À l’exception d’une cordonnerie, les boutiques pittoresques — bricolage, jouets — ont été remplacées par des enseignes multinationales du vêtement, de l’alimentation, des accessoires, des loisirs. Le bureau de poste a disparu, mais on trouve à présent des automates bancaires BNP Paribas partout. Le salon de coiffure Joffo, institution très locale (les salons du coiffeur et écrivain Joseph Joffo sont situés dans un périmètre plutôt serré autour de la gare Saint-Lazare), est remplacé par des salons de beauté de sociétés internationales. Les franchises sont en tout cas devenues la règle, et la plupart appartiennent à des groupes de centaines ou de milliers de boutiques dans le monde : Lacoste, Esprit, Muji, Promod, etc. En face de la gare Saint-Lazare, passage du Havre, on trouve les mêmes boutiques, ou des boutiques appartenant aux mêmes groupes, ou parfois, avec une fausse apparence d’abondance, des marques différentes détenues par les mêmes groupes. En fait, un assez petit nombre de marques et de groupes d’investissement se partage toute une zone et en fait peu à peu fuir les commerces indépendants, que j’imagine incapables de résister à l’augmentation des loyers au moment des renouvellements de baux commerciaux — c’est cette raison qui a été annoncée pour la fermeture de nombreux commerces historiques en tout cas. Il y a vingt ans on trouvait dans le quartier des Saint-Lazare plusieurs excellents disquaires et plusieurs véritables librairies, remplacés à présent par une Fnac et un Virgin, où on vend surtout ce qui se vend déjà, à savoir les produits culturels soutenus par un marketing d’enfer. On a l’impression d’assister à une partie de jeu de stratégie où l’important n’est pas tant d’avoir une boutique qui a du succès que d’occuper la place pour empêcher d’autres d’exister, et surtout, pour se débarrasser définitivement des boutiques familiales, économiquement négligeable mais dont le fonctionnement échappe aux règles communes aux enseignes internationales qui, en apparence, sont concurrentes, mais qui s’entendent généralement bien lorsqu’il s’agit de se racheter les unes et les autres, ou d’avoir des actionnaires en commun. L’ensemble est géré par Ségécé, du groupe Klépierre, énorme société d’investissement immobilier contrôlée à 50% par BNP Paribas, si j’ai bien suivi.