• Ca à l’air marqué du sceau du bon sens, mais ca implique de les humilié et de les dévalorisé régulièrement afin de leur donner de nombreux complexes et manque d’assurance pour qu’ils se comportent en dominé et mettent les intérêts des autres avant les leurs.

    • Un livre de #Lucile_Peytavin (historienne)

      Aussi :

      Lucile Peytavin : « La virilité coûte 100 milliards par an à la France »
      https://www.letelegramme.fr/france/lucile-peytavin-la-virilite-coute-100-milliards-par-an-a-la-france-06-0

      Crimes, agressions, dégradations… À une écrasante majorité, ce sont des hommes qui se rendent responsables de ces délits. Dans son essai (1), l’historienne Lucile Peytavin évalue le prix de ces violences qui mobilisent police, justice, services médicaux et éducatifs. Pour elle, pas de fatalité : c’est l’éducation différentiée donnée aux enfants qui prépare ces comportements.

      Comment avez-vous eu l’idée de chiffrer « le coût de la virilité » ?

      Je suis tombée, un jour, sur un simple chiffre : 96 % de la population carcérale en France est masculine. Ce chiffre m’a interpellée, en ce qu’il dit que les personnes reconnues coupables de crimes et de délits sont, dans plus de neuf fois sur dix, des hommes. J’ai donc décidé de tirer le fil, pour m’intéresser à ce que coûtent ces comportements à l’État, qui dépense des milliards pour appréhender, enquêter, juger, sanctionner, rééduquer, soigner les auteurs. Sans compter le coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances des victimes. À ma grande surprise, ce travail n’avait jamais encore été mené. Les chiffres donnent le tournis : 86 % des homicides, 99 % des viols, 84 % des coups et violences, 95 % des vols avec arme, 90 % des dégradations sont le fait d’hommes.

      « Rien ne prédétermine les hommes à ces comportements asociaux. Ce n’est ni une question de cerveau, ni de production de testostérone, comme on peut l’entendre parfois. La biologie n’a donc rien à voir là-dedans ».

      Et pourtant, insistez-vous d’emblée, le sexe fort n’est pas violent par nature…

      En effet, les chiffres sont saisissants : en France, au XXIe siècle, un homme a six fois plus de risques de devenir meurtrier et cinq fois plus de devenir délinquant qu’une femme. Mais il me paraît important de le dire : rien ne prédétermine les hommes à ces comportements asociaux. Ce n’est ni une question de cerveau, ni de production de testostérone, comme on peut l’entendre parfois. La biologie n’a donc rien à voir là-dedans. Un simple exemple : une enquête menée auprès de 114 violeurs condamnés a montré que 89 % de ces hommes avaient des rapports sexuels consentis au moins deux fois par semaine avant le crime. Le viol n’est donc pas le fruit d’une pulsion incontrôlable. D’ailleurs, quand les hommes passent devant le tribunal, ils sont bien jugés responsables de leurs actes. La responsabilité incombe à l’éducation qu’on donne aux enfants de sexe masculin.

      Et la propension des garçons à adopter des comportements asociaux est mesurable très tôt…

      En effet, 92 % des collégiens sanctionnés pour des atteintes aux biens ou aux personnes sont des garçons. Et ça commence même avant : dès l’école primaire, les filles témoignent de l’agressivité verbale ou physique des petits garçons. Des chercheurs ont relevé une violence systémique de la part des ados sur ceux qu’ils considèrent comme faibles : les filles, les timides, les gros, les « intellos », les homosexuels…

      « Les valeurs viriles sont inculquées dès le plus jeune âge. On a même montré que les mères allaitaient différemment les bébés garçons et les bébés filles ».

      En quoi l’éducation prépare-t-elle les garçons à cette violence ?

      Les valeurs viriles sont inculquées dès le plus jeune âge. On a même montré que les mères allaitaient différemment les bébés garçons et les bébés filles. Elles laissent plus facilement aux premiers le choix du moment de la tétée, alors qu’elles imposent un rythme aux secondes. Dès les premiers mois de vie, donc, les filles apprennent qu’il y a des règles à respecter.

      Que recouvrent ces « valeurs viriles » responsables, selon vous, du penchant des hommes pour la violence ?

      Dès bébé, on valorise la force et la vigueur des garçons. Plus tard, on installe la violence dans les jeux, en favorisant la bagarre, par exemple. Puis, on leur met entre les mains des films et des livres dont les héros, essentiellement des hommes, ont recours à la violence. Ce à quoi on assiste, c’est à une acculturation des hommes à cette violence. On en voit les conséquences. Et dans le même mouvement, on dévalorise le féminin. Par exemple, s’il est tout à fait admis et accepté que les filles peuvent avoir envie de s’inscrire au foot ou à la boxe, on a toujours plus de mal avec le petit garçon qui demande à faire de la danse.

      Le problème, c’est qu’au-delà de l’éducation genrée, c’est toute une culture à laquelle il faudrait s’attaquer…

      Oui, mais c’est possible. C’est une construction sociale, donc, par définition, on peut la déconstruire. On avance déjà : le mouvement MeToo en est une illustration, car il interroge les comportements agressifs des hommes.

      « Si on apprenait aux garçons comme aux filles l’empathie, les comportements humanistes, qu’on cessait d’ériger la force physique et mentale en valeur, etc., bref qu’on éduquait les deux sexes de la même façon, tout en serait changé ».

      Cette éducation qui valorise la force mentale et physique, la domination de l’autre, la brutalité parfois, est-elle universelle ?

      Elle l’est. Partout dans le monde, ce sont les hommes, bien plus que les femmes, qui sont jugés et emprisonnés. Le pays où le plus de femmes sont derrière les barreaux, c’est Hong Kong, mais elles ne représentent jamais que 20 % des détenus. Quel que soit le milieu social, les chiffres montrent que les femmes s’adonnent largement moins à la violence que les hommes. Et cela est vrai pour celles qui grandissent dans la pauvreté, sous les coups, ou en subissant des agressions sexuelles. La misère est donc un facteur moins déterminant que le sexe.

      Vous avez donc fait le calcul : le coût de la virilité, c’est près de 100 milliards d’euros par an en France. Que contient ce chiffre ?

      C’est le coût supporté chaque année par l’État français pour faire face aux comportements asociaux des hommes : dépenses directes de sécurité, de justice, de santé, auxquelles il faut ajouter le coût des souffrances psychologiques et physiques des victimes, celui des dommages matériels, la perte de production des victimes. Imaginez tout ce dans quoi on pourrait investir si on économisait sur ce budget…

      Vous en tirez une recommandation : plutôt que de dépenser des sommes faramineuses pour juger, réparer les violences masculines, notre société aurait plutôt intérêt à investir dans d’autres modes éducatifs. Lesquels ?

      Le mode éducatif, on l’a sous les yeux : c’est celui qu’on donne aux filles. L’éducation non genrée, expérimentée au Danemark, par exemple, ne donne pas de résultats. Elle n’enraye pas la violence. Alors que si on apprenait aux garçons comme aux filles l’empathie, les comportements humanistes, qu’on cessait d’ériger la force physique et mentale en valeur, etc., bref qu’on éduquait les deux sexes de la même façon, tout en serait changé. À l’avenir, l’État économiserait des milliards et les femmes n’auraient plus peur d’être seules le soir dans la rue, plus peur de laisser les enfants jouer dehors, etc., toutes ces situations considérées comme à risque et qu’on a totalement intégrées.

      * « Le coût de la virilité : ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes ? », éditions Anne Carrière, 17, 50 €.

      #virilité

      En vidéo :
      Les comportements virils coûtent cher à l’État selon Lucile Peytavin
      05/03/2021
      https://www.brut.media/fr/news/les-comportements-virils-coutent-cher-a-l-etat-selon-lucile-peytavin-87e63f4
      La virilité, ça coûte cher à l’État. Très cher. C’est ce qu’affirme l’historienne Lucile Peytavin, qui a fait les calculs…

      Son site :
      https://www.lucilepeytavin.com

      À PROPOS
      Jeune titulaire d’un doctorat en histoire portant sur le travail des artisan.e.s-commerçant.e.s en milieu rural et autrice aux éditions Anne Carrière, j’ai travaillé en tant que chargée de mission à l’égalité professionnelle et au dialogue social pour l’U2P et je suis membre du laboratoire de l’égalité en charge de la question de la précarité des femmes notamment.

    • Le coût de la virilité
      Ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes
      Lucile PEYTAVIN
      http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_le-cout-de-la-virilite-lucile-peytavin-424.html

      En France, les hommes sont responsables de l’écrasante majorité des comportements asociaux :
      ils représentent 84 % des auteurs d’accidents de la route mortels, 92 % des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes au collège, 90% des personnes condamnées par la justice, 86 % des mis en cause pour meurtre, 97 % des auteurs de violences sexuelles, etc.
      La liste semble inépuisable. Elle a surtout un coût. Un coût direct pour l’État, qui dépense chaque année des milliards d’euros en services de police, judiciaires, médicaux et éducatifs pour y faire face. Et un coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances physiques et psychologiques des victimes, et subit des pertes de productivité et des destructions de biens. Pourtant, cette réalité est presque toujours passée sous silence. Lucile Peytavin, historienne et membre du Laboratoire de l’égalité, s’interroge sur les raisons de cette surreprésentation des hommes comme principaux auteurs des violences et des comportements à risque, et tente d’estimer le coût financier de l’ensemble de ces préjudices pour l’État et donc pour chaque citoyen.ne. Quel est le coût, en France, en 2020, des conséquences de la virilité érigée en idéologie culturelle dominante ? L’autrice nous pose la question : n’aurions-nous pas tous intérêts à nous comporter… comme les femmes ?!

    • Le mode éducatif, on l’a sous les yeux : c’est celui qu’on donne aux filles. L’éducation non genrée, expérimentée au Danemark, par exemple, ne donne pas de résultats. Elle n’enraye pas la violence. Alors que si on apprenait aux garçons comme aux filles l’empathie, les comportements humanistes, qu’on cessait d’ériger la force physique et mentale en valeur, etc., bref qu’on éduquait les deux sexes de la même façon, tout en serait changé. À l’avenir, l’État économiserait des milliards et les femmes n’auraient plus peur d’être seules le soir dans la rue, plus peur de laisser les enfants jouer dehors, etc., toutes ces situations considérées comme à risque et qu’on a totalement intégrées.

      C’est un peu une vision angélique de l’éducation faite aux filles. Est-ce que c’est pas par la peur, la soumission, le déni, la culpabilisation, la non reconnaissance de leurs qualité, la silenciation et le viol que la différence est faite ? L’empathie avec les dominé·es me semble plutot être une conséquence du fait d’avoir vécu ces souffrances. Par exemple l’allaitement qui est évoqué, c’est par la frustration et le déni de leurs besoins que les filles apprennent justement à ne pas écouté leurs besoins. Elles apprennent certes des règles, mais ces règles c’est qu’elles ne compte pas et que leurs besoins, leur faim, leurs souffrances, OSEF. Les mères font ca inconsciemment, et du coup il faudrait qu’elles maltraite consciemment les garçons autant qu’elles maltraite inconsciemment les filles.

      Je ne voie pas de solution à cela, je me permet juste de tempéré cette « bonne idée ».

  • #Vilaines_filles - #Pauline_VERDUZIER - Anne Carriere Editions Paris
    http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_vilaines-filles-pauline-verduzier-419.html
    http://www.anne-carriere.fr/fichiers/ouvrages/couv1_gd_419.jpg

    La classification sociale des femmes en fonction de leur sexualité réelle ou supposée opère une distinction entre les « convenables » et les « indécentes ». Du côté des mauvaises filles, on trouve notamment les travailleuses du sexe. Des personnes invisibilisées ou représentées de manière stigmatisante, a fortiori en temps de pandémie. Il y a aussi les clientes du travail du sexe, qui existent et qui remettent en question le marché traditionnel de la séduction hétérosexuelle. À leur contact, l’autrice-journaliste interroge sa propre socialisation en tant que femme et les représentations médiatiques de la prostitution. Avec ses interlocutrices, elle entend dénoncer l’injonction à la « respectabilité » qui pèse sur les femmes. Les récits de ces travailleuses et de ces clientes – celles qui ont accepté de se livrer – permettent aussi de documenter l’état des rapports de genre et des normes sexuelles en 2020.

    suis en train de lire, y a de très bonne choses dedans.

  • Marie-Chantal en Afghanistan, ou le féminisme néocolonial selon "Elle"

    Cette semaine, le magazine "Elle" annonce le départ de deux de ses collaboratrices de longue date, Marie-Françoise Colombani et Michèle Fitoussi. Dans son éditorial, sous le titre "Elles nous ont donné des ailes", Alix Girod de l’Ain raconte le pot de départ :
    http://www.elle.fr/Societe/Edito/Elles-nous-ont-donne-des-ailes-2263672

    A un moment, quelqu’un a lancé : « Mais qui va garder les Afghanes ? » Et c’est vrai que, depuis trente ans, Marie-Françoise et Michèle n’ont pas seulement formé des dizaines de journalistes, elles ont dédié leur force, leur énergie et leur intelligence pour la cause de toutes les femmes. Certes, leur collègue qui signe ces lignes a plus souvent manifesté sa vocation de « clown de bureau » que de figure du combat féministe, mais elle voudrait aujourd’hui se faire la porte-parole de toutes ses consœurs – et confrères ! ce qui est rare nous est cher ! – pour leur dire merci et bravo. Et les assurer, le plus sérieusement, le plus tendrement du monde, d’une chose : promis, Marie-Françoise et Michèle, on gardera les Afghanes.

    Certains ont les bébés phoques ; chez "Elle", on a les femmes afghanes. Seule le "clown de bureau", en effet, pouvait sans doute résumer - avouer - avec une telle ingénuité le regard à la fois spectaculairement ignorant et condescendant qu’elle et ses collègues posent sur leurs "protégées" de prédilection (en 2001, le magazine s’était payé un joli coup de pub en mettant en couverture une Afghane en burqa).

    Dans son hommage à sa collègue, Girod de l’Ain se lamente aussi à l’idée...

    "... de ne plus entendre Marie-Françoise tenter de nous envoyer enquêter chez les femmes opprimées du Kirghoustan inférieur (« 45 heures de voyage en hélico soviétique et 9 vaccins nécessaires, mais c’est un vrai scandale ce qui se passe là-bas »)"

    Bref, le vaste monde qui s’étend au-delà des frontières de Levallois-Perret recèle des contrées exotiques et lointaines dont on se fait une idée si vague et si caricaturale qu’on peut sans problème les fictionnaliser, façon Hergé dans un album de Tintin, en se trouvant très spirituelle. Ces pays ne sont rien d’autre qu’un réservoir de bonnes actions permettant aux bourgeoises occidentales de prendre des poses avantageuses en secourant la veuve et l’orphelin indigènes, victimes de l’arriération et de la barbarie ontologiques de leur civilisation.

    Depuis une dizaine d’années, dans le contexte de l’après-11 septembre, "Elle" a ressuscité avec éclat la grande tradition du féminisme colonial. Il y a une semaine, l’éditorial de Marie-Françoise Colombani, intitulé "Afghanes, la fin de l’espoir", donnait une vision particulièrement lénifiante de l’action de l’armée française en Afghanistan :
    http://www.elle.fr/Societe/Edito/Afghanes-la-fin-de-l-espoir-2258874

    C’est fini. Son départ ayant commencé il y a une dizaine de jours, l’armée française aura bientôt quitté – pour ne pas employer le verbe « fuir » – l’Afghanistan. A ELLE, nous sommes plusieurs à partager une autre image de cette armée : celle de militaires enthousiastes arrivant en 2002 à Kaboul avec, dans leurs avions, des ordinateurs et des imprimantes que nous n’avions pas réussi à acheminer de Paris. Ce matériel était destiné à des journalistes afghanes que nous venions aider sur place à créer leur propre journal. « Roz », « jour » en persan. Un nom qu’elles avaient choisi parce qu’il symbolisait l’espoir.

    Cette couverture d’un numéro de "Roz" permet de préciser le genre d’"espoir" qu’il visait à vendre aux femmes afghanes :

    En difficultés, le magazine avait bénéficié en 2010 d’une vente aux enchères organisée chez BHL et Arielle Dombasle :
    http://afghalibre.typhon.net/2010/01/11/ils-ont-sauve-le-magazine-roz

    Présentées aux lectrices de "Elle" comme charitables et apolitiques, ces bonnes actions s’inscrivent dans la campagne de propagande d’une "guerre pour les femmes", concept qui a tout à voir avec l’idéologie et pas grand chose avec la réalité, comme le résumait un peu brutalement le Feminist Peace Network en 2010, lors de la polémique sur la couverture de "Time" avec la femme au nez mutilé :

    Time Magazine Once Again Trots Out The Tired And Inexcusable ‘We’re In Afghanistan (And Have To Stay) To Protect Women’ Mantra
    http://www.feministpeacenetwork.org/2010/07/29/time-magazine-once-again-trots-out-the-tired-and-inexcusable-w

    Why we can’t leave Afghanistan – yeah sure, we’ve achieved absolutely nothing, trashed the country and possibly put ourselves in more danger and lost too many of our own in the process as well, but don’t be so selfish as to believe that we can just leave, oh no, we have to stay and protect the poor, pitiful Afghan women (and yes that is the sound of sarcasm you hear dripping off those words).

    Alain Gresh, dans "Mourir pour la liberté (celle des femmes en particulier) en Afghanistan" (Nouvelles d’Orient, 21 août 2008), écrivait :
    http://blog.mondediplo.net/2008-08-21-Mourir-pour-la-liberte-celle-des-femmes-en

    Désormais, l’Afghanistan remplace l’Irak dans le discours américain. Et, pour le gouvernement français, c’est aussi « la bonne guerre ». Or, il est plus que douteux qu’un engagement supplémentaire de l’OTAN aboutisse à des résultats pour l’Afghanistan ; au contraire. D’abord, parce que le gouvernement mis en place à Kaboul est largement inefficace, corrompu, otage de tous les chefs de guerre. Ensuite, parce qu’un engagement occidental accru va faire de l’Afghanistan un aimant pour tous les combattants désireux de s’opposer à l’Occident et servir le discours d’Al-Qaida. Enfin, parce que l’histoire a montré, notamment en Afghanistan (les Britanniques et les Soviétiques en savent quelque chose), mais aussi dans le reste du monde, que l’on n’imposait pas la liberté et la démocratie au bout des baïonnettes.

    D’autre part, M. Sarkozy, dans son discours à Kaboul, a repris un mensonge sur la femme à qui on avait coupé la main parce qu’elle s’était mis du vernis à ongles. Ce mensonge avait déjà été dénoncé par Christian Salmon dans un article publié par Le Monde, « Le paradoxe du sarkozysme », 2 mai 2008.

    « L’histoire circule sur Internet depuis des années dans d’innombrables versions. Parfois la victime est une petite fille de 10 ans. Parfois c’est une femme. Le plus souvent, on rapporte que les talibans se “contentaient”, si l’on ose dire, d’arracher les ongles. Dans la version présidentielle, on a amputé la main. »

    « Il est étrange qu’aucune enquête sérieuse ne soit venue questionner les modes de diffusion d’une telle rumeur. Une source semble en être un rapport d’Amnesty International datant de 1997 dont les conclusions étaient bien plus modestes que les commentaires qu’il a inspirés. “Dans un cas au moins, écrivait l’organisation humanitaire, les châtiments infligés ont pris la forme d’une mutilation. En octobre 1996, des talibans auraient sectionné l’extrémité du pouce d’une femme dans le quartier de Khair Khana à Kaboul. Cette “punition” avait apparemment été infligée à cette femme car elle portait du vernis à ongles.” Sam Gardiner, un colonel de l’armée américaine, qui a enquêté sur la communication de guerre des campagnes en Afghanistan et en Irak, a démontré récemment que “l’histoire des ongles arrachés” avait été choisie par Alastair Campbell, le conseiller de M. Anthony Blair, pour illustrer les violences faites aux femmes par les “étudiants en théologie” et diffusée massivement pour convaincre l’opinion publique et les gouvernements européens qui hésitaient à se joindre à la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. »

    « La même story fut diffusée à Washington et à Londres, en suivant des scénographies identiques, allant parfois jusqu’à utiliser les mêmes phrases. Dès novembre 2001, a révélé Gardiner, “l’orchestration de la campagne en faveur des femmes afghanes témoignait de similitudes frappantes dans le timing et les scénarios utilisés à Londres et à Washington”. Le 17 novembre 2001, Laura Bush, la première dame des Etats-Unis, déclare : “Seuls les terroristes et les talibans menacent d’arracher les doigts qui ont les ongles vernis.” Et Cherie Blair, son homologue britannique, d’affirmer (à Londres le lendemain) : “En Afghanistan, si vous avez du vernis à ongles, vous pouvez avoir les ongles arrachés.” »

    (...)

    Si la liberté des femmes en Afghanistan préoccupait tellement l’Occident, on se demande pourquoi celui-ci n’a pas soutenu le régime communiste de Kaboul entre 1978 et 1992. A aucune autre période de l’histoire de ce pays, les femmes n’ont disposé d’autant de droits...

    Paternalisme, ignorance et condescendance se retrouvent dans l’attitude de "Elle" à l’égard des minorités visibles en France, comme en a témoigné l’épisode désastreux du « black fashion power », en février 2012 – voir « Quand le magazine ELLE parle des égéries noires et tombe dans le racisme ordinaire », Afrosomething.com, 24 janvier 2012 :
    http://www.afrosomething.com/article/quand-le-magazine-elle-parle-des-%C3%A9g%C3%A9ries-noires-et-tombe-da

    « Après un article polémique, le magazine « Elle » dément tout racisme », Libération, 2 février 2012
    http://www.liberation.fr/medias/01012387546-apres-un-article-polemique-le-magazine-elle-dement-tout-racis

    En 2004, le magazine avait lancé à grand fracas un « appel à Jacques Chirac » pour l’interdiction du voile à l’école – lire Véronique Maurin, « Le magazine « Elle » profite du voile », Acrimed, 5 janvier 2004
    http://www.acrimed.org/article1432.html

    La rédaction pose sur les banlieues françaises le même regard affligé que sur l’Afghanistan, les deux ayant visiblement tendance à se confondre dans son esprit embrumé. Dans son livre « Pour en finir avec la femme », en 2004, la directrice du magazine, Valérie Toranian, racontait en ces termes le choc que lui avait causé la rencontre avec les militantes de Ni putes ni soumises (on ne rit pas) :

    « Il n’y avait plus uniquement Kaboul ou Islamabad, (...) le Kosovo ou le Rwanda pris dans la folie exterminatrice… »

    (Voir « Un féminisme mercenaire », Périphéries, 8 novembre 2004 :
    http://www.peripheries.net/article67.html )

    En dehors de ces "territoires perdus", en revanche, dans la France blanche, républicaine, galante et civilisée, tout allait bien. Avant que l’affaire Polanski, puis l’affaire DSK, viennent sérieusement bousculer cette vision irénique d’une société débarrassée du machisme, et que le renouveau du mouvement féministe français oblige sa rédaction à s’aligner un minimum, l’instrumentalisation sensationnaliste des Afghanes ou des filles des banlieues permettait au magazine de tenir un discours badintérien selon lequel le féminisme avait, à quelques broutilles près, perdu sa raison d’être : les femmes françaises ont toutes les raisons d’être enchantées de leur sort et feraient mieux d’éviter de se plaindre, ou alors on les embarque dans le premier avion pour Kaboul ou le premier train pour Trappes. En attendant, on leur fourgue des crèmes et des fringues par wagons entiers, et on les matraque d’injonctions à les rendre chèvres sur la femme et la mère qu’elles doivent être (voir « Beauté fatale » pour quelques bonnes pelletées d’exemples).

    Alix Girod de l’Ain, auteure de cet édito d’anthologie sur la garde des Afghanes, est d’ailleurs une adepte enthousiaste de la chirurgie esthétique, à laquelle elle a consacré un livre, « Un bon coup de jeune » :
    http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_un-bon-coup-de-jeune---162.html

    En mars, elle s’était distinguée par son intervention dans le débat lancé par Osez le féminisme, qui réclamait la disparition du « mademoiselle » sur les formulaires administratifs :
    http://www.elle.fr/Societe/Edito/Apres-vous-Mademoiselle-1769892

    Il faut défendre mademoiselle parce que Mademoiselle Jeanne Moreau, Mademoiselle Catherine Deneuve et Mademoiselle Isabelle Adjani. Il faut défendre mademoiselle parce que quand le marchand de primeurs de la rue Cadet m’appelle comme ça, je ne suis pas dupe, mais je sens que je vais avoir droit à mon basilic gratuit. Il faut défendre « mad-moi-zell’ » parce qu’elle est « chaarmante », la supprimer serait porter un coup fatal aux loulous qui nous interpellent sur les trottoirs : comment on va faire, si ça devient illégal de se faire draguer dans la rue ? Il faut défendre mademoiselle parce que ma fille de 18 ans, avec ses boucles blondes et ses joues roses, n’a pas du tout, du tout, une tête de madame. A la limite, si on doit changer quelque chose sur les formulaires administratifs, il faudrait rajouter une case : « Pcsse ». Mariées ou pas, jeunes ou vieilles, ce qu’il faut revendiquer, c’est notre droit inaliénable à être des princesses.

    Elle s’était attiré quelques réponses cinglantes :

    Non, Alix Girod de l’Ain, nous ne sommes pas des princesses
    http://www.madmoizelle.com/eradiquons-les-princesses-67838

    Cette longue liste d’avanies, à laquelle il faut ajouter l’épisode de « la pipe, ciment du couple », l’été dernier (lire Gaëlle-Marie Zimmermann, « La pipe du magazine « Elle », ciment de la soumission », Le Plus, 21 juillet 2012 :
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/597199-la-pipe-du-magazine-elle-ciment-de-la-soumission.html ), ou encore les ricanements suscités par un recyclage de camelote éditoriale un peu trop voyant
    http://www.rue89.com/2012/08/18/medias-quand-mamie-elle-radote-son-numero-dete-234705
    , auraient pu inviter à plus de modestie. Mais il faut croire que ce n’est pas si facile, pour les dames patronnesses du 6e arrondissement, de renoncer à se considérer comme l’incarnation de la femme libérée à l’échelle planétaire…

    #femmes #presse_féminine #Afghanistan

  • « Elle » : Le ras-le-bol des superbes women
    http://www.lekiosque.fr/article-1260817-RAS-BOL-SUPERBES-WOMEN.html

    Dans « Elle » du 30 mars, Alix Girod de l’Ain (oui, celle de l’édito sur « mademoiselle » :

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/207333-elle-defend-les-demoiselles-et-perd-ses-lectrices.html

    ... réplique à ces « néo-féministes » qui « dénoncent la dictature de l’apparence dont nous serions toutes les victimes ».

    Elle mentionne le livre de Maryse Vaillant « Sexy soit-elle » (à paraître le 2 mai aux éditions Les Liens qui libèrent), mais pas « Beauté fatale », dont elle doit pourtant connaître l’existence, puisqu’on a débattu ensemble de chirurgie esthétique sur France Inter il y a quelque temps. Peut-être parce que Maryse Vaillant, elle, ne cogne pas sur « Elle » comme une sourde :P

    Le pitch : « Etre une femme, c’est atroce : on doit être jeune, jolie, s’habiller bien tout le temps... Quelle galère ! Cessez de gémir, le Dr Aga est là pour vous faire découvrir que ces injonctions sont en fait la vraie libération de la femme ! »

    Suit un émouvant plaidoyer pro domo, plein de joyeuses approximations dans le résumé du propos de l’adversaire (je n’ai lu nulle part chez Maryse Vaillant qu’il était « plus facile d’être moche avant », par exemple) et d’arguments qui laissent sans voix.

    Au « présupposé n° 2 », par exemple, selon lequel, pour ces féministes ridicules, « les médias et en premier chef la presse féminine, Satan aux pieds vernis et fourchus, lobotomiseraient les plus jeunes en ne leur donnant à rêver que sur des actrices ou mannequins, que des filles superficielles, futiles et seulement intéressées par leur petit nombril », Alix Girod de l’Ain répond... en s’offusquant qu’on insinue qu’"être jolie est synonyme d’idiote".

    Bizarrement, pour ma part, en citant longuement dans le livre ce qu’elles disent de leur métier, j’ai l’impression de respecter beaucoup plus l’intelligence des actrices et des mannequins (dont personne n’a jamais prétendu qu’elles étaient idiotes) que ne le fait « Elle », qui ne rapporte leurs propos que quand ils se résument aux secrets de leur forme ("je bois beaucoup d’eau, je cours sur la plage avec mon chien et je mets des crèmes de la marque Machin") ou à leurs projets d’avenir ("je rêve de devenir maman").

    Le reste est à l’avenant, mais assez réjouissant, puisqu’on a l’impression que pour la première fois, le magazine se sent obligé de se justifier face à des attaques frontales.

    Accusé d’enfermer les femmes dans des critères étroits, il répond par la plume du « Dr Aga » que les Françaises n’ont pas cessé ces dernières années de prendre des centimètres de tour de taille, preuve qu’elles résistent bien à la pression. Donc, ne venez pas nous emmerder, et laissez-nous continuer tranquillement à les bombarder d’images de gamines squelettiques !

    Alix Girod de l’Ain va même chercher sa mère, qui, âgée de 79 ans, a récemment découvert avec émerveillement le travail de Jean Paul Gaultier : « Moi, cette aliénation-là, elle me plaît bien », plaide la fille. Or là encore, personne n’a dit qu’il n’y avait pas des créateurs de mode dignes d’admiration (voir mon propre hommage à Yohji Yamamoto et à Azzedine Alaïa à la fin du livre).

    Pour finir, la chroniqueuse en est réduite à une vulgaire harangue de poissonnière pour le fonds de commerce de la maison, vantant « le plaisir de se faire belle, d’acheter un vêtement qui nous met en valeur, de sortir de chez le coiffeur, et même, à l’occasion, de se déplacer sur des talons de 12. Le plaisir de se déguiser en jolie fille. Le jeu, la malice, la légèreté, la joie qu’il y a dans tout ça ».

    Adepte enthousiaste de la chirurgie esthétique, Alix Girod de l’Ain publie elle aussi un livre ces jours-ci :
    http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_un-bon-coup-de-jeune---162.html

    L’histoire d’Alice Mignan-Bertin (eh oui, le biotope naturel de « Elle », c’est plus le 16e que le 9-3) qui décide « d’en découdre avec son âge » pour sauver son couple vieillissant, sans voir que leur problème, ce n’est pas qu’ils vieillissent, mais qu’ils ont des vies de cons (il travaille dans la pub, elle co-écrit les chroniques d’un humoriste de radio odieux). (Pas eu le courage de tout lire, trop déprimant)

    Dans le courrier des lectrices de « Elle » (23 mars), une jeune femme de 27 ans lui dit toute sa gratitude : « Grâce à vous, arrivée à 30 ans, je ne me dirai pas que ma vie est finie ! »

    #presseféminine #jeunesse