Merde au travail, par James Livingstone – Blog de Paul Jorion
►http://www.pauljorion.com/blog/2017/08/08/merde-au-travail-par-james-livingstone
Lorsque le travail disparaît, les frontières entre les genres produites par le marché du travail se brouillent. À mesure que l’utilité sociale du travail diminue, ce que l’on appelait auparavant travail de la femme — l’éducation, la santé, les services — devient l’industrie de base, et non plus un secteur « tertiaire » de l’économie mesurable. L’activité d’aimer, de prendre soin de l’autre et d’apprendre à être les gardiens de nos frères — le travail socialement utile — n’est alors plus un luxe accessoire mais devient bel et bien fondamental, et plus uniquement au sein de la famille où l’affection est présente d’ordinaire. Non, je veux bien dire partout, dans le monde entier.
Le travail est également la manière dont les États-Unis produisent du « capitalisme racial », ainsi que l’appellent désormais les historiens, et ce à travers l’esclavage, le travail des détenus, le métayage, puis les marchés ségrégués du travail — en d’autres mots, un « système de libre entreprise » construit sur le dos des Noirs surexploités, un édifice économique motivé, saturé et conditionné par des mobiles racistes. Il n’y a jamais eu de marché libre du travail aux États-Unis. Comme tous les autres marchés, celui-ci a toujours été précisément circonscrit par la discrimination légale et systématique du peuple Noir. On pourrait même aller jusqu’à dire que ce marché particulier a bel et bien produit les stéréotypes de paresse afro-américaine toujours en vogue, en excluant les travailleurs Noirs de l’emploi rémunéré, et en les confinant dans le ghetto des journées de travail de huit heures.