Voilà pour l’aval. En amont des départs, les impasses sont tout aussi palpables. Les politiques qui cherchent à maîtriser les flux dans les pays d’origine ou de transit en sous-traitant à leurs autorités le rôle de gardes-frontières, sont, elles aussi, vouées à l’échec.
Le récent accord signé par l’Union européenne avec la Tunisie en est la plus flagrante démonstration. Cette voie diplomatique, que l’on serait plutôt tenté de qualifier de marchandage, n’a pas fait baisser le nombre des départs, comme le montrent les mouvements actuels. Mais elle a pour conséquence de fragiliser encore un peu plus les migrant·es déjà pris·es pour cible par le président tunisien, Kaïs Saïed.
Depuis ses déclarations racistes, de nombreux exilés ont en effet été expulsés de leur domicile, ont perdu leur travail ou été déportés dans le désert, où certains sont morts de soif. Une telle dégradation de leurs conditions de vie ne peut que les inciter, y compris ceux qui n’en avaient pas l’intention, à prendre la fuite et à tenter la traversée.
Le précédent accord, signé par l’Union européenne en 2016 avec la Turquie, à la suite de la guerre en Syrie, est éclairant à un autre égard : si les routes migratoires qui traversent ce pays se sont temporairement taries, elles se sont aussitôt déplacées ailleurs, en l’occurrence vers les pays du nord de l’Afrique, au premier rang desquels… la Tunisie.
Dans leur tribune, Marie Bassi et Camille Schmoll rappellent aussi le cas libyen, et le chantage exercé en son temps par Mouammar Kadhafi. « Nous avons collaboré avec des gouvernements irrespectueux des droits des migrants : en premier lieu la Libye, que nous avons armée et financée pour enfermer et violenter les populations migrantes afin de les empêcher de rejoindre l’Europe », écrivent-elles. Et cela sans impact sur les réseaux de trafiquants, qui, à peine démantelés, se sont réorganisés sous d’autres formes, parfois avec l’aide des autorités locales, comme nous l’avons documenté dans Mediapart.
Autre diversion agitée à l’envi par les responsables politiques européens, et pas seulement par ceux de l’extrême droite, la criminalisation des ONG venant en aide aux migrant·es a pour seule et unique conséquence de faire augmenter la létalité de la traversée maritime.