Le Mont-Saint-Michel bientôt dans les mains des cathos identitaires – Libération

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  • Le Mont-Saint-Michel bientôt dans les mains des cathos identitaires
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    Comment transmuer une manne touristique en une manne spirituelle ? En perte de vitesse, frappée de plein fouet par la déchristianisation de la France, l’Eglise catholique cherche désespérément des planches de salut. Avec ses 2,5 millions de touristes annuels, le Mont-Saint-Michel pourrait bien être l’une de ses bouées de sauvetage. Du moins, elle est prête à tenter le coup. Pour muscler sa présence sur l’îlot, le diocèse de Coutances et d’Avranches a récemment annoncé, ultra discrètement comme s’il commettait un péché, l’arrivée prochaine de la communauté Saint-Martin (CSM), des prêtres en soutane, fer de lance d’un catholicisme identitaire, très appréciés dans les milieux de la droite catholique.

    • Mont-Saint-Michel : le grand remplacement ? - Témoignage Chrétien
      https://www.temoignagechretien.fr/mont-saint-michel-le-grand-remplacement


      Amaustan, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

      L’évêque de Coutances a annoncé l’arrivée des Saint-Martin au sanctuaire du Mont-Saint-Michel. C’est le signe de la montée en puissance d’une communauté fer de lance d’une restauration identitaire.

      La voilà l’arrivée sans tambour ni trompette, l’installation prochaine au Mont-Saint-Michel de la communauté Saint-Martin (CSM). Cette dernière se veut – du moins pour le moment – discrète. Cette montée en puissance constitue pourtant un symbole fort de la restructuration ecclésiale du tissu catholique français. Pour les fidèles des paroisses environnantes, l’annonce presque clandestine s’est limitée à un bref communiqué de l’évêque de Coutances et d’Avranches, Laurent Le Boulc’h. « Don Maurice Franc, en accord avec la communauté Saint-Martin, est nommé recteur du sanctuaire à partir du 1er septembre 2021. Il est chargé d’étudier les modalités d’implantation de la communauté Saint-Martin sur le sanctuaire et ses environs », y lit-on.

      « Nous avons discuté pendant de longs mois avec les Fraternités monastiques de Jérusalem, qui ont finalement refusé de prendre en charge le sanctuaire », explique à TC le vicaire général du diocèse, Thierry Anquetil. Si elle est passée inaperçue localement – les Saint-Martin n’y sont pas très connus –, la nouvelle a suscité un petit séisme dans les rangs des catholiques d’ouverture. D’un point de vue cultuel, la situation du Mont-Saint-Michel est complexe. L’abbaye, monument historique, a été désaffectée du culte au XIXe siècle. Grâce à une convention avec l’État, une communauté monastique y subsiste malgré tout, réimplantée par des bénédictins du Bec-Hellouin en 1966. En tant que tel, le sanctuaire de pèlerinage est installé dans l’église paroissiale Saint-Pierre. Son recteur, « par intérim » précise Thierry Anquetil, est une figure locale : Henri Gesmier, dit « Riton », ancien éducateur à la prison de Fleury-Mérogis, en région parisienne, prêtre de la Mission de France. Il est très apprécié par les catholiques locaux.

      Les Saint-Martin gardent, eux, un silence prudent et politique. Leur présence sera-t-elle limitée à l’église du Mont-Saint-Michel ? Augure-t-elle d’une prise en main pastorale de tout le secteur ? Quoi qu’il en soit, la communauté – comme les Frères de Saint-Jean dans les années 1990, avant qu’ils se fassent plus discrets suite à des scandales à répétition – choisit soigneusement ses lieux d’implantation, visibles et fréquentés, comme à Lourdes. Elle a également pris en main le sanctuaire de Montligeon (Orne), dédié aux âmes du purgatoire, dévotion plutôt surannée s’il en est.

      Pour sa part, Thierry Anquetil assure que la réflexion porte sur une pastorale globale de la baie du Mont-Saint-Michel, incluant le prieuré d’Ardevon, qui était jusqu’à la Révolution la base arrière des bénédictins du Mont. Longtemps à l’abandon, il a fait l’objet ces dernières années d’une importante rénovation. Les travaux ont eu lieu sous l’égide de la Fondation du Mont-Saint-Michel, créée en 2011 et alimentée par de généreux donateurs. Une activité d’hébergement de groupes de pèlerins y a récemment repris. Les partenaires de la Fondation verront-ils d’un bon œil l’arrivée des Saint-Martin, réputés prendre en main vigoureusement les territoires où ils s’implantent, voire, à terme, en modifier la composition sociologique ?

      Autre point de friction possible : la cohabitation avec les Fraternités monastiques de Jérusalem, qui demeurent, elles aussi, au Mont-Saint-­Michel. « La coexistence entre les deux devrait s’avérer difficile à term_e », prédit un responsable catholique français. En tous les cas, les Saint-Martin se trouvent, eux, en situation conquérante. Leur force ? Les bataillons de séminaristes dont ils disposent. Selon son site Internet, la CSM forme une centaine de séminaristes, soit environ un sur sept en France. À Bayonne, Marc Aillet, l’un des chefs de file du catholicisme réactionnaire, est la figure emblématique de ce qu’est un évêque Saint-Martin. « _Qui sait combien ils seront dans dix ans ? » s’interroge un responsable catholique.

      Quoi qu’il en soit, pour la communauté Saint-Martin, le sanctuaire du Mont est une belle prise. Le signe d’un « grand remplacement » en cours au sein du catholicisme français, qui, pour des observateurs avisés, semble bel et bien bloqué sous les pontificats de Jean Paul II et de Benoît XVI ? L’actuel pape François n’a de cesse de dénoncer le cléricalisme comme l’une des grandes plaies de l’Église catholique. Remettant la soutane en vigueur, valorisant à l’extrême la figure hiérarchique du prêtre, la communauté est, elle, clairement le symbole d’une sorte de néocléricalisme. « L’évêque de Coutances voulait des prêtres au Mont-Saint-Michel », remarque une source locale. Face à la chute vertigineuse des vocations, l’épiscopat cède visiblement à la panique…