Lors d’une commémoration du centième anniversaire de François Mitterrand, François Hollande s’est présenté comme son successeur naturel. La chose a surpris ceux qui associent uniquement l’ancien président de la République à des orientations très progressistes. En réalité, après un démarrage en trombe (nationalisations, abolition de la peine de mort, retraite à 60 ans, extension des droits syndicaux, etc.), Mitterrand a mis en œuvre des politiques économiques néolibérales tout à fait classiques — un virage analysé dès 1984 dans nos colonnes par Alain Lipietz. Et il a presque toujours cultivé d’excellentes relations avec Ronald Reagan.
Un socialisme français aux couleurs du #libéralisme
▻https://www.monde-diplomatique.fr/1984/03/LIPIETZ/37893 #st
Fureur à l’Elysée…
►https://www.monde-diplomatique.fr/2015/07/HALIMI/53203
Mais l’atlantisme des #socialistes français peut invoquer un précédent encore plus éclatant. Le 24 juin 1981, François Mitterrand expliqua à M. George H. Bush, alors vice-président des Etats-Unis, pourquoi il venait de nommer quatre ministres communistes. « Les communistes ont accepté de s’humilier en échange de quatre postes gouvernementaux. (...) Je peux parfaitement les renvoyer s’ils ne font pas l’affaire. (...) Ils seront de force associés à ma politique économique et seront donc dans l’impossibilité de susciter des remous sur le plan social. » Le journaliste Philip Short, qui a consulté les comptes rendus officiels de cette rencontre, estime que celui qui était alors le bras droit de Ronald Reagan repartit adouci par une telle plaidoirie. « Grâce à vos explications, déclara-t-il à Mitterrand, nous y voyons beaucoup plus clair. »
Le président Reagan fut à son tour tout à fait rassuré quand, moins de deux ans plus tard, Paris expulsa d’un seul coup quarante-sept diplomates soviétiques. Ils étaient soupçonnés d’espionner la France. « Les Russes doivent comprendre qu’ils n’ont pas affaire à un ventre mou. Dès qu’ils l’auront compris, cela marchera mieux », avait alors conclu le chef de l’Etat français.
L’Europe de François Mitterrand ?
▻http://www.monde-diplomatique.fr/2011/04/HALIMI/20386
M. Jean-Luc Mélenchon n’est pas moins critique de la politique européenne des trente dernières années. Il est même plus indigné : « Il faut travailler au marteau-piqueur pour arracher les racines profondes que le cancer de l’Europe libérale a incrustées dans la chair de notre République. » Fédéraliste hier, il estime dorénavant qu’« il n’existe pas un seul exemple d’un mieux social quelconque qui soit venu de l’Europe en France. Pas un ! ». Mais, curieusement, son réquisitoire exonère l’ancien président socialiste de toute responsabilité dans la situation qu’il décrit. Or M. Mélenchon fustige la répartition toujours plus inégale de la valeur ajoutée entre travail et capital, la contre-révolution fiscale, l’envol de la pauvreté, les investisseurs qui gagnent de l’argent en dormant, l’indépendance des banques centrales, l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence. Fort bien, mais peut-on cogner aussi fort qu’il le fait, pourfendre la droite, la social-démocratie européenne, les actuels socialistes français et, simultanément, continuer à glorifier Mitterrand ?
▻http://zinc.mondediplo.net/messages/40655 via Le Monde diplomatique