L’indicible homophobie ordinaire - Libération
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Que les dirigeants du club essaient de minorer la gravité des propos mis en cause en les cantonnant à un « dérapage » individuel, cela n’est pas très surprenant. Mais que la quasi-totalité de la presse généraliste refuse d’admettre le caractère homophobe et sexiste des tirades de l’arrière droit, voilà qui était un peu plus inattendu. Ainsi, dans Libération même, on a pu lire que, certes, les phrases prononcées « manquaient de délicatesse », mais que l’accusation d’homophobie relèverait de la « malhonnêteté intellectuelle », puisque, « hélas, c’est parfois ainsi que les gens s’expriment ».
Des terrains de foot aux rédactions, l’homophobie normalisée
En effet, les gens s’expriment parfois – et même souvent – ainsi. Parce que l’homophobie est, comme le sexisme, un phénomène socialement parfaitement acceptable. Humilier, caricaturer, ironiser sur les femmes et les homosexuels, en faire le cristallisoir de nos sentiments les plus vils, sont des habitudes largement partagées. Cela peut même faire partie de ces petites connivences qui soudent un vestiaire ou une salle de rédac. Tout cela n’est pas si grave au fond, tant que cela ne s’ébruite pas et que la « fiotte » désignée est extérieure au groupe.
Ainsi, dans le cas d’Aurier, ce qui a suscité l’émoi n’est pas l’homophobie (entendre ici l’utilisation de l’homosexualité pour déconsidérer ses partenaires et son entraîneur) mais seulement le fait que Serge Aurier ait publiquement dénigré les membres de son équipe. S’excuser ou s’offenser de l’insulte sans remettre en cause le registre sémantique auquel elle appartient, c’est pourtant entériner l’idée que le féminin et l’homosexuel valent moins que l’hétérosexuel masculin. C’est cautionner encore et toujours l’homophobie et le sexisme ordinaire au prétexte qu’ils sont… ordinaires. « C’est ainsi que les gens parlent » et ainsi va le monde, qui se satisfait de valider des discriminations au prétexte qu’elles sont communes !