• Naissance des divinités, naissance de l’agriculture
    https://clio-cr.clionautes.org/naissance-des-divinites-naissance-de-lagriculture.html

    8.2.2024 par Christophe Dijoux

    Jacques Cauvin, Editions du CNRS, coll. Biblis, 2019, 407 pages, 10 €

    Ce « Naissance des divinités, naissance de l’agriculture » aux éditions du CNRS constitue un classique puisque nous en sommes désormais à la sixième édition1 de ce qui constitue sûrement l’élément majeur de la production prolifique de Jacques Cauvin (1930–2001), archéologue français spécialisé dans la préhistoire du Levant et du Proche-Orient2 et aussi considéré comme l’un des grands experts français de la préhistoire.

    Ses travaux sur les différents sites importants du Moyen-Orient ont mis en évidence, grâce aux matériaux collectés et finement analysés, les toutes premières étapes du développement de l’humanité à travers le Natoufien tardif jusqu’à la fin du Néolithique en passant par le pré-poterie Néolithique précéramique A et B (PPNA3 et PPNB4)5.
    Un peu d’histoire : la lente et régulière maturation du livre

    Bien avant 1994, date de la parution de la première édition, Jacques Cauvin avait déjà annoncé l’idée de l’apparition des premières divinités dans sa thèse secondaire publiée en 1972, intitulée « Religions néolithiques de Syro-Palestine »6.

    L’année suivante, un court article dans La Recherche en 1973 avait souligné le rôle d’un « culte du taureau » et la multiplication des figurines féminines, les ancêtres des représentations ultérieures d’une « déesse de la fertilité (ou déesse-mère) »

    S’en suivit « Les premiers villages de Syrie-Palestine, publié en 1978 » avec un chapitre entier consacré aux « documents artistiques et religieux ».

    D’après la chronologie de ses articles, les premiers publiés au sujet des premières religions néolithiques sont « La mutation religieuse du Néolithique d’après les documents du Proche-Orient »7 en 1983 et « La religion néolithique »8 en 1985.

    S’en suivi « Le rôle de l’imaginaire dans la révolution néolithique »9 en 1986, avec par la suite une série tout au long de l’année 1987 : « L’apparition des premières divinités »10. ; « Cafer Hôyiik 986 »11 ; « La néolithisation au Proche-Orient : recherches récentes. »12 et « Mureybet et les origines de l’agriculture. »13.

    Son idée maîtresse publiée en 1994 arrive au moment où la communauté scientifique opte en majeure partie pour un « modèle matérialiste » selon lequel la néolithisation était une réponse adaptative aux contraintes environnementales externes (école anglo-saxonne) et en a donc pris alors le contre-pied. « Ce que l’on recherche avant tout [à cette époque], c’est le fait de nature qui a pu inciter l’homme à recourir, pour survivre, à l’agriculture et à l’élevage ». Mais pour Jacques Cauvin, il ne s’agit là que d’un postulat.

    A partir de 1970 la New Archeology anglo-saxonne « [introduira] les préoccupations de l’anthropologie américaine sur le devenir des sociétés humaines et l’évolution de leurs structures » mais là aussi « l’environnement [détenait] l’initiative du dialogue » car la culture restait « l’ensemble [des moyens humains] non somatiques pour s’adapter à son environnement »14 L’archéologie suivait ainsi toujours la direction première, celle de Gordon Childe, créateur de l’expression de « Révolution néolithique ».

    C’est après une traduction en anglais à partir des années 2000 que des débats ont véritablement eu lieu. Sa mort prématurée l’a empêché d’y répondre pleinement (2 articles en 2000 et 2001 : notamment « Symboles et sociétés au Néolithique. En guise de réponse à Alain Testart »15

    Olivier Aurenche16 en 2011 écrivait que « les découvertes récentes semblent bien aller dans le sens d’un primat du symbolique sur le climatique ou l’économique dans le processus qui a abouti à la « révolution » néolithique. Toutefois le débat n’est pas encore tranché puisque Jean-Paul Demoule déclara en 2017 que cette thèse « peine à être démontrée dans les faits »17.
    Le contenu du livre : entre origines de l’agriculture et origines des divinités

    L’ouvrage est très fouillé : il alterne épistémologie, réflexion théorique, argumentations et description des différentes cultures (outils et architectures) qui se sont succédées dans l’espace du Moyen-Orient.

    Dans l’introduction, Jacques Cauvin part de l’intuition de Robert Braidwood (p.21) qui constatait déjà le retard manifeste de la domestication des plantes et des animaux par rapport à une certaine autonomie des facteurs culturels et de leur évolution propre. C’est à cette interrogation qu’il va donner une explication.

    Les sept premiers chapitres mêlent donc une analyse à la fois portée sur le milieu naturel mais aussi culturel. En partant du Natoufien et de ses villages de chasseurs-ceuilleurs, le lecteur abordera la « révolution des symboles » et la quasi indissociable paire de divinités que sont la Femme et le Taureau et découvrira l’évolution culturelle dans les différents environnements locaux (chapitres sur « la première agriculture dans l’oasis de Damas », « la basse vallée du Jourdain » et « le Moyen Euphrate : l’évolution de l’économie à Mureybet »).

    Le bilan se fait en deux chapitres, l’un pour l’aspect agricole avec le constat d’une « absence de pression biologique », l’autre exposera une étude de l’expansion démographique et le passage sur l’origine culturelle de l’agriculture et qui constituera la transition avec le chapitre sur « la Révolution néolithique : une mutation mentale ».

    Il est intéressant de remarquer dans cette partie qu’il démontre l’absence de divinité au paléolithique mais qu’il relèvera les éléments masculin et féminin de Leroy-Gouran de même qu’il abordera très rapidement l’idée de variabilité des représentation dans l’espace et des territoires d’occupation, idée reprise par François Djindjian au début des années 200018.
    Les « pré-étapes » :

    Après une début qui montre l’évolution culturelle avant 12500 av. JC (Kebrien, Kebarien géométriqque), Jacques Cauvin suit la chronologie et s’intéresse d’abord aux premiers villages préagricole à flanc de coteaux des chasseurs épipaléolithiques natoufiens19 (12500-10000 av JC), époque charnière où se serait préparé la néolithisation. C’est celle-ci, à l’échelle régionale, et notamment sa diffusion dont va parler J. Cauvin tout en s’intéressant aux éléments culturels20.

    D’autres villages suivront et confirmeront un phénomène important : le regroupement en dehors de toute conséquence de l‘économie de production. C’est aussi cette idée que va développer l’auteur.

    C’est entre -10000 et -8700, au PPNA, au Kiamien, période pendant laquelle les habitants chassent toujours, que débute la domestication de certaines plantes sans avoir un développement d’une véritable économie agricole, qu’ apparaissent les premières divinités. C’est pour lui une période clef même si cette apparition va se faire de façon très progressive.

    Il ne manquera pas non plus de souligner l’importance non seulement des outils mais aussi de l’architecture dans l’évolution culturelle. Même s’il ne prouve pas qu’on a affaire à des bâtiments cultuels (il n’y a aucune preuve archéologique qui pourrait soutenir cette idée), il est certains qu’on est en présence de bâtiments publics dont la fameuse tour de Jéricho (tour cultuelle, cérémonielle on ne sait pas trop) vers -9000. Petit à petit, les arguments qui convergent vers une naissance des divinités à la source de l’agriculture sont mis en avant.
    Les débuts de la diffusion du Néolithique

    Le lecteur a pu découvrir dans les 4 premiers chapitres, toute la finesse de l’analyse de la diffusion des cultures au travers des outils ; diffusion non seulement dans le temps mais aussi dans l’espace réduit du sud du Levant au Zagros. Mais c’est bien le chapitre 7 qui constituera le pivot du livre.
    La genèse de la révolution néolithique

    Les chapitres 5 et 6 exposent deux bilans à propos de l’agriculture : le premier sur les premiers paysans et les stratégies de subsistance, le second sur leur démographie et leur société.

    C’est là qu’il introduit le fait que pour la première fois les groupes humains ne se sont pas dispersés en atteignant un certain niveau de population mais sont restés en changeant leur organisation au khiamien et au tout début de l’horizon PPNA au Xe millénaire ce qui constitue pour Jacques Cauvin une véritable période d’ébranlement idéologique (chapitre 7 et suivants).

    La révolution néolithique : une révolution mentale

    Il explique dans la chapitre 7 que la révolution néolithique fut d’abord une mutation mentale.

    Pour la première fois, les groupes humains ne se scindent pas lorsqu’ils atteignent le seuil critique au-delà duquel des tensions internes apparaissent : l’agriculture serait une solution pour créer de nouveaux rapports sociaux. Ces nouvelles structures sociales seraient même entraînées par un changement cognitif apparent chez l’humain, impliquant une évolution de son rapport avec son environnement naturel.

    La révolution néolithique ne serait donc pas le fruit d’une réponse de l’homme à des contraintes extérieures mais d’une évolution interne des sociétés. Il conçoit la révolution néolithique comme une révolution des symboles. Ainsi apparaît les figurations de la femme et du taureau.

    Cauvin a ainsi suggéré dans cette révolution, « une révolution dans la culture, et plus précisément dans les conceptions religieuses, qui aurait précédé la révolution technique de l’agriculture » 21.
    La première véritable étape : le Khiamien

    Entre 9 500 et 9 000 avant J.-C., il voit émerger deux figures symboliques : la Femme (sous forme de figurines ou statuettes) et le Taureau (sous forme de bucranes conservés dans l’habitat). Leur rapport exact, encore peu explicite, n’est révélé que grâce aux données de Çatalhöyük… postérieures de deux millénaires environ. C’est là une des faiblesses de la démonstration que pointera Testart22.

    Puis c’est au VIIe millénaire qu’il date la création d’une nouvelle religion avec la multiplication des représentations féminines. La femme y devient déesse-mère et les silhouettes féminines et ainsi que les bucranes deviennent des motifs dominants et répétitifs. Cette idée sera remis en cause par A. Testart dans son ouvrage « La déesse et le Grain » sans forcément emporter l’adhésion.

    Le constat est fait qu’une idéologie unique se déploie dans tout le Proche et le Moyen-Orient pendant tout le Néolithique.

    Ce n’est plus un symbole de fécondité mais un véritable personnage qui apparaît notamment lorsqu’il s’appuie sur les découvertes de James Mellaart le fouilleur de Çaytal Höyük et sa célèbre statuette « la dame aux félins ».

    La Femme n’est plus, comme au Paléolithique, un simple archétype de la fécondité, mais une véritable déesse, donnant naissance à des taureaux et associée à des carnivores et à des rapaces. Maîtresse de la vie, elle règne aussi sur la mort.

    À partir de 8 800 avant J.-C., les données symboliques s’enrichissent. Le couple primordial Femme/Taureau persiste, mais la représentation humaine s’affirme avec de plus en plus de force, sous d’autres formes. Aux petites figurines et statuettes, on ajoute, proches de la grandeur nature, des statues, des masques, enfin des crânes humains surmodelés.

    Des sanctuaires « domestiques » ou collectifs abritent les cérémonies de cette religion. Dans ce contexte, la culture matérielle la plus « ordinaire » prend du sens. Cauvin montre, par exemple, la simultanéité de l’émergence progressive, à partir du Taureau – à Çatalhöyük sous la forme d’un homme barbu chevauchant un bovidé –, de l’être humain de sexe mâle, d’un nouvel armement, de la naissance de l’élevage et d’une révolution géométrique dans l’habitat (passage du plan circulaire au plan rectangulaire). Il s’agit là pour lui de la seconde mutation mentale du Néolithique.

    Après le règne de la Femme et l’apparition de l’agriculture, s’affirme un « épisode virilisant » qui préfigure les dieux et les héros combattants de l’âge du Bronze23.

    Il montre qu’on a affaire à la « dynamique d’une culture conquérante ». Ce douzième chapitre donne tout naturellement à la troisième partie « le grand exode » dans laquelle il rappellera une partie épistémologique (chap.13) et il décrira « l’achèvement de la néolithisation dans le noyau levantin » (chap.14), « l’arrivée des premiers agriculteurs sur le litoral et à Chypre » (chap.15), « la poussée vers l’est… dans la Jézireh orientale et le désert syrien » (chap.16), « le nomadisme pastoral » (chap.17) pour enfin exposer les hypothèses d’explication de cet exode dans le 18e et dernier chapitre.
    Conclusion

    Même si, pour une mise à niveau sur la néolithique les professeurs du secondaire pourraient par exemple lire l’ouvrage de Jean-Paul Demoule aux éditions du CNRS24, « Naissance des divinités, naissance de l’agriculture » est une étape incontournable de la longue histoire des théories qui proposent des explications sur la nature du phénomène néolithique et offre une stimulante hypothèse, renversante pourrait-on dire, toujours non démentie, sur le pourquoi de cette révolution néolithique. Quant aux passionnés d’histoire des religions, cet ouvrage constitue le lien entre la religion des grottes ornées du Paléolithique et les grands monothéismes de l’Antiquité.

    1 Avec le succès de la publication de 1994, une seconde édition fut produite en 1997 (Naissance des divinités éd. augmentée et corrigée, éd. CNRS 1997 Grand Format) puis une troisième et quatrième en 1998 (réédité d’une part chez Flammarion, collection « Champs » et d‘autre part aux éditions du CNRS, collection « Empreintes »). Le CNRS dans sa collection « Biblis », en feront une cinquième en avril 2013. Celle de 2019 constitue donc la sixième si on omet l’édition anglaise qui lui permettra d’être connu par la communauté des préhistoriens du Moyen-Orient. « The Birth of the Gods » 2000.

    2 Le choix du régionyme Proche-Orient ou Moyen-Orient voire Levant a été choisi comme suit : dans le cas de l’Orient ancien, on parle plutôt en France de Proche-orient et de Levant. Quand il s’agit de désigner la recherche anglo-saxonne nous avons choisi Moyen-Orient (Cf. l’article de Vincent Capdepuy « Le « Croissant fertile ». Naissance, définition et usages d’un concept géohistorique. et sa thèse.

    3 Le Néolithique précéramique A ou PPNA est une des phases du Néolithique du Proche-Orient établie en fonction de la stratigraphie du site de Jéricho par Kathleen Kenyon. Elle s’étend sur plus d’un millénaire entre la fin du XIè millénaire et le début du IXe millénaire av. J.-C. Elle ne constitue pas une culture homogène mais une phase caractérisée par une sédentarisation accrue des communautés humaines et les prémices du développement de l’agriculture et de l’élevage.

    4 Le Néolithique précéramique B ou PPNB (Pre-Pottery Neolithic B) est une des phases du Néolithique du Proche-Orient. Il suit la phase du Néolithique précéramique A (PPNA), et il a comme ce dernier été établi en fonction de la stratigraphie du site de Jéricho par Kathleen Kenyon. Il s’étend sur environ 2000 ans entre le début du e millénaire et le début du VIIe millénaire av. J.-C. Il ne constitue pas une culture homogène mais une phase caractérisée par la présence de villages sédentaires, parfois très grands, dont la population commençait à maîtriser l’agriculture et/ou l’élevage.

    5Sa thèse publié en 1968, portait sur « Les outillages néolithiques de Byblos et du littoral libanais ». Paris : Librairie d’Amérique et d’Orient, Jean Maisonneuve (Fouilles de Byblos tome IV).

    6Cauvin, Jacques. Religions néolithiques de Syrie-Palestine. Paris : Librairie d’Amérique et d’Orient, Jean Maisonneuve, 1972.

    7 In Les Cahiers de l’Institut Catholique de Lyon 9,« Émergence et originalité de l’homme, Colloque de Chantilly 8-10 janvier 1982 » : 69-82.

    8 In Science et Théologie 10 : 1-15.

    9 In Le Goff J.. Marin L.. Peter .IP. et al. (éd.). Histoire et Imaginaire 22-34. Paris : Poiesis 1986.

    10 La Recherche 194:1472-1480.

    11 Anatolian Studies 37 1 82- 1 82.

    12 Courrier du CNRS, supplément au n° 67 , pp 97-98.

    13 Dossiers, Histoire et Archéologie 122, 22-23.

    14 Binford L. et Binford S., 1968, New perspective in Archeology, Chicago, Aldine Publishing Compagny. Même si Robert Braindwood dans les années 1960 avait eu l’intuition d’une certaine autonomie des facteurs culturels ce que développera donc par la suite Jacques Cauvin.

    15 Testart A. 1998, Révolution, révélation ou évolution sociale. À propos du livre de Jacques Cauvin : « Naissance des divinités, Naissance de l’agriculture ». Les Nouvelles de l’Archéologie 72 : 25-29.

    16 Aurenche Olivier. Jacques Cauvin et la religion néolithique. Genèse d’une théorie. Paléorient, 2011, vol. 37, n°1.

    Article Néolithisations : nouvelles données, nouvelles interprétations. À propos du modèle théorique de Jacques Cauvin. pp. 15-27.

    17 Demoule Jean-Paul, Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire, ed. Pluriel nov.2019. Compte rendu de l’édition de 2017 aux éditions Faillard sur le site des clionautes. p.26.

    18 Djindjian François, Espaces symboliques dans l’art préhistorique (Actes du Xve Congrès de l’UISPP, Lisbonne, vol 40, BAR International Serie, n°1999, 2006 et Fonctions, significations et symbolismes des représentations animales paléolithiques (in Clottes (dir) : l’art pléistocène dans le monde. Actes du Congrès IFRAQ, Tarascon-sur-Ariège, pp.312-313 et pp. 1807-1816, 2010).

    19 Les fouilles de Jean Perrot de 1955 avaient déjà indiqué la présence de villages de chasseurs-cueilleurs antérieurs de 2000 ans à toute agriculture dans la vallée du Jourdain.

    20Au Natoufien, nous avons d’abord une sédentarisation préagricole avec sépulture autour et même dans l’habitat.

    21 Demoule Jean-Paul, Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire, ed. Pluriel nov.2019. Compte rendu de l’édition de 2017 aux éditions Faillard sur le site des clionautes.

    22 Même si Par rapport à Testard, Cauvin récuse le comparatisme ethnographique, auquel il a donné pourtant des gages. Il ne lui accorde qu’une « valeur de suggestion ». (Cauvin, 1972, Religions néolithiques de Syro-Palestine. Paris : Jean Maison-neuve (Publications du Centre de recherches d’écologie et de préhistoire 1).

    23 Cauvin, 1997 in O. Aurenche « Jacques Cauvin, La religion néolithique, genèse d’une théorie » in Paléorient, 2011, vol. 37, n°1. « Néolithisations : nouvelles données, nouvelles interprétations. À propos du modèle théorique de Jacques Cauvin ». pp. 15-27 ;

    24 Demoule (J.-P.) 2010. « La révolution néolithique dans le monde ». Éditions du CNRS.

    #préhistoire #naissance_des_divinités #agriculture #histoire

  • Pourquoi « la naissance des divinités au néolithique est liée à la domestication des plantes au Proche-Orient »
    https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2024/04/07/pourquoi-la-naissance-des-divinites-au-neolithique-est-liee-a-la-domesticati

    Notre monde contemporain n’appréhende la technique qu’à l’aune de son application, d’où une approche biaisée de son origine. Or, les grandes innovations techniques sont trop complexes pour pouvoir envisager leur application dès le début.

    Les premiers développements sont en réalité le fruit d’une volonté d’explorer un phénomène fascinant, dont l’irruption interpelle les conceptions du monde et du cosmos – ainsi de la poudre à canon inventée par des alchimistes chinois fascinés par le souffle de l’explosion.

    Le concept de « technopoïèse », que j’ai récemment proposé, désigne cette phase originelle dans laquelle le processus revêt plus d’importance que le produit qui en est issu. Par la suite, dans la phase technologique qui lui succède, le produit fini se détache du processus. Devenue autonome, sa production peut se voir guidée par des critères utilitaires.

    Les trois millénaires d’extension du processus de domestication des plantes au Proche-Orient correspondent précisément à une phase de technopoïèse, dans laquelle les plantes sont mises en culture au nom de la résonance cosmique du processus, et non pas en vue de leur consommation. J’affirme donc que c’est cette dimension cosmique qui deviendra le moteur du processus de domestication.

    #agriculture #histoire #archéologie #technique #technopoïèse #spiritualité #utilitarisme #Nissim_Amzallag #livre

  • L’art rupestre préhistorique suggère l’utilisation ancienne d’une astronomie complexe Là... Je demande à voir...

    Selon le résumé de sciences Daily « Certaines des peintures rupestres les plus anciennes du monde ont révélé à quel point les peuples anciens possédaient des connaissances relativement avancées en astronomie ».

    Avant de lire le résumé ET l’article original, je me permets de fournir le lien vers le compte rendu de lecture sur... "L’Homme de Lascaux et l’énigme du Puits" de Jean-Loïc Le Quellec : https://clio-cr.clionautes.org/lhomme-de-lascaux-et-lenigme-du-puits.html

    L’article sous pdf : https://arxiv.org/pdf/1806.00046.pdf

    Le résumé :

    Les œuvres d’art, sur des sites à travers l’Europe, ne sont pas simplement des représentations d’animaux sauvages, comme on le pensait auparavant. Au lieu de cela, les symboles des animaux représentent les constellations d’étoiles dans le ciel nocturne et sont utilisés pour représenter les dates et marquer des événements tels que les impacts de comètes(...).

    Ils révèlent que, il y a peut-être 40 000 ans, les humains suivaient l’évolution du temps en utilisant la connaissance de la lente évolution de la position des étoiles au cours de milliers d’années.

    Les résultats suggèrent que les peuples anciens ont compris un effet causé par le déplacement progressif de l’axe de rotation de la Terre. La découverte de ce phénomène, appelée la précession des équinoxes, était auparavant attribuée à des Grecs anciens.

    Selon l’étude, à peu près à l’époque de la disparition des Néandertaliens, et peut-être avant que l’humanité ne s’installe en Europe occidentale, les gens pouvaient définir des dates à moins de 250 ans.

    Les résultats indiquent que les connaissances astronomiques des peuples anciens étaient bien plus importantes qu’on ne le pensait auparavant. Leurs connaissances ont peut-être facilité la navigation en haute mer, avec des implications pour notre compréhension de la migration humaine préhistorique.

    Des chercheurs des universités d’Édimbourg et du Kent ont étudié des détails de l’art paléolithique et néolithique présentant des symboles d’animaux sur des sites en Turquie, en Espagne, en France et en Allemagne.

    Ils ont découvert que tous les sites utilisaient la même méthode de datation basée sur une astronomie sophistiquée, même si l’art était séparé dans le temps par des dizaines de milliers d’années.

    Les chercheurs ont clarifié les résultats d’une étude sur les gravures sur pierre de l’un de ces sites - Gobekli Tepe dans la Turquie d’aujourd’hui [https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%B6bekli_Tepe] - interprétée comme un mémorial d’une chute dévastatrice de comètes aux environs de 11 000 ans av. On pensait que cette chute avait initié un mini âge glaciaire connu sous le nom de période de Dryas récent.

    Ils ont également décodé ce qui est probablement l’œuvre d’art antique la plus connue - la scène du puits de Lascaux en France

    Les chercheurs suggèrent que l’œuvre, qui met en scène un mourant et plusieurs animaux, pourrait commémorer une autre chute de comètes vers 15 200 av.

    L’équipe a confirmé ses conclusions en comparant l’âge de nombreux exemples d’art rupestre - connu par la datation chimique des peintures utilisées - avec la position des étoiles dans l’antiquité, comme le prédisaient des logiciels sophistiqués.

    La sculpture la plus ancienne du monde, l’homme du lion de Hohlenstein-Stadel [https://fr.wikipedia.org/wiki/Homme-lion], datant de 38 000 ans avant notre ère, s’est également avérée conforme à cet ancien système de chronométrage.

    Cette étude a été publiée dans le Athens Journal of History.

    Martin Sweatman, directeur de l’étude, de l’école d’ingénierie de l’université d’Edimbourg, a déclaré : "Les premières œuvres d’art rupestre montrent que les gens avaient une connaissance avancée du ciel nocturne au cours de la dernière période glaciaire. Intellectuellement, ils ne sont guère différents de nous aujourd’hui. .

    « Ces résultats appuient une théorie des impacts multiples sur les comètes au cours du développement humain et vont probablement révolutionner la manière dont les populations préhistoriques sont perçues. »

    Quelques extraits de l’étude à propos de la scène du Puits de Lascaux et mes modestes remarques :

    La clé du décodage de Lascaux, et donc d’un autre art paléolithique, est l’interprétation de la scène de puits.

    .

    Ah ? Et pourquoi cette scène et non une autre ?

    Peut-être parce que

    cette scène bien connue est assez distincte de toutes les autres œuvres d’art de Lascaux, étant située au fond d’un puits profond, ce qui suggère un statut particulier. Il est également unique parmi les œuvres d’art du Paléolithique en ce qu’il représente un homme apparemment en train de tomber d’une manière suggérant une blessure ou une mort.

    Et d’ajouter qu’

    un autre indice sur la signification de la scène de puits est fourni par le fait que seuls quatre symboles d’animaux différents sont affichés ici ; un bison / aurochs, un canard / oie et un rhinocéros (à gauche du mourant / mourant) sur le mur principal avec un cheval sur le mur arrière.

    Oui mais le fait qu’il y ait un « homme » (nous dirions pour notre part anthropomorphe) soit une clé est une affirmation sans preuve : de quelle clé s’agit-il ??

    La réponse est juste après :

    Les similitudes avec la pierre de vautour de Göbekli Tepe sont frappantes. Les deux affichent un homme, éventuellement mort ou mourant, et affichent quatre symboles d’animaux bien en vue.

    Il est donc judicieux de rechercher si la scène de puits à Lascaux est équivalente à la pierre de vautour de Göbekli Tepe et peut donc être décodée selon la même méthode.

    ok, pourquoi pas.

    Notez les symboles bison / aurochs et canard / oie dans la scène du Puits, et utilisez le tableau 1 et Stellarium pour trouver immédiatement ce qui suit :
    • Bison / Aurochs = Capricorne = Solstice d’été entre 15 350 et 13 000 av.
    • canard / oie = Balance = équinoxe de printemps entre 15 700 et 14 100 av.

    Oui mais bon... je crois avoir lu que la correspondance entre les dessins de Göbekli Tepe et les constellations était subjective (je n’ai pas encore tout bien lu et bien compris...).

    Par conséquent, cette scène pourrait représenter une date située entre 15 350 et 14 100 av. Pour réduire cette plage, nous faut considérer les deux autres symboles animaux. Malheureusement, aucun de ces symboles n’a encore été décodé. Mais logiquement, il est peu probable qu’elles correspondent à des constellations déjà décodées.

    (pas de bol ;-) ).

    Il s’en suit immédiatement cette phrase :

    Lorsque nous considérons cette plage de dates, nous voyons les possibilités suivantes :

    •Équinoxe d’automne : Taureau entre 1550 et 14950 av. J.-C. ou Bélier entre 14950 et 14.100 av.
    •Solstice d’hiver : Lion 15 350 à 14 800 av. J.-C. ou Cancer 14 800 à 14 100 av. J.-C.

    (soit.)

    Etant donné que, dans les tableaux 1 et 2, Aries est représenté par le bélier et que Cancer est représenté par un grand félin, et que les béliers et les félins sont répertoriés dans l’art paléolithique, il est probable que la plage de dates se situe entre 15 350 et 14 950 av. donc le rhinocéros et le cheval représentent probablement Taureau et Lion.

    Lorsque nous considérons ces constellations au coucher du soleil (voir tableau 3), qui est la convention de ce système (1), nous constatons que rhinocéros et cheval correspondent bien à leurs constellations respectives (Taurus et Lion), ce qui renforce encore la confiance en eux pour cette interprétation. Nous suggérons donc que la scène du Puits code la date de 15 150 ± 200 av. J.-C. et nous avons maintenant terminé notre ancien zodiaque.

    Houlà... Bon, en ce qui concerne les béliers... il y en a très très peu à ma connaissance au paléolithique voire... pas du tout. Mais pourquoi pas, je n’ai pas tout vu. Sauf que, sauf que... si le cheval sur le mur en face de « la scène » a bien était fait avec les même matériaux et la même technique, ce n’est pas du tout, mais pas du tout le cas pour le rhinocéros qui lui, le fait donc pas du tout partie de la scène. par ce simple fait, la théorie s’effondre (il n’y a plus que trois animaux ou lieu de quatre...).

    Quant aux autres animaux présents en plus ou moins grand nombre, ils sont relégués au rang de

    variations régionales et temporelles de ce zodiaque qui restent à décoder, mais elles ne sont pas étudiées plus avant ici.

    La suite est aussi intéressante :

    Maintenant que nous avons une date, nous pouvons essayer d’interpréter la scène. Que devrions-nous faire de l’homme qui tombe / qui meurt et du bison à la lance / qui meurt ?

    Bon, la lance n’en est pas forcément une... (Voir l’analyse de Le Quellec). Quant au bison qui meurt... les progrès en éthologie ne permettent plus de dire que ce sont ces viscères qui pendent puisqu’il ne pourrait avoir cette posture avec cette blessure.

    Étant donné que la pierre du vautour de Göbekli Tepe fait très probablement allusion à l’événement de Dryas récent et que, selon la théorie de Napier et Clube sur le catastrophisme cohérent, il est peu probable que ce soit un incident isolé, la scène du Puits pourrait-elle représenter une autre rencontre avec le flux de météores taurides ?

    À Göbekli Tepe, le renard figure sur les plus grands piliers centraux de la plus grande enceinte encore non découverte, indiquant l’événement daté par la pierre de vautour se réfère à un événement cosmique de la direction du nord du Verseau. Au lieu de cela, la scène du Puits affiche un auroch blessé, représentant le Capricorne, pas un renard. Les aurochs sont-ils ici équivalents au renard de Göbekli Tepe ? Pour répondre à cette question, nous devons examiner la précession du flux de météores Taurid.

    Comme décrit précédemment [dans l’article], la longitude du nœud ascendant du flux de météores taurides devrait précéder au rythme d’un signe zodiacal tous les 6000 ans ans. Aujourd’hui, le flux de météores taurides est centré (et donc maximal) sur le Bélier. Par conséquent, au moment de l’événement Younger récent, il y a environ 13 000 ans, il aurait été centré sur le Verseau, décrit à Göbekli Tepe en termes de renard.

    À la date indiquée par la scène du Puits, il y a environ 17 000 ans, son centre se serait situé au-dessus de Capricornus. Par conséquent, l’aurochs blessé dans la scène du Puits est compatibles avec son interprétation en tant que météore tauride venant de la direction de Capricornus. Ainsi, le blessé ou le mourant pourrait indiquer une rencontre catastrophique avec les Taurides, comme pour la pierre de vautour de Göbekli Tepe.

    Oui... mais quid de la « blessure » de l’auroch ? (qui n’en est peut-être pas une). Les hommes de cette époque, on le sait, représentaient avec une très fine précision les animaux de leur environnement. Que veut donc dire cette « blessure » dans cette théorie astronomique ?

    Par la suite, les auteurs précisent quand même que

    bien sûr, il reste la possibilité que cette interprétation de la scène Shaft soit fausse, et toute similitude avec les symboles de Göbekli Tepe et Çatalhöyük est une coïncidence.

    Ouf .

    Par la suite, les auteurs cherchent les correspondances entre les animaux et les dates au carbone 14 et

    finalement, [n’incluent] aucune donnée de Cosquer Cave, un grotte côtière partiellement en dessous du niveau de la mer, pour les peintures situées au-dessous de la ligne de marée haute, ces peintures étant probablement contaminées et leurs dates au radiocarbone
    non fiable.

    Je n’ai pas lu de communication scientifique sur Cosquer et donc, je ne peux dire si ces dates sont fiables mais il me semble que la grotte est bien isolée de la mer et que, par ce fait, il ne devrait pas y avoir de « contamination ». Mais je ne suis pas un spécialiste de cette grotte...

    La suite de l’article, la figure 7, aurait été plus intéressante si elle montrait la corrélation entre la datation des peintures et les événements des Taurides. Hélas, elle montre une corrélation entre les dates des constellations solstice / équinoxe et les dates radiocarbone des animaux symboliques correspondants.

    Ce qui me pose problème c’est quand même la première étape : la correspondance entre les animaux gravés ou peints et les constellations.
    A suivre donc... en espérant une réponse et/ou une étude contradictoire.

    #Préhistoire #Paléolithique #Astonomie #Art_pariétal #Scène_du_Puits_Lascaux #36000BP
    #Martin_B._Sweatman, Alistair Coombs. Decoding European Palaeolithic art : Extremely ancient knowledge of precession of the equinoxes. Athens Journal of History, 2018

  • Quand les eaux montent – Mise en #patrimoine des #crues et des #inondations

    Cet ouvrage, issu des travaux de la Chaire Capital environnemental et gestion durable des cours d’eau (Géolab/Université de Limoges) présente des études de cas en France, en Europe mais aussi en Inde et au canada et propose une lecture patrimoniale des inondations.

    Si Jamie Linton enseigne la géographie à l’Université de Limoges, Alexis Metzger est associé au centre de formation sur l’environnement et la société de l »ENS-ULM. Tous deux introduisent l’ouvrage qu’il coordonne, organisent les diverses contributions en trois parties : traces et mémoires qui conduisent le lecteur dans le Gers et au Canada, Risques et cultures des rives du Brahmapoutre au Rhin en passant par les bords de Loire, la seine et le Tibre, Transmissions et créations entre Loire et Garonne.

    L’introduction Mind the floods ! Définit le cadre conceptuel : le patrimoine en relation avec la crue considérée comme utile à l’écosystème de la rivière, une « contrainte à intégrer au développement des territoires »1. Les auteurs rappellent le contexte d’élaboration de l’ouvrage : un colloque tenu à limoges en octobre 2015 et invitent à compléter la lecture par l’écoute d’extraits de communications et proposent une bibliographie générale sur ces thèmes 2

    Traces et mémoires

    Franck David (Université Bretagne -Sud), spécialiste des traces mémorielles des héritages douloureux entre valorisation et oubli, aborde les mémoires d’une crue assez récente à Auch3, une crue dévastatrice pour les habitants de la ville basse épargnant la ville historique en rive gauche.Il pose une série de questions : la mémoire, construction sociale, constitue-telle un patrimoine ? Comment sont conservées ou cachées les traces visuels de la crue ? Les mesures de prévention des risques ne pourraient-elles pas entretenir les traces de hauteurs d’eau pour rappeler le risque ? La loi du 30 juillet 2003 prévoit en effet de matérialiser les repères de PHEC4 alors que rien n’est prévu en ce qui concerne l’étendue spatiale de l’inondation. L’auteur montre que d’autres formes existent : monument ou spectacle vivant. Il analyse deux figurations du sculpteur Jaime Plensa installées en 1992 et le parcours d’interprétation de la ville « chemin de traverse » les associant à une représentation chorégraphique évoquant la crue. Le but de ces œuvres est de réconcilier les habitants avec le rivière de même que les aménagements de rectification des rives et aménagements paysagers avec promenade et parcours sportif pour permettre une réappropriation pacifié du Gers.

    Anne Watelet der l’école de l’environnement de l’Université Laurentienne (Ontario-Canada) entraîne le lecteur sur les rives de la rivière des Ouataouais. Il s’agit d’une rivière liée à l’histoire même du Québéc, patrimoine reconnu officiellement en 2017 mais la mémoire des crues est peu connue. L’étude porte sur deux villages à l’ouest de Montréal, l’un est un point de portage incontournable à, l’aval de rapides fréquentés dès le début du XVIIe siècle par les migrants européens. Les vestiges du canotage ont été largement détruit par la construction d’une centrale hydroélectrique (1962). Comment les habitants vivent-ils aujourd’hui le milieu riverain ? L’auteure décrit l’hydrologie de la rivière et ses crues fréquentes, la mémoire des crues utiles à l’exploitation forestière5 ou à la ^pêche à l’esturgeon. La présentation des effets du barrage sur le sentiment des riverains montre une différence selon qu’ils vivent en amont ou en aval du barrage6. L’auteure constate que l’éloignement de la connaissance et de la crainte des crues amène à une extension des zones bâties en zone inondable en aval et une prise de conscience récente de la collectivité locale.

    Quatre universitaires britanniques : Lindsey McEwen, Joanne Garde-Hansen, Iain Robertson, Andrew Holmes explorent la nature changeante des archives d’inondation, leur relation avec la mémoire et les savoir locaux. Ils définissent les archives et les conditions de leur collecte. Ils montrent le poids ses élites dans la définition de ce qui doit être conservé même si des mémoires plus personnelles ou familiales existent. Les auteurs évoquent la conservation d’archives d’inondation : photographies7, témoignages, repères. Ils concluent sur l’existence d’un patrimoine culturel immatériel et pose la question de sa mise à disposition du public.

    Risques et cultures

    Quatre articles abordent la question sous l’angle risques/ressources.

    Émilie Crémin nous entraîne sur les rives du Brahmapoutre. Elle montre comment les populations y ont vécu en utilisant les différents niveaux d’eau, « jouant » avec les crues tandis que les autorités tentent depuis le XIIe siècle de les maîtriser. Elle présente la culture ancienne du fleuve divinisé, associé à Brahma, les politiques de préservation de l’écosystème de la plaine inondable dans le Parc National de Kaziranga et le « savoir vivre avec les crues des habitants de l’île de Majuli. Elle analyse ensuite un autre patrimoine lié à la longue histoire des digues, les évolution des pratiques agricoles, les critiques de ces politiques de protection. Elle conclut sur l’existence dans cette région d’une culture du risque exprimée par des dessins d’enfants.

    Sylvain rode et Sylvie Servain se penchent sur la Loire moyenne autour de la question : « l’approche en terme de patrimoine ne peut-elle pas aider à donner une visibilité au risque inondation 8 » sur un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis l’an 2000 ? Il s’agit ici à la fois des paysages naturels de l’eau et des paysages culturels9 et du risque qui véhicule une image négative aux antipodes de la vallée des châteaux. L’interrogation porte sur l’intérêt d’une patrimonialisation de l’inondation pour définir une identité du lieu, un atout de développement notamment touristique et une culture du risque à construire.

    Ce ne sont pas moins de dix auteurs, historiens et géographes, qui analysent la culture du risque dans le fossé rhénan. Ils constatent une méconnaissance largement répandue du risque dans une zone urbanisée et industrielle. Si l’Alsace a un riche patrimoine historique et bien que très marquée par la présence du Rhin la connaissance et la mémoire des inondations sont faibles sans doute en raison, pour les auteurs, de l’histoire des conflits franco-allemands10. Les auteurs évoquent &également les travaux de correction, endiguement des cours d’eau et la rareté des repères de rue. La prise de conscience du risque est récente, peut-être une chance pour une patrimonialisation des inondations omniprésentes dans l’histoire de l’Alsace11. Les auteurs militent pour une géohistoire des inondations.

    Sofiane Saadia (doctorant à l’Université Paris Diderot) compare sur un siècle (des années 1930 au début du XXIe siècle) les stratégies de Paris et Rome face à la crue. Quelle intégration du risque dans les aménagements urbains ? L’auteur amorce sa réflexion autour des ouvrages de protection, leur patrimonialisation et les conséquences : valorisation des berges et mesures de prévention des risques, des rapports parfois antagonistes12. A partir de l’exemple d’aménagement du parc interdépartemental des sports de Choisy-le-Roi il pose ensuite la question : l’inondation peut-elle être considérée comme un patrimoine naturel ?

    Transmissions et créations

    Avec Annie Sigwalt, sociologue, on aborde la question des terres agricoles en zone inondable, les zones humides en Pays de Loire, autrefois élément de l’exploitation agricole, aujourd’hui en perte d’actifs agricoles.Elle présente les travaux de la commission marais de la chambre d’agriculture de Loire atlantique et notamment comment les éleveurs perçoivent leur activité professionnelle en zone humide, confirmant une connaissance réelle du milieu et des savoir à transmettre : formes de valorisation, connaissance du risque, réactions aux mesures agro-environnementales.

    L’exemple de patrimonialisation de la moyenne vallée de la Garonne marmandaise est présenté par Philippe Valette, Philippe Marmiesse et Jean-Michel Moreau. Après une description de la Garonne et son régime de crues les auteurs rappellent quelques données historiques et les caractéristiques d’un bâti traditionnel adapté et mis en valeur à Couthures par la Maison « Gens de Garonne ».

    En guise de conclusion La géographe Nancy Meschinet de Richemond développe bla nécessaire dimension positive de l’inondation pour une patrimonialisation allant au-delà de la dimension économique du patrimoine.

    https://clio-cr.clionautes.org/quand-les-eaux-montent-mise-en-patrimoine-des-crues-et-des-inond
    #mémoire #catastrophe #livre #géographie_culturelle #risques #catastrophes #histoire

  • Colonisation de l’Amérique : la route du Varech.

    Une équipe d’anthropologues de plusieurs institutions aux États-Unis abandonnent le point de vue conventionnel selon lequel les peuples "Clovis" (#Clovis-first_model) ont traversé un pont terrestre sur l’actuel détroit de Béring ont été les premiers arrivés en Amérique. Des preuves plus récentes suggèrent que d’autres sont arrivés bien plus tôt, utilisant probablement des bateaux et faisant du cabotage.

    Cela aurait été possible, notent les auteurs, à cause de ce qui a fini par être connu sous le nom de « varech » ; les forêts de varech poussant juste au large. Tout ce varech aurait fourni un riche habitat pour les créatures marines qu’auraient pu manger les voyageurs.

    Les auteurs concluent en soulignant que trop peu de recherches ont été faites au large des côtes - les premiers voyageurs auraient résidé principalement sur des terres maintenant recouvertes par la mer en raison des niveaux océaniques mondiaux plus élevés.

    Les auteurs concluent en soulignant que trop peu de recherches ont été faites au large des côtes - les premiers voyageurs auraient résidé principalement sur des terres maintenant recouvertes par la mer en raison des niveaux océaniques mondiaux plus élevés.

    Cette réflexion rejoint celle d’Emmanuel Guy qui, lui aussi, pense que de nombreux abris, campements sont actuellement au large de nos côtes.
    https://clio-cr.clionautes.org/ce-que-l-art-prehistorique-dit-de-nos-origines.html

    Read more at : https://phys.org/news/2017-11-anthropologist-group-humans-americas-kelp.html

    #préhistoire #peuplement #clovis #14000-18000BP #Amérique

  • L’histoire de la population nord-européenne révélée par les anciens génomes.
    Max Planck Institute for the Science of Human History.

    Pour cette étude, l’équipe de recherche, composée de scientifiques de Lituanie, Lettonie, Estonie, Russie et Suède, a rassemblé des données génomiques de 38 anciens Européens du Nord, de chasseurs-cueilleurs nomades du Mésolithique (il y a environ 12 000 à 7 000 ans), d’agriculteurs néolithiques dans le sud de la Suède (il y a environ 6 000 à 5 300 ans) jusqu’aux métallurgistes de l’âge du bronze tardif dans la Baltique orientale (environ 1300 à 500 avant notre ère).

    Il en ressort deux points :

    – il y a eu deux routes de colonisation de la Scandinavie
    – l’agriculture et l’élevage ont été importés par de nouveaux arrivants

    Northern European population history revealed by ancient human genomes | Max Planck Institute for the Science of Human History
    http://www.shh.mpg.de/803153/northern-european-population-history

    #Préhistoire #peuplement #Mésolithique #Néolithique #âge_du_bronze #Max_Planck_Institut #Europe #14000-2500BP

  • Questionner l’espace – Les méthodes de recherche en didactiques (4)

    L’un des volets importants débattu dans l’ouvrage tient aux définitions mêmes de l’espace. Souvent employé métaphoriquement, avec ajouts d’adjectifs (social, cognitif…) mais occultant parfois le contexte, l’#espace prend légitimement appui sur l’outillage conceptuel proposé par les géographes habitués à le manier. Pour le rendre opératoire, dynamique, dans le cadre des différentes didactiques, il est souvent question de tendre vers un usage complémentaire de sa dimension absolue (la position) et de sa dimension relative (distance et relation).


    https://clio-cr.clionautes.org/questionner-l-espace-les-methodes-de-recherche-en-didactiques-4.
    #didactique #géographie #méthode #ressources_pédagogiques #manuel #livre

    signalé par @ville_en

  • Enseigner la géographie : quelques ressources

    – Un ouvrage (non disponible en ligne) très récent, à connaître pour le concours : « Géographier aujourd’hui. Enseigner la géographie au collège et au lycée », dirigé par Marie-Claire Robic (spécialiste de l’histoire de la géographie) et Muriel Rosemberg (spécialiste de géographie de l’imaginaire et des représentations spatiales) -> voir le sommaire : http://www.reseau-espe.fr/recherche/publications/geographier-aujourd-hui-enseigner-la-geographie-au-college-et-au-lycee

    – Une émission de « La marche de l’histoire » avec la géographe Magali Reghezza : « L’enseignement de la géographie de la France » https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-29-mai-2017 -> à compléter avec le ppt d’une formation qu’elle a donné aux enseignants de l’académie de Paris : https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_1015129/quelle-geographie-enseigner-et-pourquoi-magali-reghezza?details=true

    – Le numéro n°460 de 2008 des Cahiers pédagogiques : « Enseigner la géographie aujourd’hui », avec quelques articles en accès libre en ligne : http://www.cahiers-pedagogiques.com/No460-Enseigner-la-geographie-aujourd-hui

    – Un texte du géographe Pascal Clerc sur son carnet de recherche : « Enseigner la géographie : pour une citoyenneté active et critique » https://geobuis.hypotheses.org/340

    – Un ppt très complet de Stéphane Bourgeat : « De la géographie classique aux nouvelles géographies. Application : quelques grandes problématiques actuelles et passées sur France en ville et sur les mobilités » http://slideplayer.fr/slide/1775257 => le ppt porte sur d’anciennes questions au concours, mais donne un excellent aperçu de la manière dont on passe des concepts à l’application du raisonnement géographique

    – Le pdf d’une présentation de Stéphane Gallardo : « Quelles spécificités de la géographie ? » http://concours.histegeo.org/Diapo_histoire_de_la_geographie.pdf

    – Un texte de Jean-François Thémines : « Géographicité et enseignement de la géographie » http://ecehg.ens-lyon.fr/ECEHG/apprentissages-et-didactique/methodologie-de-la-recherche/geographicite-jft.pdf => Jean-François Thémines est aussi auteur d’un ouvrage « Enseigner la géographie. Un métier qui s’apprend » pour une approche plus pratique (informations : https://www.reseau-canope.fr/notice/enseigner-la-geographie.html)

    – Le blog de recherche « Didagéo » consacré à la didactique de la géographie : http://didageo.blogspot.fr -> voir notamment la rubrique « Recherche et Pratiques réflexives » http://didageo.blogspot.fr/p/terrain.html

    #Enseignement #Enseignement_de_la_Géographie #Géographie #Enseigner_la_Géographie #Didactique #Didactique_de_la_Géographie

  • Le pouvoir des cartes. Brian Harley ... - La Cliothèque

    https://clio-cr.clionautes.org/le-pouvoir-des-cartes-brian-harley-et-la-cartographie.html

    Ce livre à 20 ans, référencé ici pour archivage.`

    Bailly A. et Gould P. G

    Le pouvoir des cartes. Brian Harley et la cartographie
    Paris, Anthropos, 1995

    samedi 15 mars 2003

    Compte-rendu proposé par Pascale Goutagny

    En introduction, P. Gould et A. Bailly présentent B. Harley, spécialiste anglais de cartographie historique, ayant travaillé aux U.S.A., novateur et donc controversé, mort en 1991. Pour lui, la cartographie ne se réduit pas à des techniques de production de plus en plus sophistiquées, mais révèle des intentions, une interprétation du monde, des secrets et des « silences ».

    Chapitre 1 : la carte en tant que biographie.
    A partir d’une carte du Devonshire qu’il connaît bien, B. Harley définit la carte comme la biographie du paysage représenté, un lien avec la biographies des producteurs, un renvoi à sa prppre vie. La carte a elle-même une biographie, en tant qu’objet créé et utilisé à une certaine époque.

    Chapitre 2 : cartes, savoir et pouvoir.
    Les cartes « parlent » des mondes sociaux passés : c’est « l’éloquence des cartes » (C. Sawer, école de Berkeley). Les cartes sont une forme de langage : il y a un « discours » des cartes qui sont des images rhétoriques, une force politique dans la société. L’iconologie a mis à jour le niveau symbolique des cartes. La cartographie est une forde savoir et une forme de pouvoir, selon M. Foucault, pour qui les cartes sont des « actes de surveillance » pour la guerre, l’ordre public, la propagande, la délimitation des frontières... D’ailleurs la cartographie a toujours été une « science des princes » donc du pouvoir. Les cartes sont les armes de l’impérialisme en anticipant la formation des empires coloniaux et en les légitimant. L’histoire des cartes est également liée à l’ascension des Etats-nations. Elles facilitent les guerres mais aussi atténuent la culpabilité car les lignes silencieuses sur le papier favorisent l’idée d’un espace socialement vide. Les cartes cadastrales ou foncières pérennisent l’ordre social. Le contenu des cartes crée des « distorsions » par rapport à la réalité. Certaines sont délibérées pour la propagande ou la sécurité. D’autres sont « inconscientes », sous l’influence des valeurs de la société. Il y a une géométrie subliminale : le choix du lieu central ou de la projection montre des consciences sociales de l’espace différentes. Le « silence des cartes » est un concept central dans cette argumentation : les omissions sont aussi importantes que les informations données car elles correspondent aux stéréotypes culturels, aux volontés politiques. Les cartes symboliques dans les peintures et les emblèmes artistiques sur les cartes décoratives expriment le pouvoir social et territorial. Dans leur étude, il ne faut pas négliger les lettres, cartouches, roses des vents, bordures,...qui révèlent une idéologie. Les cartes sont le langage du pouvoir et non de la contestation. Il n’y a pas une expression populaire de la cartographie , comme il peut y en avoir une pour la musique ou la littérature.

    Chapitre 3 : une prédisposition à la controverse.
    P. Gould rappelle que B. Harley a été contesté à cause de sa définition élargie de la carte. Les traditionnalistes refusent de considérer comme des cartes les représentations spatiales des sociétés avant l’ère de l’écriture (par ex. les cartes indiennes) ou les représentations non fondées sur la mesure ( les cartes de la littérature). Par provocation, B. Harley propose la carte de Winnie l’Ourson, laissant au lecteur le soin de décider s’il s’agit ou non d’une carte ! Certains contestent aussi l’étude linguistique de la carte , proposée par B. Harley, influencé par R. Barthes, J. Derrida et surtout M. Foucault.

    Chapitre 4 : déconstruire la carte.
    La déconstruction est nécessaire pour rechercher le pouvoir, omniprésent pour M. Foucault. Il faut étudier le discours cartographique en s’inspirant de Foucault et Derrida car les cartes sont des textes culturels. Déconstruire consiste à mettre en valeur ce qui justement est négligé. ex : Wood et Fels ont étudié le verso d’une carte routière officielle de Caroline du Nord pour voir les intentions de l’Etat. Les cartes facilitent l’exercice du pouvoir mais aussi fabriquent le pouvoir en créant une conception de l’espace. Cataloguer le monde c’est se l’approprier, le normaliser, le standardiser. Dans son essai sur le Guide Bleu, R. Barthes montre l’influence des guides routiers sur la perception de l’espace.

    Chapitre 5 : relire les cartes de la découverte de C. Colomb.
    B. Harley étudie les cartes indiennes et s’interroge à la fois sur leur influence sur la cartographie européenne et sur leur perméabilité aux techniques et conventions européennes. Pour les Indiens, les cartes sont un moyen de défen- dre leurs droits sur les terres. Sur les cartes européennes, la disparition des noms indiens et l’adoption de signes conventionnels (comme les flèches d’église pour les villes) montrent la volonté de s’approprier l’Amérique. Le partage de Tordesillas a précédé la colonisation, les noms anglais en Nouvelle Angleterre ont précédé l’arrivée des Puritains : la carte précède le territoire et d’une certaine façon le crée.

    Chapitre 6 : peut-il y avoir une éthique cartographique ?
    Pour B. Harley, le positivisme des cartographes les empêchent de s’attaquer aux questions éthiques.

    Avril 1999.

    #cartographie #harley #pouvoir