[Tribune] Le vrai but du confinement n’est pas celui qu’on croit
L’exécutif martèle que le confinement est la seule façon de résoudre
la crise sanitaire. Mais il a également d’autres utilités, explique
François Martin, du fonds de recherche amitié politique.
(…)
Le gouvernement craint plus la crise médiatique que sanitaire
Ce que craint le gouvernement, ce n’est pas la crise sanitaire, mais
c’est la crise médiatique. En effet, le virus, à défaut d’être
beaucoup plus létal que la grippe, en tout cas dans les pays où il est
correctement traité, en-dehors de la catégorie des personnes âgées, et sous réserve que les statistiques veuillent dire quelque chose
(puisque les méthodes de dépistage sont très différentes d’un pays à
l’autre), est au moins, c’est avéré, nettement plus agressif. Cela
veut dire que la contagion, lorsque les « mesures barrières » sont
insuffisantes, se transmet beaucoup plus vite d’un sujet à l’autre. Le
pic est plus rapide, d’où le risque (contrairement à une grippe
classique, où le pic semble moins brutal, ou même aux maladies
cardiovasculaires ou aux cancers, où les morts sont répartis sur toute
l’année) que l’on ait, à un moment donné, le spectacle désastreux de
ce que l’on cherchait justement à cacher : le délabrement de notre
système hospitalier, avec les médecins et infirmières débordés, les
malades couchés dans les couloirs, les camions militaires évacuant les morts, etc… Plus que le nombre de morts, ce que craint le
gouvernement, c’est la médiatisation d’un scénario à l’italienne
mettant son impréparation au grand jour. C’est ça, sa crainte. Et,
malheureusement pour lui, c’est bien ce qui se passe.
(…)
Mais le confinement a un autre intérêt. En effet, le gouvernement sait
maintenant que sa stratégie première a raté, puisqu’il n’a pas pu
éviter la « montée en crise » sanitaire (dont nous aurons les effets
maximums dans 15 jours, puisque tous les malades d’aujourd’hui sont encore issus de la période précédente préconfinée), que par ailleurs, chaque jour de confinement qui passe creuse un peu plus la vague de la crise économique à venir, et qu’enfin, il ne peut tenir sur la durée, avec le confinement, les deux stratégies de front : sauver les malades et sauver les PME. La situation actuelle n’est pas tenable, il doit impérativement en sortir rapidement.
Vu sous cet angle, le confinement permet donc au gouvernement de
gagner du temps. A l’abri momentané, pourrait-on dire, du confinement,
il peut préparer la deuxième réponse, celle qu’il a négligée de prime
abord : fournir tous les masques nécessaires, non pas seulement aux
personnes exposées ou fragiles, mais à tous les Français. En effet, le
masque est évidemment l’arme absolue, puisqu’il est le « geste
barrière » parfait, et qu’il permet le « confinement sans confinement
», individuel. Avec les masques, on peut aller travailler sans
contaminer tout le monde. Avec les masques, plus de contradiction
entre stratégie sanitaire et stratégie économique.
(…)
Si c’est bien ce que le gouvernement cherche maintenant à faire, on
peut supposer qu’il va maintenir le confinement officiellement, mais
qu’il va l’arrêter dès que la stratégie de deuxième réponse sera en
place, dès qu’il aura ses produits, ses plans et sa logistique. Si le
gouvernement agit ainsi, il sera intelligent, et il limitera la casse.
Mais il faudra aussi qu’il « mange son chapeau », qu’il reconnaisse
qu’il s’est trompé jusque-là sur toute la ligne : dans l’évaluation de
la crise, dans sa préparation, dans son choix stratégique initial,
dans ses stocks de matériel, dans sa chaîne de commandement, dans son organisation, dans sa communication plus qu’hasardeuse, et finalement dans sa critique, qui n’a pas encore cessé, de tout ce dont il va finalement avoir besoin. Aura-t-il cette sincérité et ce courage ?
C’est bien ça qui est la principale question.
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