Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Roberto Saviano : « La faiblesse, c’est de se croire invincible »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/12/roberto-saviano-la-faiblesse-c-est-de-se-croire-invincible_6036361_3232.html

    Dans les vallées bergamasques laminées par le virus (certains parlent déjà de toute une génération supprimée), des milliers de petites entreprises industrielles prospèrent. Composées souvent de moins de dix employés, elles font preuve d’une telle excellence qu’elles sont une vraie locomotive pour tout le Nord, et pas seulement pour la Lombardie. Quand les médias ont commencé à évoquer les choix dramatiques qui s’imposaient aux médecins en services de soins intensifs, entre qui intuber et qui laisser mourir, d’autres arbitrages se sont imposés. Les termes du dilemme : arrêter les productions au risque d’un effondrement économique, ou les maintenir en sacrifiant des vies humaines.
    La vie ou le travail

    Evidemment, cette question n’a fait l’objet d’aucun débat public, ce serait un comble. Le plus grave, c’est que pendant plusieurs semaines, la Lombardie et le gouvernement se sont refilé la patate chaude : personne ne voulait prendre la décision de tout fermer. Aujourd’hui, nous savons que pour éviter de confiner des ouvriers indispensables aux chaînes de montage et qui, surtout dans le cas des toutes petites entreprises, ont dû choisir entre la vie et le travail, on a favorisé une diffusion massive de la contagion. Or cette contagion a provoqué une mortalité épouvantable. Cette réalité nous saute aux yeux, offrant l’image d’un territoire géré par des classes dirigeantes qui auraient décidé de « ne pas s’arrêter », conscientes du risque de l’hécatombe, voire pariant sur le destin.

    Vu la tournure tragique des événements, le risque, c’est que ceux qui ont fait ces choix stratégiques criminels occultent leurs propres responsabilités. Si le taux de mortalité du virus en Lombardie est si élevé, c’est surtout à cause des erreurs commises par une classe dirigeante médiocre qui aurait immédiatement été désavouée si nous n’étions pas encore dans cette situation d’urgence dramatique. Les sirènes des ambulances couvrent encore les voix de tous les proches des personnes mortes à cause d’une série d’erreurs ayant accentué l’effet de la contagion. Mais bientôt viendra le temps des poursuites à l’encontre de tous ceux qui ont manqué à leurs devoirs.

    Le paradoxe de cette crise a presque valeur d’enseignement philosophique. Nous sommes face aux dirigeants politiques d’une région qui s’est toujours vantée de s’être faite toute seule et qui, ces trente dernières années, n’a cessé de réclamer davantage d’autonomie – le parti le plus fort du Nord, la Ligue, d’abord sécessionniste avant de devenir souverainiste il y a peu de temps –, se plaignant du poids d’un Sud improductif, dénigrant chaque pas en faveur d’une centralisation accrue et chaque décision prise par Rome, ville forcément inefficace et désorganisée. Et voilà qu’avec cette crise sanitaire, ces mêmes hommes politiques finissent par rejeter sur le gouvernement central la responsabilité de leurs propres indécisions et des omissions qui en découlent. Comportement déshonorant et criminel.

    Nous sommes arrivés à ce dilemme : mieux vaut-il mourir de la maladie ou de la récession ? Cela permet de comprendre le défi que le virus lance à la politique européenne. Même si je n’en suis pas certain, peut-être est-il encore temps de sortir de la pandémie pour vivre une utopie : admettre que la productivité et les comptes bancaires ont moins de valeur que les personnes, prendre conscience que notre survie dépend du maintien et de l’expansion de nos droits, comprendre qu’une action politique obnubilée par l’argent est mortifère et ne génère pas de richesses. « L’Europe n’existe plus et aujourd’hui est un nouveau 1945 », entend-t-on. J’espère que des personnes de bonne volonté empêcheront que cela n’arrive.

    #Coronavirus #Italie #Corruption