Evolution des pratiques contraceptives : les femmes précaires sont, de fait, moins bien protégées | INED
▻http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/bdd/publication/1685
Les pilules contraceptives de 3e et 4e génération ont fait l’objet d’un débat médiatique en France à partir de décembre 2012 à propos du risque de thrombose veineuse profonde associé à leur utilisation. Elles ont cessé d’être remboursées par la Sécurité sociale depuis mars 2013. L’enquête Fécond permet d’étudier l’impact de ces événements sur les pratiques contraceptives (…).
Aucune désaffection vis-à-vis de la contraception n’a été observée : parmi les femmes concernées par la contraception – ni stériles, ni enceintes, ayant des rapports hétérosexuels et ne voulant pas d’enfant – seules 3 % n’utilisent aucune contraception, soit la même proportion qu’en 2010. Les méthodes utilisées pour éviter une grossesse ont cependant évolué. (…) Le recours à la pilule a baissé, passant de 50 % à 41 % entre 2010 et 2013. Cette diminution prolonge celle de 5 points observée entre le milieu des années 2000 et l’année 2010. En l’espace d’une décennie, le recours à la contraception orale a ainsi reculé
de 14 points en France. (…)
Les femmes sans aucun diplôme ont davantage que les autres délaissé les pilules récentes au profit des méthodes les moins efficaces (dates, retrait), tandis que celles qui détiennent un CAP ou un BEP ont opté pour le préservatif, et les plus diplômées (Bac + 4) pour le DIU [stérilet].
Les femmes cadres qui étaient auparavant les principales utilisatrices des pilules de 3e et 4e génération, ont compensé la baisse du recours à la pilule en se tournant vers le stérilet et, pour certaines, vers des méthodes dites naturelles (dates, retrait), sans doute par rejet de toute contraception à base d’hormones. À l’autre extrémité de la hiérarchie sociale, les femmes ouvrières, initialement moins enclines à recourir aux contraceptifs de nouvelle génération, n’ont pas modifié leurs pratiques contraceptives. Quant aux femmes de professions intermédiaires et techniciennes, elles ont délaissé les pilules de 3e et 4e génération pour un recours plus fréquent aux contraceptifs de 2e génération et au préservatif ; les employées se sont tournées vers le préservatif.
Plus largement, tandis que les femmes n’ayant pas de difficultés financières ont opéré un transfert partiel des nouvelles pilules vers les contraceptifs oraux plus anciens, celles dans une situation financière difficile se sont en partie tournées vers les méthodes dites naturelles. C’est le cas notamment des femmes nées dans un pays d’Afrique subsaharienne qui ont fortement réduit leur usage des pilules (– 39 %) pour se tourner vers ces méthodes (26 % en 2013 contre 5 % en 2010).
(…) Les effets de la crise économique sur les pratiques contraceptives, déjà notables entre 2000 et 2010 pour les 20-24 ans, semblent désormais concerner l’ensemble de la population. Les catégories sociales les plus précaires ont de fait une couverture contraceptive moins efficace aujourd’hui en raison d’un moindre recours à la pilule et d’une plus grande utilisation de méthodes dites naturelles. Certes, les pilules de 2e génération sont toutes remboursées, de même que le stérilet et l’implant, et certaines pilules de 3e génération sont aujourd’hui des produits génériques moins coûteux. Cependant, l’avance du prix d’une consultation médicale peut poser problème, notamment pour les jeunes femmes qui souhaitent que leur pratique contraceptive soit confidentielle et ne tiennent donc pas à faire apparaître une consultation médicale sur l’assurance sociale de leurs parents. Enfin, il faut rappeler que le préservatif, une des principales méthodes de contraception utilisée en début de vie sexuelle, n’est pas remboursé. L’enjeu de la gratuité de l’accès aux méthodes de contraception, un des freins de l’accès aux méthodes les plus efficaces, est donc plus que jamais d’actualité.