La libre circulation du virus

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  • Comment se protéger des pandémies mondiales ? L’OMS a deux semaines pour trouver un consensus | Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/monde/comment-se-proteger-des-pandemies-mondiales-loms-a-deux-semaines-pour-t

    Les négociations de la dernière chance commencent ce lundi à l’OMS pour trouver un consensus afin de protéger efficacement et équitablement le monde de futures pandémies.

    Après deux années de travaux, les négociateurs ont dû se rendre à l’évidence, le mois dernier : il leur faut plus de temps pour tenter de se mettre d’accord sur ce texte historique sur la prévention, la préparation et la réponse aux futures pandémies. Le temps presse, il doit être adopté lors de l’Assemblée mondiale de la santé, qui commence le 27 mai.

    Les 194 pays de l’Organisation mondiale de la santé reviennent donc à son siège, à Genève, à partir de ce lundi et jusqu’au vendredi 10 mai.

    Le souvenir des millions de morts, de la souffrance, des injustices et des immenses dégâts économiques de la pandémie de covid-19 s’estompe et « si une nouvelle pandémie commençait demain, nous serions confrontés à bon nombre des mêmes problèmes auxquels nous avons été confrontés avec la covid-19 », regrette le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

    De grandes divergences
    Malgré un large consensus sur la nécessité d’un texte contraignant pour rendre la réponse de la communauté internationale plus efficace et plus équitable, de grandes divergences subsistent sur la manière de s’y prendre.

    Arrivés à une impasse - le document de travail était quasiment illisible à force d’ajouts et de réserves -, les négociateurs se retrouvent avec une version simplifiée de 23 pages et un quart de mots de moins.

    Les principaux différends tournent autour de l’accès et de l’équité : accès aux agents pathogènes découverts, accès aux produits de lutte contre la pandémie tels que les vaccins développés à partir de ces découvertes et distribution équitable non seulement des tests, traitements et vaccins contre la pandémie mais aussi des moyens de les produire.

    Trouver l’indispensable consensus
    Le nouveau projet se concentre sur les points d’accord pour établir un cadre et tenter de trouver l’indispensable consensus. Il réserve certains des points les plus délicats à de futures discussions au cours des deux prochaines années, tout particulièrement l’accès aux pathogènes et le partage des produits issus de la recherche sur ces microbes.

    K. M. Gopakumar, chercheur principal au Third World Network - l’une des ONG qui suit de près les négociations et a décortiqué le nouveau texte -, estime qu’il « est dépourvu de tout résultat concret en matière d’équité et ne crée aucune obligation juridique pour faciliter un accès prévisible et durable au financement, aux produits et à la technologie liés à la pandémie ».

    Pour Médecins sans frontières, les obligations en matière de transfert de technologie vers les pays les plus pauvres « restent faibles ». En revanche, la garantie d’un accès équitable aux médicaments issus de la recherche et développement sur des fonds publics a survécu aux coupes claires, salue l’organisation Initiative Médicaments contre les maladies négligées (DNDi).

    Mais les obligations « qui auraient garanti que les gens puissent bénéficier du progrès scientifique et avoir un accès équitable aux produits dont ils auront besoin ont été affaiblies ou supprimées du texte et doivent être rétablies », a demandé Michelle Childs, de la DNDi.

    « Un calendrier très serré »
    Les négociateurs pourraient être encouragés à trouver un terrain d’entente par les nouvelles sur le front de l’épizootie de grippe aviaire qui refait des ravages depuis 2020. Le virus H5N1 a récemment infecté des troupeaux de vaches aux États-Unis, une première. Si, pour l’heure, aucun cas de transmission d’humain à humain n’a été enregistré, la circulation intense du H5N1 et sa capacité à sauter d’une espèce à l’autre inquiètent.

    Deux semaines, « c’est un calendrier très serré », a reconnu vendredi Margaret Harris, une porte-parole de l’OMS.

    La Maison Blanche a réaffirmé l’engagement des États-Unis pour arriver à un accord.

    Tsegab Kebebew Daka, ambassadeur d’Éthiopie à Genève, estime que « les différences dans le texte ne sont pas énormes. Ce sont principalement des différences d’idées, et elles ne sont pas si nombreuses ».

    Et l’ambassadrice d’Australie Amanda Gorely de résumer : « Toutes les délégations doivent se rassembler et se concentrer sur la recherche d’un consensus ».

  • La libre circulation du virus | Théo Bourgeron
    https://cabrioles.substack.com/p/la-libre-circulation-du-virus-theo

    Pendant la pandémie de Covid-19, des similitudes sont apparues entre les politiques des gouvernements conservateurs du Royaume-Uni, des États-Unis et du Brésil, respectivement menés par Boris Johnson, Donald Trump et Jair Bolsonaro. Plutôt que d’imposer un confinement précoce, ces gouvernements ont tous minimisé l’impact de la pandémie sur la population et cherché à éviter à tout prix l’arrêt des activités économiques dans leur pays. En se concentrant sur le cas du Royaume-Uni, cet article analyse les origines de cette approche de la pandémie en élaborant une explication matérialiste de l’émergence de cette réponse, montrant comment elle résulte de conflits entre les acteurs capitalistes du Royaume-Uni. Il contribue au débat actuel sur le Covid-19 de deux manières. Premièrement, contrairement aux travaux récents qui étudient les conséquences du Covid-19 sur les institutions politiques et les activités économiques (par exemple, Boyer, 2020 ; De Perthuis, 2020 ; Latour, 2020 ; Tooze, 2020), il adopte la démarche inhabituelle d’utiliser la structure changeante de la classe capitaliste du Royaume-Uni pour expliquer la réponse du gouvernement britannique au Covid-19. Deuxièmement, il adopte une explication matérialiste de cette réponse. Des travaux récents ont décrit les réponses laxistes face au Covid-19 comme des politiques « ignorantes » résultant du rejet populiste de la science (Gonsalves, 2020 ; Stiglitz, 2020 ; Zarocostas, 2020). Ces travaux comprennent la réaction britannique par la réticence des décideur·euses politiques conservateur·ices à suivre les experts et les scientifiques. Ils suggèrent que le gouvernement britannique a pris des décisions à courte vue en raison de son "populisme"1, bien que ces décisions aillent à l’encontre de la science et soient dangereuses pour la santé d’une grande partie de la population (Gugushvili et al., 2020). Cette approche ignore les intérêts en jeu derrière les décisions de santé publique ainsi que les facteurs qui lient les intérêts économiques et les intellectuel·les (par exemple, les expert·es et les scientifiques) auxquels les gouvernements font appel pour élaborer leurs décisions. A contrario, cet article s’appuie sur la théorie matérialiste des régimes d’accumulation politique pour replacer la réponse gouvernementale britannique au Covid-19 au sein des luttes de classe.

    • Interprétant la réponse britannique au Covid-19 à travers ce cadre, je donne un bref aperçu des stratégies de laissez-faire développées par le Royaume-Uni depuis le début de la crise jusqu’à la fin mars 2020 (section 1). Puis, en étudiant leurs origines idéologiques, je montre comment ces stratégies ont résulté d’un changement de ligne du parti conservateur britannique en faveur d’une stratégie de santé publique radicalement individualiste (section 2). Je soutiens que cela révèle la reconfiguration des institutions politiques du Royaume-Uni autour d’un nouveau régime d’accumulation libertarien-autoritaire qui est en contradiction avec le précédent régime d’accumulation néolibéral (section 3). Enfin, je relie ce changement à l’émergence d’une nouvelle classe de capitalistes favorables aux catastrophes au sein de la communauté des affaires du Royaume-Uni et à leur influence croissante sur les institutions britanniques (section 4).

    • il y a quelque chose qui cloche là dedans :

      Contrairement à la stratégie de « suppression » suivie par les pays asiatiques et certains pays européens comme l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et la France (Titheradge et Kirkland, 2020), le gouvernement britannique est parti du principe que l’épidémie ne pouvait être arrêtée.

      outre le fait que néolibéralisme et autoritarisme ne peuvent être disjoints ou opposés, pensons au Chili de 1973, ou à la notion de la « dédémocratisation » dans Les habits neufs de la politique mondiale : Néolibéralisme et néo-conservatisme , Wendy Brown, 2009, 2017 pour la trad hexagonale.

      #covid-19 #gouvernementalité