• Bennholdt-Thomsen & Mies, Postmodernisme féministe, 1997
    L’idéologie de l’oubli et de la dématérialisation

    Il est pourtant surprenant de voir que les féministes postmodernes ignorent l’un des postulats les plus importants du courant constructiviste. Il s’agit du postulat selon lequel il faut replacer les discours dans leur contexte, se demander à quels moments historiques ces discours émergent, par quels acteurs ils sont énoncés et dans quels intérêts. Si les féministes postmodernes s’étaient posé ces questions, elles auraient découvert que l’essor du #postmodernisme, théorie dominante dans les universités, en particulier dans les départements d’études féministes, a coïncidé avec l’essor de la politique économique néolibérale aux États-Unis et au Royaume-Uni dans les années 1980 (reaganisme et doctrine Thatcher), qui s’est étendue au monde entier après l’effondrement du bloc communiste. Elles ne comprennent visiblement pas que l’idéalisme postmoderne, avec son mélange de pluralisme néolibéral et d’indifférence à l’égard de la politique, ses attaques dirigées contre l’essentialisme et les grands récits, correspond en tout point à l’idéologie néoconservatrice.
    Ces chercheuses féministes postmodernes n’ont jamais été et ne constituent toujours pas une menace pour le #capitalisme patriarcal. De fait, les mots #patriarcat ou capitalisme n’apparaissent pas dans le discours postmoderne. L’idéologie postmoderne a effectivement démobilisé une part très importante de la population, en particulier chez les jeunes, de sorte qu’ils ne sont même pas conscients des liens entre économie, politique et idéologie : ils se sentent encore moins concernés par la hausse des inégalités et les dégâts sociaux et environnementaux infligés par la politique économique néolibérale.

    https://sniadecki.wordpress.com/2023/12/24/subsistance-postmodernisme-fr

    #écoféminisme #Maria_Mies #gender_studies #révisionnisme

  • Thomas Jodarewski, L’Apocalypse selon Nolanheimer, 2023

    Il aura quand même fallu 3h30 au réalisateur britannique #Christopher_Nolan pour rendre sympathique le directeur scientifique du programme nucléaire qui fit 200 000 morts civiles, les 6 et 8 août 1945, à Hiroshima et Nagasaki. Sa recette : un acteur sexy joue un honnête physicien persécuté, rongé par des problèmes de conscience.

    Nous, qui ne sommes pas responsables d’un crime de masse, avons d’autres problèmes. Et d’abord celui de rétablir la biographie du «  Père de la #bombe_atomique  », puisque les critiques cinéma s’empêchent de le faire. Question de salubrité intellectuelle.

    Le film a dépassé les quatre millions d’entrées en France, et les 315 millions aux États-Unis. Le Japon ne s’est quant à lui pas embarrassé à diffuser le film. Allez savoir…

    En 1958, les surréalistes sifflaient les conférences d’#Oppenheimer et boycottaient les «  films qui endorment l’opinion  » au sujet de l’atome. Allez comprendre…

    https://sniadecki.wordpress.com/2023/12/19/jodarewski-nolanheimer

    #révisionnisme_historique

  • Miguel Amorós, Généalogie de la pensée molle, 2015

    La première grande difficulté de la #critique_radicale est de trouver un sujet capable de rétablir ladite distance, c’est-à-dire capable de penser, car les communautés de combat nées des conflits ne sont presque jamais assez fortes et stables. Elles ne sont guère enclines au débat avec une volonté de conclure. La présence des #classes_moyennes les transforme en « communautés de carnaval » ou en « communautés garde-robes », selon l’expression de Zygmunt Bauman, c’est-à-dire en masses réunies dans des spectacles sans intérêts communs mais partageant une illusion de courte durée, une identité momentanée, politique ou sociale, qui sert à canaliser la tension accumulée lors des journées routinières. Dans ce type de pseudo-communauté, dès la fin des protestations festivalières, tout reste en l’état. L’effet le plus néfaste des spectacles contestataires des derniers temps est qu’en dispersant l’énergie des conflits sociaux véritables dans des salves cérémonielles, ils avortent les véritables communautés combattantes. L’invasion par l’affectivité insatisfaite annule toute tentative de communication rationnelle, et c’est pourquoi les assemblées évitent les débats décisifs et lâchent leurs émotions, attirant une pléthore de personnages névrotiques et caractériels. Il est évident que si les crises ne sont pas suffisamment profondes pour générer des antagonismes irréconciliables et menacer sérieusement la survie d’une des parties, la peste émotionnelle désactivera toujours les conflits réels et les fragments postmodernes contamineront toute réflexion bien intentionnée. La tâche immédiate de la critique consistera alors à dénoncer les mécanismes psycho-politiques de contention et la mentalité bourgeoise conformiste où ils sont ancrés.

    Il est nécessaire d’expliquer les symptômes de la crise sociale historique sans jamais abdiquer la Raison qui est, comme le dit Horkheimer, « la catégorie fondamentale de la pensée philosophique, la seule capable de l’unir au destin de l’humanité ». À ce stade, il s’agit d’être #conservateur car il est nécessaire de préserver une pensée qui doit servir à transformer radicalement le monde . En définitive, il faut continuer l’utopie qui n’est rien d’autre qu’une raison sui generis, une raison imaginative.

    https://sniadecki.wordpress.com/2023/11/03/amoros-molle-fr

    #Miguel_Amoros #postmodernisme (plus pertinent que woke ?) #utopie

  • Patrick Marcolini, Héritiers situationnistes, 2009
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/11/23/marcolini-heritiers-situ

    En vingt-neuf numéros et plus de mille cinq cents pages publiées, Le Tigre avait réussi l’exploit de ne jamais se pencher sur l’œuvre de Guy Debord. Non sans raisons, l’invocation du mouvement situationniste étant devenue, dans les médias, un poncif. Dans le dossier du volume précédent du Tigre, consacré pour une part aux textes de Julien Coupat et de ses proches, il manquait une analyse précise de la filiation entre ces derniers et les situationnistes. La voici.

    #situationnistes #histoire #héritage #Tiqqun #Patrick_Marcolini

    • Une chose m’est propre dans la mesure où elle rentre dans le domaine de mes usages, et non en vertu de quelque titre juridique. La propriété légale n’a d’autre réalité, en fin de compte, que les forces qui la protègent. La question du communisme est donc d’un côté de supprimer la police, et de l’autre d’élaborer entre ceux qui vivent ensemble des modes de partage, des usages.

      J’avais complètement oublié ce passage de l’Appel !

      Heureusement que 20 ans après, on est allé au delà de l’idée que _La propriété légale n’a d’autre réalité [...] que les forces qui la protègent._

      https://clip.ouvaton.org

  • José Ardillo, Et si on sautait le mur théorique des forces de production ?, 2023

    Quelques commentaires critiques sur
    le livre de #Sandrine_Aumercier
    Le Mur énergétique du capital
    (Crise & Critique, 2021)

    je persévère à considérer que le système de #Marx demeure l’un des murs théoriques les plus redoutables qui ont empêché les mouvements sociaux et ouvriers de saisir la réalité la plus essentielle de cette industrialisation.

    son livre m’apparaît comme une nouvelle tentative de maintenir le prestige d’un dogme qui veille à conserver jalousement son monopole analytique sur les causes et les effets du système de domination actuel, au mépris total d’apports critiques sans nul doute précurseurs et mieux fondés. Heureusement, les mouvements écologistes les plus lucides et les critiques radicales de la #société_industrielle n’ont pas attendu le révisionnisme écologiste de Marx, ni l’émergence de la « #critique_de_la_valeur », dont se réclame notre auteure, pour entamer depuis plusieurs décennies une véritable dénonciation de cette société.

    https://sniadecki.wordpress.com/2023/11/10/ardillo-aumercier-fr

    A l’occasion de la publication de la version espagnole du livre :

    https://sniadecki.wordpress.com/2023/11/10/ardillo-aumercier-es

    #José_Ardillo #Wertkritik #Scientisme #imposture #cuistrerie

  • Albert Einstein, Pourquoi le socialisme ?, 1949
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/17/einstein-socialism-fr
    aussi ici
    https://www.marxists.org/francais/general/einstein/1949/00/einstein.htm

    Est-ce que beaucoup de choses ont changé dans les constats généraux ? (dépossession, emprise des capitalistes sur la presse et donc sur l’opinion publique, mauvaise éducation centrée sur la compétition) Les seuls progrès sont ceux du capitalisme.

    Est-il convenable qu’un homme qui n’est pas versé dans les questions économiques et sociales exprime des opinions au sujet du socialisme ? Pour de multiples raisons je crois que oui.

    […]

    Pour ces raisons nous devrions prendre garde de ne pas surestimer la science et les méthodes scientifiques quand il s’agit de problèmes humains ; et nous ne devrions pas admettre que les spécialistes soient les seuls qui aient le droit de s’exprimer sur des questions qui touchent à l’organisation de la société.

    #Albert_Einstein #socialisme #capitalisme #technocratie #démocratie

  • Matthieu Amiech, Lettre ouverte aux organisatrices du rassemblement estival Les Résistantes, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/16/amiech-les-resistantes

    Suivi de deux textes sur l’autonomie des luttes, notamment alimentaire.

    L’organisation de ce rassemblement visait précisément à faire se rencontrer des gens qui n’en sont pas tous au même point, dont les objectifs ne concordent pas tout à fait et doivent être mis en discussion : à faire avancer un mouvement en construction. Mais ici, il ne s’agit pas de cela. Imaginons que, peu après l’atelier « Discussion et retours sur nos expériences d’autodéfense féministe », ou avant la table ronde « Reprendre les terres dans une perspective féministe », il y ait eu une formation « Être féministe et sexy, pour réussir », ou « Faire avancer l’émancipation des femmes par la filière nucléaire (ou l’armée) » : on peut penser qu’il y aurait eu à juste titre un malaise, voire un scandale. Sur la question du numérique, par contre, la contradiction ne pose pas de problème. On a beau savoir que ces technologies sont au cœur des phénomènes de surveillance, de précarisation du travail, d’isolement social, d’aggravation des problèmes écologiques, elles restent « un outil incontournable pour nos luttes » – qui visent pourtant plus de liberté et d’égalité, moins de violence et de destructions.

    […]

    De façon générale, il est temps pour cette écologie terrestre, pour l’ensemble des luttes contre les petits et grands projets qui pillent les ressources et dévastent les territoires, de faire un choix. Ou bien nous luttons avec les outils numériques, dans un souci de soi-disant efficacité et au nom de l’urgence absolue-permanente ; ou bien nous luttons, de plus en plus, sans eux, pour trouver une nouvelle consistance humaine, pour tisser quelque chose de réellement hétérogène au développement (économique), à la transition (énergétique), à la vie administrée et artificialisée. Ou bien on continue de laisser au second plan de la conscience collective – derrière les écrans – l’impact effrayant de la numérisation sur les milieux naturels, la consommation d’énergie et d’électricité qui explose, la course aux métaux et l’ouverture de mines partout dans le monde ; ou bien on met cette question au premier plan : on insiste sur le rôle essentiel des ordinateurs et d’Internet dans l’accélération des prédations, de la bétonisation des sols, de la confiscation des terres et de la pollution des eaux (ou vice versa).

    #Matthieu_Amiech #critique_techno #numérique #informatisation #qrcode #gestion #autonomie #luttes_sociales #organisation

  • Radio : Bennholdt-Thomsen & Pruvost, La Politique de la Subsistance, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/13/rmu-atecopol-subsistance

    Veronika Bennholdt-Thomsen et Geneviève Pruvost présentent l’ouvrage La Subsistance : une perspective écoféministe (éd. La Lenteur, octobre 2022).

    Une tendance singulière et importante de l’écoféminisme : la perspective de la subsistance. Travail de (re-)production de la vie, domaine des tâches quotidiennes, invisibles, réalisés majoritairement par des femmes, la subsistance a pourtant été ignorée voire méprisée dans le féminisme comme dans l’écologie, et n’a que momentanément été remise au centre de l’attention par la crise sanitaire. La catastrophe écologique exige pourtant de repenser complètement nos manières de vivre et de travailler.

    Conférences organisées par l’Atelier d’écologie politique (Atecopol) de Toulouse en avril 2023.

    https://archive.org/download/rmu-087-atecopol-subsistance/RMU_087_Atecopol-Subsistance.mp3

    #subsistance #féminisme #écologie #écoféminisme #Veronika_Bennholdt-Thomsen #Geneviève_Pruvost #Atecopol #conférence #livre

  • Luzi & Berlan, L’écosocialisme du XXIe siècle doit-il s’inspirer de Keynes ou d’Orwell ?, 2020 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/03/luzi-ecosocialisme

    Keynes s’inscrit consciemment dans ce machiavélisme économique, en considérant que l’amour de l’argent « comme objet de possession », de même que les pratiques capitalistes en elles-mêmes « détestables et injustes », doivent être tolérés, étant les moyens les plus efficaces pour résoudre le « problème économique » (la rareté). Et il renvoie à ses petits-enfants la tâche de revenir sur cet immoralisme, une fois ce problème résolu.

    Le raisonnement de Keynes, qui repose sur la distinction entre les besoins absolus et les besoins relatifs, est pourtant sans consistance, puisqu’il méconnait la nature socio-culturelle des besoins. Même Adam Smith savait que le développement du commerce n’était pas une nécessité pour couvrir les besoins absolus

    […]

    À l’opposé de Keynes, qui, faisant de la « résolution du problème économique » une finalité indiscutable, reporte dans un futur indéterminé la contestation de l’infamie des pratiques capitalistes, Orwell suggère qu’un art de vivre conforme à la common decency permettrait aux gens ordinaires d’affronter ce « problème » de façon autonome, en associant la norme du suffisant et un commerce avec la nature se tenant à égale distance de l’impuissance technique et de la volonté de puissance technoscientifique.

    […]

    Emporté par la perspective de l’abondance, Keynes est indifférent au « chômage technologique », pour lui un effet collatéral transitoire. Cette perspective lui permet également de taire les conditions du travail industriel, les conséquences culturelles et politiques de la division technique du travail (pourtant déjà analysées par Adam Smith, Tocqueville et Marx), de même que celles des perfectionnements du machinisme. La connaissance de ces conditions de travail, Orwell la déduit du partage concret de celles des mineurs de Wigan. Et le machinisme lui semble, plutôt que de les délivrer de la nécessité, rendre les humains dépendants de macro-systèmes technologiques (et de leurs concepteurs) et les réduire progressivement « à quelque chose qui tiendrait du cerveau dans un bocal ».

    Les réflexions d’Orwell prolongent les intuitions de Rousseau sur le machinisme :

    « Plus nos outils sont ingénieux, plus nos organes deviennent grossiers et maladroits ; à force de rassembler des machines autour de nous, nous n’en trouvons plus en nous-mêmes [des capacités]. »

    #économie #socialisme #capitalisme #Keynes #Orwell #George_Orwell #Aurélien_Berlan #Jacques_Luzi #autonomie

  • The Land, L’humain monbiotique, 2022
    Critique du dernier ouvrage de G. Monbiot

    #Georges_Monbiot est une grande figure de l’#écologie britannique. Il est chroniqueur au journal The Guardian (l’équivalent du journal Le Monde en France), ce qui lui donne une grande influence sur l’opinion publique. Mais depuis quelques années, il s’est engagé dans la défense d’une écologie technocratique.

    Déjà peu après l’accident nucléaire de Fukuhima, il avait signé une tribune où il se faisait le soutien de l’industrie nucléaire au prétexte que l’accident japonais n’avait pas fait des monceaux de cadavres bien visibles à la télévision et que le nucléaire est un moyen de produire de l’énergie « décarbonnée » qui permet de « lutter contre le réchauffement climatique » sans remettre en question la société capitaliste et industrielle.

    Dans son dernier ouvrage, il propose de supprimer toute forme d’agriculture et d’élevage sur la planète, car ces activités quelque soit leur forme sont selon lui les principales causes du changement climatique. Les terres consacrées à l’agriculture et l’élevage seraient alors ré-ensauvagées. Les humains concentrés dans les villes se nourriraient alors de protéines produites par des bactéries dans des réacteurs bio-chimiques.

    « Nous pouvons désormais penser la fin de l’agriculture, la force la plus destructrice jamais provoquée par l’homme. Nous pouvons envisager le début d’une ère nouvelle dans laquelle nous n’aurons plus besoin de sacrifier le monde vivant sur l’autel de nos appétits. Nous pouvons résoudre le principal dilemme qu’il nous a été donné d’affronter, nourrir le monde sans dévorer la planète. »

    Ainsi, l’écologiste Monbiot se rallie à la « guerre contre la #subsistance » que l’industrie capitaliste, dès ses débuts, a mené d’abord en Angleterre et continue encore à mener aujourd’hui à travers le monde afin de rendre chacun d’entre nous dépendant de ses marchandises, de ses ersatz…

    Dans les pages qui suivent, je vous propose de lire les critiques que les rédacteurs du magazine The Land, an occasional magazine about land rights [La terre, un magazine intermittent sur les droits de la terre] ont adressé à l’ouvrage de Monbiot, la réponse hystérique de celui-ci et les précisions et approfondissement qu’ils ont ensuite ajoutés en réponse.

    Avec cet échange, on verra que le projet d’enfermer complètement l’humanité dans la prison urbaine et industrielle s’exprime maintenant sans retenue au sein de certains cercles d’entrepreneurs. En attendant prochainement des dirigeants ?

    Il me semble que ce projet liberticide et mortifère doit être dénoncé et combattu comme tel.

    https://sniadecki.wordpress.com/2023/09/08/the-land-monbiotic-fr

    #technocratie #solutionnisme_technologique #technocritique

  • Cédric De Queiros, Lutter contre l’éolien industriel, 2020
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/19/queiros-eolien

    Je rappelle les chiffres : en 2019, l’éolien a produit 5 à 7 % de l’électricité consommée en France, soit à peu près 1,5 % de l’énergie toutes formes confondues… soit moins de 1 % de l’emprise énergétique totale de la société française. (L’emprise énergétique prend en compte l’énergie utilisée hors de France – en Chine, par exemple – pour produire et acheminer des biens et services qui seront consommés ici. C’est le chiffre le plus important du point de vue écologique, et qui est le plus souvent « oublié ».)

  • Miguel Amorós, Crise agricole et dilemme énergétique, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/24/amoros-agricole-fr

    L’agriculture industrielle est une agriculture sans agriculteurs. On dira la même chose de l’élevage intensif des macro-fermes. Les effets positifs de l’un et de l’autre se sont avérés être une augmentation sensible de la production et une baisse des prix qui ont conduit à une expansion démographique urbaine. Les aspects négatifs sont pires : abandon des terres et émigration vers les villes, perte des savoirs et savoir-faire, disparition ou privatisation des variétés locales, déforestation et destruction de la faune, production de déchets non recyclables, plus grande résistance des parasites et émergence de nouvelles maladies des plantes, disparition de la couche fertile du sol, surexploitation des aquifères, contamination des sols et de l’eau et dégradation de la qualité des aliments. L’argument majeur en faveur de la monoculture industrielle et de l’élevage intensif a été l’éradication de la faim dans le monde, une promesse clairement non tenue.

    […]

    Il n’y a pas de transition d’une société basée sur un modèle énergétique centralisé, industriel et extractiviste vers un monde décentralisé, désurbanisé et respectueux de la terre et de la nature. La société capitaliste d’après la transition se veut la même que la précédente, structurée de la même manière mais avec un discours écologique. Le capital n’a pas d’idéologie fixe, pas de langage particulier ; la seule préoccupation des dirigeants, soudain soucieux d’écologie, ce sont les affaires. Elles gravitent désormais autour du vert.

    […]

    Cette association obligatoire interroge le caractère renouvelable de l’énergie produite dans les «  parcs  », les «  jardins  » et autres «  fermes  », d’autant plus que, ne l’oublions pas, les matériaux industriels utilisés dans leur construction grèvent le bilan carbone des usines : béton armé et acier pour les fondations, aluminium et cuivre pour l’évacuation dans les lignes à haute tension, plastique renforcé de fibre de verre ou de carbone pour les «  lames  » ou pales, terres rares pour les aimants permanents des rotors (terres rares dont l’extraction et la purification sont des processus très polluants), wafers de polysilicium et films de métaux, peu abondants, semi-conducteurs pour les panneaux solaires (dont certains sont toxiques comme l’arsenic et le cadmium), matériau pour les supports et onduleurs de courant, lithium et cobalt pour les batteries, etc. Si l’on ajoute à cela les terrassements, excavations et autres travaux d’installation et d’entretien, qui se répètent au moment du démantèlement, c’est-à-dire après vingt ou trente ans, plus le recyclage problématique de la ferraille, on aura le tableau complet de la possibilité réelle de renouvellement d’un type d’énergie qu’il serait plus juste d’appeler «  énergie alternative dérivée des énergies fossiles  ». Ne parlons pas du caractère «  propre  » des autres énergies considérées comme renouvelables comme celles issues de la combustion de la biomasse ou des bio-carburants, et de l’énergie hydro-électrique elle-même. Bref, les énergies renouvelables ne sont qu’un mirage. Elles ne résolvent en rien la crise. Elles ont un impact environnemental important et peu d’impact économique local, ne créent pas d’emplois, menacent les forêts et les cultures, causent des dommages au paysage et à la faune et contribuent autant que l’agro-industrie à la désertification des campagnes espagnoles. Elles ne profitent qu’aux oligopoles énergétiques et aux groupes financiers, introduisent des dépendances technologiques inutiles, et qui plus est, ne sont même pas renouvelables.

    […]

    ans une incroyable dépense de ressources, la société de la consommation irresponsable entrerait dans un net déclin, auquel les dirigeants répondraient en recourant éventuellement aux armes. Il est donc vain de s’efforcer de trouver une solution pacifique à la crise par une «  décroissance économique planifiée démocratiquement  » – par qui ? – comme si l’économie mondiale et les agglomérations urbaines pouvaient accepter de bon gré leur extinction. La production d’énergie et de nourriture ne peut être considérée comme un phénomène sans rapport avec le marché, le système financier et le fait métropolitain.

    […]

    Tant que le tissu social ne se recomposera pas en dehors des institutions et contre elles, la défense du territoire sera faible et cherchera des compromis avec le développementisme sur la base d’une demande de moratoire temporaire ou de réduction de la taille des projets.

    #Miguel_Amoros #transition #énergie #écologie #critique_techno #urbanisme #agriculture #nourriture #démocratie

  • Cédric de Queiros, Réflexions sur une épidémie, 2020 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/18/queiros-epidemie

    Un texte fort honnête, ne faisant pas l’impasse sur le fait que c’est pas pendant une grosse crise en plein milieu qu’on peut tout d’un coup retrouver plein d’autonomie. Car durant des crises de cette ampleur là, il est relativement difficile de se passer des moyens industriels et/ou étatiques pour « calmer », diminuer (mais certainement pas résoudre vraiment) les problèmes.

    Enfin la liquidation des services publics, et en particulier la dégradation des systèmes de santé, induites par les politiques néolibérales (dans les pays industrialisés où ces systèmes de santé existent) joue aussi un rôle décisif dans la mortalité de la maladie. On sait par exemple qu’il y a un lien direct entre le nombre de lits disponibles en réanimation dans un pays et le nombre de morts que va y faire l’épidémie. C’est l’aspect le plus visible et le plus commenté dans les médias du lien entre l’épidémie et l’état de notre société ; cet aspect est évidemment réel mais ne doit pas faire oublier les liens plus profonds évoqués ci-dessus : il s’agit dans un cas du traitement de la crise, et dans l’autre de ces causes et de sa prévention.

    […]

    On voit ici, une fois de plus, que si les productions de notre époque sont catastrophiques, ce n’est pas nécessairement parce que des choses absolument nouvelles adviennent, mais aussi parce qu’elles adviennent à une échelle et à un rythme qui sont eux tout-à-fait inédits.

    […]

    Ces mesures sont à l’image de notre société : inégalitaires et injustes, autoritaires et infantilisantes, et souvent arbitraires voire irrationnelles. Elles sont une opportunité rêvée pour les gouvernants d’accélérer les transformations de la société auxquels ils aspirent (numérisation, état d’urgence permanent) qui, toutes, vont dans le sens d’une perte toujours aggravée de liberté. Mais il n’y a à peu près personne pour remettre en cause le principe de ces mesures ; tout simplement parce que personne n’a rien de mieux à proposer pour faire face à cette crise, étant donné la situation dans laquelle se trouve notre société. Aussi mauvaises et horribles que soient ces mesures de confinement autoritaire, elles ont probablement une certaine efficacité ; et si les États ne les avaient pas prises, la situation – en tout cas la propagation de l’épidémie – aurait sans doute été aggravée.

    Le texte publié dans le Creuse-citron n°62 devrait donc, pour correspondre à notre situation actuelle, être modifié comme suit : « Les gouvernements font partie du problème sanitaire et écologique en cours, mais si ils ne font pas partie de la solution, ils sont quand même les seuls à disposer d’un remède d’urgence, qui permettra au moins de limiter la casse… en attendant la prochaine fois. »

    Les gouvernements sont effectivement des pyromanes-pompiers, mais dans la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons, avec la dépendance dans laquelle nous sommes tombés depuis si longtemps, il n’y a pas d’autre choix que de s’en remettre à ces pompiers-là, car ce sont les seuls disponibles.

    […]

    La situation de crise aiguë que nous vivons est un révélateur de notre situation ordinaire, avant la crise, et certainement après elle. La pandémie révèle l’ampleur de notre dépendance à l’État, à la médecine industrielle, aux moyens de communication de masse, à la grande distribution, aux marchandises produites dans des pays lointains, aux transports internationaux, etc. Et elle illustre cruellement la folie de cette dépendance. Nous avons les meilleures raisons – sensibles, morales, politiques, « écologiques », ou même esthétiques – de rejeter ces réalités aliénantes. Mais nous dépendons de chacune d’elles. Et bien évidemment cette dépendance ne date pas de la crise – mais la crise les aggrave, mortellement, et en somme, grotesquement. C’est ce que les auteurs de Catastrophisme, administration du désastre, et soumission durable (Jaime Semprun & René Riesel, éd. l’Encyclopédie des nuisances, 2008) appellent « l’incarcération dans le monde industriel ».

    […]

    Il est possible que le Covid-19 apparaisse après coup comme un épisode relativement mineur, au regard des événements plus graves (pandémies ou autre) qui lui succéderont inévitablement à plus ou moins brève échéance. Mais il aura illustré assez clairement que ce n’est pas pendant une crise que l’on peut arriver à construire plus d’autonomie et plus de liberté ; quand la crise est là, il est le plus souvent trop tard. Ceux qui se sont penchés sérieusement « au-dessus du gouffre nucléaire » nous l’avait déjà dit de longue date

    #covid #santé #crise #capitalisme #États #autonomie #anti-industriel

  • José Ardillo, Elisée Reclus, la ville sans limites, 2014
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/07/17/ardillo-reclus-ville-fr

    Que ce soit par la publication de livres sur lui, de commentaires consacrés à sa pensée ou la réédition d’une bonne partie de ses écrits, il semble que la figure d’Elisée Reclus suscite en ce début de XXIe siècle un intérêt croissant. Mais dans la mesure où l’objet de ce chapitre est de mettre en relief la question de la ville et de son développement dans l’œuvre de ce grand géographe libertaire, nous privilégierons au sein de cette abondante littérature deux textes parus en 2013, qui permettront de délimiter le terrain du débat : Géographie et anarchie, un livre de Philippe Pelletier, qui est lui-même géographe et qui étudie de manière approfondie les écrits de Reclus depuis de nombreuses années, et un article de José Luis Oyón, chercheur en urbanisme à l’université de Catalogne, publié dans le bulletin de l’Ateneu Enciclopèdic Popular de Barcelone et traitant, comme l’indique son titre, de la fusion nature-ville chez Reclus.

    #Élisée_Reclus #José_Ardillo #ville #urbanisme #urban_matters #nature #anarchisme

    • Plusieurs questions se font jour ici. La première renvoie à la raison d’être de la ville en elle-même. Si elle est née comme un espace d’emblée confisqué par le pouvoir, il est aussi certain, comme le pensait Reclus, qu’elle est le produit d’une recherche de sociabilité plus intense et plus riche inscrite dans le cœur même de l’être humain. Ceci étant, si ce désir de sociabilité est légitime, il sera toujours nécessaire de composer avec les limites imposées par le monde physique. En ce sens, quelles seraient les dimensions idéales de la ville, la taille adéquate de sa population ? Et ces interrogations peuvent paraître banales à côté de la question cruciale : tout le territoire doit-il être appréhendé du point de vue de l’urbanisation, fût-ce l’urbanisation périphérique telle que la projetait Reclus ? En d’autres termes, quand bien même elle serait dotée de structures respectueuses, hygiéniques, harmonieuses, etc., la ville, en tant qu’idée et réalité, doit-elle absorber tout ce qui lui est extérieur jusqu’au point de convertir la terre en une succession de jardins, potagers, villas, terrains productifs et espaces publics ?

      Pour tenter de répondre à cette dernière question et comprendre comment Reclus entrevoyait la relation entre humanité et nature, il faut se tourner vers le livre que John P. Clark lui a dédié sous le titre La Pensée sociale d’Elisée Reclus, géographe anarchiste [3]. Clark lui reproche de céder à la facilité de penser une nature trop domestiquée, « humanisée », bien qu’il lui reconnaisse la lucidité suffisante pour avoir critiqué les effets les plus destructeurs que l’agriculture et les pratiques forestières pouvaient avoir sur le territoire. Il ne faut pas oublier que Reclus, fils de ce très progressiste XIXe siècle, adopta pourtant dans ses recherches un rapport sensible au monde, tournant son regard vers la nature et découvrant en elle la source la plus authentique de notre liberté et de notre plaisir esthétique. Clark souligne que les positions « urbanophiles » et progressistes de Reclus pourraient de fait entrer en contradiction avec d’autres aspects de sa pensée, ce qui semble inévitable dans une œuvre aussi variée et étendue.

      La fascination que Reclus pouvait ressentir pour Chicago, pour le dynamisme de cette ville, véritable titan de la culture industrielle, en est un exemple. Cette ville à laquelle le poète Cari Sandburg dédia ses Chicago Poems (1916), et qu’il qualifia de « charcuterie du monde » en faisant allusion à ses gigantesques abattoirs, sera le modèle de la mécanisation de la production de viande – un modèle que suivront d’autres villes et d’autres pays. Si l’on se réfère à Eliot, Lorca, Baroja, Dos Passos, Céline, Benjamin, Kafka et son labyrinthique Amérique ou encore Doblin et son roman sur Berlin, dans lequel apparaissent justement les abattoirs sous leur jour le plus brutal, la littérature des premières décennies du XXe siècle trace un portrait inquiétant de la réalité urbaine. Il est évident que Reclus n’envisageait pas de disséquer la dimension existentielle, paradoxale, dévastatrice, de la mégalopole mécanisée. Pourtant, les ouvrages de ces auteurs nous éclairent sur cette nouvelle étape historique de la ville à laquelle Reclus ne put assister.

      Qu’advint-il de la ville du XXe siècle lancée hors des rails d’une croissance limitée ? Limits of the City [Les Limites de la ville], livre publié par Murray Bookchin en 1974 [4], s’avère être une réactualisation de la réflexion critique à ce propos. Il est contemporain du Jardin de Babylone (1969) et de Tristes Campagnes (1973), ces essais de Bernard Charbonneau qui posent un jalon important dans la réflexion sur le problème urbain, mais nous nous attacherons ici à l’œuvre de Bookchin dans la mesure où elle s’inscrit explicitement dans la tradition libertaire à laquelle appartient Reclus. Sans faire allusion à Reclus, ni à d’autres penseurs de la ville tels que Paul Goodman ou Colin Ward, Bookchin reprend pourtant le fil de la réflexion là où ses prédécesseurs l’avaient laissé, et il analyse de façon implacable la ville bourgeoise comme espace mercantilisé. Il évalue les caractéristiques des différentes formes historiques de la ville telles que la polis grecque ou la commune médiévale, et il expose les différents projets utopiques urbains, allant de Thomas More, Fourier ou Engels jusqu’à Howard, Bellamy ou Geddes.

      Son livre se conclut sur une condamnation radicale de la mégalopole capitaliste. Bookchin écrit en fait à une époque bien différente de celle de Reclus : les villes nord-américaines se sont converties en un enfer d’automobiles, la pollution se propage et les problèmes de l’habitat et de la vie sociale se multiplient. Les villes ne sont pas seulement des lieux où règnent saleté et insécurité, elles induisent aussi une altération mentale. Dans le même temps, une conscience généralisée des problèmes environnementaux s’est forgée un peu partout. Il faut souligner à cet égard le grand intérêt des pages consacrées par Bookchin à une critique positive de la contre-culture en tant que mouvement critique, utopique, opposé à la mégalopole. Bookchin ne rejette pas la ville, qui pour lui recèle toujours un vrai potentiel de socialisation. Ce qu’il dénonce en revanche, c’est bien la mégalopole, qu’il considère comme « la négation absolue de la ville » :

      « Cette anti-ville, ni urbaine ni rurale en un sens traditionnel, ne peut être le théâtre de communautés ou d’associations authentiques. […] La mégalopole est une force active de dissolution sociale et psychique, elle est la négation de la ville comme cadre de proximité humaine et de tradition culturelle palpable, et comme lieu de convergence des énergies créatives humaines. »

      #Murray_Bookchin #mégalopole

  • Maria Mies, Avons-nous besoin d’une nouvelle « économie morale » ?, 1991
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/06/04/mies-economie-morale-fr

    Le soi-disant développement n’est pas un processus d’évolution d’un stade inférieur à un stade supérieur, mais un processus de polarisation dans lequel certains deviennent de plus en plus riches parce qu’ils rendent les autres de plus en plus pauvres. Il y a 200 ans, le monde occidental n’était que cinq fois plus riche que les pays pauvres d’aujourd’hui. En 1960, ce rapport était déjà de 20 pour un, et en 1983 il était de 46 pour un, les pays riches étant 46 fois plus riches que les pays pauvres [Trainer]. La richesse des pays riches croît toujours plus vite et, dans un monde limité, cela signifie qu’elle croît aux dépens des autres, de ce que je continue à appeler des colonies : la nature, les femmes, les pays dits du « tiers monde ».

    Si l’on vise la durabilité, il faut alors en finir avec le marché mondial industriel et le modèle de croissance axé sur le profit. Ce dépassement est, comme l’a montré de manière convaincante Vandana Shiva, pour les pauvres, pour les femmes et les enfants des pays et régions pauvres, une question de survie. Ils luttent explicitement contre le « développement » et la modernisation parce qu’ils savent que ce développement va détruire les fondement de la pérennité de leur existence – leur accès aux biens communs : la terre, l’eau, l’air, les forêts, leurs communautés, leur culture. Ce sont eux qui doivent payer le prix du développement industriel urbain et masculin.

    #Maria_Mies #économie #capitalisme #développement #croissance #colonialisme #morale #subsistance #histoire

  • Marc Badal, Petits mondes paysans, 2013
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/04/24/badal-paysans

    Ce texte constitue la dernière partie du livre de
    Marc Badal,
    Vidas a la intemperie :
    Nostalgias y prejuicios sobre el mundo campesino,
    publié en 2017
    chez Pepitas de Calabaza (en co-édition avec Cambalache).

    Le texte a été traduit par Séverine Denieul
    et publié dans la revue L’Autre côté n°4,
    « Un monde en voie de disparition : les paysans », hiver 2019.

    https://www.revuelautrecote.com

    #Marc_Badal #Histoire #paysannerie #paysans #vulgarisation

  • Edward P. Thompson sur William Morris en 1959
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/03/07/thompson-morris-fr

    Sur les services publics à l’intérieur d’une société capitaliste :

    Il se demandait :

    « Si… la redoutable organisation de la société mercantile civilisée ne joue pas au chat et à la souris avec nous, les socialistes. Si la Société de l’Inégalité ne pourrait pas accepter une machinerie quasi socialiste… et s’en servir dans le but de défendre cette société quelque peu dépossédée, peut-être, mais de même nature… Les travailleurs seraient mieux traités, mieux organisés, contribueraient au gouvernement, mais sans plus prétendre à l’égalité avec les riches… qu’ils ne le font à présent. »Voilà en quoi consiste son réalisme, recoupant sa situation personnelle, et sondant les dilemmes de notre propre époque avec une intuition morale si intense qu’on peut le confondre avec de l’insensibilité. Lorsqu’on lui présenta la perspective d’un « service public capitaliste parfaitement abouti », il fit remarquer qu’il « ne traverserait pas la rue pour réaliser un tel “idéal”. »

    Le nœud du problème réside dans le concept de communauté. Webb et les Fabiens attendaient l’égalité des chances avec impatience, au sein d’une société concurrentielle. Morris attendaient une société d’égaux avec impatience, une communauté socialiste. La différence entre ces deux concepts n’est pas mince. L’un, même quelque peu modifié, implique l’éthique de la concurrence, les énergies de la guerre. L’autre implique l’éthique de la coopération, les énergies de l’amour. Ce sont ces deux éthiques que Morris opposa de manière récurrente sous le nom de Fausse et Vraie Société.

    #Edward_P._Thompson #William_Morris #socialisme #histoire

  • Deux articles synthétiques de François Jarrige sur deux matières centrales de notre époque : le charbon, et le pétrole. Dans le « Vocabulaire critique & spéculatif des transitions ».

    Charbon. Généalogie d’une obsession
    https://vocabulairedestransitions.fr/article-4
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/02/16/jarrige-charbon

    Pétrole. L’or noir entre nuisances, dégâts et transitions
    https://vocabulairedestransitions.fr/article-5
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/02/18/jarrige-petrole

    #François_Jarrige #charbon #pétrole #énergie #transition #histoire #critique_techno

  • Adrien D., De la difficulté d’élever des enfants en milieu industriel, 2022
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/02/09/adriend-enfants

    Peut-être simplement dire la vérité : « Le secret c’est de tout dire ». Leur dire ce qu’il y a derrière ces jeux, ces objets, ces bolides, ces aliments. Tant pis pour le père Noël. Prendre le temps de ridiculiser ces icônes frelatées et rire de la bêtise d’un Thomas Pesquet ou d’un Elon Musk et de leur obsession pour une planète morte. Rire de ce voisin et de sa voiture électronucléaire équipée d’un écran géant alors que passent à la radio des publicités pour la sécurité routière contre l’usage des écrans au volant. Débloquer les imaginaires, leur montrer la nature sauvage ou ce qu’il peut en rester, et les laisser imaginer un univers dans un monde qui ne les sollicite pas continuellement. Les inviter à jouer à partir de peu comme ces enfants qui ont préféré jouer pendant des heures avec un carton le soir de Noël alors qu’ils avaient reçu un nombre indécent de cadeaux. Leur raconter des histoires subversives dans lesquelles les héros ne sont pas ceux ou celles qui ont la plus grosse technologie. Les laisser s’ennuyer, les laisser imaginer d’autres mondes loin des écrans, loin du monde médiatique. Pour que revienne chez eux le goût de l’imagination, certes, mais aussi, et surtout, que revienne celui de l’empathie afin qu’ils puissent se représenter ces enfants, ces personnes qui, parfois de l’autre côté de la planète, se crèvent ou s’intoxiquent pour leur confort. Les marquer d’une autre empreinte que celle du monde industriel, celui de la réalité matérielle de nos vies, que la sensation qu’ils aient en plus haute estime soit un jour celle de la dignité pour soi et pour les autres et qu’ils ne se réfugient pas dans une raison cynique qui permet de rendre supportable notre régression technophile.

    #enfants #éducation #critique_techno #anti-industriel #capitalisme #exploitation #vérité

  • Dominique Pinsolle, Du ralentissement au déraillement, 2015 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/02/11/pinsolle-deraillement

    En effet, au cours de cette période, le sabotage passe du rang de pratique marginale cantonnée au lieu de travail à celui d’instrument de lutte susceptible d’entraver la mobilisation, voire de paralyser le pays tout entier. Aussi, il est nécessaire de revenir sur l’émergence de ce mode d’action dont l’apparente simplicité et la potentielle dangerosité suscitent autant d’enthousiasme que de réprobation morale, jusqu’à ce que les projets de « sabotage de la mobilisation » s’évanouissent avec l’Union sacrée. Pourquoi, en effet, le sabotage devient-il si important pour une frange des révolutionnaires français et si dangereux aux yeux de l’État entre 1897 et 1914 ? Comment en vient-il à dépasser le cadre du lieu de production pour devenir une arme susceptible de paralyser le pays dans son ensemble ? Nous verrons que le sabotage reste une pratique marginale (bien que très discutée) jusqu’à la grève des postiers de 1909. Cet instrument de lutte acquiert alors une nouvelle dimension, avant d’être pleinement intégré aux plans antimilitaristes suite à la mobilisation des cheminots de 1910-1911.

    #Dominique_Pinsolle #sabotage #Histoire #CGT #lutte_sociale #stratégie #travail