Les plus vieilles maisons d’Europe décelées en Nord Charente - Charente Libre.fr
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Une étude des plus anciens habitats du néolithique, repérés en Charente, fait grand bruit dans le monde de l’archéologie. Un patrimoine hors du commun, qui fait évoluer notre perception de la période.
La nouvelle a fait grand bruit dans le monde de l’archéologie. Des traces d’habitations datant de 4.500 avant Jésus-Christ ont été mises au jour et passées au peigne fin, au hameau du Peu, sur la commune de Charmé, à un quart d’heure de Ruffec. De quoi faire cogiter les archéologues du monde entier. L’étude du charentais Vincent Ard (chercheur au CNRS à Toulouse) et de ses collègues, résumant les huit années de fouilles sur place, a même été publiée dans la revue scientifique de référence Antiquity en février 2023. « Tout ça était assez confidentiel au départ, mais cet article a permis à nos recherches d’être vues à l’international, concède Vincent Ard. On a été repris un peu partout, sauf en France ! » Le papier se classe dans les 5 % d’études les plus lues et partagées parmi les 25 millions enregistrées dans la base de données des Presses de Cambridge.
L’incroyable découverte du site du Peu
Si cette étude fait parler d’elle, c’est que les fouilles du Peu ont révélé des éléments archéologiques remarquables. Les plus anciennes maisons dont on ait pu trouver trace en Europe de l’Ouest, d’abord, vieilles de plus de 6.500 ans - il n’en reste presque plus rien, seulement des fondations subtiles au milieu d’un champ duquel rien ne transparaît. Des caractéristiques intrigantes par ailleurs, comme ces doubles palissades ceintes d’un fossé, qui entouraient les habitations. À l’époque, Le Peu et la commune de Charmé étaient cerclés de marais, comme ont pu l’établir les équipes de recherche sur la base de fossiles de pollens et de coquillages retrouvés sur place.
Ces sites d’habitation étaient donc fortifiés, à l’image de ce qui a pu se faire durant l’antiquité ou au Moyen-Âge. « C’est le principe des mottes castrales », explique Vincent Ard. Pour se protéger des animaux, d’autres humains ? Difficile à dire, tant les vestiges sont anciens. « Ce qu’on sait en revanche, c’est que la société durant le néolithique était paysanne. C’étaient en fait les premiers sédentaires à faire de l’agriculture. » L’organisation sociale du néolithique reste également mystérieuse. Le Nord Charente abrite de nombreux sites d’un très grand intérêt archéologique ; des édifices funéraires notamment comme à Tusson ou à Fontenille. « Certains sites funéraires sont extrêmement importants, ils n’ont pas pu être dressés pour n’importe qui. On imagine donc qu’il y a une forme d’élite. De là à savoir si elle était religieuse, politique… »
Reconstitution 3D des fortifications et des bâtiments du site de Le Peu, sur la commune de Charmé, dans leur environnement néolithique.
Repro CL/Archeovision ProductionC’est en cela que l’étude publiée dans Antiquity par Vincent Ard et son équipe reste incomplète. « Le Peu n’a pas encore d’équivalent en France, écrivent les auteurs en conclusion de leur article d’une vingtaine de pages, accessible gratuitement en anglais aux Presses de Cambridge. Le site doit toutefois être étudié dans son contexte, et des analyses géophysiques ont permis d’identifier de nouveaux sites d’intérêt dans un rayon de 2 kilomètres […] qui ont pu être occupés après l’abandon du Peu. Les dynamiques d’occupation de ce microterritoire continuent donc à se dessiner, au fil du temps. »
De nouvelles fouilles et un intérêt scientifique pour tout le territoire
En ce début de mois d’août, Vincent Ard s’agite donc au bord d’un champ près du cimetière de Charmé. La pluie s’abat crescendo sur le chantier de fouilles qu’il supervise depuis quelques jours, accompagné d’une dizaine de bénévoles. Il est à peine 10 heures, il faut déjà replier le campement. Les fouilleurs réunissent les derniers objets retrouvés sur place. Tout le monde se dirige vers la base arrière : une grange et un jardin dans lequel toute l’équipe campe. La journée sera dédiée au nettoyage des artefacts.
Le céramologue (expert des céramiques) et son équipe sont enthousiastes. Ils approfondissent enfin les zones d’ombre de l’étude précédemment publiée. Les fouilles ont débuté le 31 juillet, à quelques mètres de l’actuel cimetière de Charmé. « Ce qui nous intéresse, ça n’est pas de trouver de beaux objets, précise Vincent Ard. L’idée c’est de faire des liens entre le funéraire, l’habitat… Un os qui nous permet de dater un chantier a plus de valeur que n’importe quelle céramique. »
C’est tout l’intérêt de ce « microterritoire » qui gravite autour de Charmé et Tusson : son patrimoine néolithique remarquable doit permettre aux scientifiques de comprendre les liens entre les différents sites. Et par extension, le fonctionnement d’une société qui reste mystérieuse. « Au néolithique, l’écriture n’existait pas encore, conclut Vincent Ard. Donc sans archéologie, on est incapables de comprendre. Étudier le néolithique, c’est comprendre les fondements de nos sociétés. »