Le gaz est aussi nocif pour le climat que le charbon

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    CLIMAT

    Le gaz est aussi nocif pour le climat que le charbon
    Alors que l’Europe et les majors pétrolières se ruent vers le gaz, une nouvelle étude scientifique montre que ce combustible fossile est tout aussi néfaste que le charbon. Ces résultats ébranlent l’idée vantée par les industriels que le gaz serait une énergie de transition vers un avenir vert.

    Mickaël Correia

    3 août 2023 à 09h22


    Alors que le monde brûle sous nos yeux et enregistre des températures record, nous serions en train d’effectuer un pas dans la mauvaise direction pour atteindre la transition écologique. Telle est l’amère sensation qui ressort à la lecture d’une vaste étude scientifique, publiée le 17 juillet dans Environmental Research Letters.

    Le gaz #fossile, lorsqu’il est brûlé pour générer de l’électricité, émet deux fois moins de CO2 que le charbon. Ce qui fait que le gaz est depuis longtemps considéré comme une alternative plus propre que la houille. Au point qu’il est vanté par les industriels comme pouvant servir d’énergie de transition vers un futur éolien et solaire, notamment dans les pays du Sud encore très dépendants du charbon.

    Mais l’étude, menée par des scientifiques de la Nasa et des universités Harvard et Duke, démontre qu’à cause des fuites de méthane durant sa production et son transport, le gaz serait en réalité tout autant climaticide que le charbon.

    Principal constituant du gaz fossile, le méthane est un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le CO2 sur une période de vingt ans, et est responsable de près d’un quart du dérèglement climatique. « Nous estimons qu’un taux de fuite de 0,2 % est suffisant pour que le gaz ait des impacts climatiques plus importants que le charbon », écrivent les chercheurs et chercheuses.

    Cette marge est très mince lorsque l’on sait, comme le souligne l’étude, que « les bassins de production de gaz aux États-Unis révèlent des taux de fuite allant de 0,65 % à 66,2 % » et que « des taux de fuite similaires ont été détectés dans le monde entier ».

    Ces travaux viennent renforcer un corpus de recherches (ici ou là par exemple) qui battent en brèche l’idée selon laquelle le gaz serait moins émetteur de gaz à effet de serre que le charbon ou le pétrole, et permettrait de ralentir le réchauffement en attendant le déploiement généralisé des énergies renouvelables.

    Spécialiste mondialement reconnu de l’impact du gaz sur le climat, Robert Howarth, chercheur à l’université Cornell aux États-Unis, va jusqu’à estimer que le gaz naturel liquéfié (GNL, du gaz passé à l’état liquide afin de le rendre transportable par navire) « possède une empreinte carbone supérieure d’au moins 20 % à celle du charbon ».

    Ruée climaticide vers le gaz
    Cette nouvelle étude met en relief la manière dont les géants énergétiques empruntent une voie à contre-sens de l’urgence climatique. Les majors sont en effet en train de réorienter leurs capitaux vers le gaz afin de compenser la diminution de la production de pétrole. « Pour répondre à la croissance de la demande mondiale en énergie, tout en contribuant à contenir le réchauffement climatique, notre compagnie a fait du gaz naturel, la moins émettrice des énergies fossiles, un pilier de sa stratégie », clame par exemple la multinationale française TotalEnergies.

    Le groupe a pour objectif d’augmenter sa production de gaz d’un tiers d’ici à 2030, grâce à des mégaprojets au Mozambique, aux États-Unis, en Angola ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L’an dernier, TotalEnergies a signé avec la firme QatarEnergy un accord pour ériger au Qatar le plus grand projet de GNL au monde. Et la multinationale prospecte activement pour exploiter du gaz offshore en Afrique du Sud.

    Idem pour le pétrolier anglo-néerlandais Shell devenu le champion mondial du GNL. La firme a conclu en juin 2022 un partenariat avec le gouvernement tanzanien pour la construction d’un terminal de production et d’exportation de GNL d’une valeur de 30 milliards de dollars. « Utilisé tant par les particuliers que les entreprises, le gaz naturel peut parfaitement s’associer aux sources d’énergie renouvelable, comme l’éolien et le solaire, pour produire notre électricité », assure la compagnie.

    L’Europe s’est aussi enferrée dans le gaz fossile, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine. Après avoir labellisé le gaz comme « énergie verte » en 2022, l’Union européenne, alors qu’elle s’est engagée à réduire sa consommation de gaz de 30 % d’ici à 2030 pour limiter le dérèglement climatique, projette la construction de vingt-six terminaux d’importation de GNL pour pallier la fin des achats de gaz russe.

    Par ailleurs, le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport de gaz (Entsog) vient de publier son plan décennal de développement du réseau gazier pour le Vieux Continent. Il prévoit, pour un investissement total de 30 milliards d’euros, 143 nouveaux projets d’infrastructures gazières destinées au transport ou à l’importation.

    L’industrie gazière européenne redouble ses efforts en faveur du gaz fossile, destructeur du climat.

    Dominic Eagleton, chargé de campagne pour l’ONG Global Witness
    Ces ambitions gazières vont tellement à l’encontre de la crise climatique que le régulateur européen de l’énergie a jugé le 14 juillet dernier que ces industriels devaient revoir leur copie, soulignant que le réseau gazier en Europe est déjà suffisamment développé.

    « L’industrie gazière européenne redouble ses efforts en faveur du gaz fossile, destructeur du climat, a réagi le 17 juillet Dominic Eagleton, chargé de campagne pour l’ONG Global Witness. Ces projets auraient pour effet d’aggraver les événements climatiques extrêmes. Nous avons besoin d’une élimination progressive et urgente du #gaz_fossile, ainsi que d’une électricité et d’un chauffage propres et abordables pour tous. »

    Ce lundi 31 juillet, alors que ce mois s’annonce comme le plus chaud jamais mesuré sur Terre, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé l’attribution de « centaines » de nouvelles licences gazières et pétrolières en mer du Nord.

    Son ministre de l’énergie, Andrew Bowie, a déclaré sans ambages viser « l’exploitation maximale » des réserves britanniques de gaz. Une volonté délibérée, et à rebours des #alertes #scientifiques, de jeter de l’huile sur le feu climatique.