• A quoi ressemblerait un monde où serait ôtée à la production la nécessité d’être vendue ? A propos de Réseau salariat

    Le groupe économie du réseau salariat propose d’abolir les échanges marchands intermédiaires (la production de biens intermédiaires, entrant dans la composition de produits finaux). Dit autrement, il n’y a plus de flux monétaires entre les unités de production. C’est une conséquence logique de la critique de la notion d’investissement (monnaie à avancer en premier pour lancer une production), conduisant à poser le salaire comme précédant la production.

    Une autre justification se veut plus empirique dans le texte Une monnaie communiste (1) :

    Nous comprenons que l’absence de flux monétaires entre les unités de production puisse tout d’abord surprendre, mais nous observons que le capital a malgré lui produit une socialisation de la production que nous jugeons propice au basculement vers notre modèle. En effet, une part considérable de la production s’effectue désormais dans des entreprises de très grandes tailles. Ces entreprises sont organisées en ateliers ou départements de production, lesquels effectuent leurs échanges sans flux monétaires, mais produisent le suivi comptable nécessaire à la gestion de l’ensemble. Notre modèle se présente comme une issue positive à ce mouvement de socialisation. Il nous engage au dépassement de la concurrence économique afin de gérer collectivement et démocratiquement l’ensemble de la production.

    Certes, il y a évidemment dans la production capitaliste contemporaine un degré très élevé de coopération dans l’organisation du travail, par delà des logiques de concurrence. Alors cela conduit à penser que le capitalisme a atteint un tel degré de socialisation qu’il serait mûr pour basculer vers le communisme.

    Ce propos néglige le phénomène très important de la sous-traitance : oui il y a une coordination d’unités de production par les choses, mais cela ne se fait pas toujours en interne loin de là, et dans ce cas cette coordination se règle aussi par le prix.

    Mais il y a plus fondamental encore. Les travaux de Michel Callon (2) me font penser, qu’au contraire, la production, dans son contenu même, une fois libérée des contraintes monétaires n’a plus rien à voir avec la production capitaliste.

    Je ne suis pas du tout convaincu par cette pensée schématique, opposant coopération et concurrence, ou qui isolerait des activités de production pure d’activités marchandes d’achat-vente. Cela conduit à sous-estimer grandement la place de la monnaie dans tout le système : le prix des choses est toujours intégré très en amont des choix de production, mais plus globalement la nécessité de vendre engendre une dysmétrie entre le producteur-vendeur et le consommateur-client.

    Le producteur-vendeur doit résoudre le problème de l’attachement entre le produit-marchandise et le client. Pour cela il a 3 grandes techniques nous dit Callon : introduire une conversation pour intéresser le client (par la publicité par exemple), faire participer quelques clients à la conception (excluant tous les autres), créer de l’addiction (rendre dépendant le client au produit).

    Dès lors, à quoi ressemblerait un monde où serait ôtée à la production la nécessité d’être vendue ?

    (1) https://www.reseau-salariat.info/images/article_une_monnaie_communiste_.pdf
    (2) Voir cette présentation de son livre L’emprise des marché s
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-2eme-partie/les-acteurs-du-marche-avec-michel-callon-6319927

    #réseau-salariat #post-monétaire #marché #production

  • Une suppression partielle de l’argent. La proposition du groupe thématique « économie » du Réseau salariat

    sources :
    https://www.reseau-salariat.info/images/article_une_monnaie_communiste_.pdf
    https://www.reseau-salariat.info/articles/2022-04-01

    Le titre est un peu provocateur au regard du positionnement de l’association, qui n’est pas abolitionniste à l’égard de la monnaie - ça ferait mauvais genre.

    Mais il est pleinement justifié si l’on regarde le nouveau modèle économique proposé.

    Pour rappel, les courants post-monétaires proposent une économie uniquement basée sur des quantités de choses à produire, incommensurables entre elles, sans gestion du droit de tirage.

    Le réseau salariat propose quelque chose qui est à mi-chemin : l’argent est utilisé comme droit de tirage, mais il est supprimé dans ses autres fonctions.

    Voilà la proposition résumée :
    – Le droit de tirage sur la production est géré par une monnaie, une « monnaie salariale », distribuée inconditionnellement à toutes les personnes majeures (salaire à vie) correspondant à la qualification de la personne (sur une échelle de salaire de 1 à 3).
    – Cette monnaie sert uniquement aux particuliers pour acheter les biens de consommations finaux
    – Les biens de consommation intermédiaires ne sont pas achetés ni vendus. Par exemple, un boulanger n’achète pas sa farine, il la demande au minotier qui lui en fournit sans échange d’argent.
    – Contrairement à l’économie capitaliste, il n’y a plus de monnaie d’investissement, c’est-à-dire créée sous forme de prêts à rembourser.
    – La monnaie est ici créée par la caisse des salaires au moment de verser des salaires. Cette monnaie doit être détruite à l’issue du cycle versement des salaires (création de la monnaie)->achat des biens de consommation->reversement de cette monnaie à la caisse des salaires par les magasins (destruction de la monnaie).
    Pour rappel la monnaie capitaliste est crée au moment des prêts et détruite à leur remboursement.
    – Mais puisqu’il y a une monnaie, il faut bien fixer un prix aux choses achetées par les gens. C’est là qu’on entre dans des complications et des propositions à mon avis hasardeuses dans le but de domestiquer la monnaie.
    Le prix est calculé, pour tel produit, à partir de la somme des temps des travaux contenus dans ce produit, multiplié par un coefficient régulièrement mis à jour, tenant compte par exemple de la quantité de travail des gens qui travaillent dans le secteur non-marchand (secteur où les produits finaux sont distribués gratuitement mais où les producteurs reçoivent un salaire à vie comme tous les autres). Le but de ce coefficient est d’équilibrer la quantité de la monnaie distribuée en salaires avec la somme des prix des biens disponibles à la vente. Les unités de production intermédiaires devront donc faire remonter l’information concernant les quantités de travaux (nombre d’heures) contenues dans leurs produits.

    Dans cette proposition, la suppression de la monnaie dans les consommations intermédiaires est une conséquence logique de la généralisation du salaire à vie à tous les producteurs : la production est déjà payée par le versement des salaires, puisqu’il n’y a pas d’avance d’argent à rembourser par ailleurs.

    Ce serait assez facile de critiquer cette proposition en imaginant tout ce qui pourrait faire capoter cette organisation.

    Elle me paraît toutefois cohérente avec le schéma de pensée du réseau salariat, consistant à généraliser deux institutions existantes (que Friot appelle le « déjà-là » communiste) : le salaire attaché à la qualification de la personne (et non au poste) et la cotisation-subvention permettant la sécurité sociale.

    Le problème est que ces deux institutions butent sur des limites : elles ne sont pas autonomes mais adossées à d’autres institutions beaucoup plus puissantes, dont elles dépendent. En l’occurrence ce sont des sous-circuits monétaires à l’intérieur d’une circulation monétaire globale plus grande, d’une monnaie créée en fonction d’un impératif abstrait d’accroissement de valeur, laissant loin derrière les priorités concernant les besoins ou tout autre critère concret (justice sociale, préservation des ressources, respect des cycles naturels, prise en compte des limites physiques etc). Pour sortir du capitalisme, il faut donc commencer à se projeter dans un monde où la monnaie capitaliste est abandonnée.

    Ça, c’est fait.

    #post-monétaire #réseau-salariat #monnaie

  • Faut-il abolir l’Etat, cet horizon indépassable de nos imaginaires politiques ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/faut-il-abolir-l-etat-cet-horizon-indepassable-de-nos-imaginaires-politiques

    Enquête. Au carrefour de l’anthropologie, de la philosophie politique et de l’archéologie, plusieurs travaux récents remontent aux origines historiques et conceptuelles de l’institution étatique, dans le but de dépasser l’hégémonie de cet objet aujourd’hui considéré comme la forme immuable du pouvoir.

  • Règlement Reach : la Commission européenne reporte sine die son plan d’interdiction des produits chimiques dangereux

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/17/la-commission-europeenne-s-apprete-a-renoncer-a-son-plan-d-interdiction-des-

    Faut-il continuer à échouer ad vitam æternam à encadrer la production industrielle après-coup, alors qu’elle est décidée en amont par un petit nombre d’acteurs ?

    Ou bien faut-il plutôt chercher à changer les règles de prise de décision en matière de production ?

    Il ne s’agit pas seulement d’être plus nombreux à décider quoi produire et comment, il faut aussi que la décision de produire ne soit pas adossée à la monnaie capitaliste.
    En effet actuellement ceux qui décident la production sont ceux qui ont accès à la création monétaire (l’investissement permis par le crédit, une avance de monnaie à rembourser plus tard). Ils ont ainsi le pouvoir de faire faire aux autres ce qu’ils ont décidé de produire.

    Mais alors la production toute entière est néanmoins soumise à l’impératif prioritaire de gagner plus d’argent qu’au départ, et c’est pourquoi la production ne répond pas aux besoins, ou bien le fait en générant des nuisances, détruisant les ressources, etc.

    Sans la perspective d’une autre organisation sociale de la production, avec de nouvelles règles, la lutte contre les pollutions n’est-elle pas perdue d’avance ?

    #pollutions #post-monétaire

    • Au total, selon la sévérité des mesures de retrait envisagées, l’étude en question estimait que la traduction économique des bénéfices attendus pour la population européenne se situait entre 11 et 31 milliards d’euros par an à l’échelle de l’UE. Le poids économique de telles mesures pour les secteurs industriels concernés était de l’ordre de dix fois inférieur, compris entre 0,9 et 2,7 milliards d’euros par an.

      ... ça ne marche pas comme ça, justement. Ce genre de chiffrage donne l’illusion que les décisions économiques dans une société marchande pourraient être rationnelles, c’est-à-dire répondant aux besoins de la population.

  • « Le plus dur est de les voir pleurer » : comment les bénévoles des Restos du Coeur apprennent à dire non aux bénéficiaires
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/puy-de-dome/clermont-ferrand/le-plus-dur-est-de-les-voir-pleurer-comment-les-benevol

    L’hiver approche. Et à Clermont-Ferrand, comme ailleurs, les Restos du Coeur sont contraints de refuser pour la première fois des bénéficiaires. Une angoisse du quotidien pour les bénévoles qui doivent annoncer la mauvaise nouvelle aux personnes précaires.

    Dans le centre de distribution des Restos du Cœur situé au cœur de Clermont-Ferrand, la queue s’allonge. À l’intérieur, dans la salle d’attente, Rima, ticket numéroté à la main, tape du pied. Elle attend son tour pour pouvoir s’inscrire pour la campagne d’hiver. Elle semble stressée : “J’espère qu’on pourra m’accepter. J’ai entendu dire qu’ils refusaient des gens en ce moment”. Son tour arrive. Catherine, bénévole, l’accueille dans son bureau. Rima dévoile ses comptes : son allocation d’adulte handicapé, le nombre d’enfants, le montant du loyer, ses dépenses en électricité, … Tout y passe. Après calcul, le logiciel est formel : le barème a été dépassé. Catherine murmure, bien embêtée : “Je suis désolée. Ça ne va pas être possible. Au niveau de nos barèmes, vous êtes un peu au-dessus. Je suis désolée. On ne va pas pouvoir vous accorder l’aide alimentaire”. Rima se mure dans le silence. Elle semble dépitée par la nouvelle. La bénévole tente de la rassurer : “Mais, vous aurez quand même droit à d’autres aides des #Restos_du_Coeur. Je vais vous donner une carte hors alimentaire. C’est-à-dire que si vous avez besoin de vêtements ou de services autres que l’alimentaire, vous pourrez toujours en bénéficier”. La femme repart avec son chariot - qu’elle comptait remplir - vide. 

    Une formation pour être prêt à dire “non”

    Pour la première fois, en plus de 30 ans d’existence, l’association d’aide aux plus précaires, créée par Coluche, doit limiter le nombre de bénéficiaires pour la campagne d’hiver 2023.

    une fable apologétique. en fait, depuis les années 90, il faut satisfaire à des « critères sociaux » pour être « bénéficiaire ». c’est ces critères qui sont durcis actuellement en raison de l’augmentation des demandes et faute de ressources.

    #barème (modifié) #pauvres #pauvreté #alimentation

  • La Chouette et l’Escargot

    Comment sortir, d’une part, de la bulle théorique de la critique de la valeur-dissociation ? Comment éviter, d’autre part, les pièges de la fausse immédiateté ?

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/la-chouette-et-l-escargot.comment-sortir-d-une-part-de-la-bulle-theorique

    [...] la fameuse question, à peu près aussi vieille que la notion de capitalisme, de savoir ce qu’il faut faire pour sortir du capitalisme provoque presque inévitablement une réponse stéréotypée, toujours la même : le monde a besoin d’une autre économie, d’une économie non capitaliste. Pour sortir du capitalisme, il faut d’abord changer l’économie, ou plutôt : changer d’économie ! Or, cette idée représente un bel exemple d’une fausse immédiateté. Vouloir changer d’économie pour sortir du capitalisme serait la manière la plus sûre de rester prisonnier du système dont on veut se débarrasser. Car il ne peut pas y avoir d’économie non capitaliste. La [critique de la valeur-dissociation] a montré que de la Corée du Nord, en passant par la Chine, l’Europe et les États-Unis jusqu’à Cuba et au Venezuela, dans tous les pays du monde, malgré toutes les différences dans les modalités, l’économie est basée sur les mêmes catégories fondamentales ‒ la valeur, l’argent, le travail, le marché. Ce sont les catégories de base du capitalisme. Une « économie non capitaliste » est un oxymore, c’est-à-dire une combinaison de deux éléments ou termes contradictoires dont l’alliance paradoxale donne à l’ensemble un tour séduisant. L’idée fascinante d’une économie non capitaliste relève tout simplement du fantasme. Pour sortir du capitalisme, il faudra sortir de l’économie, selon l’expression choisie par les Ennemis du meilleur des mondes

    Il n’est pas surprenant qu’en parcourant le panorama contemporain des programmes et des projets anticapitalistes on n’en trouve aucun qui puisse satisfaire aux critères de la CVD. Pour une raison simple : il est facile de se dire et de se croire anticapitaliste. Mais il est très difficile de l’être sur un plan catégoriel, c’est-à-dire en tenant compte du fait que la société capitaliste est construite sur des bases catégorielles que nous sommes tentés à tort de considérer comme naturelles et transhistoriques. Or, la tâche aussi difficile qu’indispensable serait précisément de délivrer le monde de ces catégories de base. Mais actuellement aucun mouvement anticapitaliste ne semble en être conscient. C’est ce qui explique que, de la part de la CVD, tous ces mouvements, vraiment tous, soient critiqués et traités avec un certain dédain qui frise quelquefois la morgue. Conformément à la consigne suivante : N’espérez pas changer le monde avant d’avoir compris notre théorie !

    • Pour sortir du capitalisme, il faudra sortir de l’économie, selon l’expression choisie par les Ennemis du meilleur des mondes

      Tout à fait pertinent ^^

      Mais alors, si sortir du capitalisme, c’est sortir de l’économie, qu’est-ce que l’économie ?

      A partir de la critique de la valeur, une manière d’atterrir est de se demander ce que concrètement serait une société dont l’organisation matérielle ne se fonderait plus sur l’échange.

      Dans ce sens, j’avais déjà mentionné la contribution d’Ernst Lohoff à un recueil d’articles post-monétaires :

      https://seenthis.net/messages/1002131

    • Je viens de publier deux notes de lectures d’économistes français de l’école institutionnaliste monétaire, Cartelier et Orléan. Il est remarquable que ce sont deux marxistes qui ont du abandonner la théorie de la valeur-travail de Marx, afin de pouvoir faire une théorie de la monnaie. La monnaie n’apparaît pas plus dans la critique de la valeur que dans les théories économiques dominantes.
      Pourtant les notions de « désir de monnaie » d’Orléan ou de « soumission monétaire » de Cartelier, et bien d’autres, montrent le rôle central de la monnaie dans les sociétés marchandes.

  • (j’ai lu pour vous...)

    André Orléan, « L’empire de la valeur » (2011)

    3 parties dans le livre

    Partie 1 Critique de l’économie

    Les théories classiques et néoclassiques ont pour but de rendre visibles les interdépendances cachées qui relient objectivement les activités économiques les unes aux autres, par-delà la séparation formelle des acteurs. Elle conduit à saisir l’économie comme un tout.

    Théories classiques (Smith, Ricardo, Marx)

    la cohésion marchande est abordée sous l’angle de la division du travail. Chez Marx c’est le temps socialement nécessaire qui définit la valeur. Conséquence : la même marchandise peut voir sa valeur transformée si cette norme change, sans que son producteur ait modifié quoi que ce soit sa façon de produire.

    Théories néoclassiques (origines : travaux marginalistes de Jevons, Menge et Walras).

    Modèle de l’équilibre général walrassien, offre la théorie de la valeur utilité la plus rigoureuse.
    Le modèle walrassien a une dimension morale : le marché est un mécanisme automatique, ayant pour fonction d’enregistrer les désirs des individus sans les transformer. C’est une économie pacifiée dans laquelle tous les agents voient leurs désirs satisfaits. Comment un tel miracle est-il possible ? 1) fixité des préférence (les protagonistes restent froids et imperturbalbes en toute circonstance) 2) mais elle sont aussi flexibles (hypothèse de « convexité des préférences » de Arrow et Devreu), elles ne sont ni trop exagérées ni trop exclusives. Exagérées : « plus j’en ai plus j’en vaux ». Exclusives : « un seul bien m’intéresse ».

    Le secrétaire de marché ou « commissaire-priseur »
    [foutage de gueule ?]
    La formation des prix est extérieure aux acteurs (Walras avait en tête l’organisation des marchés boursiers).
    Le processus du « tâtonnement walrassien » est :
    1) les acteurs prennent connaissance des prix criés par le secrétaire, un prix pi pour chaque bien i
    2) ils calculent les quantités de chaque bien qu’il est optimal d’acquérir et communique le résultat au secrétaire
    3) le secrétaire calcule pour chaque marché, la différence entre offre et demande. Il modifie les prix en cas de déséquilibre (augmente le prix si la demande excède l’offre, diminue dans le cas contraire)
    Critiques : l’extrême centralisation que ce processus suppose
    Le processus qui mène à cet équilibre n’est pas décrit. Le secrétaire (bénévole !)
    La flexibilité concurrentielle des prix ne mène pas à la découverte spontanée de cet équilibre. On a démontré l’existence théorie de l’équilibre, mais pas comment on l’atteint. Comment l’économie se comporte hors de l’équilibre ? On a démontré que le tâtonnement walrassien ne mène pas forcément à l’équilibre à partir du déséquilibre ! « Il faut admettre que les économistes n’ont pas démontré qu’en toute généralité la concurrence permet une coordination efficace des acteurs économiques » p.72. Cette critique porte sur l’aptitude de la concurrence à ramener l’équilibre sur tous les marchés (le tâtonnement walrassien marche sur un marché isolé)
    => Mais ce modèle reste la référence, en l’absence de modélisation alternative !

    Position d’Orléan : l’hypothèse mimétique

    Hypothèse mimétique : le désir est influencé par l’imitation du désir d’autrui.

    Rétroaction positive (donc dans le mauvais sens). Lorsque l’hypothèse de convexité est abandonnée, l’équilibre n’est pas optimum (il faudrait un changement coordonné, ce qui nécessite une organisation collective, centralisée, de grande ampleur)

    Concurrence walrassienne : l’individu considère l’utilité de la marchandise sans l’interférence des autres individus, la marchandise est une médiation parfaite entre les acteurs. ça fonctionne lorsque les interactions se polarisent sur un modèle extérieur aux acteurs (préférences stabilisées, les buts sociaux sont fixés sous la forme d’une liste de biens désirables). « S’il peut sembler que les acteurs walrassiens sont coupés les uns des autres, sans représentations collectives, exclusivement préoccupés par l’appropriation d’objets aux prix variables, c’est parce que antérieurement ils se sont mis d’accord sur la qualité des objets et leur définition (hypothèse de nomenclature des biens) » (p. 90)

    Concurrence mimétique (p. 72) : unanimité, multiplicité des équilibres, indétermination, dépendance par rapport au chemin, non-prédictibilité. Mimétisme stratégique : Imiter l’autre est une stratégie d’exploration visant à découvrir qui, chez les autres, possède la réponse correcte.

    (p. 227) bon résumé, même si c’est le conclusion de la 2ème partie)
    La valeur n’est pas une substance (travail ou utilité). La valeur n’a pas pour origine l’utilité des objets (théorie marginaliste) ou le travail contenu dans les objets (théories de la valeur-travail).
    « Le point de départ est la séparation marchande, c’est-à-dire un monde où chaque individu est coupé de ses moyens d’existence. Seule la puissance de la valeur, investie dans l’objet monétaire, permet l’existence d’une vie sociale sous de tels auspices ». Elle réunit des individus séparés en leur construisant un horizon commun, le désir de monnaie, et un langage commun, celui des comptes. L’obtention de monnaie s’effectue selon la formule M-A, par la vente de marchandises [! pas que]. Plus la marchandisation s’intensifie, plus la monnaie accroît accroît son empire sur le monde social.
    Ce qui est objectif, qui s’impose aux agents, ce sont les mouvement monétaires. Les prix sont variables, fruit des luttes d’intérêt, il n’y a pas de « juste prix » ou de « valeur fondamentale »
    Orléan développe l’hypothèse mimétique pour expliquer ce qu’est la monnaie et la valeur

    Partie 2 institution de la valeur

    Dans la séparation marchande, le désir de liquidité est à l’origine d’un processus de concurrence mimétique, à rétroaction positive, au cours duquel les biens liquides les plus en vues voient leur attrait s’accroître cumulativement jusqu’au point où une seule option est retenue au détriment de toutes les autres.
    « Tous partageant une même vénération à son égard, les individus marchands cessent d’être l’un à l’autre dans un état d’absolue étrangeté et leur lutte peut se polariser sur sa seule possession. De cette façon, la monnaie s’impose à toutes les activités marchandes comme tiers médiateur qui en authentifie la valeur économique »

    Orléan va chercher chez les sociologues Simmel et Durkheim comment comprendre que la monnaie est une institution et non un instrument.

    ➪ Mon commentaire :
    - Cette partie est assez ambiguë pour moi car on l’impression qu’en « régime permanent », c’est-à-dire hors crise monétaire, (que Orléan appelle « confiance méthodique » et Simmel « savoir inductif »), la monnaie se révèle être un simple instrument, un simple moyen d’échange, qui se fait oublier. Ainsi, il écrit « l’autonomie [monétaire] est une autonomie réduite, car la confiance monétaire ne saurait perdurer si la monnaie ne réalise pas ce pour quoi elle est faite : acheter des marchandises » (p.226).
    - Dans la suite, le livre ne traite pas de l’économie des biens, mais des marchés financiers, comme application du cadre théorique de l’auteur (hypothèse mimétique). Dans une perspective postmonétaire, on aurait envie de savoir en quoi le désir de monnaie interfère ou non avec les valeurs d’usage, dans la mesure où le désir de monnaie est premier, mais où l’utilité des marchandise compte aussi (pour mémoire, la critique de la valeur dit que la production de biens concrets est un prétexte pour la production de richesse abstraite, la valeur). Pas sûr qu’on puisse trouver cette recherche chez Orléan. Mais c’est peut-être à partir de là qu’il y a à bifurquer par rapport à la pensée d’Orléan.
    - Ceci dit, l’apport d’Orléan est clair concernant le désir de monnaie (un désir imposé) : la monnaie n’est pas un outil mais une nécessité pour instituer l’économie marchande, dès lors que les producteurs sont séparés les uns des autres et spécialisés. Partant de là, on ne peut pas abolir la monnaie dans une société où cette organisation serait inchangée.
    De ce point de vue, le texte "Monnaie, séparation marchande et rapport salarial" est une très bonne référence
    http://www.parisschoolofeconomics.com/orlean-andre/depot/publi/Monnaie0612.pdf

    Partie 3 la finance de marché (non lu)

    #monnaie #post-monétaire #théories_économiques #institutionnalisme_monétaire

  • (j’ai lu pour vous...)

    Jean Cartelier, « La monnaie » (1995)

    Petit livre qui se veut pédagogique, tandis que ses articles peuvent être plus difficiles. Son style est celui de la logique mathématique : il démontre l’irrationalité (l’absence de cohérente interne) des théories économiques classiques, par le fait qu’elles ne prennent pas en compte l’existence de la monnaie. Il ne cherche pas à construire un système philosophique ou politique, mais à éclaircir ce qu’est notre société marchande à l’aide de concepts clairs. Cela ne l’empêche pas d’énoncer les limites du champ de l’économie : et cette limite c’est précisément la monnaie.

    Je vais résumer son livre, en ne suivant pas forcément l’ordre chronologique de ses chapitres, afin de rendre plus simple sa compréhension pour des non-économistes (en effet, il y a beaucoup de références aux théories qu’il conteste, et ce n’est forcément ce qui nous intéresse en premier).

    Dans la suite on parle d’"économie" au sens des « théories économiques ».

    Pourquoi les économistes ont exclu la monnaie de leurs théories ?

    p. 41

    L’économie (en tant que théorie) exclue la monnaie car elle exclue la société de ses théories. Pourquoi ? Parce qu’elle est l’expression d’une modernité affirmant l’individu et sa liberté, contre la tradition et les relations hiérarchiques et d’obéissance. Les économistes cherchent des lois naturelles, indépendantes des institutions politiques (à elles de se conformer à ces lois). La théorie économique moderne offre l’image d’une société qui se constitue volontairement à partir des individus et de leurs préférences pour tel ou tel bien, et parlant un langage commun : celui des prix.
    Cette science est une représentation de la société, qui fait partie de la société, elle est en cela un élément de sa cohésion. Mais pour Cartelier, les difficultés des théories économiques à penser la monnaie (institution économique la plus évidente), révèlent l’extrême fragilité des fondements rationnels de notre représentation des relations économiques.

    Une deuxième raison de la non-prise en compte de la monnaie est plus technique : voir ce qui suit.
    (Je complète les explications par un article d’un auteur proche, « Economisme et désir d’argent » de Richard Sobel)

    L’inconsistance des théories économiques dominantes

    L’objectivité des biens et l’absence de monnaie

    Il existe évidemment des biens (des marchandises) et de la monnaie. Pourtant penser leur coexistence de ne pas du tout de soi dans la théorie économique.

    Comment ça se passe ? Le point de départ est la quantification : l’économie s’intéresse à ce qui est, dans la société, déjà quantifié. Mais la monnaie apparaît comme trop lié à certaines relations sociales spécifiques (loi, pouvoir, Etat). La véritable objectivité est recherchée ailleurs : dans des choses déjà présentes, qualifiées de biens (théorie de la valeur-utilité) [on dirait les valeurs d’usage pour Marx ?] ou de marchandises (théories de la valeur-travail). On parle aussi d’"hypothèse de nomenclature" : une liste de bien est donnée au départ, avant tout autre indications relatives aux individus et à la société.
    On récuse la monnaie comme principe de quantification. Et la monnaie n’est pas un bien économique (elle n’a pas d’utilité intrinsèque).

    Alors prenons un inventaire des biens. Pour obtenir des grandeurs, il faut leur associer un prix ou une valeur (la valeur étant cachée et dévoilée par l’économiste, c’est le « juste prix », le « prix d’équilibre », ...).

    Les théories de l’équilibre

    p.28

    Au fondement du paradigme dominant en économie, le modèle Arrow-Debreu démontre deux propositions :
    - il existe un équilibre général et donc des prix d’équilibre positifs pour tous les biens économiques
    - cet équilibre est un optimum au sens de Pareto : la situation d’un individu quelconque ne peut être améliorée qu’aux dépens d’au moins un autre

    On attribué à ces résultats une portée excessive : laissons libre court aux intérêts égoïstes, et le marché va les organiser de façon optimale.

    Mais cette thèse est irrecevable car Cartelier montre que ce modèle ne décrit pas une économie de marché :
    - il n’y a pas de monnaie. Or sans monnaie, pas de loi de l’offre et de la demande (Démonstration : on est dans une situation formelle de troc : avec n biens, on a n(n-1)/2 marchés, par exemple pour le blé, on a n-1 marchés où le blé se négocie : comment dire que la demande de blé est supérieure à l’offre globalement ?)
    - il n’y a pas d’hypothèses sur la rencontre entre agents économiques et la circulation de l’information. Certes il existe un état d’équilibre, mais comment l’atteint-on en pratique ?
    Or, pour Cartelier, une société de marché est fondamentalement décentralisée : les individus sont libres d’agir dans l’ignorance de la situation d’ensemble de l’économie. Ce n’est donc pas possible de postuler des individus concluant des transactions que s’ils sont assurés que celles-ci respecte une condition définie à l’échelle de l’économie tout entière (à moins de dissoudre la notion d’accord bilatéral !). Comment on atteint cet équilibre ? (à quoi sert-il de décrire une situation idéale si on ne sait pas comment on l’atteint ? Le fait de ne pas tenir compte de la monnaie dans les théories, forcément, ça n’aide pas)

    Les concepts de Cartelier pour mieux comprendre l’économie de marché

    Marché

    Un marché supposé deux conditions :
    1) Les individus sont libres d’agir dans l’ignorance de la situation de l’ensemble de l’économie (décentralisation)
    2) le résultat de leurs actions dépend des comportements d’autrui (interdépendance)
    p.40

    « Dans les sociétés de marché, le lien social est fait d’interdépendance involontaire entre des actions volontaires. Il implique une distance entre l’individu et la société. L’individu sait qu’il fait partie de la société mais, en même temps, la société lui paraît extérieure. »

    Système de paiement

    Monnaie = ensemble de règles = système de paiement = institution qui rend possible la coordination des actions économiques des individus = coordination par le marché
    Sans la monnaie, le marché n’est pas pensable.

    1er cas : système de paiement métallique

    4 règles
    1) il existe un bien identifiable par tous, l’or
    2) l’unité de compte est définie par un poids d’or : 1 dollar = x grammes d’or
    3) la frappe et la fonte des pièces sont réalisées par un Hôtel des monnaies, à la demande des individus, sans restriction et sans frais
    4) la circulation des pièces est la seule façon de transférer des dollars entre individus
    Ce sont les pièces qui sont le moyen de paiement, pas l’or. C’est parce que l’or se présente sous la forme officielle de pièces frappées (par l’Hôtel des monnaies) que les individus partagent la conviction de son acceptation par tous.
    Notion de richesse sociale : Ici, le support du monnayage, l’or, est la richesse sociale, par opposition à la richesse privée (les biens). C’est la richesse sociale qui est l’objet de l’économie politique ici, et non le « bonheur privé ».
    Ce qui est remarquable ici c’est qu’un individu ne peut être en situation de cessation de paiement (car il n’y a pas de possibilité de crédit)

    2ème cas : système de paiement métallique avec crédit

    « Le crédit introduit la possibilité d’une crise généralisée du système de paiement ».

    La défaillance d’un individu peut entraîner celle des autres. La résolution d’une crise peut passer par un changement du prix légal de l’or.
    Un individu est-il fiable ? On ne sait pas. Conséquence : les banques (privées) servent d’intermédiaires dans les paiements. Mais il y a une banque centrale de niveau supérieur, gérant les pièces d’or (monnaie dite stricto sensu), tandis que les banques privées gèrent les chèques en contrepartie des crédits qu’elles accordent (monnaie de crédit=monnaie bancaire).

    3ème cas : système de paiement de pur crédit

    [c’est le système actuel !]

    Règles :
    1) l’unité de compte est le dollar
    2) il existe une Banque centrale unique, qui inscrit les quantités de dollars dans les comptes des agents.
    3) les transferts d’unité de compte entre agents s’effectuent exclusivement par virements de compte à compte
    Ici le capital est le support du monnayage : la mise à disposition de moyens de paiement s’effectue contre le monnayage du capital et non pas ex nihilo (à partir de rien comme on l’entend souvent)

    Notion de capital = évaluation présente de flux futurs anticipés de monnaie
    Notion de monnayage = mode d’accès aux moyens de paiement = obtention de moyens de paiements par d’autres voies que les recettes venant d’autrui = capacité à prendre une initiative sur le marché indépendamment d’autrui. Le monnayage n’est pas l’échange entre équivalents mais l’obtention d’une capacité à intervenir sur le marché.

    « L’émission d’un certain montant de moyens de paiement par la Banque au profit d’un agent a pour base une évaluation conjointe des revenus futurs attendus de l’activité de l’agent »

    Ici aussi il y a des banques privées, qui s’intercale entre la Banque centrale et les individus. Ce sont elles qui émettent les moyens de paiement en contrepartie du capital qu’elles reconnaissent à leurs clients.
    Notion de règlement des soldes monétaires : Pour l’ensemble de l’économie le somme des dépenses = sommes des recettes. Mais pas pour les individus. Le marché « sanctionne » les infractions à la norme de l’équivalence, en réévaluant la richesse des individus : c’est le rôle des nombreuses faillites, OPA et restructurations diverses.

    Conclusion

    Un système de paiement a donc 3 composantes :
    1) une unité de compte nominale
    2 un mode d’accès aux moyens de paiement
    3) une procédure de résolution des soldes monétaires.

    Mon commentaire : Cartelier montre à quel point notre monnaie est capitaliste puisqu’elle est créée en fonction des capacités prêtées aux agent de générer des recettes dans le futur. Il montre aussi que cette création de monnaie est réservée à une classe sociale, qui a l’initiative économique, tandis qu’une autre est soumise aux décisions des capitalistes (concept de « soumission monétaire »).
    Il y a en effet une grande différence entre gagner de l’argent (en travaillant) et obtenir de l’argent (par les banques), sans travailler, sous la promesse de le rembourser (en faisant travaillant les autres). Cette promesse peut ne pas être tenue sans forcément de conséquences vitales pour le capitaliste (on a le droit de faire faillite, Cartelier montre bien que cela fait pleinement partie du système de paiement). Il me semble que ce mécanisme monétaire est absent des théories marxiennes. A mon sens, le monde dans lequel on vit est façonné par ce mécanisme, puisque les grandes décisions de productions sont prises par ce biais, « sur la base d’une évaluation conjointe des revenus futurs attendus de l’activité de l’agent », au sein des institutions de financement (banques).

    Quelle réponses à cela ?
    – Une société alternative avec monnaie suppose une réforme des modes de financement : mais est-ce que ce sera plus démocratique ?
    – Une société sans monnaie aurait pour intérêt de casser ce monopole des décisions de produire, en conservant la logique de décentralisation. Le mécanisme de création monétaire (le monnayage) devra être remplacé par d’autres institutions moins opaques. La « force » du capitalisme est de rendre extrêmement souples et décentralisées ces décisions, car elle ne nécessite aucun consensus dans la population (cf. le monnayage est la prise de décision économique indépendamment d’autrui) !

    #monnaie #post-monétaire #théories_économiques #institutionnalisme_monétaire

  • (J’ai lu pour vous...)

    Une agriculture sans agriculteurs, François Purseigle et Bertrand Hervieu (2023)

    A la réflexion, le titre est un peu étrange, il pourrait laisser penser qu’il s’agit de dépeindre une évolution allant vers une agriculture entièrement robotisée. En fait ce n’est pas tellement le sujet. Le livre traite de l’évolution de l’organisation sociale du travail agricole, mais sans vraiment s’attarder sur les techniques vers plus de mécanisation - ce fait est sous-entendu, avec simplement une note de bas de page vers le livre Reprendre la terres aux machines de l’Atelier paysan (p. 112) comme étant le fait d’agriculteurs résistant à cette tendance.

    Le livre aurait pu avoir comme titre, « la fin prochaine de l’agriculture familiale » ou plutôt « la fin de l’agriculteur qui fait tout », puisqu’il s’agit essentiellement de montrer que notre vision de l’organisation du travail agricole présent est déjà erronée et en décalage avec la réalité.

    Il y a bien eu un modèle de l’organisation du travail agricole, sur lequel l’industrialisation de l’agriculture s’est appuyée après 1945 : la ferme à 2 UTH, l’agriculteur et sa conjointe, un agriculteur locataire ou propriétaire de ses terres, qui cultive lui-même ces terres, avec ses outils et machines et qui habite sur place, avec un statut de travailleur indépendant. Aujourd’hui en France ce modèle ne concerne 37% des exploitations agricoles et 40% de la production agricole.

    Je résume le 2ème chapitre intitulé « Des entreprises éclatées ».

    A la place on a ce qu’on peut appeler une agriculture de firme, et en fait une organisation qui ressemble à celle des autres secteurs de productions industrielles, c’est-à-dire recourant à de la sous-traitance, faisant appel à des services extérieurs pour déléguer le travail agricole, et avec des montages juridiques plus complexes, et recourant à du salariat.

    « La ferme, entité juridique unipersonnelle rassemblant capitaux et conduite de l’activité, fait place à un enchevêtrement de sociétés dont les membres, souvent encore issus d’une même parentèle mais d’horizons désormais différents, possèdent des parts dans des proportions variables et n’entretiennent avec l’activité de production que des liens d’intérêt exclusivement financier. La dissociation des sphères de gestion est si affirmée que le travail lui-même peut être délégué ou sous-traité. C’est ce que nous avons appelé le processus d’abstraction du travail agricole. »

    On assiste donc à une délégation du travail agricole, à différentes échelles, là où ce qu’on appelait « l’agriculteur » faisait tout lui-même.

    Le principal moteur de cette tendance à la délégation du travail agricole ? La dégradation du taux de renouvellement des générations, combinée à la concentration croissante des structures (p. 116).

    On peut même avoir des tâches agricoles entièrement déléguées, avec un « chef de culture », salarié d’une ETA (entreprise de travaux agricoles) ou d’une CUMA (coopérative d’utilisation du matériel agricole), gérant ce qu’on appelle le « chantier complet » ou de « A à Z ».
    Ou même encore une délégation intégrale des travaux agricoles comprenant, en plus de cela, la gestion économique et administrative de l’exploitation. Une CUMA dite intégrale peut ainsi mutualiser du matériel et de la main-d’oeuvre, mais aussi le foncier de plusieurs exploitants pour définir un assolement commun. Le chef de culture peut faire ses choix seul ou conjointement avec les exploitants. Le chef de culture (ou land manager) supervise les chantiers, en faisant lui-même appel à d’autres entreprises, le semis étant réalisée par l’une, les traitements phytosanitaires, l’irrigation et la moisson par d’autres. Là dedans, ce qu’on appelle des « agriculteurs » encore considérés juridiquement comme exploitants peuvent être mobilisés à la marge pour quelques opérations.

    Citation d’un exploitant et également gérant d’une ETA :

    "Il y a beaucoup d’agriculteurs aujourd’hui qui font faire les travaux de A à Z parce que vous, vous héritez d’une propriété de votre père, vous avez un métier à côté, vous n’avez pas la connaissance, vous ne voulez pas vous embêter à ça et vous n’avez pas envie de laisser le foncier, vous avez envie de gagner un peu d’argent (...). Vous allez voir une ETA qui vous fait tout de A à Z et qui va vous dire à 350 € l’hectare, je vous fais tout, du labour à la récolte. Ne vous embêtez pas. Vous choisissez quelqu’un avec qui vous avez confiance, qui fait le travail comme il faut en lui faisant un contrat, le type, il vous fait tout.

    Moi j’ai des gens, je leur fais la moisson depuis quelques années, ils arrivent à la retraite dans deux ans. Ils ont 130 hectares. ils ont deux fils, un qui est prof à Toulouse et l’autre, médecin à Montpellier. Tous les deux, c’est un patrimoine de famille, ils n’ont pas envie de laisser la terre et ils m’ont demandé de venir les voir l’autre jour, de discuter avec eux : « Je vous le prends en fermage, je vous travaille tout et je vous paye en fermage ? ». Tous les deux m’ont dit : « Non. On voudrait rester, mais on n’a pas envie de s’emmerder avec ça, on n’y connaît rien. On voudrait que tu nous fasses une prestation complète de A à Z, que tu nous fasses l’assolement, que tu nous fasses tout » Le fermage fait peur aujourd’hui. Eux ils veulent rester maîtres de leur terre."

    En 2016, 7% des exploitations sont ainsi intégralement déléguées, et particulièrement (jusqu’à 18%) dans les régions Midi-Pyrénées, Aquitaine, Poitou-Charentes, Centre, Bretagne, Basse-Normandie et Champagne-Ardenne.

    Le numérique participe de cette tertiarisation de la production agricole, au travers de plateformes d’intermédiation des échanges (il en existe entre 100 et 200 en France). Les prestataires s’inscrivent sur le site en indiquant leurs offres (outils, prix, disponibilités) tandis que les agriculteurs à la recherche d’un prestataire indiquent les caractéristiques du travail à réaliser. Il peut même y avoir des facilités de paiement en lissant les versements sur l’année.

    Les grandes entreprises agricoles en 2010 représentaient déjà 30% du produit agricole. Ses caractéristiques :
    – Un empilement de structures juridiques correspondant à des entités productives et à une multiplicité de sphères de prise de décision ayant chacune leurs finalités propres
    – Un niveau élevé d’investissement financier et technologique
    – Une mobilisation conséquente de ressources matérielles et immatérielles d’origine non agricole
    – Une distanciation de la relation famille/entreprise agricole, avec le recours à des capitaux externes, au salariat et à la délégation d’activités
    – Un développement de logiques financières et de gestion patrimoniale avec l’implication de nouveaux acteurs (société d’investissement, grande familles d’entrepreneurs, industriels, etc).
    – Une multi-localisation de l’activité, avec un degré souvent faible de relation au territoire
    Tout cela renvoie à une rationalisation de la production et du travail, ordonnée à un objectif de production de masse à bon marché.

    Le 3è chapitre est plus centré sur les différentes organisations et institutions agricoles, la représentation encore importante mais déclinante des agriculteurs dans la société française, tous ces éléments restant basés sur l’ancien modèle de l’agriculture familiale, donc une représentation erronée. Le sous-titre du livre étant « la révolution indicible », les auteurs cherchent à faire reconnaître cette réalité actuelle aujourd’hui impensée. Il y a finalement une panne de projet collectif autour de l’agriculture :

    « Face à une réussite dans précédent mais désormais inopérante pour l’avenir, les agriculteurs se trouvent en panne de projet collectif, comme si le projet propre à la seconde moitié du XXè siècle était indépassable. Ils semblent prisonniers de leur réussite, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour un milieu qui a tant souhaité, par l’entrée dans la modernité, se libérer des carcans matériels et culturels hérités du passé ». (p. 191)

    Mon commentaire : Ce qui m’a intéressé dans ce livre était de comprendre comment l’agriculture évolue dès à présent, sous la contrainte des très nombreuses fermes qui ne sont pas reprises par d’autres jeunes, pour différentes raisons. Finalement, il s’opère un changement de l’organisation du travail agricole, avec des héritiers d’anciennes familles agricoles conservant la propriété des terres : les fermes ne sont pas tant « reprises », j’imagine, que séparés en différents éléments. La poursuite de l’industrialisation est en train de balayer le modèle familial de l’agriculteur et son statut de travailleur indépendant.
    Ironiquement, on observe aussi la tendance paradoxale du capitalisme à une mise en commun et à une coopération plus grande qu’au stade précédent (tout en restant dans un paradigme global concurrentiel). Tandis qu’à l’inverse, les alternatives à cette tendance (micro-fermes, permaculture, etc) montrent souvent des projets où c’est une personne seule qui s’installe comme agriculteur, et qui saurait tout et saurait tout faire... jusqu’à ses propres machines. Le degré de mutualisation est donc paradoxalement bien plus faible dans les contre-modèles à cette agriculture de firme, contre lesquels on tente de résister.

    #agriculture #capitalisme

  • Extrême-droite et misère de position

    (proposition d’interprétation)

    Dans le dernier lundimatin on trouve un résumé des observations intéressantes de Pablo Stefanoni à partir de son livre La Rébellion est-elle passée à droite ?

    On en sort un peu avec le tournis, les anciennes catégories politiques n’étant plus tellement opérantes pour définir l’extrême droite, qui part (en apparence du moins) un peu dans tous les sens. L’insurrection en elle-même peut très bien être d’extrême-droite, de même que la critique de l’Etat, puisque l’extrême-droite peut tout à fait critiquer cette autorité-là, pour mieux lui opposer d’autres formes d’autorités (notamment celle de l’efficacité du capitalisme, celle d’une identité culturelle), avec finalement différents courants fascistes qui peuvent être opposés entre eux. Dès lors, qu’est-ce qui définit l’extrême-droite, on ne sait plus très bien.

    Il faut dire que ces observations ne sont pas assorties d’une grille d’interprétation.

    La misère de position

    La misère sociale que P. Bourdieu veut décrire n’est pas forcément (ou pas seulement) une « misère de condition », liée à l’insuffisance de ressources et à la pauvreté matérielle. Il s’agit ici plutôt de dévoiler une forme plus moderne de misère, une « misère de position », dans laquelle les aspirations légitimes de tout individu au bonheur et à l’épanouissement personnel, se heurtent sans cesse à des contraintes et des lois qui lui échappent (...)

    Le concept de misère de position de Bourdieu, en le détournant sans doute quelque peu, pourrait être éclairant pour relier toutes les formes politiques éparses, qu’on peut appeler néo-fascistes, en ce qu’elles naissent d’un sentiment d’être dominé dans des univers sociaux trop vastes pour qu’il y ait une quelconque chance de "réussir" socialement.
    En même temps, cette misère de position n’est pas assortie d’une véritable critique des règles sociales (fondamentalement de compétition). C’est donc moins le jeu qui est critiqué que les chances de gagner.
    Il est logique d’essentialiser les identités (culturelles ou autres) pour stabiliser et restreindre les univers sociaux, pour qu’il restent à l’intérieur de limites fixes dans le temps.

    Cela peut expliquer que les formes nouvelles de fascismes paraissent à la fois conservatrices tout en faisant l’apologie de différents dispositifs porteurs de changement sociaux brutaux (le capitalisme, la technologie, etc), ou tout du moins en les préservant de toute critique, le plus important étant toujours d’affirmer, d’essentialiser, de conserver, explicitement ou non, des identités permettant de clôturer des univers sociaux homogènes.

    A mon avis, l’essentialisation des identités n’apporte qu’une défense existentielle illusoire, dans la mesure où elle contribue à homogénéiser les sociétés, et c’est ce dont le capitalisme se sert pour se déployer (songeons à la construction culturelle des Etats-nation comme ayant permis la construction des économies nationales).

    Il me semble que la revue Stoff dans son article Populisme parlait plutôt de populisme, justement, pour désigner ce que l’on appelle ici néo-fascisme. A relire ou lire...

    "Des insurrections sans lumières"
    https://lundi.am/Des-insurrections-sans-lumieres

    « La Misère du monde »
    https://www.cairn.info/pierre-bourdieu--9782912601780-page-66.htm

    Populisme. Une trajectoire politique de l’humanité superflue
    https://www.stoff.fr/article/populisme

    #extême-droite #populisme #néo-fascisme #Bourdieu

    • entretien avec Verónica Gago, l’une des animatrices du mouvement Ni Una Menos à Buenos Aires, sur la riposte en cours depuis le camp féministe (Ludovic Lamant - 16 septembre 2023)

      https://www.mediapart.fr/journal/international/160923/en-argentine-le-candidat-ultra-liberal-su-capter-l-angoisse-de-certains-je

      Dans une tribune [1] après la victoire de Milei, vous écrivez : « En tant que féministes, nous ne pouvons pas nous reposer sur des étiquettes faciles et condamner le fascisme de manière abstraite. » Que voulez-vous dire ?

      Il faut garder en tête la multiplicité des raisons qui amènent des électeurs à voter Milei. Dire qu’ils et elles sont des fascistes est simpliste. Cela revient à faire l’impasse sur les difficultés vécues par cette jeunesse. Plutôt que de se demander s’ils sont fascistes, mieux vaut essayer de comprendre leurs angoisses et incertitudes, dans une période de déstabilisation très forte des hiérarchies, qu’a produite le féminisme. Dire qu’ils sont fascistes, cela revient à dire qu’il n’y a pas d’autres manières de canaliser leur insécurité qu’à travers le vote Milei – ce qui est faux. Bien sûr, cette entreprise est difficile. Une discussion voit le jour en Argentine, au sein des collectifs militants, sur ce que ces nouvelles masculinités pourraient être. Mais cette élaboration s’inscrit dans un temps long.

      Par ailleurs, ce débat intervient aussi sur fond d’une crise économique brutale. Celle-ci nourrit d’autres incertitudes,très présentes au quotidien : combien coûtera la nourriture demain ? Vais-je trouver du travail ? Au-delà de son discours et de son idéologie, Milei a su capter ce rejet généralisé de l’état actuel des choses : la précarité, l’angoisse économique.

      En résumé, cette convergence entre la déstabilisation des hiérarchies provoquée par le féminisme, et l’intensification de la crise économique, permet de comprendre pourquoi Milei a séduit le vote des jeunes hommes.

      [1] https://www.tiempoar.com.ar/generos/paso-2023-un-analisis-feminista-del-rugido-del-leon

    • Une journée particulière à Buenos Aires
      Carnet #1
      Jérémy Rubenstein
      paru dans lundimatin#410, le 8 janvier 2024

      Nous avons déjà publié de nombreux articles sur Javier Milei [1], cette figure improbable de « premier président liberal libertarien » argentin. Par-delà l’excentricité du personnage et la stupéfaction quant à son élection, reste la question de savoir s’il parviendra à « réformer » le pays par une cure d’hyper austérité et de représsion. Alors qu’il a déjà promulgué un « mégadécret » qui abroge ou modifie plus de 300 articles et transmis au congrès un projet de loi de 183 pages, la dernière inconnue reste l’opposition de la rue malgré des mesures repressives inédites (3 ans et demi de prison ferme en cas de blocage de la circulation, suspension des aides sociales pour celles et ceux qui manifestent, proposition de faire payer la charge du maintien de l’ordre aux organisateurs, etc.) Pour y voir plus clair et appréhender le temps long, Jérémy Rubenstein [2] nous propose de tenir, depuis Buenos Aires, un carnet régulier qui racontera le quotidien argentin. En voici le premier volet.

      https://lundi.am/Une-journee-particuliere-a-Buenos-Aires

  • Jeux vidéos et normes sociales

    Je viens de feuilleter « Les jeux vidéos et nos enfants », une BD de Cookie Kalkair parue cette année. Un livre que l’on pourrait qualifier de rassuriste concernant les usages des jeux vidéos par les enfants. Page 19, le ton est donné par l’auteur :

    En plus, avec la multiplication des écrans dans les maisons et les situations de pandémie mondiale, on a bien constaté que le virage vers l’éducation numérique est inévitable - et pas forcément si déplorable que ça

    J’ajoute que les parents sont ridiculisés à de nombreuses reprises dans la BD, parents qui souhaitent réguler quantitativement les usages des écrans, jeux vidéos compris.

    A mon sens le propos de cet auteur reflète un déplacement des normes sociales en faveur d’une banalisation des usages des écrans dans la vie sociale et quotidienne, pour des raisons qu’il faut aller découvrir.

    On peut néanmoins faire une critique sociale non culpabilisatrice des jeux vidéos, afin de montrer pourquoi ils tiennent une place si importante. Par exemple Sylvie Craipeau avance dans un article de la revue Psychotropes sur les jeux en ligne multijoueurs :

    Nous faisons l’hypothèse que le succès de ces jeux (11 millions d’abonnés dans le monde à World of Warcraft) tient en ce qu’ils offrent un terrain à cette expérimentation de soi, voire à une production de soi. Cette production correspond aux normes sociales contemporaines : l’individu moderne, tant dans l’entreprise que dans sa vie privée doit être autonome, apte au changement permanent, toujours compétent, performant, libre d’attaches trop pesantes, capable de coopérer en réseau tout en étant en compétition avec les autres.

    Mais en conclusion, elle avance que, si ces normes sociales d’autonomie existent, les individus arrivent d’avantage à s’y soumettre avec succès dans les jeux vidéos que dans le monde social physique :

    Ce ne sont pas seulement les conditions objectives de l’indépendance qui sont acquises de plus en plus tardivement, et souvent de façon précaire, ce sont aussi les modes de structuration de la personnalité. La pratique des jeux en ligne renvoie à la tension que vivent les jeunes, entre l’injonction sociale à l’autonomie et à la production de soi et les difficultés socio-économiques de réalisation de ce projet dans la réalité. L’espace virtuel serait-il devenu le seul lieu possible de cette production de soi ?

    A mon sens, ce genre d’explication permet de comprendre pourquoi avoir une vie sociale médiatisée par des écrans devient si acceptable socialement.

    J’ai trouvé aussi intéressant un autre article de la même revue, de Sophie Tortolano, qui livre une analyse inspirée de la psychanalyse et du concept d’aire transitionnelle. Chez Winicott, la « mère suffisamment bonne » est une mère qui sait faire accepter la désillusion que l’enfant ne produit pas par lui-même les conditions de sa propre satisfaction.
    Partant de là, les jeux en ligne constitueraient des univers sociaux particuliers, que l’on va chercher comme espace transitionnel quand il n’y en a pas d’autres à portée de main. Mais ces univers échoueraient à produire cette désillusion nécessaire :

    L’hypothèse [9] soulevée ici est que le virtuel ne se laisse pas suffisamment pénétrer par la réalité concrète, tangible et corporelle. Le virtuel fonctionne, pour certains adolescents, sur le mode de l’illusion permanente qui ne trouverait pas de quoi suffisamment se désillusionner. Toute la pulsionnalité et la destructivité peuvent alors se déployer dans le virtuel où l’adolescent gère lui-même le continu et le discontinu de ses connexions, ce qui lui confère un sentiment d’omnipotence et répond aux exigences de son moi-idéal. Le mécanisme d’addiction s’installerait dès lors par cette volonté du moi de se prendre pour le moi-idéal et de goûter ainsi à l’expérience d’autosatisfaction, expérience impossible à maintenir dans le temps et dans la réalité. Il retrouve ainsi l’illusion narcissique primaire où le nourrisson a la sensation que tout fonctionne comme s’il était la source de sa propre satisfaction.

    Certes, diaboliser les jeux en ligne risque d’éviter de comprendre pourquoi ils prennent autant de place. Pour autant, faire l’apologie des jeux vidéos comme le fait Cookie Kalkair ne permet pas de le faire non plus. Son erreur est de croire que les jeunes générations n’ont rien à nous apprendre sur la société et ses évolutions, et qu’il suffirait de comprendre les jeux vidéos de l’intérieur pour pouvoir en cadrer les usages par les enfants.

    Comme l’explique Sophie Tortolano, les adolescents sont plutôt des pionniers expérimentant les effets des évolutions sociales en cours, elle rejoint l’hypothèse de Sylvie Craipeau concernant une impossibilité de se construire un soi autonome dans le monde physique, ou sinon une bien plus grande facilité à le faire dans des univers sociaux en ligne.

    Sylvie Craipeau, « La production de soi, ou le joueur comme œuvre de son jeu »
    https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2012-3-page-45.htm

    Sophie Tortolano, « Usage problématique des jeux vidéo : l’approche psychodynamique »
    https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2012-3-page-89.htm

    #jeux-vidéos

  • Un boulot de dingue ! Reconnaitre les activités vitales à la société

    Non, les personnes qui ne travaillent pas dans l’emploi rémunéré et qui vivent dans la précarité ne sont pas des inactives, n’en déplaise à la statistique. Elles font même un boulot de dingue sans aucune forme de reconnaissance, ni même parfois de sécurité.
    Ce rapport, tiré de deux ans de recherche avec un groupe d’une douzaine de personnes issues des collectifs du Secours catholique et d’AequitaZ, souhaite faire entendre l’analyse de celles et ceux qui sont aujourd’hui trop souvent montrés du doigt.

    (...)

    Ce rapport montre également que les personnes concernées par ce « hors emploi » sont loin d’être une petite minorité. Des millions de bénévoles, d’aidants, de femmes au foyer : nous parlons d’une part invisible de notre économie invisible et gratuite car non intégrée au marché du travail. Notre système de protection et de reconnaissance a fait de l’emploi son unique clé de voûte. De lui dépend l’essentiel des cotisations et des protections. Comme si le reste n’avait pas d’importance. Comme si les 40 milliards d’heures annuelles de travail domestique (au moins autant que le travail rémunéré) et les 680 000 équivalents temps plein que représente le travail des bénévoles ne comptaient pas.

    https://www.aequitaz.org/boulot-de-dingue

    #travail #RSA #merdaille #critique-du-travail

  • P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 5

    suite du post précédent
    https://seenthis.net/messages/1016334

    Y a-t-il une stratégie ? Et sinon, que fait-on alors ?

    La stratégie vient du grec stratège, général. Et comme nous le savons, la première victime d’une bataille est le plan de bataille. Parce que nous ne voulons pas d’un général, il ne peut y avoir de stratégie, seulement une variété de voies pour sortir du capitalisme. Les points de départ de la restructuration globale sont partout. L’idée d’une révolte générale qui mènerait à une révolution et à un monde nouveau presque du jour au lendemain est non seulement illusoire mais néfaste. Contrairement aux fantasmes de divers futurs généraux, le changement doit s’effectuer avec précaution, prudence et progressivement, car ni l’environnement ni nos nerfs ne peuvent tolérer des actes de force grandioses. Pas même quand c’est urgent. Les dramatisations exagérées ne conduisent pas à des solutions viables.

    Démanteler la chimère du « travail » prend du temps. Partager et coopérer sont difficiles et doivent s’apprendre. Reconstruire la confiance fondamentale qui a été détruite au fil des milliers d’années nécessite de la persévérance et une grande tolérance à l’égard de la frustration. Le progrès consiste en des échecs répétés et des rebondissements, il s’agit donc plus d’un trébuchement que d’une avancée heureuse vers un avenir radieux. Ce que nous pourrions imaginer, ce seraient des scénarios typiques de changement.

    Par exemple, il y en a un pour un Glomo 1 :

    Comment est né le quartier EMMA

    Tout a commencé lorsque FRANZISKA et ENRICO ont rejoint la coopérative maraîchère d’Ortonovo, qui produisait des légumes pour 200 ménages sur deux hectares de terrain à quelques kilomètres des limites de la ville. Chaque jeudi, un sac de légumes mélangés était livré dans un dépôt situé à environ 300 mètres de chez elle. Ils trouvaient cela très peu pratique, mais ils auraient eu besoin de quelques membres de plus pour avoir leur propre dépôt. FRANZISKA et ENRICO ont réussi à motiver une famille, une colocation et deux autres personnes à participer - et maintenant la question s’est posée : comment et où déposer ? Par coïncidence, un petit magasin au milieu du quartier fermait ses portes. Puis EMILIA a dit : "Pourquoi ne louons-nous pas le magasin ensemble, nous pourrions alors faire plus de courses ensemble, avoir un dépôt et un autre point de rendez-vous ?" C’est ce dont nous avions besoin.
    Il y avait d’autres résidents qui étaient intéressés parce qu’il fallait payer le loyer. A cet effet, les Ortonovo et quelques autres ont fondé l’association MA pour le restaurant de la rue Emma.

    654 personnes vivaient dans un rayon d’environ 100 m. Cela s’est avéré parfait car la proximité était importante pour que le magasin MA puisse être facilement accessible à pied et en une minute. D’un autre côté, le nombre de participants possibles ne doit pas être trop grand afin que l’organisation ne devienne pas trop complexe et que l’identification personnelle reste possible. La confiance a besoin de visages familiers.

    Dès l’ouverture du magasin MA, il est devenu évident qu’il fallait un superviseur/organisateur/administrateur rémunéré pour organiser les commandes et le travail bénévole. GIORGIO de la colocation avait l’envie et le temps. Il faisait son travail avec brio et considérait le magasin MA comme une installation artistique. Il avait l’air différent chaque semaine.

    Dans le magasin, quelqu’un a installé un panneau d’affichage où l’on pouvait échanger toutes sortes d’articles ménagers, d’appartements et de chambres, de services, d’offres de soins, etc.

    Comme les livraisons et la demande ne correspondaient jamais vraiment, KARIM a eu l’idée que les gens pouvaient cuisiner et manger ensemble avec les restes de nourriture. Le magasin était trop petit pour ça. Mais un restaurant voisin a fait faillite. Entre-temps, de plus en plus d’habitants* se sont impliqués dans l’association MA et le restaurant a donc également été repris par une équipe employée par l’association. Le mur du magasin a été brisé. Une sorte de centre de quartier a émergé, entretenu par un mélange d’une équipe de base rémunérée et d’un cercle croissant de bénévoles non rémunérés.

    Entre-temps, Ortonovo, avec une ferme voisine, produisait également des produits laitiers, des œufs et de la viande. Le magasin pourrait être agrandi en ajoutant un appartement au rez-de-chaussée. « Nous avons besoin d’un atelier », déclare alors FLORA, car de plus en plus d’habitants souhaitent réparer les choses au lieu de les jeter. Par hasard, un autre emplacement attenant à une boutique de mode en faillite est devenu disponible.

    Le centre MA est devenu une sorte de salon et de salle à manger pour les résidents. De plus en plus de fonctions et d’espaces ont été ajoutés : un appartement juste au-dessus du restaurant a été transformé en maison d’hôtes, une laverie avec de grandes machines à laver écologiques a été aménagée et un serveur de sacs a été mis en service pour les membres. On pouvait donc boire un café, utiliser l’intranet et attendre la lessive.

    Enfin, certains propriétaires voisins étaient prêts à vendre leur maison à l’association MA à condition qu’elle se transforme en coopérative à but non lucratif. Cela s’est produit immédiatement. Cela signifiait que de plus en plus d’espace de vie pouvait être échangé entre les membres selon les besoins et mieux utilisé. La surface habitable par personne pourrait être réduite sans aucune perte de confort. De plus, les espaces de vie abordables ont été conservés et retirés du marché. La menace de gentrification a été stoppée. Les petites maisons ont été démolies pour faire place à des bâtiments plus compacts. De nouveaux bâtiments ont été construits sur des terrains vacants et certains greniers ont été aménagés en logements. Des rénovations écologiques plus importantes en valaient également la peine. L’équilibre écologique global s’est amélioré. La vie est devenue moins chère. De plus en plus de membres réduisaient leur travail rémunéré et disposaient ainsi de plus de temps pour le travail de quartier. Cela a encore réduit le coût de la vie et rendu la vie locale plus colorée. Un coin de quartier cosy a été créé juste en face du centre MA. Certains se demandaient même s’ils avaient vraiment besoin de vacances.

    Lorsque les habitants des environs ont vu à quel point EMMA fonctionnait bien, ils se sont dit : ce qu’ils peuvent faire, nous le faisons depuis longtemps. C’est ainsi que BERTAS, CLARAS, DORAS, OTTOS, OLAFS, ALIS etc. ont émergé tout autour et dans toute la ville.

    Un jour, ANTONIA est apparue au bar avec un livret en couleurs intitulé : Coming Home. « Écoutez, s’est-elle exclamée, nous avons involontairement créé un quartier multifonctionnel basé exactement sur ce modèle ! Nous sommes assis ici dans le microcentre, avons organisé l’approvisionnement direct en nourriture à partir d’une base terrestre, partageons le travail et le plaisir et coopérons sur place !" "Une telle coïncidence", répondit ENRICO avec un large sourire.³⁷

    Bien entendu, ce scénario est beaucoup trop fluide. En réalité, nous nous attendons à des revers, des goulots d’étranglement financiers, un manque d’intérêt, des intolérances personnelles, des absences de personnes actives, etc. Mais un tel scénario venant d’en bas pourrait fonctionner dans de nombreuses situations : dans les développements péri-blocs des centres-villes, comme une coopération entre de plus grandes des immeubles d’habitation en périphérie de ville ou en Agglomération, dans des petites villes ou encore dans des petits villages et hameaux. (Vrin, dans le canton des Grisons, serait un exemple souvent cité.)

    37.Le projet EMMA est une synthèse d’une grande variété d’approches, de projets et de coopératives existants.

    Grumakro : Un conte de fées aux portes d’une grande ville

    La grande ville pense qu’elle doit croître ou périr. La nouvelle devise est la densification : là où quatre personnes vivent aujourd’hui, vingt vivront demain. Mais comme on manque de place, on construit plus haut : dix, vingt étages. Le taux d’utilisation s’élève à 4, ce qui correspond à des immeubles de grande hauteur. Mais à côté de la zone à développer se trouvent 100 maisons unifamiliales plus anciennes qui ne sont pas incluses dans le processus de planification. À l’avenir, vos habitants devront contempler des murs de 60 m de haut qui projettent leur ombre sur leur jardin. Cette absurdité est justifiée par une densification compensatoire : étant donné que les maisons n’atteignent qu’une utilisation de 0,5, il faut des immeubles de grande hauteur, qui atteignent alors une densité moyenne d’environ 2 (ou 200 %), ce qui est raisonnable pour une ville. Ceci est comparable à des villes comme Paris, Barcelone ou Berlin, considérées comme attractives. Il faut beaucoup de gens proches les uns des autres pour que beaucoup d’échanges soient possibles, beaucoup de rencontres, de résonances, d’émotions, d’art, de culture et de plaisir. La densité est donc bonne, mais pas comme ça.

    Les habitants des maisons ont commencé leur lutte contre l’urbanisme de la ville. Elle s’est comportée avec arrogance : Nous faisons ce que nous voulons sur nos terres ; vous n’êtes que des anti-urbains nostalgiques, d’éternels empêcheurs de Nimby³⁸ ; et de toute façon : tout est déjà prévu, tu es en retard. L’amertume mutuelle s’accrut ; Des corrections esthétiques ont été apportées à la planification et un petit parc a été promis. (Des immeubles de grande hauteur, mais des petits parcs : un vieux truc ! Mais que fait-on dans un petit parc ?)

    Mais un jour, des représentants de l’une des coopératives les plus récentes³⁹ sont venus dans le quartier et ont présenté un plan alternatif incluant les maisons. Les propriétaires du chalet n’ont pas été amusés. Leurs maisons étaient leurs châteaux. Les coopératives ont proposé de démolir toutes les maisons et de construire trois grands Glomo 1, avec une utilisation moyenne d’environ 200 %. Il s’agissait d’immeubles en bloc avec une grande cour intérieure, de cinq à huit étages. Ils ont déployé beaucoup d’efforts pour illustrer le nouveau plan avec un croquis coloré.

    Cela aurait signifié un microcentre avec un restaurant, une boutique et un espace commercial tous les 100 m. Une partie vivante du quartier serait créée, écologiquement correcte, économiquement favorable et socialement attractive. Les propriétaires de la maison étaient choqués : de quel genre de faux amis étaient-ils ? Encore une fois, quelqu’un voulait planifier au-dessus de sa tête. Ils étaient aussi mauvais que les bureaucrates de l’urbanisme de la ville.

    Quelques années se sont écoulées ainsi. La ville a continué à planifier, les politiques ont fait pression sur elle, notamment à gauche : il fallait de l’espace habitable. Puis un jour FRIEDRICH dit à SILVIA : « En fait, ce n’est pas si drôle dans ces vieilles maisons. Certains ont déjà du mal à monter les escaliers. La maintenance devient de plus en plus difficile. Les magasins et les bars ont disparu depuis longtemps. Il n’y a aucun contact avec les voisins. Que défendons-nous réellement ? » SILVIA se leva. « Il y avait ce croquis des membres de la coopérative… » Elle a compris.

    « Au fond, ils veulent bien. Un bel appartement au rez-de-chaussée avec un jardin commun dans la cour arrière, sans escalier, loyer bon marché. Si nous apportons nos terres en guise de part coopérative, cela ne nous coûtera rien.

    « Pourquoi ne créons-nous pas nous-mêmes une coopérative ? » dit FRIEDRICH.

    Et c’est ce qui s’est passé. Entre-temps, les représentants de la coopérative avaient réalisé un nouveau croquis qui faisait office de plan de développement. Des bâtiments normalement denses seraient construits dans la zone urbaine, qui pourraient ensuite être progressivement transformés en trois grands quartiers en bordure d’îlot où les maisons disparaissent. Tous les propriétaires n’ont pas rejoint la coopérative Grubakro, mais il y en avait suffisamment pour un gros article dans le quotidien : « Les propriétaires sacrifient leurs maisons pour un développement coopératif. »⁴⁰ Du jamais vu !

    Ainsi, ces habitants de leurs petits châteaux tentent de changer leur « récit de vie ». Nous ne savons pas comment se termine le conte de fées. Peut-être que la ville l’emportera après tout. Peut-être que trop peu de personnes rejoignent la coopérative. Mais il a été prouvé que l’un des « récits de vie » les plus tenaces, le rêve de posséder sa propre maison, a été surmonté.
    peut être. Une lutte défensive peut devenir un mouvement de renouveau. Quand tu sais ce que tu peux souhaiter.

    Si cela peut se produire à Zurich, pourquoi pas dans le monde entier ? Fini le vieux récit !

    38. « Pas dans mon jardin » : des empêcheurs de construction égoïstes et mentalement limités.
    39.Voir BOUDET, DOMINIQUE (éd.) : Coopératives d’habitation à Zurich, cités-jardins et nouveaux quartiers. Livres du parc 2017.
    40. https://www.tagesanzeiger.ch/zuerich/stadt/Diese-Zuercher-baren-ihr…/11263101 .

    Le rôle de la politique

    Des scénarios sont également envisageables où une ville, voire un territoire, décide de soutenir et d’initier spécifiquement des initiatives Glomo 1. Cela pourrait également se produire dans le cadre d’IBA, comme le suggère la coopérative Lena de Bâle. Ces scénarios s’écartent du politique en rallier des partis ou des associations à ce modèle. Le problème est souvent que les habitants attendent le salut des acteurs politiques et des institutions et que le désir et l’énergie de participation active sont laissés de côté. L’autonomisation doit être directe, générale et avoir une base économique (Glomo 1). L’État ne devrait pas créer des Glomos, mais plutôt donner aux habitants les moyens de les construire eux-mêmes. C’est une grande différence avec les initiatives réglementaires grandioses que nous vivons et rejetons chaque année en Suisse.
    Peut-être que les gens sont plus sages que les initiateurs.

    En général, les changements et initiatives sociales fondamentales n’atteignent le niveau gouvernemental qu’une fois qu’ils ont déjà eu lieu. Les gouvernements sont des réactions qui ne font que réguler, traiter légalement et généraliser le changement qui s’est produit. C’est absolument nécessaire. Mais cela signifie aussi qu’il est vain de se contenter de faire appel aux « responsables » (comme c’est actuellement la mode parmi les philosophes et les scientifiques de PRECHT à WELZER et LESCH) et d’attendre qu’ils agissent. Cela se transforme alors rapidement en une situation d’offre paralysante. (« Nous avons le droit de… » Personne n’a le droit à moins d’avoir le pouvoir.)

    Initiatives de quartier : points de départ et expériences

    Les scénarios Glomo 2, dans lesquels une initiative citoyenne se bat pour un ABC, par exemple, se produisent encore et encore. La revitalisation des centres de quartier est une préoccupation qui se poursuit un peu partout. Cependant, la « sous-structure » du Glomo 1 fait souvent défaut et des problèmes surviennent lors de l’appropriation même des lieux ou des bâtiments centraux. Personne ne se sent vraiment responsable, les parcs et les places deviennent déserts et il y a un problème avec la programmation du centre culturel et intellectuel. La culture et le divertissement ne suffisent pas à animer un centre ; il faut y ajouter les fonctions indispensables du quotidien, notamment l’organisation politique.

    La plupart des initiatives au niveau Glomo 2 consistent à empêcher les développements : centres commerciaux, rues, projets de prestige, développements à grande échelle (voir Grumakro), immeubles de grande hauteur, etc. Celles-ci peuvent aussi devenir des initiatives positives ; Cependant, les mouvements purement défensifs échouent souvent parce qu’il n’existe aucun modèle de transformation appétissant.

    Il vaudrait donc mieux ne pas dire ce que l’on ne veut pas, mais plutôt ce que l’on veut dans un certain domaine. Ce sont alors les entreprises de construction ou le secteur public qui font la prévention. Mais il est généralement plus facile de savoir ce que vous ne voulez pas que ce que vous voulez. Pourquoi au fait ?

    La résistance est souvent nécessaire, mais elle ne permet pas à elle seule d’aboutir à des changements véritablement profonds. Vous vous retrouvez souvent avec des douleurs au cou ou une dépression.

    L’expérience a montré qu’il est généralement plus facile de mettre en place des initiatives de quartier que des projets de quartier. Il est plus facile de trouver une douzaine de personnes partageant les mêmes idées parmi 20 000 concitoyens que de trouver les 500 membres de la coopérative nécessaires à un Glomo 1. Les initiatives visant à créer des prototypes d’ABC, c’est-à-dire des points de rencontre de quartier, des bars de quartier, etc., réussissent souvent davantage. plus vite que vous » sous-structure logique », les coopératives.

    L’un de ces projets est le L200 à Zurich. Il s’agit d’un magasin d’environ 100 m² situé dans l’une des rues de divertissement les plus importantes de Zurich, la Langstrasse. C’est une rue typique de la vie nocturne près de la gare avec des discothèques, de la prostitution, des stands de saucisses, peut-être comparable à la Lange Reihe de Hambourg. Le loyer étant très élevé, environ 40 groupes et organisations participent à l’utilisation de l’espace : la coopérative d’habitation Nena1, l’organisation d’asile de Zurich, qui propose des cours d’allemand sans rendez-vous, ainsi qu’un groupe de discussion sur le thème du sens à la vie et à la mort. et de transition, divers petits commerces, l’initiative de quartier 5im5i, une troupe de théâtre, etc. Parfois, des partis politiques y tiennent également des réunions.

    L200 fait office d’espace de co-working, de point de rencontre, de lieu d’événement, de salle de cinéma improvisée, d’atelier. Les locataires des appartements situés au-dessus du restaurant utilisent occasionnellement la cuisine pour dîner ensemble. L’excellent emplacement présente l’avantage que les noctambules des environs entrent également en contact avec les initiatives de la ville et que la bulle gauche-verte est quelque peu brisée. Comme partout ailleurs, la ville est gouvernée par la coalition gauche-verte, tandis que l’UDC de droite (comparable à l’AfD) règne dans le canton. L200 s’inscrit dans le cadre d’une rénovation de quartier de l’ensemble du quartier. Le groupe 5im5i (5 quartiers du district 5) a divisé le quartier en cinq quartiers possibles sur la base d’une analyse des habitants, leur a attribué des noms et des microcentres possibles et essaie maintenant d’intéresser les habitants à cette perspective (jusqu’à présent avec un intérêt modéré).

    Très souvent, de nouvelles options d’action apparaissent lorsque vous ne ciblez pas directement les objectifs (ou ne les connaissez même pas encore), mais que vous les découvrez plutôt à travers les liens, pour ainsi dire. Il peut arriver que les habitants du quartier apprennent à se connaître grâce à une initiative contre la circulation et pour un meilleur air et découvrent ensuite des bâtiments vides qui peuvent servir à faire un ABC, ou qu’ils fondent une coopérative et reprennent des maisons vides. Cela s’appellerait alors un gain collatéral.

    Lors de la mise en œuvre de projets de quartier, différents points de départ découlent de la situation locale. Dans les villes avec une longue tradition politique et de bons réseaux relationnels, on peut procéder selon le modèle de Kraftwerk1, ou plus récemment celui de Tübingen : un groupe définit un projet, l’ébauche sur une feuille de papier, recherche des membres et fonde un association, recherche un terrain, fonde une coopérative et la réalise avec d’autres intéressés. En peu de temps, Neustart Tübingen a trouvé 30 membres actifs et plus de 200 membres intéressés et désormais également un domaine approprié. Warmbächli à Berne, Lena à Bâle et bien d’autres (voir Coming Home, à partir de la page 70) ont également été créés de cette manière. Une telle approche « top-heavy » n’est pas antidémocratique, car le projet initialement défini par un petit groupe peut toujours être modifié. Il ne faut pas avoir peur d’être trop précis (m², prix, plans). La précision crée la confiance. « Tout laisser ouvert » semble sympathique, mais cela crée une peur sous-jacente. (« Est-ce qu’ils savent au moins ce qu’ils veulent ? »)

    Cela devient plus difficile dans les petites villes ou même dans les villages isolés, où règne un certain isolement social, notamment dans les lotissements unifamiliaux. Ici, il peut être utile d’abord d’atteindre et de rassembler les gens à travers des activités à bas seuil telles que les marchés aux puces, les marchés de producteurs, les soirées café, les événements alimentaires sociaux, les cafés réparateurs, etc. Le risque est que ces belles manifestations perdurent et qu’aucune coopérative de quartier ne se constitue. Il est certainement utile que le modèle de quartier soit largement connu comme « ce que nous faisons aujourd’hui » (« la chose à faire ») à travers les médias, la littérature, les conférences, etc. Mais les projets phares valent mieux que mille dépliants ou brochures.

    S’appuyer sur les clubs, projets, coopératives et traditions existants est une bonne idée. Cependant, il est crucial que nous diffusions un concept clairement défini, basé sur des chiffres, des faits et des expériences concrètes. C’est le seul moyen de découvrir ce qui ne fonctionne pas.

    Dans de nombreux endroits, il existe déjà des centres communautaires ou d’autres espaces utilisables mais sous-utilisés. Les revitaliser simplement ne mènera probablement nulle part. Cependant, dans certaines situations, il pourrait être prometteur de le décrire avec audace comme un microcentre d’un quartier (non encore constitué) autour de lui. De tels lieux ne sont utilisés à long terme que s’ils sont effectivement nécessaires à la subsistance (et pas seulement à des fins de divertissement et de loisirs). Un microcentre pour remplacer une offre alimentaire effondrée (magasins en train de mourir, bars en train de mourir) serait une utilisation sérieuse et vitale à laquelle d’autres pourraient s’ajouter : entreprises liées aux ménages, services de blanchisserie, services de soins à bas seuil, etc. (voir EMMA). Un microcentre n’est pas un centre culturel, mais un centre logistique, même si les festivals, jeux, bars et soirées jazz y sont automatiquement inclus. Un centre culturel et politique fonctionnel a besoin d’au moins un quartier, soit plusieurs milliers d’usagers.

    En matière de communication, il existe une combinaison équilibrée de communications hors ligne et nécessaire en ligne. Seule la communication en ligne (réseaux sociaux, réseaux anonymes, etc.) crée des risques d’abus et crée trop peu d’engagements personnels à long terme indispensables aux projets coopératifs. Les communautés et les réseaux doivent uniquement (ou principalement) être construits entre des membres qui se connaissent personnellement. Il existe aujourd’hui des intranets dans les coopératives existantes et la possibilité de serveurs de poche dans les points de rencontre (comme le L200 à Zurich).

    La tâche d’un modèle comme celui décrit ci-dessus est de faire prendre conscience des possibilités et des opportunités. C’est précisément parce que nous sommes obligés de faire de petits pas et de craindre des impositions absurdes (néolibéralisme) que nous avons besoin d’une bonne boussole. La certitude d’agir dans le cadre d’un projet global universel est une source de motivation cruciale.

    Réalistes de gauche et terriens : unis – ou pas ?

    Qu’est-ce qu’une proposition fondée sur des faits et destinée avant tout à notre vie quotidienne a à voir avec les grands conflits politiques de notre époque ? Avec l’Europe ? Avec les États-Unis et la Chine ? Avec l’économie mondiale ? Néolibéralisme ? Avec les nouveaux courants autoritaires ? Qu’en est-il de la décroissance et du post-extractivisme ? Pourquoi les Brésiliens votent-ils soudainement à droite alors que le parti de gauche LULA a sorti un si grand nombre d’entre eux de la pauvreté ? Où sont les nombreuses coopératives qui auraient été fondées sous CHAVEZ au Venezuela ? Pourquoi ne travaillent-ils pas avec les agriculteurs pour organiser l’approvisionnement alimentaire alors que les pétrodollars n’arrivent plus ? Les Saoudiens bénéficient d’un revenu de base pratiquement garanti – pourquoi acceptent-ils un régime réactionnaire ?

    L’accusation selon laquelle de nombreuses personnes se réfugient dans des initiatives locales parce que le monde est devenu trop compliqué ne peut être rejetée d’emblée. Ce qui est immédiatement réalisable exerce une fascination irrésistible. Quiconque s’intéresse à des contextes plus vastes est rapidement perçu comme un bavard, un bombardier en mousse et un éternel théoricien. Il existe en effet de nombreux hommes politiques et penseurs politiques qui ont perdu leur emprise sur le terrain et se sont désespérément empêtrés dans leurs théorèmes. Comme pourrait le dire BRUNO LATOUR, ils ont perdu de vue le « terrestre ». LATOUR voit le dénominateur commun dans les mouvements actuels : « le peuple veut le retour du pays » (et non : son pays, ce serait nationaliste). Par « terre », il entend non seulement les terres arables et les paysages, mais aussi le contrôle sur les bases réelles de la vie, y compris les terrains (bâtiments, appartements, rues, places, équipements publics, industries, etc.) dans les villes. Le droit à la terre inclut le droit à la ville. Il ne s’agit donc pas seulement de distribution, mais aussi d’accès, d’appropriation réelle (ou d’expropriation de quelques-uns par le plus grand nombre). Cependant, comme nous l’avons déjà noté au début, le discours sur la justice distributive prévaut parmi les politiciens de gauche. C’est bien intentionné, mais cela conduit finalement à l’impuissance. Dans un texte récent, YANIS VAROUFAKIS (Le Monde diplomatique, mars 2019, p. 7) propose un New Deal, qui n’est pas un deal, mais un catalogue de revendications. 2 000 milliards d’euros doivent être consacrés à la restructuration écologique. La BCE devrait émettre des titres à cet effet. Les milliards de bénéfices des banques centrales européennes doivent être utilisés pour créer un fonds qui soutiendrait toute personne vivant dans l’UE en dessous du seuil de pauvreté. Les entreprises actives dans l’UE doivent transférer un certain pourcentage de leurs actions dans un nouveau fonds d’actions européen, dont les dividendes bénéficieront aux organismes de protection sociale.

    La France insoumise (THOMAS GUÉNOLÉ, Le Monde diplomatique, mars 2019, p. 6) propose une nouvelle fois la taxe Tobin et une nouvelle politique monétaire de la BCE qui soutient par exemple la petite agriculture. Ces revendications européennes correspondent presque exactement à celles de la Suisse, par exemple du Denknetz. Ils correspondent probablement aussi au Green New Deal des démocrates de gauche aux États-Unis, qui veulent également injecter ou réorienter beaucoup d’argent dans la restructuration écologique. Cela devrait fonctionner sans augmentation générale des impôts, seuls les riches devraient à nouveau payer des impôts et l’État devrait s’endetter. C’est ce qu’on appelle la « théorie monétaire moderne », mais il ne s’agit que du vieux keynésianisme. Vous avez peur d’une réaction des Gilets Jaunes.

    Tous ces hommes politiques réalistes de gauche soulignent que l’argent est là, inutilisé, et qu’il n’y a aucune raison d’économiser. L’Allemagne est rituellement réprimandée pour ses mesures d’austérité absurdes, même par le FMI. C’est évidemment vrai : JOSEPH STIGLITZ parle depuis longtemps d’une épargne abondante (« Savings glut »). Le fait que certaines banques nationales facturent des intérêts négatifs prouve qu’il y a trop d’argent qui traîne. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il soit disponible pour des programmes ou des projets sociaux et environnementaux. Tout comme le travail est devenu une simple structure répressive quotidienne, le système financier mondial est aussi un pur moyen de discipliner des gouvernements dissidents ou des projets qui offrent réellement une issue. Il serait donc judicieux d’utiliser le capital inutilisé pour le renouveau social et écologique. Cela ne veut pas dire que cette politique a une chance. Les intérêts du capital structurel déterminent toujours les investissements et la politique.⁴²

    41.Un accord est une question de concessions mutuelles. Les pauvres devraient donc prendre, mais que devraient-ils donner ? Probablement
    principalement leur volonté de continuer à jouer le jeu maléfique appelé capitalisme, c’est-à-dire de ne pas saboter la « structure quotidienne »...

    42. Je ne dis délibérément pas « les capitalistes », les fameux 30 ou 60 billions qui se réunissent à Davos, etc. Les gens ont depuis longtemps perdu le contrôle de la dynamique capitaliste. Et à travers les fonds de pension et les comptes d’épargne, nous sommes pratiquement tous des capitalistes. Nous combattons un système, pas un groupe de personnes.

    L’Europe : sortie ou impasse ?

    Nous apprenons beaucoup de choses sensées des réalistes de gauche au sujet de l’Europe. On dit généralement d’avance que l’UE est un projet profondément néolibéral. Toutefois, cela ne rend pas l’Europe pire que n’importe quel autre pays. Le néolibéralisme n’est qu’un terme vague pour désigner le capitalisme normal d’aujourd’hui. Nous connaissons le « néo » libéralisme depuis 250 ans. Ce ne serait pas une raison pour être contre l’UE. Le fait que la Suisse, par exemple, n’ait pas adhéré à l’UE depuis longtemps s’explique davantage par le fait qu’elle est encore plus néolibérale qu’elle. La raison en est un manque de solidarité : l’agriculteur le plus riche n’adhère pas à la coopérative de la vallée. L’UE a une légitimité suffisante en tant que projet de paix (qu’il soit capitaliste ou non). L’idée de redémarrer l’UE ou de renégocier les traités (que proposent tous les réalistes de gauche) afin de la transformer en une union sociale écologique est convaincante. Qui ne veut pas de ça ? Qui n’en a pas toujours voulu ? Cependant, La France insoumise dit : Si cela ne marche pas, alors nous nous retirerons (offensés ?) dans nos nations et tenterons de les réformer. Et là cela se poursuit avec une meilleure répartition nationale des richesses. Quelques dommages collatéraux, tels que : B. des murs contre les migrants, un certain national-socialisme, etc., sont acceptés. Ce n’est pas de notre faute si l’UE ne peut pas être réformée. Cela s’est produit de la même manière avec le Brexit. La régression nationale-socialiste ne semble pas avoir porté ses fruits lorsque SAHRA WAGENKNECHTS s’est levée et a donc dû mettre fin à l’entreprise. Ce n’est pas facile d’inventer un mouvement, surtout avec un programme aussi flou.

    Un nouveau départ à l’extrémité ouest-asiatique et dans la région méditerranéenne est inévitable pour des raisons purement topographiques et « terrestres ». Diverses associations spécialisées dans les domaines des systèmes de transport, de l’énergie, de la sécurité, des technologies, etc. voient le jour, tout comme l’était l’ancienne Confédération. De nombreuses communes suisses concluent de telles associations spécialisées parce qu’elles sont trop petites pour certaines infrastructures (déchets, écoles, circulation) et que les cantons sont désormais devenus dysfonctionnels (trop petits ou trop grands selon les sujets). Il n’est pas nécessaire d’avoir un drapeau ou un hymne. L’idée de devenir une « puissance mondiale » comme les États-Unis ou la Chine a induit en erreur, voire empoisonné le projet européen. Il vaudrait mieux se considérer comme un précurseur régional d’une organisation mondiale (Glomo 5) et faire tout ce qui est en son pouvoir pour paraître factuel, calme et adaptable sur le plan topographique. L’Europe n’a pas non plus besoin d’une identité, car tous les hommes deviennent sœurs et même les morts doivent vivre (SCHILLER). Selon le sujet, l’Égypte est parfois incluse, parfois la Russie et parfois le Groenland.
    non, tout comme la Grande-Bretagne peut participer avec ou sans l’Écosse. Fluctuation nca mergitur.

    Le problème n’est pas la dimension géographique, mais le poids différent des membres. Il existe encore des attitudes frustrées de grande puissance entre l’Allemagne, la France, la Russie, l’Angleterre, etc., qui rendent impossible une coopération sur un pied d’égalité. En fin de compte, seule une provincialisation radicale (LATOUR) aidera, c’est-à-dire une division en Glomo 4, qui survivent de manière relativement autonome en tant que territoires économiques propres, même avec leur propre monnaie (échanger de l’argent est amusant, soutient la communication sociale). A l’instar des communautés suisses, ces territoires peuvent travailler ensemble de manière détendue selon les thèmes. Cela n’est concevable que si les conditions de vie générales sont comparables, c’est-à-dire si la conversion de Glomo 1 à Glomo 3 progresse également en parallèle. Cela ne peut pas être réalisé avec quelques astuces de distribution, mais avec un programme de restructuration universel et clairement défini qui englobe l’ensemble du tissu du travail, de l’alimentation, du mode de vie, des institutions et de la production.

    Pour éviter l’apparition de déséquilibres mondiaux et de risques locaux, l’invasion Glomo devrait avoir lieu à peu près au même moment partout sur la planète. On pourrait comparer cela à la transition de phase lors de la magnétisation : d’abord, un patchwork de différents glomos se crée, puis, lorsque la situation est saturée, tout bascule en même temps. Il ne devrait donc pas y avoir de Glomo 4 dans un seul pays, sous peine d’intervention militaire ou d’isolement économique. Des pionniers et des avant-gardistes meurent. Ce qui est important, c’est un nouveau courant dominant.

    Pourquoi ne pas combiner les astuces de financement des réalistes de gauche avec le programme de reconstruction des Communes ? Après tout, tous les milliards, qui doivent être utilisés de manière non spécifique à la restructuration écologique, seront utilisés pour construire Glomos, comme je l’ai proposé dans le cas du Green New Deal en 2009.⁴³ C’est assez proche des 2 000 milliards de VAROUFAKIS. Les 200 milliards du réseau pensant seraient également les bienvenus. Les néoréalistes et les terrestres pourraient donc encore se retrouver. Je crains cependant qu’un tel programme ne soit pas très réaliste car il implique la disparition du capitalisme tel que nous le connaissons.

    Même la tentative de présenter l’expropriation des riches comme un accord réaliste est naïve. Vous le remarquerez. C’est pourquoi j’ai proposé de financer la restructuration éco-sociale à partir du fonds salarial, c’est-à-dire avec des retenues salariales progressives qui conduisent également à une réduction de la consommation. Au lieu d’être consacré à la consommation, l’argent devrait être investi dans Glomos dans le monde entier. Puisque ces modules réduisent à leur tour le coût de la vie, il n’y aura aucune perte de qualité de vie. Ce qu’il faut, cependant, c’est une nouvelle idée de la belle vie qui s’appuie davantage sur l’attention humaine, plus de plaisirs locaux, plus de lenteur, bref : sur un nouveau récit. Cependant, l’idée même de déduire les milliards nécessaires des salaires est un anathème pour les réalistes de gauche. Les Gilets Jaunes ne sont-ils pas descendus dans la rue à cause d’une hausse du prix de l’essence justifiée par l’environnement ? C’est vrai, mais cela s’est produit précisément parce que cette augmentation des prix n’était pas liée à un changement des conditions de vie. Au contraire, les structures existantes doivent être bétonnées avec de l’essence bon marché.

    43. À l’époque, j’avais prévu 4 000 milliards (billions) de dollars pour la restructuration des États-Unis. (Turbulence #5, 2009, turbulence.org.uk), plus 100
    Des milliards pour reconstruire le monde. En dix ans, nous y serions parvenus maintenant... mais personne ne m’écoute.

    Le prochain changement inattendu : « l’autre »

    Si l’on suit les spéculations de BRUNO LATOUR sur un changement fondamental dans le réseau de coordonnées politiques, alors le prochain grand mouvement ne rentrera plus dans le plan politique actuel. Elle ne sera ni populiste, ni de gauche ni de droite, ni conservatrice ni progressiste. Il s’agira directement de questions quotidiennes, de terre, de soins mutuels, de justice, d’auto-organisation, à l’échelle mondiale. Nous ne pouvons pas encore savoir à quoi cela ressemblera, peut-être que cela se passera de grandes manifestations, de chapeaux rouges, de drapeaux verts, de sweats à capuche noirs, de gilets jaunes et autres symboles. L’ensemble de la tradition anarchiste gauche-verte fait plus partie du problème que de la solution. Nous disons : des chiffres, des faits, des suggestions sensées. Contrairement aux populistes, nous n’avons pas besoin d’idéologies et de mythes (l’Occident, notre identité culturelle, notre nation si particulière, etc.).

    Peut-être y aura-t-il d’étranges manifestations⁴⁴ avec des banderoles et des drapeaux en plastique transparent pour que les gens soient mieux vus. L’une des banderoles transparentes pourrait lire : « Vous savez déjà qui nous sommes. » Peut-être que cela n’apparaîtra même pas dans les médias. "La révolution ne sera pas télévisée." Et elle sera probablement de toute façon victime des nouveaux filtres de téléchargement sur Internet, comme la révolte de Hong Kong en Chine.

    Des groupes et des comités se réunissent déjà à nouveau en personne, délibérément sous le radar d’Internet et des médias, pour discuter de leurs affaires et élaborer des plans. Au lieu d’être écoutée dans les forums de discussion, la vieille idée de la colocation consistant à discuter ensemble autour d’un repas est à nouveau relancée, avec Jour Fixe et dans les cuisines et salons tournants.⁴⁵ La vie est hors ligne, je suis entièrement d’accord avec HARALD WELZER. Peut-être que ce ne sera même pas un « mouvement »⁴⁶, mais quelque chose d’autre, d’incompréhensible, de diffusant. Les mèmes peuvent se multiplier comme des virus même sans Internet. L’« autre » n’obéira pas à une logique de croissance (clics, utilisateurs, followers, amis), mais se répandra plutôt horizontalement comme une tache d’huile. Inarrêtable. Peut-être que « l’autre » aura atteint son objectif avant même que les hommes politiques, les propriétaires de capitaux et leurs dirigeants ne s’en aperçoivent, car ils regardent au mauvais endroit. Si nous ne nous surprenons pas, nous perdrons. Le système a été modifié.

    44.En ce moment, je pense aux sardines d’Italie.
    45.Voir aussi Cuisines sans frontières : Les restaurants comme lieux de rencontre de proximité.
    https://www.cuisinesansfrontieres.ch.
    46. « Le Mouvement » était l’auto-désignation du NSDAP et est désormais à nouveau la même pour l’organisation de droite identitaire de KEVIN BANNON. Comme chacun le sait, Munich était la capitale du « mouvement ». En fait, nous voulons non seulement que quelque chose bouge, mais nous voulons surtout savoir où il va. La même chose s’applique aux mots vides de sens comme changement, changement, etc.

    Références littéraires

    Boudet, Dominique (éd.) : Coopératives d’habitation à Zurich, cités-jardins et nouveaux quartiers. Livres du parc 2017.
    Brand, Ulrich / Wissen, Markus : Mode de vie impérial. Oekom 2017.
    De Angelis, Massimo : Omnia Sunt Communia. Livres Zed 2017.
    Dolan, Paul : Intentionnellement heureux. 2015.
    Habermann, Friederike : Échangé ! Concepts/Matériaux, Volume 10, 2018.
    Helfrich, Silke (éd.) : Le monde des biens communs. Éditeur de transcription 2017.
    Jackson, Tim : Prospérité sans croissance. 2011.
    Jullien, François : Il n’y a pas d’identité culturelle. 2016.
    Largo, Remo : La bonne vie. 2017.
    Latour, Bruno : Le Manifeste terrestre. 2018.
    Layard, Richard : Bonheur : Leçons d’une nouvelle science. Pingouins 2011.
    Martignoni, Jens : Réinventer l’argent. Par rapport à 2017.
    Nelson, Anitra / Schneider, François : Le logement pour la décroissance. 2018.
    Redémarrer la Suisse : rentrer à la maison. 2016.
    Nouveau départ en Suisse : gérer le ménage ensemble. 2019.
    Redémarrer la Suisse : le livre uniquement. 2017.
    Rosling, Hans et. al. : Factivité. 2017.
    Scheidler, Fabian : La fin de la mégamachine. 2016.
    Scott, C. James : À contre-courant. 2018.
    Streeck, Wolfgang : Comment le capitalisme prendra-t-il fin ? Verso 2016.
    Wilkinson Richard G. / Pickett, Kate : Le niveau à bulle : pourquoi des sociétés plus égalitaires font presque toujours mieux. 2009.
    Widmer, Hans (éd.) : L’autre ville. Paranoïa City 2017.
    www.newalliance.earth
    www.o500.org
    www.neustartschweiz.ch _

    Alors encore une fois, et maintenant tout le monde :

    Le capitalisme est mort, mais sa terreur avec le travail obligatoire, le profit obligatoire et la croissance obligatoire continue.

    Plus le capitalisme est mort, plus ses clowns politiques défendent cruellement sa coquille.

    L’alternative au capitalisme n’est pas un autre système, mais toute une gamme de modes de vie différents.

    Ceci est basé sur le fait que nous n’évaluons pas et n’échangeons pas, mais plutôt
    coopérer et partager.

    Notre vie ne peut être échangée contre rien.

    Il ne s’agit pas d’améliorer les transports, mais plutôt de raccourcir les distances.

    Plus il fait beau au point A, moins nous devons conduire jusqu’au point B.

    Créer 16 millions de nouveaux quartiers pour 8 milliards de personnes nécessite une redistribution globale de nos ressources

  • P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 4

    suite du post précédent
    https://seenthis.net/messages/1016333

    Le système final

    Si des centaines de milliers de manifestants réclament aujourd’hui un changement de système, il faudrait alors se demander : quel système veulent-ils « après » ? C’est rapide à dire : Commons, bien sûr. Cependant, les biens communs ne sont qu’un principe abstrait et sont très divers dans leurs formes. Ils n’en font pas non plus un système uniforme, mais toute une gamme de moyens de gagner sa vie. Le capitalisme était le dernier système homogène où tout était traité dans le même panier, à savoir la valeur.
    L’ancienne formule : 1 emploi - 1 revenu - 1 foyer familial, ou travail - salaire - consommation, n’a jamais été appliquée à la plupart des gens et est en train de se dissoudre même dans les vieux pays industrialisés. L’emploi précaire, l’économie des petits boulots, les emplois multiples, les emplois saisonniers, les entreprises individuelles et les postes à temps partiel sont de plus en plus répandus. L’emploi formel à temps plein est tout simplement devenu trop coûteux et trop rigide pour les entreprises. Le vieux système fordiste est en train de disparaître – il ne reviendra pas dans une économie des biens communs. Mais il est possible d’établir ou, pour la plupart des gens, d’atteindre pour la première fois une sécurité de subsistance dans le cadre d’une coopération territorialement graduelle.

    Selon le domaine d’activité, il y aura d’autres formes d’organisation. Une division approximative en trois parties s’impose : la subsistance dans le secteur des ménages, y compris l’agriculture, les services publics depuis les écoles jusqu’aux industries, diverses entreprises coopératives et individuelles. La subsistance doit assurer la vie quotidienne, les services publics doivent fournir tout le reste nécessaire, le troisième domaine fournit le plaisir d’avoir et, outre le respect général de la loi, n’a pas besoin d’être réglementé, simplement parce qu’il est trop diversifié : Ni l’un ni l’autre les salons et les confiseries ont besoin d’une certaine forme de planification sociale.

    En ce qui concerne les formes d’organisation, les quartiers ou Glomo 1 se définissent comme une forme sociale ou une institution de subsistance. Ils fonctionnent en interne de manière démocratique. Les tâches peuvent être réparties de différentes manières : comme tâches ménagères avec ou sans puces de contrôle (ou avec un algorithme sur l’ordinateur personnel), comme un mélange de travail rémunéré et d’obligations impayées. La création de monnaies alternatives dans ce domaine n’est pas une bonne idée car elle détruirait une répartition équitable des tâches : des quantités d’heures s’échangeraient et entraîneraient des déséquilibres entre membres efficaces et moins efficaces. Certaines tâches difficiles à attribuer car nécessitant des compétences particulières sont mieux rémunérées dans la monnaie démocratique du territoire, par ailleurs convertible.

    Les services publics seront en grande partie fournis par le biais de missions rémunérées, afin de permettre un certain degré de flexibilité et de perméabilité entre les différentes entreprises. Dans la zone Glomo 2, cependant, il peut certainement y avoir du travail non rémunéré (par exemple aider aux tâches dans les écoles, s’occuper des jardins ou des parcs, aider aux travaux d’entretien). Des devises locales sont également possibles ici, qui sont valables dans Glomo 2 et permettent un certain montant d’échange. Ils peuvent également faciliter la planification et le contrôle.

    Le troisième domaine dépend largement d’un moyen d’échange reconnu, mais il ne s’agira pas d’une dépendance existentielle. De plus, cette zone sera la plus petite, la jambe libre, pour ainsi dire.

    Cela signifiera différentes formes de travail pour chaque personne : travaux ménagers non rémunérés (prolongés) dans la zone 1, mais en retour une grande sécurité des moyens de subsistance ; mises payantes alternativement dans la gamme Glomo 2 ou Glomo 3 ; travail rémunéré dans les services publics (considérablement élargis) ; travail rémunéré ou non dans le troisième domaine. Ces formes de travail peuvent varier selon la phase de la vie, la saison, les préférences et la formation.

    Essentiellement, nous devenons tous des employés du gouvernement à temps partiel avec d’autres responsabilités rémunérées et non rémunérées. Ce qui sera dit tout de suite Il faut que le vieil État se soit transformé en une sphère de biens communs. Cependant, l’État HOBBES, l’État qui détient le monopole ultime de la violence, fait toujours partie de ce domaine. Aujourd’hui, HOBBES recevrait probablement le prix Nobel de la paix.

    Les revenus monétaires n’auront plus la même importance qu’aujourd’hui et pourraient donc diminuer. Tout ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’argent de poche convertible à l’échelle mondiale. Nous devenons donc tous des rétrogradeurs, mais pas toujours. Par exemple, cela n’aurait aucun sens qu’un chirurgien du cerveau formé à grands frais grâce aux fonds publics consacre son temps principalement à désherber, à cuisiner ou à nettoyer. Dans de tels cas, les travaux ménagers non effectués peuvent être compensés par de l’argent (car le chirurgien doit aussi manger). Il est cependant tout à fait concevable que, par exemple, les opérations sur des bases terrestres soient valorisées comme une compensation par de tels spécialistes.²⁹

    Une économie des communs ne sera pas structurée selon les industries et les entreprises, mais plutôt selon les territoires et les fonctions. Par conséquent, un tableau peut être créé qui distribue les trois zones selon Glomo 1 à Glomo 5. Le principe est : le plus local possible, le plus fonctionnel selon les besoins. Lorsque la planification est nécessaire, elle peut être conçue démocratiquement selon le principe de subsidiarité. La demande et l’offre ne jouent plus un rôle dans la production, seulement la demande et les conditions écologiques et sociales. Par exemple, un Glomo 1 discute du plan de culture agricole puis le coordonne de manière itérative avec les ressources disponibles. Les algorithmes nécessaires au support ne sont plus un gros problème aujourd’hui.

    29.Je n’utilise pas le terme justice car il peut facilement être déformé en une équité visqueuse ou même en une égalité des chances individualisée. Je préfère l’égalité définie en watts, mètres carrés, kilos, heures, kilomètres, pouvoir de vote, etc.

    Un égalitarisme dégoûtant ?

    Eh bien : nous avons cinq modules globaux et leur définition fonctionnelle qui couvre tout. N’est-ce pas brutalement simpliste ? N’y a-t-il pas des tailles différentes, des idées différentes sur la démocratie, des modèles variés, des manières différentes de vivre ensemble ? Et surtout : des cultures différentes ?

    Non. Bien sûr, c’est excitant et dramatique lorsqu’un tout-terrain climatisé fonce devant des gens qui pataugent pieds nus dans la boue. Bien sûr, la vie est plus excitante lorsque des bandes armées terrorisent le quartier. En revanche, c’est ennuyeux lorsque le groupe de yoga danois se réunit au centre communautaire. Une proposition ne génère pas en soi de diversité ou d’enthousiasme, elle constitue simplement une plate-forme raisonnable pour une vie normale. Mais c’est en même temps la condition préalable à des formes de diversité plus souples. pauvre/riche, impuissant/puissant, impérial/exploité. On peut alors encore discuter de HEGEL contre SCHOPENHAUER, ACDC contre MOZART, élégant contre décontracté, Bordeaux ou Chianti, Bauhaus ou Heimatstil, baguettes ou couteau et fourchette, Noël ou Ramadan. Tout comme la « culture », la diversité n’est souvent qu’un terme de couverture pour réprimer le désir général d’une existence sûre et heureuse pour chacun. Nous voulons des territoires ennuyeux pour tout le monde. Les autres sont passionnants, nous sommes ennuyeux mais utiles. Les données montrent que les gens sont plus heureux dans les pays ennuyeux et que les grands mouvements migratoires, par exemple du Danemark désolé vers le Congo dramatique, ne sont pas vraiment observés.

    Évidemment, défendre les inégalités par le pluralisme ou la diversité (la diversité n’est pas une vertu en soi) est cynique. Cela s’applique également aux relativistes pour qui la démocratie n’est qu’un phénomène occidental, alors que d’autres régions, comme par exemple B. La Russie ou la Chine ont besoin d’une « main forte ». Le soulèvement de Hong Kong montre que le peuple chinois n’est pas génétiquement autoritaire et souhaite autant que nous la démocratie.

    Les modules proposés ne sont pas des constructions isolées, mais correspondent plutôt à une variété d’unités existantes qui nécessitent simplement d’être réajustées. Bien que clairement définis, ils ont un large éventail de mises en œuvre et peuvent être adaptés à des situations spécifiques partout. Bien qu’elle semble radicale, la proposition Glomo est en réalité réformiste, incroyablement réalisable, pour ainsi dire. Les deux innovations les plus importantes sont les quartiers Glomo 1 et les territoires Glomo 4, ce sont donc aussi les plus difficiles à mettre en œuvre. En revanche, les services municipaux (Glomo 2) et les régions urbaines (Glomo 3) existent déjà de diverses manières. Former. Souvent, elles ont simplement émergé des frontières administratives historiques existantes pour répondre à des nécessités infrastructurelles – en tant qu’associations spécialisées de communes ou, en Suisse, de cantons. Il suffit de les réécrire, de les renforcer, de les condenser et de les centraliser.

    La provincialisation des nations (BRUNO LATOUR) se heurte à de grandes traditions historiques. Mais l’histoire n’est pas une excuse, elle est là pour être répétée encore et encore.

    Nous avons donc besoin d’une proposition qui ne soit pas seulement composée d’adjectifs et d’appels aux partis et aux gouvernements, mais qui définisse plutôt exactement à quoi elle devrait ressembler. Si nous ne sommes pas d’accord sur une proposition, tout restera tel quel. La « péréquation », c’est l’égalité rendue concrète. On pourrait aussi dire de manière un peu plus pathétique : justice.³⁰ Et c’est ce que nous voulons.

    30.Une fois, j’ai trié des pommes de terre dans un champ avec un médecin-chef. Était amusant.

    « Our home is our castle »

    En ce qui concerne les résistances et les obstacles « culturels », ils sont aussi connus que triviaux. Les Français sont trop individualistes, les Grecs trop familiaux, les Américains sont attachés à l’accession à la propriété, les Britanniques disent : « Ma maison est mon château », les Allemands veulent construire des maisons partout, les Européens de l’Est détestent tout ce qui sent la coopération. , coopératives et propriété commune parce qu’ils sont étiquetés comme des enfants de l’époque du capitalisme dirigé, les Turcs sont très nationalistes, dommage ! Pitié ! etc. Cependant, il existe suffisamment de contre-exemples dans tous ces pays. 800 millions de personnes dans le monde sont déjà membres de toutes sortes de coopératives.

    Se débarrasser des résistances particulières est la tâche de tous ceux qui veulent réaliser une proposition universelle. C’est trivial : Rien n’est facile. Nous le savions déjà. Il ne s’agit pas de trouver les raisons pour lesquelles quelque chose ne fonctionne pas, mais d’abord de définir des objectifs, puis d’éliminer les obstacles sur le chemin. Dans ce contexte, le « récit de vie » doit changer. Aujourd’hui, le logement est essentiellement un mouvement de réfugiés. Après avoir été aliénés au travail, nous avons besoin d’un espace de résonance où nous pouvons à nouveau être nous-mêmes, entourés de nos proches et des choses. Habiter, meubler, jardiner sont des actions de substitution dans un monde hostile qu’on ne peut ou ne veut changer. Les dommages psychologiques et mentaux doivent être réparés et compensés afin qu’une nouvelle journée de travail soit possible. Le logement sert à reproduire la force de travail. Alors que dans le passé cela signifiait essentiellement une reproduction physiologique – manger, dormir, produire des enfants – les formes de travail (ou formes de conneries) d’aujourd’hui nécessitent de plus en plus de formes de reproduction psychologiques et cognitives. Nous avons besoin d’autres expériences plus significatives le week-end et surtout pendant les vacances, d’une simulation de la « vraie vie » dans les clubs, les villages rustiques, les plages isolées. « Sense » est aussi un produit de consommation. Les établissements de maisons unifamiliales simulent des modes de vie et des communautés de village et autosuffisants. Malheureusement, cela devient de moins en moins efficace aujourd’hui, d’une part parce que le stress au travail est devenu encore plus grand, et d’autre part parce que les réfugiés se dérangent les uns les autres dans leur isolement : si tout le monde fait la même chose, alors c’est une forme de consommation de masse, quoi qu’il arrive. Les plans et les modèles tout-terrain sont personnalisés. Les maisons se gênent les unes les autres. Entre burn-out et smog des grillades, la reproduction n’est plus réussie. Les drames familiaux s’accumulent. Ecologiquement, c’est de toute façon une catastrophe.

    Glomo 1, véritables palais prolétariens, offrent une issue à la fois pragmatique et systémique à cette situation difficile. De nouveaux types de coopératives, comme Kalkbreite ou plus que vivre à Zurich, offrent davantage de rencontres réelles, d’expériences partagées et plus de confort pour chacun. De plus, y vivre est moins cher, et pas seulement en raison du coût inférieur à celui des loyers du marché.³¹ Le « récit de vie » peut être promu en propageant, illustrant et racontant des histoires sur la nouvelle vie de palais. Ce que les vieux bourgeois appréciaient tant dans leurs grands hôtels (Palace, Excelsior, Eden, Bellevue...) et ce que les néo-prolétaires déportés en masse apprécient dans les stations balnéaires du sud de la Turquie ou de la Thaïlande peuvent faire partie de la nouvelle vie quotidienne. Nous pourrions avoir une belle maison, profiter de plus de luxe tout en respectant les limites écologiques et en travaillant moins. Les Glomo 1 Rolls-Royce, Chevrolet ou Maibach deviennent les symboles de ce nouveau récit : une voiture de luxe partagée coûte moins cher que 200 Dacias moisies, et elle a plus de style lorsqu’elle se rend aux noces d’or ou que la belle-mère vient chercher chez elle. la gare. Les objets solides partagés sont écologiques, les montres s’achètent pour les petits-enfants, la garde-robe du microcentre est inépuisable, on peut s’offrir des meubles en bois massif faits à la main. Nous pourrions vivre comme des princes si nous nous ressaisissions. Ou tout simplement comme les hipsters, les LOHA ou les néo-hippies. Nous sommes ouverts aux suggestions. Il n’est pas nécessaire que ce soit la Belle Epoque. C’est ce récit qui est subversif, et non les modèles d’offre du minimum existentiel. C’est plus social que les logements sociaux.³² Il s’agit donc de convaincre les néo-prolétaires qu’ils devraient vivre dans des palais.³³

    31.Voir gérer ensemble. Redémarrer la Suisse 2019.
    32. Les discours dépassés conduisent souvent à ce que les logements sociaux construits dans certaines coopératives soient plus grands et plus luxueux que ceux des membres des coopératives normalement rémunérateurs, qui ont depuis longtemps d’autres priorités.
    33. Les sociaux-démocrates plus âgés se souviennent peut-être encore de l’article de leur camarade de parti KARL BÜRKLI dans la loi populaire du 18 juillet 1898, qui proposait des palais sociaux, populaires, prolétaires ou de consommation sur le modèle des palais bourgeois : « Il en existe des centaines les palais bourgeois en Suisse, nos hôtels pour étrangers sont mondialement connus et exemplaires par le confort qu’ils offrent aux étrangers ; Mais dans un hôtel comme celui-ci, aussi grand soit-il, avec des chambres et des chambres pour des centaines d’étrangers, vous ne trouverez qu’une cuisine, qu’une cave, qu’un restaurant, où chacun peut commander à la carte ou à table. On peut dîner dans une hotte, exactement comme dans le palais du prolétaire, en plus raffiné, mais aussi plus cher.

    Des palais pour 10 milliards de personnes

    Cela peut paraître cynique de demander aux prolétaires du monde entier de vivre dans des palais. Cela ne fonctionnerait pas non plus dès le début. Bien entendu, la mise en place d’un bien commun mondial implique un gigantesque transfert de ressources des régions impériales vers les régions exploitées afin qu’elles puissent construire leurs glomos. Il s’agit de milliers de milliards de dollars, et non de maigres milliards. Et il ne suffira pas de taxer quelques milliardaires. Il peut paraître naïf de simplement proposer un plan de financement de la restructuration mondiale. Puisqu’il n’y a actuellement aucun acteur approprié en vue (ou est-ce que nous ne les voyons tout simplement pas ?), cet exercice semble superflu. Il ne peut donc s’agir que de principe (justice climatique mondiale) et de quelques dimensions. Alors que les pays industrialisés du nord disposent de quelques infrastructures hypertrophiées, celles-ci manquent au sud planétaire : hôpitaux, écoles, transports publics, systèmes de communication, énergie, eau, équipements mécaniques. Un détournement correspondant et temporaire des investissements sera donc nécessaire.³⁴ Si nous utilisons 5 millions de dollars chacun pour les 16 000 000 de quartiers (Glomo 1), alors un montant d’investissement de 80 000 milliards de dollars sera nécessaire (le PIB mondial actuel : 77 000 milliards). Ce serait irréaliste. Le nombre de 5 millions est arbitraire, mais quelque peu plausible. Au nord, 5 millions de dollars, ce n’est pas beaucoup et suffisent à peine pour transformer un quartier et son territoire (microcentre, etc.).

    Dans les pays du Sud, on peut réaliser dix fois plus avec 5 millions de dollars, ce qui est juste et nécessaire. Le fait que nous, les soi-disant 99 %, ne possédons que la moitié de la richesse mondiale semble scandaleux, mais cela peut aussi être considéré comme positif : nous possédons 50 % des actifs, et il est temps pour nous de faire quelque chose de raisonnable avec il. Certains d’entre nous (99 %) reçoivent un salaire décent et pourraient se permettre de contribuer au relooking de Glomo. D’autant plus que cela réduirait également leur coût de la vie. Puisque la restructuration des quartiers des pays riches peut facilement être financée par les fonds d’investissement normaux, nous n’avons besoin que de financements supplémentaires (ou des ressources ainsi obtenues) pour les 30 % les plus pauvres, soit 2,5 milliards de personnes, soit 27 000 milliards de dollars. Réparti sur vingt ans, cela représenterait 1 350 milliards par an, ce qui est faisable. Ce n’est pas que les masses laborieuses vivent au bord de la misère et n’ont pas l’argent nécessaire pour réaliser leurs propres investissements collectifs. L’exemple des coopératives montre que même de petites contributions constituent un levier suffisant pour construire Glomo 1.³⁵ Il existe des exemples similaires dans le monde entier. Au lieu d’investir dans des maisons de campagne idiotes, des grosses voitures et des déchets de consommation, les gens ayant des revenus normaux peuvent aussi se libérer des chaînes du mode de vie impérial (la cage du consommateur, comme l’appelle TIM JACKSON). Ainsi, si nous le souhaitons, nous pouvons financer nous-mêmes la conversion sans avoir à exproprier des milliardaires. Sortez une fois de moins, sautez un iPhone et la planète est sauvée. Nous avons aussi suffisamment de temps pour nous rencontrer et nous organiser : il suffit de passer quelques soirées sans regarder des séries télévisées ni jouer à des jeux informatiques. (Nous pouvons organiser nous-mêmes le dîner parfait et l’utiliser pour des initiatives subversives – cela le rendrait vraiment parfait.)

    Si l’on prend l’exemple de la Suisse, alors 1,35 billion équivaut à 9,045 milliards proportionnellement aux 0,67% que cela représente dans le PIB mondial. Les salariés suisses gagnent 400 milliards (francs ou dollars) par an. Les 9,045 milliards correspondent à 2,26% de celui-ci, soit 142 francs du salaire médian actuel de 6’300 francs. Ce n’est guère plus qu’un pourboire. Il est préférable que les coopératives mondiales du nord organisent leurs fonds autogérés et envoient les ressources directement aux coopératives Glomo 1 du sud (ou de l’est). Partager et coopérer sont également possibles dans le monde entier.³⁶ Ce qu’il faut cependant, c’est un concept global convaincant et attrayant ainsi que de nouvelles formes d’organisation. Les salariés ont les ressources nécessaires, le problème est en train de se rassembler, un mouvement d’autonomisation. Au lieu de subvenir aux besoins des gens, il s’agit de les mobiliser pour qu’ils puissent s’aider eux-mêmes. Il n’y a pas d’idée plus subversive.

    34.Voir Le livre uniquement. Nouveau départ en Suisse 2017 : si les dépenses de consommation sont réorientées vers l’investissement, le développement économique peut être contrôlé de manière relativement harmonieuse. Voir TIM JACKSON.
    35.Dans le modèle zurichois, environ 6 % de fonds propres sont nécessaires pour réaliser un développement coopératif. BOUDET, p.248
    36.Voir urbamonde.org ; Les coopératives d’habitation en Suisse et en Suède ont des projets partenaires dans les pays du Sud.

    Faire de la politique pour les biens communs est possible.

    C’est très bien, un modèle mondial logique sans moteurs de croissance, sans guerre et sans exploitation : nous en avons déjà vu quelques-uns. Le point crucial est probablement la mesure dans laquelle un tel modèle (et il s’agit d’un modèle et non d’un manuel d’instructions tout fait) peut être utilisé dans une mise en œuvre concrète. La réponse est : c’est crucial.

    Glomo 1 par ex. B. n’ont de sens que s’ils sont vus dans leur intégralité, sinon ils finissent par devenir des îlots mourants de personnes bienheureuses. Dans de nombreuses villes, il existe des initiatives qui, en tant que coopératives, s’efforcent plus ou moins de défendre les valeurs fondamentales de Glomo 1 (selon la situation et les possibilités ; voir Coming home. 2019, à partir de la p. 70). De telles têtes de pont du futur deviennent généralement automatiquement des facteurs puissants dans les mouvements de quartier (Glomo 2) et façonnent de plus en plus la politique à l’échelle de la ville (Glomo 3). Ce n’est pas un hasard si des ONG mondiales ont des bases ou des bureaux dans plusieurs Glomo 1. Glomo 1 a un potentiel qui va bien au-delà d’une belle vie pour quelques-uns - s’ils le souhaitent.

    Dans les initiatives « territoriales » (ou malheureusement nationales) actuelles, un modèle global joue un rôle majeur. Si nous voulons utiliser moins de terres et d’énergie, il faut créer des modes de vie qui rendent cela possible. Dans le cas contraire, les réglementations purement écodictatoriales, qui se font une fois de plus au détriment de ceux qui gagnent moins, seront rejetées (voir Gilets Jaunes). Les villes peuvent ou non encourager les quartiers coopératifs ou les centres de services locaux. Lorsqu’ils le font, le trafic source diminue et vous pouvez vivre sans voiture sans ressentir de perte de confort.

    Le modèle Coming Home peut être utilisé comme une boussole à tous les niveaux, ce qui est particulièrement important lorsque vous êtes obligé de faire de petits pas. Ou plus précisément : à un moment donné, l’éco-activiste de base arrête de trimballer des cartons de légumes si elle ne sait pas qu’elle le fait dans un contexte global potentiellement fonctionnel. Les humains sont des êtres universels depuis le début. Sans ces dimensions, ils dépérissent. En pratique, la métaphore ascendante ou descendante est inutile, voire nuisible. Les gens sont déjà hiérarchisés parce qu’ils ont la tête haute.

    Même si la gauche préfère lutter pour de grandes régulations (dont certaines sont tout à fait logiques), elle démobilise et démoralise de nombreuses personnes, qui sont réduites à des bénéficiaires, des ayants droit, des nécessiteux, des bénéficiaires et des victimes. Ce n’est que lentement qu’elle commence à comprendre qu’il existe des possibilités d’action (par exemple la création de Glomo 1) qui sont également ouvertes aux personnes ayant peu de revenus et qui mobilisent au lieu de simplement fournir. Il est typique que Macron dépense de l’argent mais ne fasse rien pour aider les personnes isolées en banlieue dans leur réorganisation territoriale et sociale.

    Pris au piège, évanoui dans des filets

    Contrairement au modèle Coming Home défini territorialement/institutionnellement, de plus en plus de réseaux et d’optimisations des transports sont aujourd’hui proposés pour résoudre les problèmes. Bien entendu, le réseautage et la communication en général sont toujours nécessaires. Cependant, les modèles de mise en réseau souffrent du fait que les réseaux peuvent facilement se briser en raison de leur nature non contraignante et qu’ils peuvent être manipulés de manière hétéronome (Internet). En fin de compte, la question est de savoir qui est l’administrateur. Les réseaux, y compris les réseaux de transport, créent des dépendances, surtout lorsqu’ils sont organisés selon des logiques de marché et laissent les usagers tranquilles. Il ne s’agit pas d’optimiser les moyens de transport ou de rendre Internet plus rapide, mais plutôt de générer moins de trafic et de rendre l’information plus utile et démocratiquement contrôlable. C’est pourquoi, comme antidote à la folie générale des réseaux, il est important de former davantage de noyaux, davantage de communautés hors ligne qui communiquent en face-à-face, coopèrent et produisent des pommes de terre.

    La plupart des « communautés » ne sont que des plateformes. Compte tenu de notre socialisation hyper-individualisée, les obligations personnelles sont perçues comme fastidieuses et ennuyeuses. Mais en fin de compte, nous ne pouvons pas l’éviter : les liens brisés doivent être reconstruits. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront de manière manipulatrice. Nous avons déjà suffisamment de réseaux, maintenant nous, les utilisateurs, devons nous réunir en personne. Nous ne voulons pas mourir de faim avec un smartphone à la main ou sur l’écran après le dernier clic de souris.

  • P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 3

    suite du post précédent
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    Rappel :

    Coming Home (ndt Nach Hause kommen) propose cinq modules :
    1 16 million de quartiers (Glomo 1)
    2 400 000 quartiers/petites villes (Glomo 2)
    3 4 000 grandes villes/régions (Glomo 3)
    4 800 territoires (Glomo 4)
    5.1 monde (Glomo 5 )

    Cette division ne doit pas être comprise de manière normative, mais plutôt pragmatique, comme une délimitation de domaines de discussion. Il ne s’agit pas de dimensions inventées, mais plutôt de suggestions pour comprendre des domaines de la vie que nous connaissons déjà, mais qui sont aujourd’hui souvent déchirés et méconnaissables. Nous voulons simplement savoir à nouveau où nous en sommes.

    Glomo 2

    Il est important de comprendre que les quartiers ne sont pas des communautés autosuffisantes, mais plutôt des modules ouverts et entrelacés d’un système global. C’est pourquoi leur coopération au sein des quartiers (20 000 habitants) ou des petites villes est essentielle. Alors que les Glomo 1 sont des entités privées, les Glomo 2 sont des entités politiques au sein desquelles sont négociés et gérés les services publics : écoles, approvisionnement en énergie et en eau, soins de santé, voies et moyens de transport, production industrielle, etc.

    Nous avons donc, comme les 16 millions de microcentres, 450 000 des centres de quartier intellectuels et politiques (ABC)²⁷, qui sont interconnectés et constituent ainsi la base matérielle d’une démocratie mondiale. Comme le disait Aristote, l’homme est un zoon politikon, c’est-à-dire un animal de la ville, contrairement à ce qu’il est. au zoon choriatikon (= animal terrestre), mais au zoon idiotikon (la personne qui ne se soucie que de sa vie privée). Sans politique, il n’y a pas de ville. La ville est composée de gens qui se soucient de nous, pas de bâtiments. On ne peut pas construire une ville avec des idiots. Ceci est illustré par l’épisode des guerres perses lorsque XERXES a rasé Athènes. Cependant, ce qu’il a pu détruire, ce ne sont que des bâtiments, pas la polis. Les citoyens (seulement des hommes, désolé !) et les autres habitants s’étaient désormais retirés à distance de sécurité dans la campagne et continuaient à y fonctionner, dans des tentes et des abris d’urgence, avec toutes leurs institutions et bureaux. Lorsque XERXES fut vaincu, les Athéniens célébrèrent la survie de leur polis par une magnifique reconstruction.

    Même si la ville se débrouille sans bâtiments, des bâtiments adaptés peuvent néanmoins soutenir son fonctionnement. Les lieux de rencontre centraux, comme l’Agora à l’époque et les centres ABC aujourd’hui, sont idéaux à cet effet. Mais les Agoras et les ABC ne sont pas des marchés ou des théâtres. L’agora athénienne était à l’origine le lieu de rencontre politique, le marché n’est apparu que plus tard à partir des stands de snacks qui l’entouraient, qui fournissaient aux citoyens des rafraîchissements entre les réunions. Les citoyens athéniens n’avaient pas besoin de marché car leur subsistance était garantie par leurs domaines gérés par des esclaves.

    L’ABC est donc nécessaire pour inverser la dépolitisation des citoyens par le commerce et le divertissement. Dans les petites villes, le parlement et le conseil municipal s’y réunissent ; dans les grandes villes, les citoyens du quartier discutent à la fois des questions de quartier et des problèmes de la ville. Dans le deuxième cas, outre les conseils de quartier, qui n’ont que des fonctions consultatives, il y a les autorités municipales et le foyer du métro (voir Glomo 3), où se déroule le débat à l’échelle de la ville. L’interaction de Seules les institutions consultatives et la codécision formelle et démocratique rendent possible une autonomie dynamique.

    Alors que dans les pays du sud, les places (piazza, plaza, plateia, zocalo) devant les mairies avec les bars, cafés ou cercles appartenant à divers partis et associations assument une sorte de fonction ABC, des structures de construction adaptées sont nécessaires en cas de pluie, zones froides ou trop chaudes. Dans certaines villes, il existe déjà des maisons populaires, des clubs-houses ou des maisons du peuple qui, en plus d’un restaurant, offrent diverses salles et salles pour les fêtes et autres organisations. Cependant, ces maisons sont souvent absentes dans les quartiers les plus récents ou ont été privées de leur fonction ou sont trop restreintes au niveau local.

    Un ABC typique est un forfait qui comprend un grand salon avec un restaurant, son propre hôtel (pour les invités du monde entier), une université de quartier, diverses salles et un dépôt Globex pour les produits alimentaires équitables (en complément du micro centres) comme le café, le thé ou les spécialités. L’un des murs du grand salon est appelé le mur du monde ; des événements peuvent y être partagés ou projetés avec tous les autres ABC via Internet. L’ABC forme ainsi un réseau mondial ; ils font la politique mondiale au niveau local. La politique locale est une contradiction dans les termes, car les humains ne sont complets qu’en tant qu’êtres universels.

    En plus de l’auto-administration coopérative, il existe un municipalisme nouvellement revitalisé (peut-être à la BOOKCHIN), qui préserve et renforce les services publics. Les Glomo 1 menacent de s’enfermer dans des vies égoïstes s’ils ne sont pas intégrés dans cette sphère politique. Au mieux, ce serait un éco-établissement délibérément « pauvre », au pire, ce serait une communauté fermée pour les riches. D’un point de vue purement pratique, il existe une grande variété de services qui peuvent être mieux organisés à ce niveau. Cela signifie que tous les Glomo 1 n’ont pas besoin d’un petit camion pour transporter leur nourriture de la campagne à la ville. Une flotte partagée de quartier avec un système de réservation numérique adapté sera suffisante.

    Le quartier, la ville et surtout le territoire (Glomo 4) disposent de fonds de péréquation des ressources (matérielles ou financières) entre les modules subordonnés afin qu’il n’y ait pas de trop grandes différences entre modules pauvres et riches. De tels systèmes existent déjà aujourd’hui et doivent être maintenus et étendus.

    Les organismes de recours externes sont importants pour les résidents de Glomo 1, car ils peuvent poursuivre leur coopérative de quartier s’ils sont traités injustement. Sans État de droit, il ne peut y avoir de biens communs. Ceci est déjà souligné par Elinor Ostrom, qui préconise une obligation de superviser les biens communs plus grands plutôt que plus petits.

    Il existe une certaine tendance dans le milieu écologique à sortir du réseau, c’est-à-dire à créer des écovillages presque autosuffisants, à ne payer aucun impôt, à enseigner soi-même aux enfants, etc. Il ne faut pas céder à cette tentation apparemment idyllique. La tentative d’échapper à la société perverse et à l’appareil d’État corrompu est compréhensible, mais en réalité peu coopérative. La coopération à plus grande échelle est redoutée parce qu’elle est moins personnelle, plus formelle et, bien entendu, susceptible d’être utilisée à mauvais escient. Mais se replier sur des niches est finalement réactionnaire : nous devons accepter les défis mondiaux. Les services publics constituent un bien commun indispensable qui doit être conquis, défendu et élargi. Bien entendu, cela n’est pas possible sans une démocratisation progressive. L’autonomie tactique du Glomo 1 constitue pour cela une base sûre.

    27.Je ne les appelle délibérément pas centres culturels car la culture est désormais devenue le prétexte à toutes sortes d’aberrations patriarcales. La phrase commence généralement par : « Dans notre culture… » Et puis quelque chose de dégoûtant arrive. Au lieu d’« identité culturelle », nous préférons parler de ressources culturelles accessibles à tous : « appropriation culturelle » totale ! (FRANÇOIS JULLIEN 2016) L’alphabet (ABC) est l’une de ces ressources culturelles universelles. Même s’il est divisé, il ne s’usera pas.

    Glomo 3

    Les villes et les régions environnantes (Glomo 3) constituent des sphères communes encore plus complètes qui peuvent entretenir d’autres domaines de coopération, tels que les universités, les hôpitaux, les laboratoires et les industries de toutes sortes, les forums politiques et culturels. Des centres urbains forts et diversifiés favorisent les synergies et réduisent décorer le trafic.

    Les mégalopoles actuelles constituent une évolution indésirable qui peut être corrigée en les transformant en grandes villes (de 500 000 à 1 million d’habitants). Il s’agit souvent de pseudo-villes comme Tokyo ou Mexico, qu’il faut d’abord « urbaniser » avec Glomo 1 et Glomo 2. Il s’agit de garantir à tous les habitants de la planète l’accès aux richesses de l’époque, sur tous les continents, accessibles en train ou en bus en quelques heures. Notre Route de la Soie s’appelle Glomo Road.

    Une grande ville comprend naturellement une région métropolitaine d’environ 10 000 km², puisque c’est la zone dans laquelle se trouvent la plupart des bases terrestres de Glomo 1. Alors que Glomo 1 peut largement s’auto-réguler, des macro-réglementations sont négociées dans les régions, par exemple concernant les normes environnementales, les systèmes d’utilisation de l’eau, le système judiciaire et la police.

    Symétrique au faux amour de la terre, il y avait et il y a toujours un réflexe anti-urbain dans les mouvements écologiques. Compte tenu des mégalopoles d’aujourd’hui, cela est compréhensible, mais ne convient pas pour l’avenir. Malgré tous les avantages relatifs : ça ne va pas bien pour nos villes. Malgré le battage médiatique non critique d’auteurs comme GLAESER, FLORIDA et OWEN (« partout devrait ressembler davantage à Manhattan »), nous devons reconstruire en douceur les villes du nord et surtout du sud de la planète. Manhattan est un désastre, mais Houston, au Texas, est un méga-catastrophe. Mais ce n’est qu’une maigre consolation. Nous devons passer des lourdes villes fordistes héritées de nos ancêtres à des villes plus légères, plus petites et surtout plus vivables. Tout comme dans les écovillages, nous devrions travailler et vivre plus localement, mais pas de manière isolée, mais en lien avec l’ensemble de la ville. tabolisme de la nouvelle industrie, de la recherche, des services publics, des institutions sociales, de la science, de l’art. Même si nous ne voulons plus de croissance, nous sommes toujours favorables au progrès. Nous pouvons nous développer sans consommer davantage. Parce que seules les grandes villes offrent toutes les ressources culturelles et scientifiques, nous pouvons mettre en commun nos richesses et en profiter ensemble. Nous n’avons plus besoin de villes européennes, asiatiques ou africaines, mais de villes mondiales, partout. Cela signifie que des gens du monde entier se rencontrent partout, travaillent ensemble et s’inspirent mutuellement.

    Les villes d’aujourd’hui sont fonctionnellement désorganisées, les lieux sont aléatoires, rien ne s’emboîte. C’est pourquoi un énorme effort de transport et de communication est nécessaire. Seule une nouvelle hiérarchie claire des lieux, des fonctions et des institutions peut rendre les villes plus efficaces (ce n’est pas une mauvaise chose !), plus actives, plus légères en ressources et plus agréables à vivre. Nous ne serons pas plus rentables, nous travaillerons moins et avec plus de joie. Nous aurons peut-être besoin de 10 % de la percée matérielle actuelle, mais ce que nous réaliserons sera plus sophistiqué, « plus dense en connaissances » et plus passionnant. Au lieu d’une consommation ennuyeuse des mêmes biens, nous promouvons un luxe partagé et durable. La qualité passe avant la quantité. La ville peut devenir sans voiture, non pas parce que nous faisons davantage de vélo, mais parce que davantage de fonctions et de biens sont plus rapprochés. S’il y a déjà beaucoup de choses au point A (dans un quartier nouvellement constitué ou dans un centre de quartier), je n’ai pas besoin de conduire ou de faire du vélo jusqu’au point B. Il ne s’agit donc pas avant tout d’optimiser les moyens de transport, mais plutôt de réduire radicalement le volume du trafic. Si alors les quelques modes de transports restants, notamment les transports en commun, étaient encore meilleurs en termes d’énergie, plus silencieux et moins polluants là où ils sont utilisés alors tant mieux. Les bus électriques existent à Zurich depuis près de 100 ans, mais les rendre autonomes ne donne pas grand-chose. Une vie citadine conviviale passe également par un chauffeur de bus ou de taxi attentif avec qui vous pouvez discuter. Ces chauffeurs ne sont pas que des chauffeurs, ils jouent un rôle important dans la cohésion et la sécurité de la ville, au même titre que les policiers, les agents de nettoyage, les vendeurs de kiosques, les vendeurs de plats à emporter, etc. Le personnel qui l’éloigne de l’espace public contribue à sa désolation. Ce qui intéresse le plus les gens, ce sont toujours les gens, pas les boîtes métalliques qui passent à toute vitesse.

    Dans le passé, les gens pouvaient (ou devaient) vivre dans des villes qui utilisaient moins de ressources. Dans les années 1950 (j’en ai fait l’expérience), les villes étaient encore des villes à 1 500 watts. On allait toujours à l’usine à vélo ; il n’y avait pas de centres commerciaux dans le pays qu’il fallait visiter. Toute la nourriture était disponible à distance de marche. Il y avait des cinémas partout. Les appartements étaient plus petits, mais les enfants pouvaient jouer dans la rue et il y avait un pub à chaque coin de rue pour les pères agacés. Des réseaux informels d’entraide existaient dans de nombreux endroits, souvent organisés par des partis de gauche et des syndicats. On faisait moins de lessive, les vêtements duraient plus longtemps, les meubles étaient hérités au lieu d’être achetés neufs. Seul le salon était chauffé, et pas toujours. Bien sûr, ce n’était pas une idylle : le capitalisme régnait. Le travail et les tâches ménagères étaient durs. La vie professionnelle occupe 40 % de la vie, contre 10 % aujourd’hui. Tu voulais quitter cette ville, sortir de cette vie. Mais la porte de sortie – la soi-disant société de consommation – s’avère aujourd’hui être une impasse. Les villes sont devenues encore plus brutales, de nombreuses rues ne sont que des couloirs de voitures, les bâtiments sont devenus monotones et hostiles, les gens ont été chassés par les bureaux et leurs capitaines financiers. Les cités-jardins, en revanche, où les gens fuyaient, conduisaient à l’isolement social et à la désolation. Ils sont verts, mais il ne se passe rien. Les villes d’aujourd’hui sont à la fois dangereuses et ennuyeuses.

    De nos jours, même les citadins partent en vacances à Venise, Paris ou Naples pour pouvoir à nouveau se retrouver dans une vraie ville et flâner sans gêne. Ce qu’ils voient, cependant, ne sont que les coquilles mortes de sociétés autrefois dynamiques. Après tout, même Disneyland est meilleur que la plupart des vraies villes. Les habitants des agglomérations inondent les centres historiques car ils ne supportent plus entre les pelouses, les haies, les grilles des jardins et les places de parking. Le commerce du divertissement détruit les centres-villes. S’il fait si beau à la campagne, pourquoi les gens n’y restent-ils pas (s’il vous plaît !) ?

    Ce qui nous attend est une reconquête des villes en tant que lieux de vie épanouissante, productive mais aussi agréable. Nous ne voulons pas aspirer à un PIB plus élevé, mais à une vie plus heureuse. La croissance et le plaisir de vivre sont depuis longtemps découplés. La chose tourne en rond. Ce qui contribue le plus à la croissance, c’est simplement la réparation des dommages qu’elle provoque elle-même. Le capitalisme ne nous promet plus rien d’excitant. Même les riches et les PDG s’ennuient ou se suicident.

    Glomo 4

    Dans de nombreux modèles de réforme politique, y compris ceux de gauche, les nations d’aujourd’hui fonctionnent encore comme un cadre territorial et institutionnel naturel et un destinataire des revendications. Il y a des raisons historiques et émotionnelles à cela. Toutefois, les nations font partie du problème plutôt que de la solution. Historiquement, ce sont des communautés de conquête impériales, souvent peu pratiques sur le plan territorial, parfois trop petites, parfois trop grandes. Dans de nombreuses régions du monde, ils ont été créés par des lignes tracées au hasard sur la carte. Ils constituent un obstacle tant écologique qu’économique, voire dangereux sur le plan politique.

    C’est pourquoi une sobriété radicale s’impose ici. En tant que module, les territoires correspondent à une superficie d’une longueur de côté de 225 km, ils ont donc une superficie de environ 50 000 km² et environ 10 millions d’habitants, soit la taille de pays comme l’Estonie ou la Belgique, ou le Bade-Wurtemberg. Ils sont purement fonctionnels et définis de manière a-ethnique. Au lieu de les décorer avec de vieux drapeaux maléfiques, vous pourriez simplement numéroter les territoires de 1 à 800. Ce serait relaxant. Les mouvements d’indépendance ethnique d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec la territorialisation purement fonctionnelle dont il s’agit ici, ils sont même néfastes. Il s’agit la plupart du temps d’efforts d’isolement purement égoïstes et antisociaux, comme en Lombardie, en Écosse, en Catalogne ou dans l’ex-Yougoslavie.

    Les territoires sont suffisamment grands pour supporter des services suprarégionaux dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’éducation, des assurances, de l’aide d’urgence, de la santé, de l’industrie, de la justice, de la police, de la banque, etc. Ils entretiennent des industries vitales. Ils fonctionnent comme des entités économiques souveraines (monnaie²⁸, banque centrale, gestion des frontières, péréquation financière, régulations écologiques et sociales). Ils conviennent bien aux structures démocratiques transparentes.

    Étant donné que les territoires sont suffisamment grands pour permettre une certaine autonomie matérielle, mais plus petits que les grandes nations, ils contribuent à inverser les déséquilibres de pouvoir et deviennent ainsi les sujets fondamentaux d’une coopération mondiale équilibrée. Les territoires peuvent former des fédérations (sous)continentales à certaines fins, par ex. B. les transports, la recherche et certaines industries. En fait, un bon modèle serait des États-Unis plus fédéralisés, un mauvais modèle serait l’UE, car certains grands pays perturbent l’équilibre des pouvoirs. Une fédération européenne ne fonctionnerait que si les territoires étaient rendus plus autonomes et si les grandes nations étaient divisées en territoires adaptés.

    28.JENS MARTIGNONI décrit très clairement ce qu’est une « monnaie démocratique » dans son livre Reinventing Money (Versus 2017). La monnaie est un service public comme tant d’autres. Les monnaies existaient bien avant l’existence du capitalisme. Alors n’ayez pas peur de l’argent !

    Pas de biens communs sans frontières

    Les biens communs ne peuvent survivre qu’à l’intérieur des frontières. L’autonomie illimitée s’abolit. Les limites sont également importantes d’un point de vue écologique. Par exemple, une économie rationnelle nécessite une planification précisément pour éviter le gaspillage. Si je veux planter un champ, je dois connaître sa taille pour pouvoir obtenir suffisamment de graines. la récolte peut être adaptée le plus précisément possible à la consommation. Dans les territoires et autres modules, cela s’applique également à la planification des infrastructures, à la coordination des capacités et à l’organisation de la production. Sur le plan politique, la démocratie ne peut fonctionner que si le nombre, le lieu de résidence et l’identité des citoyens (citoyens) sont connus (voir règles ELINOR OSTROMS).

    La question de savoir comment les frontières sont gérées, à quel point elles sont « serrées » et pour qui est une tout autre question est une tout autre question. Dans le cas idéal, il s’agit de membranes socio-osmotiques qui, d’une part, les rendent perméables, mais d’autre part, les régulent pour éviter l’apparition de déséquilibres extrêmes. Tout cela va de soi. Les règles peuvent être humaines, l’absence de règles est presque toujours inhumaine (c’est précisément ce que prouve la mondialisation néolibérale tardive).

    Même aujourd’hui, les frontières ne constituent pas un problème, même si les choses sont similaires des deux côtés : personne ne veut construire un mur entre l’Autriche et la Suisse. Le problème n’est pas l’existence d’une frontière, mais ce qui se passe des deux côtés. En raison de la dévastation du capitalisme au cours des 200 dernières années, les frontières sont désormais des zones de lutte et de mort. Si les salaires sont cent fois inférieurs au Bangladesh et dix fois inférieurs en Roumanie à ceux de la Suisse, par exemple, ils constituent alors des barrages de défense des inégalités et sont donc illégitimes. L’élimination de cette inégalité est l’objectif principal de la proposition documentée à la fin de ce livre. Mais le fait que nous ayons un grand projet ne nous dispense pas d’agir dès maintenant lorsque nous le pouvons. Le modèle n’est pas une excuse, mais une inspiration.

    Pour le moment, il ne s’agit pas des frontières ni de l’étendue de l’immigration ou de la migration en général. Le thème sert réellement légitimer des programmes de défense autoritaires et réactionnaires pour la « coquille » capitaliste. Les craintes de dissolution des frontières ne sont rien d’autre qu’un moyen de manipulation de masse, sinon il faudrait aussi que l’inverse s’applique : des milliards de touristes se précipitent sur la planète - sans aucun problème d’hébergement (bien sûr la majorité sont des résidents des zones privilégiées). , le 1%, auquel nous appartenons également). Au lieu d’avoir peur de se perdre, vous appréciez l’exotisme que nous dépeignent les prestataires de soins sous-payés des stations tropicales.

    Rien qu’en Europe, 12 millions d’appartements sont vides. Économiquement, ce n’est pas un problème de fournir des soins décents à 20 ou 30 millions d’immigrés. Oui, des économistes particulièrement intelligents affirment même que les migrants sont rentables parce qu’ils effectuent de sales boulots, augmentent le PIB et paient des impôts. Ce n’est rien d’autre qu’un exercice de cynisme appliqué.

    Les propos alarmistes concernant l’arrivée d’un ou deux millions de réfugiés chaque année aux frontières de l’Europe relèvent de la pure propagande. Nous n’avons pas besoin d’attendre le grand programme : le Nord peut déjà accueillir sans problème des dizaines de millions de réfugiés ou d’autres migrants. Nous pouvons considérer ces avantages comme un premier et modeste acompte en faveur du programme nécessaire de 27 000 milliards décrit en annexe. Nous sommes appelés à faire tout ce que nous pouvons pour aider les réfugiés pendant leur voyage et dans les pays d’arrivée. Nous sommes autorisés à les aider à franchir les frontières, à se cacher et à ne pas être expulsés, même si ce n’est pas légal. Il existe un état d’urgence qui justifie la résistance. Celui qui fuit aujourd’hui a toujours raison. Après tout, l’Europe est en grande partie constituée de nations coloniales responsables de l’appauvrissement du Sud planétaire. Les victimes revenez présenter la facture. Il y en a en fait étonnamment peu.

    Glomo 5

    Et cela nous amène à la sphère mondiale, où les conflits sont aujourd’hui les plus aigus. Une future organisation mondiale ne pourra s’appuyer que partiellement sur les institutions internationales d’aujourd’hui. Alors que la FAO, l’UNICEF et l’OMS sont quelque peu acceptées, d’autres organismes tels que l’ONU dans son ensemble, mais aussi la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’OMC, l’OTAN, etc. sont devenus tellement discrédités qu’un nouveau départ radical s’impose ici.

    Ce nouveau départ devrait se produire parallèlement à l’autonomisation des territoires potentiels, c’est-à-dire à la fois par le bas et par le haut. Une organisation mondiale (OG) a besoin de deux éléments : la légitimité et la démocratie. La légitimité peut être établie de manière analogue aux structures démocratiques éprouvées : chacun des quelque 800 territoires envoie deux représentants (une femme et un homme) à une assemblée mondiale. La transmission directe permanente des réunions via Globonet garantit la transparence. Les délégués peuvent communiquer en direct avec leurs électeurs. Ce « Grand Conseil » mondial se constitue comme une « assemblée de travail » et élit des commissions pour les différents domaines d’activité. Une commission de coordination (le « Petit Conseil »), composée d’environ 25 personnes, garde une vue d’ensemble et aide à éviter les parallélismes.

    Le nouveau monde des biens communs ne peut être imaginé que comme démocratique au sens le plus large du terme. Un mélange de démocratie de base directe dans Glomo 1 et Glomo 2 et de systèmes de délégation imbriqués peut servir de forme institutionnelle. Le danger pour la démocratie ne vient pas de détails de la Constitution, mais du fait que des puissances extérieures (oligarques, grandes entreprises, banques) la sabotent.

  • P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 2

    suite du post précédent
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    Je mets à part cette partie parce que c’est ce que j’apprécie le plus chez P.M. On pourra s’amuser à comparer "Glomo 1" à "Bolo" écrit 40 ans plus tôt. Je ne manquerai pas de le faire en commentaire en tout cas ^^

    Glomo 1

    Les caractéristiques les plus importantes de Glomo 1 concernent sa taille (environ 500 personnes), son lien avec l’agriculture²³ et son infrastructure pour une économie domestique et de soins. Tout cela n’est possible que s’il existe une autonomie inclusive, c’est-à-dire une démocratie quotidienne et des institutions correspondantes. Dans un certain sens, Glomo 1 remplace l’atome capitaliste travail/consommateur ou le petit ménage familial. Cependant, les individus et les familles ne sont pas abolis dans ce cadre, mais sont entre de bien meilleures mains (HEGEL !). Glomo 1 n’exige pas une collectivisation de la vie, mais plutôt une meilleure sphère de développement, un meilleur sociotope, un lieu où la société puisse avoir lieu (voir les souhaits de REMO LARGOS).

    Même si les quartiers présentent un air de famille modulaire, leur véritable conception permettra un maximum de diversité. Tout est possible entre des partenariats contractuels éco-logistiques sobres et des communautés de vie plus ou moins intimes. Alors que pour certains le microcentre est une simple infrastructure d’approvisionnement, pour d’autres c’est un salon prolongé, une oasis de bien-être, un nid douillet. Des connotations culturelles sont possibles, mais pas nécessaires.

    Les quartiers doivent être relativement grands pour qu’il y ait de la place pour de nombreux talents, qualifications, tranches d’âge et caractères et que chacun puisse trouver un emploi qui lui convient. C’est pourquoi environ 500 personnes. En même temps, cette taille permet un anonymat assez agréable, qui favorise le repli individuel et donc une nouvelle envie de collaboration. Le contexte urbain est nécessaire car 10 milliards de personnes ne peuvent travailler ensemble de manière écologique et économique efficace que dans les grandes villes. Plus de la moitié de la population vit déjà dans les grandes villes, et ce chiffre atteindra bientôt les trois quarts.

    Si nous voulons préserver les terres et protéger les paysages, nous devons vivre dans des villes denses. Nous avons besoin de plus de villes pour avoir plus de terres. L’aspiration à une vie innocente à la campagne est désormais un mythe largement destructeur. La majorité de la vie rurale sur cette planète ne se déroule pas dans des écovillages, mais plutôt dans des logements de banlieue pour les navetteurs (maisons) dispersés en grande partie au hasard dans le paysage (comme substrat fiscal) ou dans des bidonvilles du sud de la planète. Et ces « villages » sont encore pires sur le plan écologique que les mauvaises villes. Selon l’étude ARE de 2017, les citadins supportent des coûts d’infrastructure de 1 057 euros par an, mais les ruraux supportent 2 976 euros, soit près de trois fois plus. C’est aussi logique : ceux qui vivent plus près les uns des autres ont besoin de moins de câbles, de canalisations, de routes, d’éclairage, etc.

    Il faut faire attention à ne pas tomber dans les illusions d’optique : les petites et jolies maisons de campagne sont « plus lourdes » que les immeubles massifs de ville. Le vert de la façade ne fait guère de différence. Vert, petit, joli ne fait pas un bon équilibre écologique. La ville semble lourde, mais à la campagne tout est facile. Cependant, une grande partie de la « lourdeur de la ville » est constituée de bâtiments et autres structures dont l’énergie grise est depuis longtemps payée. Et beaucoup de gens y vivent. Les villes sont plus légères par habitant.

    Les transports publics et les services publics ont besoin d’une certaine densité pour fonctionner. Les villes rendent les distances plus courtes, les synergies possibles et la diversité culturelle. Bien entendu, ces villes Glomo n’auront plus grand chose en commun avec les mastodontes d’aujourd’hui : elles seront plus aériennes, plus cosy, plus lentes, plus fantaisistes. Elles seront physiquement légères et lentes, mais communicationnellement (également grâce à l’informatique démocratique) rapides comme l’éclair. Pourquoi ne pas utiliser les nouvelles technologies ?²⁴

    Si l’on part de critères écologiques, économiques et socio-psychologiques, alors le mode de vie global idéal du futur est un hôtel de type quatre étoiles : chacun dispose d’une grande chambre (20 m²) qui peut être utilisé en couple un appartement de deux pièces, peut être combiné en famille pour former un appartement de quatre pièces, un paysage social très coloré au rez-de-chaussée (= microcentre), plus tous les services (logement, nourriture, internet) .²⁵ 16 millions d’hôtels 4 étoiles sont une solution possible, en Chine comme en Afrique.

    Comme mentionné, les quartiers peuvent être reliés facilement et efficacement à une base terrestre située entre 10 et 100 km selon la situation et qui approvisionne Glomo 1 en majeure partie en nourriture. Cela vaut également pour les très grandes villes. Rentrer à la maison signifie une nouvelle logistique alimentaire mondiale qui relie les activités urbaines et rurales et contribue en même temps à la souveraineté alimentaire fondamentale. Le fameux gaspillage alimentaire s’arrête quand on ne veut plus jeter les carottes qu’on a nous-mêmes récoltées. Cela ne signifie pas que nous devons tous devenir agriculteurs, car l’agriculture occupe rarement plus de 5 % de notre budget temps, où que ce soit.

    Notre mode de vie impérial n’est pas adapté à l’avenir. Nous avons besoin de nouvelles formes domestiques et économiques dans lesquelles nous pouvons partager et utiliser les ressources ensemble afin de pouvoir établir un mode de vie confortable dans les limites écologiques. La nécessaire réduction du trafic nécessite à elle seule une relocalisation générale.

    La société de consommation de masse « occidentale » actuelle ne peut pas non plus être universalisée. Les conditions de vie entre nous et les 6 autres milliards de personnes diffèrent d’un facteur 32 (voir JARED DIAMOND : Upheaval. 2019, p. 414). Les mesures techniques ne suffiront pas. Nous ne pouvons pas satisfaire les 8 milliards de personnes avec des voitures électriques. Nous devons commencer par la consommation, puis par les technologies qui la soutiennent. Nous pouvons nous organiser différemment ; même dans ce cas, il y aura encore suffisamment de ressources pour développer des technologies qui facilitent notre travail, pour un système de santé complet et pour l’accès de tous à l’éducation et au savoir.

    Les quartiers ne sont pas seulement importants pour la survie en tant qu’unités écologiques et économiques efficaces, ils ont également une dimension psychosociale. Le psychologue suisse du développement de l’enfant REMO LARGO appelle à la création de communautés de quartier d’environ 350 personnes pour que les enfants puissent grandir heureux. Il écrit entre autres : « Je suis convaincu qu’en fin de compte, tout le monde veut mener une vie convenable et pleine de sens. Ils ne peuvent satisfaire adéquatement leurs besoins émotionnels et sociaux que dans une communauté de personnes familières. En outre, les enfants, les personnes âgées et les malades peuvent être mieux soignés dans la communauté que dans les crèches, les maisons de retraite et les maisons de retraite. La communauté peut également créer une liberté dans laquelle les gens peuvent à nouveau travailler de manière indépendante, et bien plus encore.

    Des résultats similaires proviennent de recherches sur le bonheur. Une journée passée entre amis vous rend plus heureux. Mais il faut ensuite qu’ils soient en place [ndt : « Dann müssen diese aber auch an Ort und Stelle sein. »]. (D’ailleurs, ce qui est le plus malheureux, c’est de se rendre au travail. Voir KAHNEMAN ou MARX.) On pourrait aussi dire avec HARTMUT ROSA : Les quartiers sont des lieux de résonance, c’est-à-dire de non-aliénation. Les quartiers sont des lieux qui permettent la perception, les rencontres, la résonance, la compréhension, l’entraide, c’est la substance d’une vie réussie.²⁶

    Pouvoir appartenir est essentiel à notre bonheur, et appartenir à de vraies communautés, et non à des chimères comme les nations, les clubs de football ou les marques de smartphones.

    23. À quoi pourrait ressembler un plan de nutrition pour un Glomo 1, y compris les besoins en terres, est documenté dans Une proposition (p. 85) et encore plus en détail dans L’Autre Ville (Die Andere Stadt, non traduit).
    24.Mais ils ont aussi leurs limites écologiques.
    25.De petites unités résidentielles sont désormais également proposées pour des raisons de rendement, comme le micro-living, le coliving, etc. Si les gens se contentent de moins d’espace de vie, les coûts du logement restent abordables malgré la hausse des loyers. Mais si nous, par ex. B. sous forme de coopératives, si vous êtes vous-même propriétaire, l’espace de vie sera alors deux fois moins cher. Le point crucial n’est pas la forme de vie (il existe déjà des hôtels ** aujourd’hui), mais l’autogestion.
    26.HARTMUT ROSA : Résonance. 2018.

    • Moi qui suis un fan de Bolo’bolo je trouve assez chouette de voir comment son auteur a évolué entre 1983 et aujourd’hui, sachant qu’il a tenté des expériences à Zurich qui s’en sont inspirés, notamment par les coopératives d’habitations Kraftwerk (un livre français a justement étudié cette transposition, Choisir l’habitat partagé d’Adrien Poullain).

      Dans glomo 1, il y a une prise de position nette en faveur de l’urbanité et de la ville, avec ses problématiques. Plus loin dans le livre avec glomo 2, on trouve même une critique assez raide (mais bienvenue selon moi) du repli dans les écovillages, à la campagne, visant l’autosuffisance, faisant l’école à la maison, etc. Je ne connais pas assez le contexte suisse allemand pour saisir le prisme à travers lequel tout ça est considérer. En France on est plus prompt à critiquer la ville et surtout les métropoles, dont par exemple le géographe Guillaume Faburel montrait dans les Métropoles barbares qu’elles étaient moins efficaces énergétiquement contrairement à ce que dit P.M. dans ce livre. On a même des travaux assez subtils de géographes sur le péri-urbain comme ceux d’Eric Charmes qui défont les idées reçues sur le pavillonnaire, sans parler du recueil Densifier / Dédensifier, penser les campagnes urbaines (2018) qui va dans le même sens. Bref, l’opposition entre ville et campagne est un faux problème. Comme l’indique Eric Charmes, en France du moins, la croissance de la population se fait par émiettement des villes dans le périurbain. A moins d’une crise économique très rapide (comme dans l’exemple de Détroit), l’organisation fonctionnelles des espaces urbains denses est relativement figée - et sans doute très limitantes pour des propositions révolutionnaires, là où le périurbain et le rural est plus ouvert.

      L’intérêt du propos de P.M. n’est donc pas dans cette opposition spatiale, illusoire, entre ville et campagne, mais dans sa volonté de s’attaquer à tous les problèmes en même temps (ce qu’il appelle les défis mondiaux) à partir d’une critique radicale de la catégorie travail (absente dans les milieux de gauche et écolo), comme activité séparée, marchande, capitaliste, etc. Le point de départ n’est donc pas de réorganiser l’espace et ses fonctions sociales, à la manière d’un urbaniste ou d’un architecte, mais de changer le rapport social : le rapport des humains entre eux et avec la nature et les non-humains. Le problème est que pour changer ce rapport social, on ne peut qu’en passer, à mon avis, par une expérience directe, et sans doute individuelle, émotionnelle, d’un rapport avec le non-humain, la terre, loin des commodités marchandes, abondantes en apparence, dans les espaces urbains.

      Le tableau que fait P.M. de la situation contemporaine du consommateur urbain est incomplet car il ne mentionne pas les problématiques de tous les gens qui ne peuvent pas manger correctement et suffisamment en occident. C’est tout l’apport, fait par les tenants de la sécurité sociale alimentaire, de la critique de l’aide alimentaire et, symétriquement, de la misère ordinaire de la profession agricole. Partant de là, la problématique mondiale n’est pas d’économiser l’énergie fossile et les émissions de CO2 le plus possible, mais de produire de la nourriture saine et en quantité suffisance d’une façon digne (c’est-à-dire par exemple sans violence alimentaire : c’est-à-dire sans imposer un régime alimentaire ou sans imposer moralement une façon de se nourrir qui n’est pas accessible pour les gens, sans imposer des produits pollués etc). La réponse pour moi logique est de remettre en priorité 1 la production agricole dans une proposition globale - ce qui existait bien plus franchement du temps de Bolo’bolo avec « Kodu » et qui était beaucoup plus ambitieux en terme de lien entre vie urbaine et production alimentaire, et aujourd’hui très actuel. (A la décharge de P.M. celui-ci s’est aussi frotté aux difficultés pratiques qu’il y a à faire un Kodu aujourd’hui, du moins à Zurich, et peut-être que c’est ce qui l’a fait évolué sur ce point. J’en parlerai une autre fois)

      Finalement une proposition politique globale peut s’inspirer d’une lecture spatiale, en effet, à condition de la croiser avec la prise en compte des injustices (la Suisse n’est sans doute pas le meilleur endroit du monde pour l’envisager), qu’on peut lire comme des injustices spatiales. Pas de justice alimentaire sans accès à l’agriculture (voir la revue Justice spatiale / spacial justice , n°9) et il n’y a sans doute pas de solution générale standard pour appréhender comment cela se traduit dans l’organisation de l’espace, l’important c’est l’idée générale très bien exprimée dans Bolo’bolo / Kodu : "L’agriculture fait partie de la culture des BOLOs. Elle définit le mode de rapport avec la nature et la nourriture. Son organisation ne peut pas être décrite à un niveau général" . Tout au plus peut-donner quelques exemples réels ou fictifs inspirants, mais chaque territoire a sa spécificité, de même qu’il n’y a pas de techniques générale universelle pour faire de la bonne agriculture (à moins de faire abstraction des cycles biologiques comme le fait l’agriculture industrielle).

      Le capitalisme c’est aussi l’art de tirer partie des écarts de toute nature, et l’espace en est un : comme l’indique les travaux des géographes comme Eric Charmes, les populations les plus aisées parviennent à vivre dans les espaces les plus naturels, dans la première couronne urbaine, où l’on peut jouir de paysages campagnards et ressourçant façonnés par des siècles d’une agriculture aujourd’hui disparue, tout en jouissant également des infrastructures urbaines et métropolitaines, accessibles très facilement. Les populations les plus dominées vivent en ville mais dans les parties les plus à l’écart des infrastructures publiques, se déplaçant beaucoup plus difficilement, et la campagne proche est celle de l’agriculture industrielle. Entre les deux, une partie de la population tente de fuir la ville pour accéder à d’autres paysages, grâce à un usage intensif de la voiture - ceux que Pierre Blavier appelle les « gens de la route » quand il étudie la mobilisation des Gilets Jaunes - en vivant plus écart des centres urbains tout en y restant dépendant.

      Reste l’intérêt de la démarche de P.M., qui est de mouiller la chemise en faisant des propositions globales sur une base d’un dépassement des catégories du travail (au sens marchand, capitaliste), du constat qu’une organisation sociale générale basée sur le travail est l’obstacle n°1 qui empêche toute évolution positive du monde, mais sans s’en tenir à une simple critique. Là où la gauche se contente encore de vouloir bricoler le gouvernail - gouvernail qu’elle a peu de chance d’empoigner -, et où la critique radicale se contente de grandes généralités universelles (que P.M. connaît bien) sans avancer aucune démarche concrète de changement social, qui obligerait à affiner et faire évoluer sa critique. Le monde ou rien, comme dirait le rappeur.

      Ouvrages cités

      https://editionsparentheses.com/spip.php?page=article_apparaitre&id_article=660
      https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/les-metropoles-barbares
      https://www.editionsparentheses.com/Densifier-Dedensifier
      https://www.jssj.org/article/justice-alimentaire-et-agriculture
      https://www.puf.com/content/Gilets_jaunes_la_r%C3%A9volte_des_budgets_contraints
      www.lyber-eclat.net/lyber/bolo/kodu.html

  • P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? - Partie 1

    L’auteur de Bolo’bolo (1983) a écrit en 2020 Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ?, qui n’a pas été traduit de l’allemand.

    J’en poste ici des parties en français - par un traducteur automatique, désolé.

    Sommaire

    La vieille crise permanente, les vieilles lamentations
    Le capital et la gauche : vers la chute ensemble ?
    Le capitalisme « profond »
    Le « mal » est plus ancien qu’on ne le pense et différent
    La chasse aux sorcières et l’accumulation du capital
    La séparation du travail du contexte de la vie
    Le capitalisme comme essence du patriarcat
    La civilisation des biens communs comme véritable alternative
    La dictature de la coquille
    Une proposition simple et factuelle pour une alternative à l’ordre social actuel
    Glomo 1
    Glomo 2
    Glomo 3
    Glomo 4
    Pas de biens communs sans frontières
    Glomo 5
    Le dernier système
    Un égalitarisme odieux ?
    "Notre maison est notre château"
    "Des palais pour 10 milliards de personnes"
    Faire de la politique pour les biens communs est possible
    Impuissant pris dans les filets
    Existe-t-il une stratégie ? Et sinon, que fait-on alors ?
    Comme le quartier EMMA, Grumakro a été créé : un conte de fées venu de la périphérie d’une grande ville
    Le rôle de la politique
    Initiatives de quartier : points de départ et expériences
    Réalistes de gauche et terriens : unis – ou pas ?
    L’Europe : sortie ou impasse ?
    Le prochain changement inattendu : l’« Autre »
    Références
    Annexe : une suggestion

    L’auteur

    PM, né en 1947, s’est fait connaître dans les pays germanophones avec son premier roman Weltgeist Superstar (1980).

    bolo’bolo, sorte de glossaire d’un autre monde, a été publié en 1983 et a été traduit dans de nombreuses langues, dont le russe, le turc et l’hébreu. Depuis, toute une série de romans, de livres de non-fiction, de pièces de théâtre et de pièces de théâtre sont parus. P. M. était actif sur la scène des squattings zurichois et participe à la construction de logements coopératifs et aux discussions urbanistiques - plus récemment avec le livre Die Andere Stadt (2017).

    Publié le plus récemment par Hirnkost : The Face of the Rabbit. Un roman terrestre (2019) et P. M. dans le rôle de Rodulf, chevalier de Gardau, dans : La Grande Falsification (un roman médiéval utopique en dix volumes, de mai 2020).

    #post-capitalisme #BoloBolo

    • "Je dis que le travail lui-même est nuisible, désastreux."
      KARL MARX¹

      La vieille crise permanente, les vieilles plaintes

      Tout le monde parle de la prochaine crise du système économique actuel, parfois appelé en plaisantant capitalisme. Quoi qu’il en soit, la croissance marque une nouvelle fois le pas. Le FMI lance des avertissements. Le Secrétariat aux Affaires économiques corrige à la baisse. La bulle, en revanche, continue de s’étendre, alimentée par de l’argent bon marché, la dette nationale et les réductions d’impôts. Que se passe-t-il s’il éclate ?

      Et si capitalisme et crise étaient synonymes ? On pourrait aussi voir les choses ainsi : les 250 dernières années n’ont été qu’une gestion capitaliste de crise. Le remède a d’abord été le colonialisme, puis l’impérialisme, puis les dépenses déficitaires, entre des guerres répétées (une forme d’amortissement matériel suivie d’un boom de la reconstruction), puis à nouveau une mondialisation accrue, maintenant un assouplissement quantitatif et des taux d’intérêt négatifs (argent bon marché). Pour survivre, le capitalisme avait encore besoin d’autre chose que le capitalisme à piller².

      Cette trajectoire de crise du capitalisme est extrêmement destructrice car elle est essentiellement extractionniste et ne peut être durable. Les paysages, les populations, la cohésion sociale, le climat et la biodiversité sont endommagés afin de soutenir la croissance nécessaire pour que 200 000 milliards de dollars de dette paraissent gérables, du moins en théorie. Le capitalisme est une machine intrinsèquement hostile. Nous en faisons partie.

      Malgré cette vision fondamentale, la gauche s’efforce depuis 150 ans de profiter principalement des reprises et d’atténuer les récessions. Cela s’explique en partie par le fait que le caractère historique de cette machine d’extraction a été soit occulté, soit n’a jamais été vraiment compris. Même si MARX a très bien compris le fonctionnement du capitalisme, son analyse n’a jamais vraiment trouvé son écho auprès de la gauche. Elle a toujours préféré garantir ou augmenter les salaires à l’abolition du travail salarié qu’il réclamait. Elle est donc restée « l’ambulance du capitalisme » (STEINBRÜCK).

      1.MEW 40, page 476.
      2.Comme on le sait, ce fut la découverte importante de ROSA LUXEMBOURG.

    • Le capitalisme « profond »

      Il semble que la formation historique dont nous parlons ici soit bien plus tenace que nous, y compris MARX, l’avions pensé auparavant. Sa fin a été trop souvent annoncée (MARX l’a vue une fois vers 1857 ; certains d’entre nous en 2008). Il semble que nous n’ayons affaire ici à aucun système économique, mais à quelque chose de beaucoup plus « profond ».

      Le capitalisme a non seulement survécu sans problème aux soi-disant intermèdes communistes, mais il les a simplement intégrés dans son programme d’accumulation. L’ensemble de l’Europe de l’Est a été ramené à zéro et réutilisé. Pour beaucoup de gens, l’annexion quasiment sans opposition de la RDA par la République fédérale d’Allemagne est encore dans les os : comment se fait-il qu’une formation sociale entière ait pu être tout simplement anéantie ? L’une des raisons est certainement que la RDA n’était pas communiste, mais tout au plus capitaliste dirigée, et qu’il n’y avait pas grand-chose à défendre. . Le communisme n’est plus un problème.⁶ Le soulagement de se débarrasser de ce type de capitalisme était plus fort que le désir d’essayer quelque chose de complètement différent. (BÄRBEL BOHLEY me l’a décrit dans une lettre à l’époque.)

      Aujourd’hui, 30 ans plus tard, de nombreux Allemands de l’Est se rendent compte que ce que la propagande du parti disait sur le capitalisme à l’Ouest était vrai (contrairement à ce qu’elle disait à propos de la RDA elle-même). Désormais, ils ne peuvent plus ni avancer ni reculer : partout seulement le capitalisme, à perte de vue ! Dans ce dilemme cognitif, les populistes de droite ont carte blanche. L’alternative manquante au capitalisme est transformée en l’alternative supposée pour l’Allemagne. Si les choses ne peuvent ou ne doivent pas avancer, elles reculent tout simplement. Ou ailleurs.

      6.Sauf peut-être dans la propagande chinoise et dans ŽIŽEK.

    • Le « mal » est plus ancien qu’on ne le pense et différent.

      Une approche pour expliquer cette étrange persistance du capitalisme pourrait être de le comprendre comme rien de plus que la dernière chrysalide d’un patriarcat triomphant depuis des millénaires. Telle était la thèse des féministes de Bielefeld autour de MARIA MIES, VERONIKA BENNHOLT-THOMSEN et CLAUDIA VON WERLHOF. Au lieu de seulement 250 ans de crise capitaliste, nous parlons de 5 000 ans de crise patriarcale.

      Pour éviter tout malentendu : le patriarcat ne signifie pas (au sens biologique) une domination masculine. Les femmes elles aussi auraient pu instaurer un patriarcat violent, on aurait alors pu l’appeler l’Amazonie. (La peur de cette variante a toujours été dans la chair des hommes : HÉRACLÈS a dû tuer HIPPOLYTE, même s’il l’aimait.) Le patriarcat est une certaine manière de gérer l’environnement naturel, avec ses semblables, avec les choses. C’est un processus, pas un groupe de personnes. Il n’existe donc pas de destin « naturel » selon lequel le patriarcat aurait dû être créé par les hommes. Elle pourrait même être organisée « en partenariat » entre hommes et femmes, comme c’est parfois le cas aujourd’hui. Ce que nous savons, cependant, c’est que dans la seule histoire que nous connaissons, le patriarcat a été imposé par des hommes (biologiques). Disons donc que les hommes (biologiques) ont la malchance d’être responsables du patriarcat (culturel). Les femmes peuvent être féministes, les hommes doivent être féministes.

      Le comportement extractif envers la nature est une caractéristique de la civilisation patriarcale - il ne fait aucun doute que le capitalisme en particulier a poussé cette attitude à l’extrême, au point de détruire la biosphère elle-même. Cette relation extractive commence - par exemple selon MARIA MIES (la elle-même a grandi comme agricultrice) – dès la révolution agricole du Néolithique, avec notamment le remplacement de la houe par la charrue. Le labour et la destruction des sols se poursuivent encore aujourd’hui et ont conduit à une immense érosion et destruction des sols. Ce n’est que récemment que les gens ont recommencé à gratter et à entretenir le sol avec plus de douceur, sans aucune perte de rendement. La réification de nos partenaires naturels s’est manifestée plus tard par le fait que les animaux sont devenus du bétail et que le bétail est devenu de l’argent puis du capital. Le mot capital lui-même remonte à caput, une tête, c’est-à-dire un morceau (!) de bétail. Le bétail peut être compté – sa chute. Dans son livre Against The Grain (2018), JAMES C. SCOTT montre comment la culture céréalière (en partie forcée) a favorisé la formation précoce d’États et donc toutes sortes de formes de gouvernement. Cela contraste avec les légumes, les tubercules et les fruits, qui sont plus difficiles à mesurer, contrôler et sont plus périssables. Le grain est mesurable – idéal pour collecter des impôts et construire des États, qui se sont historiquement transformés en entreprises mondiales d’aujourd’hui (les véritables « États ») au pouvoir à travers diverses formes de pupaison.

      Une autre caractéristique du patriarcat sont les séparations et les scissions de toutes sortes (finalement imposées par la force). MARX décrit également la dissolution des communautés organiques par les premières privatisations (du latin : vols) : la terre (enclos), la propriété des choses, du bétail, des céréales, aux personnes. Le partage originel a dû être remplacé par l’échange, qui n’a réussi qu’imparfaitement (on parle aujourd’hui d’échec du marché). Il ne faut pas confondre la division du travail avec cette séparation : celle-ci est une condition inhérente à la coopération. À proprement parler, si tout le monde fait la même chose, la coopération n’est pas nécessaire. Ce qui est central ici, c’est la séparation du travail et de la coopération d’un contexte de vie autogéré.

      Il n’existe pas de définition naturelle ou du moins logique de ce qui est et n’est pas du travail (voir CHRISTIAN MARAZZI : Che cos’è il plusvalore ?⁸ 2016) ; elle était imposée culturellement et toujours violemment. Vous pouvez peut-être voir à quel point cette séparation est arbitraire à partir de cet exemple : si je nettoie la porte d’entrée, cela ne compte pas comme du travail ; Si les agents de nettoyage de la ville le font, alors oui, y compris le droit à la retraite. L’inadéquation des définitions du travail peut également être constatée dans ce que l’on appelle l’économie des soins (tâches ménagères, éducation, soins, attention). L’aspect relationnel ne peut pas être simplement séparé. Les robots de soins ne sont pas une solution.⁹

      7. Le mot « féministe » aurait été utilisé pour la première fois par CHARLES FOURIER, l’utopiste. Une femme n’aurait probablement jamais pensé à se qualifier de féministe. Le mot « femme » dit tout.
      8.Qu’est-ce que la valeur ajoutée ?
      9.Cf. SHERRY TURKLE : Seuls ensemble : pourquoi nous attendons plus de la technologie et moins les uns des autres. 2011.

    • La chasse aux sorcières et l’accumulation du capital

      Le point culminant de cette séparation fut probablement ce que l’on appelle la chasse aux sorcières, mais qui fut en réalité la mise en œuvre finale de la conception capitaliste du travail.¹⁰ Un profond traumatisme social (blessures corporelles) était nécessaire. ..., une campagne de terreur, une séparation nette (bourreaux) entre bourreaux (bourreaux, hommes, ouvriers) et victimes (assassinés, femmes, femmes de ménage) afin d’imposer la première accumulation capitaliste. Le programme génocidaire du capitalisme exigeait un compromis initial des acteurs. Aujourd’hui, l’homophobie, de plus en plus mise en scène sous les régimes autoritaires, a une fonction similaire à celle des chasses aux sorcières.

      Les sorcières n’étaient pas des sorcières au sens des contes de GRIMM, mais désignaient toutes les femmes qui attiraient l’attention ; et, à titre d’exemple, il s’agissait de la fonction des sorcières en tant que connecteurs et non séparateurs. C’est pourquoi les hommes peuvent aussi être des sorciers. Le mot allemand sorcière a une étymologie intéressante : haga sizza, celle qui est assise sur la sorcière. Et qu’est-ce que la sorcière ? C’est la clôture d’interdiction (d’où : bannir, chasser quelqu’un du village) entre le village et la forêt. Les sorcières servent d’intermédiaire entre la communauté villageoise et la nature, entre la culture et la nature ; ils essaient d’équilibrer les choses, de créer des avantages mutuels, une coexistence à long terme. Ce sont eux les premiers scientifiques parce qu’ils comprennent les deux. Ils gèrent les frontières, mais en même temps les rendent cohérentes. Elles furent peut-être les dernières héritières de DEMETER, alliées des femmes dans leur rôle de mères ou de celles qui ne voulaient pas l’être. Le culte de la mère est une invention masculine.¹¹ Lorsque les chasses aux sorcières ont été organisées, ces sorcières n’existaient probablement plus depuis longtemps, mais leur souvenir était déjà assez troublant. Il ne devrait plus y avoir aucune autorité, aucune personne, pas même une idée de coopération sociale globale. Oublie ça ! Il n’y a pas d’alternative ! Rien de plus !

      10.Je fais ici référence à SILVIA FEDERICI : Caliban et la sorcière. Le corps et l’accumulation originale. 2017.
      11.C’est vrai Cela s’applique également en particulier à la « Terre-Mère », qui est tout sauf bienveillante.

    • La séparation du travail du contexte de la vie

      La séparation du travail du contexte de la vie La séparation du travail en tant qu’activité sociale pouvant être mesurée, payée et échangée était le résultat réel de milliers d’années d’histoire patriarcale de séparation, de division, de division et de mesure. Une histoire qui peut être comprise comme une crise permanente, car les calculs n’ont jamais fonctionné.¹² Travailler et être payé pour cela est quelque chose de très mystérieux, presque inexplicable, mais c’est l’essence patriarcale du capitalisme. Souvent, le plus évident est le plus dangereux. Tout le monde se lève à sept heures, va au travail et ne sait pas ce qu’il fait là-bas. Mais parce qu’aucune société ne peut exister sans une activité commune au sens large, les tâches ménagères, les tâches liées à la procréation, les soins aux enfants et, plus tard, dans de nombreux endroits, les travaux agricoles ont dû être relégués au royaume de l’invisible.

      Les inestimables sont bannis. Le fait originel selon lequel tout ce que nous faisons vise à prendre soin des personnes, des animaux et de l’environnement naturel a dû être supprimé. Il n’y a en réalité que ce qu’on appelle du travail de soins. Et que personne n’ose s’asseoir sur la définition entre les deux domaines d’activité ! S’il fallait payer ce travail inestimable (une idée absurde en soi), alors le château de cartes capitaliste exploserait. En Suisse, 7,9 milliards d’heures de « travail » rémunérées et 9 milliards d’heures non rémunérées sont effectuées chaque année. Payer pour un travail non rémunéré coûterait plus de 400 milliards par an - à côté de cela, le programme de crise de Denknetz serait un jeu d’enfant !¹³ Le concept confiné du travail a derrière lui une histoire violente d’expulsion, de discipline, d’assujettissement et de juridicisation. Pourquoi avez-vous besoin de milliers de paragraphes de droit du travail, de tribunaux du travail, Les inspecteurs du travail, etc., doivent-ils maintenir ce mandat ? Car sans un travail au moins théoriquement mesurable, aucune exploitation capitaliste n’est possible. Et parce que le terme est incroyablement vulnérable.¹⁴ Il est scientifiquement incompréhensible, intuitivement incompréhensible, toujours menacé par la négligence, la simulation, le soi-disant travail au noir, les congés de maladie et le fait de rester assis sur toutes sortes de collines avec des tasses de café à la main. Sans « l’abolition du travail », l’ordre économique catastrophique actuel ne peut être surmonté. C’est une illusion de vouloir provoquer un changement efficace en distribuant des proies empoisonnées. Le travail, c’est-à-dire la contrainte de faire des choses que l’on n’aime pas, que l’on ne veut pas et dont on ne peut pas être responsable, créera toujours des dysfonctionnements dans la société dans son ensemble, en premier lieu la destruction de la planète par le biais de l’impérialisme. mode de vie, qui nous donne en fait cela pour réconforter les vies perdues.

      Malgré sa perversion, le travail d’aujourd’hui repose également sur la volonté spontanée de coopération des gens. Les gens ne peuvent s’empêcher de coopérer. Les entrepreneurs ont toujours utilisé ce fait pour obtenir de meilleures performances de la part de leurs équipes. DAVID GRAEBER parle ici du véritable microcommunisme des entreprises, apprivoisé par une gestion sophistiquée. Une meilleure coopération est nécessaire pour pouvoir rivaliser avec d’autres entreprises ou pays. Une culture d’entreprise, un « esprit de famille d’entreprise », une fierté nationale pour certaines entreprises ou certains produits, un faux sentiment d’appartenance, sans lequel les gens ne peuvent pas vivre, sont mobilisés. Les travailleurs oscillent entre une volonté naturelle de coopérer et la prise de conscience qu’ils sont trompés, exploités et exploités, qu’ils ne sont qu’un moyen pour parvenir à une fin. La coopération est exposée comme une collaboration.

      En fin de compte, cette situation a un effet paralysant et conduit à diverses formes de refus. Le fait que les travailleurs ne soient pas vraiment concentrés sur ce qu’ils font et se contentent souvent de simuler leur performance constitue la véritable crise interne et continue du capitalisme. Ou comme l’a écrit DAVID GRAEBER : « Le capitalisme est un communisme mal géré. » (Le communisme réel était un capitalisme d’État encore plus mal géré.)

      Cette expérience toxique de la coopération affecte également la coopération autodéterminée et volontaire, par exemple dans le cadre de projets coopératifs ou d’autres projets d’auto-assistance. Quiconque a dû coopérer toute la journée ne voudra pas se porter volontaire pour coopérer le soir dans la coopérative maraîchère ou dans le dépôt de biens de consommation. La frustration liée à la coopération collaborative appelle une compensation, un confort sur le canapé avec de la bière et un roman policier. Le travail est juste là endurer lorsque des week-ends ou des jours fériés « libres » sont en perspective, mais ce n’est pas un « grand travail » de désherbage du champ commun. Tous ces projets fonctionnent mal aujourd’hui, malgré les vents contraires du capitalisme, et constituent des réalisations pionnières faites avec le sacrifice de soi. Ils sont importants en tant que futurs laboratoires, mais dans des conditions capitalistes, ils sont condamnés. À moins que quelque chose n’arrive très bientôt.

      Le concept de travail est actuellement en train d’exploser avec l’automatisation et la numérisation, car les machines ne peuvent pas fonctionner (elles ne peuvent que transférer le travail qui y est effectué vers le recyclage). Déjà MARX, mais plus tard aussi SCHUMPETER, reconnaissaient que le véritable objectif du capitalisme était sa propre abolition. Tous les coûts devraient être réduits à zéro, y compris le coût du capital.¹⁵ La seule façon de sauver le concept de travail sera probablement de déclarer négativement une allocation de subsistance comme indemnisation du chômage (comme le réclame le réseau de réflexion : une allocation de chômage à vie, pour presque tout le monde). On pourrait alors reprendre la définition d’Homo sapiens : une pauvre créature au chômage ! (Homo non-laborans) Mais ce jeu ne pourra pas durer longtemps, car le capitalisme doit exploiter, même si plus rien ne vaut plus. La valeur en elle-même est le concept controversé du patriarcat. Sans valeur, il n’y a pas d’échange.¹⁶ Si rien ne vaut rien, alors nous pouvons décider librement de ce que nous aimons, de ce qui est bon pour nous, de ce qui nous procure de la joie ou nous rend heureux. Et ce serait la fin de l’aberration patriarcale.

      12. La revanche aujourd’hui, c’est que la Chine, avec Huawei, veut nous imposer le G5, ce dont nous n’avons pas non plus besoin. Le capitalisme est une lutte unique contre la « stagnation laïque ». Aujourd’hui, pratiquement tous les programmes des réalistes de gauche sont des programmes de stimulation de la demande visant à maintenir la croissance, les plus récents étant ceux de la candidate présidentielle ELIZ-ABETH WARREN (2 000 milliards de dollars) ou de KEVIN KÜHNERT (SPD) avec ses propositions impuissantes de nationalisation.

      13.Nous ne consacrons que 12 % de notre vie (y compris le sommeil) à un travail rémunéré. Le travail rémunéré représente 10 % de tout le travail dans le monde !

      14. Il semble souvent plus important de sauvegarder le concept de travail que de faire réellement quelque chose d’utile. Voir : DAVID GRAEBER : Des emplois à la con. 2018. Le travail devient de moins en moins productif et de plus en plus une simple structure quotidienne.
      Nous ne devrions pas avoir d’idées stupides, même si le travail lui-même est souvent le plus stupide (il suffit de penser à l’industrie de l’armement).

      15. MARX a présenté cette logique paradoxale à de nombreux endroits, dont les plus célèbres sont probablement les « fragments de machine inquiétants » des Grundrisse : « Les forces productives et les rapports sociaux - deux aspects différents du développement de l’individu social - n’apparaissent au capital que comme des moyens et ne sont que des moyens pour qu’elle produise à partir de sa base étroite d’esprit. Mais en fait, ce sont les conditions matérielles pour les faire exploser. » MARX : Grundrisse. Octobre 1857 à mai 1858 (numéros de pages selon MEW 42) Le chapitre sur le capital − numéro VI, p. 590.

      16.Cf. HABERMANN, FRIEDERIKE : Échangé ! Concepts/Matériaux, Volume 10. 2018.

    • Le capitalisme comme essence du patriarcat

      Comprendre le capitalisme, non pas comme n’importe quel système économique, mais comme la quintessence du patriarcat rend beaucoup de choses plus claires. Par exemple, le fait que les femmes soient faiblement représentées aux postes de direction dans ce système (l’État en fait partie). Dans une sorte de féminisme superficiel, beaucoup pensent qu’il s’agit de maintenir le pouvoir des hommes (biologiques). Si les femmes étaient mieux représentées, le patriarcat serait plus faible. Bien sûr, ce n’est pas le cas. C’est du biologisme bon marché que de croire que les femmes, en tant que patronnes ou politiciennes, rendront le capitalisme plus doux ou le patriarcat plus agréable. Les femmes font même de meilleurs PDG. Les meilleurs ministres de la Défense. Les rationalisateurs les plus pointus.

      Ce n’est que lorsqu’on s’attaque à l’essence du patriarcat, c’est-à-dire au concept de travail, que sonne le glas. Aujourd’hui, nous constatons que de plus en plus de femmes Je ne veux pas du tout participer à ce système ou je veux y être compromis. De nombreux patrons se plaignent : nous aimerions avoir des femmes comme managers, mais elles préfèrent désormais se retirer dans les tâches ménagères ou faire des choses plus exigeantes sur le plan social et intellectuel. Elles ne veulent pas travailler à temps plein. C’est compréhensible : les femmes devraient-elles désormais également reprendre les boulots insensés des hommes et rester assises dans les bureaux ? Quand les hommes s’enfuient déjà ? Doivent-ils soutenir une politique misanthrope ? Ce à quoi nous assistons est un abandon des femmes de la société du travail, et pas seulement des femmes biologiques, mais aussi des hommes au foyer, des jeunes hommes, des PDG épuisés, des refus de carrière, des travailleurs à temps partiel, des rétrogradés, etc. Les femmes sont-elles mal représentées aux postes de direction parce qu’elles ne veulent pas diriger ?

      Quand on assimile travail et violence, alors on comprend que le viol est aussi un problème pour les hommes biologiques, et en tout cas pour les femmes. #metoo s’applique à nous tous. En plus de la violence systémique et patriarcale, il y a aussi la violence biologique quotidienne Des hommes qui croient encore ou qui ont été persuadés d’avoir une affinité particulière pour le système. Il faut combattre cette violence par tous les moyens : il n’y a pas d’excuse systémique. Elle vient principalement de ces hommes effrayés, qui constatent que « leur » système ne fonctionne plus pour eux, même s’ils sont des hommes. Il y a quelque chose qu’ils ne comprennent pas. Ce sont les électeurs typiques de TRUMP : les fameux déçus, trahis, abandonnés, les soi-disant perdants de l’Histoire dans laquelle ils ont tant investi (la violence). Pour eux, il n’y a pas d’autre espoir que de laisser tomber le capitalisme et de participer à une réorganisation commune, en tant que travailleurs des champs ou à la maison, et des travailleurs manuels. Vous réaliserez le redressement. Vous avez besoin d’une nouvelle offre. (Un mouvement des tabliers blancs ?)

      Une grande confusion est récemment apparue à propos du concept de patriarcat en Europe lorsque l’on évoque l’immigration de jeunes hommes issus de cultures patriarcales avec des rides d’inquiétude sur le front. Premièrement : toutes les cultures sont patriarcales depuis longtemps, il n’est donc pas nécessaire de parler de multiculturalisme, mais plutôt de multipatriarcisme. Ce que nous aimerions voir, c’est le multiféminisme. Mais personne n’en parle. Ensuite, les jeunes hommes mentionnés sont confus car ils viennent de sociétés beaucoup moins patriarcales et ne comprennent pas que dans notre pays ils sont à la merci d’un hyperpatriarcat invisible, où les femmes fonctionnent encore comme policières, conductrices de camions et chefs de gouvernement. Au Yémen, un cheikh avec moustache et poignard n’est rien, un chiffre ridicule, comparé à un responsable des ressources humaines d’une grande entreprise.

      Le véritable pouvoir de ces archétypes de gloire patriarcale est anachroniquement biologique. La notion de travail est encore vague dans les sociétés mentionnées et la discipline de travail requise à l’échelle mondiale peut difficilement être appliquée. La persécution des sorcières n’a jamais eu lieu ; elle n’a lieu que maintenant, sous les auspices de l’islamisme, dans le cadre d’un mouvement de modernisation. Les immigrants venus de régions du monde aux structures moins capitalistes se retrouvent pris dans une machine qu’ils ont du mal à comprendre. Pourquoi leurs frères occidentaux – des hommes comme eux – ne se montrent-ils pas solidaires avec eux ? Pourquoi laissent-ils les femmes les diriger ? De nombreuses personnes ont du mal à s’intégrer dans un système patriarcal strict. Beaucoup désertent – ​​ils ont raison ! Bienvenue au club !

      Ainsi, même si de nombreuses régions du monde sont systématiquement moins patriarcales que les vieux pays industrialisés, la situation des femmes et de la population en général y est bien pire en termes de violence et de misère qu’elle ne l’est ici. Cela est dû au développement inégal du capitalisme et à son histoire brutale qui a dévasté le monde entier. Historiquement, le capitalisme n’est pas simplement un développement linéaire de sa logique, mais plutôt l’histoire de la résistance contre lui. Les gens ont toujours riposté et les idées d’une civilisation non patriarcale ont toujours existé, que les gens ont tenté à plusieurs reprises d’effacer. Cette résistance ne pourrait être brisée ou atténuée que si certaines parties de la population mondiale étaient capables de bénéficier, au moins relativement, de ses réalisations techniques et civilisationnelles. Le capitalisme dépend de complices. Selon les calculs d’EVI HARTMANN (slavery-foot-print.org), chacun de nous possède 60 esclaves.

      Même les personnes aux revenus modestes dans les pays du Nord participent toujours au « mode de vie impérial » basé sur l’exploitation du Sud (et de la nature – il y a 40 esclaves énergétiques en plus). Lorsque les plus défavorisés se battent ici pour des salaires plus élevés, ils défendent objectivement leur complicité avec le capitalisme. Ce qui prouve que le capitalisme ne fonctionne même pas pour ses privilégiés (voir le mouvement des « gilets jaunes »). Seul un programme de restructuration universel, au-delà de la logique du capital et de l’échange, pourra sortir de ce dilemme.

    • La civilisation des communs comme véritable alternative

      Il résulte de tout cela que le vrai féminisme est aussi le véritable anticapitalisme ; les termes sont interchangeables. Sans vaincre le patriarcat, il ne sera pas possible de vaincre le capitalisme. L’anticapitalisme est aussi la seule stratégie écologique possible. La planète ne peut être sauvée que contre le capitalisme (NAOMI KLEIN). Les Américains et d’autres forces de droite l’ont bien compris. Et c’est pourquoi la menace du changement climatique est désormais une « conspiration chinoise ». TRUMP le dit ouvertement : le mode de vie américain ne va qu’à l’encontre de la planète.

      La proposition constructive alternative est une nouvelle civilisation des biens communs.¹⁸ Comment pouvons-nous établir de nouvelles unités sociales qui existent au-delà de la séparation, de la clôture et de la comptabilité ? Pourquoi n’avons-nous pas cette discussion au lieu des belles mais finalement illusoires et ingénieuses réglementations ? L’absence de la gauche dans le débat aux Communes est inquiétante : certains craignent le terme comme les diables craignent l’eau bénite.¹⁹ De nombreuses revendications de la gauche supposent « ceteris paribus », c’est-à-dire que le capitalisme, en plus de satisfaire la demande, continue de fonctionner du mieux possible. Ils sont purement distributifs. Comment peut-on imposer des actifs élevés si leurs propriétaires ne continuent pas à réaliser des bénéfices élevés ? Comment verser un revenu de base garanti si la croissance économique s’effondre ? Comment peut-on payer un salaire égal à tous si le travail salarié disparaît ? (Il faudrait exiger les mêmes non-salaires pour un travail de plus en plus inabordable.

      Le pseudo-extrémisme de gauche ne porte pas ses fruits parce que ses destinataires ne sont pas assez stupides pour y croire. Ils veulent en savoir plus. Sans un modèle clair et cohérent d’économie réelle (économie des ménages) avec des institutions intégratrices, etc., cela ne fonctionne pas. De plus, ce modèle doit être aussi universel que le capitalisme mondial. Il ne peut pas y avoir à la fois une sécurité sociale totale en Suisse ou en Allemagne et la pauvreté dans le sud. (Cela peut exister et cela existe, mais il faut alors placer l’armée à la frontière et construire des murs, comme l’exige la droite.) Le climat ne peut pas être nationalisé, pas plus que la justice climatique. Les deux sont soit mondiaux, soit pas du tout.

      Quand la gauche se rendra-t-elle enfin compte qu’elle a depuis longtemps poussé à mort ses vieux chevaux de guerre ? Les gens qui réfléchissent sont déjà ailleurs. Plus personne ne croit aux réglementations ingénieuses, mais recherche plutôt des concepts qui remodèleront la vie quotidienne. Qui fait quoi, comment, dans quelles conditions ? Alors que la gauche veut toujours optimiser les anciennes structures, les gens pensent Nous réfléchissons depuis longtemps aux concepts de fonctionnement des nouveaux. Le facteur décisif n’est plus le niveau du salaire, mais plutôt le sens et la finalité de l’activité. Il n’existe plus de « mesures » qui puissent nous sauver. Nous avons besoin d’un modèle pour une civilisation complètement nouvelle : vivre différemment, ressentir différemment, penser différemment. Il est réjouissant de constater que la confiance dans le système capitaliste diminue partout, même aux États-Unis ; Mais avec une gauche qui fait des suggestions impuissantes, il n’y a aucune confiance dans une société post-capitaliste et post-croissance. Mais c’est exactement ce dont nous avons besoin. Il n’y a pas beaucoup d’objections aux programmes de crise et aux revendications mentionnées : bien sûr, nous souhaitons des salaires plus élevés, des emplois sûrs et une protection sociale complète. Mais vouloir exiger quelque chose de plus du capitalisme, c’est oublier que « cela » n’existe probablement plus. Malgré tout, nous l’avons, ce qui ne le rend pas inoffensif, mais plutôt encore plus dangereux, suicidaire pour ainsi dire.

      18. Parfois, je dis plutôt que biens communs : économie sensée ou métabolisme social rationnel. 19.Pas nécessairement le SP Suisse, qui a publié une brochure intitulée COMMONS (2018). En dehors des coopératives d’habitation, le terme est davantage utilisé pour désigner de petites actions locales (offrir des boîtes, etc.) et est largement désamorcé.

    • La dictature de la coquille

      L’essence du capitalisme, à savoir sa nature de machine d’exploitation, a été perdue depuis longtemps. Certains parlent de capitalisme zombie : plus rien ne vaut rien, les profits sont aussi fictifs que les salaires, mais le tissu capitaliste est obstinément défendu, à la fois par une poignée de riches et par leurs complices politiques* internes (c’est-à-dire nous). La croissance est rituellement identifiée même si elle n’existe plus, mais n’est qu’empruntée. Le « capitalisme de surveillance » (comme s’il en existait un autre) défend l’enveloppe d’une relation de pouvoir avec le contrôle social, les systèmes de crédit social comme la Chine, l’incitation ethnique et les guerres civiles. Plus les gens comprennent la « blague », plus les clowns deviennent cruels : XI « POOH » JINPING, POUTINE, TRUMP, ERDOGAN et tous les autres. Ces derniers visages du capitalisme ne dégagent même plus la fascination des vieux dictateurs comme STALINE, HITLER ou MAO. Ce ne sont que des masques de cadavres. Mais le cadavre est grand (et surtout vieux) et il est difficile de l’écarter. Plus le jeu devient illusoire, plus les gens veulent en savoir plus sur nous. L’information est la nouvelle valeur : mais quel est son but ? Que pourriez-vous attendre de nous de plus qu’une conformité superficielle ? Nous disons tous oui, chaque jour. Voulez-vous un double « oui » de notre part ? Le but n’est plus, mais le jeu cruel continue. Si la « valeur » a déjà disparu, alors les prolétaires orphelins devraient continuer à être torturés par les prix, les salaires, le contrôle du temps de travail, la bureaucratie de l’État providence, les peurs existentielles et la répression violente (en fonction de la région du monde et du niveau de compromis). Justement parce que rien n’est rentable, il faut que tout reste tel quel.

      Le capitalisme est en train de passer d’un système d’exploitation à un système de contrôle. Par coïncidence, les instruments nécessaires sont désormais disponibles pour cet étrange revirement : les technologies de l’information. Mais même si « ils » savent tout, « ils » ne peuvent pas déterminer la réalité, qui reste hors ligne. Ce à quoi nous assistons actuellement, ce sont de puissantes révoltes hors ligne, de Hong Kong au Chili. Comme le dit BRUNO LATOUR, les gens veulent récupérer leurs terres, c’est-à-dire le contrôle de leurs moyens de subsistance. Ils ne se soucient pas de vos données.

      Cette perte de sens se manifeste souvent au niveau psychologique individuel sous forme de crise de sens, de désorientation, d’arbitraire et sous forme de délires. La véritable illusion devient intériorisée. Des phénomènes tels que les théories du complot, les systèmes religieux délirants, les actes de violence sans but, la recherche de sécurité dans des systèmes d’ordre nationalistes, nostalgiques et répressifs, la régression générale et le déni des faits peuvent être expliqués de cette manière. Vous vous accrochez à l’ancien parce que vous avez peur du nouveau. Ce que nous appelons l’illumination devrait être retiré parce que même la pensée révélerait la nudité de l’empereur, et parce que la connaissance sans options d’action ne fait de toute façon que mal. Cette répression idéologique de l’ex-capitalisme correspond à la nouvelle religion de la singularité de la Silicon Valley à la KURZWEIL, THIEL, etc. En fait, c’est un retour aux cosmismes russes et autres, avec l’ancêtre GEORGE BERKELEY. Solipsisme, circularité, simulation – vie éternelle, triomphe du moi absolu, tout était déjà là. Une folie absolue. La conséquence logique finale.²⁰ L’être détermine à nouveau la conscience ou sa perte.

      L’histoire du patriarcat/capitalisme est une histoire de massacres et de traumatismes profonds (au sens physique et systémique). Cela explique la peur des changements fondamentaux et des alternatives. Ils sont plus effrayants que le capitalisme lui-même – ce que nous savons du moins. C’est comme dans certains mariages : je préfère rester avec le vieux dégoût violent plutôt que de risquer un avenir incertain. Juste la peur de perdre partout ! Nous avons donc besoin d’un programme complet de désanxiété pour surmonter ces traumatismes. Cela doit être à la fois agréable et convaincant en termes de contenu : émotions et raison doivent et peuvent aller de pair. Un tel programme n’est pas celui d’une organisation ou d’un parti unique, mais englobe toute une gamme d’interventions et de projets politiques, culturels, coopératifs et autres.

      20 : La vie éternelle. Version courte, Paranoia City 2009 ; P.M. : AKIBA, un roman gnostique. 2008 ; Il contient une bibliographie sur le cosmisme solipsiste, circulaire et simulationniste.

    • Une proposition simple et factuelle pour une alternative à l’ordre social actuel²¹

      Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? Parce qu’on ne peut rien imaginer d’autre. Parce que nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord sur une proposition. Au lieu de prétendre que le capitalisme existe toujours, imaginons simplement que nous pouvons gérer notre situation de manière judicieuse et faire une suggestion. Une proposition universelle pour l’avenir Les 10 milliards d’habitants de cette planète doivent respecter les limites écologiques, créer une économie durable qui réponde à tous les besoins et fournir un cadre pour le bien-être psychosocial. Il doit protéger la nature, nos forces et nos nerfs. Ces trois dimensions sont interdépendantes : les personnes qui ne peuvent pas s’entendre et coopérer ne se soucieront pas de l’environnement. La joie de vivre et la pleine conscience vont de pair. Une alternative au mode de vie actuel, c’est-à-dire une société de biens communs, nécessite un ordre territorial clair avec des fonctions assignées. On pourrait dire : la conversion nécessite une relocalisation générale, et cela est réel, pas mythologique, juste dans l’esprit. Il faut rassembler ce qui a été déchiré. Cela a d’abord une signification écologique : tout ce qui n’est pas présent au point A doit être recherché au point B, générant ainsi des distances, des déplacements de masses et donc une consommation d’énergie et des charges écologiques, quel que soit le moyen de transport utilisé.

      C’est pourquoi nous appelons cette relocalisation socio-écologique générale et globale : le retour à la maison. Mais nous voulons seulement rentrer à la maison s’il fait beau là-bas et si nous pouvons nous sentir à l’aise. Et nous ne nous sentons à l’aise que lorsque d’autres peuvent rentrer chez nous. Nous ne voulons donc pas d’un éco-ghetto pour les riches. Et pas de zones de confort exclusives dans le nord planétaire. C’est une question de retour et de nouveauté pour tout le monde. Nous ne pouvons le faire qu’ensemble.

      Une nouvelle société mondiale doit être modulaire car la justice nécessite des conditions de vie comparables. Il y a aussi l’équilibre des pouvoirs : les grandes organisations ont intrinsèquement plus de pouvoir, les petites en ont moins. Nous avons donc besoin de modules quotidiens de taille moyenne qui couvrent le plus grand nombre de besoins possible, mais bien sûr pas tous. Ils doivent avoir une définition claire, mais en même temps être adaptables aux conditions locales. La résilience nécessite de la granularité, ce serait la théorie quantique écosociale. Le plus petit quantum social est le quartier ou Glomo 1.

      Avec le premier module, appelé quartier ou module global 1 (Glomo 1), on peut déjà décrire une grande partie du cadre écologique, par ex. 1 t de CO2 par habitant et par an.²² En partageant et en coopérant, nous consommons moins, ce qui est particulièrement important en matière d’espace de vie, d’alimentation et de transport, qui représentent les deux tiers de notre impact environnemental.

      Coming Home propose cinq modules :
      1 16 million de quartiers (Glomo 1)
      2 400 000 quartiers/petites villes (Glomo 2)
      3 4 000 grandes villes/régions (Glomo 3)
      4 800 territoires (Glomo 4)
      5.1 monde (Glomo 5 )

      Cette division ne doit pas être comprise de manière normative, mais plutôt pragmatique, comme une délimitation de domaines de discussion. Il ne s’agit pas de dimensions inventées, mais plutôt de suggestions pour comprendre des domaines de la vie que nous connaissons déjà, mais qui sont aujourd’hui souvent déchirés et méconnaissables. Nous voulons simplement savoir à nouveau où nous en sommes.

      21. Une suggestion peut être trouvée sur newalliance.earth et est imprimée dans son intégralité en annexe. Dans ce texte, je fais quelques commentaires supplémentaires et je fais référence aux discussions en cours.
      22. Les limites écologiques incluent non seulement le changement climatique, mais aussi la biodiversité, l’acidification marine, le cycle de l’azote, etc. (voir Une proposition, p. 1, et plus en détail dans L’Autre Ville (Die andere Stadt). 2017).

    • Juste pour compiler les différents seen. Et merci @deun pour les traductions (même automatiques ça prend du temps) :-)

      P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 2
      https://seenthis.net/messages/1016179

      P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 3
      https://seenthis.net/messages/1016333

      P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 4
      https://seenthis.net/messages/1016334

      P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 5
      https://seenthis.net/messages/1016335

      et un lien qui parle de l’ouvrage :
      https://bibliothekderfreien.de/events/p-m-warum-haben-wir-eigentlich-immer-noch-kapitalismus-2

      L’éternel parcours de crise du capitalisme est destructeur parce qu’il ne peut pas être durable. Les paysages, les personnes, la cohésion sociale, le climat, la biodiversité sont endommagés afin de maintenir une croissance nécessaire pour que 200 billions de dollars de dettes apparaissent, au moins en théorie, comme récupérables. Le capitalisme est une machine intrinsèquement hostile à la vie. Nous en faisons partie. Mais nous pouvons la changer.

      L’auteur et philologue suisse Hans Widmer aka P.M. ("Weltgeist Superstar", « bolo’bolo », « Amberland », « Die große Fälschung »), activiste dans le mouvement des squatters et des communes de Zurich, toujours actif aujourd’hui dans la coopérative de construction et d’habitation KraftWerk1, une communauté urbaine éco-sociale qu’il a cofondée en 1995, s’arrête également à la Bibliothèque des Libres lors de sa petite tournée en Allemagne pour parler de son livre « Pourquoi avons-nous en fait toujours le capitalisme ? » (Hirnkost Verlag).

      Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

  • [Tribune] En finir avec le Salon de l’agriculture
    https://www.latelierpaysan.org/Tribune-En-finir-avec-le-Salon-de-l-agriculture

    À l’occasion de l’ouverture du Salon international de l’agriculture à Paris, l’Atelier Paysan a publié le 25 février cette tribune sur le site de Libération, pour questionner le rôle que joue ce salon dans la défense du modèle agro-industriel. Ce texte est l’occasion de rappeler la mise en ligne inédite de notre rapport (version intégrale) Observations sur les technologies agricoles (2021), disponible ici. Cliquez ici pour lire la tribune directement sur le site internet de Libération Il faut en (...) Actualités

    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/il-faut-en-finir-avec-le-salon-de-lagriculture-20230225_6HPAASFKW5AHPF6TI
    https://latelierpaysan.org/Salon-de-l-agriculture-notre-rapport-d-Observations-pour-contrer-la-

  • Une critique très intéressante du livre Terre et Liberté d’Aurélien Berlan est parue l’année dernière dans la revue L’inventaire. Cette critique se situe dans la même perspective que celle de Berlan, qui a ses limites, qui à mon avis apparaissent mieux avec cette critique de Nicolas Gey. A lire absolument !

    Nicolas Gey, « Subsister », L’Inventaire , automne 2022

    https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2023/05/24/nicolas-gey-subsister

    #agriculture #subsistance

    • Bah c’était déprimant @deun 😭

      s’il est légitime de décrier le calcul des aides que la politique agricole commune indexe à la surface de production, il faut s’exprimer (ce qu’on fait moins) sur la dimension énergétique de ces aides, dont le calcul dépend aussi de la valeur calorique des aliments produits. De sorte que le maraîchage et l’arboriculture sont nettement moins subventionnés que la production d’oléo-protéagineux (comme les appellent les agronomes). Un kilo de tomate, du fait de la main-d’œuvre nécessaire pour sa culture et sa récolte, dépasse souvent le prix de 1 kg de blé, mais sa valeur politique est à peu près nulle : on n’a jamais fait de révolution pour cause de pénurie de tomates.

      […]

      Jusqu’à preuve du contraire, et dans les conditions qui sont les nôtres (et qui n’ont guère de raison de devenir plus favorables), on peut donc affirmer qu’il n’existe, en Occident, aucun modèle agricole économiquement viable susceptible de récolter davantage d’énergie qu’il n’en consomme pour la produire

      […]

      Pour nous subsistantialistes, il ne suffit pas de suggérer qu’on pourrait toujours, le moment venu, se déplacer et labourer avec un animal de trait (21), battre les céréales au fléau, trier le grain avec un tarare, remettre en service des moulins à vent ou à eau, entretenir nous-mêmes les sentiers, les conduites d’eau, les routes pavées et les entrepôts, que sais-je ? N’oublions pas de poser ces questions, en apparence naïves : Qui fait quoi, et surtout quand ? En d’autres termes, qui s’y lance maintenant, avant les autres, au risque de l’épuisement moral et physique ? Qui accepte de commercer avec l’ensemble d’une population directement et indirectement mécanisée et subventionnée ? Qui accepte, en somme, de troquer l’or contre la pacotille ?

      […]

      Jusqu’à preuve du contraire, toutes les expérimentations «  permacoles  » (27) et «  agroécologiques  » non mécanisées des régions tempérées ont échoué à produire non seulement des légumes sur des terres généreusement amendées et paillées (souvent avec fumier et paille du commerce), mais suffisamment de calories pour nourrir, au minimum, les agriculteurs eux-mêmes.

      Dans certains cas, comme au mas de Beaulieu de feu Pierre Rabhi, l’expérimentation, sur un hectare, est loin d’égaler la modeste production maraîchère d’un jardin ouvrier (28). Ailleurs, à la Ferme du Bec-Hellouin (29), Perrine et Charles Hervé-Gruyer renouvellent quant à eux les trouvailles de Bouvard et Pécuchet (30) en terre normande. Là-bas, les cultures nourricières cèdent systématiquement le pas aux productions à forte valeur ajoutée, jusqu’à délaisser la pomme de terre ! Les amendements proviennent de haras voisins ; les résultats publiés sont avant tout financiers, proviennent pour bonne part de formations, et lorsque les volumes de production de certains fruits ou légumes sont annoncés, il n’est jamais question de calories. Or la Ferme Potemkine du Bec-Hellouin est censée apporter sa contribution (sinon la solution) au problème de l’autonomie alimentaire (individuelle, communale, régionale, nationale, etc.). En dépit de l’évidence, une succession de rapports de l’Inra-AgroParisTech conclut toutefois au succès de l’entreprise agroécologique (31).

      […]

      Ce que nombre de «  permaculteurs  » (plus ou moins survivalistes) et «  d’agroécologistes  » ne perçoivent pas lorsqu’ils tentent l’expérience de «  l’autonomie  » (mais ils finissent invariablement par délaisser l’agriculture au profit d’activités plus lucratives, comme la formation, l’accueil de touristes, les «  soins alternatifs  », etc.), c’est le caractère systémique d’une organisation paysanne. Les dimensions d’héritage culturel, de normes, de devoirs, d’effort et de temps sont généralement refoulées ou fantasmées plutôt qu’appréhendées dans leur complexité et leurs limites. S’il est évidemment impossible de répondre à tous ses besoins (de la mine à la forge, de la carrière au four à chaux, des champs de lin aux métiers à tisser, etc.), il l’est presque autant, sous nos latitudes surpeuplées (37), de répondre à ses besoins les plus vitaux, sans se soumettre aux lois de la physique bien sûr, mais aussi à l’autorité d’un groupe, sinon à l’un.e de ses représentant.e.s.

      #déprime #céréales ! #calories #alimentation #nutrition #mode_de_vie #paysannerie etc etc

    • Bah c’était déprimant @deun 😭

      Ah ça ! J’ai lu l’article il y une quinzaine de jours et j’avoue que ça m’a bien sonné ...

      Pourtant, il y a des positions chez Nicolas Gey qui me paraissent assez biaisées, genre :

      Si la dénonciation des effets dévastateurs de la mécanisation, de l’aliénation des agriculteurs, de l’irrigation par pompage, des engrais de synthèse et des pesticides est parfaitement légitime, il est en revanche assez malhonnête d’en déduire que cette agriculture industrielle n’aurait obtenu que des «  résultats minimes  ». Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1990, les rendements céréaliers moyens ont bel et bien été multipliés par 4 en France et par 3 en moyenne dans le monde. Puisque la surface cultivée totale est restée à peu près constante (la surface de champs urbanisés étant pour l’instant «  compensée  » par la conversion des pâturages et le défrichement accéléré des ultimes forêts primaires), la production a donc été multipliée par trois et la population mondiale, dont la frange la plus riche s’est mise à consommer de plus en plus de viande (9), par 2,5 (passant de 2,4 à 6 milliards d’individus).

      La question (subsidiaire) aurait pu être : mais pour combien de temps ?

      Et d’ailleurs arrive cette forme d’aveu concernant les limites de cette croissance productive :

      Depuis les années 1990, effectivement, les rendements du blé plafonnent et paraissent même, depuis 2016, amorcer leur déclin.

      Avec, en filigrane, ce sentiment qui est mien, à savoir que le dérèglement climatique et son cortège de nuisances pourrait bien y être pour quelques chose.

      Après, il y aurait un fastidieux travail de vérification des données techniques (entre autre le raisonnement qui s’appuie sur un bilan calories entre le travail à fournir et récolte obtenue) et économique (valeur de la chose produite rapportée à la quantité de travail nécessaire pour la produire)

      Or ce sont précisément les productions agricoles les plus riches en calories et en travail, fût-il mécanique, que les expériences subsistantialistes tendent à ajourner (14). Et pour cause : acheter des céréales, des légumineuses, des sucres, des huiles issues de la production mécanisée et subventionnée revient à acheter chaque jour, pour moins de 2 euros le kilo, une quantité de travail que nous refuserions de fournir à ce prix. Pour fixer les idées : l’équivalent d’une journée de travail de cinq à sept heures (15). Payé au smic de 2021, le coût du travail nécessaire pour produire 1 kg de blé sans tracteur, moissonneuse-batteuse ni subvention serait donc compris entre 50 et 70 euros. Dans ces conditions, qui d’entre nous, s’il ne possédait une rente d’au moins 1500 euros par mois (ce qui le rangerait indiscutablement du côté des puissants), pourrait encore acheter quotidiennement son kilo de farine équitablement subsistantialiste (ou son équivalent énergétique d’environ 2 500 kcal) ?

      Et l’auteur lui-même nous invite à remettre cette évaluation sur le métier dans la note 15 :

      Cette estimation m’est propre, et mérite sans doute discussion. Je suis parti du principe qu’il fallait en moyenne 5 à 10 m2 de terre pour fournir 1 kg de blé tendre dans des conditions «  subsistantialistes  », sans tracteur ni engrais de synthèse. Le calcul consiste simplement à additionner le temps passé à labourer (ou bêcher) cette surface de terre, avant de la semer et d’enterrer le semis (afin qu’il ne soit pas détruit par des étourneaux, des corneilles ou des pies), puis de la désherber (des gaillet, vulpin, folle avoine, rumex, chénopode, renouée, amarante et chardon, entre autres) et de l’amender, avant de la moissonner, d’en transporter les gerbes jusqu’à l’aire de battage, de battre les gerbes, d’en vanner le grain, de le moudre puis de bluter la mouture. Sans compter le travail de cuisine et de boulangerie, ni le temps passé à récolter du bois pour la cuisson.

      La modélisation des rendements énergétiques lié aux activités agricoles, ça a déjà dû être fait. Après, vérifier si tous les paramètres ont été inclus, c’est plus compliqué. En outre, l’anticipation des circonstances (dérèglements climatiques, bouleversements socio- et géopolitiques) qui pourraient influer sur la validité de ces paramètres voire en introduire de nouveaux, ça rajoute du « niveau ». Pas d’autre choix pour l’instant que de confier toutes ces tâches d’expertises à un groupe d’étude comme celui qui travaille sur l’évolution du climat.

    • Est-ce qu’il faut nécessairement envisager les choses comme le fait Nicolas Gey (et Aurélien Berlan peut-être je ne sais pas bien) ? C’est-à-dire penser que la seule alternative à la société industrielle ce sont des sociétés paysannes où tout est fait localement, donc forcément à la main puisque qu’il n’y a pas d’autres types d’énergie disponible sur place ?

      Le texte a tout de même le mérite de pointer le prisme habituel autour du maraîchage et des légumes, en laissant de côté ce que l’on appelle les « grandes cultures », c’est-à-dire comme il l’indique les aliments qui nourrissent vraiment d’un point de vue calorique.
      Encore que, à mon sens, les légumes sont indispensables pour la santé, non pas à cause de leur contenu calorique, mais en terme de vitamines par exemple.

      Plutôt que produire à la main du blé dans une contrée où c’est fait avec d’énormes machines énergivores, on peut aussi s’intéresser aux régions où l’agriculture est déjà sans machines, mais où de petites machines sont introduites à l’intérieur d’une organisation où le travail manuel est la norme.

      Par exemple pour en Afrique, des batteuses sont utilisées pour décortiquer les haricots. Elles peuvent être apportées dans les ferme derrière une moto (par exemple le modèle Imara tech Multi-crop). Ca coûte 700$.

      Actuellement, les femmes et les jeunes supportent la majeure partie de la charge du battage, et l’utilisation du battage mécanisé libère leur temps pour d’autres tâches plus gratifiantes. Un exemple de cela est fourni par l’utilisation de la batteuse multicultures Imara tech, qui prétend traiter les haricots 75 fois plus rapidement qu’à la main.

      https://taat-africa.org/wp-content/uploads/2022/02/Catalogue_Haricot_commun_FR.pdf

      En France toujours pour des haricots on parlera plutôt pour battre les haricots d’une machine à 130000€

      https://www.youtube.com/watch?v=UBc-2m2t5zw

      La deuxième chose c’est de considérer le problème de la mécanisation dans sa dynamique et dans son contexte marchand.
      C’est ce qui manque à la perspective de Bey - à la critique anti-industrielle en général ? Elle finit par rejoindre la perspective survivaliste, comme Bey le reconnaît :

      Autrement dit, qui peut prétendre subvenir à ses besoins, vivre substantiellement de sa production ? S’il existe quelques personnes ou communautés d’Europe de l’Ouest qui y parviennent, je serais ravi, sinon de les rencontrer, du moins d’entendre de quelle manière elles s’y prennent. De ce point de vue, il n’est pas nécessaire de partager les orientations politiques du courant survivaliste pour souscrire au tragique de ses analyses.

      ... comme si le but c’était de vivre de sa propre production. Bien-sûr ce but est évident pour le survivaliste puisqu’il se prépare à une rupture d’approvisionnement généralisé. Mais pour les révolutionnaires ?

    • ... Il y a quand même des erreurs dans le texte de Nicolas Gey. Il parle de la nécessité de produire annuellement 10 tonnes de céréales et 1 tonne d’oléagineux s’il ont est 10... il a confondu tonne et quintal.
      C’est donc, pour 10 personnes, 10 quintaux de céréales, soit 1 tonne, et 1 quintal d’oléagineux, soit 100 kg.

  • Le débat sur l’énergie électrique porte souvent sur le type de production (nucléaire, fossile, renouvelable) mais reste dans un angle mort sur la dimension marchande et capitaliste du système électrique.

    Le réseau électrique est géré comme devant répondre à toute demande solvable d’électricité, sans discussion.

    ► brochure à imprimer (PDF) :
    https://docdro.id/m0CKkXT

    #réseau-électrique #batteries-électriques #pfas #perfluorés #fluoropolymères #arkema #critique_de_la_société_marchande #post-monétaire

  • Les « polluants éternels » que sont les PFAS ne sont pas les premières nuisances engendrées par l’industrie.

    Toutefois, leur ampleur a de quoi frapper l’imagination. Toute la planète, l’air, l’eau, la terre, les êtres vivants, leurs organes sont concernés.

    Dans un premier temps, c’est évidemment l’impuissance qui parle et chacun est renvoyé aux micro-décisions d’évitement de cette terrible réalité (dois-je boire cette eau ? Dois-je manger ces œufs ? Dois arroser avec cette eau ?). Puis, le quotidien reprend ses droits car on ne va pas s’arrêter de boire et de manger. Jusqu’à considérer avec détachement ce qui peut apparaître comme inévitable et dont il n’y a pas grand-chose à en dire.

    Dans un deuxième temps, c’est une tout autre démarche qui peut, on peut l’espérer, s’imposer. Comment ces pollutions scandaleuses sont-elles possibles ? Quelles en sont les causes profondes, essentielles ?

    Pourquoi y a-t-il autant de pollutions ?

    ► brochure à imprimer (PDF) :
    https://docdro.id/ifKth0Z

    #pfas #perfluorés #pollution #arkema #fluoropolymères #critique_de_la_société_marchande #post-monétaire

  • Pendant que le pouvoir dénonce les jeux vidéo et les réseaux sociaux – parce que les gamins des cités… –, les syndicats de fachos postent leurs saloperies, la cagnotte en soutien à l’assassin bat des records, et le gouvernement ne réagit pas (ce serait tellement « 90s »…).

    Depuis les années 90 les gouvernements détruisent les usages progressistes des réseaux au nom de la lutte contre les pédonazis, avec pour seul effet de laisser les nazis folâtrer en toute liberté sur les interwebz.

  • audiences de comparutions immédiates des personnes arrêtées à Marseille ces derniers jours
    https://threadreaderapp.com/thread/1675864605703254016.html

    En train d’assister aux audiences de comparutions immédiates des personnes arrêtées à #Marseille ces derniers jours. Une #justice expéditive. 15 mins à peine pour revenir sur des faits, un parcours de vie, le contexte général. Les peines requises puis prononcées sont lourdes.

    Gros incident d’audience. La prise de parole virulente de l’avocat de la Métropole (partie civile) entraîne des réactions du public présent dans la salle. La présidente fait immédiatement évacuer tout le public par les forces de l’ordre. L’audience continue donc à huis clos.

    Les premières peines tombent : 4 mois de prison ferme pour une jeune femme de 19 ans rentrée dans le magasin Snipes sans avoir rien pris ; 1 an ferme pour des vols au Monoprix ; 10 mois ferme pour un étudiant malien en Master à Aix pour le vol de deux pantalons chez Hugo Boss.

    La Procureure fait des réquisitions d’ordre très général. Elle demande à chaque fois de la #prison ferme « pour l’exemple ». Mais les faits jugés ne sont pas exemplaires mais terriblement communs (un pantalon, une paire de lunettes..). Aucune des personnes poursuivies n’a de casier
    Les audiences se poursuivent. 3 hommes (sans casier) poursuivis pour recel. Ils ont ramassé des pantalons Hugo Boss devant le magasin après qu’il ait été pillé. Les vidéos montrent que les 3 ne sont pas entrés dans le magasin. La Procureure demande de la prison ferme.

    [...]

    Un homme (31 ans) poursuivi pour avoir jeté une pierre en direction d’une zone où il y avait des policiers. Il est reconnu une heure après par un policier et a reconnu tout de suite être l’auteur du jet. Il est placé en GAV puis incarcéré. Il souffre de graves problèmes de santé

  • [03] Un jour, une archive - 3 juillet : La Méditerranée, plus loin que l’horizon

    Philippe Rekacewicz
    La Méditerranée, plus loin que l’horizon – mai 2014
    https://visionscarto.net/la-mediterranee-plus-loin

    Drôle d’expression que le « dialogue euro-méditerranée », qui laisse entendre que l’Europe ne dialogue qu’avec la mer. Les liens sont pourtant beaucoup plus resserrés, comme le montre ces trois visions cartographiques

    Oui, les mots sont importants. Un collègue journaliste syrien racontait, il y a quatre ou cinq ans, qu’à chaque fois qu’il entendait ses interlocuteurs lui parler du « dialogue euro-méditerranée », ça le faisait bien marrer d’imaginer l’Europe dialoguant avec la mer. Expression bien symbolique des « termes de l’échange » que propose le nord envers ses voisins du sud : le Maghreb, le Machrek ou le Proche-Orient, c’est en gros la Méditerranée. Pas la peine de faire dans le détail. C’est peut-être cette conversation qui a suscité l’envie de créer la trilogie cartographique présentée ici, pour essayer de donner une autre vision.