• Cachez ces #inégalités que je ne saurais voir - Une heure de peine...
    http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2017/10/cachez-ces-inegalites-que-je-ne-saurais.html

    Mais le plus étrange est que, même si l’on prend cet exemple dans le sens que lui prête B&G, on se demande bien où est la #sociologie dans cette histoire. Faut-il croire que les enfants de l’immigration non-asiatique sont abreuvés de Bourdieu à la maison ? Les parents lisent-ils Bernard Lahire à leurs enfants pour les endormir le soir ? Font-il un pèlerinage annuel sur la tombe de Durkheim ? Ecrivent-ils « l’ennemi principal » sur le dos de leurs blousons ? Ce que l’exemple permettrait éventuellement de montrer, c’est qu’il n’y a guère besoin des explications sociologiques pour croire au « #déterminisme » : en faire l’expérience quotidienne, par les interactions avec l’école, par la « matérialité du monde » comme disent les sociologues pragmatiques (étonnamment absents de l’ouvrage, alors qu’ils constituent l’un des courants les plus importants de la sociologie française...), par l’expérience pratique que l’on acquiert semble bien suffisant. Si les acteurs perçoivent le monde où ils vivent comme plus ou moins fermé, plus ou moins déterminé, c’est sans doute moins à cause de la sociologie que du fait de la vie qu’ils mènent, de l’expérience qu’ils ont du monde qui les entoure. Qu’ils ne soient pas des « idiots culturels », la sociologie s’en est précisément rendue compte depuis un certain temps...

    Mais surtout la mobilisation de cet exemple pose une question grave quant aux conséquences que l’on pourrait tirer du bouquin de B&G, et révèle peut-être un enjeu plus profond et non explicité. En effet, en disant que présenter un « récit déterministe » risque d’avoir un effet performatif (risque qui, comme je viens de le montrer, n’est guère convaincant), B&G amènent naturellement à penser qu’il vaudrait mieux taire l’existence de ces déterministes, fussent-ils simplement probabilistes. Que la mobilité sociale soit faible est sans doute plus marquant que de savoir si cela s’explique par les différences de capital culturel - à la Bourdieu - ou par les stratégies rationnelles des acteurs - à la Boudon (Boudon qui, d’ailleurs, est à mon sens encore plus « fataliste » que Bourdieu puisqu’il ne laisse littéralement aucun échappatoire, toute tentative pour favoriser l’égalité des chances étant destinée à échouer du fait des calculs rationnels des acteurs...). De fait, ce qui est, si l’on suit le raisonnement de B&G, gênant, c’est que la sociologie mette à jour l’existence de ces inégalités, beaucoup plus que comment elle les explique. Et on en vient à avoir deux auteurs, sociologues de profession, déclarant aimer et vouloir défendre leur discipline, défendant la science et la neutralité axiologique, qui viennent suggérer qu’il ne faudrait pas parler d’un résultat scientifique comme le niveau de mobilité ou de reproduction sociale au nom de... au nom de quoi finalement ? D’un « politiquement correct », d’une « bien pensance », d’une croyance aveugle dans l’égalité des chances qui, bien que statistiquement fausse, scientifiquement irrationnelle, serait préférable pour les acteurs à la connaissance.

    « Cachez ces inégalités que je ne saurais voir » : pris au sérieux, c’est à cela que mène le raisonnement de B&G. Parler des inégalités, dire leur existence, dire que les chances ne sont pas égales, serait au pire une mauvaise chose, au mieux un savoir qu’il faudrait réserver à une petite élite, celle qui un jour se lancera dans des études de sociologie ou de sciences sociales et qui, alors, sera peut-être prête à recevoir ce secret qui brûlerait les yeux et les oreilles des profanes. Il m’est difficile de savoir si c’est là une intention des auteurs ou un simple « effet émergent » ou « pervers » (je suis taquin) de leur positionnement. Mais il y a là un problème à soulever.

  • Mais que devient l’#argent des #pauvres ? - Une heure de peine...
    http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2017/07/mais-que-devient-largent-des-pauvres.html

    Ce sur quoi insiste Matthew Desmond, et bien d’autres chercheurs, c’est que ces dépenses ne sont pas la cause de la pauvreté : tout au contraire, elles en sont la conséquence. C’est parce que l’on a si peu que tout utilisation vertueuse de son argent, toute tentative d’accumulation, d’épargne, de sauvegarde est vouée à l’échec. Ou plutôt demanderait des sacrifices si importants et si incertains qu’il est beaucoup plus rationnel de ne pas les faire : il vaut mieux se faire un festin de homard aujourd’hui, quitte à avoir faim tout le mois, plutôt d’avoir faim pendant plusieurs années pour pouvoir, peut-être, si la conjoncture et la providence le permettent, si l’on ne se fait pas voler ou tuer avant, si l’on ne tombe pas malade, et si l’on trouve comment faire, stabiliser un tout petit peu sa situation... C’est l’une des discussions centrales d’Evicted, même si elle est éparpillée entre les chapitres et les notes de fin : Matthew Desmond démonte sciemment les arguments autour de la « culture de la pauvreté », l’idée selon laquelle les pauvres seraient pauvres parce qu’ils auraient certains comportements particuliers. Il insiste sur le fait que « la pauvreté, c’est la pauvreté », autrement dit que la situation économique à elle seule permet de comprendre ce que font les individus, qu’elle est une cause avant d’être une conséquence, qu’on n’a pas besoin de la théoriser en lui adjoignant une « culture »... Et que, finalement, si chacun d’entre nous se retrouvait à vivre comme les plus pauvres, il ferait probablement pareil.

    #sociologie

    • Vraiment ? vous pouvez lire des recherches qui partent de ce prorata ?

      Il y a quelque chose de vrai là-dedans : si les pauvres sont pauvres, c’est bien, en partie au moins, parce que leurs revenus sont dépensés de façon excessive, d’une façon qui les enferme dans leur situation précaire.

    • Dans son ethnographie des expulsions à Milwaukke, Matthew Desmond refuse précisément de nier ces problèmes : “il y a deux façons de déshumaniser les gens”, note-t-il, “leur nier toute vertu, les absoudre de tout péché” ("There are two ways to dehumanize : the first is to strip people all virtue, the second is to cleanse them of all sin", p. 378).

    • Sur l’#immobilier, la #location et la #guerre_aux_pauvres

      Quand les immeubles ont commencé à apparaître à New York au milieu du XIXe siècle, les loyers dans le pire ghetto étaient 30% plus élevé que dans les beaux quartiers. Dans les années 1920 et 1930, les loyers pour les habitations vétustes des ghettos noirs de Milwaukee, de Philadelphie et d’autres villes du Nord était plus élevés que ceux pour de biens meilleurs logements dans les quartiers blancs. A la fin des années 1960, les loyers dans les plus grandes villes était plus élevés pour les Noirs que pour les Blancs pour des logements équivalents. Les pauvres ne se concentrent pas dans les quartiers en mauvais état parce que les loyers y sont moins élevés. Ils sont là - et c’est tout particulièrement le cas pour les Noirs pauvres - parce qu’ils y sont autorisés.
      Les propriétaires des logements du bas du marché ne baisse généralement pas les prix pour satisfaire la demande et éviter le coût des impayés et des expulsions. Il y a des coûts à éviter ces coûts. Pour beaucoup de propriétaires, il est moins cher de supporter le coût d’une expulsion que de remettre leur bien en état. Il est possible d’économiser des coûts de maintenance si les locataires ont continuellement des loyers de retard (were perpetually behind). Et beaucoup de locataires propres ont continuellement des loyers en retard parce que leur loyer est trop élevé (p. 75).

      +

      ’il y a bien là quelque chose qui explique la pauvreté des plus fragiles : une forme d’exploitation de leur précarité

      Le #marché_de_la_pauvreté est un nouvel eldorado, s’y engouffrent les formateurs de CV, l’anpe, toutes les administrations et contrôleurs de pauvres, les assistantes sociales, les propriétaires qui leur font payer leur maison en louant des studios, et en plus il faut dire merci

      le pauvre fait décidément vivre beaucoup de gens sur son dos pouilleux, respect !

  • L’origine des #inégalités d’origine - Une heure de peine...
    http://uneheuredepeine.blogspot.com/2017/03/lorigine-des-inegalites-dorigine.html
    Super article de Denis Colombi, au sujet des inégalités entre les élèves selon leur origine dans le système scolaires français. Ça part d’une prise de parole foireuse et assez lamentable de Villani il y a quelques mois. Sources et chiffres très complets à l’appui.
    #éducation #racisme #discriminations #classes_sociales