• Sablières de Saint-Colomban. De la campagne à la ville, ils rêvent d’une autre terre
    Ouest-France Marylise COURAUD, Isabelle LABARRE et Yasmine TIGOÉ. Publié le 11/06/2023 à 20h59
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    Ce dimanche 11 juin, environ 1 500 manifestants ont suivi le chemin du sable, des carrières de Saint-Colomban (Loire-Atlantique) et d’ailleurs, vers Nantes qui grossit avec le béton. Une mobilisation pour dénoncer l’épuisement des ressources naturelles.

    Dans une prairie ensoleillée de Saint-Colomban (Loire-Atlantique), des cyclistes se tartinent de crème solaire. La route sera longue jusqu’à Nantes. Des gendarmes veillent au grain… de sable, devant les sablières de GSM et Lafarge. Celles qui mettent en rogne les associations à l’origine de cette mobilisation dominicale.

    La Tête dans le sable (1), Camil (Puceul), le collectif carrière du Tahun (Guémené) et le Cri du bocage soudanais, toutes bataillent contre des projets d’exploitation de sable dans le département, avec Les Soulèvements de la terre. Des carrières qui grignotent des terres agricoles.

    « C’est un scandale. » Christian Tanguy, 67 ans, ancien paysan et éducateur, est installé près de La Roche-sur-Yon (Vendée). Il a transmis la ferme et les terres à sa fille, 35 hectares classés en espaces naturels sensibles pendant quatre-vingt-dix-neuf ans.

    À Saint-Colomban, c’est deux fois cette surface que convoitent les carrières. Un projet toujours en cours d’étude, qui a obtenu l’aval d’une majorité des élus du pays de Retz, et des habitants de Saint-Colomban, à 54 % des votants.

    « Avant poussaient des céréales »

    Tracteurs en tête, plusieurs centaines de cyclistes dans leurs roues, des familles avec enfants, le convoi s’est élancé, suivi par un défilé de militants en voitures. L’opération escargot va durer près de cinq heures, entre les champs et la quatre-voies. « Nous sommes en colère : les industries ont toujours le droit à des dérogations pour pourrir encore plus la planète », lance au micro Marie Nicolas, l’une des quatorze coprésidentes et présidents de La Tête dans le sable.

    Grimpé à l’arrière d’un tracteur, Jean-Claude Avrilleau, né à Saint-Colomban, a vu le paysage se transformer autour de lui. « Avant les carrières, poussaient des céréales et de l’herbe pour le bétail. » Aujourd’hui, le sexagénaire participe à toutes les réunions autour du projet d’extension.

    Pour les manifestants, c’est tout un système qui déraille et qu’il faut remettre en cause. Céline (2) vit à Nantes depuis quinze ans et voit sa ville grossir toujours plus. « On est à bout de souffle. Il y a un besoin de logements, mais il y a d’autres façons de construire. » De l’argile pour remplacer le sable, évoque un autre. Rénover des bâtiments anciens, et habiter les logements vides, entend-on aussi.
    7 % des émissions de CO2

    Chiffres et références aux rapports du GIEC à l’appui, les militants arment leurs discours d’arguments scientifiques. « Si le béton était un pays, il serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre. » En effet, la production du ciment génère 7 % des émissions mondiales de CO2.

    Merlin, 23 ans, étudiant parisien, observe et prend des notes pour alimenter son « mémoire d’études environnementales ». Militant des Soulèvements de la terre et du Peps (Pour une écologie solidaire et sociale), il a manifesté pour la préservation de jardins à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). « On est sorti de la stratégie des Zad où on défendait un seul lieu, pour aller vers un combat plus collectif, plus accessible et populaire, mais pas moins radical. »

    Le convoi fait du sur place avant d’arriver aux Sorinières. Pascal, Fabienne, Magali et d’autres militants du collectif Bassines non merci, venus des Deux-Sèvres, se rafraîchissent. « On dénonce l’accaparement des ressources au profit des industries. On n’est pas des éco-terroristes, mais des gens normaux. On travaille, on cotise. Notre rôle est d’être là. »
    « Rats des villes, rats des champs »

    15 h 30, arrivée dans le centre-ville de Nantes, toujours dans la bonne humeur. Retrouvailles devant l’hôpital avec un second cortège parti d’Héric et les Nantais du collectif CHU Action santé.

    Ils sont environ 1 500. Sous les hourras, un geste qui réunit rats des villes et rats des champs, pour reprendre l’expression de Margot Medkour, du collectif opposé au déménagement du CHU.

    « On réclame du pognon pour la santé, pas pour le béton ! » clame Olivier Terrien, de la CGT. « Là, on va détruire une maternité entièrement rénovée en 2014 et on extrait du sable pour construire un nouvel hôpital », opine Juliette, 33 ans, activiste d’Attac 44.

    À peine fatiguée par son long périple à vélo, Julie, 36 ans, jubile. La jeune femme a quitté Nantes il y a quelques années pour s’installer dans une petite exploitation maraîchère, près de Legé. « J’ai toujours pensé que les luttes étaient plus sociales en ville et plus écolos à la campagne. Là, les deux se rejoignent. Ça fait du bien. »

    (1) C’est la troisième manifestation organisée par La Tête dans le sable. L’an dernier, elle avait mobilisé 700 personnes.

    (2) Plusieurs personnes rencontrées au cours de la journée n’ont pas souhaité donner leur nom.
    Maraîchers et centrale à béton ciblés par les militants

    « Tout va bien se passer ! » Dans le champ du Redour, près de Saint-Colomban, une militante explique tout de même au micro la marche à suivre en cas de garde à vue. Il n’y en aura pas besoin. Sur un parcours tenu secret jusqu’au dernier virage, les organisateurs avaient prévu quatre actions qu’ils qualifient de « désobéissance civile ».

    La première vise un gros maraîcher du secteur, le groupement maraîcher Vinet. Une partie des manifestants laissent leurs vélos dans le fossé et rentrent dans une parcelle pour arracher des plants de muguet et semer à la place du sarrasin.

    Acte 2, Pont-Saint-Martin : ils pénètrent dans une serre expérimentale de la Maison des maraîchers nantais, déterrent des salades, dispersent des semences « paysannes » et taguent des bâches.

    « Oui, on s’attaque à des agriculteurs, ça pose question. Mais là il s’agit de managers qui ne travaillent plus la terre eux-mêmes », se défend Léna Lazare, des Soulèvements de la terre. Sur Twitter, le président des maraîchers nantais Régis Chevallier réagissait quelques heures plus tard, se désolant de voir attaquées des serres expérimentales « en sol vivant et des cultures sans pesticides ».

    Troisième action aux Sorinières. Le cortège stoppe devant la centrale à béton de l’entreprise BHR. « Les travailleurs de l’ombre ont coupé l’alimentation en eau de la centrale », annonce une militante. Explication : 70 % du sable extrait à Saint-Colomban sert à la fabrication de béton, 30 % au maraîchage.

    Dernier round à Nantes, alors que la manif touche à sa fin. Des murs de paille enduits de terre sont érigés devant les portes de l’immeuble de Nantes métropole. « Pour montrer à Johanne Rolland, présidente du conseil de surveillance du CHU, qu’on peut construire autrement qu’avec du béton. »

    #industrie_agro-alimentaire #sable #Carrières
    #Les_Soulèvements_de_la_Terre

    • Les paysans du convoi du sable expliquent les actions menées contre le maraîchage industriel
      publié le 12 juin 2023
      https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/resistance-paysanne-au-maraichage-industriel

      Résistance paysanne au maraîchage industriel !

      Nous sommes des éleveurs-euses et maraîchers-ères de Loire-Atlantique. Nous avons participé depuis plus de deux ans à toutes les mobilisations contre l’extension des carrières de Saint-Colomban. Nous sommes venus - une fois encore - en force avec nos tracteurs pour cette journée de mobilisation organisée par la tête dans le sable et les soulèvements de la terre.

      Pour nous la présence paysanne dans toutes ces actions démontre que les luttes écologistes n’ont rien à voir avec une opposition binaire et caricaturale entre agriculteurs et écolos. En réalité, comme le soulignait déjà Bernard Lambert en son temps, une fracture traverse le monde agricole de l’intérieur : entre des grosses sociétés agro-industrielles et toutes celles et ceux qui pratiquent une agriculture paysanne, entre les grosses coopératives capitalistes et nos fermes, entre l’agro-écologie à dimension humaine et à vocation locale et l’agrobusiness exportateur.

    • Debunkage - Pourquoi viser l’agro-industrie nantaise - précisions sur les actions menées et réponse à Olivier Véran
      Le 11 juin 2023
      https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/debunkage-pourquoi-viser-lagro-industrie-nantaise-precisio

      Le lobby agro-industriel inonde les médias de sa complainte pour dénoncer le remplacement du muguet industriel et une poignée de plants expérimentaux non destinées à l’alimentation, par un semis de sarrasin bio. Comme d’habitude, le gouvernement complice reprend mot pour mot sa propagande. Mais pour qui prend le temps de s’intéresser un tant soit peu aux faits et d’enquêter derrière les piteuses tentatives de greewashing, il apparaît que:

      – les industriels du légumes nantais visés par ces actions sont responsables de divers empoisonnements récents aux pesticides comme le metamsodium
      – les serres visées à Pont-saint-Martin dimanche sont bien encore l’objet d’expérimentations sur des pesticides cancérigènes selon l’ANSES comme le métobromuron. Elles visent à maintenir le même modèle et à renforcer l’acceptabilité des pesticides en prétendant réduire leur usage plutôt que de permettre leur interdiction.
      – ces serres sont majoritairement ensablées et destinées à ce type de cultures plutôt qu’à de quelconques « sols vivants ».
      – ces industriels chef d’entreprise à la main d’oeuvre exploitée, n’ont rien d’"agriculteurs".
      – ils sont par contre bel et bien responsables de l’accroissement ravageur de la production de sable et de la consommation d’eau pour des productions non vivières ou tournées vers l’exportation.
      – ils ont été récemment condamné pour leur surplus de rejets toxiques dans l’atmosphère, notamment sur leurs cultures de concombres.
      – la collusion de certains dirigeants des maraîchers nantais avec l’industrie du sable est avérée. Le président de la maison des maraîchers Mr Torlasco a par exemple occupé pendant 11 ans le poste de secrtaire régional de l’UNICEM - union national des industries de carrière et matériaux de construction.
      – ils s’accaparent main dans la main avec l’industrie du sable des terres transformées en mer de plastique et serres chauffées, et tuent ainsi les autres formes d’agriculture paysanne dans le département. En Loire-Atlantique, les surfaces dédiées à l’agro-industrie légumière ont augmenté de 24% entre 2010 et 2021. Le paysage de bocage et de polyculture élevage qui a caractérisé pendant des siècles le terroir du Pays-de-Retz est remplacé par un désert agro-industriel ultra-spécialisé qui ravage la mosaïque de prairies et de cultures de la campagne nantaise. Si c’est cela la terre qu’aime Olivier Véran, c’est bien le signe qu’il n’a aucune culture paysanne ! Il semble manifestement confondre la terre et le sable. 1 ha de mâche, c’est jusqu’à 30 tonnes de sables par hectare chaque année ! Ensabler la terre, drainer les parcelles, araser les haies, c’est – structurellement – une artificialisation massive des sols. Oui nous préfèrons le sarrasin biologique aux champs de muguets de Vinet et aux expérimentations du lobby agro-industriel. (...)