• La suppression du droit du sol à Mayotte, une mesure voulue par l’extrême droite aux conséquences incertaines
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    La suppression du droit du sol à Mayotte, une mesure voulue par l’extrême droite aux conséquences incertaines
    Julia Pascual
    Deux semaines à peine après la promulgation de la loi « immigration », qui avait notamment consacré, avant une censure du Conseil constitutionnel, la remise en cause du droit de la nationalité ou encore la préférence nationale, l’exécutif choisit de relancer le débat autour du droit du sol. A Mayotte, dimanche 11 février, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a tout bonnement promis de le supprimer dans ce département de l’océan Indien, par le biais d’une réforme constitutionnelle.
    Début février, le ministre avait déjà dit son souhait de durcir le droit du sol à Mayotte après qu’une disposition de la loi « immigration » sur ce point avait été censurée par le Conseil constitutionnel, le 25 janvier pour des raisons de forme. Ajoutée par la droite sénatoriale, elle prévoyait que, pour devenir français à sa majorité, un enfant né à Mayotte soit tenu de prouver qu’un de ses deux parents se trouvait en situation régulière « plus d’un an avant [sa] naissance ».
    Cette mesure durcissait le régime dérogatoire unique déjà instauré en 2018 par la loi Collomb, la première loi relative à l’immigration sous la présidence d’Emmanuel Macron. Depuis lors, l’enfant né sur l’archipel doit justifier qu’un de ses parents était en situation régulière depuis au moins trois mois avant sa naissance pour espérer devenir français à sa majorité ou par déclaration anticipée à partir de ses 13 ans.
    Sur le reste du territoire français, le principe du droit du sol fait qu’un enfant né en France de parents étrangers devient français de façon automatique à sa majorité, ou par déclaration anticipée s’il a résidé sur le territoire cinq ans depuis l’âge de 11 ans. En 2021, selon l’Insee, quelque 35 000 personnes ont obtenu la nationalité française selon ce droit.Pour M. Darmanin, interviewé sur Mayotte La 1re, la suppression du droit du sol à Mayotte constituerait « une grande résolution [des] problèmes ». Le département le plus pauvre de France est affecté par un phénomène d’insécurité, d’habitat insalubre et de saturation des services publics, notamment de santé et d’éducation. Près de la moitié de la population – estimée à plus de 300 000 habitants – est étrangère, principalement issue des îles comoriennes voisines.
    Le ministère de l’intérieur ambitionne de « diminuer de 90 % le nombre de titres de séjour ». Selon l’hypothèse suivante : si les enfants de parents étrangers ne peuvent plus devenir français, alors leurs parents ne pourront plus obtenir un titre de séjour de parent d’enfant français. Et donc l’intérêt pour eux de migrer à Mayotte sera nul. « Sur 4 000 titres de séjour délivrés chaque année, plus de 3 600 sont délivrés pour motif familial, en particulier en tant que “membres de famille de Français” », assure l’entourage de M. Darmanin.
    Si le calendrier reste à connaître, le principe d’une révision constitutionnelle est posé. « Le besoin de réforme constitutionnelle a été évalué à partir des avis rendus par le Conseil d’Etat à l’occasion de la précédente réforme du droit du sol à Mayotte », argumente la Place Beauvau. Un point qui fait débat.
    Au moment de la loi Collomb, « ni le Conseil d’Etat ni le Conseil constitutionnel n’ont dit qu’il y avait un risque d’inconstitutionnalité si l’on supprimait le droit du sol [à Mayotte] », rappelle Jules Lepoutre, professeur de droit public à l’université Côte d’Azur. Dans une décision de septembre 2018, le Conseil constitutionnel avait jugé que la différence de traitement apportée par la loi Collomb était conforme à la Constitution – et en particulier aux principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi –, compte tenu des caractéristiques particulières de l’archipel, confronté à des flux migratoires importants. Jules Lepoutre pense toutefois qu’une loi ordinaire serait « probablement inconstitutionnelle », car elle pourrait être vue comme une « atteinte disproportionnée à l’indivisibilité de la République et du territoire », ou encore parce que le juge constitutionnel pourrait à l’occasion « reconnaître la valeur constitutionnelle du droit du sol, car il est consubstantiel à notre régime républicain puisqu’il est appliqué sans discontinuité depuis la Révolution ». Saisi sur une suppression de l’automaticité du droit du sol en 1993 à l’occasion de la loi Pasqua-Méhaignerie, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, avait d’ailleurs déclaré lors des délibérations : « Si le législateur avait supprimé le jus soli [droit du sol], la question [de savoir s’il est un principe fondamental reconnu par les lois de la République] se poserait bien. Mais ici, il s’agit simplement d’en adapter certaines modalités. »
    En optant pour une révision constitutionnelle, « le ministre de l’intérieur peut vouloir neutraliser une éventuelle précision de jurisprudence », suppose Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université Toulouse-Capitole. L’adoption d’un projet de loi constitutionnel n’est cependant pas évidente. Le texte doit être voté en des termes identiques par les deux chambres, après quoi le chef de l’Etat peut le faire adopter par référendum ou par une majorité des trois cinquièmes du Congrès.La loi « immigration » a illustré les difficultés du gouvernement à réunir une majorité parlementaire – il a essuyé une motion de rejet à l’Assemblée nationale et a obtenu un vote au prix de dispositions anticonstitutionnelles et du concours des voix du Rassemblement national (RN). Une réforme constitutionnelle sur l’immigration apparaît à tout le moins compliquée. (...)
    « Le gouvernement annonce quelque chose qui est au programme du RN, qui va lui apporter un répit politique mais qui va enflammer de nouveau le pays sur le sujet de l’immigration et qui ne résout rien sur le terrain », étrille l’historien Patrick Weil. Les conséquences de la réforme sont loin d’être évidentes. « Il reste à prouver que les Comoriens se disent “on va à Mayotte, on fait un enfant, on attend ses 13 ans et à ce moment-là on obtient un titre de séjour en tant que parent d’enfant français” », souligne Jules Lepoutre, tandis qu’il est certain que le PIB par habitant est sept fois plus élevé dans le 101e département français qu’aux Comores. De fait, l’impact de la réforme de 2018 sur les flux irréguliers reste à démontrer. Au ministère de l’intérieur, on assure que la loi Collomb a déjà permis de « diviser par trois le nombre d’obtentions de la nationalité » par déclaration anticipée, passé de 2 800 en 2018 à 799 en 2022. Mais « on ne fait que fabriquer de l’étranger, dénonce l’avocate Marjane Ghaem, qui a officié au barreau de Mayotte entre 2012 et 2020. Cela va précariser des jeunes qui seront privés de l’accès la nationalité. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#mayotte#droitdusol#constitution#droit#nationalite#fluxmigratoire#politiquemigratoire#sante

  • Au Royaume-Uni, un rapport parlementaire étrille le projet de loi qui permet l’expulsion de migrants vers le Rwanda
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    Au Royaume-Uni, un rapport parlementaire étrille le projet de loi qui permet l’expulsion de migrants vers le Rwanda
    Le Monde avec AFP
    Considéré par le gouvernement britannique comme le socle de sa politique migratoire, le projet de loi visant à expulser les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda a été sévèrement critiqué par une commission parlementaire, lundi 12 février.Celle-ci, composée de douze membres travaillistes et conservateurs de la Chambre des communes et de la Chambre des lords, a jugé dans un rapport que ce texte est « fondamentalement incompatible » avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droits humains.
    Le projet de loi a été rédigé en réponse à la Cour suprême britannique qui a jugé illégal en novembre 2023 d’envoyer des migrants au Rwanda où leurs demandes d’asile seraient évaluées. Pour les hauts magistrats, le pays ne pouvait être considéré comme sûr pour les clandestins. Pour répondre à ce camouflet juridique, le gouvernement britannique avait signé un nouveau traité avec Kigali en décembre 2023 afin de garantir « entre autres que le Rwanda n’expulsera pas vers un autre pays les personnes transférées dans le cadre du partenariat », avait alors assuré le ministère de l’intérieur britannique. Le gouvernement avait également annoncé la présentation d’une « législation d’urgence » pour désigner le Rwanda comme un pays sûr.
    C’est ce projet de loi qui a été étrillé lundi par la commission parlementaire. Dans son rapport, cette dernière s’inquiète ainsi de « l’obligation pour les tribunaux de considérer le Rwanda comme un pays “sûr” et de la limitation de l’accès aux tribunaux pour faire appel des décisions ». De plus, il n’est « pas clair », selon elle, que les migrants expulsés vers le Rwanda puissent avoir « la garantie » de ne pas être envoyés dans un pays où ils pourraient être persécutés.
    « Les droits humains sont universels », souligne la commission parlementaire. Mais le projet de loi « porte atteinte à ce principe essentiel en refusant à un groupe particulier [les migrants expulsés] les protections garanties par la loi sur les droits humains ». Avec ce projet, des organismes publics seraient « autorisés à agir en violation de la Convention européenne des droits de l’homme », alerte la commission.
    Qualifiant ce projet de « priorité nationale urgente », le premier ministre britannique, Rishi Sunak, souhaite par ce biais dissuader les migrants de traverser la Manche sur des embarcations de fortune – près de 30 000 personnes sont arrivées par ce moyen sur les côtes britanniques en 2023.Malgré de nombreuses critiques au Royaume-Uni – le projet divise même au sein du parti conservateur de M. Sunak –, le gouvernement est parvenu à faire adopter son texte en janvier par la Chambre des communes en récoltant 320 votes pour et 276 contre. Alors qu’il est débattu actuellement à la Chambre des lords, le Labour, mené par Keir Starmer, a d’ores et déjà promis de l’abroger s’il arrive au pouvoir après les législatives, prévues en l’état à l’automne.

    #Covid-19#migration#migrant#royaumeuni#manche#traversee#droit#asile#politiquemigratoire#payssur#rwanda#sante

  • À propos du projet « Écologies incarnées »
    https://visionscarto.net/projet-ecologies-incarnees

    Le projet « Écologies incarnées » est une grande enquête collaborative qui explore la manière dont le corps humain interagit dans la vie quotidienne avec une multiplicité de produits toxiques, et comment les gens perçoivent, comprennent cette exposition, et enfin, agissent pour tenter de la réduire, compte tenu du fait que nous vivons dans un monde inégalement pollué. par Tait Mandler Anthropologue, enseignant chercheur à l’Université de Wageningen (Pays-Bas) Traduction de l’anglais et (...) #Embodied_ecologies

  • Un médecin du travail jugé trop conciliant avec des salariés a été sanctionné
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/080224/un-medecin-du-travail-juge-trop-conciliant-avec-des-salaries-ete-sanctionn

    Jean-Louis Zylberberg a été lourdement sanctionné par l’Ordre pour avoir délivré des certificats d’inaptitude à six salariés de la même entreprise. Leur patron jugeait qu’il s’agissait d’avis « de complaisance ». L’affaire repose le débat autour du secret médical dans le monde du travail.
    [...]
    Pour la CGT, syndicat auquel appartient le médecin sanctionné, c’est au contraire une « attaque inconcevable à l’encontre de l’autonomie d’exercice des médecins et, à terme, dangereuse pour la santé des salarié·es ». Dans un communiqué de soutien, l’organisation insiste : « Les intérêts des salarié·es et la protection de leur santé ne peuvent pas être bafoués par les intérêts économiques du patronat. » Sollicité par Mediapart, le conseil de l’ordre des médecins n’a pas donné suite.

    Depuis 2007, tout employeur peut attaquer un médecin auprès de l’Ordre « dès lors qu’il est lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établie ». Avant cette date, seuls les patient·es, assurances, la Sécurité sociale ou des associations de malades pouvaient introduire une plainte disciplinaire. Mais un mot, ajouté dans un article du Code de la santé publique, a tout changé. L’adverbe « notamment » a été accolé à la liste des plaignant·es potentiel·les.

    « Les employeurs se sont engouffrés dans la brèche », déplore le député insoumis François Ruffin, qui a adressé une question écrite fin décembre 2023 au ministre du travail, à la suite de la convocation du docteur Zylberberg. « De plus en plus de médecins doivent faire face à des sanctions disciplinaires pour avoir simplement fait leur travail : tenter de protéger la santé des salariés », ajoute l’élu LFI dans son texte. La CGT abonde et demande, dans son communiqué, que « l’État prenne ses pleines responsabilités, en retirant le terme “notamment” […] du Code de la santé publique » afin de garantir « l’indépendance et la protection de la médecine du travail ».

    Les certificats et attestations faisant le lien entre la santé physique ou mentale et le travail sont dans la ligne de mire des employeurs. L’association Santé et médecine du travail (a-SMT), présidée par Jean-Louis Zylberberg, estime que deux cent plaintes sont ainsi portées chaque année contre des praticien·nes, dont la moitié concernerait les médecins du travail.
    [...]
    Le secret médical est ici une question centrale. « Il est inadmissible qu’un·e médecin ait à choisir entre violer le secret médical en divulguant des informations sur le/la patient·e ou renoncer à se défendre et à avoir un procès équitable », tempête la CGT. Dominique Huez, de l’association Santé et médecine du travail, abonde : « Dans le cas du docteur Zylberberg, des avis d’inaptitude sont pointés. Or, il nous est interdit de parler de la santé du patient sur ces certificats car ils sont transmis à l’employeur et cela briserait le secret médical ! »
    [...]
    Le docteur Zylberberg ajoute : « La parole des salariés est gommée. Personne ne les entend alors que ce sont les seuls qui peuvent parler. Mais le principe du contradictoire ne fait pas partie de la procédure », ironise-t-il.

    #santé #travail #santé_au_travail #médecine_du_travail

  • Royaume-Uni : un rapport s’alarme de la détention illimitée des migrants en attente de leur expulsion - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55111/royaumeuni--un-rapport-salarme-de-la-detention-illimitee-des-migrants-

    Royaume-Uni : un rapport s’alarme de la détention illimitée des migrants en attente de leur expulsion
    Par Leslie Carretero Publié le : 09/02/2024
    Un rapport publié jeudi par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) alerte sur la détention illimitée au Royaume-Uni de migrants en attente de leur expulsion - et s’alarme des conséquences sur leur santé mentale. Certains étrangers ont ainsi passé plusieurs années en centre de rétention britannique, alors même que leur renvoi dans leur pays d’origine était impossible.
    Nouvelle charge contre la politique migratoire du Royaume-Uni. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a rendu public jeudi 8 février ses conclusions sur les conditions d’enfermement des migrants dans les centres de rétention britanniques (IRC, pour immigration removal centre). L’institution soulève une série d’"inquiétudes" quant à la prise en charge des étrangers retenus dans ces structures « semblables à des prisons ».
    Le rapport fait suite à des visites dans plusieurs lieux en mars et avril 2023, notamment à l’IRC de Brook House (près de l’aéroport de Gatwick), celui de Colnbrook (près de l’aéroport d’Heathrow) ou encore de Derwentside (près de Newcastle dans le nord de l’Angleterre).
    Les inspecteurs se montrent particulièrement préoccupés par la détention illimitée des exilés aux Royaume-Uni. Un Somalien a par exemple été enfermé pendant plus de quatre ans dans le centre de Colnbrook, dans l’attente de son expulsion. Parmi ceux ayant quitté les IRC au cours des premiers mois de 2023, 30 personnes étaient détenues depuis un à deux ans et cinq depuis deux à quatre ans.
    Et ce alors que la plupart des étrangers enfermés proviennent de pays sans possibilité de retour dans un avenir proche, comme l’Afghanistan, l’Érythrée ou la Somalie. « Le fait même qu’il n’y ait pas de durée maximale de détention des migrants au Royaume-Uni et que les personnes puissent être détenues pendant plusieurs années est un élément déclencheur de trouble mentaux », signale le CPT.
    Dans les IRC d’Heathrow, d’Harmondsworth et de Colnbrook, le comité a relevé 18 cas d’automutilation pour le seul mois de mars 2023. Un exilé s’est mutilé à trois reprises malgré une surveillance accrue, puis s’est suicidé dans sa cellule. Le personnel médical a de son côté fait part de son impuissance dans le traitement des maladies mentales. Selon les équipes de santé, certains patients ne peuvent pas être soignés correctement dans ces structures, et devraient être transférés dans des hôpitaux psychiatriques.
    Aussi, le rapport exhorte les autorités à « libérer la personne lorsqu’il est établi que la rétention est préjudiciable pour celle-ci et qu’il n’y a pas de perspective imminente d’éloignement ». Les inspecteurs réitèrent leur demande d’introduire un délai de détention maximale.
    En réponse, les autorités britanniques ont publié un document de 17 pages dans lequel elles contestent les conclusions de CPT. « Le gouvernement britannique ne reconnaît pas une grande partie du contenu de ce rapport et estime qu’il ne reflète pas fidèlement le travail important que nous entreprenons pour garantir la sécurité et le bien-être des personnes dont nous avons la charge ».
    Mais le CPT ne s’arrête pas là. Il s’inquiète également de l’utilisation de la force dans les centres de rétention britanniques. Au cours des trois premiers mois de l’année 2023, le personnel de Brook House a eu recours à la force à 78 reprises, et une vingtaine de fois dans ceux d’Heathrow, Colnbrook et Harmondsworth.
    Dans certains cas, des femmes vulnérables ont été menottées à leur lit au moment de leur transfert vers un hôpital. Une pratique jugée « excessive et humiliante », et qui « n’est pas nécessaire lorsqu’une femme est escortée par au moins deux membres du personnel ».
    Une autre pratique est pointée du doigt dans le rapport : celle qui consiste à enfermer des étrangers dans des prisons. Cette dernière « n’est pas conçue pour la détention administrative », rappellent les inspecteurs.
    Dans ces lieux de privation de liberté, les exilés sont incarcérés avec des prisonniers de droit commun, potentiellement dangereux. De plus, les migrants n’ont pas accès aux services administratifs qui pourraient les aider dans l’obtention d’un titre de séjour. Ces personnes sont « clairement désavantagées dans l’exercice de leurs droits » comme l’assistance juridique ou le contact avec le monde extérieur. Enfermer un migrant 23 heures sur 24 « sur des périodes prolongées » dans « des conditions déplorables, avec peu de chances d’être expulsé pourrait constituer un traitement inhumain et dégradant », averti le CPT.Certains étrangers ayant commis un délit sont en outre maintenus en prison, même après avoir purgé leur peine, au lieu d’être transférés dans un centre de rétention.
    Autant d’observations qui ulcèrent les associations, déjà très critiques ces dernières années à l’égard de la politique britannique. Sile Reynolds, responsable de la défense du droit d’asile à l’ONG Freedom from torture évoque « une cruauté institutionnalisée croissante envers les demandeurs d’asile et autres migrants marginalisés » Quant à Steve Smith, de Care4Calais, cité par The Independent, il estime que « le gouvernement devrait prendre conscience du fait que le système de détention du Royaume-Uni détruit des vies ». Selon lui, il faut « introduire des alternatives humaines, et non chercher à étendre massivement le système cruel actuel ».Le projet de loi qui prévoit d’expulser au Rwanda les demandeurs d’asile arrivés de manière irrégulière au Royaume-Uni en est une autre démonstration, d’après les humanitaires. Il poste question pour le Comité européen pour la prévention de la torture.
    Ce « projet de loi (…) soulève de multiples préoccupations sur le traitement des personnes vulnérables et le renvoi de ressortissants étrangers vers un pays où ils pourraient être exposés à des traitements contraires à l’article 3 de la [Convention européenne des droits de l’Homme] » relatif aux traitements inhumains et dégradants, déclarent les rapporteurs.

    #Covid-19#migrant#migration#royaumeuni#migrationirreguliere#detention#sante#santementale#CPT#droit

  • Tunisie : 13 morts et 27 disparus soudanais dans le naufrage d’un bateau en métal au large de Sfax - InfoMigrants
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    Actualités Tunisie : 13 morts et 27 disparus soudanais dans le naufrage d’un bateau en métal au large de Sfax
    Par La rédaction Publié le : 08/02/2024
    Au moins 13 migrants sont morts jeudi dans le naufrage de leur embarcation partie de Sfax, en Tunisie. Les victimes sont toutes soudanaises et possédaient des cartes de demandeurs d’asile du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).Treize migrants soudanais sont morts et vingt-sept sont portés disparus après le naufrage jeudi 8 février 2024 de leur embarcation en fer partie clandestinement de la côte tunisienne près de Sfax, a indiqué Farid Ben Jha, porte-parole de tribunal de Monastir.
    Au total, 42 Soudanais se trouvaient sur une embarcation de fortune partie du littoral de Jebiniana, près de Sfax (centre-est), selon le récit aux autorités des deux uniques survivants du naufrage. Des opérations sont en cours pour tenter de retrouver d’autres naufragés, a assuré Farid Ben Jha.
    Tous des hommes et ressortissants soudanais, les victimes possédaient des cartes de demandeurs d’asile délivrées par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) en Tunisie. Ces personnes avaient embarqué sur un bateau de métal très fragile, fait de morceaux de ferraille soudés à la va-vite, selon les premiers éléments recueillis. De nombreux Soudanais, ayant fui leur pays et la Libye voisine, vivent en Tunisie, notamment vers Médenine et Sfax, dans des conditions précaires, malgré la protection - ou demande de protection - du HCR. Tunis n’a pas de politique d’asile et ne s’est donc pas doté d’un cadre légal national nécessaire à la prise en charge des étrangers. Les questions de protection sont donc déléguées au HCR. Mais en l’absence d’une politique d’intégration, beaucoup de Soudanais survivent dans la rue, sur les chantiers, sans perspectives économiques et professionnelles.
    Une enquête a été ouverte pour déterminer les responsabilités de ce naufrage, a détaillé Farid Ben Jha, n’excluant pas la probabilité que ces migrants aient été « exploités dans une affaire de traite humaine ou dans la formation d’un groupe criminel pour rallier clandestinement l’Europe ».
    La Tunisie est, avec la Libye, le principal point de départ pour des milliers de migrants qui cherchent à rejoindre clandestinement l’Europe. Les premières côtes italiennes dont l’île de Lampedusa sont situées à moins de 150 km de la région de Sfax.
    Sur toute l’année 2023, le nombre de candidats à l’émigration clandestine interceptés par les autorités tunisiennes s’était établi à 70 000 personnes, soit plus du double pour la même période l’année précédente, selon des statistiques du porte-parole de la Garde nationale. Dans le détail, plus de 54 000 candidats étaient des étrangers, en majorité des ressortissants d’Afrique subsaharienne, et le reste des Tunisiens (plus de 15 000).
    Ces départs de Noirs vers l’Europe ont connu une accélération en Tunisie après un discours fin février du président Kaïs Saïed, dénonçant l’arrivée « de hordes de migrants clandestins » qu’il avait présentés comme une menace démographique pour son pays.
    Des Tunisiens sont aussi concernés par ces départs et ces drames. Deux jeunes de 16 et 17 ans sont morts, après avoir passé près de 8h dans le conteneur frigorifique d’un navire en partance pour l’Italie au mois de janvier. Des opérations de recherche avaient aussi été lancées en Méditerranée pour tenter de retrouver une quarantaine de migrants tunisiens qui avaient tenté la traversée vers l’Italie dans la nuit du 10 au 11 janvier. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 2 270 personnes sont mortes en 2023 en Méditerranée centrale en tentant de rallier clandestinement l’Europe, soit 60 % de plus que l’année précédente.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#mediterranee#routemigratoire#sfax#migrationirreguliere#traversee#mortalite#sante

  • En Allemagne, la nouvelle loi sur la citoyenneté assouplit les règles de naturalisation - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55022/en-allemagne-la-nouvelle-loi-sur-la-citoyennete-assouplit-les-regles-d

    Actualités
    En Allemagne, la nouvelle loi sur la citoyenneté assouplit les règles de naturalisation
    Par Anwar Ashraf Publié le : 09/02/2024
    Avec la nouvelle loi sur la citoyenneté, il sera plus facile d’obtenir un passeport allemand. Les enfants nés en Allemagne pourront aussi acquérir automatiquement la nationalité si l’un de leurs parents a vécu légalement dans le pays pendant cinq ans, contre huit ans actuellement. InfoMigrants fait le point.
    La chambre basse du Parlement allemand, le Bundestag, a récemment donné son feu vers à l’assouplissement des règles de naturalisation ainsi qu’à élargissement de l’accès à la double nationalité. Alors que le pays fait face à une très importante pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement cherche à rendre l’Allemagne plus attractive pour attirer des travailleurs qualifiés étrangers.
    Les étrangers vivant en Allemagne pourront demander un passeport allemand au bout de cinq ans de résidence, contre huit auparavant. Lorsqu’une personne est considéré comme « exceptionnellement bien intégrée », elle pourra obtenir la nationalité allemande au bout de trois ans. Reem Alabali-Radovan, ministre d’État chargée des Migrations, des réfugiés et de l’intégration, vante « des lois qui permettent l’égalité des chances et la participation de tous. Avec un état d’esprit qui ne nous divise pas, mais qui, au contraire, consacre la diversité et l’ouverture ».
    En Allemagne, environ 14 % de la population, soit plus de 12 millions de personnes, possède un passeport étranger. Près de la moitié d’entre elles vivent en Allemagne depuis plus de dix ans. Le taux de naturalisation du pays est bien inférieur à la moyenne de l’UE. En vertu de la nouvelle loi, les étrangers pourront demander la nationalité allemande tout en conservant leur nationalité actuelle, peu importe leur pays d’origine. Auparavant, la double nationalité en Allemagne n’était possible que pour des ressortissants d’États membres de l’Union européenne et une poignée de pays tiers.
    « Nous reconnaissons enfin les réalités de la vie de millions de personnes ayant un passé migratoire en termes d’appartenance et de patrie, ce qui est également possible au pluriel. Nous créons la possibilité d’une double citoyenneté pour tous. Deux passeports. C’est la chose la plus normale au monde en 2024 et c’est depuis longtemps une réalité dans de nombreux pays », a déclaré Reem Alabali-Radovan.
    Interrogé par InfoMigrants, un porte-parole du ministère allemand de l’Intérieur note que la possibilité pour une personne de conserver ou non sa nationalité dépend de son pays d’origine. « La question de savoir si la nationalité du pays d’origine peut être conservée en cas d’acquisition de la nationalité allemande dépend exclusivement de la législation nationale du pays d’origine », assure-t-il.Les enfants nés en Allemagne obtiendront automatiquement la citoyenneté si l’un de leurs parents a vécu légalement en Allemagne pendant cinq ans. Actuellement, ce délai est de huit ans.
    Il est également important de noter que la citoyenneté ne sera accordée qu’aux personnes capables de subvenir à leurs besoins et aux personnes à leur charge, sans devoir dépendre d’aides sociales.
    Le cas des « Gastarbeiter » Les ressortissants étrangers qui sont arrivés dans les années 50 et 60 pour travailler en Allemagne et reconstruire le pays après la guerre sont appelés Gastarbeiter.
    Pour eux, les test de langue et le niveau B1 ne sont plus une condition d’accès à la nationalité. Comme le précise le portail d’information sur la migration en Allemagne Mediendienst Integration, "il suffira qu’ils puissent communiquer en allemand à l’oral sans problèmes notables dans la vie de tous les jours. Il s’agit ainsi de rendre hommage aux accomplissements de cette génération, pour laquelle il n’existait pas encore de cours de langue à l’époque. L’obligation de passer un test de naturalisation est également supprimée. Cette règle s’appliquera également aux travailleurs invités de l’ex-RDA."Les Gastarbeiter ne sont pas non plus concernés par l’obligation de ne pas toucher de prestations sociales pour pouvoir obtenir la nationalité allemande.
    Un demandeur ne doit pas avoir de casier judiciaire. Les délits mineurs ne font généralement pas obstacle à l’obtention de la citoyenneté.Les personnes condamnées pour des actes antisémites ou racistes ne pourront pas bénéficier de la procédure de naturalisation, quelle que soit la peine prononcée contre elles.
    La loi a déjà été adoptée par le Bundestag, la chambre basse du parlement allemand. Les formalités devraient être achevées avant l’été, après quoi le texte entrera en vigueur.

    #Covid-19#migrant#migration#allemagne#passeport#naturalisation#gastarbeiter#doublenationalite#citoyennete#sante

  • Evacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion : la Cimade dénonce une obsession du contrôle migratoire
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/07/evacuations-sanitaires-entre-mayotte-et-la-reunion-la-cimade-denonce-une-obs

    Evacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion : la Cimade dénonce une obsession du contrôle migratoire
    Par Jérôme Talpin (Saint-Denis (La Réunion), correspondant)
    Peur d’une « filière d’immigration sanitaire », « confusion du soin et du contrôle migratoire »… Dans un rapport sur les évacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion, publié mercredi 7 février, la Cimade critique vivement des « atteintes aux droits fondamentaux » pour des personnes étrangères malades et leurs enfants, tout au long de leur parcours de soins entre les deux départements français de l’océan Indien, distants de 1 500 kilomètres. Un document qui s’inscrit dans le contexte de blocage du territoire mahorais, où près d’un millier de personnes ont manifesté, mardi, contre l’insécurité et l’immigration.
    En 2022, près de 1 600 malades ou accidentés ont été évacués de Mayotte – où ils ne peuvent être soignés en raison du « sous-dimensionnement du système de soins » et d’un manque de personnel – vers La Réunion, où le CHU dispose d’un plateau technique de pointe. Parmi eux, un tiers de mineurs et 51 % d’étrangers, la plupart originaires des Comores. Certains possèdent un titre de séjour valable uniquement pour Mayotte, d’autres sont sans papiers.
    Le rapport est intitulé « Soigner, séparer, précariser » pour bien marquer les contradictions d’une action sanitaire d’entraide qui aboutit dans certains cas documentés à « séparer durablement des familles sur le territoire français, et plonger des personnes dans une précarité d’autant plus violente que les pathologies sont graves ».
    L’association défendant les droits des personnes migrantes et réfugiées fustige avant tout un cadre réglementaire comportant de « nombreuses zones d’ombre », ainsi que « des pratiques médicales et administratives largement influencées par un contexte régional très hostile à l’immigration comorienne et par l’existence d’un droit dérogatoire restreignant fortement les droits des personnes étrangères vivant à Mayotte ».
    Selon la Cimade, les personnes étrangères qui arrivent dans les services du centre hospitalier de Mayotte (CHM) présentent un « état de santé déjà dégradé, ce qui complexifie encore leur prise en charge ». Les raisons principales de leur renoncement à des soins : l’absence à Mayotte de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers en situation irrégulière, la peur pour ces personnes de se faire interpeller en se déplaçant pour une consultation.
    Loin de constituer « une opportunité de migrer durablement vers La Réunion ou même l’Hexagone », ces transferts en avion, parfois opérés en urgence, sont « sources d’angoisses et d’arrachement », insiste l’association, pour balayer « le fantasme de l’appel d’air via la procédure d’Evasan [évacuation sanitaire] ». « Faire accepter l’Evasan aux patients est, au contraire, une difficulté majeure, certaines personnes étant même prêtes à renoncer aux soins pour l’éviter », relève La Cimade. Le rapport déplore également des cas de manque d’information aux patients, parfois allophones, sur leur pathologie, leur parcours de soins, voire leur destination.
    En raison d’un « sentiment anticomorien » à Mayotte, La Cimade relève des « pratiques de filtrage des Evasan observées à différents niveaux de la chaîne hospitalière » pour des étrangers « subjectivement jugés comme présentant un risque de fugue ». Dans l’autre sens, l’association évoque « des retours précoces » pour éviter une installation à La Réunion.
    Autre critique de La Cimade : « Le piétinement des liens familiaux » en raison d’une « obsession pour le contrôle des personnes étrangères installées à Mayotte ». Selon une praticienne du CHM, la principale difficulté reste toutefois le manque de solutions d’hébergement à La Réunion pour des parents. En 2020, sur 330 mineurs partis en Evasan, 184 étaient non accompagnés par un parent, dont 102 non affiliés à la Sécurité sociale, note le rapport.
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    La Cimade dénonce également des « stigmates de l’Evasan » pour les « quelques dizaines de personnes étrangères qui restent chaque année à La Réunion ». Les dispositions dérogatoires à Mayotte et plus restrictives pour les étrangers « entravent durablement la sortie de précarité de ces personnes, confrontées à une multitude d’obstacles pour obtenir un titre de séjour, un hébergement, accéder aux soins et à une protection sociale ».
    Selon un travail social du CHU de La Réunion entendu par La Cimade, « les personnes en Evasan sont le public le plus précaire que j’ai pu rencontrer, puisque ces personnes n’ont accès à rien ». Battant en brèche une idée reçue, l’association rappelle que près de 97 % des personnes repartent, à l’issue d’une Evasan, à Mayotte, où se trouvent leur famille et leurs attaches.Enfin, La Cimade estime que beaucoup de retours sont mal préparés en raison « de l’absence d’accompagnement à Mayotte et les conditions et de vie sur place ». Auditionnée pour le rapport, la coordinatrice régionale de Médecins du monde océan Indien, Delphine Chauvière, explique, en parlant des étrangers : « Concrètement, à la descente de l’avion, une ambulance amène la personne au CHM, où on lui dit “l’Evasan est finie, merci et au revoir” ». Contactée, la direction du CHM assure n’avoir « jamais été interrogée » par La Cimade dans le cadre de ce rapport, et « de ce fait » n’entend pas répondre « à ce rapport à charge ». Le CHU de La Réunion n’a, de son côté, pas souhaité « faire de commentaire ».

    #Covid-19#migration#migrant#france#lareunion#mayotte#sante#lacimade#mdm#systemesante#droit#etranger

  • En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/07/en-italie-le-suicide-d-un-jeune-guineen-jette-une-lumiere-crue-sur-les-centr

    En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant)
    . VINCENZO PINTO / AFP Le suicide d’un détenu a lancé une nouvelle alarme sur la situation problématique des centres de rétention italiens et sur les conditions de vie qui y règnent. Dimanche 4 février, Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, a mis fin à ses jours dans le centre de séjour pour les rapatriements (CPR) de Ponte Galeria, au sud-ouest de Rome. La mort du jeune homme a déclenché des protestations de la part d’autres détenus qui ont mis feu à leurs matelas et se sont confrontés aux forces de l’ordre. Ces dernières ont usé du gaz lacrymogène et ont arrêté quatorze personnes retenues dans le centre, à l’issue d’un épisode qui est loin d’être isolé.
    Quelques jours avant son suicide, M. Sylla avait ainsi été transféré du CPR de Trapani, en Sicile, à la suite, là aussi, d’un mouvement de protestation des migrants détenus. Avant de se pendre, il a écrit sur le mur de sa nouvelle cellule : « Si je meurs, j’aimerais qu’on envoie mon corps en Afrique, ma mère en sera contente. Les militaires italiens ne connaissent rien sauf l’argent. L’Afrique me manque beaucoup et ma mère aussi, elle ne doit pas pleurer pour moi. Paix à mon âme, que je repose en paix. » Le parquet a ouvert une enquête pour incitation au suicide.
    Grâce à son statut de parlementaire, le député et secrétaire général du parti libéral + Europa, Riccardo Magi, a pu se rendre, dimanche, à l’intérieur du CPR de Ponte Galeria, entre deux vagues d’affrontements avec les forces de l’ordre. « Comme dans tous les CPR que j’ai pu visiter, la situation à l’intérieur est indigne, dit-il au Monde. Les personnes détenues disent ne pas avoir eu de plat chaud depuis des semaines. Il n’y a pas d’eau chaude, pas de literie correcte, un état de saleté généralisé. Les détenus qui ne sont pas révoltés sont comateux à cause des psychotropes qui leur sont administrés pour les rendre inoffensifs. »
    L’usage de médicaments à des fins de contrôle dans les centres de rétention a été établi par une enquête de la revue italienne Altreconomia. En dehors des rares travaux journalistiques de cette nature, qui recueillent des informations filtrant difficilement de l’intérieur, et des témoignages des parlementaires et garants des droits qui peuvent s’y rendre, la réalité de ces sites est largement invisible.
    Les CPR sont au nombre de dix en Italie, gérés par des prestataires privés, répartis sur l’ensemble du territoire, pour une capacité de l’ordre du millier de détenus. Les personnes qui y sont enfermées sont des étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait de demande d’asile ou venant de pays sûrs et faisant l’objet d’une procédure d’expulsion. « Les CPR sont des trous noirs juridiques, où tous les droits à la défense sont entravés, explique Salvatore Fachile, spécialiste en droit de l’asile au cabinet d’avocat Antartide, à Rome. Leurs téléphones étant saisis, les détenus ont des possibilités très limitées de communication avec l’extérieur et de contact avec des avocats pour contester leur détention. »
    Fixée à trente jours, lors de la mise en place des centres de rétention de cette nature, en 1998, la limite de la période de détention a progressivement augmenté pour être portée, en 2023, à dix-huit mois, par le gouvernement dominé par l’extrême droite de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni. Le nombre de détenus passés par les CPR – moins de 6 400 en 2022 – ne représente qu’une fraction du nombre de personnes arrivées irrégulièrement sur le territoire italien, estimé à près de 158 000, et du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Italie, soit plus de 500 000. De plus, les procédures d’expulsion sont complexes, et Rome ne dispose pas toujours d’un accord de réadmission avec les pays d’origine. Ainsi, selon le rapport de 2023 du garant national des droits des personnes détenues ou privées de liberté, au terme de leur détention dans les CPR, environ la moitié des étrangers concernés restent sur le sol italien, retournant le plus souvent à une situation d’illégalité.
    Si l’efficacité des CPR est contestée par l’opposition, le gouvernement de Giorgia Meloni a répété l’objectif d’ériger un de ces centres de rétention dans chacune des vingt régions italiennes. Son ambition va même au-delà du territoire national. En novembre 2023, il a été conclu avec Tirana un accord pour l’installation de deux centres de rétention de droit italien en territoire albanais. Sur ces sites doivent être détenus des hommes – jugés non vulnérables et venant de pays sûrs – secourus hors des eaux européennes par les navires militaires italiens. En cours de ratification, cet accord permettrait la création de centres de rétention extraterritoriaux, plus éloignés encore des regards extérieurs.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#guinee#centredesejourpourrapatriement#retention#sante#santementale#mortalité#psychotrope#suicide#albanie

  • En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/07/en-italie-le-suicide-d-un-jeune-guineen-jette-une-lumiere-crue-sur-les-centr

    En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant)
    . VINCENZO PINTO / AFP Le suicide d’un détenu a lancé une nouvelle alarme sur la situation problématique des centres de rétention italiens et sur les conditions de vie qui y règnent. Dimanche 4 février, Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, a mis fin à ses jours dans le centre de séjour pour les rapatriements (CPR) de Ponte Galeria, au sud-ouest de Rome. La mort du jeune homme a déclenché des protestations de la part d’autres détenus qui ont mis feu à leurs matelas et se sont confrontés aux forces de l’ordre. Ces dernières ont usé du gaz lacrymogène et ont arrêté quatorze personnes retenues dans le centre, à l’issue d’un épisode qui est loin d’être isolé.
    Quelques jours avant son suicide, M. Sylla avait ainsi été transféré du CPR de Trapani, en Sicile, à la suite, là aussi, d’un mouvement de protestation des migrants détenus. Avant de se pendre, il a écrit sur le mur de sa nouvelle cellule : « Si je meurs, j’aimerais qu’on envoie mon corps en Afrique, ma mère en sera contente. Les militaires italiens ne connaissent rien sauf l’argent. L’Afrique me manque beaucoup et ma mère aussi, elle ne doit pas pleurer pour moi. Paix à mon âme, que je repose en paix. » Le parquet a ouvert une enquête pour incitation au suicide.
    Grâce à son statut de parlementaire, le député et secrétaire général du parti libéral + Europa, Riccardo Magi, a pu se rendre, dimanche, à l’intérieur du CPR de Ponte Galeria, entre deux vagues d’affrontements avec les forces de l’ordre. « Comme dans tous les CPR que j’ai pu visiter, la situation à l’intérieur est indigne, dit-il au Monde. Les personnes détenues disent ne pas avoir eu de plat chaud depuis des semaines. Il n’y a pas d’eau chaude, pas de literie correcte, un état de saleté généralisé. Les détenus qui ne sont pas révoltés sont comateux à cause des psychotropes qui leur sont administrés pour les rendre inoffensifs. »
    L’usage de médicaments à des fins de contrôle dans les centres de rétention a été établi par une enquête de la revue italienne Altreconomia. En dehors des rares travaux journalistiques de cette nature, qui recueillent des informations filtrant difficilement de l’intérieur, et des témoignages des parlementaires et garants des droits qui peuvent s’y rendre, la réalité de ces sites est largement invisible.
    Les CPR sont au nombre de dix en Italie, gérés par des prestataires privés, répartis sur l’ensemble du territoire, pour une capacité de l’ordre du millier de détenus. Les personnes qui y sont enfermées sont des étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait de demande d’asile ou venant de pays sûrs et faisant l’objet d’une procédure d’expulsion. « Les CPR sont des trous noirs juridiques, où tous les droits à la défense sont entravés, explique Salvatore Fachile, spécialiste en droit de l’asile au cabinet d’avocat Antartide, à Rome. Leurs téléphones étant saisis, les détenus ont des possibilités très limitées de communication avec l’extérieur et de contact avec des avocats pour contester leur détention. »
    Fixée à trente jours, lors de la mise en place des centres de rétention de cette nature, en 1998, la limite de la période de détention a progressivement augmenté pour être portée, en 2023, à dix-huit mois, par le gouvernement dominé par l’extrême droite de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni. Le nombre de détenus passés par les CPR – moins de 6 400 en 2022 – ne représente qu’une fraction du nombre de personnes arrivées irrégulièrement sur le territoire italien, estimé à près de 158 000, et du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Italie, soit plus de 500 000. De plus, les procédures d’expulsion sont complexes, et Rome ne dispose pas toujours d’un accord de réadmission avec les pays d’origine. Ainsi, selon le rapport de 2023 du garant national des droits des personnes détenues ou privées de liberté, au terme de leur détention dans les CPR, environ la moitié des étrangers concernés restent sur le sol italien, retournant le plus souvent à une situation d’illégalité.
    Si l’efficacité des CPR est contestée par l’opposition, le gouvernement de Giorgia Meloni a répété l’objectif d’ériger un de ces centres de rétention dans chacune des vingt régions italiennes. Son ambition va même au-delà du territoire national. En novembre 2023, il a été conclu avec Tirana un accord pour l’installation de deux centres de rétention de droit italien en territoire albanais. Sur ces sites doivent être détenus des hommes – jugés non vulnérables et venant de pays sûrs – secourus hors des eaux européennes par les navires militaires italiens. En cours de ratification, cet accord permettrait la création de centres de rétention extraterritoriaux, plus éloignés encore des regards extérieurs.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#guinee#centredesejourpourrapatriement#retention#sante#santementale#mortalité#psychotrope#suicide#albanie

  • En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/07/en-italie-le-suicide-d-un-jeune-guineen-jette-une-lumiere-crue-sur-les-centr

    En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant)
    . VINCENZO PINTO / AFP Le suicide d’un détenu a lancé une nouvelle alarme sur la situation problématique des centres de rétention italiens et sur les conditions de vie qui y règnent. Dimanche 4 février, Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, a mis fin à ses jours dans le centre de séjour pour les rapatriements (CPR) de Ponte Galeria, au sud-ouest de Rome. La mort du jeune homme a déclenché des protestations de la part d’autres détenus qui ont mis feu à leurs matelas et se sont confrontés aux forces de l’ordre. Ces dernières ont usé du gaz lacrymogène et ont arrêté quatorze personnes retenues dans le centre, à l’issue d’un épisode qui est loin d’être isolé.
    Quelques jours avant son suicide, M. Sylla avait ainsi été transféré du CPR de Trapani, en Sicile, à la suite, là aussi, d’un mouvement de protestation des migrants détenus. Avant de se pendre, il a écrit sur le mur de sa nouvelle cellule : « Si je meurs, j’aimerais qu’on envoie mon corps en Afrique, ma mère en sera contente. Les militaires italiens ne connaissent rien sauf l’argent. L’Afrique me manque beaucoup et ma mère aussi, elle ne doit pas pleurer pour moi. Paix à mon âme, que je repose en paix. » Le parquet a ouvert une enquête pour incitation au suicide.
    Grâce à son statut de parlementaire, le député et secrétaire général du parti libéral + Europa, Riccardo Magi, a pu se rendre, dimanche, à l’intérieur du CPR de Ponte Galeria, entre deux vagues d’affrontements avec les forces de l’ordre. « Comme dans tous les CPR que j’ai pu visiter, la situation à l’intérieur est indigne, dit-il au Monde. Les personnes détenues disent ne pas avoir eu de plat chaud depuis des semaines. Il n’y a pas d’eau chaude, pas de literie correcte, un état de saleté généralisé. Les détenus qui ne sont pas révoltés sont comateux à cause des psychotropes qui leur sont administrés pour les rendre inoffensifs. »
    L’usage de médicaments à des fins de contrôle dans les centres de rétention a été établi par une enquête de la revue italienne Altreconomia. En dehors des rares travaux journalistiques de cette nature, qui recueillent des informations filtrant difficilement de l’intérieur, et des témoignages des parlementaires et garants des droits qui peuvent s’y rendre, la réalité de ces sites est largement invisible.
    Les CPR sont au nombre de dix en Italie, gérés par des prestataires privés, répartis sur l’ensemble du territoire, pour une capacité de l’ordre du millier de détenus. Les personnes qui y sont enfermées sont des étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait de demande d’asile ou venant de pays sûrs et faisant l’objet d’une procédure d’expulsion. « Les CPR sont des trous noirs juridiques, où tous les droits à la défense sont entravés, explique Salvatore Fachile, spécialiste en droit de l’asile au cabinet d’avocat Antartide, à Rome. Leurs téléphones étant saisis, les détenus ont des possibilités très limitées de communication avec l’extérieur et de contact avec des avocats pour contester leur détention. »
    Fixée à trente jours, lors de la mise en place des centres de rétention de cette nature, en 1998, la limite de la période de détention a progressivement augmenté pour être portée, en 2023, à dix-huit mois, par le gouvernement dominé par l’extrême droite de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni. Le nombre de détenus passés par les CPR – moins de 6 400 en 2022 – ne représente qu’une fraction du nombre de personnes arrivées irrégulièrement sur le territoire italien, estimé à près de 158 000, et du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Italie, soit plus de 500 000. De plus, les procédures d’expulsion sont complexes, et Rome ne dispose pas toujours d’un accord de réadmission avec les pays d’origine. Ainsi, selon le rapport de 2023 du garant national des droits des personnes détenues ou privées de liberté, au terme de leur détention dans les CPR, environ la moitié des étrangers concernés restent sur le sol italien, retournant le plus souvent à une situation d’illégalité.
    Si l’efficacité des CPR est contestée par l’opposition, le gouvernement de Giorgia Meloni a répété l’objectif d’ériger un de ces centres de rétention dans chacune des vingt régions italiennes. Son ambition va même au-delà du territoire national. En novembre 2023, il a été conclu avec Tirana un accord pour l’installation de deux centres de rétention de droit italien en territoire albanais. Sur ces sites doivent être détenus des hommes – jugés non vulnérables et venant de pays sûrs – secourus hors des eaux européennes par les navires militaires italiens. En cours de ratification, cet accord permettrait la création de centres de rétention extraterritoriaux, plus éloignés encore des regards extérieurs.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#guinee#centredesejourpourrapatriement#retention#sante#santementale#mortalité#psychotrope#suicide#albanie

  • Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

  • L’UE va débloquer une enveloppe de 200 millions d’euros pour aider la Mauritanie à bloquer les canots de migrants - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55075/lue-va-debloquer-une-enveloppe-de-200-millions-deuros-pour-aider-la-ma

    L’UE va débloquer une enveloppe de 200 millions d’euros pour aider la Mauritanie à bloquer les canots de migrants
    Par Leslie Carretero Publié le : 08/02/2024
    Bruxelles va octroyer une aide de 200 millions d’euros à la Mauritanie pour tenter d’intercepter davantage de canots de migrants en route vers les Canaries. Au mois de janvier, plus de 80% des canots débarqués dans l’archipel espagnol avaient pris la mer depuis les plages mauritaniennes.
    Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sont en visite en Mauritanie ce jeudi 8 février. À travers ce voyage, les deux responsables politiques, qui ont été reçus par le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, entendent développer leur coopération sur la question migratoire. Selon les informations de la presse espagnole, Bruxelles va débloquer une enveloppe de 200 millions d’euros pour aider la Mauritanie à contrôler les flux de migrants. Depuis plusieurs semaines, l’Espagne fait pression sur l’Union européenne (UE) pour qu’elle augmente son aide financière à ce pays d’Afrique de l’ouest.
    Madrid s’inquiète en effet de l’augmentation des débarquements de migrants venus des rives mauritaniennes. Jusque-là exceptionnels en raisons d’accords entre les deux pays, les départs depuis la Mauritanie connaissent une forte hausse cette année. En janvier, plus de 7 000 migrants sont arrivés aux Canaries, dont 80 % avaient pris la mer depuis les côtes mauritaniennes, distantes d’environ 1 000 km de l’archipel espagnol.
    Les autorités espagnoles observent cette tendance depuis la fin d‘année dernière mais le phénomène a pris de l’ampleur au mois de janvier. Et d’après une responsable canarienne, « 300 000 personnes attendent d’embarquer » en Mauritanie pour rejoindre les îles des Canaries.
    Nouakchott relâcherait-elle la surveillance de ses côtes ces derniers mois afin d’obtenir plus d’argent de l’UE ? C’est en tout cas ce que laisse entendre des sources gouvernementales espagnoles.Depuis plus de 20 ans, la Mauritanie reçoit des sommes conséquences de l’Espagne et de l’Union européenne pour la gestion des migrants. Pour la période 2022-2027, l’allocation de l’UE s’élevait à 12,5 millions d’euros. À cela s’ajoutent les subventions annuelles de l’Espagne pour la formation et l’équipement des garde-côtes mauritaniens, qui atteignent 10 millions d’euros. En échange, Nouakchott s’engage à accueillir sur le sol mauritanien les exilés entrés de manière irrégulière aux Canaries après avoir quitté le pays, et à bloquer les départs des canots.
    Par ailleurs, une cinquantaine d’agents espagnols disposant de leurs propres moyens terrestres, patrouilleurs, bateaux, hélicoptères et avions sont déployés dans le pays pour surveiller les plages et les eaux mauritaniennes. Mais la Mauritanie semble réclamer davantage. Lors d’une réunion à Bruxelles le 11 décembre en présence de hauts responsables espagnols et européens, des représentants mauritaniens ont exigé plus de moyens matériels et technologiques pour lutter contre l’immigration irrégulière. « La Mauritanie a insisté pour recevoir davantage d’attention de la part de l’UE, prenant référence le prétendu grief comparatif avec la Tunisie », selon une source diplomatique citée par El Pais.
    L’an dernier, une enveloppe d’un milliard d’euros a été allouée à Tunis pour redresser son économie, dont 150 millions pour les questions migratoires en échange d’un plus grand contrôle des frontières maritimes. Or, pour les associations, la solution à la crise migratoire ne se trouve pas dans l’externalisation et la militarisation des frontières. « C’est le manque de ressources pour survivre qui pousse les gens à fuir », estime Daniel Martinez, responsable de la communication du Service jésuite des migrants (SJM), contacté par le média espagnol Alfa & Omega. « Les gens continueront d’atteindre le continent par des itinéraires de plus en plus dangereux. C’est un pas de plus vers la création d‘une Europe forteresse », regrette-t-il.
    Selon l’association Caminando Fronteras, des centaines de personnes sont déjà portées disparues sur la route mauritanienne ces deux derniers mois. « Il est désormais plus important que jamais de renforcer les recherches pour éviter un nouveau massacre », insiste l’association.

    #Covid-19#migrant#migration#espagne#mauritanie#canaries#UE#routemigratoire#traversee#frontiere#sante#migrationirreguliere

  • Avec la PAF de Roissy, qui traque les candidats à l’immigration irrégulière : « Le risque, pour nous, c’est de ne pas pouvoir les renvoyer »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/09/avec-la-paf-de-roissy-qui-traque-les-candidats-a-l-immigration-irreguliere-l

    Avec la PAF de Roissy, qui traque les candidats à l’immigration irrégulière : « Le risque, pour nous, c’est de ne pas pouvoir les renvoyer »
    Par Julia Pascual
    A l’aéroport international Roissy-Charles-de-Gaulle, « Le Monde » a suivi le quotidien de la police aux frontières qui tente de déjouer l’éventail des stratégies utilisées pour entrer de manière irrégulière dans l’espace Schengen. Un bureau d’où s’échappent les bribes d’une conversation musclée. A l’intérieur, un ressortissant sri-lankais est auditionné. La veille, il a été interpellé par la police aux frontières (PAF) de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle (CDG), en région parisienne. Il doit s’expliquer en garde à vue, dans les locaux défraîchis de la PAF, qui occupe un vieil immeuble de béton près du terminal 1. L’homme est soupçonné de participer à une filière d’immigration clandestine. « Ça faisait deux mois et demi qu’on était en enquête préliminaire, rapporte le commandant responsable des unités judiciaires de la PAF de Roissy-CDG, qui a souhaité rester anonyme. On pense qu’au moins cinquante-cinq personnes sont passées par le biais de cette filière depuis le Sri Lanka, pour un tarif moyen de 15 000 euros. »
    Le profil des candidats à l’immigration ? Des hommes modestes, souvent agriculteurs, sans diplôme. « Ils veulent échapper au quotidien dans leur pays et sont prêts à occuper n’importe quel emploi en Europe », poursuit le commandant. Pour les faire entrer dans l’espace Schengen, le réseau a employé la technique dite « du swapping » (« échange », en anglais). La manœuvre est la suivante : un Sri-Lankais se rend dans un aéroport, au Qatar ou à Abou Dhabi. Il reste en zone internationale, où il rencontre un « swappeur », un intermédiaire sri-lankais venu, lui, d’Europe, qui lui cède son billet d’avion retour pour Paris ainsi qu’un faux document d’identité pour voyager.
    « L’enquête a commencé quand on a trouvé cinq clandestins à la sortie d’un avion à Roissy. Deux heures plus tard, des personnes arrivaient sur d’autres vols sous la même identité. La même personne qui arrive par deux vols distincts, c’est impossible ! », raconte le commandant, dont les unités ont démantelé, en 2023, une dizaine de filières d’immigration clandestine.
    Le théâtre de leurs investigations : Roissy-CDG, le deuxième aéroport d’Europe en nombre de passagers, et le premier point d’entrée dans l’espace Schengen. En 2023, près de 70 millions de voyageurs ont transité par ce hub qui héberge le plus gros service de police de France : 1 800 agents, dont 800 gardes-frontières. Le défi, pour la PAF : assurer la sécurité de la frontière sans perturber le flux commercial d’un site qui génère 1,5 % du PIB national (agrégat des activités et emplois directs et indirects dans le transport, la logistique, le tourisme…). « On est l’un des rares services de police à avoir une telle imbrication avec une logique économique, explique Julien Gentile, le directeur de la PAF de Roissy. La fluidité, c’est la base pour ADP [Aéroports de Paris] et les compagnies aériennes qui vendent des correspondances d’une heure. »
    Un ressortissant d’un pays tiers doit pouvoir passer la frontière en quarante-cinq minutes, et un ressortissant de l’espace Schengen en une demi-heure. Comment, dans un délai aussi court, réussir à détecter les candidats à l’immigration irrégulière ? Grâce à un logiciel de gestion des files d’attente installé sur sa tablette, le commissaire Régis Orsoni, chef de la division du contrôle transfrontière, peut suivre à la trace des milliers de voyageurs aux abords des aubettes de la PAF. Un moyen de mesurer les temps d’attente et de projeter des équipes en renfort pour éviter que les contrôles ne ralentissent trop le flux des passagers.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Immigration : des flux en hausse, tirés par les étudiants, les salariés et les réfugiés
    Dans le contexte d’une baisse du trafic aéroportuaire liée à la pandémie de Covid-19, les effectifs de gardes-frontières ont été réduits, mais, tandis que les besoins sont de nouveau croissants, des administratifs, puis des contractuels, sont venus renflouer les équipes à marche forcée. Ils sont recrutés sans condition de diplôme et postés au terme de deux semaines de formation, à l’image de Marie, 21 ans, et Lena, 19 ans (les personnes citées par leur prénom ont souhaité conserver l’anonymat), arrivées à Roissy en juin 2023. La première est une ancienne adjointe de sécurité, la seconde s’est réorientée après une formation d’auxiliaire de puériculture.
    Régis Orsoni, chef de la division du contrôle transfrontière, à Roissy-Charles-de-Gaulle, le 22 novembre 2023.
    Aujourd’hui, dans la petite aubette qu’elles partagent, des heures durant, les deux jeunes femmes contrôlent des voyageurs et interrogent sans interruption des fichiers de police. Quatre bases de données sont systématiquement consultées : le fichier des personnes recherchées, le fichier Schengen des objets recherchés et celui des personnes recherchées, et le fichier Interpol des documents volés ou perdus. En 2023, il y a eu près de 30 000 détections, pouvant être en lien avec une simple déclaration de perte de papiers ou, plus rarement, avec un mandat d’arrêt international. « On détecte une vingtaine de personnes “fichées S” par jour, précise la commandante de police Adeline Trouillet. Mais, la plupart du temps, cela ne nécessite pas une action spécifique autre que de renseigner discrètement leur passage. »
    Les gardes-frontières s’assurent aussi du respect des conditions d’entrée dans l’espace Schengen : un vol de retour, une assurance-maladie, une certaine somme d’argent, un hébergement… « Pourquoi voyagez-vous en France ? Et votre réservation d’hôtel ? » (...)
    Alexandre Goliot est analyste en fraude documentaire et à l’identité, comme tous ses collègues de la brigade mobile d’immigration de la PAF. Les policiers de cette unité sont formés au repérage, sur un document, d’une qualité de papier inadéquate, de l’absence d’un filigrane… Ils agissent en « deuxième rideau », appelés par les gardes-frontières en cas de doute sur un voyageur ou projetés à la porte de certains avions pour passer au tamis, en moins de vingt minutes, les passagers dès leur atterrissage. Une vingtaine d’avions sont contrôlés chaque jour lors du débarquement. « Le but, c’est de déceler le plus rapidement les faux documents et les gens qui ont détruit leurs documents, précise le commissaire Orsoni. On a déjà retrouvé des passeports déchiquetés et cachés dans les toilettes ou dans les housses des sièges d’un avion. C’est comme ça que des gens se présentent aux contrôles aux frontières sans identité et sans provenance, pour qu’on ne puisse pas les réacheminer. »
    Pour brouiller les pistes, des personnes passent même plusieurs jours en zone internationale avant de se présenter aux postes de la PAF. Plus le temps écoulé est long, plus il est difficile de déterminer leur provenance. En 2023, quasiment 22 % des personnes non admises sont demeurées de nationalité « indéterminée ».
    .« Le risque, pour nous, c’est de ne pas pouvoir les renvoyer, reprend le commissaire Orsoni. En les détectant à la porte de l’avion, on sait d’où ils viennent, avec quelle compagnie ils ont voyagé, et on peut savoir quel document a été scanné à l’embarquement. » Les compagnies aériennes qui auraient failli à leur devoir de contrôle documentaire peuvent subir une amende de 10 000 euros par passager. Un moyen de les inciter à redoubler de vigilance lors de l’embarquement.
    Dans un bureau de la brigade mobile d’immigration, à quelques encablures des pistes de Roissy, une collection de documents falsifiés, contrefaits, usurpés ou obtenus indûment déborde des bannettes et remplit les tiroirs. En 2023, près de 870 documents ont été saisis aux arrivées, et 430 aux départs. Ils sont émiratis, espagnols, singapouriens, péruviens, bulgares, italiens, indiens… L’éventail des stratégies pour entrer dans l’espace Schengen par la voie aérienne est large. Des plus rudimentaires – comme le vol, mis au jour il y a quelques mois, de 500 documents de visa dans le coffre-fort du consulat espagnol de Yaoundé – aux plus élaborées, telles que le morphing, une technique qui consiste à imprimer une photo sur un document authentique en mixant les profils du propriétaire et de l’usurpateur. « On peut arriver, par infrarouge, à retrouver une partie de la photo d’origine », explique le lieutenant Gaël Szwec, chef des brigades mobiles de Roissy.
    Les « abus de transit » font partie des techniques parmi les plus éprouvées. Le principe : prévoir un voyage avec une escale dans l’espace Schengen et ne pas prendre sa correspondance. « En ce moment, des Marocains qui transitent par Roissy ne prennent pas leur vol de destination afin de se maintenir en France, illustre M. Orsoni. Ce sont souvent des hommes seuls, âgés de 18 ans à 30 ans, sans bagages. Ils ont des plans de vol peu crédibles, par exemple un Marrakech-Tunis ou un Casablanca-Dakar via Paris, donc on essaye de travailler avec les compagnies pour les bloquer au départ. (...) En cette fin d’année 2023, ils sont plus de quatre-vingts à occuper l’une des chambres de la ZAPI. Parmi eux, une multitude de profils : un Brésilien ignorant qu’il était frappé d’une interdiction d’entrer dans l’espace Schengen pour s’être maintenu en Italie au-delà de la durée autorisée par son visa étudiant il y a quelques années ; un Colombien de 22 ans venu faire du tourisme à Madrid sans avoir réservé de chambre d’hôtel ; un Iranien qui avait pour espoir de rejoindre l’Angleterre avec un faux passeport ; un groupe de cinq Egyptiens qui souhaitent se rendre en Italie pour travailler, certains comme charpentier ou peintre en bâtiment.
    (...) En 2023, quelque 6 250 étrangers ont été maintenus dans les locaux de la ZAPI, attenants aux pistes de décollage. Moins de la moitié d’entre eux repartent. Les autres finissent par entrer sur le territoire, faute d’avoir été réacheminés dans les délais, parce qu’ils sont admis à demander l’asile, parce qu’ils sont libérés par un juge pour un motif juridique de forme ou encore parce qu’ils régularisent leur situation. Une goutte d’eau, cependant, par rapport aux arrivées par voie terrestre. L’avion demeure le privilège des plus fortunés.

    #Covid-19#migrant#migration#france#CDG#migrationirreguliere#avion#schengen#visas#sante

  • #Santé Publique France coupe les fonds au suivi des #cancers de l’amiante
    https://www.revolutionpermanente.fr/Sante-Publique-France-coupe-les-fonds-au-suivi-des-cancers-de-l


    La politique pas de thermomètre = pas de fièvre continue.

    Une épidémie qui fait encore rage, comme le montrent les plus de 1000 nouveaux cas reconnus chaque année, et les 4000 décès annuels relevés, mais qui n’empêche pas Santé Publique France de cesser son suivi. Comme le relève le magazine Santé et Travail, « Dans un mail adressé le 21 décembre à une trentaine de spécialistes du #mésothéliome, Santé publique France a annoncé « se résoudre à interrompre » le Programme national de surveillance des mésothéliomes (PNSM) et renonce au déploiement du Dispositif national de surveillance des mésothéliomes (DNSM) qui devait le remplacer. » La clôture de ce programme est justifiée par un manque de moyens, et n’a encore fait l’objet d’aucune annonce officielle.

    Cette fermeture impactera lourdement la surveillance du nombre de cas et invisibilisera cette épidémie massive de cancers, tout en véhiculant le message que l’époque des cancers de l’#amiante est close. De plus, elle réduira la possibilité pour les malades de faire reconnaître leur maladie comme une maladie professionnelle indemnisable, et de faire reconnaitre la responsabilité de leur patron dans la maladie qui brise leur vie. En effet, l’institut de recherche et d’expertise Mesopath, qui réalise des diagnostiques ouvrant la voie à une reconnaissance en maladie professionnelle et étudie des traitements, dépend financièrement pour un tiers du programme stoppé.

    C’est donc une attaque frontale contre les malades, qui participe à couvrir les responsables en col blanc de ce « crime industriel » pour reprendre la formulation de la sociologue de la santé Annie Thébaud-Mony. Selon elle, « Leur responsabilité est double. Tout d’abord, alors que tout était connu des dangers de l’amiante depuis le début du 20e siècle, ils ont développé un marché mondial de cette fibre qu’ils savaient mortelle. Et, pour ce faire, ils ont, au sein du cartel mondial de l’amiante, construit une stratégie de désinformation et de mystification. »

    • Cancer de l’amiante : le dispositif de suivi sur la sellette
      https://www.mediapart.fr/journal/france/090324/cancer-de-l-amiante-le-dispositif-de-suivi-sur-la-sellette

      La nouvelle, parvenue quelques jours avant Noël, a surpris la communauté scientifique autant qu’elle a scandalisé les victimes et leurs proches. « Tout se passe comme si on avait choisi de casser le thermomètre pour soigner la fièvre. C’est inacceptable », a réagi l’Association nationale des victimes de l’amiante (#Andeva) après avoir pris connaissance d’un courriel, consulté par Mediapart, dans lequel Santé publique France annonce à une poignée d’expert·es la fin du dispositif national de suivi des mésothéliomes (DNSM), les cancers de l’amiante.

      « Cette décision est extrêmement difficile mais l’agence ne dispose plus des ressources suffisantes pour [le] piloter sur le long terme », reconnaît Santé publique France dans cette missive, envoyée le 21 décembre dernier et consultée par Mediapart. Elle évoque notamment des contraintes « financières et humaines ».

      « Une décision prise sans concertation ni débat public, dénonce l’Andeva, tout en insistant sur l’importance de ce dispositif. Son abandon « priverait les soignants, les chercheurs et les victimes de l’amiante d’un outil utile pour mieux connaître cette terrible maladie et mieux la combattre en faisant avancer la recherche nécessaire à l’amélioration des traitements ». Selon son secrétaire national, Alain Bobbio, cet abandon accrédite aussi « auprès du grand public que la page amiante se tourne. Mais les gens qui sonnent à la porte de nos permanences sont toujours là ».

      Fin janvier, l’Andeva a dénoncé dans un courrier destiné à la ministre de la santé, Christine Vautrin, une décision « inacceptable », lui demandant de faire marche arrière. « Nous n’avons reçu aucune réponse », indiquait début mars Alain Bobbio, secrétaire national d’Andeva.

      Au même moment, Didier Le Gac, député Renaissance et président du groupe d’étude amiante à l’Assemblée nationale, qui avait lui aussi alerté il y a plusieurs semaines le gouvernement, affirmait avoir reçu l’assurance du gouvernement que ce dispositif ne serait pas supprimé.

      « Compte tenu de la priorité accordée au risque amiante, le ministère a d’ores et déjà demandé à l’agence que la surveillance nationale du mésothéliome soit poursuivie », a indiqué le cabinet de Christine Vautrin dans un message envoyé au député. Contacté, le ministère de la santé n’a pas répondu à nos sollicitations. De son côté, Santé publique France affirme finalement auprès de Mediapart « maintenir » un dispositif de surveillance visant à « suivre le nombre de cas de cancers » et à caractériser les expositions.

      « On ne peut pas uniquement dire merci, notre souci est d’obtenir des garanties sur la nature de cette surveillance », a aussitôt réagi Alain Bobbio, secrétaire national de l’Andeva, insistant notamment sur le fait que le dispositif doit inclure le suivi des procédures d’indemnisation et des expositions.

      L’histoire du dispositif de surveillance du mésothéliome commence il y a plus de vingt ans, lorsque la France décide d’interdire, en 1997, l’usage de l’amiante, un matériau qui a contaminé pendant des décennies les ouvriers des usines et des chantiers navals. La France prend alors conscience de l’étendue de la catastrophe sanitaire. C’est pourquoi, l’année suivante, un Programme national de surveillance du mésothéliome pleural (PNSM), une maladie spécifique de l’amiante, voit le jour dans 21 départements qui représentent 30 % de la population.

      Cette surveillance vise alors à mieux documenter les cas, les expositions professionnelles, et à permettre aux malades de saisir le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva). « Un dispositif unique au monde », fait valoir Alain Bobbio.

      Le mésothéliome est une maladie rare qui continue de toucher, chaque année, environ 1 100 personnes, dont un quart de femmes (27 %). C’est une pathologie presque toujours mortelle, la survie à cinq ans ne dépassant pas les 10 %. Vingt ans de surveillance ont permis de montrer que cette maladie peut survenir après une exposition à l’amiante extrêmement faible et se déclenche en moyenne trente-cinq ans après l’exposition. 90 % des hommes atteints ont été exposés dans un cadre professionnel. Quant à l’indemnisation, le taux de non-recours au Fiva est moins élevé dans les départements concernés par le PNSM. 

      En 2017, un groupe d’expert·es se prononce donc pour étendre le PNSM au niveau national. Quatre ans plus tard, un nouveau dispositif est lancé, le dispositif national de suivi des mésothéliomes. Celui-ci a pour ambition de tendre à un recueil exhaustif de tous les cas de mésothéliomes (pleural, péritoine et péricarde) sur l’ensemble du territoire national. Santé publique France entend alors « moderniser », « optimiser » la surveillance et mieux prendre en compte les expositions, notamment environnementales.

      À l’époque, l’agence insiste sur le fait que « l’amiante est et restera encore pendant plusieurs décennies un sujet majeur de santé publique, de santé au travail et de santé environnementale ». D’autant plus que les cas évoluent. Les femmes sont de plus en plus concernées et de nouvelles contaminations professionnelles apparaissent, notamment dans le secteur de l’enseignement, comme l’a récemment montré une enquête de l’émission « Vert de rage ».

      En lançant ce DNSM, Santé publique France a notamment le projet de créer une plateforme afin de rassembler les données recueillies par différentes structures comme le réseau de chercheurs et chercheuses Mesopath et celles provenant de la déclaration obligatoire qui impose depuis 2012 aux médecins de signaler aux agences régionales de santé les cas de mésothéliomes. Un projet qui semble appartenir au passé, Santé publique France estimant qu’il ne répond plus « aux exigences de sécurisation des données de santé ».

      La fin de cette surveillance pourrait d’ailleurs impacter le travail effectué par le réseau Mesopath. Cette équipe de 17 anatomopathologistes – au moins un·e par région – a pour mission de dresser des diagnostics à partir de l’étude de tissus, cellules et organes. Une fois étudiés en région par un premier expert, les échantillons sont envoyés à Lyon, au Centre Léon-Bérard, centre national de référence, où ils sont de nouveau analysés par deux autres experts.

      « Si tout le monde est d’accord sur le diagnostic, on dresse un compte rendu définitif. Il sert de base à la prise en charge des patients et à l’instruction des dossiers d’indemnisation », explique Sylvie Lantuejoul, responsable de Mesopath. Ce diagnostic est aussi enregistré dans une base de données baptisée Mesobank et communiqué à Santé publique France pour déclencher des enquêtes sur l’exposition des malades à l’amiante ou à d’autres carcinogènes.

      Jusqu’à présent, le réseau était financé par Santé publique France à hauteur de 25 %, affirme-t-elle. « Cette année, on va tomber à 12 % pour la collecte des données sur 2023. En 2025, le financement de Santé publique France s’arrête. » Si cette coupe budgétaire ne signe pas la fin du réseau Mesopath, elle risque bien d’affecter son fonctionnement. « On ne pourra peut-être plus analyser tous les cas, les délais de compte rendu vont peut-être s’allonger et ce sera un frein à l’innovation technologique et au financement d’analyses moléculaires complexes qui permettent de mieux diagnostiquer ces tumeurs rares », détaille Sylvie Lantuejoul.

      Ce fonctionnement « en mode dégradé » serait d’autant plus préjudiciable pour les malades que Mesopath possède, jusqu’à présent, la base de données « la plus complète », explique Sylvie Lantuejoul, la déclaration obligatoire gérée par l’ARS étant non exhaustive. Dans sa réponse envoyée au député Didier Le Gac, le ministère évoque d’ailleurs l’enjeu de « renforcer » la déclaration obligatoire des mésothéliomes.

  • Saldmann à « Quelle époque ! » : du « Hanouna pour CSP+ » | Pauline Bock
    https://www.arretsurimages.net/articles/saldmann-a-quelle-epoque-du-hanouna-pour-csp

    Frédéric Saldmann est médecin et en promo pour son 17ème livre. Sur le plateau de « Quelle époque ! » sur France 2, il a partagé son enthousiasme pour le jeûne séquentiel, qui « rend intelligent » et permettrait de « rester jeune »... sans aucune remise en contexte de la part de Léa Salamé, fascinée. Sauf que pour des médecins, Saldmann est « un charlatan » qui « raconte des insanités scientifiques ». Oups. Source : Arrêt sur images

  • Pesticides : « Nous, chercheurs et chercheuses, dénonçons une mise au placard des connaissances scientifiques »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/07/pesticides-nous-chercheurs-et-chercheuses-denoncons-une-mise-au-placard-des-

    En 2021 et en 2022, nous avons présenté les conclusions de trois synthèses des connaissances scientifiques sur les impacts des produits phytopharmaceutiques (« pesticides ») et les solutions alternatives. Conduits dans le cadre du plan Ecophyto à la demande du gouvernement pour éclairer sa prise de décision, ces travaux, coordonnés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) sont inédits par la centaine d’experts mobilisés et les plus de 11 000 publications analysées.

    Nos expertises scientifiques collectives ont démontré l’ampleur des impacts des #pesticides sur la #santé humaine et l’#environnement, et mis en évidence des alternatives agroécologiques capables de répondre aux enjeux environnementaux tout en préservant la production agricole. Nos travaux ont aussi identifié les verrous socio-économiques et institutionnels qui limitent le déploiement des alternatives, et les leviers pour les dépasser. Nos conclusions ont alimenté des travaux parlementaires soulignant le besoin de renforcer le plan #Ecophyto, car il n’a pas permis de réduire l’usage des pesticides. Pourtant, le gouvernement a choisi de suspendre ce plan pour apaiser le conflit avec une partie du monde agricole.
    Nous, chercheurs et chercheuses, manifestons ici notre inquiétude face à cette décision, symptomatique du traitement disjoint des enjeux agricoles et environnementaux. Nous dénonçons une mise au placard des connaissances scientifiques et réaffirmons la nécessité d’une politique multisectorielle d’envergure et de long terme, en faveur d’une #agriculture économiquement viable et respectueuse de la santé et de l’environnement.

    Enjeux de santé publique et animale

    Tous les milieux (sols, #eau, #air), même éloignés des zones d’application, sont contaminés par des pesticides. Des liens existent entre pesticides et santé humaine chez les #agriculteurs, les autres professionnels manipulant ces produits, et les #enfants exposés pendant la grossesse : maladies respiratoires, troubles cognitifs, maladie de Parkinson, troubles du développement neuropsychologique et moteur, cancers. L’usage généralisé de pesticides favorise les résistances chez les organismes qu’ils sont censés éliminer – compromettant l’efficacité des produits à plus long terme – et chez des organismes responsables de maladies – soulevant de nouveaux enjeux de santé publique et animale.
    Les pesticides contribuent à l’effondrement de la #biodiversité : déclin des invertébrés terrestres (vers de terre, insectes…) et aquatiques, des oiseaux, etc. Ils altèrent certains processus naturels, tels que la #pollinisation, la régulation des ravageurs et des maladies des cultures. Or, ces services que la biodiversité rend gratuitement aux agriculteurs leur sont essentiels pour gagner en durabilité et en autonomie.

    Des solutions existent pour protéger les cultures autrement : semer des mélanges variétaux, cultiver plusieurs espèces dans un même champ, allonger les #rotations ou encore pratiquer l’#agroforesterie. Toutes ces pratiques concourent à contrôler les ravageurs et les maladies des cultures.

    Par exemple, les associations de cultures aident à contrôler les adventices, tandis que les #haies, bandes fleuries et #prairies abritent des oiseaux, des chauves-souris, des araignées et des insectes auxiliaires de culture qui se nourrissent des ravageurs et pollinisent les plantes cultivées. La littérature scientifique signale la baisse de l’usage des pesticides dans les systèmes qui mettent en œuvre ces pratiques.
    De plus, un paysage avec une diversité de cultures et au moins 20 % de végétation non cultivée (haies, prairies, bosquets…) offre des refuges à la biodiversité tout en limitant la dispersion des pesticides. Un autre levier d’action est l’amélioration de l’évaluation des risques liés aux pesticides, notamment en s’appuyant sur les connaissances scientifiques robustes les plus récentes, en renforçant la surveillance postautorisation et en continuant à se fonder sur l’expertise des agences de sécurité sanitaire.

    Les agriculteurs supportent une très grande part du poids des réglementations, alors que leurs choix de pratiques sont contraints par les filières en amont et en aval : #semenciers, conseil agricole, #industries_agroalimentaires, #grande_distribution… En dehors de la certification « Agriculture biologique », les initiatives pour produire de façon rentable sans pesticides de synthèse sont marginales.
    Pour opérer un changement à large échelle, l’ensemble des maillons des filières doit évoluer. Cette évolution doit s’accompagner d’une meilleure évaluation et d’une meilleure répartition des coûts et des bénéfices des pratiques agricoles. Alors que les coûts de l’usage des pesticides sont essentiellement supportés à bas bruit par les contribuables (dépenses de santé, coûts de dépollution…), les cobénéfices de pratiques respectueuses de l’environnement et de la santé restent insuffisamment rémunérés aux agriculteurs.

    Rôle-clé des politiques publiques

    Le succès de la politique agricole commune [PAC] pour moderniser l’agriculture au sortir de la seconde guerre mondiale témoigne du rôle-clé des politiques publiques dans une transition d’envergure. Garantir durablement la sécurité alimentaire en préservant les écosystèmes est possible à condition de se doter de politiques cohérentes qui gèrent simultanément les enjeux sanitaires, agricoles, environnementaux et alimentaires.
    Ces politiques doivent tenir compte des effets du #changement_climatique. Les rendements des systèmes intensifs sont d’ailleurs plus affectés par les épisodes de sécheresse ou d’inondations que ceux des systèmes diversifiés.

    Ces politiques doivent concerner l’ensemble des filières agricoles et alimentaires, de la réorientation de la sélection variétale à la création de débouchés rémunérateurs pour les systèmes vertueux. Elles doivent accompagner les agriculteurs dans la transition en favorisant les relations entre recherche, conseil et pratique. Enfin, elles doivent inciter à l’évolution des comportements alimentaires vers des régimes favorables à la santé et à l’environnement.
    L’objectif de réduction de l’usage de pesticides est atteignable sans opposer agriculture et environnement. Sans nier les imperfections du plan Ecophyto, nous estimons que sa mise en pause est un signal à l’encontre de cet objectif. Le moment n’est-il pas opportun pour construire des politiques publiques audacieuses appuyées sur les connaissances scientifiques ?

    Premiers signataires : Cécile Chevrier, épidémiologiste, Inserm ; Xavier Coumoul, toxicologue, université Paris Cité ; Clémentine Fritsch, écotoxicologue, CNRS ; Vincent Martinet, économiste, Inrae ; Wilfried Sanchez, écotoxicologue, Ifremer ; Aude Vialatte, agroécologue, Inrae.

    #alimentation #économie #science #maladies_respiratoires #troubles_cognitifs #maladie_de_Parkinson #troubles_du_développement_neuropsychologique_et_moteur #TDN #cancers #écologie #agroécologie

  • Why Eating Disorder Content Keeps Spreading on Platforms Like TikTok - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2024/02/06/well/move/tiktok-legging-legs-eating-disorders.html?campaign_id=2&emc=edit_th_2024020

    Talya Minsberg

    By Talya Minsberg
    Feb. 6, 2024

    In late January, a volunteer at the help line for the National Alliance for Eating Disorders fielded a call from someone who had seen an alarming trend on TikTok. The hashtag #legginglegs had started taking off as users posted about the slim bodies seemingly deemed the most desirable for leggings.

    The organization, which works directly with social media companies including TikTok, Meta and Pinterest, quickly flagged the trend to TikTok. Less than a day later, the platform banned the hashtag and began directing users who searched for it toward the organization’s hotline and other resources.

    Trends like “legging legs” are part of a long history of harmful body image content that has proliferated online since the early days of the internet. “The minute they ban one hashtag, another one will pop up,” said Amanda Raffoul, an instructor at Harvard Medical School and Boston Children’s Hospital who studies eating disorders. But she and other eating disorder experts said that the evolution of social media platforms has presented an even more vexing issue: how to approach algorithms that build on a user’s interests to curate a feed that can quickly turn dangerous for people who are particularly vulnerable.

    For example, if a teenager searched for healthy snack ideas or interacted with certain cooking posts, a platform may then serve videos about low-calorie foods. That may signal an interest in weight loss — and soon, that teenager might see advice for restricting snacks or tips for crash diets. A user’s feed could then be filled with posts supporting unhealthy behaviors, or celebrating one body type over others.

    “I don’t think we are in a space where we can ignore the harms that can be happening in the algorithm,” said Johanna Kandel, the chief executive officer of the National Alliance for Eating Disorders. “The fact is that individuals can start a journey of health and wellness and within a few minutes can be served content that is extremely unhealthy for them.”

    #TikTok #Apparence_corporelle #Santé_publique #Algorithme

  • Les troubles du neurodéveloppement chez les enfants, un enjeu de santé publique
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/autisme-dys-tdah-les-troubles-du-neurodeveloppement-enjeu-de-sante-publique_

    Autisme, « dys », TDAH… en première ligne en ce qui concerne le dépistage, les médecins, psychiatres et pédiatres interrogent la prévalence de ces troubles et leur écho à l’école.

    Troubles du spectre de l’autisme (TSA), trouble déficit de l’attention avec – ou sans – hyperactivité (TDAH), dyslexie mais aussi dyscalculie, dysorthographie, dyspraxie ou dysgraphie, troubles du développement intellectuel (#TDI)… Dans les salles de classe, nombre d’enseignants ont le sentiment d’être face à un « envol » des cas. Du côté des médecins psychiatres, pédiatres et autres acteurs de la santé, on évoque les chiffres avec prudence, aussi parce qu’« il n’existe pas à proprement parler d’étude épidémiologique spécifique à la France et [qu’]il nous faut encore raisonner en transposant des études internationales à la situation démographique française », explique le médecin de santé publique Etienne Pot, nommé, en novembre 2023, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du #neurodéveloppement, ou « TND », les trois lettres qui renvoient à l’ensemble de ces affections.

    Il n’empêche, par extrapolation d’enquêtes menées aux Etats-Unis, et convergeant avec d’autres résultats au Royaume-Uni, au Canada et en Australie notamment, les cliniciens font état d’une incidence forte. Et même, semble-t-il, de plus en plus forte : aux Etats-Unis, 17,8 % des enfants étaient affectés de TND durant la période 2015-2017, contre 16,2 % dans les années 2009-2011, selon l’étude du chercheur et statisticien en santé Benjamin Zablotsky publiée dans Pediatrics, en 2019, qui fait référence.

    Dans de nombreux pays depuis une vingtaine d’années, la prévalence de ces troubles semble suivre une tendance haussière, particulièrement pour les #TSA et #TDAH. Au point qu’on évoque, sur le terrain, jusqu’à une personne sur six qui pourrait être concernée. Un enjeu de #santé publique.
    [...]
    Une urgence autour de laquelle enseignants et soignants se rejoignent. « Dans une classe ordinaire de 25 à 30 élèves, vous avez toutes les probabilités statistiques d’avoir au moins un #enfant présentant l’un de ces troubles, relève la pédopsychiatre Frédérique Bonnet-Brilhault, responsable du Centre d’excellence EXAC-T du CHRU de Tours et des Hôpitaux universitaires du Grand-Ouest. Le dépistage précoce fait qu’on accompagne sans doute aujourd’hui plus longuement dans les parcours scolaires des enfants qui, il y a vingt ans, sans diagnostic, avec des troubles plus bruyants, ont probablement été plus rapidement en décrochage ou écartés de l’#école. »

    Les progrès du dépistage expliquent-ils, alors, la courbe haussière ? Oui, répondent les spécialistes. Mais sans doute pas à eux seuls. « Les critères et les bornes diagnostiques ont évolué, de même que nos connaissances scientifiques, reprend la professeure Bonnet-Brilhault. Mais on ne peut pas exclure le rôle de facteurs environnementaux, sur lequel la recherche scientifique a commencé à se pencher. Ils ne sont jamais “causaux” à eux seuls, mais ils peuvent jouer sur les vulnérabilités génétiques établies. »
    Alimentation, modes de vie, exposition à certains polluants ou à des perturbateurs endocriniens… ces « nouveaux » risques sont sous les projecteurs. Le lancement en 2023 de la cohorte Marianne, qui vise, en suivant plus de 1 700 familles, à renforcer les données épidémiologiques françaises, doit aussi permettre d’évaluer les facteurs multiples – et le rôle de chacun – dans la survenue des #TND. Dans l’optique de pouvoir agir dans le domaine de la prévention dès la grossesse, la prématurité étant un facteur de risque important des TND.

    https://justpaste.it/ezcls

    Ecole inclusive : un système qui craque et varia
    https://seenthis.net/messages/1040363

    #AESH

  • A la recherche d’économies, le gouvernement se penche sur les maladies chroniques | Les Echos
    https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/a-la-recherche-deconomies-le-gouvernement-se-penche-sur-les-maladies-chroni

    Reste enfin la piste des affections de longue durée (#ALD). Si l’exécutif a décidé de se pencher sur ces #maladies_chroniques, c’est que celles-ci se développent, sur fond de vieillissement de la population mais aussi de progrès médical. Celui-ci permet d’augmenter l’espérance de vie des personnes atteintes. Résultat : le nombre des bénéficiaires d’ALD augmente régulièrement, tout comme le poids des ALD dans la structure des dépenses de #santé, qui représentent près de 66 % de celles-ci (en 2020).

    Près de 20 % des Français assurés (12 millions de personnes) bénéficiaient en 2022 de la reconnaissance d’une affection longue durée par l’Assurance Maladie, car ils sont atteints d’une maladie grave, longue et coûteuse à soigner. Ce système garantit une prise en charge à 100 % des dépenses de soins par la Sécurité sociale (dans la limite des plafonds de remboursement, hors dépassements d’honoraires, franchises médicales, etc.). Parmi les ALD les plus répandues figurent le diabète, les cancers, les affections psychiatriques ou les problèmes d’insuffisance cardiaque.

    Exercice difficile

    Existant depuis le début de la Sécurité sociale, ce dispositif a été modifié en 2011, pour sortir l’hypertension artérielle de la liste des ALD, qui compte aujourd’hui une trentaine d’affections.
    Si modifier de nouveau la liste des ALD promet d’être un exercice difficile, l’exécutif pourrait chercher à agir sur d’autres tableaux. Notamment en se penchant sur les soins qui ne sont pas liés à la pathologie éligible à l’ALD, et qui ne doivent pas donner lieu à la même prise en charge à 100 % depuis 1987. Les médecins sont censés différencier les prescriptions. Pas sûr cependant que cette distinction soit toujours bien faite. L’Assurance Maladie a d’ailleurs mis ce sujet sur la table dans le cadre des négociations en cours avec les médecins libéraux sur le tarif des consultations.

    #malades #budget #coupes_budgétaires

  • Les soucis d’argent ont un impact sur la santé beaucoup plus grave qu’on ne le pensait - UP’ Magazine
    https://up-magazine.info/le-vivant/sciences/124549-les-soucis-dargent-ont-un-impact-sur-la-sante-beaucoup-plus-gra

    Plaie d’argent n’est pas mortelle dit l’adage populaire. Ce n’est pas tout à fait vrai si l’on en croit une étude nationale représentative menée au Royaume-Uni qui a montré que le stress lié à l’argent est associé à des changements à long terme dans des marqueurs de #santé clés, notamment ceux associés au système immunitaire, au #système_nerveux et au #système_hormonal.

    Les scientifiques de l’University College London (UCL) et du Kings College au Royaume-Uni affirment que leur analyse est la première à explorer la manière dont différents types de stress chronique sont liés à des marqueurs de santé dans des cohortes plus âgées. L’étude a porté sur près de 5 000 adultes âgés de plus de 50 ans.

    Parmi les six facteurs de stress communs examinés dans cette cohorte – notamment les contraintes financières, la prestation de soins, l’invalidité, le deuil, la maladie et le divorce – les contraintes financières ont été associées aux profils de santé les plus risqués à long terme. Ces profils de risque ont été établis à l’aide de quatre biomarqueurs sanguins : le #cortisol, qui est une hormone produite en réponse au stress, la protéine C-réactive (CRP) et le fibrinogène, qui sont des acteurs immunitaires réagissant à l’inflammation, et le facteur de croissance de l’insuline-1 (IGF-1), qui est lié au vieillissement et à la longévité.

    Les participants à l’étude qui ont déclaré être généralement stressés étaient 61 % plus susceptibles d’appartenir à la catégorie à haut risque qu’aux catégories à risque modéré ou faible lors d’un suivi de quatre ans. En revanche, les personnes stressées uniquement pour des raisons financières étaient près de 60 % plus susceptibles de présenter un profil à haut risque quatre ans plus tard. Pour chaque stress supplémentaire, comme un divorce, cette probabilité augmentait de 19 %. Ces associations sont restées significatives indépendamment des facteurs génétiques, socio-économiques, de l’âge, du sexe ou du mode de vie.

    « Nous avons constaté que le stress financier était le plus préjudiciable à la santé biologique, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour l’établir avec certitude« , déclare l’épidémiologiste Odessa Hamilton de l’UCL. « Cela peut s’expliquer par le fait que cette forme de stress peut envahir de nombreux aspects de notre vie, entraînant des conflits familiaux, l’exclusion sociale, voire la faim ou le sans-abrisme. »

    Les résultats ne signifient pas nécessairement que le stress est directement à l’origine de problèmes de santé à long terme, mais ils suggèrent que le stress a un impact significatif sur le corps vieillissant, et que certaines formes de stress peuvent avoir des effets physiques plus importants que d’autres.

    On sait que le #stress aigu déclenche une cascade de changements hormonaux dans l’organisme, qui augmentent la respiration, la pression artérielle et le rythme cardiaque. Le #système_immunitaire réagit également en produisant davantage de molécules pro-inflammatoires. C’est pourquoi rester dans un état de stress élevé peut conduire à une activation immunitaire chronique, qui pourrait exacerber les maladies physiques et mentales. « Lorsque les systèmes immunitaire et neuroendocrinien fonctionnent bien ensemble, l’homéostasie est maintenue et la santé est préservée« , explique Hamilton. « Mais le stress chronique peut perturber cet échange biologique et entraîner des maladies. »

    Dans l’étude actuelle, le stress financier, le deuil et les maladies de longue durée ont entraîné les changements les plus importants à long terme dans les biomarqueurs immunitaires et neuroendocriniens. Cela indique que le stress chronique a un effet physique permanent. Néanmoins, les chercheurs de l’UCL concluent que « la réponse immunitaire et neuroendocrinienne synergique au stress représente une cible importante pour l’intervention clinique. Intervenir sur ces processus pourrait modifier l’évolution de la maladie ».

    • https://www.youtube.com/watch?v=6Y_7B1cCvjk&t=22s

      It was nineteen hundred and nineteen;
      Men and women were dying,
      With the stuff that the doctor called the flu.
      People were dying everywhere,
      Death was creepin’ all through the air,
      And the groans of the rich sure was sad.

      Well it was God’s almight plan,
      He was judging this old land,
      North and south, east and west,
      It can be seen,
      It killed the rich, killed the poor,
      It’s gonna kill just a little more,
      If you don’t turn away from the shame.

      Down in Memphis, Tennessee,
      The doctor said it soon would be,
      In a few days influenza would be controlled.
      Doctor sure man he got had,
      Sent the doctors all home to bed,
      And the nurses all broke out with the same.

      Well it was God’s almight plan,
      He was judging this old land,
      North and south, east and west,
      It can be seen,
      It killed the rich, killed the poor,
      It’s gonna kill just a little more,
      If you don’t turn away from the shame.

      Influenza is the kind of disease,
      Makes you weak down to your knees,
      Carries a fever everybody surely dreads,
      Packs a pain in every bone,
      In a few days, you are gone.
      To that hole in the ground called your grave.

      Well it was God’s almight plan,
      He was judging this old land,
      North and south, east and west,
      It can be seen,
      It killed the rich, killed the poor,
      It’s gonna kill just a little more,
      If you don’t turn away from the shame.

      #musique #chanson #influenza #histoire #1919 #grippe_espagnole #épidémie #blues #santé

  • Comment les déchets ont envahi tous les milieux : la folle histoire du « poubellocène »

    Alors qu’ils n’existaient pas jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle, les déchets ont colonisé le vivant. Au-delà des défis techniques qu’ils soulèvent, ils sont devenus un terrain d’enquête pour les sciences humaines, qui s’attachent à éclairer les systèmes et les mythes à la source de leur production.

    Ils sont devenus les compagnons familiers de nos destinées modernes. Abandonnés sur les plages, prisonniers des glaciers ou concentrés en gigantesques vortex dans les océans, les déchets ont envahi tous les milieux, colonisé jusqu’au vivant. Microscopiques ou encombrants, à l’état solide, liquide ou gazeux, ils tracent sur les mers de nouveaux chemins mondialisés, saturent les airs et les sols, investissent désormais l’espace. Parfois qualifiés d’« ultimes » ou de « polluants éternels », ils s’imposent dans nos assiettes, notre #eau_potable, et jusqu’à la pointe de nos cheveux.

    Les chiffres donnent le vertige. La production annuelle de déchets solides a dépassé les 2 milliards de tonnes dans le monde et devrait atteindre 3,4 milliards en 2050, alerte la Banque mondiale. Celle des #plastiques a doublé en vingt ans, estime l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont les deux tiers sont « mis en décharge, incinérés ou rejetés dans l’environnement ».

    Si cette omniprésence affecte directement la #santé humaine et celle des #écosystèmes, elle marque aussi l’empreinte indélébile des activités humaines sur la Terre. Depuis les premiers amas laissés à l’entrée des grottes, témoins de sa sédentarisation, les détritus racontent l’histoire d’Homo sapiens.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/02/le-poubellocene-ou-la-folle-histoire-de-l-ere-des-dechets_6214466_3232.html

    https://justpaste.it/fwezu

    #capitalocène #poubellocène #déchets #polluants_éternels #écologie_capitaliste

  • #Productivisme et destruction de l’#environnement : #FNSEA et #gouvernement marchent sur la tête

    Répondre à la #détresse des #agriculteurs et agricultrices est compatible avec le respect de l’environnement et de la #santé_publique, expliquent, dans cette tribune à « l’Obs », les Scientifiques en rébellion, à condition de rejeter les mesures productivistes et rétrogrades du duo FNSEA-gouvernement.

    La #crise de l’agriculture brasse croyances, savoirs, opinions, émotions. Elle ne peut laisser quiconque insensible tant elle renvoie à l’un de nos #besoins_fondamentaux – se nourrir – et témoigne du #désarroi profond d’une partie de nos concitoyen·nes qui travaillent pour satisfaire ce besoin. Reconnaître la #souffrance et le désarroi du #monde_agricole n’empêche pas d’examiner les faits et de tenter de démêler les #responsabilités dans la situation actuelle. Une partie de son #traitement_médiatique tend à faire croire que les agriculteurs et agricultrices parleraient d’une seule voix, celle du président agro-businessman de la FNSEA #Arnaud_Rousseau. Ce directeur de multinationale, administrateur de holding, partage-t-il vraiment la vie de celles et ceux qui ne parviennent plus à gagner la leur par le travail de la terre ? Est-ce que les agriculteur·ices formeraient un corps uniforme, qui valoriserait le productivisme au mépris des #enjeux_environnementaux qu’ils et elles ne comprendraient soi-disant pas ? Tout cela est difficile à croire.

    Ce que la science documente et analyse invariablement, en complément des savoirs et des observations de nombre d’agriculteur·ices, c’est que le #modèle_agricole industriel et productiviste conduit à une #catastrophe sociale et environnementale. Que ce modèle concurrence dangereusement les #alternatives écologiquement et socialement viables. Que cette agriculture ne s’adaptera pas indéfiniment à un environnement profondément dégradé. Qu’elle ne s’adaptera pas à un #réchauffement_climatique de +4 °C pour la France et une ressource en #eau fortement diminuée, pas plus qu’à une disparition des #insectes_pollinisateurs.

    Actuellement, comme le rappelle le Haut Conseil pour le Climat (HCC), l’agriculture représente le deuxième secteur d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre, avec 18 % du total français, derrière les transports. La moitié de ces émissions agricoles (en équivalent CO2) provient de l’#élevage_bovin à cause du #méthane produit par leur digestion, 14 % des #engrais_minéraux qui libèrent du #protoxyde_d’azote et 13 % de l’ensemble des #moteurs, #engins et #chaudières_agricoles. Le HCC rappelle aussi que la France s’est engagée lors de la COP26 à baisser de 30 % ses émissions de méthane d’ici à 2030, pour limiter le réchauffement climatique. L’agriculture, bien que répondant à un besoin fondamental, doit aussi revoir son modèle dominant pour répondre aux enjeux climatiques. De ce point de vue, ce qu’indique la science, c’est que, si l’on souhaite faire notre part dans le respect de l’accord de Paris, la consommation de #viande et de #produits_laitiers doit diminuer en France. Mais la solidarité avec nos agriculteur.ices ainsi que l’objectif légitime de souveraineté et #résilience_alimentaire nous indiquent que ce sont les importations et les élevages intensifs de ruminants qui devraient diminuer en premier.

    Côté #biodiversité, la littérature scientifique montre que l’usage des #pesticides est la deuxième cause de l’effondrement des populations d’#insectes, qui atteint 80 % dans certaines régions françaises. Les #oiseaux sont en déclin global de 25 % en quarante ans, mais ce chiffre bondit à 60 % en milieux agricoles intensifs : le printemps est devenu particulièrement silencieux dans certains champs…

    D’autres voies sont possibles

    Le paradoxe est que ces bouleversements environnementaux menacent particulièrement les agriculteur·ices, pour au moins trois raisons bien identifiées. Tout d’abord environnementale, à cause du manque d’eau, de la dégradation des sols, des événements météorologiques extrêmes (incendies ou grêles), ou du déclin des insectes pollinisateurs, qui se traduisent par une baisse de production. Sanitaires, ensuite : par leur exposition aux #produits_phytosanitaires, ils et elles ont plus de risque de développer des #cancers (myélome multiple, lymphome) et des #maladies_dégénératives. Financière enfin, avec l’interminable fuite en avant du #surendettement, provoqué par la nécessité d’actualiser un équipement toujours plus performant et d’acheter des #intrants pour pallier les baisses de production engendrées par la dégradation environnementale.

    Depuis des décennies, les #traités_de_libre-échange et la compétition intra-européenne ont privé la grande majorité des agriculteur·ices de leur #autonomie, dans un cercle vicieux aux répercussions sociales tragiques pouvant mener au #suicide. Si la FNSEA, les #JA, ou la #Coordination_rurale réclament une forme de #protectionnisme_agricole, d’autres de leurs revendications portent en revanche sur une baisse des #contraintes_environnementales et sanitaires qui font porter le risque de la poursuite d’un modèle délétère sur le long terme. Ce sont justement ces revendications que le gouvernement a satisfaites avec, en particulier, la « suspension » du #plan_Ecophyto, accueilli par un satisfecit de ces trois organisations syndicales rappelant immédiatement « leurs » agriculteurs à la ferme. Seule la #Confédération_paysanne refuse ce compromis construit au détriment de l’#écologie.

    Pourtant, des pratiques et des modèles alternatifs existent, réduisant significativement les émissions de gaz à effet de serre et préservant la biodiversité ; ils sont déjà mis en œuvre par des agriculteur·ices qui prouvent chaque jour que d’autres voies sont possibles. Mais ces alternatives ont besoin d’une réorientation des #politiques_publiques (qui contribuent aujourd’hui pour 80 % au #revenu_agricole). Des propositions cohérentes de politiques publiques répondant à des enjeux clés (#rémunération digne des agriculteur·ices non soumis aux trusts’de la grande distribution, souveraineté alimentaire, considérations climatiques et protection de la biodiversité) existent, comme les propositions relevant de l’#agroécologie, qu’elles émanent du Haut Conseil pour le Climat, de la fédération associative Pour une autre PAC, de l’IDDRI, ou encore de la prospective INRAE de 2023 : baisse de l’#élevage_industriel et du cheptel notamment bovin avec soutien à l’#élevage_extensif à l’herbe, généralisation des pratiques agro-écologiques et biologiques basées sur la valorisation de la biodiversité (cultures associées, #agro-foresterie, restauration des #haies favorisant la maîtrise des bio-agresseurs) et arrêt des #pesticides_chimiques_de_synthèse. Ces changements de pratiques doivent être accompagnés de mesures économiques et politiques permettant d’assurer le #revenu des agriculteur·ices, leur #accès_à_la_terre et leur #formation, en cohérence avec ce que proposent des syndicats, des associations ou des réseaux (Confédération paysanne, Atelier paysan, Terre de liens, Fédérations nationale et régionales d’Agriculture biologique, Réseau salariat, …).

    Nous savons donc que les politiques qui maintiennent le #modèle_agro-industriel sous perfusion ne font qu’empirer les choses et qu’une réorientation complète est nécessaire et possible pour la #survie, la #dignité, la #santé et l’#emploi des agriculteur·ices. Nombre d’enquêtes sociologiques indiquent qu’une bonne partie d’entre elles et eux le savent très bien, et que leur détresse témoigne aussi de ce #conflit_interne entre le modèle productiviste qui les emprisonne et la nécessité de préserver l’environnement.

    Une #convention_citoyenne

    Si le gouvernement convient que « les premières victimes du dérèglement climatique sont les agriculteurs », les mesures prises démontrent que la priorité gouvernementale est de sanctuariser le modèle agro-industriel. La remise en cause du plan Ecophyto, et la reprise en main de l’#Anses notamment, sont en totale contradiction avec l’urgence de s’attaquer à la dégradation environnementale couplée à celle des #conditions_de_vie et de travail des agriculteur·ices. Nous appelons les citoyen·nes et les agriculteur·rices à soutenir les changements de politique qui iraient réellement dans l’intérêt général, du climat, de la biodiversité. Nous rappelons que le sujet de l’agriculture et de l’#alimentation est d’une redoutable complexité, et qu’identifier les mesures les plus pertinentes devrait être réalisé collectivement et démocratiquement. Ces mesures devraient privilégier l’intérêt général et à long-terme, par exemple dans le cadre de conventions citoyennes dont les conclusions seraient réellement traduites dans la législation, a contrario a contrario de la précédente convention citoyenne pour le climat.

    https://www.nouvelobs.com/opinions/20240203.OBS84041/tribune-productivisme-et-destruction-de-l-environnement-fnsea-et-gouverne
    #tribune #scientifiques_en_rébellion #agriculture #souveraineté_alimentaire #industrie_agro-alimentaire

  • #Pénuries : des grains de sable dans la machine

    Depuis le 17 janvier, on trouve dans toutes les bonnes librairies le dernier #livre de notre contributeur #Renaud_Duterme. #Mondialisation, réseaux d’#approvisionnement, goulots d’étranglement… Voici, en quelques paragraphes, un aperçu du contenu de « Pénuries. Quand tout vient à manquer » (éd. Payot).

    Pénurie. Un mot que l’on croyait appartenir au passé. Mais que plusieurs événements (pandémie de Covid-19, blocage du canal de Suez, guerre en Ukraine) ont fait revenir sur le devant de l’actualité. Énergie, matières premières, denrées alimentaires, médicaments, matériaux de construction, pièces automobiles, puces électroniques, main d’œuvre, aucun secteur ne semble épargné par cette tendance préoccupante.

    Un approvisionnement sous tension

    La quasi-totalité des biens que nous achetons et utilisons nous parviennent via des #chaînes_d’approvisionnement aussi longues que complexes. Elles sont composées de multiples maillons, allant de l’extraction de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) et leur transformation, jusqu’à l’acheminement vers les rayons des supermarchés, en passant par la fabrication, l’entreposage et, bien sûr, le transport. Le tout fonctionnant en #flux_tendu (la logique de stock ayant laissé la place à un acheminement quotidien), principalement grâce au développement de la #conteneurisation et du #transport routier. Le maître mot de cette #logistique est la #fluidité. Le moindre grain de sable peut gripper toute la machine, a fortiori s’il n’est pas résorbé rapidement.

    Car mondialisation capitaliste oblige, les différentes étapes de ces chaînes d’approvisionnement ont été de plus en plus éloignées les unes des autres, augmentant les risques de #perturbations par #effet_domino. Conflits, catastrophes naturelles, aléas climatiques, grèves, attentats, cyber-attaques, épidémies, autant d’événements pouvant « gripper » un maillon de la chaîne (voire plusieurs) et par là provoquer des goulots d’étranglement remettant en question le fonctionnement même de l’#économie. Ces #goulots semblent se multiplier depuis quelques années et il est fort probable que cela ne soit qu’un début, tant de nombreuses ruptures se dessinent, causées par des limites géophysiques (épuisement des ressources), des dérèglements climatiques (sécheresses et inondations), la chute des rendements agricoles, des tensions socio-économiques (mouvements sociaux, grèves, manque de main d’œuvre, vieillissement de la population, montée des replis identitaires) ou encore géopolitiques (guerres et conflits divers).

    Rien que ces derniers mois, on peut évoquer l’assèchement du canal de Panama engendrant une réduction du nombre de navires pouvant l’emprunter quotidiennement ; les attaques des Houthis en mer Rouge contre des navires commerciaux, ce qui a contraint de nombreux armateurs à faire contourner l’Afrique à leurs navires ; ou encore les grèves et les blocages émanant du monde agricole qui, s’ils accentuaient, pourraient priver certains territoires d’approvisionnement divers. Rappelons que les cent premières villes de France ont seulement trois jours d’autonomie alimentaire, avec 98% de leur nourriture importée[1].

    Jusqu’ici, les tensions ont été en partie surmontées et n’ont pas débouché sur des ruptures majeures, matérialisées par des pénuries durables. Mais leur multiplication est un phénomène inquiétant et l’analyse objective des risques laisse supposer une aggravation et surtout une interconnexion entre des phénomènes a priori distincts les uns des autres. C’est d’autant plus vrai qu’un couac peut engendrer des perturbations bien plus longues que le problème en tant que tel, les retards s’accumulant à chaque étape, le redémarrage de la machine pouvant mettre plusieurs mois, voire années, pour retrouver la fluidité qui fait sa raison d’être.

    Ironie du sort, ces tensions impactent de nombreux éléments sans lesquels la logistique elle-même serait impossible. Les palettes, conserves, conteneurs, véhicules, emballages et cartons sont aussi fabriqués de façon industrielle et nécessitent des composants ou des matières souvent issus de pays lointains et dont le transport et les procédés de fabrication impliquent de grandes quantités d’énergie et de ressources (métaux, bois, eau, etc.).

    Idem pour la main d’œuvre nécessaire au bon fonctionnement des infrastructures qui nous entourent. La colère des agriculteurs est là pour nous rappeler que ces dernières dépendent in fine de travailleurs agricoles, de chauffeurs (deux professions qui ont bien du mal à trouver une relève auprès des jeunes générations), mais aussi d’employés de supermarché, d’exploitants forestiers, d’ouvriers du bâtiment, de magasiniers d’entrepôts logistiques, etc.

    Le ver était dans le fruit

    Ces #vulnérabilités sont loin d’être une fatalité et découlent d’une vision de la mondialisation au sein de laquelle les forces du marché jouissent d’une liberté quasi-totale, ce qui a engendré une multinationalisation des entreprises, la création de zones de libre-échange de plus en plus grandes et la mainmise de la finance sur les grands processus productifs. Des principes se sont peu à peu imposés tels que la spécialisation des territoires dans une ou quelques productions (particulièrement visible en ce qui concerne l’agriculture) ; la standardisation à outrance permettant des économies d’échelles ; la liberté des mouvements de capitaux, engendrant des phénomènes spéculatifs à l’origine de la volatilité des prix de nombreuses matières premières ; la mise en concurrence de l’ensemble des territoires et des travailleurs ; et bien sûr l’interdépendance mutuelle.

    Ces principes entrainent des conséquences dramatiques chez un nombre croissant de personnes, entraînant une perte de légitimité du système en place, ce qui risque également d’alimenter des tensions sociales et géopolitiques déjà existantes, perturbant un peu plus ces chaînes logistiques. À titre d’exemple, les politiques de fermeture des frontières prônées par de plus en plus de gouvernements national-populistes priveraient les pays qui les appliquent de milliers de travailleurs, conduisant à des pénuries de main d’œuvre dans de nombreux secteurs.

    Démondialiser les risques

    En outre, avoir un regard global sur nos systèmes d’approvisionnement permet de (re)mettre certaines réalités au cœur des analyses. Il en est ainsi de cycles de production concernant les différents objets qui nous entourent. De l’origine des composants nécessaires à leur fabrication. Des impacts écologiques et sociaux présents à toutes les étapes de ces cycles. Des limites du recyclage. De la fable que constitue le découplage[2], cette idée selon laquelle il serait possible de croître économiquement tout en baissant les impacts environnementaux. Des limites physiques et sociales auxquelles va se heurter la poursuite de notre consommation.

    Pour ce faire, il importe de populariser de nombreux concepts tels que l’#empreinte_matière (qui tente de calculer l’ensemble des ressources nécessaires à la fabrication d’un bien), l’#énergie_grise et l’#eau_virtuelle (respectivement l’énergie et l’eau entrant dans les cycles d’extraction et de fabrication d’un produit), le #métabolisme (qui envisage toute activité humaine à travers le prisme d’un organisme nécessitant des ressources et rejetant des déchets), la #dette_écologique (qui inclut le pillage des autres pays dans notre développement économique) ou encore l’#extractivisme (qui conçoit l’exploitation de la nature d’une façon comptable).

    Et par là aller vers plus d’#autonomie_territoriale, en particulier dans les domaines les plus élémentaires tels que l’#agriculture, l’#énergie ou la #santé (rappelons qu’environ 80% des principes actifs indispensables à la plupart des médicaments sont produits en Chine et en Inde)[3].

    Dans le cas contraire, l’#anthropocène, avec ses promesses d’abondance, porte en lui les futures pénuries. Le monde ne vaut-il pas mieux qu’un horizon à la Mad Max ?

    https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/300124/penuries-des-grains-de-sable-dans-la-machine

    #pénurie #mondialisation #globalisation

    • Pénuries. Quand tout vient à manquer

      Comment s’adapter aux ruptures qui nous attendent dans un monde en contraction

      Saviez-vous que la plupart des villes ne survivraient que deux à trois jours sans apport extérieur de nourriture ? Qu’un smartphone nécessite des métaux rares issus des quatre coins du monde ? Et que 80% des principes actifs nécessaires à la fabrication de nos médicaments sont produits en Chine et en Inde ? La quasi-totalité des biens que nous achetons parviennent jusqu’à nous via des chaînes d’approvisionnement aussi complexes que lointaines, de l’extraction et la transformation de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) à l’acheminement de produits finis vers nos supermarchés. Ce qui, mondialisation capitaliste oblige, augmente les risques de vulnérabilité de ces chaînes par effet domino.
      Nous expérimentons déjà ces pénuries que nous vivons mal, habitués à une société de flux ininterrompu. Or elles vont s’aggraver du fait de l’épuisement des ressources, des dérèglements climatiques, des tensions socio-économiques et géopolitiques. Demain, nous allons manquer de riz, de cuivre, de pétrole... Il est donc urgent de nous y préparer et d’envisager un autre système économique afin de rendre nos villes et nos vies plus autonomes et résilientes.

      https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/p%C3%A9nuries-9782228934930