presque aucune chance d’être au second tour. Et je n’ai qu’une hâte c’est de retrouver ces vrais gens chaleureux qui partagent mes valeurs lors de notre prochain débat public pour la transition écologique.
      Ceci est ma première expérience politique « militante » et je suis un peu consternée par vos réactions précédentes négatives, désabusées, un peu trop du domaine de « l’intellect », sur le mouvement de La France insoumise.

    • @marielle : rien ni personne n’est à l’abri de la critique, et c’est tant mieux. Comme je le dis rapidement ci-dessus, les expériences passées démontrent que la politique, dans notre environnement institutionnel, c’est un truc qui a du mal à ne pas retrouver les défauts de la professionnalisation de son personnel, et ce côté « féodalisant » particulièrement rebutant. Il y a un phénomène de rareté des postes qui induit des comportements de nuisibles dont même les plus progressistes ne parviennent à se défaire (PG, EELV, ... pour ne pas citer le PCF...). Et je suis certain que le moment où les « cadres » de la FI seront brocardés pour avoir ostracisé tel ou telle nouveau venu·e n’est pas bien loin.

      Ceci dit, profitons de ce moment. Que ce soit ton expérience ou celle du Yéti sur son blog, ces élections législatives « à la mode FI » sont ce qui se fait de plus réjouissant depuis bien longtemps.