Les récits de Portland ou de Belo Horizonte ne sont que deux toutes petites pièces d’un grand puzzle qui s’est assemblé à Barcelone en fin de semaine. Des représentants de plus de 150 villes dans le monde, de Vancouver à Philadelphie, de Valparaiso à Naples, y ont participé, tous animés de la même conviction : c’est par le municipalisme qu’il est aujourd’hui possible de construire des alternatives, pour le dire vite, au capitalisme financier et aux droites extrêmes. « Alors que les États échouent à répondre aux principaux défis internationaux, nous devons être, depuis les villes, une alternative », a lancé Ada Colau vendredi soir, en ouverture du sommet, devant un millier de personnes réunies sur l’une des places de la vieille ville. Si les États se révèlent « très lents et bureaucratiques, rongés par une concurrence les uns envers les autres qui les paralysent », à l’inverse, les villes « travaillent en réseaux », de manière souple, pour répondre aux urgences, a-t-elle poursuivi. Lors d’un échange avec la maire de Madrid Manuela Carmena, elle a plaidé pour une « alliance internationale des villes », sur des thématiques précises, comme l’accueil des migrants, ou la lutte contre le réchauffement climatique (voir la vidéo ci-dessous).
« Le municipalisme, c’est le pouvoir local. C’est l’auto-organisation. Nous voulons récupérer la souveraineté qui a été volée aux citoyens, pour proposer ensemble une nouvelle forme d’habiter dans la ville », s’est enthousiasmé de son côté le Chilien Jorge Sharp, le maire de Valparaiso. Issu des mouvements étudiants, il fut, à 32 ans, l’une des vedettes de la fin de semaine (lire son entretien à Mediapart). Seul élu français convié au rassemblement public vendredi soir, le maire de Grenoble Éric Piolle a exhorté à « collaborer davantage entre les villes, pour bousculer l’agenda » imposé par les États, avant de vanter l’interdiction de la publicité dans l’espace public mise en place dans sa ville.
À l’initiative de la commission internationale de « Barcelone en commun » (une structure indépendante de la mairie), le sommet des « villes sans peur » avait donc pour vocation d’ouvrir grand les horizons. Comme les expériences similaires aux « mairies rebelles » espagnoles sont quasi inexistantes en Europe (à l’exception, peut-être, de la mairie de Naples), il a fallu aller chercher des soutiens ailleurs. À commencer par les États-Unis, où le « droit à la ville » structure la politique municipale depuis des décennies, et où les mouvements grassroots sont nombreux. Le maire de Berkeley, en Californie, tout comme des élus de Philadelphie, New York, Jackson (Mississippi) ou Portland, ont fait le déplacement, tous préoccupés par la manière de s’opposer depuis le local à la présidence Trump.