• Gaza : « Nous avons face à nous tous les signes avant-coureurs d’un génocide »
    Rachida El Azzouzi | 24 avril 2024 | Mediapart

    https://www.mediapart.fr/journal/international/240424/gaza-nous-avons-face-nous-tous-les-signes-avant-coureurs-d-un-genocide

    repris par https://aurdip.org/gaza-nous-avons-face-a-nous-tous-les-signes-avant-coureurs-dun-genocide

    Entretien avec Budour Hassan, la chercheuse palestinienne d’Amnesty International sur Israël et les territoires palestiniens occupés, basée dans la ville de Jérusalem-Est occupée ainsi qu’à Ramallah, à l’occasion de son passage à Paris.

    Mediapart : En quoi les événements qui se déroulent à Gaza depuis plus de six mois symbolisent-ils « l’échec moral absolu de nombreux architectes du système établi après la Seconde Guerre mondiale » ?

    Budour Hassan : Il ne s’agit pas simplement d’une extinction du droit international, de l’affaissement d’un ordre mondial fondé sur des règles. C’est aussi un coup dur porté à la légitimité du droit international, et des droits humains en tant que concept. Quand on voit des êtres déshumanisés au point de ne pas être reconnus comme des humains, que reste-t-il des droits humains ?

    Le peuple palestinien endure à Gaza une répétition de la Nakba [la catastrophe de 1948, soit le déplacement de force de plus de 750 000 Palestiniennes et Palestiniens – ndlr] en pire. Nous avons face à nous tous les signes avant-coureurs d’un génocide : un blocus illégal dévastateur affame la population, la majorité des habitants ont été déplacés, de haut représentants du gouvernement israélien tiennent des propos génocidaires, plus de 34 000 personnes sont mortes, majoritairement des civils, des femmes et des enfants ; des camps de réfugiés, des infrastructures essentielles, des hôpitaux, des écoles, des universités sont détruits, etc.

    Mais Israël continue de bénéficier d’une impunité de la part de la communauté internationale, des plus grandes puissances, au premier plan son allié historique, les États-Unis, qui se présentent comme garants de l’ordre juridique mondial mais qui, en réalité, aident activement Israël, lui fournissent la logistique, l’armement, le soutien politique, diplomatique, militaire pour mener à bien ces attaques.

    Que signifient le droit international, le droit de la guerre, les règles de proportionnalité, les principes de protection des civils lorsqu’ils sont bafoués chaque jour sans répercussions ? Ce n’est pas faute d’outils. Le problème est le manque de volonté d’utiliser ces outils.

    Voyez ce qu’il s’est produit lorsque Israël a accusé douze des treize mille employé·es de l’Unrwa dans la bande de Gaza d’avoir participé aux massacres du 7 octobre 2023. Des dizaines de pays se sont basés sur son rapport, qui ne présentait aucune preuve, pour rompre ou suspendre leurs financements. Or, ces accusations ne sont pas fondées. Un rapport indépendant vient de le prouver. Israël a menti encore une fois.

    Nous parlons d’un pays présenté comme une démocratie, la seule démocratie du Moyen-Orient. Mais si c’est une démocratie, pourquoi bafoue-t-elle ainsi le droit international ? Pourquoi ne permet-elle pas aux enquêteurs, aux journalistes d’entrer à Gaza ? La seule réponse est : Israël a quelque chose à cacher. (...)