Présidentielle au Venezuela : le pouvoir met hors-jeu sa principale opposante, María Corina Machado – Libération
▻https://www.liberation.fr/international/amerique/presidentielle-au-venezuela-le-pouvoir-met-hors-jeu-sa-principale-opposan
on remarquera que l’ex- président intérimaire Juan Guaidó est totalement passé à la trappe
L’Union européenne et les Etats-Unis ont protesté après la confirmation des sanctions contre María Corina Machado, qui lui interdisent de participer à la prochaine présidentielle fin 2024.
Triomphatrice en octobre de l’élection primaire de l’opposition vénézuélienne, avec plus de 90 % des suffrages, María Corina Machado, 56 ans, ne pourra pas se présenter au scrutin prévu au second semestre 2024 : la Cour suprême, inféodée au gouvernement socialiste, l’a déclarée vendredi « disqualifiée pour quinze ans ». L’arrêt confirme une précédente décision motivée par de supposées irrégularités administratives et une accusation de « trahison » : la figure de proue des opposants de droite avait en effet approuvé les sanctions économiques prises par les Etats-Unis contre le régime chaviste.
La combative dirigeante ultralibérale a réagi lundi à Caracas, devant ses partisans et une forêt de micros : « Nicolás Maduro ne va pas choisir le candidat du peuple, parce que le peuple a déjà choisi son candidat, point final », a-t-elle lancé, avant de promettre : « Nous allons gagner. »
Répétition du scénario de 2018
La date de la présidentielle n’est pas encore fixée, mais si la situation n’évolue pas, Nicolás Maduro, très probable candidat à un troisième mandat, n’aura pas face à lui sa principale adversaire, celle qui a le plus de chances de rallier une grande partie de l’opposition. C’est désormais le scénario du précédent scrutin qui se dessine : en 2018, la Cour suprême avait interdit à la MUD, coalition d’opposition, de présenter un candidat unique à la présidence. En protestation, les principaux partis qui formaient l’alliance avaient boycotté le vote. Et Maduro avait été réélu dans un fauteuil avec 65 % des suffrages, mais une participation inférieure à 50 %.
La décision annoncée vendredi n’est pas une surprise : Maduro et ses proches avaient clairement indiqué que la première sanction d’inéligibilité, prononcée en 2015 et aggravée en 2023, serait maintenue. Le président du Parlement, Jorge Rodríguez, virtuel numéro 2 du régime, avait affirmé après la primaire de l’opposition : « Il est hors de question que cette femme soit candidate à quelque élection que ce soit. »
Rodríguez était le chef de la délégation qui avait négocié en octobre avec l’opposition, sur l’île caraïbe de la Barbade, les modalités d’une élection pluraliste. L’accord de principe avait été salué par les Etats-Unis par un assouplissement pour six mois de certaines sanctions prises contre le Venezuela dans les domaines du pétrole, du gaz et de l’or. Washington semblait même prêt à d’autres gestes d’apaisement en cas de levée des mesures d’inéligibilité contre María Corina Machado et d’autres opposants, comme l’ancien candidat battu par Chavez puis Maduro, Henrique Capriles.
« Cinq complots » pour assassiner Maduro
Pouvoir et opposition sont au moins d’accord sur un point : le processus de la Barbade est quasiment terminé. María Corina Machado le considère caduc depuis vendredi. Et Nicolás Maduro l’avait déclaré « blessé à mort » jeudi, quelques jours après avoir annoncé la découverte de « cinq conspirations » pour l’assassiner, dénonçant au passage le rôle des Etats-Unis dans ces projets. Le chef de la délégation de l’opposition dans le dialogue de la Barbade, l’avocat Gerardo Blyde, a cependant affirmé que les contacts n’étaient pas rompus.
L’Union européenne a demandé lundi la poursuite du dialogue et l’application de l’accord d’octobre. Par la voix de son porte-parole pour les affaires étrangères, Peter Stano, l’UE s’est dite « préoccupée ». « Les décisions prises pour empêcher des membres de l’opposition d’exercer leurs droits politiques ne peuvent que saper la démocratie et l’Etat de droit », a précisé un communiqué, qui appelle les parties à revenir à la table de négociation.
De son côté le département d’Etat américain a demandé une annulation de la mise hors course de la candidate libérale et menacé de rétablir des sanctions contre le Venezuela, ce qui porterait un coup d’arrêt à une politique de détente notamment motivée par l’accès au pétrole de l’Orénoque. Les Etats-Unis « sont en train de revoir leur politique de sanctions […] sur la base […] du récent ciblage politique des candidats de l’opposition démocratique et de la société civile », a déclaré un porte-parole, qui a ajouté que María Corina Machado « n’a pas reçu notification des allégations portées contre elle et n’a pas eu la possibilité d’y répondre ».
Gerardo Blyde, le chef de la délégation de l’opposition, a lui aussi dénoncé des « violations de la procédure régulière et du droit à la défense » lors de l’examen du recours par la Cour suprême. Il en appelle à une intervention de la Norvège, qui a joué le rôle de médiateur dans la négociation.