Uberisation du terrorisme ou terrorisme liquide ?
"L’efficacité de la stratégie de la terreur de l’Etat islamique réside en ceci, en sa capacité à endosser la responsabilité ou la paternité spirituelle des actes commis en son nom par des individus qui n’appartiennent pourtant que de manière lâche à son organisation. L’EI accepte que « l’activité de chaque membre participant à la relation soit imputée à tous les membres » (Max Weber, Economie et Société), établissant ainsi une solidarité de fait entre des individus dispersés et parfois isolés et augmentant sa capacité d’action indéfiniment, sans avoir à se préoccuper d’organiser ou de contrôler tous ceux qui disent agir en son nom.
L’EI introduit en cela une rupture radicale dans l’histoire du terrorisme religieux et politique, qui a longtemps conféré une place centrale aux questions d’organisation et de formulation doctrinale, en acceptant d’adouber les gestes les plus atroces et fous commis par des « sympathisants » et des « soldats » à l’allégeance incertaine et donc de cautionner des massacres où se mêlent convictions religieuses, hostilité aux interventions en Syrie et en Irak, antisémitisme, mais aussi frustrations personnelles, haine de soi et aspiration au suicide. La cause EI accueille toutes les colères.
Elle accouche par là d’un conflit inédit, sans front et sans issue, que de simples individus peuvent alimenter en y déversant leur soif de vengeance. Un piège tendu aux démocraties, qui risquent de troquer le combat politique pour une guerre et de sacrifier ce qui en fait justement des démocraties, en « laissant propager un mal qui étouffera jusqu’au bien que vous vouliez conserver » (Machiavel, Discours, livre III)."
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