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  • Vivre sans fenêtre ou à six dans une pièce : la frontière franco-luxembourgeoise, nouveau terrain de jeu des marchands de sommeil
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/27/vivre-sans-fenetre-ou-a-six-dans-une-piece-la-frontiere-franco-luxembourgeoi

    Vivre sans fenêtre ou à six dans une pièce : la frontière franco-luxembourgeoise, nouveau terrain de jeu des marchands de sommeil
    Par Henri Seckel (envoyé spécial à Audun-le-Tiche, Ottange (Moselle) et Villerupt (Meurthe-et-Moselle))
    Des travailleurs venus de différents pays, attirés par les salaires du Luxembourg, se voient proposer côté français de petites surfaces, parfois dans des maisons individuelles découpées en studios, pour des loyers très élevés. Dans un contexte de forte demande, les élus sont démunis face à des propriétaires peu scrupuleux.
    Il suffit de repérer les façades qui comptent plus de boîtes aux lettres que de fenêtres. Quatre fenêtres et cinq boîtes aux lettres, par exemple, sur cette petite maison blanche de l’avenue Salvador-Allende, à Audun-le-Tiche. Nous sommes aux confins de la Moselle, dans le nord-ouest du département, le Luxembourg est au bout de la rue. La maison serait idéale pour une famille, deux à la rigueur ; son propriétaire l’a découpée en cinq studios d’une trentaine de mètres carrés. Deux au rez-de-chaussée, deux au premier étage, un dernier dans ce qui était encore, il y a peu, un grenier.

    Maria et Manuel Da Luz, 45 et 43 ans, vivent dans ce grenier. Une chambre, un couloir-cuisine, une douche et des toilettes, le tout sous la pente du toit. Ils seraient déjà à l’étroit s’ils n’étaient que deux. Le couple, arrivé du Cap-Vert en septembre 2023, vit là avec ses quatre enfants de 15 ans, 14 ans, 13 ans et 8 ans. Le jour, les matelas sont empilés dans un coin de la pièce. Le soir, on les dispose au sol et les enfants dorment au pied du lit double des parents.
    La maison n’est pas un taudis, mais tout semble avoir été bricolé à la hâte. Portes sans chambranle, fissures et mousse expansive apparente çà et là, installation électrique précaire. Du gros scotch gris recouvre les poutres pour boucher les ouvertures dans le bois et « empêcher les rats de venir », explique Maria Da Luz, seule francophone de cette maison dont tous les occupants sont portugais ou cap-verdiens. « On en a parlé au propriétaire, il nous a dit qu’on avait déjà de la chance d’être ici, qu’on aurait trouvé pire ailleurs. » Loyer : 900 euros, comme les quatre autres studios. « C’est un peu cher. » (...) Comme leurs voisins, Maria et Manuel Da Luz travaillent au Luxembourg, elle comme femme de ménage, lui sur des chantiers, pour des salaires autour de 2 500 euros par mois. Combien le Pays-Haut compte-t-il de ces maisons découpées en petits morceaux où se serrent des travailleurs frontaliers dans des conditions déplorables, illégales, parfois ? « C’est un phénomène qu’on a beaucoup de mal à quantifier, mais on voit bien que ça s’est accéléré », constate Viviane Fattorelli, maire (divers gauche) d’Audun-le-Tiche.
    Il fut un temps, celui de la sidérurgie, où les Luxembourgeois venaient travailler en Lorraine. C’est désormais l’inverse – six actifs sur dix d’Audun-le-Tiche sont des frontaliers –, et aux autochtones s’ajoutent des travailleurs de tous les pays attirés par l’économie florissante et les salaires du Grand-Duché. Pour les petites mains du bâtiment, du ménage ou de la restauration, impensable de se loger au Luxembourg, hors de prix, alors on s’entasse à ses portes, côté français, où les communes n’ont plus de foncier pour bâtir.
    Un couple de Portugais vivant dans une maison divisée en plusieurs appartements montre une note collée sur la porte de la cave indiquant la présence d’un gros rat, qui nécessite de garder la porte fermée.
    Des propriétaires peu scrupuleux en profitent, divisent leurs maisons – une pratique qui n’est soumise à aucune autorisation si on ne modifie pas la surface au sol ni l’aspect extérieur. Chaque mètre carré vaut de l’or, les prix explosent, la zone devient peu à peu un Far West immobilier. Le 29 juin 2023, la sénatrice de la Moselle Christine Herzog (Union centriste) alertait par écrit le ministre délégué à la ville et au logement, alors Olivier Klein, sur « les marchands de sommeil qui se sont organisés le long de la frontière luxembourgeoise », un phénomène apparu il y a moins de dix ans.On ne parle pas ici d’habitat indigne ou d’immeubles menaçant de s’effondrer. « Le problème concerne plutôt des logements avec de très petites surfaces et un nombre de personnes au mètre carré qui posent de vraies questions de décence, d’hygiène, de sécurité, résume Laurent Jacobelli, député (Rassemblement national) de la Moselle. Des gens dans des situations transitoires ou précaires sont obligés d’accepter l’inacceptable, mais ce qui est terrible, c’est que la loi n’est pas forcément enfreinte. C’est un vrai sujet, qui doit être sous observation pour ne pas que ça se généralise et que ça devienne une économie parallèle. » Plutôt que de marchands de sommeil, certains parlent de « profiteurs de frontaliers ».
    Pour deux minuscules pièces reliées par un escalier en colimaçon étriqué – cuisine en bas, chambre en haut –, Nelson Pereira paie 600 euros par mois. « Ce serait 1 200 au Luxembourg », explique ce Portugais de 44 ans qui vend des pneus de l’autre côté de la frontière pour 2 400 euros par mois, et s’estime heureux : son studio est pourvu d’une fenêtre, contrairement à celui du voisin, logé dans ce qui était auparavant la cave de la maison – seule source de lumière, la vitre dépolie de la porte d’entrée.Fabienne Menichetti, maire (divers gauche) d’Ottange, a déjà vu pire dans sa commune : « Quelqu’un qui vivait dans un garage. » L’élue pointe du doigt les entreprises luxembourgeoises, souvent dans le secteur du bâtiment ou des travaux, qui achètent ou louent des logements en France pour y faire dormir leurs ouvriers. Elle se souvient de ce patron qui avait loué une maison pour 900 euros : « Il logeait douze salariés dans quatre chambres, et demandait 400 euros à chacun. »
    Une seule boîte aux lettres ici, mais le facteur y dépose du courrier pour au moins dix personnes : cette maison de Villerupt (Meurthe-et-Moselle), à l’ouest d’Audun-le-Tiche, abrite dix chambres, cinq au premier étage, cinq au second, louées 500 euros (les petites) ou 600 euros (les grandes) par mois. « Certains occupants n’ont pas de papiers. Quand vous êtes en situation irrégulière, vous vous tournez vers les gens qui profitent de la misère, et vous vous dites “j’ai déjà de la chance d’avoir un toit” », explique Pierrick Spizak, le maire communiste, outré par ces logements « à la limite de la salubrité loués à des prix démesurés ». « Le phénomène reste marginal, mais, à l’échelle de la ville, c’est déjà énorme », dit-il. Villerupt compte officiellement 10 100 habitants, « mais on doit être 10 500 ».
    Le maire communiste de Villerupt (Meurthe-et-Moselle), Pierrick Spizak (...)
    Sans aller jusqu’à pareille extrémité, un cas isolé, la prolifération des chambres à louer entraîne tout un tas de problèmes. Les communes subissent une densification à laquelle elles n’étaient pas préparées. Les maires ne savent plus exactement combien de personnes vivent sur leur territoire – ce qui a pourtant une incidence sur les dotations de l’Etat ou le dimensionnement des réseaux d’eau et d’électricité. Les détritus s’amoncellent devant certains immeubles, où les habitants sont beaucoup plus nombreux que prévu. L’exiguïté de certains lieux peut compliquer l’accès des secours. On trouve difficilement où se garer. Les loyers perçus sous la table échappent au fisc. Une ambiance de ville-dortoir gagne ces communes, qui constituent aujourd’hui « la banlieue sud du Luxembourg », selon la formule de Viviane Fattorelli.
    Face à ces problèmes, « les maires sont démunis », soupire Pierrick Spizak. Villerupt a instauré le permis de louer créé par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de 2014, « mais on sait très bien que ce n’est pas ça qui va arrêter les marchands de sommeil », lesquels, par définition, ne demandent pas de permis. Quand bien même un propriétaire l’obtiendrait en démontrant qu’il loue un logement décent, comment être sûr qu’il n’y héberge pas plus de monde qu’autorisé ?
    « Si les gens ne nous disent rien ou ne portent pas plainte, on ne peut rien faire, s’excuse presque Fabienne Menichetti. On n’a pas le droit d’entrer chez les gens comme ça. » Le système se mord la queue : les autorités ne peuvent agir si personne ne se plaint, et personne ne se plaint, par ignorance de ses droits ou par crainte de représailles du propriétaire – par une hausse de loyer, ou la dénonciation d’une situation irrégulière. La préfecture de Moselle a reçu deux signalements concernant des marchands de sommeil à la frontière depuis 2015 ; celle de Meurthe-et-Moselle, un peu plus : vingt et un depuis janvier 2023. Personne n’a sollicité les procureurs de Thionville (Moselle) et de Val-de-Briey (Meurthe-et-Moselle).
    Un certain fatalisme l’emporte souvent : mieux vaut être mal logé, mais près de la frontière, que l’inverse. (...). » Dans ces conditions, pourquoi le phénomène cesserait-il ? »

    #Covid-19#migration#migrant#france#luxembourg#logement#frontalier#frontiere#economie#sante#droit

  • Contrôles d’identité : près de 40 % des forces de l’ordre les jugent « peu ou pas efficaces », selon une étude
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/27/controles-d-identite-pres-de-40-des-forces-de-l-ordre-les-jugent-peu-ou-pas-

    Une étude du Défenseur des droits constate qu’une partie des forces de l’ordre considèrent qu’ils ne sont pas efficaces pour garantir la sécurité d’un territoire. Chaque année, près de 47 millions de contrôles d’identité sont effectués, selon la Cour des comptes.

    [...]

    Concernant les pratiques professionnelles, les réponses sont contrastées : si l’usage de la force pour obtenir des aveux est réprouvé dans plus de neuf cas sur dix, près de six répondants sur dix (59,8 %) estiment que, dans certains cas, le recours à plus de force que ce qui est prévu dans les textes devrait être toléré.
    La majorité des policiers et gendarmes considère par ailleurs que mener à bien leur mission est prioritaire par rapport au respect de la loi (51,8 % contre 45,2 %).

    #police #impunité_policière

  • Emmanuel Macron défend la suppression du droit du sol sur l’île de Mayotte, devenue « la première maternité de France »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/19/emmanuel-macron-defend-la-suppression-du-droit-du-sol-sur-l-ile-de-mayotte-d

    Emmanuel Macron défend la suppression du droit du sol sur l’île de Mayotte, devenue « la première maternité de France »
    Le Monde avec AFP
    Le président de la République, Emmanuel Macron, a défendu, dans un entretien à l’Humanité publié dimanche 18 février au soir, le projet de loi, controversé, du gouvernement consistant à supprimer le droit du sol à Mayotte, département français d’outre-mer, pour endiguer l’immigration illégale, en majorité en provenance de l’archipel des Comores. « Il est légitime de poser cette question, car les Mahorais souffrent. Ils ont d’ailleurs accueilli très positivement cette proposition, quelles que soient leurs sensibilités politiques. Nous devons casser le phénomène migratoire à Mayotte, au risque d’un effondrement des services publics sur l’île », plaide-t-il.
    Mayotte est un département français situé dans l’archipel très pauvre des Comores. « Des familles y circulent et arrivent en France, via Mayotte, où elles ont accès à des prestations complètement décorrélées de la réalité socioéconomique de l’archipel », juge le président. « Mayotte est la première maternité de France, avec des femmes qui viennent y accoucher pour faire des petits Français. Objectivement, il faut pouvoir répondre à cette situation », affirme-t-il.« A cela s’ajoute un nouveau phénomène, ces derniers mois, compte tenu des difficultés sécuritaires dans la région des Grands Lacs : une arrivée massive de personnes en provenance de Tanzanie et d’autres pays », explique-t-il. Pour « casser ce phénomène migratoire », M. Macron veut aussi « restreindre l’accès aux droits sociaux pour les personnes en situation irrégulière ». Mais le président assure que « restreindre le droit du sol pour Mayotte ne signifie pas le faire pour le reste du pays », comme le réclament la droite et l’extrême droite. « Je reste très profondément attaché à ce droit pour la France », assure-t-il.

    #Covid-19#migrant#migration#france#mayotte#droitdusol#tanzanie#archipel#insularite#maternite#afrique#sante#constitution

  • « Le pavillon fait partie du rêve français » : Attal promet de doper la construction de maisons - Figaro Immobilier
    https://immobilier.lefigaro.fr/article/le-pavillon-fait-partie-du-reve-francais-attal-promet-de-doper-l

    « Oui, le pavillon fait partie du rêve français ! » Gabriel Attal a été ferme : le premier ministre veut relancer la construction de maisons individuelles. Les Français dont on dit que leurs envies sont souvent en décalage avec la politique du gouvernement, apprécieront. « J’assume de vouloir continuer à permettre à tous les Français qui le veulent, de s’offrir leur propre maison. Ça fait partie du rêve de beaucoup de familles, de classes moyennes qui travaillent dur et aspirent à se loger, si c’est leur choix, dans une maison individuelle », a déclaré le chef du gouvernement, en déplacement à Villejuif (94) pour présenter les grandes lignes de son « choc d’offre ».

    « Ceux qui ont pu émettre des doutes, sur cette question, se trompent », a ajouté Gabriel Attal.

    #immobilier #construction #logement #propriétaire #propriété #artificialisation

    • Ça sent le bétonnage de zone agricole et l’étalement urbain, pas du tout viable écologiquement. La maison individuelle #prête_a_crever française date du libéral de droite Giscard (voiture individuelle, maison individuelle, four individuel… cf en quoi l’individualisme a été une stratégie poilitique) et le coup d’Attal ne vient pas de nulle part… A une époque, j’étais locataire d’un logement où on recevait des publications au nom de mes propriétaires. Au bout d’un moment, avant que mon pote Mohammed ne leur fasse la blague de leur courir après avec dans les mains le paquet des envois, je me suis mise à ouvrir les blisters noirs qui les recouvraient, c’était nh l’hebdo du fn, arf. Bref, donner à chaque français une maison avec un jardin faisait partie des promesses de campagne de l’extrême droite. Comme c’est étonnant.

    • En marche arrière
      Coups de rabot sur la rénovation énergétique des logements
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/20/coups-de-rabots-sur-la-renovation-energetique-des-logements_6217454_3224.htm

      La ponction de 1 milliard d’euros dans les crédits de MaPrimeRénov’, annoncée dimanche par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, suscite l’incompréhension du secteur.
      Par Claire Ané

      MaPrimeRénov’ est le dispositif qui paie le plus lourd tribut aux nouvelles réductions de dépenses annoncées par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, dimanche 18 février : cette aide à la rénovation énergétique va perdre 1 milliard d’euros de crédits en 2024. Elle s’élèvera toutefois à 4 milliards d’euros, soit 600 millions d’euros de plus qu’en 2023, mais sans permettre l’accélération initialement prévue.

      Deux trains de mesures venaient déjà d’être présentés, afin que la rénovation énergétique contribue au « choc de simplification » dans le logement, promis par le chef du gouvernement, Gabriel Attal. La première salve a été lancée par le ministre de la transition énergétique, Christophe Béchu, dans un entretien au Parisien, lundi 12 février. Elle prévoit de modifier le diagnostic de performance énergétique (#DPE), afin de faire sortir 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés du statut de #passoire_thermique – étiquetés F ou G –, soit 15 % d’entre eux. Ils échapperont ainsi à l’interdiction de mise en #location, à laquelle sont déjà soumis les logements classés G+, qui doit être étendue à l’ensemble de logements G début 2025 et aux F en 2028.
      S’ajoute une confirmation : les travaux de rénovation des G ne s’imposeront pas dès le 1er janvier 2025, mais lors d’un changement de locataire ou d’un renouvellement de bail. Dans ce dernier cas, le propriétaire en sera désormais exonéré si le locataire en place refuse de déménager le temps des travaux. Autre nouveauté : l’interdiction de louer un logement classé G sera suspendue pendant deux ans si la copropriété, dont il fait partie, vote en assemblée générale une rénovation des parties communes

      Deuxième étape, jeudi 15 février : M. Béchu et le ministre délégué au logement, Guillaume Kasbarian, ont rencontré le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron, et celui de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Jean-Christophe Repon. Ils ont promis de simplifier l’accès à MaPrimeRénov’, début mars, sur trois points : limiter l’obligation de recourir à Mon accompagnateur Rénov’aux propriétaires bénéficiant des subventions les plus élevées, « simplifier le label RGE [pour « reconnu garant de l’environnement » ; que les professionnels doivent obtenir pour que les #travaux soient finançables par MaPrimeRénov’] » et « lever les restrictions de financement concernant les gestes de #rénovation simples et efficaces ».
      Si les premières annonces ont été saluées par certains, le coup de rabot sur MaPrimeRénov’est largement critiqué. La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) a estimé que les allégements sur les DPE et l’interdiction de louer « vont dans le bon sens », tout en appelant à « aller plus loin ». Avant de s’alarmer, six jours plus tard, sur X, du fait que « Bruno Le Maire supprime encore 1 milliard d’euros pour le logement » – le budget 2024 prévoyait déjà 2 milliards d’euros d’économies grâce à la fin du dispositif de défiscalisation Pinel, et un autre gain de 400 millions d’euros par le recentrage du prêt à taux zéro. Et la Fnaim d’insister : la baisse des crédits alloués à MaPrimeRénov’ est « incompréhensible, alors que les obligations de travaux énergétiques imposées par la loi doivent s’accélérer ».

      « Incohérence totale »
      La Fédération française du bâtiment, après avoir apprécié les « intentions » du gouvernement visant à relancer MaPrimeRénov’, dénonce l’« incohérence totale » consistant à amputer cette aide, trois jours plus tard. « Comme sur le logement neuf, ces coups de barre laissent craindre qu’il n’y ait plus de vision au sommet de l’Etat. (…) Organiser la mutation d’une filière dans ces conditions devient tout simplement impossible », affirme le syndicat dans un communiqué.

      Le président de la Capeb, qui représente des entreprises du bâtiment de moins de dix salariés (97 % du secteur), estime pour sa part que « la priorité, c’est de ramener les particuliers et les artisans sur la rénovation. Donc de simplifier, alors que les budgets MaPrimeRénov’ont été moins consommés l’an dernier qu’en 2022 ». De fait, les aides attribuées ont diminué en 2023 – passant de 3,1 milliards d’euros à 2,7 milliards d’euros, tandis que 3,4 milliards avaient été alloués, en hausse de 500 millions d’euros. « Si l’enveloppe de 4 milliards d’euros désormais prévue pour 2024 est dépensée, nous aurons réussi un sacré coup de pouce », fait valoir l’entourage du ministre du logement.

      Pour nombre d’acteurs, cependant, il est malvenu de revoir MaPrimeRénov’, alors que la nouvelle formule vient à peine d’entrer en vigueur, au 1er janvier. « On craint un retour en arrière. Pourtant, on a obtenu de généraliser Mon accompagnateur Rénov’, ce qui évite les arnaques et les travaux peu pertinents. Cela permet aussi de donner la priorité aux rénovations d’ampleur, qui sont bien plus efficaces et moins coûteuses qu’une succession de monogestes, et de renforcer les aides pour les ménages les plus modestes. Réduire leur #consommation est d’autant plus nécessaire que les prix de l’#énergie ont flambé », alerte Léana Miska, responsable des affaires publiques de Dorémi, entreprise solidaire spécialisée dans la rénovation performante.
      « Réduire l’ambition sur MaPrimerénov’ est une catastrophe concernant le signal et la lisibilité, considère le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue. Et assouplir les obligations de rénovation va aussi créer de l’attentisme de la part des propriétaires bailleurs. Tout cela à cause du fantasme d’une sortie des passoires thermiques du marché locatif. Ce ne sera pas le cas. Si le calendrier de rénovation n’est pas respecté, l’Etat, les maires ne peuvent rien faire, seuls les #locataires gagnent une petite arme : la possibilité de demander au juge d’instance que leur bailleur effectue des travaux. »

      Inquiétude sur l’assouplissement annoncé du DPE
      Olivier Sidler, porte-parole de NégaWatt, association d’experts qui développe des solutions pour atteindre la neutralité carbone en 2050, ne comprend pas le recul prévu sur MaPrimeRénov’. Même s’il lui rappelle la mise en pause de la réduction des pesticides dans l’agriculture, annoncée par Gabriel Attal au début du mois. « Au sein même du gouvernement, le secrétariat général à la planification écologique prévoit 200 000 rénovations d’ampleur dès 2024 [contre 71 600 en 2023] et une montée en puissance pour arriver à 900 000 par an en 2030. Comment y parvenir sans une forte hausse des crédits ? Il faut que tout le monde s’y mette, y compris les professionnels : ils ont fait déraper le coût de la rénovation quand ils avaient assez de travail sur la construction neuve, plus simple. »
      Le responsable associatif s’inquiète aussi de l’assouplissement annoncé du DPE. « Si une partie des petits logements sont mal classés, ce n’est pas à cause du mode de calcul, mais parce qu’ils consomment beaucoup, notamment pour produire de l’eau chaude. Le gouvernement s’apprête donc à changer le thermomètre, mais pas la fièvre ! »

      M. Sidler juge essentiel de ne pas céder à l’Union nationale des propriétaires immobiliers, à la Fnaim et à Bruno Le Maire, désormais chargé de l’énergie (dont EDF), qui voudraient de nouveau modifier le thermomètre : « Ils considèrent que le calcul du DPE désavantage le chauffage à l’électricité, ce qui n’est pas le cas. Or, s’ils obtenaient gain de cause, énormément de logements gagneraient des classes énergétiques et échapperaient aux rénovations nécessaires. »
      Claire Ané

    • Oui, il n’y a pas de pilote dans l’avion.

      Faut savoir que pour lancer des travaux dans une résidence, faut compter au moins 2 ans : dans un premier temps, faut présenter et faire voter un diagnostique obligatoire. Puis débriefer le diag, faire voter le principe des travaux, lancer un appel d’offres, dépouiller les propositions… quand il y en a et repasser au vote.

      Là, avec des gus qui changent les règles tous les 2 mois, c’est totalement impossible.

      On a lancé un appel d’offres pour le DPE obligatoire et fait voter pour l’une des propositions (6 mois de travail) et comme les règles ont encore changé depuis le début de l’année, la boite choisie ne répond plus, vu qu’on a voté pour un devis qui concrètement n’a plus d’objet car ne correspond plus à la législation en cours.

      Donc, va falloir recommencer ?

      Pendant ce temps, les travaux sont bloqués sur les réparations d’urgence qui ne résolvent rien et consomment les budgets.

  • Uniforme à l’école : au collège Chape, les élèves suspendent l’expérience, qu’ils considèrent comme « un retour en arrière »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/16/uniforme-a-l-ecole-au-college-chape-les-eleves-suspendent-l-experience-qu-il

    Appelés à se prononcer sur l’opportunité d’une expérience de « tenue scolaire commune », selon la terminologie officielle, 75 % des près de 400 élèves ont participé à la consultation en ligne. Et 66 % ont refusé de se voir imposer une façon de s’habiller. Un vote qui, pour l’administration, n’enterre pas l’expérimentation. « Un travail sera mené avec les élèves afin que le projet grandisse dans l’esprit de chacun », se projette le rectorat de l’académie d’Aix-Marseille qui pilote, parallèlement, sept autres dossiers.

    • Question : le gouverne.ment a-t-elle prévu une sanction pour les récalcitrant.es qui ne seraient pas assez réceptif.ves à la pédagogie rectorienne à venir et qui continueraient à refuser le port de l’uniforme ?

    • indice de position sociale élevé (133,9 alors que la moyenne française se situe à 101), l’établissement reste le collège public le plus favorisé de Marseille.

      « Il faudrait aussi interdire les TN [un modèle de baskets] à 250 euros et les sacs de marque alors… », s’amuse une 3e, qui veut rester anonyme. [...] « Je trouvais ça amusant d’être dans le premier collège de Marseille à essayer… », imagine une élève de 3e, qui préfère [elle aussi] taire son prénom. « On nous l’a vendu comme une occasion de porter nos couleurs. Un peu comme aux Etats-Unis ou dans Harry Potter. » [De son côté] Costa, 12 ans, en 5e, a voulu se donner la possibilité d’essayer : « Parce qu’on nous a expliqué qu’on ne serait pas obligé de porter l’uniforme tout le temps et que pour entrer au collège, il pourrait remplacer le carnet. »

      ça, c’est pour la carotte 🥕...

    • Né en Allemagne de l’Est, le père d’une élève de 3e, a, lui, ressenti la proposition de manière très personnelle : « J’ai grandi dans une dictature où, si vous ne participiez pas aux rassemblements de jeunesse en portant un foulard rouge ou bleu, vous en subissiez les conséquences dans votre parcours professionnel ou scolaire. Ce n’est évidemment pas le même contexte, mais, à 50 ans, j’étais convaincu que je n’allais plus jamais être confronté à ce genre de questionnements. »

  • Procès Bygmalion : Nicolas Sarkozy condamné en appel à un an de prison dont six mois avec sursis
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/14/proces-bygmalion-nicolas-sarkozy-condamne-en-appel-a-un-an-de-prison-dont-si


    Nicolas Sarkozy à son arrivée à la Cour d’appel de Paris, mardi 14 février 2023. BERTRAND GUAY / AFP

    Condamné en 2021 à un an de prison ferme pour avoir dépassé le plafond légal de dépenses lors de sa campagne présidentielle en 2012, l’ex-président avait fait appel. Il a été rejugé fin 2023 par la Cour d’appel de Paris, qui a rendu mercredi sa décision.

    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 13h59

    Temps de Lecture 3 min.

    La cour d’appel de Paris a confirmé, mercredi 14 février, la culpabilité de Nicolas Sarkozy dans le dépassement du plafond légal de dépenses lors de sa campagne perdue pour l’élection présidentielle de 2012. La cour a décidé d’une peine d’un an de prison dont six mois avec sursis à l’encontre de M. Sarkozy, qui avait été condamné à un an de prison ferme en première instance. Le parquet général avait requis, pour ce second procès, un an de prison avec sursis. L’ancien président de la République a toujours nié avoir connu ou demandé un système de fausses factures, ou d’en avoir profité.

    A ses côtés, plusieurs autres prévenus ont été condamnés à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis et cinq ans d’inéligibilité : Jérôme Lavrilleux, son ancien directeur adjoint de campagne ; Eric Cesari, à l’époque directeur général de l’UMP ; Pierre Chassat, qui exerçait les fonctions de directeur adjoint du cabinet de Jean-François Copé – alors secrétaire général de l’UMP – et de responsable de la communication du parti ; Guillaume Lambert, l’ex-directeur de campagne de Nicolas Sarkozy ; Philippe Blanchetier, ex-trésorier de l’association de financement. Fabienne Ladzié, ancienne directrice financière du parti, a été condamnée à deux ans de prison ferme dont 18 mois avec sursis sans peine complémentaire.

    En septembre 2021, le tribunal correctionnel de Paris l’avait reconnu coupable d’avoir largement dépassé le plafond légal des dépenses et l’avait condamné pour financement illégal de campagne. Le tribunal avait toutefois demandé que cette peine soit directement aménagée, à domicile sous surveillance électronique. Treize autres personnes avaient aussi été condamnées à des peines allant jusqu’à trois ans et demi de prison, dont une partie avec sursis. Nicolas Sarkozy et neuf autres personnes avaient fait appel de cette décision et ont été rejugées du 8 novembre au 7 décembre 2023, lors de ce procès devant la cour d’appel de Paris.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Procès Bygmalion : « Un système conçu et mis en œuvre dans l’intérêt exclusif du candidat » Nicolas Sarkozy, affirme l’accusation

    Lors du procès en appel, les avocats généraux avaient requis à son encontre un an d’emprisonnement, mais cette fois avec sursis. Nicolas Sarkozy a, comme lors du premier procès, contesté « vigoureusement toute responsabilité pénale », dénonçant « fables » et « mensonges ».
    Multiples affaires en cours

    Dans ce dossier, les investigations ont révélé que pour masquer l’explosion des dépenses de sa campagne – près de 43 millions d’euros pour un maximum autorisé de 22,5 millions – un système de double facturation avait été mis en place imputant à l’UMP (devenu depuis Les Républicains), sous couvert de conventions fictives, une grosse partie du coût des meetings.
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    Contrairement à ses coprévenus, l’ex-chef de l’Etat n’était pas mis en cause pour ce système de fausses factures. Mais, dans son jugement, le tribunal correctionnel avait souligné que l’ancien locataire de l’Elysée avait « poursuivi l’organisation de meetings » électoraux, « demandant un meeting par jour », alors même qu’il « avait été averti par écrit » du risque de dépassement légal, puis du dépassement effectif.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Procès Bygmalion : « Mais quelle est cette fable d’une espèce de fou auquel on ne pouvait pas dire non ? », s’emporte Nicolas Sarkozy

    En première instance comme lors du procès en appel, son avocat, Me Vincent Desry, avait lui plaidé sa relaxe, assurant que l’ex-chef de l’Etat n’avait « jamais eu connaissance d’un dépassement » du plafond légal des dépenses électorales et « jamais engagé de dépenses ». Il a estimé qu’il avait été « impossible » au ministère public de « démontrer l’élément intentionnel » ni « l’élément matériel » de l’infraction reprochée.

    Contre les autres prévenus, les avocats généraux avaient requis des peines de dix-huit mois à quatre ans d’emprisonnement, toutes assorties de sursis, ainsi que des amendes de 10 000 à 30 000 euros et des interdictions d’exercer ou des inéligibilités pour certains d’entre eux. Parmi ceux qui faisaient partie de l’UMP à l’époque, seul Jérôme Lavrilleux, à l’époque des faits directeur de cabinet de Jean-François Copé et directeur adjoint de l’équipe de campagne présidentielle, a reconnu avoir couvert le système de double facturation. En mai 2014, il avait contribué à révéler le scandale lors d’un mémorable entretien à BFM-TV. À la barre, il a toutefois contesté avoir été celui qui a mis en place le « système de ventilation » des dépenses électorales.
    Lire notre synthèse : Bygmalion, Bismuth, financement libyen : où en sont les affaires concernant Nicolas Sarkozy ?

    Cette affaire s’ajoute à d’autres ennuis judiciaires pour Nicolas Sarkozy : il a été condamné en mai dernier en appel dans l’affaire des écoutes à trois ans d’emprisonnement dont un ferme, une décision contre laquelle il s’est pourvu en cassation. Il comparaîtra aussi en 2025 pour les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Il a par ailleurs été mis en examen, début octobre, dans le volet de cette affaire lié à la rétractation de l’intermédiaire Ziad Takieddine.

    Le Monde avec AFP

  • A Mayotte, Gérald Darmanin annonce la suppression du droit du sol dans l’archipel pour faire taire la colère de la population
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/12/a-mayotte-gerald-darmanin-annonce-la-suppression-du-droit-du-sol-dans-l-arch

    A Mayotte, Gérald Darmanin annonce la suppression du droit du sol dans l’archipel pour faire taire la colère de la population
    Par Jérôme Talpin (Mamoudzou, envoyé spécial)
    Cette fois, pas de traditionnels colliers de fleurs pour l’accueil. Pas de shengué, ce chant de bienvenue. Et pas d’enivrant bain de foule ponctué de messages louangeurs, comme ce fut le cas à Mamoudzou, le 25 juin 2023. Après le lancement de l’opération « Wuambushu » de lutte contre la délinquance, l’immigration clandestine et l’habitat insalubre, Gérald Darmanin avait été qualifié à l’époque par la foule d’« homme de la situation ».
    Venu dimanche 11 février à Mayotte, paralysée depuis trois semaines par les multiples barrages des collectifs de citoyens pour protester contre l’insécurité et le poids de l’immigration irrégulière, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a été accueilli par des huées. Elles étaient lancées par un peu plus de 400 manifestants maintenus à distance, dont beaucoup de « mamans » des collectifs, vêtues de leur salouva.Pour dessiner une fin de crise et donner de nouvelles « preuves d’amour aux Mahorais », Gérald Darmanin, accompagné de la nouvelle ministre déléguée aux outre-mer, Marie Guévenoux, a annoncé des « mesures extrêmement fortes ». La veille, avant de prendre l’avion, il avait préparé le terrain dans une vidéo en s’adressant aux Mahorais : « Aidez-moi à rétablir la paix publique, discutons, travaillons ensemble. »
    Très remontés, les différents collectifs regroupés dans le mouvement des Forces vives dénonçaient jusqu’à sa venue un « mépris ». « Le gouvernement ne veut pas entendre les cris des Mahorais », s’insurgeait Saïd Kambi, un des leaders des Forces vives. La lenteur prise pour aboutir à un remaniement n’a cessé d’accentuer cette conviction. Ayant réalisé à Mayotte son plus gros score au premier tour de la présidentielle de 2022 (42,68 % des suffrages), Marine Le Pen s’est engouffrée dans cette brèche en fustigeant, vendredi 9 février, « une population mahoraise totalement abandonnée » face à une « quasi-guerre civile ».
    Pour éteindre cette colère longtemps restée sourde dans une île de 310 000 habitants où, selon l’Insee, près d’un habitant sur deux en 2017 était étranger, Gérald Darmanin a lancé solennellement, dès sa descente d’avion, sa série d’annonces : « Le président de la République m’a chargé de dire aux Mahorais que nous allons prendre une décision radicale qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle. » « Il ne sera plus possible de devenir français si l’on n’est pas soi-même enfant de parent français, précise le ministre. Nous couperons l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel. » Une mesure réclamée depuis des années par la majorité des élus et de la population mais « jamais accordée ».
    Sa conséquence est qu’elle va renforcer les spécificités et les exceptions du droit des étrangers sur le sol mahorais. Car à Mayotte, le droit du sol comporte déjà de nombreuses dérogations pour dissuader l’immigration irrégulière. (...) Selon M. Darmanin, cette mesure va diminuer de 80 % le nombre de titres de séjour délivrés à Mayotte en raison de liens familiaux. D’après l’Insee, sur un peu plus de 10 770 naissances en 2022, près de sept nourrissons sur dix ont au moins un parent étranger.
    Gérald Darmanin a, en outre, souligné que la loi relative à l’immigration « a beaucoup durci les conditions de regroupement familial à Mayotte », tout en reprochant à certains parlementaires mahorais de ne pas l’avoir votée. Selon lui, les nouvelles conditions – trois ans de résidence et un titre de séjour d’au moins cinq ans – vont « diviser par cinq le nombre de regroupements familiaux à Mayotte ».
    La troisième mesure annoncée était l’une des principales « conditions » des Forces vives pour négocier : la fin du visa territorialisé. Ces titres de séjour délivrés localement autorisent uniquement une présence sur l’île. Les collectifs réclamaient la suppression de cette autre exception qui, selon eux, fait de l’île une impasse où les étrangers sont maintenus, afin de protéger La Réunion et l’Hexagone. (...)
    La fin du visa territorialisé doit être incluse dans le projet de loi Mayotte promis « avant l’été » par Marie Guévenoux. Le ministre de l’intérieur a toutefois voulu placer l’île devant ses responsabilités en épinglant « la bonne société mahoraise parfois complice » pour faire venir des travailleurs étrangers, ou qui monnaye des certificats de
    Autre sujet qui cristallise les colères à Mayotte : le camp de migrants africains venus de la région des Grands Lacs et de Somalie, qui sont installés autour du stade de Cavani, à Mamoudzou, dans des abris construits avec du bois et des bâches. L’installation régulière de nouveaux migrants est vue comme l’ouverture d’une « seconde route migratoire », après celle venue des Comores. (...)
    Gérald Darmanin promet en réponse « l’évacuation totale du camp ». Selon lui, les réfugiés ayant obtenu l’asile « vont être rapatriés dans l’Hexagone ». Cinquante d’entre eux ont pris l’avion dimanche soir, après quarante premiers départs fin janvier. Des retours volontaires dans les pays d’origine vont être proposés. Une nouveauté à Mayotte. Pour ceux qui ont été déboutés de leur demande, il y aura aussi des « expulsions immédiates », selon Gérald Darmanin.
    L’installation de ce camp d’environ 700 migrants africains a joué un rôle de déclencheur dans cette crise. A Mayotte, leur stigmatisation est prégnante. L’extrême droite s’est emparée du sujet pour en faire un épouvantail sur le thème de la submersion migratoire qu’elle prédit pour la France hexagonale.
    Dans ses interventions sur la chaîne d’info CNews, l’un des fondateurs du média Livre Noir, Erik Tegnér, présent à Mayotte, a associé systématiquement les clandestins aux « pillages des maisons des Mahorais ». Et a prétendu avoir découvert un « nouveau camp » de migrants dans la rue à côté de l’association d’entraide Solidarité Mayotte, alors que leur présence date de mai 2023. Dans une autre vidéo diffusée à l’antenne, le militant d’extrême droite a désigné sans retenue « les Somaliens » comme « encore plus dangereux que les Comoriens ». Pour « empêcher le passage des kwassa-kwassa des filières d’immigration », Gérald Darmanin a promis, en outre, la mise en place d’« un rideau de fer dans l’eau ». Avec le déploiement de bateaux de la marine nationale face aux côtes tanzaniennes, d’où partent ces migrants africains, et de drones marins.
    En prélude à sa visite, Gérald Darmanin avait également annoncé le départ de l’opération « Wuambushu 2 ». Il a salué à l’aéroport les quinze gendarmes du GIGN arrivés en renfort pour aboutir à un plus grand nombre d’interpellations dans les bidonvilles les plus sensibles. (...) De ces annonces, élus et responsables des Forces vives retiennent avant tout la fin du droit du sol à Mayotte et du titre de séjour territorialisé. (...)

    #Covid-19#migration#france#mayotte#droitdusol#visasterritorialise#fluxmigratoire#regroupementfamilial#expulsion#traversee#sante#afrique

  • La suppression du droit du sol à Mayotte, une mesure voulue par l’extrême droite aux conséquences incertaines
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/12/la-suppression-du-droit-du-sol-a-mayotte-une-mesure-voulue-par-l-extreme-dro

    La suppression du droit du sol à Mayotte, une mesure voulue par l’extrême droite aux conséquences incertaines
    Julia Pascual
    Deux semaines à peine après la promulgation de la loi « immigration », qui avait notamment consacré, avant une censure du Conseil constitutionnel, la remise en cause du droit de la nationalité ou encore la préférence nationale, l’exécutif choisit de relancer le débat autour du droit du sol. A Mayotte, dimanche 11 février, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a tout bonnement promis de le supprimer dans ce département de l’océan Indien, par le biais d’une réforme constitutionnelle.
    Début février, le ministre avait déjà dit son souhait de durcir le droit du sol à Mayotte après qu’une disposition de la loi « immigration » sur ce point avait été censurée par le Conseil constitutionnel, le 25 janvier pour des raisons de forme. Ajoutée par la droite sénatoriale, elle prévoyait que, pour devenir français à sa majorité, un enfant né à Mayotte soit tenu de prouver qu’un de ses deux parents se trouvait en situation régulière « plus d’un an avant [sa] naissance ».
    Cette mesure durcissait le régime dérogatoire unique déjà instauré en 2018 par la loi Collomb, la première loi relative à l’immigration sous la présidence d’Emmanuel Macron. Depuis lors, l’enfant né sur l’archipel doit justifier qu’un de ses parents était en situation régulière depuis au moins trois mois avant sa naissance pour espérer devenir français à sa majorité ou par déclaration anticipée à partir de ses 13 ans.
    Sur le reste du territoire français, le principe du droit du sol fait qu’un enfant né en France de parents étrangers devient français de façon automatique à sa majorité, ou par déclaration anticipée s’il a résidé sur le territoire cinq ans depuis l’âge de 11 ans. En 2021, selon l’Insee, quelque 35 000 personnes ont obtenu la nationalité française selon ce droit.Pour M. Darmanin, interviewé sur Mayotte La 1re, la suppression du droit du sol à Mayotte constituerait « une grande résolution [des] problèmes ». Le département le plus pauvre de France est affecté par un phénomène d’insécurité, d’habitat insalubre et de saturation des services publics, notamment de santé et d’éducation. Près de la moitié de la population – estimée à plus de 300 000 habitants – est étrangère, principalement issue des îles comoriennes voisines.
    Le ministère de l’intérieur ambitionne de « diminuer de 90 % le nombre de titres de séjour ». Selon l’hypothèse suivante : si les enfants de parents étrangers ne peuvent plus devenir français, alors leurs parents ne pourront plus obtenir un titre de séjour de parent d’enfant français. Et donc l’intérêt pour eux de migrer à Mayotte sera nul. « Sur 4 000 titres de séjour délivrés chaque année, plus de 3 600 sont délivrés pour motif familial, en particulier en tant que “membres de famille de Français” », assure l’entourage de M. Darmanin.
    Si le calendrier reste à connaître, le principe d’une révision constitutionnelle est posé. « Le besoin de réforme constitutionnelle a été évalué à partir des avis rendus par le Conseil d’Etat à l’occasion de la précédente réforme du droit du sol à Mayotte », argumente la Place Beauvau. Un point qui fait débat.
    Au moment de la loi Collomb, « ni le Conseil d’Etat ni le Conseil constitutionnel n’ont dit qu’il y avait un risque d’inconstitutionnalité si l’on supprimait le droit du sol [à Mayotte] », rappelle Jules Lepoutre, professeur de droit public à l’université Côte d’Azur. Dans une décision de septembre 2018, le Conseil constitutionnel avait jugé que la différence de traitement apportée par la loi Collomb était conforme à la Constitution – et en particulier aux principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi –, compte tenu des caractéristiques particulières de l’archipel, confronté à des flux migratoires importants. Jules Lepoutre pense toutefois qu’une loi ordinaire serait « probablement inconstitutionnelle », car elle pourrait être vue comme une « atteinte disproportionnée à l’indivisibilité de la République et du territoire », ou encore parce que le juge constitutionnel pourrait à l’occasion « reconnaître la valeur constitutionnelle du droit du sol, car il est consubstantiel à notre régime républicain puisqu’il est appliqué sans discontinuité depuis la Révolution ». Saisi sur une suppression de l’automaticité du droit du sol en 1993 à l’occasion de la loi Pasqua-Méhaignerie, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, avait d’ailleurs déclaré lors des délibérations : « Si le législateur avait supprimé le jus soli [droit du sol], la question [de savoir s’il est un principe fondamental reconnu par les lois de la République] se poserait bien. Mais ici, il s’agit simplement d’en adapter certaines modalités. »
    En optant pour une révision constitutionnelle, « le ministre de l’intérieur peut vouloir neutraliser une éventuelle précision de jurisprudence », suppose Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université Toulouse-Capitole. L’adoption d’un projet de loi constitutionnel n’est cependant pas évidente. Le texte doit être voté en des termes identiques par les deux chambres, après quoi le chef de l’Etat peut le faire adopter par référendum ou par une majorité des trois cinquièmes du Congrès.La loi « immigration » a illustré les difficultés du gouvernement à réunir une majorité parlementaire – il a essuyé une motion de rejet à l’Assemblée nationale et a obtenu un vote au prix de dispositions anticonstitutionnelles et du concours des voix du Rassemblement national (RN). Une réforme constitutionnelle sur l’immigration apparaît à tout le moins compliquée. (...)
    « Le gouvernement annonce quelque chose qui est au programme du RN, qui va lui apporter un répit politique mais qui va enflammer de nouveau le pays sur le sujet de l’immigration et qui ne résout rien sur le terrain », étrille l’historien Patrick Weil. Les conséquences de la réforme sont loin d’être évidentes. « Il reste à prouver que les Comoriens se disent “on va à Mayotte, on fait un enfant, on attend ses 13 ans et à ce moment-là on obtient un titre de séjour en tant que parent d’enfant français” », souligne Jules Lepoutre, tandis qu’il est certain que le PIB par habitant est sept fois plus élevé dans le 101e département français qu’aux Comores. De fait, l’impact de la réforme de 2018 sur les flux irréguliers reste à démontrer. Au ministère de l’intérieur, on assure que la loi Collomb a déjà permis de « diviser par trois le nombre d’obtentions de la nationalité » par déclaration anticipée, passé de 2 800 en 2018 à 799 en 2022. Mais « on ne fait que fabriquer de l’étranger, dénonce l’avocate Marjane Ghaem, qui a officié au barreau de Mayotte entre 2012 et 2020. Cela va précariser des jeunes qui seront privés de l’accès la nationalité. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#mayotte#droitdusol#constitution#droit#nationalite#fluxmigratoire#politiquemigratoire#sante

  • Evacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion : la Cimade dénonce une obsession du contrôle migratoire
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/07/evacuations-sanitaires-entre-mayotte-et-la-reunion-la-cimade-denonce-une-obs

    Evacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion : la Cimade dénonce une obsession du contrôle migratoire
    Par Jérôme Talpin (Saint-Denis (La Réunion), correspondant)
    Peur d’une « filière d’immigration sanitaire », « confusion du soin et du contrôle migratoire »… Dans un rapport sur les évacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion, publié mercredi 7 février, la Cimade critique vivement des « atteintes aux droits fondamentaux » pour des personnes étrangères malades et leurs enfants, tout au long de leur parcours de soins entre les deux départements français de l’océan Indien, distants de 1 500 kilomètres. Un document qui s’inscrit dans le contexte de blocage du territoire mahorais, où près d’un millier de personnes ont manifesté, mardi, contre l’insécurité et l’immigration.
    En 2022, près de 1 600 malades ou accidentés ont été évacués de Mayotte – où ils ne peuvent être soignés en raison du « sous-dimensionnement du système de soins » et d’un manque de personnel – vers La Réunion, où le CHU dispose d’un plateau technique de pointe. Parmi eux, un tiers de mineurs et 51 % d’étrangers, la plupart originaires des Comores. Certains possèdent un titre de séjour valable uniquement pour Mayotte, d’autres sont sans papiers.
    Le rapport est intitulé « Soigner, séparer, précariser » pour bien marquer les contradictions d’une action sanitaire d’entraide qui aboutit dans certains cas documentés à « séparer durablement des familles sur le territoire français, et plonger des personnes dans une précarité d’autant plus violente que les pathologies sont graves ».
    L’association défendant les droits des personnes migrantes et réfugiées fustige avant tout un cadre réglementaire comportant de « nombreuses zones d’ombre », ainsi que « des pratiques médicales et administratives largement influencées par un contexte régional très hostile à l’immigration comorienne et par l’existence d’un droit dérogatoire restreignant fortement les droits des personnes étrangères vivant à Mayotte ».
    Selon la Cimade, les personnes étrangères qui arrivent dans les services du centre hospitalier de Mayotte (CHM) présentent un « état de santé déjà dégradé, ce qui complexifie encore leur prise en charge ». Les raisons principales de leur renoncement à des soins : l’absence à Mayotte de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers en situation irrégulière, la peur pour ces personnes de se faire interpeller en se déplaçant pour une consultation.
    Loin de constituer « une opportunité de migrer durablement vers La Réunion ou même l’Hexagone », ces transferts en avion, parfois opérés en urgence, sont « sources d’angoisses et d’arrachement », insiste l’association, pour balayer « le fantasme de l’appel d’air via la procédure d’Evasan [évacuation sanitaire] ». « Faire accepter l’Evasan aux patients est, au contraire, une difficulté majeure, certaines personnes étant même prêtes à renoncer aux soins pour l’éviter », relève La Cimade. Le rapport déplore également des cas de manque d’information aux patients, parfois allophones, sur leur pathologie, leur parcours de soins, voire leur destination.
    En raison d’un « sentiment anticomorien » à Mayotte, La Cimade relève des « pratiques de filtrage des Evasan observées à différents niveaux de la chaîne hospitalière » pour des étrangers « subjectivement jugés comme présentant un risque de fugue ». Dans l’autre sens, l’association évoque « des retours précoces » pour éviter une installation à La Réunion.
    Autre critique de La Cimade : « Le piétinement des liens familiaux » en raison d’une « obsession pour le contrôle des personnes étrangères installées à Mayotte ». Selon une praticienne du CHM, la principale difficulté reste toutefois le manque de solutions d’hébergement à La Réunion pour des parents. En 2020, sur 330 mineurs partis en Evasan, 184 étaient non accompagnés par un parent, dont 102 non affiliés à la Sécurité sociale, note le rapport.
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    La Cimade dénonce également des « stigmates de l’Evasan » pour les « quelques dizaines de personnes étrangères qui restent chaque année à La Réunion ». Les dispositions dérogatoires à Mayotte et plus restrictives pour les étrangers « entravent durablement la sortie de précarité de ces personnes, confrontées à une multitude d’obstacles pour obtenir un titre de séjour, un hébergement, accéder aux soins et à une protection sociale ».
    Selon un travail social du CHU de La Réunion entendu par La Cimade, « les personnes en Evasan sont le public le plus précaire que j’ai pu rencontrer, puisque ces personnes n’ont accès à rien ». Battant en brèche une idée reçue, l’association rappelle que près de 97 % des personnes repartent, à l’issue d’une Evasan, à Mayotte, où se trouvent leur famille et leurs attaches.Enfin, La Cimade estime que beaucoup de retours sont mal préparés en raison « de l’absence d’accompagnement à Mayotte et les conditions et de vie sur place ». Auditionnée pour le rapport, la coordinatrice régionale de Médecins du monde océan Indien, Delphine Chauvière, explique, en parlant des étrangers : « Concrètement, à la descente de l’avion, une ambulance amène la personne au CHM, où on lui dit “l’Evasan est finie, merci et au revoir” ». Contactée, la direction du CHM assure n’avoir « jamais été interrogée » par La Cimade dans le cadre de ce rapport, et « de ce fait » n’entend pas répondre « à ce rapport à charge ». Le CHU de La Réunion n’a, de son côté, pas souhaité « faire de commentaire ».

    #Covid-19#migration#migrant#france#lareunion#mayotte#sante#lacimade#mdm#systemesante#droit#etranger

  • Au-delà des conséquences de la baisse de la natalité dans les départements d’outre-mer, la hausse des départs en métropole réactive la mémoire du BUMIDOM et des migrations forcées en situation (post-)coloniale.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/dans-les-outre-mer-le-sujet-mine-du-rearmement-demographique_6215091_3224.ht

    Dans les outre-mer, le sujet miné du « réarmement démographique »

    Par Nathalie Guibert, 6 février 2024

    Les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et, dans une moindre mesure, de La Réunion, sont menacés par un vieillissement et une baisse de la population. Des mouvements de fond que l’Etat tente d’enrayer avec des incitations au retour pour les ultramarins.

    Fin 2023, lors de l’examen du budget au Parlement, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a dû retirer une mesure destinée à inciter les Français résidant dans l’Hexagone à s’installer dans les territoires ultramarins.

    D’ambition modeste, mal concerté avec les élus locaux, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2024 visait à attirer des compétences dans des économies confrontées à une dépopulation sévère, surtout aux Antilles. Prévu pour quelque cinq cents bénéficiaires par an, il a été qualifié de texte de « recolonisation » au sein du groupe communiste de l’Assemblée. Jean-Philippe Nilor, député La France insoumise de Martinique, est allé jusqu’à dénoncer un « génocide par substitution ». Pour sortir du piège, le gouvernement a réécrit l’article 55 pour cibler les ultramarins. Les décrets d’application paraîtront en avril.

    L’épisode illustre la sensibilité, en outre-mer, d’une déclinaison du « réarmement démographique » souhaité par le président Macron. Si certains départements, comme Mayotte ou la Guyane, connaissent une forte croissance qui pose d’immenses défis, ce sont les départements menacés de se dévitaliser, comme la Martinique, la Guadeloupe et, dans une moindre ampleur, La Réunion, qui appellent des mesures rapides.

    Sous le thème « Refaire péyi », la chaire Outre-mer de Sciences Po a retenu la crise démographique pour sa première conférence, le 6 décembre 2023. Un mois plus tôt, une mission d’information sénatoriale alertait sur la situation de la Martinique, où les établissements scolaires ont accueilli 1 000 élèves de moins d’un coup à la rentrée de septembre. « Si on ne fait rien, dans trente ans, ce sera l’extinction de la race des Martiniquais », a déclaré, devant les étudiants de Sciences Po, la sénatrice Catherine Conconne (groupe Socialiste, écologiste et républicain).

    En 2021, la Guadeloupe comptait 384 300 habitants. L’Insee estime que l’archipel tombera à 314 000 habitants dans moins de vingt ans. A La Réunion, tendance similaire bien que moins rapide : en 2030, 30 % de la population aura plus de 65 ans.

    « Fuite des cerveaux »

    La prise de conscience de la gravité de la situation a commencé avec la première enquête « Migrations, famille, vieillissement », lancée en 2009 par l’Insee avec l’Institut national d’études démographiques (INED). Le conseil départemental de Guadeloupe a depuis créé son propre observatoire départemental du vieillissement et du handicap. La Réunion a lancé un « salon du retour » annuel. Partout, des associations se mobilisent pour accueillir ceux qui souhaitent revenir, notamment les jeunes diplômés.

    Un rapport du Sénat avait mentionné, en 2014, un « risque de violence démographique dans les outre-mer », termes du spécialiste de l’INED, Claude-Valentin Marie. « Violence », car le phénomène s’illustre par sa rapidité : ce qui s’est produit en un siècle et demi dans l’Hexagone a pris cinquante ans dans les outre-mer. La baisse « extrêmement importante de la fécondité » se conjugue à une « fuite des cerveaux » vers la France métropolitaine, « ceux qui restent étant destinés à une précarité plus importante », explique ce démographe.

    « En 2010, la proportion de personnes de plus de 60 ans demeurait plus importante dans le Limousin que dans les Antilles. En 2040, cela ne sera plus le cas », résume le chercheur de l’INED : « Si l’attractivité de ces territoires ne bouge pas, qui prendra en charge le vieillissement ? » Emploi, aide sociale, santé, retraite, les conséquences seront nombreuses, sur des territoires à la situation sociale déjà plus fragile que dans l’Hexagone.

    Le sujet de la dépopulation rappelle en outre un moment d’histoire controversé. De 1963 à 1981, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer, mis en place par l’Etat, avait « ponctionné » 160 000 travailleurs des Antilles et de La Réunion pour les faire venir en métropole.

    Nourri par l’appel des fonctionnaires et des étudiants, ce mouvement a généré une « migration de masse », selon le géographe de l’université des Antilles Cédric Audebert. « On a compté des dizaines de milliers de départs de Martinique dans le cadre de cette politique de Michel Debré, qui visait, en fait, à dégonfler les risques d’émeutes dans nos départements jugés trop remuants », affirme la sénatrice Conconne. « Nous avons besoin aujourd’hui d’une aide au retour sérieuse. »

    Fluidifier les mobilités

    La démographie renforce les fortes attentes des ultramarins vis-à-vis de l’Etat. Pour fluidifier leurs mobilités, par le transport aérien notamment, les moyens alloués à la « continuité territoriale » entre Paris et ces régions éloignées ne cessent d’augmenter : 23 millions d’euros ont été ajoutés dans le budget 2024, pour atteindre 93 millions d’euros.

    Quant à L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), elle opère sa révolution : « Pour la première fois, l’Etat accepte de financer une mobilité Hexagone – outre-mer », souligne son directeur général, Saïd Ahamada. « Nous avons mis sur pied un dispositif de retour. Cela revient non plus seulement à aider les personnes à bouger ou à se former ailleurs, mais à aider les territoires. » Ladom dispose de 2 millions d’euros annuels pour son programme « cadres d’avenir » qui accorde une bourse mensuelle de 800 euros aux étudiants ultramarins à condition qu’ils commencent à travailler dans un de leurs départements. Imaginé pour la Guadeloupe et Mayotte, il sera étendu en 2024 à la Guyane et à la Martinique.

    Destiné aux travailleurs déjà expérimentés, le futur « passeport pour le retour au pays » issu de l’article 55 controversé sera, lui, lancé au printemps. Ladom dit s’inscrire dans une « logique de droits », qu’il conviendra de financer à mesure que les demandes croîtront. « L’objectif n’est pas de repeupler les outre-mer. L’Etat donne un signal, il veut rassurer ceux qui veulent rentrer sur le fait qu’ils seront accompagnés, explique M. Ahamada. Nos outils ne suffiront de toute façon pas si les territoires ne développent pas leur attractivité avec des projets économiques. »

    #BUMIDOM #démographie #Martinique #émigration

  • Avec la PAF de Roissy, qui traque les candidats à l’immigration irrégulière : « Le risque, pour nous, c’est de ne pas pouvoir les renvoyer »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/09/avec-la-paf-de-roissy-qui-traque-les-candidats-a-l-immigration-irreguliere-l

    Avec la PAF de Roissy, qui traque les candidats à l’immigration irrégulière : « Le risque, pour nous, c’est de ne pas pouvoir les renvoyer »
    Par Julia Pascual
    A l’aéroport international Roissy-Charles-de-Gaulle, « Le Monde » a suivi le quotidien de la police aux frontières qui tente de déjouer l’éventail des stratégies utilisées pour entrer de manière irrégulière dans l’espace Schengen. Un bureau d’où s’échappent les bribes d’une conversation musclée. A l’intérieur, un ressortissant sri-lankais est auditionné. La veille, il a été interpellé par la police aux frontières (PAF) de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle (CDG), en région parisienne. Il doit s’expliquer en garde à vue, dans les locaux défraîchis de la PAF, qui occupe un vieil immeuble de béton près du terminal 1. L’homme est soupçonné de participer à une filière d’immigration clandestine. « Ça faisait deux mois et demi qu’on était en enquête préliminaire, rapporte le commandant responsable des unités judiciaires de la PAF de Roissy-CDG, qui a souhaité rester anonyme. On pense qu’au moins cinquante-cinq personnes sont passées par le biais de cette filière depuis le Sri Lanka, pour un tarif moyen de 15 000 euros. »
    Le profil des candidats à l’immigration ? Des hommes modestes, souvent agriculteurs, sans diplôme. « Ils veulent échapper au quotidien dans leur pays et sont prêts à occuper n’importe quel emploi en Europe », poursuit le commandant. Pour les faire entrer dans l’espace Schengen, le réseau a employé la technique dite « du swapping » (« échange », en anglais). La manœuvre est la suivante : un Sri-Lankais se rend dans un aéroport, au Qatar ou à Abou Dhabi. Il reste en zone internationale, où il rencontre un « swappeur », un intermédiaire sri-lankais venu, lui, d’Europe, qui lui cède son billet d’avion retour pour Paris ainsi qu’un faux document d’identité pour voyager.
    « L’enquête a commencé quand on a trouvé cinq clandestins à la sortie d’un avion à Roissy. Deux heures plus tard, des personnes arrivaient sur d’autres vols sous la même identité. La même personne qui arrive par deux vols distincts, c’est impossible ! », raconte le commandant, dont les unités ont démantelé, en 2023, une dizaine de filières d’immigration clandestine.
    Le théâtre de leurs investigations : Roissy-CDG, le deuxième aéroport d’Europe en nombre de passagers, et le premier point d’entrée dans l’espace Schengen. En 2023, près de 70 millions de voyageurs ont transité par ce hub qui héberge le plus gros service de police de France : 1 800 agents, dont 800 gardes-frontières. Le défi, pour la PAF : assurer la sécurité de la frontière sans perturber le flux commercial d’un site qui génère 1,5 % du PIB national (agrégat des activités et emplois directs et indirects dans le transport, la logistique, le tourisme…). « On est l’un des rares services de police à avoir une telle imbrication avec une logique économique, explique Julien Gentile, le directeur de la PAF de Roissy. La fluidité, c’est la base pour ADP [Aéroports de Paris] et les compagnies aériennes qui vendent des correspondances d’une heure. »
    Un ressortissant d’un pays tiers doit pouvoir passer la frontière en quarante-cinq minutes, et un ressortissant de l’espace Schengen en une demi-heure. Comment, dans un délai aussi court, réussir à détecter les candidats à l’immigration irrégulière ? Grâce à un logiciel de gestion des files d’attente installé sur sa tablette, le commissaire Régis Orsoni, chef de la division du contrôle transfrontière, peut suivre à la trace des milliers de voyageurs aux abords des aubettes de la PAF. Un moyen de mesurer les temps d’attente et de projeter des équipes en renfort pour éviter que les contrôles ne ralentissent trop le flux des passagers.
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    Dans le contexte d’une baisse du trafic aéroportuaire liée à la pandémie de Covid-19, les effectifs de gardes-frontières ont été réduits, mais, tandis que les besoins sont de nouveau croissants, des administratifs, puis des contractuels, sont venus renflouer les équipes à marche forcée. Ils sont recrutés sans condition de diplôme et postés au terme de deux semaines de formation, à l’image de Marie, 21 ans, et Lena, 19 ans (les personnes citées par leur prénom ont souhaité conserver l’anonymat), arrivées à Roissy en juin 2023. La première est une ancienne adjointe de sécurité, la seconde s’est réorientée après une formation d’auxiliaire de puériculture.
    Régis Orsoni, chef de la division du contrôle transfrontière, à Roissy-Charles-de-Gaulle, le 22 novembre 2023.
    Aujourd’hui, dans la petite aubette qu’elles partagent, des heures durant, les deux jeunes femmes contrôlent des voyageurs et interrogent sans interruption des fichiers de police. Quatre bases de données sont systématiquement consultées : le fichier des personnes recherchées, le fichier Schengen des objets recherchés et celui des personnes recherchées, et le fichier Interpol des documents volés ou perdus. En 2023, il y a eu près de 30 000 détections, pouvant être en lien avec une simple déclaration de perte de papiers ou, plus rarement, avec un mandat d’arrêt international. « On détecte une vingtaine de personnes “fichées S” par jour, précise la commandante de police Adeline Trouillet. Mais, la plupart du temps, cela ne nécessite pas une action spécifique autre que de renseigner discrètement leur passage. »
    Les gardes-frontières s’assurent aussi du respect des conditions d’entrée dans l’espace Schengen : un vol de retour, une assurance-maladie, une certaine somme d’argent, un hébergement… « Pourquoi voyagez-vous en France ? Et votre réservation d’hôtel ? » (...)
    Alexandre Goliot est analyste en fraude documentaire et à l’identité, comme tous ses collègues de la brigade mobile d’immigration de la PAF. Les policiers de cette unité sont formés au repérage, sur un document, d’une qualité de papier inadéquate, de l’absence d’un filigrane… Ils agissent en « deuxième rideau », appelés par les gardes-frontières en cas de doute sur un voyageur ou projetés à la porte de certains avions pour passer au tamis, en moins de vingt minutes, les passagers dès leur atterrissage. Une vingtaine d’avions sont contrôlés chaque jour lors du débarquement. « Le but, c’est de déceler le plus rapidement les faux documents et les gens qui ont détruit leurs documents, précise le commissaire Orsoni. On a déjà retrouvé des passeports déchiquetés et cachés dans les toilettes ou dans les housses des sièges d’un avion. C’est comme ça que des gens se présentent aux contrôles aux frontières sans identité et sans provenance, pour qu’on ne puisse pas les réacheminer. »
    Pour brouiller les pistes, des personnes passent même plusieurs jours en zone internationale avant de se présenter aux postes de la PAF. Plus le temps écoulé est long, plus il est difficile de déterminer leur provenance. En 2023, quasiment 22 % des personnes non admises sont demeurées de nationalité « indéterminée ».
    .« Le risque, pour nous, c’est de ne pas pouvoir les renvoyer, reprend le commissaire Orsoni. En les détectant à la porte de l’avion, on sait d’où ils viennent, avec quelle compagnie ils ont voyagé, et on peut savoir quel document a été scanné à l’embarquement. » Les compagnies aériennes qui auraient failli à leur devoir de contrôle documentaire peuvent subir une amende de 10 000 euros par passager. Un moyen de les inciter à redoubler de vigilance lors de l’embarquement.
    Dans un bureau de la brigade mobile d’immigration, à quelques encablures des pistes de Roissy, une collection de documents falsifiés, contrefaits, usurpés ou obtenus indûment déborde des bannettes et remplit les tiroirs. En 2023, près de 870 documents ont été saisis aux arrivées, et 430 aux départs. Ils sont émiratis, espagnols, singapouriens, péruviens, bulgares, italiens, indiens… L’éventail des stratégies pour entrer dans l’espace Schengen par la voie aérienne est large. Des plus rudimentaires – comme le vol, mis au jour il y a quelques mois, de 500 documents de visa dans le coffre-fort du consulat espagnol de Yaoundé – aux plus élaborées, telles que le morphing, une technique qui consiste à imprimer une photo sur un document authentique en mixant les profils du propriétaire et de l’usurpateur. « On peut arriver, par infrarouge, à retrouver une partie de la photo d’origine », explique le lieutenant Gaël Szwec, chef des brigades mobiles de Roissy.
    Les « abus de transit » font partie des techniques parmi les plus éprouvées. Le principe : prévoir un voyage avec une escale dans l’espace Schengen et ne pas prendre sa correspondance. « En ce moment, des Marocains qui transitent par Roissy ne prennent pas leur vol de destination afin de se maintenir en France, illustre M. Orsoni. Ce sont souvent des hommes seuls, âgés de 18 ans à 30 ans, sans bagages. Ils ont des plans de vol peu crédibles, par exemple un Marrakech-Tunis ou un Casablanca-Dakar via Paris, donc on essaye de travailler avec les compagnies pour les bloquer au départ. (...) En cette fin d’année 2023, ils sont plus de quatre-vingts à occuper l’une des chambres de la ZAPI. Parmi eux, une multitude de profils : un Brésilien ignorant qu’il était frappé d’une interdiction d’entrer dans l’espace Schengen pour s’être maintenu en Italie au-delà de la durée autorisée par son visa étudiant il y a quelques années ; un Colombien de 22 ans venu faire du tourisme à Madrid sans avoir réservé de chambre d’hôtel ; un Iranien qui avait pour espoir de rejoindre l’Angleterre avec un faux passeport ; un groupe de cinq Egyptiens qui souhaitent se rendre en Italie pour travailler, certains comme charpentier ou peintre en bâtiment.
    (...) En 2023, quelque 6 250 étrangers ont été maintenus dans les locaux de la ZAPI, attenants aux pistes de décollage. Moins de la moitié d’entre eux repartent. Les autres finissent par entrer sur le territoire, faute d’avoir été réacheminés dans les délais, parce qu’ils sont admis à demander l’asile, parce qu’ils sont libérés par un juge pour un motif juridique de forme ou encore parce qu’ils régularisent leur situation. Une goutte d’eau, cependant, par rapport aux arrivées par voie terrestre. L’avion demeure le privilège des plus fortunés.

    #Covid-19#migrant#migration#france#CDG#migrationirreguliere#avion#schengen#visas#sante

  • Au procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne, trois variations autour de l’« association de malfaiteurs terroriste »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/10/au-proces-des-attentats-de-trebes-et-de-carcassonne-trois-variations-autour-

    La cour d’assises a commencé à se pencher cette semaine sur le sort des accusés. La diversité de leurs profils offre un échantillon rare des mille nuances de l’infraction phare de la justice antiterroriste.
    Par Soren Seelow

    Cette séquence a parfois ressemblé à une étude de cas pour tout élève avocat, jeune magistrat ou chaque lecteur désireux de mieux cerner les mille nuances de l’infraction phare de la justice antiterroriste : l’« association de malfaiteurs terroriste », ou AMT. La diversité des accusés de ce procès offre en effet un échantillon rare de la variété des profils et des comportements susceptibles d’être attrapés par le filet de cet objet judiciaire protéiforme.
    A la différence de la « complicité d’assassinats terroristes », l’AMT ne suppose pas que les accusés aient été au courant du projet criminel de Radouane Lakdim, un délinquant radicalisé qui a tué quatre personnes avant d’être abattu, le 23 mars 2018. Il suffit qu’ils l’aient soutenu, matériellement ou moralement, en ayant conscience qu’il était susceptible de commettre un attentat, sans nécessairement avoir partagé son idéologie.

    Au cœur de la politique pénale de la justice antiterroriste, l’AMT vise ainsi à rendre radioactif tout individu radicalisé – en brisant les solidarités de quartier et les complaisances amicales ou familiales – afin de dissuader toute personne de porter assistance à un terroriste en puissance. Une sorte d’arme de destruction judiciaire contre le « djihad d’atmosphère » [ou tout autre ennemi intérieur : https://paris-luttes.info/affaire-du-8-decembre-l-17399]. Elle provoque parfois à l’audience un sentiment de décalage entre la peine encourue – trente ans de réclusion criminelle – et la nature des faits reprochés aux accusés.

    #antiterrorisme #droit_policier #association_de_malfaiteurs_terroriste #justice_antiterroriste

    https://justpaste.it/8gaa0

    • Verdict du procès des attentats de Carcassonne et de Trèbes : un cours de droit et une leçon de morale
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/24/verdict-des-attentats-de-carcassonne-et-de-trebes-un-cours-de-droit-et-une-l

      Une leçon de droit, et une leçon de morale. Le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Laurent Raviot, a fait coup double, vendredi 23 février, en rendant le verdict du procès des attentats qui ont fait quatre morts à Trèbes et à Carcassonne, le 23 mars 2018. A l’issue de ce procès sans assassin ni complice (le terroriste avait été abattu par les forces de l’ordre), il a prononcé des peines nettement inférieures aux réquisitions – entre six mois et quatre ans de prison ferme – et a abandonné l’essentiel des infractions terroristes reprochées aux accusés.

      La leçon de droit ? Elle vise les magistrats chargés de l’instruction de ce dossier : quatre des cinq accusés renvoyés pour « association de malfaiteurs terroriste » ont été acquittés pour ce crime, passible de trente ans de réclusion. Un désaveu cinglant. La leçon de morale ? Elle s’adresse aux sept accusés, et plus généralement à l’environnement du terroriste, Radouane Lakdim, dont les débats ont montré que tous, ou presque, avaient conscience de sa radicalisation violente.
      Mais la morale n’est pas le droit. « L’infraction d’association de malfaiteurs terroriste implique quand même des actes matériels au soutien d’un projet terroriste, a rappelé le président. S’il n’y a pas d’acte matériel, même en cas de complaisance vis-à-vis du terroriste, on ne peut pas retenir cette infraction. Beaucoup de gens dans cette affaire ont manifesté une grande complaisance vis-à-vis du terroriste. A défaut d’une responsabilité pénale, ils ont une grande responsabilité morale. Je les laisse à leur conscience… »
      Coup de frein à l’emballement de la jurisprudence
      Par ce verdict, la cour d’assises a rappelé les limites de l’infraction phare de la justice antiterroriste, dont les contours n’ont cessé de s’étendre et de se brouiller au fil des procès, au point d’être qualifiée de « pieuvre » à l’audience par un avocat de la défense. Cette décision marque ainsi un coup de frein à l’emballement de la jurisprudence observé depuis quelques années.

      Accompagner un ami radicalisé acheter un couteau de chasse dans un magasin de pêche peut-il constituer une association de malfaiteurs terroriste si cet ami s’en sert ensuite pour commettre un attentat ? Le ministère public avait considéré que oui et avait requis dix ans de réclusion contre Samir Manaa.

      Cet ami de quartier, qui n’est pas radicalisé, avait conduit Radouane Lakdim acheter le couteau avec lequel ce dernier égorgera le colonel Arnaud Beltrame deux semaines plus tard. La cour d’assises l’a acquitté pour ce « mauvais choix », selon les termes mêmes de l’accusation, et l’a condamné à trois ans de prison pour un simple délit, une détention d’armes sans lien avec les attentats.

      Un trafic de cannabis
      Diriger un trafic de cannabis, dans lequel travaille comme revendeur un individu radicalisé qui commettra un attentat, suffit-il à qualifier ce réseau d’association de malfaiteurs terroriste ? Cette fois, même le Parquet national antiterroriste (PNAT) avait jugé qu’on allait trop loin.
      Il avait donc demandé dans son réquisitoire de requalifier les faits reprochés à Reda El Yaakoubi et Ahmed Arfaoui en simple association de malfaiteurs de droit commun relative à un trafic de drogues. Mais c’est bien pour terrorisme que ces deux accusés avaient été renvoyés par les juges d’instruction, contre l’avis du ministère public.
      Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Au procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne, trois variations autour de l’« association de malfaiteurs terroriste »

      La cour n’a finalement suivi ni les uns ni les autres, considérant que l’association de malfaiteurs terroriste n’était pas constituée et qu’elle n’était pas saisie de l’association de malfaiteurs délictuelle. Reda El Yaakoubi a été condamné à quatre ans de prison pour détention d’armes, toujours sans aucun lien avec les attentats. Ahmed Arfaoui a quant à lui été condamné à trois ans de prison pour « soustraction de preuves » pour avoir fait le « ménage » dans l’appartement du terroriste.

      Une peine clémente pour la « petite amie »
      La seule association de malfaiteurs terroriste qui a survécu à ce naufrage judiciaire est celle retenue contre la petite amie du terroriste, Marine Pequignot. Cette jeune femme de 24 ans en avait 14 quand elle a rencontré son premier amour, Radouane Lakdim, de sept ans son aîné. C’est à son contact qu’elle s’était convertie à l’islam et radicalisée. C’est contre elle que la peine la plus sévère avait été requise : onze ans de réclusion criminelle.
      C’est contre elle également qu’une des condamnations les plus lourdes a été prononcée, bien qu’elle demeure très en deçà des réquisitions : cinq ans de prison, dont deux avec sursis, ce qui a évité à la jeune femme (qui a déjà passé plus de deux ans en détention provisoire), comme à l’ensemble des quatre accusés qui comparaissaient libres, d’être incarcérée à l’issue du verdict.

      Cette fois-ci, l’association de malfaiteurs terroriste est caractérisée. Marine Pequignot a partagé la rage djihadiste de Radouane Lakdim. La relative clémence de la cour tient sans doute à son jeune âge durant sa relation avec le terroriste, et peut-être au chemin qu’elle semble avoir parcouru depuis. Les travailleurs sociaux qui l’accompagnent dans le cadre du dispositif Pairs (programme d’accompagnement individualisé et de réaffiliation sociale), un suivi en milieu ouvert de personnes radicalisées, la disent aujourd’hui « déradicalisée ».

      « Décalage »
      Le cinquième et dernier accusé jugé pour association de malfaiteurs terroriste, un jeune homme radicalisé qui avait brièvement discuté sur Facebook avec le terroriste de l’opportunité de tuer les « mécréants » trois mois avant les faits, a lui aussi été acquitté de ce crime et condamné à deux ans ferme pour « provocation à un acte de terrorisme ». Un ami du djihadiste, très instable psychologiquement, a lui été condamné à un an ferme pour « non-dénonciation de crime terroriste ».
      Lors de son réquisitoire, le PNAT avait anticipé le « décalage » entre « l’horreur absolue » des attentats et les faits reprochés aux accusés : « Juger les accusés ne veut pas dire leur faire porter le poids de l’absence », avait-il averti. A la lecture du verdict, le « décalage » était encore plus vertigineux que prévu.

  • Une projection de « La Zone d’intérêt » présentée par un collectif de militants juifs antisionistes suscite la controverse

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/05/une-projection-de-la-zone-d-interet-presentee-par-un-collectif-de-militants-

    #antisionnisme

    Johann Chapoutot, spécialiste du #nazisme, a annulé sa participation à une soirée prévue mardi 6 février autour de la #projection de La Zone d’intérêt, le film de #Jonathan_Glazer sur la vie quotidienne de Rudolf Höss, le commandant d’#Auschwitz. Organisée au Grand Action, dans le 5e arrondissement de Paris, une rencontre entre l’historien et la chercheuse en langues, littératures et cultures arabes et #hébraïques Sadia Agsous-Bienstein devait être animée par le #collectif_juif_antisioniste Tsedek !.

    « Je ne peux pas, en conscience, participer à vos activités », a écrit, le 1er février, Johann Chapoutot à Samuel Leter, membre de Tsedek ! chargé de ce ciné-club. En cause : le communiqué du collectif publié le 7 octobre 2023. Dans ce message, toujours en ligne sur Instagram, le groupe écrit : « Il ne nous appartient pas de juger de la stratégie de la résistance palestinienne. Mais il est de notre responsabilité de rappeler sa légitimité fondamentale. »

    M. Chapoutot n’en avait pas connaissance avant la parution, le 1er février, d’un article de Télérama consacré à une première annulation de cet événement, lequel aurait dû se tenir le 30 janvier au Majestic Bastille, à Paris, avec Sadia Agsous-Bienstein (#Johann_Chapoutot ayant eu une contrainte d’agenda). « Ce n’était pas possible pour moi, explique le chercheur. Je suis spécialiste du nazisme et de la Shoah, le #Hamas est un mouvement #négationniste. Tuer des enfants et violer des femmes ne sont pas des actes de #résistance. Il s’agit d’un massacre de nature #terroriste, dont la dimension #antisémite ne peut pas être contestée. »

    Simon Assoun, un des porte-parole de Tsedek !, dénonce « une lecture malhonnête de ce communiqué », citant également celui que le collectif a publié le 12 octobre : « L’ampleur et la brutalité des massacres commis (…) doivent être dénoncées pour ce qu’ils sont : des crimes de guerre. Les centaines de vies israéliennes et palestiniennes arrachées nous meurtrissent. »

    « La Shoah fait partie de notre histoire »
    Samuel Leter affirme ne pas comprendre la réaction tardive de l’historien : « Dans le mail où il a accepté de participer à la rencontre, il dit qu’il admire notre courage ! » Dans ce message du 10 janvier 2024, Johann Chapoutot fait notamment référence à l’avocat Arié Alimi : « Je connais bien votre collectif, dont j’admire le courage, tout comme celui d’Arié, qui est, je crois, des vôtres. »

    En réalité, l’historien a cru dialoguer avec #Golem, le mouvement cofondé par Arié Alimi dans la foulée de la marche contre l’antisémitisme du 12 octobre. « J’ai fait l’erreur de répondre spontanément, sans vérifier, afin d’aider ce qui me semblait devoir l’être : un collectif de juifs de gauche qui s’était opposé à la participation du RN [Rassemblement national] à la manifestation contre l’antisémitisme, le RN-FN [Front national] ayant été fondé, rappelons-le, par des vétérans de la Waffen-SS et de la Milice », explique-t-il.

    #Tsedek ! comme Golem sont marqués à gauche. Tsedek !, #décolonial, affirme « lutter contre le racisme d’Etat en France et pour la fin de l’apartheid et l’occupation en Israël-Palestine ». Golem milite contre tous les racismes et dénonce l’instrumentalisation de la lutte contre l’#antisémitisme. « Tsedek ! est une organisation qui ne dénonce pas l’antisémitisme de la gauche ou de la #France_insoumise, décrypte l’historien #Tal_Bruttmann, proche de Golem. Ils servent de paravent à des gens qui sont ouvertement antisémites et ils dénoncent l’instrumentalisation de la #Shoah dans une seule direction. »

    La rencontre du 6 février animée par Tsedek ! au Grand Action est annulée. Le #cinéma explique que « des pressions extérieures ont conduit à l’annulation de la participation des intervenant.e.s prévue.e.s ». Samuel Leter juge que ces annulations équivalent à de la censure : « Nous sommes #juifs, la Shoah fait partie de notre histoire. Il ne peut y avoir de #monopole_de_la_mémoire de la Shoah. »

    La pertinence d’un échange avec une spécialiste des littératures #palestinienne et #israélienne au sujet d’un film sur la Shoah a été débattue avant la première annulation du ciné-club, ce que déplore Sadia Agsous-Bienstein : « Tsedek !, que je connais, m’invite à parler d’un film sur la Shoah, un film sur la banalité de la vie d’une famille allemande à côté d’un #camp d’extermination. J’ai travaillé sur la Shoah et c’est un film sur la Shoah. En quoi ne suis-je pas #légitime sur la question ? Parce que je suis #algérienne ? » L’une de ses recherches, « La Shoah dans le #contexte_culturel #arabe », a été cofinancée par le #Mémorial de la Shoah.

    Ce n’est pas la première fois qu’un événement animé par Tsedek ! suscite la #controverse. En décembre, une conférence coorganisée par le collectif a été annulée par la #Mairie_de_Paris. Raison invoquée : la présence parmi les organisateurs de l’#association #Paroles_d’honneur, dont est membre la #militante_décoloniale #Houria_Bouteldja.

    #Zineb_Dryef

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  • Benoît Jacquot, un système de prédation sous couvert de cinéma
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/benoit-jacquot-un-systeme-de-predation-sous-couvert-de-cinema_6215357_3224.h


    L’actrice Isild Le Besco et le réalisateur Benoît Jacquot au 57ᵉ Festival de Cannes, le 14 mai 2004. BRUNO VINCENT / GETTY IMAGES VIA AFP

    A la suite de Judith Godrèche, plusieurs comédiennes prennent la parole dans « Le Monde » pour dénoncer des violences et du harcèlement sexuel de la part du réalisateur. Le cinéaste reconnaît certains faits.
    Par Lorraine de Foucher et Jérôme Lefilliâtre

    Dans l’amphithéâtre de Sciences Po à Paris, Julia Roy s’assoit au fond de la salle. L’étudiante de 23 ans vient écouter, ce 29 janvier 2013, la conférence d’un réalisateur qu’elle ne connaît pas, Benoît Jacquot, invité à parler de « politique de l’intime ». « Il me fixe pendant toute la séance, ça m’étonne un peu », raconte-t-elle au Monde onze ans plus tard. A la fin, elle s’approche pour saluer l’animateur de la rencontre. « Benoît Jacquot me saute dessus pour me remettre un papier avec son numéro, et me demande plusieurs fois de l’appeler. »
    Depuis son enfance autrichienne à Vienne, Julia Roy, qui n’a alors joué qu’un petit rôle dans une série télévisée, nourrit une cinéphilie précoce. Elle décide de rappeler ce cinéaste : peut-être peut-il la conseiller, elle qui rêve de faire des films ? Au restaurant Le Hangar, dans le Marais, où ils se retrouvent, « il me regarde comme un miracle ». D’après son récit, il lui fait immédiatement de grandes déclarations : « Il m’annonce qu’il va faire tous ses films avec moi, qu’il m’aidera à écrire les miens, qu’il veut m’avoir tout le temps avec lui et devant lui. » Tout juste est-il déçu en apprenant son âge : il la pensait plus jeune.
    Six ans après, en 2019, c’est une jeune femme traumatisée par la relation nouée avec le réalisateur qui s’enfuit en Autriche. « J’ai été diagnostiquée comme atteinte d’un syndrome de stress post-traumatique. » En janvier 2024, elle découvre les accusations de Judith Godrèche sur sa relation passée avec Benoît Jacquot qui ont motivé l’ouverture d’une enquête préliminaire, mercredi 7 février. Elle décide à son tour d’évoquer publiquement son vécu avec le réalisateur, composé de manipulation, de domination, de violences physiques et de harcèlement sexuel. Certains des faits qu’elle dénonce pourraient ne pas être couverts par la prescription.

    TW #domination_masculine #VSS #viol #pédocriminalité

    l’article se trouve là
    https://justpaste.it/et5dx
    avec : « C’est une histoire d’enfant kidnappée » : l’actrice Judith Godrèche porte plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot ; La lettre de Judith Godrèche à sa fille : « Je viens de comprendre. Ce truc, le consentement, je ne l’ai jamais donné. Non. Jamais au grand jamais. »

    #cinéma

    • Jacques Doillon accusé de viol, d’agression sexuelle et de harcèlement par Judith Godrèche, Anna Mouglalis et Isild le Besco
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/jacques-doillon-accuse-de-viol-d-agression-sexuelle-et-de-harcelement-par-ju

      « Le Monde » a recueilli trois témoignages visant le réalisateur de « La Fille de 15 ans ». L’avocate de M. Doillon dit vouloir réserver ses explications à la justice.

      Ce jeudi sur France Inter, Judith Godrèche a accusé le réalisateur Jacques Doillon d’agressions sexuelles sur le tournage du film La Fille de 15 ans, qui a eu lieu au printemps 1987. Il voulait, a-t-elle affirmé, « la même chose » que Benoît Jacquot, contre lequel la comédienne de 51 ans a déposé plainte mardi pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans » commis par personne ayant autorité. « Sur le tournage, c’était hallucinant. Il a engagé un acteur (…), il l’a viré et il s’est mis à la place. Tout d’un coup, il décide qu’il y a une scène d’amour, une scène de sexe entre lui et moi. On fait 45 prises. J’enlève mon pull, je suis torse nu, il me pelote et il me roule des pelles. »

      Tout cela se déroule sous les yeux de Jane Birkin, alors compagne du réalisateur, qui l’a engagée comme assistante sur le film. « Il embrassait vingt fois de suite Judith Godrèche en me demandant quelle était la meilleure prise. Une vraie agonie ! », a raconté Birkin dans son journal intime paru en 2018, Munkey Diaries. Le film La Fille de 15 ans est sorti en salles au printemps 1989.
      Lors de son interview sur France Inter, Judith Godrèche a aussi évoqué de façon sibylline, et sans entrer dans les détails, d’autres faits qui se seraient déroulés avant ce tournage, au domicile de Jacques Doillon. Dans sa plainte contre Benoît Jacquot, enregistrée le 6 février par la brigade de protection des mineurs de la police judiciaire de Paris et consultée par Le Monde, elle décrit précisément les agissements de Jacques Doillon. En l’occurrence, il s’agirait d’un viol qu’aurait commis le cinéaste sur elle, alors qu’elle avait 14 ans. Les faits auraient eu lieu rue de la Tour, à Paris, dans la maison de Jane Birkin.

      https://justpaste.it/22zms

      #parents #parentalité #témoins #non_assistance_à_personne_en_danger

    • Les trafiquants ne réservent pas leurs menées corruptives aux seuls fonctionnaires. Si les plus hautes sphères de l’Etat leur restent pour le moment inaccessibles, ils ont parfaitement compris que leur puissance financière et un pouvoir d’intimidation pratiquement sans limites fournissent autant d’arguments pour circonvenir les échelons décisionnaires locaux, au plus près de leurs besoins immédiats.

      Ici, c’est un maire qui offrira un emploi à un affidé des trafiquants, désormais placé au cœur de la machine municipale et susceptible de renseigner le réseau sur les rondes de la police municipale ou l’installation de caméras de vidéosurveillance sur le territoire de la commune ; là, c’est un employé d’aéroport qui détournera des bagages remplis de cocaïne du circuit de contrôle ; ailleurs, ce sont des dockers qui transborderont le bon conteneur pour le placer à l’endroit où des complices déchargeront la drogue sans risque d’être découverts.

      Identifier les vulnérabilités

      Les lourdes sanctions pénales (jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende pour les personnes physiques, jusqu’au double du produit de l’infraction pour les personnes morales) n’intimident guère corrompus et corrupteurs au regard du profit escompté. En mars 2023, l’interpellation d’un douanier modèle de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a mis au jour le montant des émoluments qu’il percevait pour chaque valise de cocaïne en provenance d’Amérique latine soustraite à la surveillance de ses pairs : jusqu’à 50 000 euros.

      https://justpaste.it/e52dy

      #corruption #corruption_de_basse_intensité #tricoche #drogues #trafic_de_drogue

    • Les trafiquants de drogue, stratèges de la corruption : 40 000 euros pour « passer » une valise en douane, 20 000 pour « perdre » son badge de sécurité...
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/10/selection-des-profils-et-techniques-d-approche-les-trafiquants-de-drogue-ver

      Le rapport annuel de l’Office antistupéfiants décrypte la manière dont les groupes criminels tissent leurs réseaux, en recourant aux services de salariés du privé et de fonctionnaires, rémunérés ou menacés.
      Par Antoine Albertini, Thomas Saintourens et Simon Piel

      Les groupes criminels spécialisés dans le trafic de stupéfiants ne constituent pas seulement des entreprises illégales hautement spécialisées dans les domaines de la logistique, du marketing ou de la finance. Le rapport de l’Office antistupéfiants (Ofast) montre qu’elles peuvent aussi se comporter en véritables agences de renseignement structurées au bénéfice d’un objectif : la corruption.

      Pour sécuriser les flux de marchandises, fluidifier leurs modes opératoires, réduire les risques auxquels ils se trouvent exposés, les réseaux sont désormais capables de mettre en œuvre un savoir-faire poussé en matière de recrutement de complices, avec « criblages personnalisés » des profils dignes d’intérêt et « enquêtes approfondies (...) dont le traitement peut s’inscrire dans le temps long » sur leurs vulnérabilités ou leurs centres d’intérêt (addictions diverses, besoins économiques, voire quête de statut social). « Une approche tentaculaire », résume le document, qui fait de chaque personne corrompue un recruteur potentiel dans son cercle intime ou professionnel. Et si les promesses de gains échouent, l’intimidation prend le relais avec une efficacité comparable, sinon supérieure.

      Pour parvenir à leurs fins, les trafiquants ne manquent ni d’idées ni de ressources. Leurs menées ne les dirigent pas seulement vers les profils à haute valeur ajoutée. La tendance s’inscrit même à rebours de cette idée reçue. « Enjeu majeur d’une riposte régalienne », la corruption dite de « basse intensité » constitue non seulement une dynamique « préoccupante » mais encore « difficilement quantifiable ». Son principe est simple : recruter, au profit du réseau, des « agents intermédiaires » disposant d’« attributions qui semblent anodines mais ont en commun une capacité à accéder à des lieux ou à des données primordiales pour favoriser la réussite de l’entreprise criminelle ».

      Puissance financière
      Ces salariés du secteur privé (employés de sociétés de manutention, grutiers sur un port), ces douaniers, policiers ou greffiers, « acteurs indispensables au trafic », « constituent la cible principale des réseaux ». Ces derniers, parce qu’ils sont parfois sollicités pour des actes sans grande conséquence apparente, n’ont pas « toujours conscience de participer pleinement à une activité criminelle d’ampleur ».
      Les grilles tarifaires pratiquées par les réseaux illustrent leur puissance financière et les bénéfices que les corrompus peuvent tirer du « pacte corruptif ». La « perte » d’un badge permettant l’accès à une zone portuaire se négocie entre 20 000 et 60 000 euros ; le placement d’un conteneur bourré de cocaïne dans une zone spécifique d’un port, sa porte « orientée vers l’extérieur » pour faciliter son déchargement, 50 000 euros ; l’introduction d’une puce téléphonique en prison par un surveillant pénitentiaire, entre 500 et 2 000 euros. Parfois, nul besoin d’agir : la corruption repose non sur une action mais sur une omission, ce qui la rend indolore ou presque pour la conscience des corrompus. L’exemple le plus flagrant : le salarié d’un fournisseur d’énergie qui s’abstiendra de signaler des anomalies sur le réseau électrique, comme une surconsommation en un point identifié, révélatrice sans équivoque d’une intense activité de culture de cannabis indoor.

      « Aucune profession n’est épargnée », pointait Stéphanie Cherbonnier devant la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic le 27 novembre 2023. La cheffe de l’Ofast n’ignore pas la difficulté de l’exercice. Dans son service même, certains fonctionnaires se sont retrouvés soupçonnés d’atteintes à la probité, comme un brigadier mis en examen en janvier 2021 notamment pour blanchiment, violation du secret professionnel et détournement de fichiers. Un temps incarcéré, il a été placé depuis sous contrôle judiciaire.

      L’impossible quantification
      Comment lutter contre un « phénomène particulièrement inquiétant » ? Le droit français dispose d’un « arsenal juridique permettant de réprimer précisément les atteintes à la probité », souligne encore le rapport. Mais cette spécialisation infractionnelle, assise notamment sur la distinction entre corruption active et passive pour permettre les poursuites pénales à l’encontre des corrupteurs comme des corrompus, se révèle un outil à double tranchant : très précis mais, pour cela, complexe à mettre en œuvre au regard des exigences légales. Aussi, le pacte corruptif n’est que rarement démontré et les magistrats se retrouvent contraints d’user d’expédients juridiques.

      La plupart du temps, l’agent corrompu se trouve ainsi mis en examen des chefs de complicité de trafic de stupéfiants, voire d’association de malfaiteurs. L’infraction de corruption « n’est que rarement retenue ». Cette technique permet certes à la justice de prononcer parfois des peines plus lourdes que celles administrées en matière de corruption. Mais elle emporte une regrettable conséquence : impossible « de quantifier réellement l’ampleur de la corruption de basse intensité, ni l’influence réelle des trafiquants de stupéfiants en France » dans ce domaine.

  • La France condamnée par la CEDH pour une nasse policière dans une manifestation en 2010
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/la-france-condamnee-par-la-cedh-pour-une-nasse-policiere-dans-une-manifestat

    La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, jeudi 8 février, la France pour le recours sans base légale à une nasse policière lors d’une manifestation [pour les retraites] en 2010 à Lyon, estimant qu’il y avait eu des violations des #libertés de circulation, de réunion et d’expression. C’est la première fois que la France est condamnée pour cette pratique policière d’encerclement de manifestants, selon une source au sein de la cour.
    La CEDH note cependant que si l’utilisation d’une nasse policière était dépourvue de cadre légal à l’époque des faits, il y a près de quinze ans, le ministère de l’intérieur a, depuis, publié un nouveau schéma national de #maintien_de_l’ordre, en décembre 2021, qui encadre cette technique dans la doctrine des forces de l’ordre.
    [...]
    L’avocat des requérants, Me Patrice Spinosi, a salué « une victoire de principe, qui démontre que l’usage de la pratique des “nasses” ou de “l’encerclement” (…) était illicite en France avant l’entrée en vigueur du schéma national du maintien de l’ordre, en décembre 2021 ».
    « Selon la CEDH, le fait que cette pratique soit désormais encadrée n’équivaut pas à un blanc-seing pour les forces de l’ordre. Elle juge que l’usage disproportionné du “nassage” est susceptible de porter atteinte non seulement à la liberté d’aller et venir mais encore à la liberté d’expression », ajoute Me Spinosi dans une réaction transmise à l’Agence France-Presse.

    #CEDH Police #nasse #En_marche

  • JO 2024 : les « quatre mousquetaires » du comité d’organisation ciblés par le PNF
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/07/jo-2024-les-quatre-mousquetaires-du-comite-d-organisation-cibles-par-le-pnf_

    Outre Tony Estanguet, les principaux dirigeants du Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 sont visés par plusieurs procédures pénales notamment pour des soupçons de « favoritisme » et de « prise illégale d’intérêts ».

    Pas d’inquiétudes, ils n’ont pas eu de mot malheureux de soutien à l’égard des palestiniens, ils ne seront pas obligés de quitter leur poste.

  • Dans les outre-mer, le sujet miné du « réarmement démographique »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/dans-les-outre-mer-le-sujet-mine-du-rearmement-demographique_6215091_3224.ht

    Dans les outre-mer, le sujet miné du « réarmement démographique »
    Par Nathalie Guibert
    Fin 2023, lors de l’examen du budget au Parlement, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a dû retirer une mesure destinée à inciter les Français résidant dans l’Hexagone à s’installer dans les territoires ultramarins.D’ambition modeste, mal concerté avec les élus locaux, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2024 visait à attirer des compétences dans des économies confrontées à une dépopulation sévère, surtout aux Antilles. Prévu pour quelque cinq cents bénéficiaires par an, il a été qualifié de texte de « recolonisation » au sein du groupe communiste de l’Assemblée. Jean-Philippe Nilor, député La France insoumise de Martinique, est allé jusqu’à dénoncer un « génocide par substitution ». Pour sortir du piège, le gouvernement a réécrit l’article 55 pour cibler les ultramarins. Les décrets d’application paraîtront en avril.
    L’épisode illustre la sensibilité, en outre-mer, d’une déclinaison du « réarmement démographique » souhaité par le président Macron. Si certains départements, comme Mayotte ou la Guyane, connaissent une forte croissance qui pose d’immenses défis, ce sont les départements menacés de se dévitaliser, comme la Martinique, la Guadeloupe et, dans une moindre ampleur, La Réunion, qui appellent des mesures rapides.
    Sous le thème « Refaire péyi », la chaire Outre-mer de Sciences Po a retenu la crise démographique pour sa première conférence, le 6 décembre 2023. Un mois plus tôt, une mission d’information sénatoriale alertait sur la situation de la Martinique, où les établissements scolaires ont accueilli 1 000 élèves de moins d’un coup à la rentrée de septembre. « Si on ne fait rien, dans trente ans, ce sera l’extinction de la race des Martiniquais », a déclaré, devant les étudiants de Sciences Po, la sénatrice Catherine Conconne (groupe Socialiste, écologiste et républicain).
    En 2021, la Guadeloupe comptait 384 300 habitants. L’Insee estime que l’archipel tombera à 314 000 habitants dans moins de vingt ans. A La Réunion, tendance similaire bien que moins rapide : en 2030, 30 % de la population aura plus de 65 ans.
    La prise de conscience de la gravité de la situation a commencé avec la première enquête « Migrations, famille, vieillissement », lancée en 2009 par l’Insee avec l’Institut national d’études démographiques (INED). Le conseil départemental de Guadeloupe a depuis créé son propre observatoire départemental du vieillissement et du handicap. La Réunion a lancé un « salon du retour » annuel. Partout, des associations se mobilisent pour accueillir ceux qui souhaitent revenir, notamment les jeunes diplômés.
    Un rapport du Sénat avait mentionné, en 2014, un « risque de violence démographique dans les outre-mer », termes du spécialiste de l’INED, Claude-Valentin Marie. « Violence », car le phénomène s’illustre par sa rapidité : ce qui s’est produit en un siècle et demi dans l’Hexagone a pris cinquante ans dans les outre-mer. La baisse « extrêmement importante de la fécondité » se conjugue à une « fuite des cerveaux » vers la France métropolitaine, « ceux qui restent étant destinés à une précarité plus importante », explique ce démographe.« En 2010, la proportion de personnes de plus de 60 ans demeurait plus importante dans le Limousin que dans les Antilles. En 2040, cela ne sera plus le cas », résume le chercheur de l’INED : « Si l’attractivité de ces territoires ne bouge pas, qui prendra en charge le vieillissement ? » Emploi, aide sociale, santé, retraite, les conséquences seront nombreuses, sur des territoires à la situation sociale déjà plus fragile que dans l’Hexagone.
    Le sujet de la dépopulation rappelle en outre un moment d’histoire controversé. De 1963 à 1981, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer, mis en place par l’Etat, avait « ponctionné » 160 000 travailleurs des Antilles et de La Réunion pour les faire venir en métropole.Nourri par l’appel des fonctionnaires et des étudiants, ce mouvement a généré une « migration de masse », selon le géographe de l’université des Antilles Cédric Audebert. « On a compté des dizaines de milliers de départs de Martinique dans le cadre de cette politique de Michel Debré, qui visait, en fait, à dégonfler les risques d’émeutes dans nos départements jugés trop remuants », affirme la sénatrice Conconne. « Nous avons besoin aujourd’hui d’une aide au retour sérieuse. »
    La démographie renforce les fortes attentes des ultramarins vis-à-vis de l’Etat. Pour fluidifier leurs mobilités, par le transport aérien notamment, les moyens alloués à la « continuité territoriale » entre Paris et ces régions éloignées ne cessent d’augmenter : 23 millions d’euros ont été ajoutés dans le budget 2024, pour atteindre 93 millions d’euros.Quant à L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), elle opère sa révolution : « Pour la première fois, l’Etat accepte de financer une mobilité Hexagone – outre-mer », souligne son directeur général, Saïd Ahamada. « Nous avons mis sur pied un dispositif de retour. Cela revient non plus seulement à aider les personnes à bouger ou à se former ailleurs, mais à aider les territoires. » Ladom dispose de 2 millions d’euros annuels pour son programme « cadres d’avenir » qui accorde une bourse mensuelle de 800 euros aux étudiants ultramarins à condition qu’ils commencent à travailler dans un de leurs départements. Imaginé pour la Guadeloupe et Mayotte, il sera étendu en 2024 à la Guyane et à la Martinique.
    Destiné aux travailleurs déjà expérimentés, le futur « passeport pour le retour au pays » issu de l’article 55 controversé sera, lui, lancé au printemps. Ladom dit s’inscrire dans une « logique de droits », qu’il conviendra de financer à mesure que les demandes croîtront. « L’objectif n’est pas de repeupler les outre-mer. L’Etat donne un signal, il veut rassurer ceux qui veulent rentrer sur le fait qu’ils seront accompagnés, explique M. Ahamada. Nos outils ne suffiront de toute façon pas si les territoires ne développent pas leur attractivité avec des projets économiques. » Nathalie Guibert

    #Covid-19#migrant#migration#france#mobilite#vieillissement#demographie#fecondite#mayotte#lareunion#martinique#guadeloupe#migration#depopulation

  • Naufrage de migrants dans la Manche : une association porte plainte contre les secours en mer
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/naufrage-de-migrants-dans-la-manche-une-association-porte-plainte-contre-les

    Naufrage de migrants dans la Manche : une association porte plainte contre les secours en mer
    Par Julia Pascual
    Une plainte pour « homicide involontaire » et « omission de porter secours » a été déposée, vendredi 2 février, à l’encontre du directeur du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez (Pas-de-Calais), du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord et des gardes-côtes anglais. Dans cette plainte transmise au procureur de la République du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), dont Le Monde a pris connaissance, l’association d’aide aux migrants Utopia 56 met en cause la façon dont les autorités françaises et britanniques ont traité, le 14 décembre 2022, l’appel à l’aide d’une embarcation pneumatique qui tentait de rejoindre l’Angleterre.
    Au moins quatre personnes sont mortes noyées cette nuit-là et trente-neuf ont été secourues par les Britanniques et un chalutier, parmi lesquelles des ressortissants d’Afghanistan, d’Irak, du Sénégal et d’Inde.« Bonjour mon frère, nous sommes dans un bateau et nous avons un problème. S’il vous plaît, à l’aide. Nous avons des enfants et la famille dans le bateau. Et un bateau, de l’eau qui arrive. Nous n’avons rien pour le sauvetage, pour la sécurité. S’il vous plaît, aidez-moi mon frère. S’il vous plaît. S’il vous plaît. S’il vous plaît. Nous sommes dans l’eau, nous avons une famille. » A 2 h 54, cette nuit-là, l’association Utopia 56 reçoit un message de détresse vocal sur son téléphone d’urgence, par l’application WhatsApp. Il laisse entendre des personnes en pleurs et un moteur en marche. Le canot pneumatique partage sa localisation, dans les eaux françaises.
    Quelques minutes plus tard, l’association transmet l’information par téléphone au Cross de Gris-Nez, l’instance qui coordonne les secours en mer côté français. Un mail est envoyé dans la foulée au Cross ainsi qu’aux secours anglais. « Problème : eau dans le bateau (…) Il y a des familles avec des enfants à bord (…) Ils demandent de l’aide de façon urgente », y précise l’association.
    Que s’est-il alors passé ? « En dépit des informations communiquées (…), les services de secours français, tout comme les services de secours britanniques, ne sont pas intervenus sans délai, estime Utopia 56 dans sa plainte. Il apparaît en effet que le premier bateau des secours britanniques a quitté la côte à 3 h 40, soit plus de quarante minutes après l’appel de l’association. » Les secours anglais ont diffusé un « Mayday » faisant état du canot en train de couler à 4 h 21. D’après le communiqué du Cross diffusé le lendemain du naufrage, le canot aurait continué de progresser jusqu’aux eaux anglaises, après l’alerte donnée par Utopia 56. Le Cross aurait fait relocaliser l’embarcation et exercer une « veille attentive » par deux navires commerciaux successivement avant que les Britanniques n’envoient des secours.
    Le déroulé des événements relatés par Utopia 56 dans sa plainte combine des éléments communiqués par la préfecture maritime, des images prises par un chalutier anglais, l’Arcturus, qui a porté secours à l’embarcation, ainsi que les déclarations de son capitaine relayées dans la presse. L’association s’appuie aussi sur un rapport publié en décembre 2023 par le réseau d’activistes Alarm Phone, qui a notamment assisté en Angleterre au procès – toujours en cours – d’Ibrahim Bah, un Sénégalais de 19 ans qui conduisait l’embarcation cette nuit-là. Il est poursuivi pour « homicide involontaire » et « violation des lois sur l’immigration ». Les audiences ont notamment été l’occasion pour plusieurs rescapés de témoigner des circonstances du naufrage.
    A travers cet ensemble d’éléments, il apparaît que les migrants auraient appelé d’eux-mêmes les secours français, sans résultat, tandis que de l’eau entrait dans le canot. Les passagers en détresse se seraient par ailleurs portés vers un premier bateau de pêche qui aurait refusé de leur porter secours. Puis ils se seraient portés vers l’Arcturus, qui pêchait des coquilles Saint-Jacques dans les eaux britanniques, à environ 14 kilomètres des côtes anglaises. Pour attirer l’attention, les passagers auraient appelé à l’aide et plusieurs d’entre eux auraient sauté à l’eau pour nager jusqu’à s’agripper au filet de pêche du chalutier.
    Les rescapés ont rapporté lors du procès que la panique augmentait à bord du canot avarié. Ses occupants se seraient levés et l’effet conjugué de leur poids et de leur agitation aurait fait céder le plancher. « Comme le bateau s’est effondré sur lui-même, faisant tomber une partie des gens, certains sont restés coincés à l’intérieur », aurait déclaré un rescapé, d’après Alarm Phone.
    Finalement, l’équipage de l’Arcturus est parvenu à accoster le canot et à l’accrocher par une corde pour ensuite commencer à faire monter à son bord des naufragés. Sur des images prises par les pêcheurs, et diffusées par la presse britannique, on voit des personnes dans l’eau au milieu des boudins pneumatiques. D’après le communiqué du Cross, la température de la mer était de l’ordre de 10 degrés, « réduisant la durée de survie d’un naufragé à moins de deux heures ». Les personnes « sont restées pendant un long moment dans les eaux glacées de la Manche, en cherchant à s’accrocher à l’embarcation dégonflée dans l’attente de l’arrivée des secours », détaille la plainte.
    Une photo prise par l’équipage de l’Arcturus montre notamment le cadavre flottant d’un homme qui s’était accroché à une corde du chalutier. Au moins quatre personnes sont mortes noyées cette nuit-là mais cinq autres pourraient avoir disparu, le nombre de passagers n’étant pas connu de façon certaine.Dans son rapport, Alarm Phone s’interroge sur les moyens déployés par les pêcheurs pour secourir les migrants, sans jamais jeter de radeaux ou de gilets de sauvetage, mais prenant le temps de faire des images. Une façon de souligner le manque de maîtrise de la procédure par les pêcheurs, « alors que les services français avaient les moyens opérationnels d’intervenir immédiatement », souligne Utopia 56, convaincue que « le renvoi de responsabilité entre les services a immanquablement retardé le début de l’opération de recherche ».
    Des traversées « de plus en plus dangereuses »
    En 2023, un peu moins de 30 000 migrants ont rejoint les côtes anglaises par la mer, contre plus de 45 000 en 2022. Douze personnes sont décédées au cours de l’année, a précisé vendredi le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Marc Véran, lors d’une conférence de presse. Il a également regretté des traversées « de plus en plus dangereuses », notamment du fait d’embarcations davantage chargées et parce que « certains migrants en détresse n’acceptent pas notre assistance ».
    Le préfet a aussi déclaré avoir fait des « signalements » pour dénoncer « des associations » qui font « le jeu des passeurs » en avertissant le Cross de « faux départs » et de « fausses urgences ». « On est obligé d’envoyer des secours là où il n’y a rien du tout, a-t-il assuré. Ça leurre les forces de sécurité. » « Le préfet accuse les associations sans aucun fondement et cherche simplement à détourner l’attention et à se dédouaner », réagit Nikolaï Posner, d’Utopia 56. Une instruction pénale sur les circonstances du naufrage survenu le 24 novembre 2021, au cours duquel au moins vingt-sept personnes sont mortes, est par ailleurs toujours en cours. Dans ce cadre, sept militaires du Cross et du patrouilleur de service public Flamant sont notamment mis en examen pour « non-assistance à personne en danger ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#manche#merdunord#traversee#mortalite#ong

  • Les troubles du neurodéveloppement chez les enfants, un enjeu de santé publique
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/autisme-dys-tdah-les-troubles-du-neurodeveloppement-enjeu-de-sante-publique_

    Autisme, « dys », TDAH… en première ligne en ce qui concerne le dépistage, les médecins, psychiatres et pédiatres interrogent la prévalence de ces troubles et leur écho à l’école.

    Troubles du spectre de l’autisme (TSA), trouble déficit de l’attention avec – ou sans – hyperactivité (TDAH), dyslexie mais aussi dyscalculie, dysorthographie, dyspraxie ou dysgraphie, troubles du développement intellectuel (#TDI)… Dans les salles de classe, nombre d’enseignants ont le sentiment d’être face à un « envol » des cas. Du côté des médecins psychiatres, pédiatres et autres acteurs de la santé, on évoque les chiffres avec prudence, aussi parce qu’« il n’existe pas à proprement parler d’étude épidémiologique spécifique à la France et [qu’]il nous faut encore raisonner en transposant des études internationales à la situation démographique française », explique le médecin de santé publique Etienne Pot, nommé, en novembre 2023, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du #neurodéveloppement, ou « TND », les trois lettres qui renvoient à l’ensemble de ces affections.

    Il n’empêche, par extrapolation d’enquêtes menées aux Etats-Unis, et convergeant avec d’autres résultats au Royaume-Uni, au Canada et en Australie notamment, les cliniciens font état d’une incidence forte. Et même, semble-t-il, de plus en plus forte : aux Etats-Unis, 17,8 % des enfants étaient affectés de TND durant la période 2015-2017, contre 16,2 % dans les années 2009-2011, selon l’étude du chercheur et statisticien en santé Benjamin Zablotsky publiée dans Pediatrics, en 2019, qui fait référence.

    Dans de nombreux pays depuis une vingtaine d’années, la prévalence de ces troubles semble suivre une tendance haussière, particulièrement pour les #TSA et #TDAH. Au point qu’on évoque, sur le terrain, jusqu’à une personne sur six qui pourrait être concernée. Un enjeu de #santé publique.
    [...]
    Une urgence autour de laquelle enseignants et soignants se rejoignent. « Dans une classe ordinaire de 25 à 30 élèves, vous avez toutes les probabilités statistiques d’avoir au moins un #enfant présentant l’un de ces troubles, relève la pédopsychiatre Frédérique Bonnet-Brilhault, responsable du Centre d’excellence EXAC-T du CHRU de Tours et des Hôpitaux universitaires du Grand-Ouest. Le dépistage précoce fait qu’on accompagne sans doute aujourd’hui plus longuement dans les parcours scolaires des enfants qui, il y a vingt ans, sans diagnostic, avec des troubles plus bruyants, ont probablement été plus rapidement en décrochage ou écartés de l’#école. »

    Les progrès du dépistage expliquent-ils, alors, la courbe haussière ? Oui, répondent les spécialistes. Mais sans doute pas à eux seuls. « Les critères et les bornes diagnostiques ont évolué, de même que nos connaissances scientifiques, reprend la professeure Bonnet-Brilhault. Mais on ne peut pas exclure le rôle de facteurs environnementaux, sur lequel la recherche scientifique a commencé à se pencher. Ils ne sont jamais “causaux” à eux seuls, mais ils peuvent jouer sur les vulnérabilités génétiques établies. »
    Alimentation, modes de vie, exposition à certains polluants ou à des perturbateurs endocriniens… ces « nouveaux » risques sont sous les projecteurs. Le lancement en 2023 de la cohorte Marianne, qui vise, en suivant plus de 1 700 familles, à renforcer les données épidémiologiques françaises, doit aussi permettre d’évaluer les facteurs multiples – et le rôle de chacun – dans la survenue des #TND. Dans l’optique de pouvoir agir dans le domaine de la prévention dès la grossesse, la prématurité étant un facteur de risque important des TND.

    https://justpaste.it/ezcls

    Ecole inclusive : un système qui craque et varia
    https://seenthis.net/messages/1040363

    #AESH