Je me suicide
Au tromblon
Ça fait désordre
Je me suicide
Tout le monde s’en fout
Cela me servira de leçon
D’anciennes tomates au marché
Des tomates vertes aussi, un cageot
Odeurs de confiture
Matin calme
Un disque, des cafés
Un coup de téléphone
Gratin dauphinois
Salade à la coriandre
Fruits d’automne
Et pourtant
Je ne suis pas heureux
Depuis ses messages de la veille
Je devrais lui dire
De me laisser tranquille
Mais elle ne le mérite pas
Je pars encourager mes copains
Qui jouent contre Limay
Par une journée radieuse
Bastien fait un match plein
Sûreté du jeu au pied, un placage énorme
Et deux très belles échappées
Léo entre avec vingt minutes restantes
Apreté de ses placages
Et de ses percées
Une combinaison entre ces deux-là
Trompent les adversaires
Mais, aussi, hélas, le soutien
Ils sont tellement contents
Ils peuvent
Ils ont tellement bien joué
Embrassades à tout-va
Sur le bord du terrain
Corps qui tremblent encore
Le cadeau que me font mes copains
En me laissant les étreindre
C’est comme si je jouais encore
Chemin du retour à travers bois
Émile et moi croisons
De pauvres jeunes femmes
Tout autour le bois grouille
De gens endimanchés de lumière
Et elles semblent quand même trouver clients
Je n’irai donc pas au Tracé mardi
Franchement, ça fait chier
Je sais ça fait chier dans un poème !
Et les téléphones de poche
Font chier aussi
Jamais tranquille
Je veux absolument prolonger
L’après-midi divine
J’emmène Zoé et Émile marcher un peu
Tout le Val-de-Marne d’un regard
Aux carrières et des marque-pages
Jaunes comme s’il en pleuvait
J’ai appris à aimer
Les fins de dimanche
Quand même l’air est détendu
Quiche
Salade
Compote
Une partie avec les Noirs
Une partie avec les Blancs
Une dernière avec les Noirs
J’aide Zoé avec son devoir de maths
Je suis admiratif de son opiniâtré
Je me souviens quand j’étais découragé
Mais
Pas
Zoé
Finalement je ferme
Le fichier de bloc-notes
Dans lequel je brouillonnais un mail
Le système d’exploitation
Émet un couinement
Sûr ? Oui, sûr, après six mois
Sensation en ce dimanche soir
De portes qui se ferment
Moi-même…
Retourne travailler
Après deux minutes au-dessus du tapuscrit
Des Fantômes , ça va déjà (un peu) mieux
Sans compter l’anguille de sieste
C’est tellement rare que j’en attrape une
Je présente Raffut aux représentants d’Actes Sud
On marche dans les rues d’Arles
On passe devant Saint-Sophime
Devant le massacre des innocents
Il est tard, je suis seul, terriblement seul
Je travaille, j’écris, mais à qui j’écris ?
À vous, à qui voudra bien m’enlacer ce soir
Et c’est finalement
Émile, longuement
Qui me prend dans ses bras
#mon_oiseau_bleu