person:norbert wiener

  • Trois livres passionnants lus récemment sur #politique, #design, #cybernétique et #architecture

    Kevin Limonier, L’Archipel des savants , Histoire des anciennes villes d’élite du complexe scientifique soviétique
    Révélé par Soljenitsyne en 1973, le Goulag n’était pas le seul archipel créé par le pouvoir soviétique. Un autre système d’îlots urbains s’est développé dès les années 1950, afin de produire les instruments de la puissance soviétique. Longtemps « invisibles », ces villes fermées, voire non cartographiées, ont produit durant la guerre froide le nec plus ultra scientifique et militaire nécessaire à la compétition technologique est-ouest : essais atomiques, réacteurs nucléaires, accélérateurs de particules, ordinateurs, modules spatiaux. Un siècle après la Révolution d’Octobre 1917, l’essai de Kevin Limonier s’applique à décrire les mutations de Baïkonour,
    Obninsk, Doubna ou Akademgorodok, depuis l’URSS de Khrouchtchev jusqu’à la Russie de Vladimir Poutine.

    Eden Medina Le Projet Cybersyn, La cybernétique socialiste dans le Chili de Salvador Allende
    http://editions-b2.com/les-livres/70-eden-medina-le-projet-cybersyn.html
    e 1970 à 1973, la présidence de Salvador Allende (1908-1973) entendit gérer la transition de l’économie chilienne du capitalisme vers le socialisme. Sous la direction du Britannique Stafford Beer (1926-2002), « père de la gestion cybernétique » adoubé par Norbert Wiener, une équipe interdisciplinaire conçut les modèles cybernétiques d’usines du secteur nationalisé de l’économie, et créa un réseau informatique de collecte et transmission rapides des données économiques entre le gouvernement et les ateliers de production. Bien que jamais activée, sa salle de contrôle dessinée au sein du Palais présidentiel par Gui Bonsiepe (1934- ), étudiant de l’école de design d’Ulm (où il enseigna de 1960 à 1968), constituait la partie visible de ce dispositif...


    John Harwood L’Odyssée de l’espace IBM
    http://editions-b2.com/les-livres/67-l-odyssee-de-l-espace-ibm.html
    L’Odyssée de l’espace IBM est d’abord une histoire des années 1950 : celle liant le nouveau PDG d’IBM, Thomas Watson Jr., à ses corporate designers, l’architecte Eliot Noyes et le publiciste Paul Rand. Ensemble, ils feront de la firme le n°1 mondial de l’informatique. Dans son essai, John Harwood retrace cette saga au sein de l’espace moderniste réinventant le rapport entre intérieur et extérieur, et entre hardware et software. Des bâtiments et machines « IBM » à ses conseils pour le film 2001de Stanley Kubrick, Noyes aura façonné un univers d’entreprise au sens strict, identité homogène et monde clos héritiers du style international et du brutalisme américains, mais augmentés des bunkers SAGE, des tele-computer centers et des white rooms...

    Un peu cher l’exemplaire, mais je crois que c’est un petit #éditeur.

  • The Complicated Legacy of Stewart Brand’s “Whole Earth Catalog” | The New Yorker
    https://www.newyorker.com/news/letter-from-silicon-valley/the-complicated-legacy-of-stewart-brands-whole-earth-catalog

    At the height of the civil-rights movement and the war in Vietnam, the “Whole Earth Catalog” offered a vision for a new social order—one that eschewed institutions in favor of individual empowerment, achieved through the acquisition of skills and tools. The latter category included agricultural equipment, weaving kits, mechanical devices, books like “Kibbutz: Venture in Utopia,” and digital technologies and related theoretical texts, such as Norbert Wiener’s “Cybernetics” and the Hewlett-Packard 9100A, a programmable calculator. “We are as gods and might as well get used to it” read the first catalogue’s statement of purpose. “A realm of intimate, personal power is developing—power of the individual to conduct his own education, find his own inspiration, shape his own environment, and share his adventure with whoever is interested.”

    The communes eventually collapsed, for the usual reasons, which included poor resource management, factionalism, and financial limitations. But the “Whole Earth Catalog,” which published quarterly through 1971 and sporadically thereafter, garnered a cult following that included founders of Airbnb and Stripe and also early employees of Facebook.

    Last month, on a brisk and blindingly sunny Saturday, over a hundred alumni of the “Whole Earth Catalog” network—Merry Pranksters, communards, hippies, hackers, entrepreneurs, journalists, and futurists—gathered to celebrate the fiftieth anniversary of the publication, and, per the invitation, to come together “one last time.” The event was held at the San Francisco Art Institute, a renovated wharf warehouse with vaulted ceilings, views of Alcatraz, and the cool sterility of an empty art gallery. A number of early-Internet architects, including Larry Brilliant, Lee Felsenstein, and Ted Nelson, floated around the room. Several alumni had scribbled their well usernames onto their badges.

    A week after the reunion, Brand and I spoke over the phone, and he emphasized that he had little nostalgia for “Whole Earth.” “ ‘The Whole Earth Catalog’ is well and truly obsolete and extinct,” he said. “There’s this sort of abiding interest in it, or what it was involved in, back in the day, and so the reunion was a way for the perpetrators to get together and have a drink and piss on the grave.” Brand continued, “There’s pieces being written on the East Coast about how I’m to blame for everything,” from sexism in the back-to-the-land communes to the monopolies of Google, Amazon, and Apple. “The people who are using my name as a source of good or ill things going on in cyberspace, most of them don’t know me at all,” he said. “They’re just using a shorthand. You know, magical realism: Borges. You mention a few names so you don’t have to go down the whole list. It’s a cognitive shortcut.”

    Brand now describes himself as “post-libertarian,” a shift he attributes to a brief stint working with Jerry Brown, during his first term as California’s governor, in the nineteen-seventies, and to books like Michael Lewis’s “The Fifth Risk,” which describes the Trump Administration’s damage to vital federal agencies. “ ‘Whole Earth Catalog’ was very libertarian, but that’s because it was about people in their twenties, and everybody then was reading Robert Heinlein and asserting themselves and all that stuff,” Brand said. “We didn’t know what government did. The whole government apparatus is quite wonderful, and quite crucial. [It] makes me frantic, that it’s being taken away.” A few weeks after our conversation, Brand spoke at a conference, in Prague, hosted by the Ethereum Foundation, which supports an eponymous, open-source, blockchain-based computing platform and cryptocurrency. In his address, he apologized for over-valorizing hackers. “Frankly,” he said, “most of the real engineering was done by people with narrow ties who worked nine to five, often with federal money.”

    While antagonism between millennials and boomers is a Freudian trope, Brand’s generation will leave behind a frightening, if unintentional, inheritance. My generation, and those after us, are staring down a ravaged environment, eviscerated institutions, and the increasing erosion of democracy. In this context, the long-term view is as seductive as the apolitical, inward turn of the communards from the nineteen-sixties. What a luxury it is to be released from politics––to picture it all panning out.

    #Stewart_Brand #Utopie_numérique

  • Les Chimpanzés du futur – contre le transhumanisme
    https://chimpanzesdufutur.wordpress.com

    Dès les années Trente, le national-révolutionnaire Ernst Jünger, critiquait le racisme biologique et grossier des nationaux-socialistes, pour lui opposer l’avènement d’un nouveau type d’humanité : Le Travailleur – en tchèque, le robot.

    Ces progressistes au plan technologique sont des régressistes au plan social et humain, des partisans de la pire régression sociale et humaine ; ce qu’en langage commun on nomme des réactionnaires. Le nazisme, le fascisme et le communisme n’ont succombé que face au surcroît de puissance technoscientifique des Etats-Unis. Mais l’essence du mouvement, la volonté de puissance technoscientifique, s’est réincarnée et amplifiée à travers de nouvelles enveloppes politiques. Le laboratoire est florissant d’où s’est enfuie la créature immonde. Dès 1945, Norbert Wiener mettait au point la cybernétique, la « machine à gouverner » et « l’usine automatisée », qu’IBM implante aujourd’hui sous le nom de « planète intelligente ». C’est-à-dire la fourmilière technologique ubiquitaire, avec ses rouages et ses connexions, ses insectes sociaux-mécaniques qui se nommaient eux-mêmes, jadis, des zoon politikon, des animaux politiques.
    ...
    Cependant, nous les chimpanzés du futur, nous n’avons pas perdu, et la machine n’a pas gagné.
    L’Humain reste une bataille en cours tant qu’il ne s’abandonne pas, et il ne s’abandonne pas tant qu’il pense les choses et les dit avec des mots. Nommer une chose, c’est former une idée, et les idées ont des conséquences inévitables. Nous devons garder les mots et nommer les choses du mot juste. Nous devons former des idées avec leurs conséquences inévitables.

    Les transhumanistes n’ont qu’une idée : la technologie.
    Nous, chimpanzés du futur, n’avons qu’une technologie : les idées.
    Cependant les idées sont plus actives, plus rapides, plus performantes que n’importe quelle technologie ; plus véloces et puissantes qu’Internet et l’électricité.

    Nous disons : le transhumanisme est un nazisme en milieu scientifique. C’est ce techno-totalitarisme, ce « fascisme » de notre temps que nous combattons, nous, animaux politiques : Et nous vous appelons à l’aide.

    Sauvons les mots.

    Brisons les machines.

    Reproduisez et répandez l’Appel des Chimpanzés du futur.

    Grenoble, le 5 novembre 2014

    #eugénisme #transhumanisme #fascisme

  • The Shallowness of Google Translate - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2018/01/the-shallowness-of-google-translate/551570

    Un excellent papier par Douglas Hofstadter (ah, D.H., Godel, Escher et Bach... !!!)

    As a language lover and an impassioned translator, as a cognitive scientist and a lifelong admirer of the human mind’s subtlety, I have followed the attempts to mechanize translation for decades. When I first got interested in the subject, in the mid-1970s, I ran across a letter written in 1947 by the mathematician Warren Weaver, an early machine-translation advocate, to Norbert Wiener, a key figure in cybernetics, in which Weaver made this curious claim, today quite famous:

    When I look at an article in Russian, I say, “This is really written in English, but it has been coded in some strange symbols. I will now proceed to decode.”

    Some years later he offered a different viewpoint: “No reasonable person thinks that a machine translation can ever achieve elegance and style. Pushkin need not shudder.” Whew! Having devoted one unforgettably intense year of my life to translating Alexander Pushkin’s sparkling novel in verse Eugene Onegin into my native tongue (that is, having radically reworked that great Russian work into an English-language novel in verse), I find this remark of Weaver’s far more congenial than his earlier remark, which reveals a strangely simplistic view of language. Nonetheless, his 1947 view of translation-as-decoding became a credo that has long driven the field of machine translation.

    Before showing my findings, though, I should point out that an ambiguity in the adjective “deep” is being exploited here. When one hears that Google bought a company called DeepMind whose products have “deep neural networks” enhanced by “deep learning,” one cannot help taking the word “deep” to mean “profound,” and thus “powerful,” “insightful,” “wise.” And yet, the meaning of “deep” in this context comes simply from the fact that these neural networks have more layers (12, say) than do older networks, which might have only two or three. But does that sort of depth imply that whatever such a network does must be profound? Hardly. This is verbal spinmeistery .

    I began my explorations very humbly, using the following short remark, which, in a human mind, evokes a clear scenario:

    In their house, everything comes in pairs. There’s his car and her car, his towels and her towels, and his library and hers.

    The translation challenge seems straightforward, but in French (and other Romance languages), the words for “his” and “her” don’t agree in gender with the possessor, but with the item possessed. So here’s what Google Translate gave me:

    Dans leur maison, tout vient en paires. Il y a sa voiture et sa voiture, ses serviettes et ses serviettes, sa bibliothèque et les siennes.

    We humans know all sorts of things about couples, houses, personal possessions, pride, rivalry, jealousy, privacy, and many other intangibles that lead to such quirks as a married couple having towels embroidered “his” and “hers.” Google Translate isn’t familiar with such situations. Google Translate isn’t familiar with situations, period. It’s familiar solely with strings composed of words composed of letters. It’s all about ultrarapid processing of pieces of text, not about thinking or imagining or remembering or understanding. It doesn’t even know that words stand for things. Let me hasten to say that a computer program certainly could, in principle, know what language is for, and could have ideas and memories and experiences, and could put them to use, but that’s not what Google Translate was designed to do. Such an ambition wasn’t even on its designers’ radar screens.

    It’s hard for a human, with a lifetime of experience and understanding and of using words in a meaningful way, to realize how devoid of content all the words thrown onto the screen by Google Translate are. It’s almost irresistible for people to presume that a piece of software that deals so fluently with words must surely know what they mean. This classic illusion associated with artificial-intelligence programs is called the “Eliza effect,” since one of the first programs to pull the wool over people’s eyes with its seeming understanding of English, back in the 1960s, was a vacuous phrase manipulator called Eliza, which pretended to be a psychotherapist, and as such, it gave many people who interacted with it the eerie sensation that it deeply understood their innermost feelings.

    To me, the word “translation” exudes a mysterious and evocative aura. It denotes a profoundly human art form that graciously carries clear ideas in Language A into clear ideas in Language B, and the bridging act not only should maintain clarity, but also should give a sense for the flavor, quirks, and idiosyncrasies of the writing style of the original author. Whenever I translate, I first read the original text carefully and internalize the ideas as clearly as I can, letting them slosh back and forth in my mind. It’s not that the words of the original are sloshing back and forth; it’s the ideas that are triggering all sorts of related ideas, creating a rich halo of related scenarios in my mind. Needless to say, most of this halo is unconscious. Only when the halo has been evoked sufficiently in my mind do I start to try to express it—to “press it out”—in the second language. I try to say in Language B what strikes me as a natural B-ish way to talk about the kinds of situations that constitute the halo of meaning in question.

    This process, mediated via meaning, may sound sluggish, and indeed, in comparison with Google Translate’s two or three seconds per page, it certainly is—but it is what any serious human translator does. This is the kind of thing I imagine when I hear an evocative phrase like “deep mind.”

    A friend asked me whether Google Translate’s level of skill isn’t merely a function of the program’s database. He figured that if you multiplied the database by a factor of, say, a million or a billion, eventually it would be able to translate anything thrown at it, and essentially perfectly. I don’t think so. Having ever more “big data” won’t bring you any closer to understanding, since understanding involves having ideas, and lack of ideas is the root of all the problems for machine translation today. So I would venture that bigger databases—even vastly bigger ones—won’t turn the trick.

    Another natural question is whether Google Translate’s use of neural networks—a gesture toward imitating brains—is bringing us closer to genuine understanding of language by machines. This sounds plausible at first, but there’s still no attempt being made to go beyond the surface level of words and phrases. All sorts of statistical facts about the huge databases are embodied in the neural nets, but these statistics merely relate words to other words, not to ideas. There’s no attempt to create internal structures that could be thought of as ideas, images, memories, or experiences. Such mental etherea are still far too elusive to deal with computationally, and so, as a substitute, fast and sophisticated statistical word-clustering algorithms are used. But the results of such techniques are no match for actually having ideas involved as one reads, understands, creates, modifies, and judges a piece of writing.

    Let me return to that sad image of human translators, soon outdone and outmoded, gradually turning into nothing but quality controllers and text tweakers. That’s a recipe for mediocrity at best. A serious artist doesn’t start with a kitschy piece of error-ridden bilgewater and then patch it up here and there to produce a work of high art. That’s not the nature of art. And translation is an art.

    In my writings over the years, I’ve always maintained that the human brain is a machine—a very complicated kind of machine—and I’ve vigorously opposed those who say that machines are intrinsically incapable of dealing with meaning. There is even a school of philosophers who claim computers could never “have semantics” because they’re made of “the wrong stuff” (silicon). To me, that’s facile nonsense. I won’t touch that debate here, but I wouldn’t want to leave readers with the impression that I believe intelligence and understanding to be forever inaccessible to computers. If in this essay I seem to come across sounding that way, it’s because the technology I’ve been discussing makes no attempt to reproduce human intelligence. Quite the contrary: It attempts to make an end run around human intelligence, and the output passages exhibited above clearly reveal its giant lacunas.

    From my point of view, there is no fundamental reason that machines could not, in principle, someday think, be creative, funny, nostalgic, excited, frightened, ecstatic, resigned, hopeful, and, as a corollary, able to translate admirably between languages. There’s no fundamental reason that machines might not someday succeed smashingly in translating jokes, puns, screenplays, novels, poems, and, of course, essays like this one. But all that will come about only when machines are as filled with ideas, emotions, and experiences as human beings are. And that’s not around the corner. Indeed, I believe it is still extremely far away. At least that is what this lifelong admirer of the human mind’s profundity fervently hopes.

    When, one day, a translation engine crafts an artistic novel in verse in English, using precise rhyming iambic tetrameter rich in wit, pathos, and sonic verve, then I’ll know it’s time for me to tip my hat and bow out.

    #Traduction #Google_translate #Deep_learning

  • http://www.internetactu.net/a-lire-ailleurs/resister-a-la-reduction-un-manifeste

    Lien vers le texte (long) :

    https://pubpub.ito.com/pub/resisting-reduction

    oi Ito (@joi), le patron du Media Lab du MIT (voir nos récents articles : « L’avenir est-il à l’antidisciplinarité ? » et « Vers l’intelligence étendue ? ») vient de publier un très intéressant manifeste intitulé « Résister à la réduction ». Pour lui, explique-t-il nous sommes menacés par une réduction de sens et de valeur.

    S’inspirant de Norbert Wiener et notamment de Cybernétique et société (dont la traduction littérale du titre originel serait plutôt « L’usage humain des êtres humains »), le paradigme de notre civilisation s’est simplifié tant et si bien qu’il a perdu de vue ses missions d’origines. La valeur et la complexité se sont concentrées de plus en plus sur la priorisation d’une croissance financière exponentielle, menées par des entreprises à but lucratif qui n’ont cessé de gagner autonomie, droits, pouvoir et influences sans aucune régulation. Le comportement de ces entités est devenu un cancer, avance-t-il sans ambages. Alors que les cellules saines régulent leur croissance et répondent à leur environnement, les cellules cancéreuses, elles, optimisent leur croissance sans contrainte et se propagent sans tenir compte de leur fonction ou de leur contexte.

    Les modalités d’intervention dans un système dans l’ordre croissant de leur efficacité, par Donella Meadow :

    12 : Constantes, paramètres, nombres (comme les subventions, taxes, normes).
    11. La taille des tampons et autres stabilisateurs par rapport à leurs débits.
    10. La structure des stocks et des flux matériels (tels que les réseaux de transport, les structures d’âge de la population).
    9 La longueur des retards par rapport au taux de changement du système.
    8. La force des boucles de rétroaction négative par rapport aux impacts qu’elles tentent de corriger.
    7. Le gaindes boucles de rétroaction positives.
    6. La structure des flux d’informations (qui a ou n’a pas accès à l’information).
    5. Les règles du système (comme les incitations, punitions, contraintes).
    4. Le pouvoir d’ajouter, de modifier, de faire évoluer ou d’auto-organiser la structure du système.
    3. Les objectifs du système.
    2. L’état d’esprit ou le paradigme à partir duquel le système (c’est-à-dire ses objectifs, sa structure de pouvoir, ses règles ou sa culture) se pose.
    1. Le pouvoir de transcender les paradigmes.

  • affordance.info : La loi de l’offre et de l’attentat.
    http://www.affordance.info/mon_weblog/2017/06/loi-de-loffre-et-de-lattentat.html
    http://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef01b8d289b636970c-600wi

    L’algorithme commet des erreurs, mais la faute est (toujours) humaine.

    Comme d’autres, l’algorithme d’Uber est scruté à la loupe par chercheurs et analystes à grands coups de « reverse engineering ». Des études ont déjà permis de mettre en évidence des « phantom cars », voitures fantômes simplement supposées faire croire à l’utilisateur qu’un chauffeur est à portée pour lui éviter de se tourner vers un autre service, mais qui permettent aussi de tromper les autorités. Comme l’analyse ce même article, au-delà du grand enjeu technologique de l’analyse du traffic et de la demande en temps-réel avec les divers services de géolocalisation, il est avéré que cette « tarification dynamique » est aussi instrumentalisée par Uber pour une forme de management par le stress, alertant par exemple les chauffeurs à l’avance sur une soudaine et prochaine montée de la demande qui n’a pour but que de les inciter à davantage de rendement. Comme il est avéré que l’asymétrie produite et organisée par l’algorithme est fondamentale dans la capacité de contrôle qu’Uber exerce sur ses chauffeurs. Les notifications comme nouveaux contremaîtres. Et les algorithmes temps-réel comme nouveau parangon de la psychologie comportementale. Le risque d’un esclavage 2.0.

    « toute main-d’œuvre, dès lors qu’elle est mise en concurrence avec un esclave, que l’esclave soit humain ou mécanique, doit accepter les conditions de travail de l’esclave. »

    Le dangereux Marxiste auteur de cette phrase est aussi le père de la cybernétique. Norbert Wiener dans la lettre qu’il adressa au syndicaliste Walter Reuther en ... 1949.

  • Robots et Travail - Le progrés sans le peuple ?
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article946

    Enregistrement de la conférence-débat. Samedi 11 mars à 14H30 à Mix’Art Myrys, à l’initiative de l’Université Populaire de Toulouse, du TétaLab et de ComUniTIC. « Toute main d’œuvre mise en concurrence avec un esclave, humain ou mécanique, doit accepter les conditions de travail de l’esclave. » Norbert Wiener Avec : Célia Izoard, journaliste pour la Revue Z, auteure et traductrice (Luddites en France, Le Progrès sans le Peuple, Un futur sans avenir, La machine est ton seigneur et maitre…) David (...)

    Sciences & société

    #Sciences_&_société

  • Robots et Travail - Le progrés sans le peuple ?
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article911

    L’Université Populaire deToulouse, le TétaLab et ComUniTIC vous invitent le samedi 11 mars à 14H30 à Mix’Art Myrys, 12 rue Ferdinand Lassalle, Toulouse. « Toute main d’œuvre mise en concurrence avec un esclave, humain ou mécanique, doit accepter les conditions de travail de l’esclave. » Norbert Wiener Avec : Célia Izoard, journaliste pour la Revue Z, auteure et traductrice (Luddites en France, Le Progrès sans le Peuple, Un futur sans avenir, La machine est ton seigneur et maitre…) David Gaborieau, (...)

    #Programme_d'activités

  • Lumières versus #transhumanisme

    « Le transhumanisme, c’est le post-modernisme en action »
    PMO (Groupe Pièce et Main d’Œuvre – Grenoble)

    Dans un précédent numéro d’@Anarchosyndicalisme ! (n°150) nous avions tenté de présenter le transhumanisme et ses chimères (http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article824). Nous avions rappelé comment, sous couvert d’améliorations thérapeutiques, sa propagande parvient à rallier un nombre important de scientifiques et d’universitaires dont les recherches dans les domaines des NBIC (nano, biotechnologie, informatique et sciences cognitives) bénéficient de financements colossaux de la part de sociétés comme Google et consort. Nous nous étions attachés à montrer comment cet « humain amélioré », dit post-humain, ce cyborg dont rêvent les transhumanistes, côtoierait, dans une société cauchemardesque, ceux qui n’auraient pas pu ou voulu s’améliorer, les « chimpanzés du futur », restés tout simplement au stade naturel de leur humanité. Ils se verraient donc dominés par une caste de surhumains à l’intelligence décuplée (par des implants cérébraux directement reliés à des ordinateurs) à la longévité et à la force prodigieuse.

    Nous souhaitons approfondir cette première réflexion en nous attelant à la tâche ardue de rendre compte de l’ouvrage remarquable de Nicolas Le Dévédec, « La Société de l’amélioration : la perfectibilité humaine des Lumières au transhumanisme » (2015, éditions Liber), dont l’ambition est de comprendre comment s’est opéré un renversement complet de l’idéal humaniste des #Lumières, comment l’amélioration de l’être humain dans et par la société a fait place à une conception adaptative et modificatrice de l’identité humaine. Ce lent basculement de l’idée de progrès de la sphère politique à la seule sphère technoscientifique (basculement qui culmine avec le transhumanisme) ne s’est pas fait en un jour. Il est intéressant de suivre l’histoire des idées, d’interroger l’évolution de l’idée de progrès, de suivre sa dépolitisation, sa désocialisation, au profit de l’amélioration modificative des individus. Il tente d’établir une généalogie du transhumanisme.

    Pour des raisons aisément compréhensibles, nous ne ferons qu’une modeste « visite guidée » , forcément abrégée, donc réductrice. Nous renvoyons les lecteurs qui souhaitent une approche plus détaillée, à l’ouvrage de Le Dévédec.

    En ces temps de confusion et d’ « inversions malignes » , il n’est pas inintéressant de suivre ce processus de basculement de l’idée-phare de progrès : ce phénomène d’altération ou de renversement de sens des concepts, des idées est finalement si répandu qu’il caractérise assez bien notre temps.

    Il faut remonter à l’antiquité grecque pour trouver la première tentative de caractérisation de l’humain comme être autonome, s’inventant et donc s’améliorant lui même : c’est le fameux mythe de Prométhée, rappelé par Platon dans le Protagoras. Epiméthée, chargé par les dieux de dispenser à toutes les espèces leurs qualités propres, a oublié dans sa distribution les humains qui se trouvent dépourvus de tout. Afin de réparer cette bévue, son frère, Prométhée, décide de dérober le feu aux dieux, symbole de la technique et de la culture…

    A peine ébauchée, cette « autonomie humaine » sera bientôt balayée par le monde médiéval et l’institution du christianisme. Pour le christianisme et ses théologiens (saint Augustin entre autres) l’amélioration ne peut venir que de l’obéissance aux commandements divins ; le véritable salut n’intervenant que dans l’au-delà. L’homme, marqué par le sceau infamant du pêché originel ne peut que tenter de s’améliorer sans jamais y parvenir, dieu seul incarnant la perfection. Chacun chemine donc ainsi vers son salut individuel dans une société ultra-hiérarchisée, immuable, conforme en tous points à la « volonté divine » .

    La Renaissance marque la fin de cette époque de soumission et l’humanisme, en faisant de l’homme la « mesure de toute chose » renoue avec l’antiquité grecque tout en annonçant l’arrivée des Lumières.

    C’est Jean-Jacques Rousseau , qui emploie le premier, en 1755, le terme de perfectibilité dans son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » . Cette spécificité qui permet à l’homme, contrairement aux animaux, d’améliorer sa condition, Rousseau en perçoit toute l’ambivalence.

    « Il serait triste pour nous d’être forcés de convenir que cette faculté [la perfectibilité] distinctive et presque illimitée est la source de tous les malheurs de l’homme, que c’est elle qui le tire à force de temps de cette condition originelle dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents ; que c’est elle qui faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature ».

    La perception de cette ambivalence de la perfectibilité et l’anticipation du mésusage qui pouvait être fait du progrès, ont valu à Rousseau d’être poussé par ses détracteurs dans le camps des « primitivistes » et des nostalgiques d’un âge d’or, ce qui n’est absolument pas son propos.

    Rousseau n’envisage l’amélioration que dans et par la société et défend avec force le principe « d’auto-institution » explicite de la société (pour reprendre les termes de Castoriadis).

    On peut considérer que c’est avec Condorcet, autre penseur majeur des Lumières, que s’amorce un premier glissement du progrès vers la sphère technoscientifique. Théoricien de la « mathématique sociale » , il considère que la raison et la science doivent apporter l’amélioration rationnelle dont la société a besoin. Il affirme avec force sa foi en un progrès indéfini :

    « La perfectibilité de l’homme est réellement indéfinie ; les progrès de cette perfectibilité désormais indépendante de toute puissance qui voudrait les arrêter, n’ont d’autre terme que la durée du globe où la nature nous a jetés ».

    Dans son « Esquisse d’un tableau historique du progrès de l’esprit humain » , il en vient même, emporté par son enthousiasme, à envisager la fin de la mort :

    « Serait-il absurde, maintenant, de supposer que ce perfectionnement de l’espèce humaine doit être regardé comme susceptible d’un progrès indéfini, qu’il doit arriver un temps où la mort ne serait plus que l’effet ou d’accidents extraordinaires ou de la destruction de plus en plus lente des forces vitales, et qu’enfin la durée de l’intervalle moyen entre la naissance et cette destruction n’a elle-même aucun terme assignable » .

    Deux siècles plus tard, les transhumanistes utiliseront cette proposition pour établir une filiation que Condorcet aurait très certainement rejetée, la société harmonieuse dont il rêvait n’ayant aucun point commun avec la cité cauchemardesque des transhumanistes.

    Autant les penseurs des Lumières conçoivent le progrès comme l’instrument de la volonté émancipatrice des hommes, autant leurs successeurs du XIXe siècle vont envisager le progrès comme une force extérieure à laquelle il est nécessaire de se soumettre.

    Auguste Comte, le fondateur du positivisme, va s’ingénier à dénoncer la conception humaniste des Lumières : pour lui, les hommes ne sont pas maîtres de leur destin social et historique, le progrès s’impose comme une loi naturelle à laquelle ils sont contraints d’obéir :

    « En général, quand l’homme paraît exercer une grande action, ce n’est point par ses propres forces qui sont extrêmement petites. Ce sont toujours des forces extérieures qui agissent pour lui, d’après des lois sur lesquelles il ne peut rien. »

    La société que propose Auguste Comte se révèle autoritaire et dogmatique ; la direction en serait confiée à des savants et à des industriels auxquels tous devraient obéissance, et, grâce à la science et à la technique, l’humanité accèderait véritablement au bonheur, état final de perfection vers lequel l’humanité tend inéluctablement.

    La conception marxiste de « la nécessité de fer du progrès » (1) s’inscrit en droite ligne dans la succession du positivisme de Comte et du déterminisme qui le sous-tend. Si l’on peut considérer que le jeune Marx se trouve encore en partie dans la continuation de la conception volontariste de l’amélioration sociale promue par les Lumières, le Marx de la maturité, tout à son obsession d’établir des lois incontestables de l’évolution des sociétés grâce à son « matérialisme scientifique » , rejoint le camp des déterministes scientistes qui font peu de cas de la liberté humaine :

    « Qu’est-ce que la société quelle que soit sa forme ? Le produit de l’action réciproque des hommes ? Les hommes sont-ils libres de choisir telle ou telle forme sociale ? Pas du tout. » (2)

    Le progrès version marxiste ne résulte donc pas d’un choix délibéré des humains mais se révèle être une force supérieure qui contraint l’histoire et ses acteurs. Le projet scientifico-technique prend le pas sur le projet politique, et, pour Marx, l’émancipation finale ne pourra intervenir qu’à condition de se conformer à la « loi naturelle » qu’il s’agit de découvrir et qui régirait toute l’histoire humaine :

    « Jamais une société n’expire avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir et jamais un système de production nouveau et supérieur ne s’y substitue avant que les conditions matérielles d’existence aient été couvéees dans le sein même de la vieille société. » (3)

    Le « communisme » stade ultime de la société humaine s’accompagnera nécessairement, pour les marxistes, de la maîtrise totale de la nature :

    « Ce sera la domination pleinement développée de l’homme sur les forces naturelles, sur la nature proprement dite ainsi que sur sa propre nature. »

    Cette idée de maîtrise totale de la nature et donc de la nature humaine n’est pas l’apanage du seul marxisme. A la suite de la démonstration faite par Darwin de l’évolution des espèces, un certain nombre de penseurs du XIXe siècle vont détourner cette découverte, la sortant du champ scientifique où elle est parfaitement valide (celui de la biologie) pour tenter de l’appliquer dans un autre champ (celui de la sociologie), à l’encontre, il faut le souligner, de la volonté de Darwin. Sur la base de ce détournement de concept, un auteur comme Herbert Spencer créait le « darwinisme social » (ou « évolutionnisme philosophique » ) et légitimait ainsi les sociétés inégalitaires dans lesquelles la notion de « sélection naturelle » justifierait que les forts dominent les faibles. Certains de ces « penseurs » pousseront plus loin et s’orienteront carrément vers l’eugénisme, n’hésitant pas à envisager la mise en place d’une sélection visant à éliminer physiquement les individus les plus faibles. On sait à quelles abominations ont conduit ces théories.

    Si tout au long du XIXe siècle l’idée de progrès, de perfectibilité est restée liée à celle d’une amélioration de la société échappant en grande partie à la volonté humaine, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, après le traumatisme des deux guerres et des totalitarismes nazi et stalinien, l’espoir de l’avènement quasi inéluctable d’un monde meilleur semble sérieusement compromis.
    C’est sur cette absence de perspectives que va proliférer toute une lignée de penseurs qui va faire du remodelage et de la reconstruction de l’humain la seule possibilité d’amélioration. Discréditée, la transformation du monde cède la place à la transformation de l’humain, d’autant plus facilement que les stupéfiantes possibilités des ordinateurs (pourtant de première génération au début de cette période) prouveraient, du moins pour ce courant de pensée, l’inadaptation et l’imperfection totale de l’homme. Norbert Wiener, père de la cybernétique, déclarait :

    « Nous avons si radicalement changé notre milieu, que nous devons nous modifier nous-mêmes pour être à la hauteur de notre environnement. »

    A l’inverse, Günther Anders définira très bien ce nouveau sentiment d’infériorité et d’imperfection humaine comme « la honte d’être né plutôt que d’avoir été fabriqué » (4). On assiste ainsi à un retour en grande pompe de l’imperfection de l’homme, cette fois-ci non plus face à Dieu mais face à la machine.

    Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est un jésuite, Teilhard de Chardin, qui se fait le premier l’apôtre de cette nouvelle religion de l’amélioration et qui appelle de ses vœux la venue de « l’ultra-humain » . Dès le milieu du XXe siècle, les bases théoriques d’une reconstruction de l’humain sont posées. Dans les années 80, les courants constructivistes et post-modernes (5) vont apporter leur contribution à l’entreprise de démolition de l’humanisme et ouvrir une voie royale au dangereux transhumanisme.

    (1) - On connaît la passion des marxistes pour le fer : la discipline de fer du parti, le rideau de fer, le balai de fer de Trokski… Fort heureusement, tous ce fer a fini par rouiller.

    (2) - Lettre à Annenkov, Misère de la philosophie.

    (3) - Avant-propos à la « Critique de l’économie politique » .

    (4) - Pour un aperçu partiel de la pensée de cet auteur, voir @Anarchosyndicalisme ! n°138, « Günther Anders : la morale avec le pilote d’Hiroshima » http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article656

    (5) - Derrida, Deleuze, Lyotard…

    Article d’@Anarchosyndicalisme ! n°152 déc 2016 - Janv 2017
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article844

  • LINKY OBJET PÉDAGOGIQUE POUR UNE LEÇON POLITIQUE
    Pour un inventaire des ravages de l’électrification

    L’imposition autoritaire du mouchard électronique Linky dans 35 millions de foyers par l’Etat, en l’occurrence les parlementaires et le Ministère de l’Ecologie – et par Enedis (ex-ERDF, ex-EDF), le monopole légal de la distribution d’électricité en France - a déclenché dans tout le pays refus et protestations, individuels et collectifs, organisés et spontanés. La presse locale chronique cette pléthore de réunions, de manifestations, de pétitions, soutenue des vœux et délibérations de 300 conseils municipaux.1 Félicitations aux promoteurs de Linky : à défaut d’avancer d’un pas dans la pseudo-« transition énergétique », ils auront au moins stimulé la vie associative qui s’est saisie du sujet.
    La presse nationale, c’est-à-dire parisienne, méprise et ignore de son mieux ce mouvement fondé, selon elle, sur des craintes irrationnelles de pollution électromagnétique et d’espionnage des foyers, et sourd aux « impératifs de maîtrise énergétique » notamment en vue de l’ouverture des marchés à la concurrence, généralement hostile aux projets techno-marchands célébrés dans ses pages sciences et économie : objets connectés (machins communicants), domotique (maison machine), smart city (ville machine), big data (mégadonnées).

    Ce n’est pas d’aujourd’hui que la technocratie a pris le réflexe de renvoyer à la préhistoire les réfractaires à l’emballement technologique et à l’effondrement écologique : « Vous êtes contre tout !... Les chemins de fer ! L’électricité !... Allez donc élever des chèvres en Ardèche, si vous voulez revenir aux grottes et à la bougie ! »
    Combien de fois avons-nous reçu cette injonction d’un forcené du Progrès ; scientifique, ingénieur, technicien, entrepreneur, cadre, politicien, universitaire ou journaliste. Nos élites, voyez-vous, s’imaginent l’Ardèche comme une réserve truffée de grottes, où reléguer ces obscurantistes exaspérants qui sapent la croissance et le moral des ménages.

    Ceux qui vivent contre leur temps, tel le géographe anarchiste Elisée Reclus, ont opposé au progrès des sciences et technologies le regrès social et humain. Vous pouvez vérifier le mot, c’est du bon et vieux français. Lisez Elisée, écologiste avant l’heure : Histoire d’un ruisseau, Histoire d’une montagne, L’homme et la Terre, Nouvelle Géographie Universelle. Non seulement le progrès industriel et technologique n’entraîne pas fatalement le progrès social et humain, mais il entraîne à rebours son regrès. Cette thèse sacrilège et mécanoclaste longtemps soutenue par des marginaux excentriques – et les victimes du progrès, bien sûr – a reçu depuis quelques années l’approbation officielle des autorités scientifiques, des états qu’elles avisent, et des entreprises converties au « capitalisme vert » et aux « technologies vertes ». D’où Linky.
    Voici donc où nous ont mené deux siècles de révolution industrielle et technologique, en accélération exponentielle. Au ravage du milieu (terre, air, mer), à l’extermination des espèces, au chaos des peuples, bouleversés, broyés, balayés dans une panique globale, d’un bout du monde à l’autre.

    Nous qui, dans nos emplois, nos activités et nos vies, faisons sans cesse l’objet de bilans, d’audits, d’évaluations, en fonction d’objectifs fixés « en commun », selon nos dirigeants, ou simplement décidés par ces derniers (après tout, c’est leur job), il nous revient de renverser les rôles et d’examiner à notre tour le bilan de ces deux siècles de société industrielle et technologique. Qu’elle soit privée, publique (étatique) ou mixte. De dire ce qu’elle nous a apporté et enlevé, si nous souhaitons sa prolongation ou sa disparition, et suivant quelles modalités.
    Il nous faut du même coup évaluer les évaluateurs, cette technocratie à la direction des sociétés industrielles et post-industrielles, en fonction de ses promesses et de ses résultats, et dire, suivant ses propres règles qu’elle nous applique, ce qu’elle mérite : primes et promotions, ou licenciement sans indemnité.

    Nous, Grenoblois, sommes idéalement placés pour engager cet examen. Grenoble se situe en effet au cœur et à l’avant-garde de la deuxième révolution industrielle : justement celle de l’électricité. C’est en 1869 qu’Aristide Bergès, ingénieur, chimiste, entrepreneur, équipe d’une turbine et d’une conduite forcée sa papeterie de la combe de Lancey, à dix kilomètres de la ville, pour transformer en électricité l’énergie du torrent. En 30 ans, Bergès métamorphose la vallée du Grésivaudan, la ville de Grenoble et la société industrielle. Les ingénieurs-patrons des entreprises voisines suivent son exemple. Bergès devient conseiller municipal à Grenoble, conseiller général du canton, maire de Villard-Bonnot où se trouve son usine. Il lance le slogan de la « Houille blanche » lors de l’exposition universelle de 1889, à Paris, qui lui est largement consacrée. Péchiney ouvre son premier laboratoire à Froges, dans la vallée, à côté de l’usine d’électrolyse. Il en sort par exemple le procédé de fabrication industrielle de l’aluminium, l’alu des barquettes alimentaires - si cher aux ouvriers d’Ecopla à Saint-Vincent-de-Mercuze, et si nocif aux vaches des alpages, à la santé des hommes et au milieu naturel. Il est vrai que nos emplois valent plus que nos vies, ce que de François Ruffin (Fakir) à Emmanuel Macron (En marche !), tous nos progressistes sont venus confirmer aux 77 victimes d’un naufrage financier.2 Lénine nous l’avait bien dit : « Le communisme, c’est l’électricité plus les soviets ! » Et les artistes futuristes de la Belle époque, fascistes comme Marinetti, communistes comme Maïakovski avaient rivalisé d’odes à la vie moderne, urbaine et industrielle, célébrant les machines, les avions, les trains, les autos, les paquebots, les stades, les gratte-ciels, le télégraphe – l’électricité - le cinéma, les masses, la vitesse, la violence, la guerre.3 Dieu que l’avenir était radieux au temps passé ! Au mépris d’un siècle de catastrophe, les ennemis du genre humain poursuivent aujourd’hui leur fuite en avant. Ainsi le théoricien « communiste » Toni Negri et ses disciples « accélérationnistes » de la revue Multitudes rejoignent aujourd’hui les transhumanistes « libertariens » dans l’apologie des robots et la haine de la vie vive, impulsive, élusive, irréductible à toute volonté de maîtrise machinale.4

    Bergès, et son fils Maurice qui lui succède comme maire et chef d’entreprise, créent également une société d’éclairage urbain et une compagnie de tramway. On voit que nos entrepreneurs et nos édiles n’avaient pas attendu le XXIe siècle, ni les directives européennes, pour se lancer dans les « énergies alternatives » et les modes de « déplacement alternatif ». Même si, à l’époque, il s’agissait simplement de créer un marché que nul ne disait « vert » ni « éco-responsable ». Ces lignes de tramway furent d’ailleurs démontées dès que le profit parut plus juteux dans les lignes de car et les voitures particulières.

    Les ingénieurs entrepreneurs de la cuvette grenobloise savent bien qu’au-delà de la « Houille blanche », c’est de la matière grise qu’ils exploitent. Aussi profitent-ils de leurs postes d’élus et de leurs positions d’influence pour obtenir la création en 1898 d’un Institut d’électrotechnique de Grenoble, auprès de la jeune université, afin de leur fournir les compétences nécessaires à leurs recherches-développements. De même en 2012, l’Institut national polytechnique de Grenoble crée-t-il spécialement une « chaire industrielle d’excellence » sur les smart grids, financée par ERDF.5
    C’est l’essor du « Mythe grenoblois »,6 maintes fois ressassé et tout aussi mythique qu’à sa première énonciation. De la turbine de Bergès sont issues en 150 ans, de manière télescopique, des centaines de laboratoires et d’entreprises, s’associant et se dissociant en arborescences incessantes, et envahissant tout le milieu physique et social de la technopole. Électrochimie, électromécanique, électromagnétisme, électronucléaire, informatique, micro et nanotechnologies, etc. C’est aussi ce que les progressistes des années soixante, ingénieurs et universitaires, socialistes et chrétiens, ont nommé « le laboratoire grenoblois » et propagé comme « modèle grenoblois » ou « développement endogène innovant ». Soit cette idée mythique d’un progrès indivisible où l’innovation technologique et la croissance économique tracteraient le progrès social et humain, mesuré statistiquement par l’augmentation de la consommation, du pouvoir d’achat et de l’espérance de vie. Les curieux liront Sous le soleil de l’innovation7 pour une histoire critique de ce modèle grenoblois, indissociable de la révolution électricienne et de ses prolongements.

    Sans doute cette idée du progrès répondait aux aspirations de la masse des campagnards fascinés par les lumières de la ville, comme elle répond aujourd’hui à celles des masses de migrants fascinés par les lumières des métropoles. Et c’est pourquoi les trois-quarts de l’humanité s’entasseront d’ici peu dans les mégapoles - le terme noble et technocratique pour dire ce qui n’est plus ville, ni cité, ni urbanisation, mais une populoire. La mondialisation est aussi un effet de l’électrification. L’habitat concentrationnaire de masse est aussi un effet de la mondialisation.

    Nul n’est meilleur que son temps. Quoique nous n’ayons aucun goût pour les procès anachroniques et rétrospectifs, il faut avouer qu’Aristide Bergès (1833-1904), au contraire d’Elisée Reclus (1830-1905), fit de son mieux pour vivre avec son temps dont il fut le plus zélé des serviteurs. Voici son adresse aux électeurs du canton de Domène, le 1er août 1880, dix ans après la Commune et la débâcle de l’Empire face à la Prusse :

    « Je suis au milieu de vous tous un travailleur dont vous avez vu les débuts et dont vous avez pu apprécier les constants efforts pour rechercher et augmenter les richesses de vos montagnes. Or, il reste dans cet ordre d’idées de grands avantages généraux à réaliser et j’ai la confiance que je pourrai y être de quelque utilité. Au point de vue politique, moral et matériel, de grandes choses restent à faire pour que les institutions républicaines répondent à toutes les espérances conçues.
    Améliorer les écoles et le sort des instituteurs, et rendre l’instruction laïque, gratuite et obligatoire. Créer dans nos villages, des rues convenables, des fontaines et des lavoirs, des promenades et des jardins publics. Y organiser un service médical. Rectifier et terminer les chemins vicinaux. Faciliter les rapports des conseillers municipaux avec l’administration forestière.

    Protéger l’agriculture et particulièrement étudier les moyens de remettre en valeur les terres basses de l’Isère. Tels sont les points les plus pressants du programme auquel je travaillerai ardemment. La République, qui, après son existence victorieusement assurée, s’imposera à tous, doit être SCIENTIFIQUE et non IMAGINATIVE ; (…)
    Aristide Bergès, Candidat républicain. Ingénieur et industriel à Lancey, Conseiller municipal à Grenoble »8

    À vrai dire, Elisée Reclus aurait pu signer bien des points de ce programme – et nous le pourrions aussi. Nous ne sommes pas hostiles à la création de fontaines, de lavoirs et de jardins publics dans nos villes et nos villages (on ne disait pas encore « espace vert »). Nous voudrions, nous aussi, remettre en valeur les terres basses de l’Isère et le « Graisivaudan étincelant » dont le géographe Paul Vidal de la Blache célébrait en 1903 la splendeur agonisante : « Paysage unique dans l’Europe Occidentale, qui fait pendant à la Brianza milanaise ; verger magnifique qu’on ne trouve plus vers le Sud (…) Le Graisivaudan en est sinon le type le plus achevé, du moins l’expression la plus ample et, pour l’histoire des hommes, la plus importante. (…) Sous les vignes courant en feston entre les arbres fruitiers, se succèdent de petits carrés de luzerne, blé, chanvre, maïs : une merveille de petite culture. »9
    Il faudrait bien sûr raser les entrepôts, lotissements, centres commerciaux, la Zone d’innovation et de recherche scientifique et technique (Zirst), les boîtes high tech (Soitec, Memscap, etc.), les laboratoires et salles blanches où STMicroelectronics produit les « puces » et les composants de Linky et autres « objets connectés ». Bref, il faudrait rendre la terre aux paysans, ou plutôt aux ouvriers d’Ecopla, de Tyco Electronics, d’Arkema, à Brignoud10 et des autres usines de la vallée, délocalisées ou automatisées. Tant pis pour l’industrie du cancer, ils pourraient ainsi « produire local pour consommer local », ce qui ferait plaisir à Eric Piolle, le maire Vert de Grenoble, ex- promoteur du TGV (Lyon-Turin) et ingénieur chez Hewlett-Packard.
    Osons le blasphème, il faudrait revenir en arrière, avant 1869.

    De quoi rendre nos progressistes fous furieux. Le correspondant local de Fakir, Fabrice Lallemand, est ingénieur chez Soitec.11 François Brottes, le député PS local, est fameux pour sa déclaration : « Ici les élus ont été vaccinés à la high tech, cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques ».12 Il a d’ailleurs avancé si vite qu’il a bondi de la présidence de la commission des Affaires économiques, où il multipliait les pressions en faveur du compteur Linky, à la présidence de RTE (Réseau transport électricité), un poste à 398 000 €.13
    En fait, tout le souci des progressistes grenoblois (gauchistes, communistes, alternatifs, écologistes, etc.) est d’habiller d’une phraséologie « rebelle » leur soumission à l’idéologie du capitalisme le plus avancé de la Silicon Valley, afin de sauver la face. D’où les bredouillis où il est question de « se réapproprier les outils technologiques ». En clair, les « fablab », le « logiciel libre », et – si la machine à gouverner le veut bien – l’octroi plus ou moins généreux d’un « revenu de base universel » pour les hackers et les makers. L’aumône des robots à la main d’œuvre obsolète. Malgré toute la dévotion qu’ils affichent pour l’emploi, les progressistes soutiennent par-dessus tout le progrès technologique et le développement des forces productives, comme ils l’ont toujours fait. Aussi tiennent-ils pour quantité négligeable les 6000 suppressions de postes de releveurs que provoquera la mise en service du compteur Linky.

    Enfin parmi les points d’accord probables avec Aristide Bergès et Elisée Reclus, nous soutiendrions, en 2016, la restauration des services médicaux, tel l’hôpital de la Mure, en Matheysine, victime de la rationalisation financière et technocratique et celle de l’école publique, laïque et gratuite, sinon obligatoire.14
    Quand il n’écrivait pas à ses électeurs et à ses ouvriers, c’est aux clients de la Société d’éclairage électrique de la vallée du Grésivaudan que Bergès s’adressait. C’était d’ailleurs les mêmes. Voici son merveilleux prospectus sur les bienfaits de la lumière électrique :
    « L’usage de la lumière électrique, surtout dans les campagnes, est un des effectifs facteurs de la civilisation chez l’individu, dans la famille et dans la commune. Que faut-il à un homme qui veut s’élever dans la moralité et le bonheur ? Qu’il aime mieux la famille que le cabaret. Qu’il puisse augmenter sans fatigue et sans ennui le travail qui lui incombe, et qui seul peut l’enrichir. Qu’il voit plus de gaîté dans sa maison. Qu’il échappe à l’excessive économie, retombant en privation sur les siens.
    Or, la lumière électrique contribue puissamment à ce résultat, car elle exerce son influence, en hiver surtout, sur une période de temps qui est presque la moitié de la vie. C’est autour de la lampe électrique que, le soir, commencent le repos et la vie de famille. Avec cette lampe, la lumière est suffisante et agréable. Elle est égale d’intensité pour tous, pour le riche comme pour le pauvre, et ce n’est pas une mince satisfaction que cette égalité devant la lumière, qui perpétue sans discontinuité les dons du Soleil, qui sont aussi égaux pour tous.
    Les enfants sont plus incités à l’exécution de leurs devoirs scolaires. Les petits sont mieux surveillés et regardent avec des yeux brillants ce point lumineux si propre et si constant.
    Les adultes lisent, s’instruisent et pensent à quelque occupation intérieure qui, pendant ces longues heures, pourrait être rendue lucrative. Le père apprécie qu’il peut éventuellement terminer un travail commencé et gagner le prix de la lampe si bien utilisée déjà. Les mères vaquent avec plus de facilité à leurs soins de ménage et, débarrassées des inconvénients de la mauvaise odeur du pétrole, s’élèvent dans des idées de propreté, qui sont le desideratum de leurs aspirations intérieures. La cuisine est plus soignée, son odeur meilleure.
    Le petit globe brillant projette comme un rayon de joie qui se répercute et s’enfle en étant partagé par les êtres aimés. Il n’est pas jusqu’au vieillard qui philosophe sur les progrès auxquels il ne croyait qu’avec hésitation, et qui se dit que, si la nuit il a des insomnies, il peut éclairer sa lanterne et refouler les noires idées.

    Enfin la liberté individuelle s’insinue à cette occasion, et, si le chef de famille fatigué veut se reposer, il n’a pas à dire à tout le monde : allons tous nous coucher, il faut, pour économiser, éteindre la lampe. L’étable mieux éclairée sera aussi mieux tenue et le bétail se trouvera mieux soigné et plus observé. Au point de vue hygiénique, l’avantage est inappréciable ; plus d’atmosphère viciée, la lampe électrique n’empruntant rien et ne donnant rien au milieu ambiant. Si, des considérations individuelles ou de famille, nous passons aux avantages communaux, ces derniers se poursuivent. Les rues, éclairées comme dans les villes, changeront, le soir et la nuit, l’aspect des villages, et la vie des relations y prendront une plus grande importance. Il suffira de mettre une lampe dans un quartier malsain pour que la correction s’en suive.
    J’ai toujours été surpris de voir les quartiers indécis de moralité ne pas réclamer des lampes. Or, rien n’est plus facile que de les imposer. On aura moins envie d’aller à la ville, qu’on retrouvera chez soi, dans son village, et ce sera tout bénéfice pour la santé et pour la bourse. Et qui sait si le cruel problème de la dépopulation des campagnes ne sera pas influencé. Car il faut entrevoir que les petites forces motrices, permettant les petits ateliers à domicile, arriveront à leur tour et feront leur œuvre de civilisation et de bien-être, l’atelier dans le village et même dans la famille étant préférable à tout autre.
    Je ne dis rien de la diminution relative des chances d’accidents et d’incendie. L’agriculteur est trop bon juge de ses intérêts et de l’économie finale de toutes choses pour ne pas arriver à se rendre compte, en résumé, que la lampe électrique est non seulement le plus économique moyen d’éclairage, mais que réunissant ses autres avantages multiples, elle arrive à revaloir ce qu’elle coûte et que, par suite, elle est comme gratuite. L’éclairage électrique, dans le groupement des villages et des usines génératrices, constitue enfin une solidarité en quelque sorte vivante, que des téléphones rendent instantanée, et qui établit un nouveau lien de services réciproques.
    L’usine, on peut le croire, est encore plus impressionnée, dans le cas de force majeure, où quelques accidents très rares provoquent une interruption de lumière, par le ricochet du désagrément imposé aux abonnés, que par toutes autres pénalités commerciales. C’est pourquoi on peut compter sur toute la sollicitude possible pour assurer la continuité du service, qui sera de plus en plus acquise au fur et à mesure du fonctionnement. Du haut de mon plateau de Lancey, d’où j’aperçois la vallée lumineuse, j’envoie un salut fraternel et amical à tous les abonnés présents et futurs de la Société d’éclairage électrique de la vallée du Grésivaudan.
    Aristide Bergès »15

    Cher Monsieur Bergès & Cie,
    Nous, les abonnés futurs et présents de la Société d’éclairage électrique, nous avons des griefs à exprimer quant aux effets de vos progrès. Vos promesses ont mal tourné. C’est vrai, les hommes ne passent plus leurs soirées au cabaret, à boire, à jouer, à beugler, mais seuls et muets, collés devant leurs écrans. D’ailleurs, il y a de moins en moins d’estaminets, ces « parlements du peuple » où s’engueuler sur ce qu’il y a dans le journal, comme il y a de moins en moins de journaux et de marchands de journaux. Fini le café du Commerce, vos successeurs ont tout délocalisé sur Internet, dans des forums « virtuels ». Quant à la famille, elle est décomposée. Chacun son écran, sa chaîne et sa vie. C’est, paraît-il, un grand progrès sur la famille « nucléaire », même si, en réalité, on vivait tous dans le même village, voire dans la même maison ; les jeunes, les vieux, les frères, les soeurs, les cousins, des générations à porter le même nom au cimetière. Il y a bien des familles « recomposées », mais la maison n’est plus si gaie ni si fruste. C’est moins pesant et plus aseptisé, mais aussi moins chaud et plus indifférent.

    Et puis, vous avez beau dire, l’éclairage électrique ce n’est pas le soleil pour tout le monde. Ça coûte plus cher à chacun – plus cher que la chandelle ou le pétrole, ça se discute – mais infiniment plus cher pour tous, aucun doute là-dessus. La société électrique, c’est nous les sociétaires et contribuables qui en faisons les frais. Non seulement la facture d’abonnement et de consommation, mais les dettes colossales et les déficits abyssaux d’EDF et d’Areva, les 5 à 7 milliards de Linky, sans compter ce que nous payons en nature : les barrages, les centrales, les lignes haute tension, les eaux et forêts assassinées, les sols saccagés, les emprises sur le foncier, la flore et la faune exterminées, les brouillards de pollution, les rejets radioactifs, les mines de charbon et d’uranium, les déchets nucléaires, le matériel hydroélectrique et toutes les industries connexes qu’il a fallu créer pour que brille « ce petit globe, dans la cuisine, comme un rayon de joie projeté qui se répercute et s’enfle en étant partagé par les êtres aimés. »
    Tout ça pour ça.
    Les Alpes, les Andes, l’Himalaya dévastés pour y voir plus clair, le soir, dans l’étable et les mauvais quartiers ? Mais rasez-les, vingt dieux ! Et ne construisez que de beaux quartiers !... Ce n’était pas fatal, Monsieur Bergès. Votre triomphe n’induit pas que l’électrification du monde devait triompher. Un dépliant touristique trouvé dans le Vercors, nous apprend que le hameau de Tourtres « se distingue des autres par ses maisons construites en galets et en tufs, tandis que sur le reste des deux communes les maisons sont bâties de pierres plates (…) Les canaux toujours visibles, servaient à l’irrigation et apportaient l’énergie nécessaire aux machines (moulins, scieries, soieries). Tourtres fut longtemps un hameau prospère et industriel, plus important que son chef-lieu, dont l’activité s’éteignit avec l’arrivée de l’électricité. »
    On est toujours gêné de rappeler qu’il y avait une industrie au Moyen-Âge, bien avant la révolution du capitalisme industriel, motorisée par des milliers de moulins à eau et à vent, et que somme toute, l’apport de la vapeur, de l’électricité et du pétrole, n’ont permis qu’un gigantesque accroissement des forces productives et des populations, et une effroyable dégradation du milieu et des conditions de vie.16

    Et ça continue !
    Le Monde : « Dans le Tyrol, la houille blanche menace les hautes vallées : un projet hydroélectrique à 1, 2 milliards d’Euros. » (21 novembre 2013). On voit que, contrairement à ce que vous dîtes, la lampe électrique n’est pas « comme gratuite », ni même « le moyen d’éclairage le plus économique ». Quant à enrayer l’exode rural et à susciter une multitude d’ateliers dans les villages, l’électricité s’est révélée aussi efficace que le chemin de fer. Ce fut un aller simple pour la ville, ses usines, ses lumières, ses salaires, ses magasins, ses « produits blancs » (machines à laver, frigos, électroménager), ses « produits bruns » (télés, chaînes, radios, etc.) ; parce que, voyez-vous, il était plus facile, et plus nécessaire alors, d’amener les campagnards à la ville que d’amener la ville aux campagnards. Maintenant, c’est l’inverse. Nos villages déserts, fermés, sans bistrots, boutiques, ni paysans, deviennent des villages dortoirs pour les « pendulaires », ou des villages vacances pour les citadins. Grâce à Internet, au smartphone, au télétravail, aux deux voitures par foyer, et au TGV, 100 000 « rurbains », s’installent chaque année dans cette campagne qu’ils « rurbanisent ». Forcément, nos métropoles débordent. Une France à 67 millions d’habitants, c’est plus d’une moitié supplémentaire par rapport à celle de Bergès et de l’exode rural (40 millions). Ceux qui n’ont plus les moyens de vivre en ville et ceux qui ont les moyens de vivre hors des villes, fuient vers les campagnes résidentielles. Comptez sur eux pour noircir les « zones blanches », réduire les « fractures numériques », acheter les « objets connectés » et les voitures électriques « intelligentes » qui stimuleront à la fois la gabegie d’électricité, la nécessité d’en produire davantage et celle d’en maîtriser la répartition au plus juste, grâce au compteur Linky.
    Le Monde : « EDF amorce un virage vers la maison connectée. Lancement de Sowee, une filiale consacrée aux objets connectés et aux services associés. » (14 octobre 2016). Il s’agit, selon le Monde, de ne pas laisser le marché libre aux entreprises californiennes, Google, Amazon, Facebook, Apple, en matière de « domotique ».
    Philippe Monboulou, Président d’Enedis : « Les « smart grids » (réseaux électriques intelligents) représentent un nouvel espace à conquérir. L’autre enjeu, c’est le véhicule électrique et les sept millions de points de charge prévus à l’horizon 2030. Demain, les batteries des véhicules électriques pourront aussi servir de solutions de stockage pour l’électricité. » (Le Daubé, 25 novembre 2016)

    Mais l’Etat électronucléaire nous avait déjà imposé le chauffage électrique afin de nous rendre captifs et dépendants d’EDF et du corps des ingénieurs des Mines. Nous aurons donc toujours plus de logements électriques, de voitures électriques, de bus électriques, de vélos électriques, d’appareils électriques et communicants, censés contribuer aux économies d’énergie et à la réduction du chaos climatique, puisque l’hydraulique, le solaire, l’éolien font partie des « énergies renouvelables » et que « le nucléaire n’émet pas de CO2 ». Et ces myriades d’objets communicants fournissent l’or et le minerai de « l’économie de la connaissance », les mégadonnées (big data) entreposées à grands frais dans les banques informatiques qui consomment déjà 9 % de l’électricité en France, et qui rejetteront autant de CO2 que les avions en 2020 aux Etats-Unis.17 Si vous avez le sentiment que l’électrocratie se moque de vous, qu’elle vous ment, vous manipule, vous asservit, vous opprime, vous pille, vous exploite, vous détruit le monde, vous gâche la vie, vous rend malade et vous met en danger, c’est normal : c’est bien ce qu’elle fait. Et encore, n’habitez-vous pas Arlit, au Niger, d’où l’on tire l’uranium nécessaire au maintien de notre mode de vie et de notre « économie de l’immatériel ».

    Vous nous trompez donc, Aristide Bergès, lorsque vous nous vantez la propreté et l’innocuité de l’électricité : « L’avantage est inappréciable ; plus d’atmosphère viciée, la lampe électrique n’apportant rien et ne donnant rien au milieu ambiant. » C’était sans compter la pollution chimique des lampadaires à vapeur de mercure et des nouvelles ampoules de « basse consommation » ; la pollution radioactive de Tchernobyl, Three Miles Island, Fukushima et celle des centaines de centrales nucléaires en activité.
    C’était sans compter la pollution lumineuse et sonore qui nous cache le chant des étoiles, dans les villes actives nuit et jour, sans temps mort, ni entraves. Cette merveilleuse traînée électrique qui, selon votre lointain successeur, Jean Therme, directeur du Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble, signale les zones de prospérité : « Les métropoles économiques à grands potentiels de développement sont repérées de nuit par les investisseurs, grâce aux images fournies par les satellites, sinon en vue directe, depuis un avion. Plus ces villes sont lumineuses, éclairées, plus ils sont intéressés ! Lorsque le ruban technologique de l’arc alpin, entre ses barycentres constitués par Genève et Grenoble, s’illuminera d’une manière continue, lorsque les pointillés des pôles de compétences comme les biotechnologies de Lausanne, la physique et l’informatique du Cern à Genève, la mécatronique d’Annecy, l’énergie solaire de Chambéry ne formeront plus qu’une longue colonne vertébrale, nous aurons gagné. » (Le Daubé. 25/10/2004)
    Précisons que « l’énergie solaire de Chambéry » désigne l’Ines (Institut national de l’énergie solaire), un centre du Commissariat à l’énergie atomique qui a ajouté « et aux Energies alternatives » (EA) à son intitulé (CEA-EA). C’est dire que la production d’énergie solaire sur laquelle les écologistes des années 70 fondaient tant d’illusions, sera tout aussi centralisée, accaparée, industrialisée et destructrice que l’hydraulique, le charbon, le nucléaire et l’éolien.18. Quant à « l’arc alpin » de Genève à Valence, il s’agit du projet technocratique de « faire émerger une métropole d’excellence de dimension européenne » sous le nom de « Sillon alpin ».19
    Finalement, les paysans et les migrants ne sont pas les seules victimes des lumières de la ville ; les investisseurs aussi viennent y flamber. Mais ils n’y laissent pas leur sommeil, ni leur santé – cette fameuse espérance de vie, amputée d’un lustre pour ceux qui travaillent la nuit, ou en 3x8. Ou qui, simplement, sont électrisés par le rythme, le tapage et la frénésie citadine. Et nous en sommes, nous qui ne nous sommes pas encore réfugiés « dans une grotte, en Ardèche ». Il se trouve, en dépit de l’opinion reçue dans certains milieux (post-anarchistes, post-féministes, post- humains, cyborgs et nos excuses aux oubliés) que la nature existe, que l’homme est un animal, et même un animal diurne, au rythme circadien. Que la liberté et le bien-être pour cet animal, comme pour les autres, consistent à vivre à son rythme, dit naturel. Que si on l’en empêche ; que ce rythme est troublé, criblé de stimuli et asservi à tous les stress ; cet animal humain, fatigué, dispersé, dépressif devient vulnérable aux attaques du milieu. C’est ainsi.

    C’est ainsi que la fée Electricité de nos manuels scolaires est devenue l’affreuse sorcière de nos contes d’enfant. Mais les sorcières étaient en fait de très bonnes et très sages femmes, affreusement calomniées par les prêtres et les puritains.20 Et même, des écologistes naturelles (!) selon Françoise d’Eaubonne, théoricienne de l’écoféminisme (Ecologisme, féminisme : révolution ou mutation, 1978. Le sexocide des sorcières, 1999). Rassurez-vous, progressistes de droite et de gauche (libéraux, étatistes, libertariens, sociétaux- libéraux, libéraux-libertaires, post-libertaires, etc.) on ne reviendra pas en arrière, au temps des fées et des sorcières, ni à la bougie. Il faut de la cire pour faire des bougies, et des abeilles pour faire de la cire. La politique de la terre brûlée pratiquée par l’industrie agrochimique et les exploitants agricoles – pesticides, herbicides, homicides - nous met à l’abri de pareilles régressions, de tout retour à la ruralité, rance et réactionnaire.
    Et ce qu’on en dit vaut pour les soi-disant « défenseurs de l’environnement », c’est-à-dire les écotechniciens qui se sont accaparés le « label Vert » avec le soutien des media, à la fois pour se procurer des « opportunités de carrière » et pour empêcher l’émergence de toute véritable défense du milieu naturel et humain. À Tulle, à Sens, à Saint-Étienne, on nous interroge du bout des lèvres : « Mais vous, à Grenoble, vous avez Eric Piolle, un maire écologiste, alors qu’est-ce qu’il dit sur le Linky ? » Pardi. Il dit ce que disent Monboulou, patron d’Enedis, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie ainsi que les élus Rouges, Roses, Verts à l’Assemblée nationale et à la Métro locale, que le Vert Eric Piolle co-dirige avec le Rose Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix et président en titre : Linky est nécessaire à la (pseudo) transition énergétique. Aussi, en réponse aux opposants, la Métro a-t-elle voté à l’unanimité un vœu en faveur du compteur Linky (Le Daubé, 3 avril 2016).
    C’est qu’Eric Piolle n’est pas seulement Vert, mais (ex) ingénieur chez Hewlett-Packard ; comme Michel Destot et Hubert Dubedout, les précédents maires de Grenoble, étaient ingénieurs au Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble ; comme Vincent Fristot, l’actuel président de Gaz et électricité de Grenoble (GEG) est à la fois Vert et ingénieur. Les ingénieurs Verts étant les meilleurs techniciens de la société électrique et son véritable service de maintenance et d’innovation, GEG travaille à l’installation de ses propres modèles de compteurs communicants, pour le gaz (40 000 appareils) et pour l’électricité (100 000 appareils), d’ici 2024 (Le Daubé, 8 mai 2016). Cependant, c’est dès aujourd’hui qu’Eaux de Grenoble Alpes envoie aux usagers des courriers comminatoires afin d’installer des compteurs à tête radio, Aquadis ou Flodis, fonctionnant sur 433 mégahertz : « Conformément à l’article 30 du Règlement du Service de l’eau potable : “L’usager… doit permettre aux préposés du service de l’eau, l’accès à tout moment au compteur,… pour le remplacer”. Nous vous précisons que cette intervention est gratuite mais obligatoire. » Suivis d’un premier rappel. « Ce remplacement est impératif au regard de la réglementation, le compteur pouvant induire également un risque de défaillance et/ou de fuite inopinée. »

    C’est connu. Les fuites de compteur provoquent de terribles dégâts des eaux que votre assurance ne prendra pas en charge, si votre installation n’est pas aux normes. En tant qu’ingénieur-chef d’une entreprise de fabrication et de distribution d’un fluide, Aristide Bergès aurait apprécié ce chantage subtil pour contraindre les « usagers » à la soumission envers ses exigences technologiques et commerciales., On ne détaillera pas ici comment des entreprises privées et publiques se sont approprié l’eau qui coule pour tous, afin de nous la vendre au robinet et en bouteille. C’était encore une des horreurs de la barbarie pré-industrielle que cette eau gratuite, en « libre service », puisée au puits ou à la rivière par tout un chacun. Une véritable provocation au gaspillage. Heureusement, l’hypertrophie des villes et des populations, les souillures des égouts et des usines ont imposé le traitement et la distribution industriels de l’eau, sa « mise en valeur » et la création d’un marché captif. À quelque chose malheur est bon.

    C’est parce que le contrôle et l’espionnage électroniques à distance menacent également les réseaux d’eau et de gaz que nous participons, à Grenoble, à l’Association de défense contre les compteurs communicants.21 Cet intitulé signifie :
    1) Qu’au-delà du Linky, nous nous opposons à tous les compteurs communicants, au contrôle et à l’espionnage électroniques de nos domiciles.
    2) Qu’au-delà des pollutions électromagnétiques, du gaspillage matériel et de la déshumanisation des services de distribution, nous refusons la société cybernétique qui est le nouveau stade de la société industrielle et technologique.

    Nous refusons de cogérer les diverses nuisances des compteurs communicants avec les pouvoirs publics et privés. Nous ne sommes pas là pour comptabiliser, négocier, « encadrer », « aménager » les taux de rayonnement électromagnétique qu’on nous inflige, mais pour les supprimer à la source, avec le système économique qui les engendre. Pas plus qu’ayant dénoncé le gadget de destruction massive que représentait le téléphone portable (notamment en Afrique) et l’instrument de désocialisation qu’était ici le smartphone (notamment dans la jeunesse) nous ne luttons pour déplacer les antennes de téléphonie (chez les voisins) ou diminuer leur rayonnement.22
    Nous refusons le pilotage automatique de nos maisons, de nos villes, de nos vies, de nos personnes, par des machines en réseaux dits « intelligents », « smart », « communicants », au moyen du marquage électronique de tout et de tous et des banques de traitement des mégadonnées (big data). Nous ne sommes pas des insectes sociaux, nous sommes des animaux politiques.

    Les progressistes nous disent qu’il y a du bon dans le chemin de fer, l’électricité, la société industrielle (capitaliste privée ou d’état, ou mixte) et, désormais, dans la société cybernétique. D’ailleurs les chiffres le prouvent. Nous sommes dix fois plus nombreux sur terre, qu’il y a deux siècles et nous y vivons plus vieux, dans de meilleures conditions – au moins dans les métropoles « avancées ». Ce qui justifie d’étendre au reste de la planète l’American way of life de la Silicon valley. Bref, croissez et multipliez. Mieux vaut le confort sous dépendance informatique que les hasards de la liberté.
    Les mêmes, qui n’en sont pas à une contradiction près, déclarent impossible tout « retour en arrière’ . Précisément parce que nous sommes si nombreux sur un îlot si dévasté, Il nous faudrait confier le calcul et la répartition de nos rations de survie aux calculateurs les plus rationnels. Bref, les coupables de la catastrophe nous imposent la poursuite de la fuite en avant technologique, sous prétexte de gérer les conséquences de deux siècles de révolution industrielle et technologique. Il s’agit d’instaurer un état d’urgence écologique, perpétuel, sous dictature informatique – c’est-à-dire des technocrates qui vampirisent nos données pour en nourrir leurs machines.23

    Nous disons que plus il y a d’humains dans un monde toujours appauvri et réduit, moins il y a d’humanité. La quantité s’obtient en raison inverse de la qualité. On le vit déjà à l’époque du néolithique, quand les petites bandes éparses de chasseurs-cueilleurs, une cinquantaine de nomades par territoire, cédèrent la place aux éleveurs cultivateurs sédentarisés. Les squelettes de chasseurs-cueilleurs exhumés par les préhistoriens sont ceux d’individus grands, minces, robustes, exempts de caries et de carences osseuses, au contraire des éleveurs cultivateurs affaiblis par leur nouvelle alimentation (monotone) et leur nouveau mode de vie (travail, stratification sociale, habitat populeux, épidémies). Mais la production des agriculteurs leur permit de nourrir cent fois plus de population sur un même territoire et de repousser les chasseurs-cueilleurs vers les forêts et les déserts. Ou de les exterminer. Dix paysans mal nourris étant plus forts qu’un seul chasseur-cueilleur en bonne santé. Entre limiter la croissance de leur population ou accroître la production alimentaire, ils choisirent – suivant quelles modalités ? - la deuxième option.
    Puis ils ne cessèrent d’étendre leurs champs, de défricher, de dévaster les milieux naturels, leur faune et leur flore, et d’épuiser les sols. En somme l’agriculture change la Qualité de vie des chasseurs-cueilleurs en Quantité de vies des éleveurs agriculteurs. Quel intérêt y a-t-il à avoir plus de vies, plutôt que des vies meilleures ? Un gain de puissance du groupe sur les autres, essentiellement au profit de la chefferie. En Chine, en Mésopotamie, en Egypte, les agro-empires de l’Antiquité instaurent sur une échelle colossale, ce règne de la quantité qui nous écrase plus que jamais.24
    De même si « l’humanité » adopte l’agro-industrie (engrais chimiques) et les machines, c’est, selon Engels, dans sa polémique contre Malthus, parce qu’elle permet de nourrir – mal – une plus grande population.25 Cent ouvriers mal nourris sont néanmoins plus forts que dix paysans en bonne santé. Cette force multipliée par celle des machines permit aux armées industrielles de vaincre les armées paysannes et de transformer les campagnes – de les détruire. En somme l’industrie change la Qualité de vie des campagnards en Quantité de vies des citadins. Le même principe d’efficacité permit aux « nouvelles classes moyennes » d’ITC (ingénieurs, techniciens, cadres) et d’employés du « secteur tertiaire », alliées aux drones, robots, ordinateurs, d’évincer les anciennes classes d’agriculteurs et d’ouvriers. Mille employés, même nourris de malbouffe industrielle, sont néanmoins plus forts que cent ouvriers – encore plus mal nourris, d’ailleurs.

    On sait la suite qui nous est promise par le secteur le plus progressiste du capitalisme technocratique, celui des technologies convergentes (NBIC)26 et par ses idéologues : la production consciente et planifiée de « l’homme bionique » (bio-électronique), du cyborg (cyber- organisme), du cybernanthrope comme raillait Henri Lefèvre. Le concepteur de la cybernétique, Norbert Wiener, nous l’a annoncé dès 1945 : « Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement. »27
    Nos lecteurs auront rectifié d’eux-mêmes : ils ont modifié si radicalement notre milieu que nous devrions maintenant nous modifier pour y survivre. Et si nous ne voulons pas ? Eh bien, nous disparaîtrons comme tant de peuples et d’espèces avant nous, cédant notre « niche écologique » à la nouvelle espèce supérieure. C’est qu’il lui en faudra de la matière et de l’énergie pour accomplir son projet d’Übermensch. En somme, la technologie change la Qualité de vie des humains en Quantité de vie des inhumains. Ou l’inverse. Il faudra peut-être se débarrasser de toute l’humanité superflue pour que vive l’élite nécessaire. Les présidents Bush (père & fils) nous l’avaient bien dit quand l’évidence de l’effondrement écologique et du chaos climatique est devenue inévitable, notre mode vie, l’American way of life, n’est pas négociable – et nous sommes tous américains. Des battants. Des vainqueurs. À l’esprit positif et à la foi indéfectible dans la Science et le Progrès.

    Et c’est nous, les « ennemis du Progrès », que l’on traite d’utopistes ! L’utopie, ou plutôt la dystopie, consiste à croire que nous pouvons poursuivre à l’infini l’effroyable transformation du monde et de l’espèce humaine que les déments progressistes nous infligent de gré ou de force. Ce que nous ont permis les chemins de fer, l’électricité et l’emballement technologique des deux derniers siècles, ce sont l’accélération, l’intensification et l’accroissement de tous les processus. Production, population, consommation. L’allongement et l’accélération de l’activité quotidienne, la multiplication des moyens de communication nous ont permis de mener de plus en plus de vies séparées, successives ou simultanées à une vitesse toujours plus frénétique.
    Nos aïeux menaient dans leurs villages et leurs quartiers des vies de famille et de voisinage, lentes et lourdes, des vies rassemblées, où tout avait lieu à distance de marche : le travail, le commerce, l’habitat, le repos, les fêtes, les échanges, les amours, les querelles, etc. C’était donc aussi des vies directement vécues et collectivement vécues, mais naturellement vécues. Si l’on met de côté les ordres monastiques qui relèvent d’un autre registre, il fallut attendre les premiers phalanstères pour voir des tentatives, d’ailleurs suivies d’échecs, de reconstituer des communautés artificielles. Cette vie d’avant, toute prise dans la société la plus immédiate pouvait être affreusement étouffante et mutilante. Elle a suscité en réaction de multiples voies d’évasion, de refuges et de vagabondages.

    Nos contemporains mènent dans leurs agglomérations des vies dispersées, souvent solitaires, séparées et virtuelles. Grâce aux moyens de communication, ils éloignent leur lieu de travail de leur(s) lieu(x) de résidence et celui-ci (ceux-ci), de la zone de chalandise et/ou de loisirs. Leurs horaires ne sont pas moins éclatés et irréguliers que leurs espaces. Ils sont toujours en transit, en voiture, dans le train, le bus, l’avion, sur leurs écrans, vivant à distance et par intermittence, entre leurs familles décomposées, leurs « amis » sur les « réseaux sociaux » et sur les « forums Internet ». Ils sont donc contraints pour maintenir leurs liens et pour se retrouver, à une énorme dépense d’énergie et de matière achetée à force d’argent, c’est-à-dire de travail. Autrement dit, ils passent leur vie à gagner les moyens de se rassembler. Que ne font-ils pas un court-circuit pour vivre d’abord ensemble, avec ceux qui sont ici, au lieu de vivre ailleurs, avec ceux qui sont au loin ? À quoi bon ce détour, sinon à stupidement alimenter la machine économique ?

    C’est Illich, peut-être, qui dans La convivialité (1973), avait relevé ce paradoxe. L’abondance des embouteillages empêche qu’on aille plus vite en voiture, à Paris de nos jours, qu’en calèche à la Belle époque. Mais pour se payer cette voiture censée lui permettre d’aller plus vite – achat, assurance, entretien, essence, stationnement et garage - le conducteur perd une si grande partie de sa vie qu’il irait plus vite à pied ou en vélo. Plus le coût social, écologique, économique de l’industrie automobile. Faut-il enfoncer les portes ouvertes ? Le temps n’est pas de l’argent. Ma vie n’a pas de prix. Aucun emploi, aucun salaire, ne vaut que je lui sacrifie mon seul bien, offert une fois pour toutes par mes père et mère, et que personne ne peut augmenter ni me rembourser. L’électrification du monde ne nous fait pas gagner de temps. Elle nous en fait perdre par les multiples détours économiques et sociaux qu’elle rend d’abord possibles, puis obligatoires. Elle ne nous fait pas vivre mieux, ni plus heureux. Sans compter le ravage de notre milieu naturel. Et croyez bien que c’est dit à regret par des gens qui ne peuvent s’empêcher de lire la nuit.
    Il en est de même des chemins de fer et de l’ensemble de la société industrielle et technologique, dont le bilan est non moins effroyable. Ce constat de faillite que ses auteurs ne songent plus à nier, mais qu’ils cherchent à tourner à leur avantage, en nous réclamant de nouveaux crédits (d’argent, de temps, de destructions et de peine) et en faisant miroiter de nouveaux mirages d’abondance doit entraîner de notre part, sociétaires de la société, deux décisions :
    Le licenciement de la technocratie dirigeante.
    Le démantèlement de la société électrique & industrielle.

    Laissez-nous vivre et rendez-nous la terre, les abeilles et les bougies !

    Pièces et main d’œuvre
    Grenoble, décembre 2016

    --
    1 http://refus.linky.gazpar.free.fr
    2 cf. Le Postillon n°37, octobre 2016
    3 cf. Antifascisme radical ? Sur la nature industrielle du fascisme. Sebastian Cortes. Editions CNT-RP, 2015
    4 cf. Multitudes n°58, printemps 2015
    5 cf. Linky, la filière grenobloise, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    6 Pierre Frappat. 1979, Ed. Alain Moreau
    7 Pièces et main d’œuvre. 2013, Editions L’Echappée
    8 cf. Sous le soleil de l’innovation. Pièces et main d’œuvre. Ed L’Echappée, 2013
    9 cf. Tableau de la géographie de la France (la Table ronde, 2000) ; Planification urbaine et croissance à la grenobloise sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    10 cf Métro, boulot, chimio (éd. Le Monde à l’envers) et “Réindustrialisons” : quand “Là-bas si j’y suis” défend le cancer français sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    11 cf Fakir n°69, mars-avril 2015
    12 cf. In their own words. Le parallèle entre le Grésivaudan et la Silicon Valley par ceux-là même qui l’ont commis : www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php ?page=resume&id_article=117
    13 cf. Linky : la filière grenobloise, op. cité
    14 Mais il est vrai que nous préférons Elisée Reclus, George Orwell et Victor Serge, combattants sans dieu ni maîtres de l’union libre et de la libre pensée, aux cagots anti-anarchistes qui défilent aux cris de « Dieu est grand ! », consentent au voilage des femmes et attaquent les réunions où l’on ose critiquer leur islamolâtrie (cf. communiqué de Mille Babords : www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php ?page=resume&id_article=885)
    15 cf. Sous le soleil de l’innovation. Pièces et main d’œuvre. Ed L’Echappée, 2013
    18 cf. Frédéric Gaillard. Le Soleil en face. Rapport sur les calamités de l’industrie solaire et des prétendues énergies alternatives. Ed. L’Echappée, 2012
    19 cf. Isère Magazine, novembre 2004
    20 cf. Caliban et la sorcière, Silvia Federici. Ed. Entremonde 2014
    21 cf. http://grenoble-anti-linky.eklablog.com
    22 cf. Le téléphone portable, gadget de destruction massive. Pièces et main d’œuvre (L’Echappée, 2008) ; Adresse à tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances, mais les supprimer, juin 1990, par L’Encyclopédie des nuisances. www.piecesetmaindoeuvre.com
    23 cf. L’Enfer vert, un projet pavé de bonnes intentions. Tomjo. L’Echappée
    24 cf. De la Popullulation, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    25 cf. Esquisse d’une critique de l’économie politique. 1843-1844
    26 Nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives
    27 cf. Norbert Wiener. Cybernétique et société.

  • ÉCOLOGISME ET TRANSHUMANISME
    Des connexions contre nature

    Ecologistes, végans et sympathisants de gauche prolifèrent au sein du mouvement transhumaniste. Après Le Monde, Le Nouvel Obs et Politis, Primevère, le plus grand salon écologiste français, invitait en 2016 un de ses représentants à s’exprimer. Didier Cœurnelle, vice-président de l’Association française transhumaniste, est élu Vert en Belgique. Il aurait eu les mots pour séduire les visiteurs de Primevère, avec une « vie en bonne santé beaucoup plus longue, solidaire, pacifique, heureuse et respectueuse de l’environnement, non pas malgré, mais grâce aux applications de la science. » (1) Il aura fallu les protestations d’opposants aux nécrotechnologies pour que le salon annule son invitation. (2) Les transhumanistes ne luttent pas contre les nuisances. Technophiles et « résilients », ils comptent sur l’ingénierie génétique, la chimie et les nanotechnologies pour adapter la nature humaine et animale à un milieu saccagé.

    Faut-il un État mondial inter-espèces pour lutter contre les dominations entre humains et animaux ? Voire entre animaux, avec des prédateurs devenus herbivores après modification génétique ? Même si leurs idées prêtent à rire, les transhumanistes ne sont pas des ahuris victimes d’une indigestion de mauvaise science-fiction. Ils sont écologistes et végans (c’est-à-dire refusant de consommer les produits issus des animaux), certes. Parfois même bouddhistes. Mais aussi philosophes, généticiens, informaticiens, sociologues ou start-uppers rétribués par Harvard, Oxford, la London school of economics ou Google. La plupart d’entre eux veulent le bien de la planète et de ses habitants, lutter contre les oppressions, tout en augmentant notre espérance de vie jusqu’à « la mort de la mort ».

    Les deux porte-paroles du mouvement transhumaniste francophone revendiquent leur militantisme « écolo ». Marc Roux a été adhérent de l’Alternative rouge et verte. Didier Coeurnelle est élu Vert de la commune de Molenbeek. Le co-fondateur de Humanity+, la principale association transhumaniste américaine, David Pearce, est un militant anti-spéciste et végan. L’Australien Peter Singer, philosophe et auteur du livre de référence des antispécistes La libération animale (1975), est lui-même transhumaniste et ancien candidat Vert en Australie. Quant à l’actuel directeur de Humanity+, James Hughes, en tant que bouddhiste, il ne ferait pas de mal à une mouche. Loin de l’image repoussoir de libertariens insensibles aux malheurs qui les entourent, les transhumanistes sont souvent des progressistes de gauche, écologistes et féministes, suivant la bonne conscience qui règne dans la Silicon Valley depuis le mouvement hippie des années 1960. En France, à l’avant-garde des partisans de la reproduction artificielle de l’humain (PMA-GPA) figurent les membres d’Europe-écologie les Verts.

    D’après Marc Roux et Didier Cœurnelle, auteurs de Technoprog (3), les transhumanistes seraient majoritairement de gauche, attachés à un système social et à une médecine redistributive, contre l’idée d’une humanité à deux vitesses après sélection génétique. Ils se trouvent même des points communs avec les « objecteurs de croissance ». (4) Fort bien. Laissons de côté les ultras, libertariens ou technogaïanistes, et intéressons-nous à ces transhumanistes sociaux-démocrates et soit-disant écolos. Ceux qui introduisent le loup transhumaniste dans la bergerie verte.

    BIENVEILLANCE AUGMENTÉE

    Aux origines des mouvements contestataires et écologistes américains que l’on qualifia un temps de New left, on trouve l’opposition à la guerre et à l’enrôlement forcé. Les années passant, le post-modernisme faisant son travail de dépolitisation, cette « non-violence » se reporta sur les rapports interpersonnels (on dit : les « micro-agressions ») pour accoucher de « safe spaces » que les lecteurs des Inrocks connaissent par cœur. Les transhumanistes, qui sont autant de leur époque qu’un centre LGBT de province, veulent eux aussi une planète plus safe, sans micro-agressions.
    Si les codes de bonne conduite ne suffisent pas, ils suggèrent le moral enhancement (l’amélioration morale) de l’humanité et des animaux (« non-humains », précise-t-on chez les post-modernes), soit « l’amélioration de la compassion, de la solidarité et de l’empathie » par des moyens génétiques ou médicaux. Comme la prise d’ocytocine par exemple, qui favoriserait les comportements solidaires. « Diminuer les souffrances, augmenter les plaisirs, cela fait partie de ce que nous souhaitons intensément pour nous-mêmes et, peut-être plus encore, pour les autres », clament les auteurs « de gauche » de Technoprog. Comment dire du mal de prêcheurs aussi sirupeux.

    Deux philosophes du « Moral enhancement » publiés par l’Oxford University Press assurent que « Notre connaissance de la biologie humaine - en particulier, de la génétique et de la neurobiologie - commence à nous permettre d’influer directement sur les bases biologiques ou physiologiques de la motivation humaine, soit par des médicaments ou par sélection génétique, soit en utilisant des dispositifs externes qui affectent le cerveau ou le processus d’apprentissage. » (5) Loin des élucubrations, ces projets deviennent chaque jour plus réalistes - notamment grâce aux avancées dans l’édition génomique du type CRISPR-CAS 9. Certains imaginent une humanité et une animalité génétiquement bienveillantes et heureuses. Le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo, directeur du département Neurologie de l’Institut Pasteur, ne vante-t-il pas l’optogénétique pour « former et effacer des souvenirs » et ainsi créer des humains « qui n’ont plus peur de la peur, ou qui garderaient un souvenir positif d’événements très négatifs » (6) ? On imagine les applications pour prévenir les suicides chez Foxconn et les traumas des soldats.

    Nous avons vu paraître il y a peu en France, sous le patronage de l’UFR de Philosophie de la Sorbonne et le regard approbateur des transhumanistes, le mouvement « Altruisme efficace » – traduction de l’effective altruism de Peter Singer promu par des philanthropes tels que Peter Thiel, fondateur de PayPal, Jaan Tallinn de Skype, ou encore Duston Moskowitz de Facebook. Leur souhait : une plus grande efficience des œuvres de charité sur la base du ratio « euro donné/quantité de ‘’bien’’ atteint ». La branche « Charity Science » de ce mouvement calculera, grâce aux outils du Big data, le bonheur ressenti. Un végan comme David Pearce, fondateur de Humanity+, promeut quant à lui le Paradise Engineering, soit l’ingénierie génétique et les nanotechnologies au profit du bonheur et de l’empathie envers les humains et les animaux. D’où leur enthousiasme pour le wireheading, la stimulation par électrodes des zones du cerveau dévolues au plaisir. Amis dépressifs, on vous prendra la tête.

    Au delà de la philanthropie typique du capitalisme anglo-saxon, émerge une sorte de bouddhisme augmenté, une pleine conscience et un éveil spirituel assurés par la pharmacie, l’ingénierie génétique et les technologies de communication. Le plus célèbre des bouddhistes français, Matthieu Ricard, lui-même docteur en génétique cellulaire, s’affiche aux côtés de transhumanistes comme Peter Singer et les Altruistes efficaces. Il est membre, au même titre que le Dalaï Lama, du Mind and Life Institute, un club de bouddhistes et de scientifiques pour qui l’accès à la pleine conscience par neurostimulation présente un grand espoir (la neuro-théologie). Le Dalaï Lama a donné sa « bénédiction » au projet « Avatar » du transhumaniste milliardaire russe Itskov dont l’objet est d’atteindre l’immortalité d’ici 2045. (7)

    Si la société va mal, ce serait donc par manque d’empathie. Voilà tout. De notre part ? De nos dirigeants ? On retrouve là les obsessions « safe » des post-modernes qui évacuent toute explication politique au profit du sirop psychologisant versé dans les cercles de bienveillance non-mixtes. Or, c’est se tromper sur la nature d’un système, qu’on l’appelle technicien, bureaucratique ou capitaliste, que d’ignorer le rôle d’intérêts objectifs, ceux des classes possédantes, des élus, des techniciens de l’administration. Leur machine bureaucratique fonctionne. Elle n’est pas le fait d’êtres sensibles qu’il faudrait moraliser, mais d’acteurs rationnels qu’il s’agit de renverser.

    UN ANTISPÉCISME TRÈS ARTIFICIEL

    « La nature, ça n’existe pas », nous répète l’importateur français des thèses antispécistes Yves Bonnardel. (8) Dès lors, pourquoi s’émouvoir qu’un steak in vitro puisse représenter l’avenir de notre alimentation ? Vous savez, ce steak élevé en laboratoire en 2013 à partir de cellules souches de bovin ? Ce steak à 250 000 dollars a été financé par le boss de Google, Serguey Brin, préoccupé par la souffrance animale. Il va falloir vous faire à l’idée, car les antispécistes et les écolos transhumanistes préparent votre pâtée quotidienne garantie sans domination humaine. Déjà, certains magasins bio proposent des substituts de repas complet sous forme de poudre à diluer, garantis bio, végans et sans OGM. Ils s’inspirent du premier substitut protéinique vegan appelé Soylent, en référence au film Soleil vert (Soylent green en anglais) dans lequel l’humanité superflue ingère des tablettes d’humains faute de nourriture. Le concepteur de ce substitut est informaticien. Rob Rhinehart prétend s’en nourrir à 80 %. « Résultat : il n’est pas allé à l’épicerie depuis des années. Il ne possède plus de frigo ni de vaisselle. Et il a transformé sa cuisine en bibliothèque. » (9) La composition chimico-informatique de son produit est en open source. Ce qui en fait un transhumaniste de gauche, contre la propriété privée, l’exploitation animale et la mal-nutrition du tiers-monde. Un autre transhumanisme est possible, vous dit-on.

    Pourquoi cette attention portée à la viande ? Un kilo de viande bovine requiert 10 kg de nourriture végétale. Les élevages consomment déjà 30 % des terres arables et rejettent 15 % des gaz à effet de serre. En 2050, nous serons 9 milliards d’omnivores humains et notre consommation de protéines aura doublé. Un vrai challenge pour ingénieurs, informaticiens, biologistes et business angels de la Silicon Valley. Même Bill Gates s’en émeut, qui investit dans la viande sans viande depuis 2013. En la matière, si l’on peut dire, les mayonnaises et les cookies végan de la Hampton Creek’s, basée à San Francisco, font recette. Le secret de leur mayonnaise sans œufs au goût de mayo ? Une intelligence artificielle supervisée par des biochimistes et l’ancien data scientist de Google, Dan Zigmond. Adieu Mamie Nova, les dimanches après-midis à faire des confitures et des pots pour l’hiver : le process culinaire du XXI° siècle s’obtient par modélisation informatique de milliards d’assemblages possibles de protéines végétales. C’est bien la peine de s’augmenter, d’améliorer son intelligence et de vaincre la mort si c’est pour bouffer de la pâtée techno-vegan le reste de son immortalité. Mais c’est le prix à payer pour survivre au désastre écologique.

    « Tout ce qui nous permet de trouver de bonnes alternatives, de bonnes techniques exemptes de cruauté, durables, saines et économiquement compétitives, nous fait faire un pas vers la fin de l’exploitation animale », affirmait Peter Singer, notre philosophe végan et transhumaniste, qui faisait la publicité de Hampton’s Creek lors de la dernière rencontre nationale de l’association L214 à la Cité des sciences et de l’industrie. L214, vous en avez entendu parler cette année, leurs vidéos d’abattoirs ont ému la France jusqu’au ministre de l’agriculture. En invitant Singer, ont-ils relevé le paradoxe dans lequel se trouvent les antispécistes et les mangeurs de protéines techno-végétales ? S’ils s’élèvent avec raison contre les conditions industrielles d’élevage et d’abattage, ils appuient la fuite en avant artificielle de l’agro-industrie. On est passé en quelques décennies de paysans éleveurs, aux petits soins pour leurs bêtes, à des consommateurs d’ersatz protéiniques cellophanés calculés par ordinateur. Quoi que divaguent les antispécistes, il n’y a pas à choisir entre un steak in vitro et l’abattage industriel brutal.

    On sait que les animaux et les humains sont doués de sensibilité. Pour les transhumanistes comme pour les antispécistes, héritiers de la cybernétique, la nature est un continuum entre vivant et inerte, entre l’homme, l’animal et la machine qui rendrait impossible toute distinction définitive entre eux. Qu’est-ce qui les unifie ? Ils seraient également sensibles. Selon Norbert Wiener, la cybernétique traite de « l’ensemble des problèmes ayant trait à la communication, au contrôle et à la mécanique statistique, aussi bien dans la machine que chez l’être vivant. » (Cybernetics, or Control and Communication in the Animal and the Machine, 1948). Les animaux sont des machines communicantes et inversement. Ainsi en est-il du petit chat, chez Wiener : « Je l’appelle et il lève la tête. Je lui ai envoyé un message qu’il a reçu au moyen de ses organes sensoriels et qu’il a traduit par une action. Le petit chat a faim et il miaule. Alors, c’est lui qui envoie un message. » Analogie abusive : sensibilité et communication n’équivalent pas à échange de données. Si pour les antispécistes les espèces n’existent pas, les animaux étant tous dotés de sensibilité, pour les cybernéticiens, « le fonctionnement de l’individu et celui de quelques machines très récentes de transmission, sont précisément parallèles. Dans ces deux cas, l’un des stades du cycle de fonctionnement est constitué par des récepteurs sensoriels. » Le tour est joué. Le miaulement du chat et la parole humaine équivalent au signal d’une machine électronique. Pour ces ingénieurs, animaux, humains et machines forment un tout reprogrammable.

    S’il n’y a pas de différence d’espèce entre une souris et un humain, comment comprendre cette volonté des Instituts américains de santé (10) de financer des greffes de cellules souches humaines sur des embryons d’animaux ? (11) Il ne s’agirait plus seulement de greffer des organes d’animaux à des humains comme on fait des boutures, mais de créer des chimères : par exemple, un cerveau humain dans un crâne de souris (soit l’inverse de Peter Singer). D’un point de vue théorique, que l’on soit antispéciste et/ou transhumaniste, rien ne l’empêche, puisque « la nature ça n’existe pas », et que nous sommes des animaux-machines également doués de « sensibilité ». On n’a cependant pas encore connaissance de projets de souris cherchant à se greffer des organes humains.

    S’AUGMENTER OU S’ADAPTER AUX NUISANCES ÉCOLOGIQUES

    La Silicon Valley soutient la candidature d’Hillary Clinton qui défend les intérêts des « techies ». Si les transhumanistes ne sont pas tous d’affreux individualistes libertariens, ils ne sont pas non plus de vulgaires climato-sceptiques insouciants des effets de notre mode de vie sur notre environnement et notre santé. C’est là que gît le piège transhumaniste pour les écologistes.

    Dès l’époque de la World Transhumanist Association, l’ancêtre de l’actuelle Humanity +, la question écologique se pose. Vivre 120 ou 150 ans, repousser les limites de la fertilité féminine par des techniques de procréation assistée, ne va-t-il pas faire exploser la population mondiale, pressurer les écosystèmes, accélérer le dérèglement climatique, provoquer des famines ? Les transhumanistes états-uniens s’en préoccupent et mobilisent, dès les années 2000, l’essayiste et romancier cyberpunk Bruce Sterling. En janvier 2000, Sterling livre un manifeste pour une nouvelle politique écologiste « Vert-Emeraude ». « Sterling défend plus de contrôles des capitaux transnationaux, le redéploiement des budgets militaires vers une politique de paix, le développement d’industries durables, l’augmentation du temps libre, la garantie d’un salaire socialisé, l’extension d’un système de santé public et la promotion de l’égalité de genres ». (12) On ne fait pas mieux à gauche. Anti-luddites au prétexte que la simplicité ne serait pas assez attrayante, ses propositions pour supplanter les vieilles industries polluantes du XX° sont : « des produits intensément glamour et écologiquement rationnels ; des objets entièrement nouveaux fabriqués avec de nouveaux matériaux ; le remplacement de la matérialité par l’information ; la création d’une nouvelle relation entre la cybernétique et la matière. » (13) Un manifeste que les transhumanistes n’auront pas de mal à s’approprier.

    À la question de la surpopulation (la « Bombe P », disait Ehrlich en 1968), les transhumanistes répètent « qu’avec l’extension de la durée de vie, nous nous sentirons beaucoup plus responsables des conséquences écologiques de nos comportements » (Humanity +). (14) Dit autrement par l’utilitariste Peter Singer, « Il est préférable d’avoir peu de gens mais qui vivent longtemps, car ceux qui sont nés savent ce dont la mort les prive, alors que ceux qui n’existent pas ne savent pas ce qu’ils ratent. » (15) Logique, non ? Du côté des « technoprogressistes » français, on argue que « là où les citoyens vivent plus longtemps, ils ont moins d’enfants ». Et donc le progrès technique accélérera la transition démographique. Ce ne sont là que des hypothèses que nous sommes sommés de valider. Mais, si nous devions vérifier la corrélation hasardeuse entre espérance de vie et responsabilité écologique, le XX° siècle les démentirait, tant l’augmentation de la durée de vie semble corrélée avec, entre autres exemples, la hausse des conflits (dont certains génocidaires), les catastrophes écologiques, ou la mise au point de bombes apocalyptiques.

    Pour combattre le réchauffement climatique, un certain Matthew Liao, professeur de philosophie de la New York University, accompagné d’Anders Sandberg et Rebecca Roach d’Oxford (donc, pas des tenanciers d’un obscur blog), ont de solides propositions transhumanistes. La plus simple serait pharmaceutique, comme la prise de pilules qui nous dégoûteraient de la viande ou augmenteraient notre empathie. Nous pourrions aussi, toujours grâce à la sélection et l’édition génomique de type CRISPR, augmenter nos pupilles de gènes de félins pour voir la nuit (et réduire ainsi nos installations lumineuses dévoreuses d’énergie), et baisser le poids et la taille de l’humanité : « Si vous réduisez la taille moyenne des Américains de 15 cm, vous réduisez la masse corporelle de 21 % pour les hommes et 25 % pour les femmes ». (16) Moins de masse corporelle, c’est moins de besoins énergétiques et nutritifs. On fait bien des cochons nains à destination des laboratoires pharmaceutiques. Pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? Parce que l’état de l’ingénierie génétique ne nous le permettait pas.

    Tout cela vous semble de la science-fiction ? Le Monde du 22 juin 2016 nous informe qu’il faut « se préparer à vivre loin de la Terre », ou en tout cas à survivre sur une planète invivable : « L’Agence spatiale européenne vient de faire le point sur les recherches concernant la vie en ‘’écosystème clos artificiel’’ et leurs applications terrestres. » Nos spationautes ne disent pas autre chose qu’un Marc Roux pour qui « Les transhumanistes n’hésitent pas à envisager de permettre à certains de leurs congénères d’adapter leur biologie à d’autres planètes ou même au milieu sidéral. Ne serait-il pas raisonnable de commencer en apprenant à nous adapter aux nouvelles conditions de vie dans notre propre maison ? » (17) Recyclage de l’eau, de l’air et des déchets. Transformation du CO2 en oxygène grâce à des algues nourries aux déjections, nitrification d’urines fraîches pour transformation en eau potable : tout cela ferait passer les poudres Soylent pour de la gastronomie. L’un des chercheurs développe déjà ce genre de toilettes – on dit « Systèmes de support de vie » – pour les pays pauvres chargés d’expérimenter nos futurs « habitats clos terrestres ». Ou comment la survie en milieu spatial nous offre un avant-dégoût de notre survie sur Terre.

    Mais revenons au paragraphe précédent : « Nous adapter aux nouvelles conditions de vie dans notre propre maison », dit le transhumaniste Marc Roux. Plutôt que d’écologie, ou même d’« augmentation » de nos capacités physiques et intellectuelles, M. Roux n’offre d’autre perspective à l’humanité que de « repousse[r] continuellement le spectre de sa disparition ». Tout est là. L’écologie transhumaniste est pétrie de cette idéologie de la « résilience » – un terme issu de la psychologie synonyme d’adaptation à la dégradation des conditions d’existence – qui prévaut aujourd’hui jusque dans les Conférences sur le climat. « Aucune idée n’est à écarter a priori si elle peut déboucher sur une meilleure adaptation des corps à leur environnement. […] Sur le court ou moyen terme, l’humain me paraît infiniment plus souple et malléable que la planète qui nous héberge. » Cette idée apparemment nouvelle n’est qu’une resucée de Norbert Wiener qui, déjà en 1950, nous confrontait à cette obligation : « Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement » (L’usage humain des êtres humains). (18) Il s’agit, dans la tradition du darwinisme social, de permettre la survie du mieux adapté. Crèvent les faibles et les inadaptés. D’où l’appel aux transformations génétiques. Voilà l’imposture. Derrière le volontarisme technique, c’est la soumission qui domine ; la dégradation de notre environnement est un fait inéluctable, auquel nous n’avons plus qu’à nous adapter.

    Ce transhumanisme paré de valeurs écologistes et démocrates conteste la vieille administration du désastre par les « bureaucraties vertes ». (19) Il ne se veut pas une écologie de la contrainte mais de l’augmentation. Ou plutôt, pour toute augmentation, de la mise à niveau de l’humanité à un environnement proprement inhumain. Soit parce qu’il nous surclasse – c’est la thèse de Ray Kurzweil, pionnier du transhumanisme pour qui l’intelligence artificielle nous oblige à augmenter nos capacités cognitives – soit parce qu’il est écologiquement invivable. Probablement les deux à la fois. Voilà toute leur ambition, une insulte aux fondateurs de l’écologie, les Ellul, Charbonneau, Illich.

    ADRESSE À CEUX QUI NE VEULENT PAS S’ADAPTER AUX NUISANCES MAIS LES SUPPRIMER

    En développant un discours à prétention écologiste, les transhumanistes souhaitent certainement désamorcer la critique et rallier l’opinion. Mais l’imposture demeure. Il existe un courant « écologiste » technicien. Le prodige du Club de Rome, avec son étude Halte à la croissance ? de 1972, n’est-il pas d’avoir modélisé le monde sur ordinateur, quelques mois avant que le NASA ne lance son premier satellite d’observation et de monitoring de la Terre ? (20) La fashionista américaine du transhumanisme Natasha Vita-More s’appuie sur la « seconde vague cybernétique » des années 50-70, qui rapprocha deux champs scientifiques jusque-là distincts, à savoir la biologie et les sciences cognitives. Sous les coups de zoologues et de biologistes fascinés par la cybernétique, la nature fut réduite à un « écosystème », les relations entre les êtres vivants et leur environnement, et jusqu’à leur physiologie, à des « systèmes de communication interconnectés ». « Notre environnement entier, et jusqu’à l’univers, est un écosystème indépendant mais unifié ; et nous, en tant que que formes de vie intégrées à ce système, sommes agents de notre propre système physiologique », nous dit Vita-More. Quand les « écologistes » lillois posaient les premières briques de la ville « intelligente », ils ne faisaient pas autre chose que de rationaliser l’écosystème métropolitain considéré comme une machine communicante. (21)

    Le projet transhumaniste est l’aboutissement de notre soumission à l’expertise technicienne. C’est un projet anti-humaniste, quoi qu’en dise Luc Ferry dans La révolution transhumaniste. (22) Quand l’essayiste nous assure que le transhumanisme est un « hyperhumanisme », il ment. Quand il affirme qu’il ne s’agit plus « de subir l’évolution naturelle, mais de la maîtriser et de la conduire par nous-mêmes », il évite de définir ce « nous-mêmes ». S’agit-il du peuple ? Ou des technocrates dirigeants, de sa propre caste d’ingénieurs des âmes et des corps ? Mais qu’attendre de l’auteur du Nouvel ordre écologique (1992), qui assimilait l’écologie au nazisme et à l’anti-humanisme.

    Dans la fable transhumaniste, l’humanité est composée non pas d’animaux politiques, mais d’animaux-machines. Cette fable réduit l’histoire au seul progrès technologique.
    Écologistes, si vous voulez supprimer les nuisances et non vous y adapter, vous devez rétablir l’histoire. Ne pas confondre progrès technologique et progrès social et humain. Il faut choisir, rester des humains d’origine animale ou devenir des inhumains d’avenir machinal.

    TomJo, octobre 2016
    hors-sol@herbesfolles.org

    --
    1 Programme du salon Primevère, 2016.
    2 « Le salon Primevère invite les transhumanistes », Pièces et main d’œuvre, 2016.
    3 éditions FYP, 2016.
    4 « Transhumanisme et décroissance », Marc Roux, 23 janvier 2015, transhumanistes.com.
    5 Julian Savulescu et Ingmar Persson. Philosophy Now, août-sept. 2016. Leur livre s’intitule Unfit for the Future : The Urgent Need for Moral Enhancement (Inapte pour le futur : l’urgence de la valorisation morale).
    6 Le Monde, 6 octobre 2014.
    7 Atlantico.fr, 31 juillet 2012.
    8 Usbek & Rica, juillet 2016.
    9 « Silicon Valley gets a taste for food », The Economist, 7 mars 2015.
    10 Centres de recherche dépendant du Ministère de santé américain.
    11 « N.I.H. May Fund Human-Animal Stem Cell Research », The New York Times, 4 août 2016.
    12 « Ecologists », Humanity +, non daté.
    13 viridiandesign.org/manifesto.html
    14 Idem
    15 « Should we live o 1 000 ? », Peter Singer, project-syndicate.org, 10 déc. 2012.
    16 Référence.
    17 « Transhumanisme et écologie », Marc Roux, 11 avril 2016, transhumanistes.com.
    18 Cité par Sarah Guillet dans « La colonisation des sciences sociales par le ‘sujet informationnel’ », revue L’Inventaire n°5, éditions La Lenteur, juillet 2016.
    19 Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, René Riesel et Jaime Semprun, Encyclopédie des nuisances, 2008. Dans son Manifeste, Bruce Sterling : « Il est peu probable que la plupart d’entre nous tolère de vivre dans un État du Rationnement du CO2. Cela signifierait que chaque activité humaine soit au préalable autorisée par des commissaires de l’énergie. »
    20 Le Monde, 25 juillet 2015.
    21 L’Enfer vert, TomJo, L’échappée, 2013.
    22 La Révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies, Luc Ferry, Plon, 2016.

  • Sicherheitsexperte über Kybernetik : „Über Gott hinwegsetzen“ - taz.de
    http://taz.de/Sicherheitsexperte-ueber-Kybernetik/!5295958


    Comment raisonnent les chercheurs proches du militaire ? Le professeur du King’s College à Londre Thomas Rid enseigne au Department of War Studies et nous l’explique.

    Die Angst vor Massenüberwachung fußt auf einer empirischen Grundlage. Diese Gedanken tauchen schon früh als dystopische Visionen auf.
    Die einen sagen, Massenüberwachung funktioniert nicht, die anderen kritisieren, wir werden permanent überwacht. Beides geht nicht. Ich denke die Massenüberwachung ist ein Schreckgespenst.

    Bei Verschlüsselungstechnik werden vor allem Inhalte verschlüsselt. Doch die Dienste interessieren die Metadaten.

    Bei altmodischen Telefonanrufen haben sie recht. Die bergen viele Metadaten. Selbst bei verschlüsselten Emails ist noch klar, wer an wen verschickt. Wenn sie iMessage verwenden, oder WhatsApp, dann haben sie in der Regel aber eine HTTPS-Verbindung und eine End-zu-End-Verschlüsselung oder beides. Wenn Sie dann die Daten von einer dicken Leitung abfangen würden, würden sie sehen, dass sie stark verminderte Metadaten haben. Da fehlen also harte Selektoren, an denen die Dienste interessiert sind. Auch das Timing – wann die Kommunikation stattfindet – verliert an Bedeutung. Weil sie den ganzen Tag bei Apple oder Facebook eingeloggt sind. Der Nutzwert der Metadaten rutscht ab.

    Im vergangenen Jahr warnten tausende von Wissenschaftlern vor autonomen Waffensystemen. Die Automatisierung des Krieges: nur eine fixe Idee?
    Die Drohne stellt im Vergleich zur Landmine einen ethischen Fortschritt dar. Und der Krieg der Maschinen ist seit dem Zweiten Weltkrieg eine Realität.

    Sie selbst arbeiteten auch bei der RAND Corporation, einem Think Tank des US-Militärs. Sind Sie ein Militärberater?

    Ich habe davor bei Herfried Münkler studiert und bin durch seine Schule gegangen. Ich hatte nie Berührungsängste, wenn es um Sicherheitskreise und Streitkräfte geht. Das ist am King’s College for War Studies in London nicht anders. Wir arbeiten eng mit Militär- und Nachrichtendiensten aus England und den USA zusammen. Gerade wenn es um die Technik geht ist das hochinteressant.

    #guerre #idéologie #cybernétique

    • Un expert de la sécurité à propos de la cybernétique
      « Surpasser Dieu »
      Dans son livre « Le crépuscule des machines » l’expert en sécurité Tomas Rid traite de l’histoire des idées de la cybernétique. Interview

      Tomas Rid, né en 1975, professeur pour les Etudes de sécurité, enseigne au Department of War Studies du King’s College à Londres. D’après ses réalisations, il est considéré comme un « cyber-guy ». Il s’occupen ensuite de phénomènes comme la « cyberguerre ». Le mot « cyber » vient de « cybernétique » ce dont Rid n’avait pas grand chose à battre. Puis il écrivit une histoire des idées de la cybernétique.

      taz : vous vouliez vraiment libérer le concept de cybernétique du mythe ?
      Thomas Rid : je voulais aider à le rendre superflu. Lorsque j’ai présenté le projet de livre à des informaticiens, ils étaient chauds bouillants sur ce thème.
      Vous avez été étonné de la pertinence ?
      Oui et aussi de la profondeur de l’histoire. La cybernétique réunit une recherche proche des militaires et la contre-culture, le tir de l’artillerie et le LSD. Cette tension entre peur et espoir, entre oppression et autolibération. Ce contraste extrême est très intéressant.

      La cybernétique commence comme un domaine de recherche militaire. En quoi consiste la cybernétique ?
      C’est une question historique, que l’on rencontre en se promenant dans les décennies. Pour Norbert Wiener il s’agit de feedback et de feedback négatif (rétroaction).

      C’est-à-dire ?
      Lorsque vous règlez votre thermostat à la maison, la température est trop élevée et de ce fait la température diminue, c’est un feedback négatif. Deuxième composante : la fusion de l’humain et de la machine. L’idée de Wiener était que le pilote et son avion de combat formait une unité. Le troisième élément est l’équilibre qui doit être trouvé par les rétroactions. La capacité d’apprentissage de la machine devient un principe de totalité.

      Les cybernéticiens pensent la machine comme une forme vivante ?
      Un peu avant sa mort, Wiener a écrit « Dieu et le Golem ». Une vie fabriquée par les humains — c’est profondément enraciné dans les mythologies juive et grecque. Elle génère une fascination monstrueuse. Wiener voulait désenchanter la religion avec une théorie des machines. Il a obtenu le contraire et a enchanté les machines du présent. Nous jouons à Dieu lorsque nous créons des intelligences artificielles. Nous avons une exigence profonde de créer une vie qui soit meilleure que la nôtre. Nous voulons surpasser Dieu.

      Est-ce que vous voulez-dire quand vous qualifier la cybernétique d’idéologie ?
      Nous nous projetons dans les machines. Dans les années 1940 les ordinateurs étaient comparés à des machines pensantes. D’autre part, nous pensons l’humain comme différent de la machine. De même plus tard s’installe le concept de cyberespace. Dans tous ces domaines il y a une oscillation entre angoisse et espoir. La vérité est quelque part entre les deux.

      La crainte d’une surveillance de masse repose sur une base empirique. Cette perspective émerge très tôt comme une vision dystopique.
      Certains disent la surveillance de masse ne marche pas, d’autres critiquent que nous serons en permanence surveillés. Aucun des deux n’a bon. Je pense que la surveillance de masse est un spectre(†).

      (†) NdT : loup-garou pour gg:translate, spectre terrifiant au mot à mot, mais j’imagine, à tort peut-être, que Gespenst est une référence implicite à « Un spectre hante l’Europe ».

      Le chiffrement va encoder tout le contenu. Mais les services s’intéressent aux métadonnées.
      Pour des appels téléphoniques à l’ancienne, vous avez raison. Ils contiennent de nombreuses métadonnées. Même pour des mails chiffrés, qui envoie à qui est tout à fait transparent. Lorsque vous envoyez un iMessage ou WhatsApp, vous avez en règle générale une connexion HTTPS ou un chiffrement de bout en bout ou les deux. Si vous interceptiez les données vous verriez que les métadonnées ont fortement diminué. De la même façon, les sélecteurs en dur qui intéressent les services échoueront. Même le timing, à quel moment se produit la communication, perd en signification. Parce que vous êtes connecté en permanence par Apple ou sur Facebook. L’utilité des métadonnées s’effondre.

      Mais des données sont en permanence générées. Par le smartphone ou les réseaux « sociaux ». Elles vont être utilisées par les entreprises et les gouvernements pour reconstituer de l’information et prédire les comportements futurs. N’est-ce pas une forme de gouvernement cybernétique qui domine depuis longtemps notre présent ?
      Ma réponse va vous décevoir : la cybernétique est le sujet que je souhaite traiter, je n’en ai pas besoin comme outil. C’est très important quand on étudie l’histoire. Car la cybernétique est extrêmement séduisante. Le fondateur de la Scientologie, Ron Hubbard, s’était inspiré de Wiener. C’est un exemple paradigmatique de la force de séduction. Dans mon livre, j’ai tenté de résister à cette séduction.

      Mais la force de séduction a-t-elle quelque chose à voir avec la plausibilité ?
      C’est comme un couteau suisse : on peut s’en servir pour tout. La plupart du temps, ça marche bien. Mais quand on applique la cybernétique à des problèmes sociaux — cyberguerre, surveillance de masse — c’est tout le contraire. La cybernétique nous pousse à des visions extrêmes. C’est ce que montre l’histoire. La cybernétique est elle-même totalement non-cybernétique puisqu’elle ne produit pas d’équilibre.

      Vous décrivez l’étrange développement de l’histoire de la cybernétique. Deux courants totalement opposés se développent : d’une part les utopies de liberté absolue des cyberpunks, de l’autre le totalitarisme d’une surveillance globale. Comment cela va-t-il ensemble ?
      La technique inspire les visions du futur. Les premières visions du cyberespace sont apparues avec les premiers ordinateurs, puis les choses se sont précipitées. Timothy Leary le gourou du LSD, a reconnu dans le cyberespace un espace nouveau qui s’ouvrait. L’ordinateur est le LSD des années 1980. Ce que pensaient les gens à cette époque est grotesque. Mais je ne veux pas m’en moquer. La cybernétique libère les idées et l’espoir. Les temps pionniers sont des temps de visions. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, nous ressentons de nouveau toujours cela.

      Lorsque des investisseurs de la Silicon Valley investissent des milliards de dollars dans l’intelligence artificielle, cela devient une possibilité tout à fait tangible, ne pensez-vous pas ? Les idées de la cybernétique ne sont-elles pas peu à peu en train de devenir réalité ?
      Nous vivons une époque incroyable de l’histoire de l’humanité. Jamais nos modes de communication n’ont changé en un temps aussi court. En même temps la plupart des prévisions de la cybernétique se sont trompées. Nous avons une perception sélective : nous ne nous souvenons que des prédictions correctes. C’est un point important : la plupart des prévisions d’aujourd’hui se révéleront fausses.

      L’agence de recherche du Pentagone vient de lancer un drone catamaran pour détecter les sous-marins. L’année dernière, des milliers de scientifiques ont mis en garde contre les systèmes d’armes autonomes. L’automatisation de la guerre, c’est juste une idée fixe ?
      Je fais parfois de la provocation. Un système d’armes autonome tue depuis longtemps des millions d’êtres humains : les mines. Elles ont un grand degré d’autonomie, car elles décident sur la base de paramètres en entrée, par exemple le poids, d’exploser. Avec des drones pilotés par le réseau, il n’y a pas de raison de les automatiser complètement, car on peut inclure des humains dans la boucle de rétroaction. Pourquoi accorder une autonomie de décision lorsque cela n’est pas du tout nécessaire ? Le drone représente un progrès éthique par rapport à la mine. Et la guerre des machines est une réalité depuis la seconde guerre mondiale.

      Vous-même, vous avez travaillé pour la RAND Corporation, un think thank militaire états-unien. Êtes vous un conseiller militaire ?
      J’ai travaillé au préalable avec Herfried Münkler et suis passé par son école. Je n’ai jamais eu peur des contacts lorsqu’il s’agit des cercles de la sécurité ou des forces armées. Il n’en va pas autrement au King’s College for War Studies à Londres. Nous travaillons en étroite collaboration avec les forces militaires et les services de renseignement de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Quand il s’agit de technique cela devient passionnant.

      Pourquoi ?
      Quand vous vous déplacez dans cet environnement, vous êtes surpris. On voit des jeunes à capuches, mais ils n’organisent pas de manifs, ils pointent avec leur document d’identité auprès des services. Dans les services ils ont aussi intégré la contre-culture. Snowden en est un exemple.

      À votre avis, Snowden est-il un traitre ou un héros ?
      Malheureusement, Snowden manque de nuances dans son analyse. Quand on regarde son flux Twitter, c’est plutôt rude. Ça manquait aussi de finesse de diffuser toutes ces données internes de façon indifférenciée. Il a divulgué les interceptions et les documents de la NSA qui n’ont pas grand chose à voir avec les libertés civiles.

      Que voulez-vous dire ?
      Comment la NSA espionne des cibles iraniennes ou chinoises par exemple. C’est pour cela qu’il y a la NSA. Ça n’a pas à être révélé. Il aurait pu faire fuiter (leak) quelques centaines de documents importants pour le débat. C’est donc un héros et en même temps un traitre.

      (sous le regard critique des nombreux germanophones ici présents…)

  • La lettre de Norbert Wiener aux syndicats ouvriers (automobile) en 1949
    chez @tranbert

    Norbert Wiener, Lettre au syndicaliste Walter Reuther, 1949
    https://sniadecki.wordpress.com/2016/01/08/wiener-reuther-fr

    La mise au point détaillée de la machine permettant d’effectuer une fonction industrielle particulière est un travail très qualifié, mais pas un travail mécanique. Cela s’effectue en « programmant » la machine correctement, tout comme on programme les machines de calcul informatiques actuelles. C’est un appareil extrêmement flexible, adapté à la production à grande échelle, et il ne fait aucun doute qu’il aboutira à des usines sans employés ; comme par exemple à des chaînes de montage automatisées dans l’automobile. S’il se retrouvait entre les mains de l’industrie actuelle, cela ne pourrait que créer un chômage désastreux. Je fais le pari qu’on se trouvera quoi qu’il arrive dans une situation critique dans dix ou vingt ans ; mais si une guerre devait faire du remplacement des ouvriers mobilisés dans l’armée une nécessité immédiate, il est probable que l’on concentrerait les efforts dans cette direction, ce qui conduirait très sûrement dans les deux ans à une situation de chômage de masse dans l’industrie.

    Personnellement, je ne tiens pas à être responsable d’une telle situation. C’est pourquoi j’ai refusé sans condition de répondre à la demande du groupe industriel qui a essayé de me consulter. Cependant, en la matière, il ne suffit manifestement pas d’adopter une attitude purement négative. Même si je ne mets pas moi-même cette information entre les mains des industriels, le procédé est si évident qu’il ne tardera pas à leur être vendu par d’autres.

    #Norbert_Wiener #automatisation #robotisation #usine #syndicalisme #cybernétique #chômage #travail

    • #Merci ! Le texte est limpide, important.

      Tu ne cites pas le plus important ^^

      Je propose la chose suivante. En premier lieu, que vous vous intéressiez assez à la menace imminente du remplacement massif des travailleurs par la machine – qui se substitue, non pas à l’énergie des travailleurs, mais à leur jugement – pour adopter une politique sur la question. En particulier, je pense qu’il ne serait pas idiot de votre part de prendre de vitesse les groupes industriels, tout en vous intéressant à la production de ces machines de façon à ce que ce soit une organisation œuvrant pour la cause des travailleurs qui en tire profit. Il se peut au contraire que vous jugiez bon de supprimer complètement ces idées. Dans tous les cas, je suis prêt à vous soutenir loyalement, et sans exiger ni demander un quelconque retour personnel pour mon implication dans ce qui va devenir selon moi un problème de société. Je vous préviens, cependant, que ma propre passivité en la matière ne produira pas, visiblement, la même passivité chez d’autres détenteurs des mêmes idées, et que ces idées sont très dans l’air du temps.

  • How the Computer Got Its Revenge on the Soviet Union - Issue 23: Dominoes
    http://nautil.us/issue/23/dominoes/how-the-computer-got-its-revenge-on-the-soviet-union

    In 1950, with the Cold War in full swing, Soviet journalists were looking desperately for something to help them fill their anti-American propaganda quota. In January of that year, a Time Magazine cover appeared that seemed to provide just the thing. It showed an early electromechanical computer called the Harvard Mark III, and boasted the cover line, “Can Man Build a Superman?” Here was a target that checked the ideological boxes. In May of 1950 Boris Agapov, the science editor of the Soviet Literary Gazette, penned a scornful critique of the American public’s fascination with “thinking machines.” He scoffed at the capitalist’s “sweet dream” of replacing class-conscious workers and human soldiers—who could choose not to fight for the bourgeoisie—with obedient robots. He mocked the idea of (...)

  • Des machines à influencer
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/HENNETON/51964

    Quand le mathématicien américain Norbert Wiener (1894-1964) invente ce qu’il baptisera la « cybernétique » — un dérivé du grec kubernêtês, qui désigne le pilote, le gouvernail —, il veut s’attaquer au problème de la régulation des communications en général, et plus particulièrement aux messages entre l’homme et la machine, entre la machine et l’homme et entre la machine et la machine.

    #Cybernétique #Informatique #Interactions_homme-machine #Langage_informatique #Mathématiques #Méthode #Norbert_Wiener #Numérique #Réseau_informatique

  • WWII Atomic Bomb Project Had More Than 1,500 “Leaks”
    http://fas.org/blogs/secrecy/2014/08/manhattan-project-leaks

    The #Manhattan_Project to develop the first atomic bomb during World War II was among the most highly classified and tightly secured programs ever undertaken by the U.S. government. Nevertheless, it generated more than 1,500 #leak investigations involving unauthorized disclosures of classified Project information.

    That remarkable fact is noted in the latest declassified volume of the official Manhattan District History (Volume 14, Intelligence & Security) that was approved for release and posted online by the Department of Energy last month.

    #nucléaire #bombe_atomique #histoire #fuites

    • Norbert Wiener, Cybernétique et société, 1950, trad. P.-Y. Mistoulon, Seuil, 2014, p. 152 :

      Dans le problème du déchiffrement, l’information la plus importante dont nous puissions disposer est celle de savoir que le message lu n’est pas du charabia. Une méthode courante pour déconcerter les décodeurs consiste à mêler au message normal un message #indéchiffrable, simple assemblage de caractères dénués de sens. De même, si l’on considère des problèmes naturels tels que ceux des réactions et explosifs atomiques, l’élément isolé d’information le plus considérable que nous puissions divulguer est leur existence. Dès que le savant étudie une question qu’il sait soluble, toute son attitude est modifiée. Il a déjà franchi la moitié du chemin qui le sépare de cette solution.

      Aussi est-il parfaitement exact d’affirmer que l’unique #secret relatif à la bombe atomique et qui, au lieu d’être livré au public et à tous les ennemis éventuels sans restriction, aurait pu être gardé, était la possibilité de la construire.

  • Norbert Wiener, cyber-héros - Libération
    http://www.liberation.fr/livres/2014/04/16/norbert-wiener-cyber-heros_998859

    Son père tenait à ce qu’il fût un prodige, un génie, un Pic de la Mirandole, comme d’autres veulent que leur enfant soit vétérinaire ou footballeur. Né en Russie tsariste, à Byelostok, dans une famille juive polonaise, Leo Wiener était arrivé à la Nouvelle-Orléans en 1880. Il avait commencé des études de médecine à Varsovie, puis, à Berlin, s’était orienté vers l’ingénierie. Aux Etats-Unis, il avait exercé tous les métiers, ouvrier d’usine, fermier, maître d’école, colporteur, enseignant de lycée, puis, autodidacte, était devenu professeur de langues germaniques et slaves à Harvard. C’était un homme d’une immense culture, allant des humanities aux mathématiques, connaissant près d’une vingtaine de langues, qui écrira des dizaines d’ouvrages savants, et traduira en anglais 24 volumes de l’œuvre de Tolstoï.

    #cybernétique

    • « « Nous avons contribué à l’apparition d’une nouvelle science qui […] embrasse des développements techniques avec de grandes possibilités pour le meilleur et pour le pire. Nous pouvons seulement la confier au monde qui existe autour de nous, et ce monde est celui de Bergen-Belsen et d’Hiroshima. Nous n’avons même pas le choix de supprimer ces nouveaux développements techniques. Ils appartiennent à notre époque, et tout ce que l’un de nous pourrait obtenir en tentant de supprimer le sujet serait d’en faire tomber le développement entre les mains de nos ingénieurs les plus irresponsables et les plus vénaux. »

      Danger. Politiquement progressiste, Norbert Wiener ne nourrissait aucun optimisme béat sur le progrès scientifique et technique. Il craignait que, sans une éthique de la science, « les avantages d’une meilleure compréhension de l’homme et de la société » offerts par les avancées de la recherche risquent d’être contrebalancés et apportent une « aide involontaire » à la « concentration du pouvoir (toujours concentré, de par ses conditions même d’existence, entre les mains des moins scrupuleux) », ou que la diffusion de l’ordinateur et des machines intelligentes puisse mettre en danger l’emploi, et provoquer des misères sociales. »

  • La Cybernétique (2014), Norbert Wiener (Seuil)
    http://www.seuil.com/livre-9782021094206.htm

    Première traduction française de l’ouvrage classique de Norbert Wiener, Cybernetics, paru en 1948, ce livre présente les principaux concepts et méthodes scientifiques apparus pendant et après la Seconde Guerre mondiale, liant les domaines alors naissants de l’automatique, de l’électronique et de l’informatique à des problématiques propres au fonctionnement des êtres vivants. Wiener entrevoit une unité dans l’ensemble de ces recherches, qu’il propose de rassembler sous le nom de « cybernétique ».

    #livre #cybernétique #à_paraître

  • Hasard ? Nécessité ?

    Je suis tombé sur quelques ouvrages de l’époque de la cybernétique et notamment, God & Golem Inc., Sur quelques points de collision entre cybernétique et religion , Norbert Wiener, 1964, dans sa traduction française de 2000

    Un régal ! Comme souvent, un mélange de notations très datées et une réflexion sur des sujets toujours brûlants. Et ce passage, 3 jours après ma citation de Brautigan, http://seenthis.net/messages/210584, réponse — 3 ans avant le poème de celui-ci — à son all watched over by machines of living grace

    No, the future offers very little hope for those who expect that our new mechanical slaves will offer us a world in which we may rest from thinking. Help us they may, but at the cost of supreme demands upon our honesty and our intelligence. The world of the future will be an ever more demanding struggle against the limitations of our intelligence, not a comfortable hammock in which we can lie down to be waited upon by our robot slaves.

    À (re)découvrir.

    En v.o. (fichier txt illisible…)
    http://luisguillermo.com/diosygolem/God_and_Golem_Inc.txt

    En français, chez son éditeur qui met en lien, outre des sites où il est possible d’acheter l’ouvrage, un lien vers la version numérisée intégrale sur Google Books. :-)
    http://www.lyber-eclat.net/collections/secours.html#wiener1

  • ’Who Owns the Future ?’ Why Jaron Lanier Remains a Digital Optimist » Knowledge Wharton
    http://knowledge.wharton.upenn.edu/article/owns-future-jaron-lanier-remains-digital-optimist

    Lanier: I don’t think social media per se is to blame — rather it’s the use of the consumer-facing Internet to achieve a kind of extreme income concentration in a way that’s similar to what has happened in finance during the last 20-25 years. I don’t think there was any evil scheme in Silicon Valley to make this happen. For example, Google didn’t have any roadmap from the start that said, wow, if we collect everybody’s personal information we can gradually be in a position to tax the world for access to transactions, or have an ability to manipulate outcomes using the power of statistical calculations on big data.

    But in a sense, the basic scheme was foretold at the start of computing, when terms such as cybernetics were used more often, and people like Norbert Wiener were discussing the potential of information systems to let people manipulate each other, and how this could create power imbalances. Silicon Valley rediscovered these old thoughts, but in a way that was too immediately profitable to allow for self-reflection. You see a very similar pattern emerging in Silicon Valley to what happened in finance: the use of large-scale computation to gather enough data to gain an information advantage over whoever has a lesser computer.

    The mistake that happens again and again in these systems is that somebody believes they have the ultimate crystal ball because their statistical correlation algorithms are predictive, which they are, to some extent, for the very simple reason that the world isn’t entirely chaotic and random. Just as a matter of definition, big data algorithms will be predictive, and the bigger your computer and the more fine-tuned your feedback system, the more predictive they will be.

    But, also by definition, you will inevitably hit a stage where statistics fail to predict change, because they don’t represent causal structure. That’s the point at which companies such as Long-Term Capital Management fail, mortgage schemes fail, high-frequency trading fails — and that’s where companies such as Google and Facebook would fail if we gave them a chance. However, if you construct an entire society around supporting the illusion that the falsehood of ultimate cognition is actually true, then you can sustain the illusion even longer. But eventually it will collapse.

    Among technical people, there’s a lot of talk of revolution — everybody wants to be god-like. Everybody wants to be the one who reforms the world, to be the one who oversees the singularity. It reminds me a lot of the people who once said they would oversee the Marxist revolution, and that everything would turn out alright. The problem is that you imagine you will be in control but you won’t. Probably all that will happen is you will hurt a lot of people. This idea that we are barreling toward a singularity and that we’re going to change everything is inherently foolish, immature and cruel. The better idea is trying to construct, however imperfectly, incremental paths that make things better.

    Take the taxi medallion system, which in itself is far from perfect and in some cases completely corrupt, but nonetheless has been the route to the middle class, especially for generations of immigrants. There are now Internet companies like Uber that connect passengers directly with drivers of vehicles for hire. Anyone can spontaneously compete with taxi drivers. What this does is create a race to the bottom, because these companies are choosing a kind of efficiency that creates a power law where whoever runs the Uber computer does very well, but everybody else pushes down each other’s incomes. So although such attacks on levees create efficiency from a certain very short-term perspective, they do so by creating power-law outcomes that undermine the very customer base that can make the market possible. This idea eventually eats itself and self-destructs.

    In fact, what has driven me to write the books I’ve written is that when you’re in the tech industry you’re constantly hearing this rhetoric about how we’re creating so much wellbeing and good in the world. When you actually look out there, you see that it’s true for tiny spikes of people who are doing well, but that overall, the middle classes are sinking, overall there are huge looming problems. I just can’t accept that disconnect.

  • Le 4e Reich sera cybernétique
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=439

    65 ans séparent les deux articles publiés ci-dessous. Le premier décrit 65 ans à l’avance le monde du second, notre monde. Le second ratifie cette description et décrit le monde à venir ; notre monde imminent. Le premier, intitulé "Vers la machine à gouverner" fut publié dans Le Monde du 28 décembre 1948 par Pierre Dubarle, physicien, dominicain et chroniqueur scientifique du quotidien. Il s’agit d’une recension du livre de Norbert Wiener « Cybernetics or control and communication in the animal and (...)

    #Documents
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Dubarle_1948-2.pdf
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/ECHAPPER_AU_NOUVEL_AGE_DIGITAL-2.pdf

  • Norbert Wiener, père de la cybernétique et prophète oublié
    http://blogs.mediapart.fr/blog/marc-tertre/050613/norbert-wiener-pere-de-la-cybernetique-et-prophete-oublie

    Les années 1940 à 1955 (environ), ont été d’une extraordinaire richesse intellectuelle. Pourtant tous les débats qui ont eu lieu alors ont été complètement gommés de la mémoire collective. Aussi les discussions d’aujourd’hui, tant sur le plan théorique que sur social, reprennent-elles souvent des idées qui ont été exprimées dès le début de l’informatisation, en ignorant leurs sources. C’est pourquoi la personnalité et l’œuvre de #Norbert_Wiener [ 1894 - 1964], fondateur de la « #cybernétique » qui est à l’origine de beaucoup de nos conceptions modernes de la #communication mérite notre attention.

    #histoire (pas encore lu mais je recense) ; à croiser avec HEXEN 2.0 http://ensemble.va.com.au/Treister/HEXEN2/HEXEN_2.html

  • Allende, l’informatique et la révolution, par Philippe Rivière (Le Monde diplomatique)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2010/07/RIVIERE/19389

    Dès 1948, l’hypothèse d’un gouvernement des machines hante les esprits avancés qui élaborent alors aussi bien l’informatique que… les électrochocs. Cette année-là, tandis que George Orwell écrit 1984, Norbert Wiener définit la cybernétique comme « le contrôle et la communication chez l’animal et la machine (1) ». De son côté, John von Neumann vient d’inventer la théorie des jeux, transférant à des algorithmes la décision de lancer la bombe nucléaire. Dans Le Monde, le Révérend Père Dubarle expose les « perspectives fascinantes de la conduite rationnelle des processus humains, de ceux en particulier qui intéressent les collectivités et semblent présenter quelque régularité statistique », et peut « rêver à un temps où une machine à gouverner viendrait suppléer pour le bien — ou pour le mal, qui sait ? — l’insuffisance aujourd’hui patente des têtes et des appareils coutumiers de la politique (2) »

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