• Les réseaux sociaux, leviers des luttes sociales – nvo
    https://nvo.fr/les-reseaux-sociaux-leviers-des-luttes-sociales

    De la révolte des Gilets jaunes à la vague féministe post-#MeToo, les outils numériques sont devenus des leviers incontournables des luttes sociales et syndicales. Sur les réseaux sociaux, les photos et vidéos d’Extinction Rebellion ou de ReAct font le buzz et relaient les mobilisations. Un article publié dans le numéro #05 de la Vie Ouvrière.

    Ces dernières années, les exemples de mouvements sociaux ou de soulèvements populaires déployés grâce aux possibilités de connexions qu’offre Internet se sont multipliés. Dans son remarquable ouvrage Twitter & les gaz lacrymogènes, la chercheuse et activiste turque Zeynep Tufekci montre que l’usage des outils numériques et leur démocratisation (applications, réseaux sociaux…) permettent non seulement d’atteindre rapidement une masse critique de citoyens agissants mais en a fait des alliés incontournables des luttes actuelles.

    En l’espace de quelques semaines, le mouvement des Soulèvements de la Terre, menacé de dissolution sur décision du ministère de l’Intérieur, a rassemblé plus de 90.000 soutiens, notamment grâce aux milliers de partages sur les réseaux sociaux. Des relais qui ont permis de faire converger le 25 mars sur le terrain à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, près de 30.000 personnes venues pas seulement de France mais de toute l’Europe pour s’opposer au projet de méga-bassine.

    Les médias numériques améliorent la visibilité d’une cause, mais ils créent aussi une communauté, un sens de la camaraderie, explique Zeynep Tufekci dans son essai. Ils permettent à un mouvement de dépasser l’espace du site d’occupation en créant un sentiment d’appartenance : on peut se sentir zadiste sans terres à défendre, se revendiquer d’Occupy Wall Street sans être américain…

    En 2021, les activistes ont fait irruption au milieu des mannequins d’un défilé Louis Vuitton afin de dénoncer l’impact climatique de la mode. Un happening militant qui a fait un énorme buzz sur les réseaux sociaux. La même stratégie digitale a été employée, en octobre 2022, quand d’autres militants ont collé leurs mains sur des voitures haut de gamme sous les yeux du public du Mondial de l’auto.

    « Quatre cents personnes nous ont filmés et ont mis en ligne la scène sur Instagram et TikTok. Ça a fait des millions de vues. Là, le public était lui aussi vecteur de diffusion, même si tu ne contrôles plus le message », commente le militant d’XR dont l’organisation ne communique que sur réseaux cryptés (Signal, Mattermost), afin de préserver le secret de ses actions et l’anonymat de ses membres.

    #Militantisme #Zeynep_Tufekci #Mouvements_sociaux #La_Vie_Ouvirère

  • [C&F] Zeynep Tufekci et les prisonniers politiques en Égypte
    http://0w0pm.mjt.lu/nl3/utMolmSYPAr8qpFWYhyBEw?m=AMAAAMxZtEAAAABF_u4AAAkTGo0AAAAAtBIAAK4dABjAHgBi6

    [C&F] Zeynep Tufekci et les prisonniers politiques en Égypte

    Bonjour,

    Zeynep Tufekci vient de publier dans le New York Times un long article sur l’intellectuel et blogueur égyptien Alaa Abd el-Fattah qui croupit actuellement dans les prisons de la dictature égyptienne de Abdel Fattah el-Sisi, après avoir été emprisonné sous la dictature de Hosni Moubarak et sous la dictature islamiste des Frères musulmans de Mohamed Morsi. Dans son article, elle s’étonne de l’absence de soutien de la part des pays et des médias qui étaient pourtant si avides de le rencontrer pour parler de la « révolution Facebook » et de l’inviter à s’exprimer. Et cela alors même que la dépendance de l’Égypte aux financements occidentaux offre un levier... à la veille de la future COP sur le climat qui devrait se tenir au Caire à l’automne. Et bien entendu que le cas de cet intellectuel humaniste ne saurait cacher le sort des très nombreux prisonniers politiques dans les geôles du Caire, mais au contraire servir d’exemple frappant.

    Je traduis quelques extraits de son article du New York Times à la fin de ce message.

    Zeynep Tufekci était place Tahrir au Caire en 2011 pour observer et accompagner les activistes du grand mouvement populaire qui a réussi à renverser la dictature de Moubarak. Les descriptions précises qu’elle fait dans son livre Twitter & les gaz lacrymogènes sont fascinantes, comme lorsqu’elle raconte comment Twitter a pu servir à construire un hôpital de campagne pour soigner les blessé·es.

    Mais au delà du reportage, Zeynep était sur place comme sociologue, c’est-à-dire pour tirer des leçons généralisables ou comparables de ce qu’elle pouvait observer. Elle continuera ce travail d’observation engagée en 2013 à Istanbul, et à deux reprises à Hong-Kong. De ce travail de terrain elle va tirer des analyses précises et inspirantes qui constituent le cœur de son livre : Quelle est la place réelle des médias sociaux dans les mouvements de protestation ? Quelles sont les forces et les faiblesses des mouvements connectés ?

    Ses analyses sont tellement anticipatrices que Sandrine Samii écrira dans Le Magazine Littéraire : « Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il développe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. »

    Le New York Times la décrira comme « La sociologue qui a eu raison avant tout le monde ».

    Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée
    Zeynep Tufekci
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Lemoine
    Collection Société numérique, 4
    Version imprimée -,29 € - ISBN 978-2-915825-95-4 - septembre 2019
    Version epub - 12 € - ISBN 978-2-37662-044-0
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    entre le 4 août et le 8 août 2022
    Le livre de Zeynep Tufekci est à 18 € au lieu de 29 €

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    Traduction d’extraits de l’article de Zeynep Tufekci dans le New York Times

    J’aimerais tellement pouvoir demander à Alaa Abd el-Fattah ce qu’il pense de la situation du monde

    Zeynep Tufekci
    2 août 2022
    The New York Times
    https://www.nytimes.com/2022/08/02/opinion/egypt-human-rights-alaa.html

    Début 2011, après les manifestations massives de la Place Tahrir au Caire qui ont mis fin aux trois décennies de la dictature d’Hosni Moubarak, nombre d’activistes qui avaient pris la rue se sont retrouvé fort demandés par les médias. Ils étaient invités dans le « Daily Show » et Hillary Clinton, à l’époque Secrétaire d’État, a visité la place Tahrir en insistant sur le côté extraordinaire d’être « sur le lieu même de la révolution » et d’y rencontrer des activistes.

    Alaa Abd el-Fattah, l’intellectuel et blogueur qui était décrit comme « un synonyme de la révolution égyptienne du 25 janvier » savait déjà que l’attention mondiale s’évanouirait bientôt.

    Il vont très vite nous oublier m’a-t-il dit il y a plus de dix ans.

    Il avait raison, évidemment. Alaa a toujours été réaliste, sans jamais devenir cynique. Il avait 29 ans quand il protestait Place Tahrir, mais il a continué ensuite. Charismatique, drôle et possédant un bon anglais, il a délivré des conférences partout dans le monde, mais il est toujours revenu en Égypte, alors même qu’il risquait la prison pour sa liberté de parole.

    La famille d’Alaa connaît bien les cruautés qui accompagnent la vie sous un régime autoritaire. Sa sœur Mona est née alors que son père, qui allait devenir un juriste spécialiste des droits humains, était prisonnier. Le fils d’Alaa est lui-même né alors que son père était emprisonné. En 2020, son autre sœur Sanaa a été attaquée alors qu’elle attendait pour le visiter en prison et condamnée à un an et demi pour avoir colporté des « fausses nouvelles », une situation qu’Amnesty International décrit comme un procès fabriqué.

    Durant sa brève libération en 2014, Alaa expliquait combien il était heureux de pouvoir changer les couches de son bébé... il fut emprisonné peu de temps après. En 2019 il fut de nouveau libéré, si content de pouvoir passer un peu de temps avec son fils. Mais il fut remis en prison quelques mois plus tard et jugé en 2021, écopant de cinq années de prison pour diffusion de « fausses nouvelles ».

    La manière dont Alaa est traité montre le peu de considération que porte le reste du monde aux acteurs et actrices de la révolution égyptienne. Il est connu internationalement, devenu citoyen britannique en 2021, décrit par Amnesty International comme un prisonnier de conscience injustement emprisonné... tout ça pour rien.

    Ce n’est pas être naïf face à la politique internationale que de voir combien ce comportement est dévastateur. De nombreux pays font des déclarations sur la démocratie et les droits humains, ce qui ne les empêche pas de signer des accords avec des régimes brutaux en raison de leur stratégie d’accès aux ressources essentielles. Mais dans le cas présent, l’Égypte est totalement dépendante de l’aide étrangère et du tourisme pour faire fonctionner son économie... il n’y a donc aucune raison pour qu’elle ne libère pas des prisonniers politiques si les pays démocratiques, qui disposent d’un moyen de pression, le demandent. L’absence de pression sur l’Égypte ne peut en aucun cas être considérée comme de la realpolitique.

    En novembre, l’Égypte va accueillir une conférence internationale sur le changement climatique. Environ 120 chefs d’État et de gouvernement se sont rendus à la dernière conférence en Écosse. Ils pourraient au moins obtenir des progrès avant de venir se montrer et faire comme si de rien n’était.

    En 2011, trois jours après sa naissance de son fils Khaled, Alaa a pu le voir en prison pendant une demi-heure et le tenir dix minutes dans ses bras.

    « En une demi-heure, j’ai changé ,et le monde autour de moi également » écrivit Alaa à propos de cette visite. « Maintenant, je sais pourquoi je suis en prison : il veulent me priver de la joie. Et maintenant, je comprends pourquoi je vais continuer à résister : la prison de détruira jamais mon amour. »

    On a volé toutes ces demi-heures à Alaa. Il est nécessaire que les gens au pouvoir fassent savoir au gouvernement égyptien que le monde n’a pas complètement abandonné celles et ceux qu’il a autrefois tant admiré, ces courageuses jeunes personnes qui se battaient pour un meilleur futur. Le moins que l’on puisse demander pour eux, ce sont de nouvelles demi-heures pour marcher et respirer librement, pour tenir leurs enfants dans les bras et continuer à rêver d’un autre monde.
    Alaa avec Khaled, 2019.

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Zeynep_Tufekci #Alaa_Abd_el-Fattah #Egypte

  • Tüfekçi Zeynep, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée
    https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/26224

    De fait, toujours dans l’avant-propos, l’hypothèse de travail est clairement énoncée : « L’internet permet à des mouvements connectés d’atteindre rapidement une masse critique, sans pour autant leur faire acquérir en amont les capacités d’organisation ou toute autre capacité collective, formelle ou informelle, qui les préparera aux inévitables problèmes à venir et les aidera à réagir en conséquence » (p. 13). Autrement dit, la connectivité et ses affordances perturbent les certitudes qui animaient l’espace public dont « les architectures sont altérées » par les technologies (p. 46) : la sphère publique connectée est configurée différemment de l’autre : « des personnes ordinaires bénéficient de nouveaux moyens de diffusion » (p. 47).

    Chiapas, Seattle, la place Tahrir, Hong Kong, New York (Occupy Wall Street) et, bien sûr, Istanbul : T. Zeynep écrit qu’elle était « au mauvais endroit au mauvais moment » (p. 17). En fait, non : elle était au contraire au bon endroit et au bon moment pour faire avancer l’approche critique des technologies passées au crible de l’organisation des mouvements anti-autoritaires de gauche et, plus généralement, de l’action politique. Précisément, cette approche n’est pas plus possible dans le feu de l’action : « Le “clicactivisme” relève d’une action facile demandant peu d’efforts ou d’engagement » (p. 32) en mettant ensemble des « personnes qui ne sont pas unies par de véritables liens » (p. 32) : la Révolution a besoin de temps et, désormais, elle ne peut plus suspendre son vol. Après tout, cela n’est pas étonnant que cela « ne marche pas » : si « la technologie contribue à créer de nouveaux modes d’organisation et de communication » (p. 196), « les grandes plateformes logicielles qui jouent désormais un rôle central dans l’organisation des mouvements sociaux du monde entier : Facebook, Twitter, Google et autres » (p. 37) ne sont-elles pas des Gafam ? Et, face aux Gafam, les témoignages humains, casuels, qui parsèment joliment le texte finissent par être émouvants (Sana l’Égyptienne, Mohamed le Tunisien, « les blogs de cuisine qui dialoguent avec les blogs politiques » [p. 59] ou le modèle des cupcakes pour Ahmed [p. 120], les 140journos et leur maîtrise des métadonnées quand ils relayent Istanbul et que les bulldozers sont menaçants, [p. 97]) car, « la gouvernance des sans leaders », comme celle des @TahrirSupplies, ne peut fonctionner que conjoncturellement, à l’image des barricades en France en 1853 (p. 115).

    « Fourmi critique », elle multiplie les pavés qu’il est impossible de décrire dans cette note comme les mécanismes très à géométrie variable de la censure (p. 245-251), l’analyse « digitalo-émotionnelle » du Ice Bucket Challenge vs Ferguson (p. 258-263) ou YoubeMom (p. 278-280), ou encore les discordances entre affordances, capacités narratives ou disruptives, voire électorales, mises en œuvre par les mouvements sociaux et les signaux de puissance éventuels lors de Occupy Wall Street ou Tea Party (l’ensemble du chapitre viii qui, selon l’auteure, « guide » la réflexion du livre) jusqu’au nettoyage des différentes places ici et ailleurs, pour faire comme à la maison (p. 166). Sans compter aussi avec « l’armée des Trolls » (p. 366) qui occupe le terrain des affordances conduisant aux nouvelles formes de censure, voire à la paralysie tactique, « le revers de la médaille » (p. 411).

    Enfin, un ultime mot pour saluer la traduction, à la fois respectueuse du style narrativo-critique de l’auteure, de la langue et du français. L’objectif de s’adresser aussi bien à des lycéens intéressés qu’à des militants et à des chercheurs est atteint. Le livre peut alors se terminer par une dernière histoire diachronique (et une dernière rencontre à une terrasse de café à Madrid avec une Indignada) qui hante et les mouvements sociaux et les chercheurs : « Preguntando caminamos ».

    #Zeynep Tufekci #Mouvements_sociaux

  • 141 | Zeynep Tufekci on Information and Attention in a Networked World – Sean Carroll
    https://www.preposterousuniverse.com/podcast/2021/04/05/141-zeynep-tufekci-on-information-and-attention-in-a-networked

    Podcast avec Zeynep Tufekci

    Le sujet est passionnant : comment passe-t-on de la censure (blocage) à l’activité de "noyer le poisson". Que devient la crédibilité dans un tel monde de manipulations croisées ?

    par l’autrice de « Twitter & les gaz lacrymogènes »
    https://cfeditions.com/lacrymo

    In a world flooded with information, everybody necessarily makes choices about what we pay attention to. This basic fact can be manipulated in any number of ways, from advertisers micro-targeting specific groups to repressive governments flooding social media with misinformation, or for that matter well-meaning people passing along news from sketchy sources. Zeynep Tufekci is a sociologist who studies the flow of information and its impact on society, especially through social media. She has provided insightful analyses of protest movements, online privacy, and the Covid-19 pandemic. We talk about how technology has been shaping the information space we all inhabit.

    #Zeynep_Tufekci #Manipulation #Information #Médias_sociaux

  • Covid-19 : comment la Chine mène une guerre de l’information pour réécrire les origines de la pandémie
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/26/l-offensive-de-pekin-pour-faire-oublier-le-virus-chinois_6074498_3210.html

    Long et passionnant article sur les méthodes de désinformation menées par la Chine autour de la pandémie Covid-19.
    Il est intéressant de voir que la stratégie médiatique du gouvernement chinois recouvre pleinement ce que Zeynep Tufekci décrit dans son livre "Twitter & les gaz lacrymogènes (https://cfeditions.com/lacrymo) : noyer le poisson est plus efficace que de censurer...

    Sur les réseaux sociaux ou auprès de l’OMS, la Chine fait parler sa propagande pour écrire un nouveau récit et convaincre le monde que le point de départ de la pandémie se trouve aux Etats-Unis.

    Quand Xi Jinping parle pour la première fois du nouveau coronavirus aux Chinois, le 20 janvier 2020, après un mois de silence, sa stratégie est fixée. Le dirigeant communiste part en guerre pour « résolument enrayer » l’épidémie. Il doit contrôler le désordre sanitaire qui a surgi au début de décembre 2019 à Wuhan, une ville de 11 millions d’habitants, et touche désormais Pékin et Shanghaï. Xi veut placer la Chine à l’avant-garde de la lutte planétaire qui s’engage. Il décide, surtout, de tout faire pour que le monde doute de l’origine du SARS-CoV-2. L’histoire doit oublier le « virus chinois ».

    Une puissante campagne de propagande d’Etat s’engage, dont tous les contours ne sont pas encore connus. Elle débute dans la sidération causée par le nouveau virus, en ce début d’année 2020. Pour les autorités chinoises, il convient d’abord de ne pas raviver le traumatisme du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), la première épidémie mondiale du XXIe siècle, qu’elles avaient mal gérée et qui avait paniqué l’Asie en 2002-2003 (774 morts dans le monde).

    A Wuhan, depuis plusieurs semaines, sévit une pneumonie. « Pour le moment, la police de Wuhan a arrêté huit personnes qui ont répandu des rumeurs liant la pneumonie au SARS », écrit le Global Times le 6 janvier 2020. Heureusement, « le virus trouvé à Wuhan apparaît beaucoup moins grave que celui qui a causé le SRAS », rassure, dans le journal d’Etat, Liu Youning, un épidémiologiste travaillant dans un hôpital militaire.

    La chaîne australienne ABC établira que, dès octobre 2019, des douzaines de personnes étaient hospitalisées avec des symptômes de fièvre et de toux dans la capitale régionale du Hubei. De leur côté, le New York Times et ProPublica révéleront que, pour dissimuler l’étendue de l’épidémie à ses débuts, la propagande chinoise s’est appuyée sur 3 200 directives et 1 800 mémos envoyés à des agents locaux dans tout le pays.

    Par ses aspects composites et ses modes opératoires, la campagne de propagande qui a tenté de convaincre le monde que l’origine du virus se trouve aux Etats-Unis est « une des plus emblématiques » menées récemment par la Chine, a expliqué, le 19 novembre 2020, Paul Charon, de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (Irsem), à Paris. S’exprimant dans le cadre du colloque Médias en Seine, ce chercheur a établi que « ce fut un exercice de manipulation de l’information relativement sophistiqué pour renverser la stigmatisation, s’inspirant des méthodes soviétiques des années 1970 et 1980 qui avaient été appliquées au virus du sida ».

    A l’appui de leur campagne, les services chinois ont créé un expert virtuel, « Larry Romanoff », titulaire de comptes sur les réseaux occidentaux. Cet avatar crée une centaine d’articles pseudo-scientifiques en huit mois, diffusés partout dans le monde, depuis un site complotiste canadien (Globalresearch.ca), jusqu’à un faux quotidien japonais, en passant par le canal d’un virologue taïwanais… Le 13 mars, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Zhao Lijian, endosse franchement la manipulation en citant le faux Romanoff. « Lisez son article, lance alors l’officiel, il apporte plus de preuves selon lesquelles le virus vient des Etats-Unis. »

    D’autres gouvernements, en Iran et au Venezuela, ont servi de relais à Pékin. Mais c’est avec Moscou, dont le ministère de la défense diffusait dès janvier 2020 la thèse du virus américain, que la conjonction des intérêts fut la plus organisée. La crise a servi de catalyseur, en donnant toute leur portée à des accords bilatéraux récents passés entre médias russes et chinois, portant sur des échanges de contenus, la promotion réciproque d’informations sociétales, ou le développement en ligne : accords de Sputnik avec l’agence officielle Xinhua, Global Times et Alibaba en 2017 ; entre l’agence extérieure russe Rossiya Segodnia et China Media Group en 2018 ; entre Rossiya Segodnia et Huawei en 2019.

    #Chine #Désinformation #Post-Truth #Post-vérité #Zeynep_Tufekci #Red_Mirror

  • Jeudi 11 juin, Zeynep Tufekci invitée des Matins de France Culture

    Zeynep Tufekci, l’autrice de « Twitter & les gaz lacrymogènes » sera ce jeudi 11 juin l’invitée exceptionnelle des Matins de France Culture. Elle sera interviewée par Guillaume Erner de 7h45 à 8h45.

    L’occasion, en direct ou en podcast, de mieux connaître cette « technosociologue » dont nous avons publié la traduction française (par Anne Lemoine, qui a fait un excellent travail).

    Twitter & les gaz lacrymogènes
    Forces et fragilités de la contestation connectée
    Zeynep Tufekci
    ISBN 978-2-915825-95-4 - 430 p. - 29 €
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Zeynep Tufekci est de plus en plus remarquée aux États-Unis et partout dans le monde pour les suites qu’elle a donné à son livre, en particulier dans des éditoriaux dans The Atlantic ou The New York Times. Elle a été, dès le mois de janvier, une des premières à promouvoir la « distanciation sociale » et le port du masque, quand son pays ne croyais pas au virus. Elle revenait de Hong Kong et avait pu comprendre la situation. De même, elle est en pointe sur les questions des médias sociaux et de l’élection de Trump (notamment le débat actuel entre Twitter et Facebook). Elle est enfin partie prenante des mobilisations anti-racistes qui secouent les États-Unis (et qui s’étendent, notamment chez nous). Le bon moment pour une interview.

    Je vous mets ci-après pour celles et ceux qui lisent l’anglais une liste de référence de ses articles récents sur ces sujets.

    Nous avons également produit un petit livre numérique autour de Zeynep Tufekci, intitulé « Le monde révolté ». Celui-ci comporte la traduction d’un texte autobiographique de Zeynep et un long article de Gus Massiah. Il est gratuit (complètement, on ne demande même pas de mail ou autre, cadeau on vous dit). Vous pouvez l’obtenir à :
    https://cfeditions.com/monde-revolte

    Bonne écoute et bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    Voici quelques références récentes sur les publications de Zeynep Tufekci en anglais pour celles et ceux qui lisent la langue de Shakespeare.

    Preparing for Coronavirus to Strike the U.S. - Scientific American Blog Network
    https://blogs.scientificamerican.com/observations/preparing-for-coronavirus-to-strike-the-u-s

    Opinion | Why Telling People They Don’t Need Masks Backfired - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2020/03/17/opinion/coronavirus-face-masks.html

    What Really Doomed America’s Coronavirus Response - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/03/what-really-doomed-americas-coronavirus-response/608596

    Closing the Parks Is Ineffective Pandemic Theater - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/health/archive/2020/04/closing-parks-ineffective-pandemic-theater/609580

    Don’t Wear a Mask for Yourself - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/health/archive/2020/04/dont-wear-mask-yourself/610336

    Trump’s Executive Order Isn’t About Twitter - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/05/trumps-executive-order-isnt-about-twitter/612349

    The Case for Social Media Mobs - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/05/case-social-media-mobs/612202

    How a Bad App—Not the Russians—Plunged Iowa Into Chaos - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/02/bad-app-not-russians-plunged-iowa-into-chaos/606052

    Hong Kong Protests : Inside the Chaos - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/international/archive/2019/11/escalating-violence-hong-kong-protests/601804

    #Zeynep_Tufekci #France_Culture

  • Numérique, communs et notre avenir politique

    Bonjour,

    Les trois derniers ouvrages publiés par C&F éditions sont en phase avec la période politique actuelle : comment trouver de nouvelles perspectives.

    « Twitter & les gaz lacrymogènes » de Zeynep Tufekci essaie de voir comment le numérique est devenu à la fois un outil pour les mouvements sociaux connectés, mais également un nouveau terrain d’affrontement entre dominants et dominés. S’il aide aux mobilisations, le numérique, et notamment les médias sociaux, dépose une partie des clés dans les mains des méga-entreprises de l’économie de l’attention. Les États ont compris comment tirer partie de cette nouvelle situation, en ayant maintenant de véritables pratiques de domination au cœur même des échanges dans les médias sociaux. L’État n’est plus simplement un élément de la surveillance globale, mais aussi un acteur diffusant des informations pour contrer les formes auto-organisées des mouvements sociaux et accaparer l’attention.

    Un ouvrage éclairant, écrit par une sociologue qui connaît à la fois le numérique (elle fut développeuse) et les mouvements sociaux.

    Twitter & les gaz lacrymogènes
    Zeynep Tufekci
    trad. de l’anglais par Anne Lemoine
    ISBN 978-2-915825-95-4 - 29 €
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Ensuite, nous avons publié deux ouvrages dans la collection "Interventions" autour de la question des communs, qui se dessine comme étant la véritable alternative capable de s’inscrire dans les transitions qui vont devoir être réalisées dans le court terme.

    « La cité en commun : des biens communs au municipalisme » par César Rendueles et Joan Subirats part de l’expérience des "villes sans peur", notamment de Barcelone, pour réfléchir à l’articulation entre la théorie des communs et les pratiques des nouvelles municipalités. Le débat entre ces deux chercheurs également engagés dans la vie sociale est riche, sans tabou et soulève de nombreuses questions pratiques et théoriques.

    La cité en communs : des biens communs au municipalisme
    César Rendueles & Joan Subirats
    trad. de l’espagnol par Alain Ambrosi
    ISBN 978-2-915825-96-1 - 18 €
    https://cfeditions.com/municipalisme

    Enfin, nous avons publié, pour fêter les dix ans de l’attribution du "Nobel d’économie" à Elinor Ostrom, le texte de son discours, augmenté d’une préface très éclairante de Benjamin Coriat.

    Discours de Stockholm en réception du Nobel d’économie 2009
    Elinor Ostrom
    trad. de l’anglais par Jay Demazière et Hervé Le Crosnier
    préface de Benjamin Coriat
    ISBN 978-2-915825-99-2 - 16 €

    Une dernière remarque : plusieurs lectrices et lecteurs nous ont indiqué qu’il n’y avait pas à proprement parler de "Nobel d’économie". C’est bien entendu exact : l’économie n’était pas considérée comme une science à l’époque des frères Nobel. Le prix est donc décerné par la Banque de Suède, ce qui évidemment fait pencher la balance vers une certaine approche de l’économie. Pour le reste, ce prix reprend les mêmes règles de fonctionnement que les autres prix Nobel : un jury, indépendant (...autant que tout jury scientifique puisse l’être), et une cérémonie calquée sur les autres prix Nobel. Si bien que le raccourci "Nobel d’économie" nous semble tout à fait justifié... Les événements récents du Nobel de Littérature nous montrent que chaque prix accordé avec un tel retentissement mondial est entaché de rapports de forces, de groupes de pression, de réseaux d’influence, et en l’occurrence d’une orientation et pratique machiste exécrable (et heureusement juridiquement condamnée).... On peut donc se réjouir du Nobel accordé à Bob Dylan (comme je le fait) ou s’offusquer de celui de Peter Handke (idem), sans pour autant ni sacraliser, ni dénigrer en soi l’institution qui les a accordés.

    Tout "Nobel" est un signal que chacun peut utiliser en fonction de ses approches et de ses objectifs... c’est pourquoi nous nous sommes, dès 2009, félicités du "Nobel d’économie" accordé à Elinor Ostrom, à la fois parce que c’était la première fois qu’une femme était récompensée, mais aussi pour les thèmes soulevés par Elinor Ostrom, sa méthode coopérative de recherche (largement soulignée dans le discours) et l’esprit humaniste avec lequel elle aborde l’économie. Tous éléments que vous retrouverez dans son « Discours de Stockholm ».

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #C&F_éditions

  • À propos du livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes"

    Bonjour,

    En ce 5 décembre, alors que la France se couvre de manifestations, c’est un bon moment pour revenir sur le livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes".

    Dans ce livre très incisif, l’activiste, informaticienne et sociologue Zeynep Tufekci décortique les mouvements sociaux connectés. En quoi et comment les médias sociaux changent l’activité militante et les mouvements de masse en leur offrant écho et outil de coordination, d’un côté. En quoi la concentration et le caractère privé des médias sociaux et de leurs algorithmes peuvent détourner l’attention des causes défendues par les mouvements, de l’autre.

    Après avoir reçu un très bon accueil aux États-Unis, les premières lectures et recensions de ce livre majeur commencent à paraître en France :

    – « Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat »
    par Sandrine Samii dans Le nouveau Magazine Littéraire.
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/soci%C3%A9t%C3%A9-nouvelles-technologies/mobilisation-connect%C3%A9e-aller-au-del%C3%A0-du-coup-

    – « Fiche de lecture : Twitter & les gaz lacrymogènes »
    par Stéphane Bortzmeyer sur son blog.
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    – « Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée »
    par Matthieu Demory dans "Lectures/Lien Socio".
    https://journals.openedition.org/lectures/38417

    Au delà d’un compte rendu critique, la recension de Gustave Massiah, militant altermondialiste, membre du Secrétariat international du Forum Social Mondial, et infatigable activiste de la solidarité internationale dans de nombreuses associations, mérite une attention particulière.

    Gus Massiah, au delà d’une recension du contenu du livre s’est livré à un exercice dynamique : quelles leçons tirer de cet ouvrage qui puisse servir les mouvements sociaux connectés du XXIe siècle. Une version raccourcie de ce papier sera publiée dans la revue Ecorev au début de 2020. Nous avons ajouté une version pdf à télécharger de son article complet sur notre site :
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Car au fond, l’intérêt d’un livre, c’est que chacun·e puisse poursuivre la réflexion entamée. C’est pour cela que, depuis la naissance de l’imprimerie, les livres ont accompagné tous les mouvements d’émancipation.

    En ce premier jour d’un mouvement social en France, je voudrais termioner en citant la conclusion de l’article de Sandrine Samii dans Le Nouveau Magazine Littéraire :

    « Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il développe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. »

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions

  • Recension de « Twitter & les gaz lacrymogènes » par Stéphane Bortzmeyer
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    Beaucoup de textes ont été écrits sur le rôle de l’Internet, et des réseaux sociaux centralisés, comme Facebook ou Twitter, dans des évènements politiques. Ce fut le cas, par exemple, du printemps arabe. L’auteure explore, dans ce livre très riche et très rigoureux, tous les aspects de cette relation entre les militants et les techniques d’information et de communication. Twitter peut-il battre les gaz lacrymogènes ?

    Une des raisons pour lesquelles bien des discours sur les mouvements politiques utilisant l’Internet sont très unilatéraux est que beaucoup de leurs auteurs sont des férus de technique qui ne connaissent pas grand’chose à la politique, et qui découvrent comme s’ils étaient les premiers à militer, ou bien ils sont des connaisseurs de la politique, mais complètement ignorants de la technique, dont il font un tout, animé d’une volonté propre (les fameux « algorithmes »), et pas des outils que les gens vont utiliser. L’auteure, au contraire, informaticienne, puis chercheuse en sciences politiques, connait bien les deux aspects. Elle a étudié en profondeur de nombreux mouvements, les zapatistes au Mexique, Occupy Wall Street, l’occupation du parc Gezi, Black Lives Matter, les révolutions tunisienne et égyptienne, en étant souvent sur le terrain, à respirer les gaz lacrymogènes. (Les gilets jaunes n’y sont pas, bien que ce mouvement mériterait certainement d’être étudié dans son rapport à Facebook, mais le livre a été publié avant.) Et elle analyse le rôle de l’Internet, en chercheuse qui le connait bien, en voit les forces et les limites.

    Parmi les affordances de l’Internet, il y a le fait que beaucoup de choses sont possibles sans organisation formelle. Des mouvements très forts (comme celui du parc Gezi) ont été possibles sans qu’un parti traditionnel ne les structure et ne les dirige. Mais, bien sûr, cet avantage a aussi une face négative : puisque la nécessité d’une organisation n’est pas évidente, on peut se dire qu’on peut s’en passer. Au début, ça se passe effectivement bien, sans les lourdeurs bureaucratiques exaspérantes. Mais, ensuite, les problèmes surgissent : le pouvoir en place fait des ouvertures. Comment y répondre ? Ou bien il change de tactique, et le mouvement doit s’adapter. Et, là, l’absence d’un mécanisme de prise de décision commun se fait sentir, et beaucoup de mouvements s’affaiblissent alors, permettant à la répression de disperser ce qui reste.

    Léger reproche à l’auteure : elle ne discute pas ce qui pourrait arriver avec d’autres outils que les gros réseaux centralisés étatsuniens comme Facebook ou Twitter. Il est vrai qu’on manque encore d’exemples détaillés à utiliser, il n’y a pas encore eu de révolution déclenchée sur le fédivers ou via Matrix.

    Je n’ai donné qu’une idée très limitée de ce livre. Il est très riche, très nuancé, l’auteure a vraiment tenu à étudier tout en détail, et aucun résumé ne peut donc suffire. En conclusion, un livre que je recommande à toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde et se demandent comment faire. Il n’est ni optimiste, ni pessimiste sur le rôle de l’Internet dans les révolutions : « ni rire, ni pleurer, mais comprendre »

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions #Stéphane_Bortzmeyer