Cauchemars et facéties #12
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C’est vrai ça, merde.
Pourquoi bouffer est devenu de nos jours une tendance si présente, obsédante, un chapitre si important de la pop-culture du XXIe siècle, s’explique probablement simplement par le monstrueux succès des émissions culinaires de télé-réalité qui envahissent les écrans depuis 15 ans. [...] Mais il y a peut-être autre chose... Cuisiner est une noble profession, dans certains cas très créative et très artistique, mais cuisiner est surtout une activité très exigeante et à la pénibilité avérée. Il peut donc étonner que la pop-culture contemporaine vante à ce point les chefs parce que, des années 50 jusqu’il y a dix minutes, les principaux role-models de la pop-culture (hors-la-loi, peintres, jazzmen, musiciens, DJ’s, beatmakers, skaters, surfers, romanciers, voyous, beatniks, journalistes gonzo, cinéastes cultes, [...]) se sont toujours autoproclamés glandeurs patentés. On se doute bien que c’était souvent de la frime, mais cela n’empêche pas que ces gens étaient en partie admirés parce qu’ils étaient censés vivre la dolce vita. Or, tout le monde sait très bien que la cuisine, c’est vache, que les horaires coupés sont une abomination minant la vie privée, que les critiques font mal, que la concurrence, la pression et les boîtes noires de l’horeca rendent cinglés. En vénérant le Fooding, nous admirons donc ouvertement des gens qui bossent dur, répètent chaque jour inlassablement les mêmes routines, se tuent même éventuellement à la tâche. Tout ça pour votre putain de plaisir bourgeois. Ça n’a plus rien à voir avec le flemmard génial qui réussit les doigts dans le nez un coup lui permettant de sortir du système. En soi, nous sommes donc ici inspirés par un idéal néo-libéral, un modèle sarkozyste, le genre de trip doloriste qui donne des idées de films à Lars Von Trier.