Plusieurs personnalités de droite et d’extrême droite ont demandé l’application de ce régime d’exception en réponse aux violences urbaines qui touchent le pays depuis jeudi.
Par Assma Maad, Pierre Breteau et Gary Dagorn
Publié hier à 20h26, modifié à 01h19
Le gouvernement avait d’abord écarté un recours à l’état d’urgence en réponse aux émeutes qui ont éclaté après la mort du jeune Nahel M., tué par un policier lors d’un contrôle routier. Mais, après trois nuits d’émeutes, la première ministre, Elisabeth Borne, a déclaré, vendredi 30 juin, que « toutes les hypothèses » seraient examinées, « avec une priorité, le retour de l’ordre républicain sur tout le territoire ».
Plusieurs personnalités de droite et d’extrême droite ont réclamé l’instauration « sans délai » de cette mesure d’exception, arguant que l’état d’urgence permettrait de « ramener l’ordre et la paix ».
Qu’est-ce que l’état d’urgence ?
Créé par la loi du 3 avril 1955 lors de la guerre d’Algérie, et modifié à plusieurs reprises depuis, l’état d’urgence est un régime d’exception qui peut être instauré sur tout ou partie du territoire français, en cas de « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou d’« événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Il est déclaré en conseil des ministres et ne peut être prolongé au-delà de douze jours que par le vote d’une loi au Parlement.
Ce régime renforce les pouvoirs des autorités civiles et permet de restreindre les libertés publiques sans l’intervention du pouvoir judiciaire, qui d’ordinaire garantit l’application du cadre légal qui s’impose à l’Etat. Il permet au ministre de l’intérieur et aux préfets de départements d’imposer :
– l’interdiction de manifestations, cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique ;
– la mise en place de périmètres de protection pour assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement ;
– l’interdiction de certaines réunions publiques ou la fermeture de lieux publics et de lieux de culte ;
– des perquisitions administratives ;
– des réquisitions de personnes ou de moyens privés ;
– le blocage de sites Internet prônant des actes terroristes ou en faisant l’apologie ;
– des interdictions de séjour ;
– des assignations à résidence.
Depuis 1955, l’état d’urgence a été déclaré à six reprises, trois fois pendant la guerre d’Algérie (1955, 1958 et 1961), lors des événements de Nouvelle-Calédonie (1984), lors des émeutes urbaines de 2005 et après les attentats de novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis.
Entre mars 2020 et août 2022, le gouvernement a aussi déclaré l’état d’urgence sanitaire afin de faciliter les mesures – de restrictions de libertés notamment – destinées à lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Quelles dispositions sont entrées dans le droit commun après les attentats ?
En 2017, le gouvernement a mis fin à l’état d’urgence en vigueur depuis les attentats de novembre 2015. Mais, au même moment, la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (dite loi « SILT ») a intégré au droit commun des dispositions qui n’existaient jusque-là que dans le régime de l’état d’urgence, d’abord à titre expérimental en 2017, puis de manière pérenne dans la loi du 30 juillet 2021 :
– établissement de périmètres de protection au sein desquels l’accès et la circulation des personnes sont réglementés ;
– fermeture de lieux de culte ;
– mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, comme un contrôle administratif (sans l’intervention d’un juge) ou une assignation à ne pas quitter un territoire ;
– autorisation de visites domiciliaires, qui remplacent les perquisitions administratives.
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