• Où va la #psychiatrie contemporaine ?
    https://laviedesidees.fr/Ou-va-la-psychiatrie-contemporaine

    Tout en affirmant la liberté des malades et la nécessité d’une conception non discriminante de la pathologie, la psychiatrie ne s’est pas pour autant émancipée de toute forme de contrainte et de normalisation.

    #médecine #Sciences #santé_mentale
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240220_psychiatrie.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240220_psychiatrie-2.docx

    • En tant qu’ils sont attachés à la quotidienneté, il n’est pas étonnant que ce soit du côté des #GEM et des réseaux sociaux de soin que, de nombreux problèmes et notions de la #psychothérapie_institutionnelle d’inspiration psychanalytique soient au travail, et ce malgré la place nouvelle que la liberté des patients a pu prendre et la fin des prises en charge asilaires au long cours. Des questions sont reformulées et des solutions nouvelles sont créées. Les GEM trouvent, tout à fait officiellement, leur modèle dans les #clubs_thérapeutiques qui furent expérimentés et élaborés dans certains asiles psychiatriques. Les formes possibles de l’accueil inconditionné des personnes en #souffrance_psychiques y sont aujourd’hui discutées, dans une reprise de la fonction de protection des asiles qu’il s’agit d’actualiser. De même, les dispositifs de pair-aidance, qui cherchent à institutionnaliser les soins que les personnes souffrantes peuvent se donner les unes aux autres reprennent et transforment les questions qui étaient liées au transfert et au contre-transfert dans les cures psychanalytiques et dans la psychothérapie institutionnelle.

      #subjectivités #soin #handicap

  • L’accueil, une clinique d’hospitalité

    L’Utopie concrète du soin psychique

    A la suite de l’essai Emancipation de la psychiatrie qui remet en perspective les acquis institutionnels de la psychothérapie institutionnelle et du secteur de psychiatrie publique généraliste, L’accueil, une clinique d’hospitalité, utopie concrète du soin psychique, le reprend à partir de pratiques cliniques d’accueil du soin psychique émancipatrice de la « valeur humaine » en psychiatrie. L’humain, technique alternative en est l’enjeu politique majeur d’accès inconditionnel aux soins psychique dans la société, que ce soit pour les populations autochtones ou pour les réfugiés et exilés migrant de l’humanitaire.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/11/15/laccueil-une-clinique-dhospitalite

    #santé

  • La psychothérapie institutionnelle, une révolution copernicienne ?
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/entretien-avec-francois-tosquelles-1-2-1ere-diffusion-04-10-1985-5305009

    En 1985, France Culture diffuse deux entretiens avec le psychiatre François Tosquelles, l’un des inventeurs de la psychothérapie institutionnelle. Dans le premier volet, il raconte sa formation en Catalogne, la guerre civile en Espagne, puis son arrivée à l’Hôpital de Saint-Alban en 1948.

    #psychiatrie #psychothérapie_institutionnelle #François_Tosquelles

  • Utopie et soin psychiatrique - Au sujet de : François Tosquelles, Soigner les institutions, textes choisis et réunis par Joana Maso, L’Arachnéen
    https://laviedesidees.fr/Tosquelles-Soigner-les-institutions

    François Tosquelles est une figure mythique de la psychiatrie. Il n’a cessé d’expérimenter de nouvelles manières de prodiguer des soins et de nouvelles façons de concevoir l’hôpital. Cette anthologie rassemble des textes majeurs d’un auteur original, convaincu que la médecine devait chercher dans la poésie ses ressources.
    Il y a deux types d’hommes et de femmes. Ceux et celles qui réussissent leur folie et ceux et celles qui se retrouvent à l’hôpital psychiatrique. Dans nos sociétés enclines à distinguer clairement la frontière entre le sain et le malsain, une telle affirmation est devenue incompréhensible. Et pourtant, elle est fondamentale pour saisir l’importance de la pensée de François Tosquelles – auteur de ladite affirmation – et dont certains textes font aujourd’hui l’objet d’une édition récente en français. Des morceaux de vie et de pensée, choisis et présentés par Joana Maso, nous donnent à voir et à lire le parcours exceptionnel et la richesse intellectuelle d’une œuvre singulière.

    Le personnage fait indéniablement partie du panthéon des professionnels de la psychiatrie et est devenu une figure mythique convoquée au chevet d’une psychiatrie en crise, mais connaissons-nous vraiment Tosquelles ? Tout à la fois trublion et fondateur, fantasque et organisateur, intemporel et produit de son espace-temps, le psychiatre catalan interpelle encore et toujours par l’originalité de ses interrogations et de ses engagements. Ce livre – une « anthologie de fragments » (p. 19) - n’est évidemment pas un travail dégagé d’une admiration sans bornes, mais il représente une étape importante dans l’écriture d’une histoire de la psychiatrie du XXe siècle et particulièrement de ce que l’on a appelé la psychothérapie institutionnelle.

    « La chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste »

    « J’ai eu une autre chance extraordinaire, la chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste je ne peux pas m’en plaindre parce qu’une chose extraordinaire est arrivée, qui est qu’à partir de 1931 ont commencé à venir à Barcelone des juifs réfugiés, surtout d’Autriche. » Dans un entretien informel traduit du catalan (p. 76) datant de 1983 dont est extrait cette citation, Tosquelles ouvre une fenêtre sur le contexte qui a vu naître ! son projet de « foutre la psychanalyse dans les asiles psychiatriques » (p. 76). Né en Catalogne en 1912, Tosquelles était familier de la médecine et des questionnements du monde ouvrier. Avec un père trésorier de la coopérative santé des ouvriers et un oncle médecin qui écrivait sur Freud, deux de ses passions étaient déjà là. Durant ses études de médecine à Barcelone (1928-1934), il s’engage auprès du bloc ouvrier et paysan, commence une psychanalyse et lit Lacan qui vient de soutenir sa thèse en 1932. Le jeune catalan est polymathe. Il écrit sur l’anarchisme, le syndicalisme, le féminisme, la psychanalyse, la poésie et collabore déjà à diverses institutions médico-psychologiques.

    (...) dans L’enseignement de la folie en 1992 : « je ne me suis jamais engagé dans la recherche de quelque chose de radicalement neuf. Jamais je n’ai parié sur le métier d’inventeur. Je n’ai jamais pensé à construire et faire valoir quoi que ce soit qui puisse être breveté. Je penche plutôt du côté des plagiats ou, si on veut, du vol d’idées que je glane n’importe où et qui me semblent constituer de petits cailloux qui peuvent être utilisés dans ma tâche de psychothérapeute. En fait, paradoxalement, c’est dans mon travail de psychothérapeute que j’ai eu le plus fréquemment l’occasion de glaner. Mais aussi dans tous les événements de ma vie concrète »

    #François_Tosquelles #Lucien_Bonnafé #psychiatrie #chronicisation #psychothérapie_institutionnelle #livre

    • Vu cette semaine « Sur l’Adamant » de Nicolas Philibert, très touchant

      C‘est un vaisseau à quai, une péniche ancrée à l’écart des klaxons et de l’agitation urbaine, entre la grande horloge de la gare de Lyon et le clapot de la Seine qui lèche gentiment sa coque. L’Adamant (c’est son nom) est un centre de jour ouvert aux Parisiens atteints de troubles psychiques. On s’y confie, on y converse, on y cultive des relations humaines dans le cadre d’ateliers inspirés par la psychothérapie institutionnelle. Celle-là même que pratiqua le psychiatre Jean Oury à la clinique de La Borde, et dont Nicolas Philibert évoqua le quotidien dans La Moindre des choses, en 1997. Un quart de siècle après ce film qui compte parmi ses meilleurs, le documentariste revient sur la question de la santé mentale dans un triptyque en cours de production. Sur l’Adamant, distingué par un Ours d’or à la dernière Berlinale, en est le premier volet. Le deuxième nous mènera à l’hôpital Esquirol de Charenton-le-Pont ; le troisième suivra des visites au domicile de patients.

      https://www.telerama.fr/cinema/films/sur-l-adamant-1-249323025.php

  • Les Ami.e.s de La Chesnaie
    Le collectif soignant d’une clinique psychiatrique humaniste souhaite devenir une Société Coopérative (SCIC) afin de reprendre la clinique menacée de rachat
    https://www.lesamisdelachesnaie.fr/faire-un-don

    Depuis sa création en 1956 par le Dr Claude Jeangirard, la Clinique de la Chesnaie accompagne des personnes en souffrance psychique en appliquant et en réinventant au jour le jour les principes de la psychothérapie institutionnelle. En 1988, le Dr Jean-Louis Place a succédé au médecin-fondateur et a continué d’animer la clinique dans l’esprit humaniste et progressiste de ses débuts, tout en accompagnant les évolutions nécessaires pour conformer l’établissement à la réglementation et au Code de Santé Publique.
    Un changement de direction est aujourd’hui annoncé.

    Les soignants souhaitent sauvegarder le lieu unique qu’est la Clinique de La Chesnaie en reprenant la clinique pour en faire une Société coopérative d’intérêt collectif, c’est à dire une entreprise dont le Directoire est en parti élu, et dont les grandes orientations seront décidées de façon démocratique et collégiale en assemblée générale par les sociétaires : salariés, usagers bénéficiaires et partenaires extérieurs.
    Qui de mieux placé que l’équipe pluridisciplinaire déjà en place pour en assurer la continuité ?

    Un tournant majeur auquel vous pouvez prendre part

    Aujourd’hui nous cherchons à construire un avenir coopératif et citoyen pour reprendre la clinique sous forme de SCIC. A travers ce projet, nous nous engageons pour préserver notre spécificité de soins et continuerons à nous démarquer de la pratique des groupes privés, qui tendent à uniformiser les prises en charge psychiatriques et à satisfaire des objectifs de rentabilité qui vont à contresens de notre éthique.

    Un rachat par un groupe privé risquerait de mettre en péril l’organisation institutionnelle telle que nous souhaitons la préserver.
    Rejoignez-nous, adhérez, faites un don, participez !

    Instagram
    Les Ami.e.s de La Chesnaie
    Clinique de la Chesnaie
    41120 Chailles

    La clinique psychiatrique de la Chesnaie, un symbole à vendre
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/26/la-clinique-psychiatrique-de-la-chesnaie-un-symbole-a-vendre_6127712_3224.ht

    La clinique psychiatrique de la Chesnaie, un symbole à vendre
    Une forêt de 55 hectares, un château, 101 lits d’hospitalisation, pas de blouses pour les soignants, pas d’enfermement pour les patients… L’établissement, près de Blois, est un des derniers bastions de la psychothérapie institutionnelle. Craignant l’arrivée d’un groupe privé, le personnel s’organise pour se porter acquéreur.
    Par Jordan Pouille( Correspondant régional)

    Dans la grande salle du Boissier, un chalet peinturluré de rose, une jeune femme vêtue d’un voile de mariée s’empare du piano et joue le concerto no 21 de Mozart. Le son mélodieux masque le cliquetis lointain des irrigateurs de champs céréaliers. Des pensionnaires vont et viennent, certains se dévisagent sans se parler, d’autres tendent la main au premier venu. Un solitaire au veston râpé vocifère de ne pas retrouver son briquet.

    Dans quelques jours, un appel d’offres officiel va être publié et le prix sera fixé : la clinique psychiatrique de la Chesnaie, en périphérie de Blois, va être mise en vente par le médecin-chef, Jean-Louis Place, son propriétaire depuis 1988, date à laquelle il avait pris la suite du neuropsychiatre Claude Jeangirard, qui avait créé l’établissement en 1956, à 31 ans. La Chesnaie, à Chailles, La Borde, à Cour-Cheverny, Saumery, à Huisseau-sur-Cosson : toutes ces cliniques du Loir-et-Cher ont été ouvertes après la seconde guerre mondiale par des médecins parisiens brillants, ravis de pouvoir acquérir à bon prix des châteaux entourés de verdure et de se substituer aux grandes unités psychiatriques franciliennes, où l’enfermement allait de soi.
    La Chesnaie est emblématique. Pour ne pas dire mythique. Cinquante-cinq hectares de forêts de feuillus et, au milieu, un château près duquel s’agrègent, au fil des ans, des bâtiments classés. La clinique compte aujourd’hui 101 lits d’hospitalisation, 20 lits en hôpital de jour et quelques lits de nuit. La quasi-totalité des patients souffrent de troubles graves et sont adressés par l’hôpital public. Tous participent à un panel d’activités importantes – ateliers, tâches hôtelières, restauration – avec le personnel soignant. Lequel ne porte ni blouse ni badge : rien ne le distingue, sauf le discret talkie-walkie posé sur la table quand vient l’heure de boire, ensemble, un coup.

    C’est une psychothérapie institutionnelle qui se base sur le non-enfermement des patients, eux-mêmes victimes de leur enfermement mental, désocialisés par la maladie. « La prescription de médicaments ne suffit pas. Le malade a besoin d’échanges et de tâches pour retrouver confiance et se “renarcissiser” », entend-on. Les cinq médecins sont des libéraux. La clinique dispose aussi de 80 salariés, appelés ici moniteurs. Avec leurs diplômes d’infirmiers, d’art thérapie, de psychologie, ils tournent également sur les postes de restauration, de ménage, d’activités culturelles, etc.

    « Mise aux normes »

    « Il y a des pensionnaires qui vont tenter de tomber amoureux. Ou d’autres qui vont nourrir une peur d’être regardés plusieurs fois par une même personne, peur que cette personne leur veuille du mal. En changeant de tâche régulièrement, cela permet d’assainir les rapports car on vient remettre de la fluidité dans les choses qui déclenchent des angoisses », dit Gwenvael Loarer, moniteur et psychologue, actuellement en « secteur de chambre », accompagnant les pensionnaires à leurs consultations. Lui est très attaché à la gestuelle et la prosodie. « Je passe beaucoup de temps à dédramatiser des situations. Pour cela, il faut savoir montrer au quotidien qu’on n’est soi-même pas du tout inquiétant. » Une dame maigrelette nous croise, les yeux écarquillés : « Elle vit persuadée que des ciseaux vont venir la nuit découper son corps », chuchote Gwenvael.

    Les salariés expriment la crainte de voir arriver un groupe privé, qui menacerait la continuité de l’expérience. Comme ce qui est arrivé à la clinique de Freschines, à Villefrancœur (Loir-et-Cher), installée dans un château du XVIIe siècle, rachetée en 1993 par le groupe Générale de santé (alors filiale de Vivendi), et qui a fermé ses portes en janvier 2013, après quarante années d’activité. L’actuel propriétaire de La Chesnaie, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations, a confié la mission de trouver un acquéreur à La Baume Finance, une banque d’affaires parisienne. Celle-là même qui a permis au groupe Korian de reprendre, en 2021, le centre de psychothérapie d’Osny (Val-d’Oise).

    « Nous n’arrivons pas encore à établir de contact avec La Baume Finance. Donc on ne sait pas quel va être le cahier des charges. On espère une clause contractuelle obligeant à garder le projet tel qu’il est…, dit Jean Gaillot, un moniteur pressé de faire découvrir, dans le parc, un empilement savant de wagons anciens, servant à héberger les stagiaires ou artistes de passage. En tout cas, le bien ne sera pas forcément facile à vendre. Il y a beaucoup de travaux à faire, comme, par exemple, une mise aux normes pour les personnes handicapées ou la rénovation des chambres. »

    « Même si le repreneur promet de continuer d’accueillir les malades, un fonctionnement avec moins de personnel fera disparaître la thérapie institutionnelle, estime Florent Persillet, moniteur infirmier. Les finances de La Chesnaie sont saines. Après une inspection en décembre [2021], l’ARS [agence régionale de santé] a fourni tous les agréments pour ces quatre prochaines années. Mais imaginez aussi que le repreneur se débrouille pour perdre son agrément dans quatre ans ! Alors il pourra transformer le tout en maison de retraite. »

    « Insuffler plus de démocratie »

    Des inquiétudes est né un projet : des salariés et sympathisants réunis sous le collectif Les amis de la Chesnaie désirent créer une société coopérative d’intérêt collectif, structure juridique qui leur permettrait de racheter l’établissement, si le prix sur la table le permet. Et de la gérer de façon collégiale, en assemblée générale, entre sociétaires : salariés, usagers bénéficiaires et partenaires extérieurs.

    « Qui de mieux placé que l’équipe pluridisciplinaire déjà en place pour en assurer la continuité ? », se demande Magalie Tostain, salariée du Club de la Chesnaie, la structure en charge des activités culturelles et de l’organisation de ses nombreux concerts, ouverts à tous et où se succèdent les artistes prestigieux – Jacques Higelin, Mano Solo, Yann Tiersen, entre autres, s’y sont produits. « Des scènes culturelles et une fac privée veulent déjà nous aider. Nous discutons avec des partenaires institutionnels comme le conseil régional. On pourrait imaginer que sa foncière rachète le bâti », espère-t-elle.

    « L’idée serait aussi, grâce à la reprise, d’insuffler toujours plus de démocratie dans la clinique. Nous proposons par exemple de réélire le médecin-directeur tous les cinq ans, soit la durée d’un projet d’établissement fixé avec l’ARS. On a trouvé un expert-comptable chez Finacoop, des gens spécialistes de l’économie sociale et solidaire », ajoute Gwenvael Loarer. L’association a déjà désigné un avocat pour l’accompagner : l’ancien député socialiste Denys Robiliard, auteur d’un rapport sur l’avenir de la psychiatrie en 2013. Un appel aux dons a été lancé sur le site Internet de l’association.

    Retour dans le grand hall du Boissier. Le piano s’est tu. Charles, 49 ans, yeux rieurs et chemise bleu azur, commande son deuxième café serré au bar associatif tenu par les autres pensionnaires, attentifs. « J’ai arrêté l’alcool il y a trois ans et demi mais j’ai compensé par des achats compulsifs. Me voici là depuis septembre. » Charles montre les panneaux d’affichage : atelier revue de presse, tournoi de football à Vendôme, collecte de dons pour l’Ukraine, graff et couture. « Ici, on rentre dans un collectif et on nous incite à avoir des activités à l’extérieur. Moi, j’aime bien aller à la “piscine tournesol” de Blois et au golf de Cheverny. Et puis, la clinique a des appartements en ville pour gagner en autonomie. Ça me tenterait bien. La Chesnaie m’a surtout appris à me sentir responsable non pas de ma maladie mais plutôt de mes soins. »

    #psychiatrie #privatisation #psychothérapie_institutionnelle

  • Utopie et soin psychiatrique
    https://laviedesidees.fr/Tosquelles-Soigner-les-institutions.html

    Au sujet de : François Tosquelles, Soigner les institutions, textes choisis et réunis par Joana Maso, L’Arachnéen. François Tosquelles est une figure mythique de la #psychiatrie. Il n’a cessé d’expérimenter de nouvelles manières de prodiguer des soins et de nouvelles façons de concevoir l’hôpital. Cette anthologie rassemble des textes majeurs d’un auteur original, convaincu que la médecine devait chercher dans la poésie ses ressources.

    #Philosophie #guerre #folie #hôpital
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20220428_tosquelles.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20220428_tosquelles.pdf

    • « J’ai eu une autre chance extraordinaire, la chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste je ne peux pas m’en plaindre parce qu’une chose extraordinaire est arrivée, qui est qu’à partir de 1931 ont commencé à venir à Barcelone des juifs réfugiés, surtout d’Autriche. » Dans un entretien informel traduit du catalan (p. 76) datant de 1983 dont est extrait cette citation, Tosquelles ouvre une fenêtre sur le contexte qui a vu naître ! son projet de « foutre la psychanalyse dans les asiles psychiatriques » (p. 76). Né en Catalogne en 1912, Tosquelles était familier de la médecine et des questionnements du monde ouvrier. Avec un père trésorier de la coopérative santé des ouvriers et un oncle médecin qui écrivait sur Freud, deux de ses passions étaient déjà là. Durant ses études de médecine à Barcelone (1928-1934), il s’engage auprès du bloc ouvrier et paysan, commence une psychanalyse et lit Lacan qui vient de soutenir sa thèse en 1932. Le jeune catalan est polymathe. Il écrit sur l’anarchisme, le syndicalisme, le féminisme, la psychanalyse, la poésie et collabore déjà à diverses institutions médico-psychologiques.

      Les guerres sont pour lui (et pour le champ psy) une chance, comme il l’affirme à plusieurs reprises dans les textes glanés par Joana Maso. Une petite Vienne s’est constituée à Barcelone sous l’impulsion des Autrichiens fuyant le nazisme qui influence les conceptions thérapeutiques de Tosquelles. La guerre d’Espagne consolide son engagement anti autoritaire et son compagnonnage trotskiste, mais lui donne aussi ses premières positions institutionnelles : mobilisé en Aragon, il devient chef des services de santé des armées de l’Estrémadure. Mais les communistes ne veulent pas de psychiatrie dans l’armée (un soldat ce n’est pas fou !). La guerre encore. La République espagnole vaincue, Tosquelles se cache et passe les Pyrénées en septembre 1939. Au camp de réfugiés de Septfonds il organise une unité psychiatrique originale. La guerre toujours. En Janvier 1940 à la demande de Paul Balvet, alors à la recherche de praticiens, il rejoint l’hôpital de Saint-Alban qui va devenir dans les années suivantes la matrice d’un projet de réforme de la psychiatrie. Le rapport du commissaire de police de Mende sur « TOSQUELLAS » (1943) est un petit bijou d’archive qui montre l’embarras des autorités face à ce « professionnel qui donne toute satisfaction », mais soulève les interrogations de Vichy sur « un espagnol non rallié au régime » qui « se livre discrètement à une propagande adroite et dangereuse pour le pays » (p. 173).

      Durant cette décennie de guerre permanente, la crise de la psychiatrie devient patente. Les effectifs hospitalisés qui s’étaient réduits à la fin de la Grande Guerre (grippe et rationnements obligent) sont redevenus ingérables dans les années 1930. La chronicisation des vieux patients dans des asiles structurés sur des concepts du XIXe siècle n’avait pas de limites. Certes les premières thérapies de choc commençaient à produire leurs effets, mais l’espoir des réformateurs était ailleurs. Le Front populaire esquissait une réforme possible du dispositif de soin psychiatrique sous la houlette de Marc Rucart. En Afrique du Nord, des psychiatres profitaient de la situation coloniale pour proposer des dispositifs innovants. Les services libres et les dispensaires psychiatriques se multipliaient hors des enceintes asilaires. Tosquelles contemporain de cette crise, de ce nouvel espoir de réforme, saisit les opportunités du conflit pour expérimenter lui aussi une nouvelle forme de soin psychiatrique.

      Expériences, pragmatisme et glanages

      La pratique de Tosquelles se construit en parallèle d’une réforme politique, celle de la république catalane qui, dans les années 1930, promeut une grande réforme de la santé mentale. Fondée sur une approche géographique (comme la réforme du secteur dans la France des années 1970), elle articule le soin sur des formes dispersées d’assistance (dispensaires, colonies sanitaires, assistance familiale) dans la communauté au sein d’un territoire de 80 000 habitants et conjugue une approche humaniste (refus de la contention) aux techniques thérapeutiques modernes (recours à l’électricité). Tosquelles reprend notamment du psychiatre allemand Hermann Simon l’idée d’une thérapie active en psychiatrie. Non pas le travail productif comme il était d’usage dans la culture asilaire, mais une ergothérapie pensée comme un exercice physique et mental. En 1961 Tosquelles évoque dans le Bulletin technique du personnel soignant l’histoire d’une patiente : « Je pense à telle malade complètement délirante, délire qui cachait des troubles de la mémoire d’origine toxique et qui, grâce au travail à la cantine de l’hôpital, a pu faire des exercices de mémoire ; elle n’a plus eu besoin de délirer. […] A la place de dire à son médecin que la Sainte Vierge avait des cornes et qu’elle était apparue un Vendredi saint au sommet de la tour Eiffel, elle lui dit ‘Monsieur j’ai des troubles de la mémoire, vous ne pourriez pas m’indiquer quelque chose qui puisse encore m’améliorer ? ’ On voit par cet exemple caricatural que l’ergothérapie n’a rien à voir avec la production. » (p. 63). Le jeune psychiatre catalan s’engage auprès des enfants à une époque où peu de services leur sont consacrés, réalise des visites à domicile auprès des familles et travaille dans de nombreuses institutions qui permettent de penser un nouveau rapport entre l’espace, le travail et le soin.

      L’arrivée à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban lui offre un nouveau terrain d’expérimentations. Il s’agit d’abord de travailler à partir des contingences matérielles : le froid, la famine, l’isolement lozérien, les évasions (dont certaines sont organisées par les gardiens qui touchent une prime au retour des patients à l’asile). Tosquelles est au mieux dans cet établissement ouvert à tous les vents, dans lesquels les paysans commercent avec les internés, et qui a vu se développer dans les années précédentes de premières pratiques réformistes sous l’impulsion d’une femme psychiatre Agnès Masson (directrice de Saint Alban entre 1933 et 1936, elle crée une monnaie, une bibliothèque).

      #asile #François_Tosquelles #livre #Saint-Alban #psychothérapie_institutionnelle

  • Qu’est-ce qu’intervenir ? Une prise de parole de Stéphane Zygart, philosophe, lors des Rencontres internationales autour des pratiques brutes de la musique – Sonic Protest 6 & 7 mars 2020 - Les Voûtes, Paris, publié dans les Cahiers pour la folie n°11

    « Chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre ! »

    « Alors voilà, voilà ce qui c’est passé. Je suis philosophe de formation, je travaille autour des normes, de la question du normal/de l’anormal, de la normativité, en particulier autour de quelques trucs qui ont trait au handicap : les rapports entre institutions et pratiques quotidiennes – je vais essayer d’en parler un peu aujourd’hui –, la question des rapports entre travail et handicap qui longtemps m’a servi de fil conducteur, et des questions du type : étrangeté, singularité ou monstruosité. C’est comme ça donc qu’on s’est rencontrés avec le collectif Encore heureux..., autour de ces questions-là, institutionnelles, professionnelles, jusqu’à aujourd’hui. Les questions que je me pose donc en fait ici, je peux les décliner en trois grands problèmes que je vais vous donner dès le départ. Et dans l’arrière-cuisine, par rapport à tout ça, il y a deux auteurs : Foucault qui est connu maintenant et Canguilhem qui l’est un peu moins, dont les idées que je vais vous présenter viennent également, même si je ne vais pas le signaler sur le moment.

    Les trois problèmes se nouent autour de la notion d’ intervention : qu’est-ce que c’est intervenir aux côtés ou avec les personnes handicapées, qu’est-ce que c’est intervenir sur elles ?

    Le premier problème – c’est le plus massif – c’est : comment est-ce qu’on peut intervenir dans un cadre institutionnel ? Il y a trois grandes pistes que je vais détailler plus tard mais que je peux d’abord présenter rapidement pour clarifier les choses. La première piste évidemment, c’est : quand on est avec des personnes handicapées en institution, il s’agit de les soigner, et la question est : est- ce que le soin médical en institution doit être plus ou moins médicalisé ? La deuxième grande option, c’est : on ne peut pas tout à fait les soigner, donc on va les faire bosser, on va les faire travailler. Là, la question ce n’est pas : est-ce que c’est plus ou moins médical, mais est-ce qu’il faut les faire travailler de manière plus ou moins productive ? Faire travailler une personne handicapée, est-ce que c’est lui faire faire du théâtre ou de la musique, ou est-ce que c’est lui faire faire du jardinage ou du pliage d’enveloppes, est-ce qu’il y a une différence là-dedans ? La troisième option enfin, c’est : soigner en faisant travailler C’est la dimension, non pas médicale, non pas professionnelle des interventions institutionnelles, mais ergothérapeutique ; et l’articulation à faire alors est celle entre soin et travail. C’est là que se pose pleinement la question de la différence entre faire faire des enveloppes et faire faire du théâtre, avec le problème de la rémunération. Mais dans tous les cas, vous le voyez, les problèmes des rapports institutions/pratiques de soin passent toujours par des questions de combinaison : soin plus ou moins médicalisé, travail plus ou moins productif, place du travail dans le soin.

    Le deuxième groupe de problèmes est lié à la question de savoir si on peut réellement accompagner et se livrer à une co-construction avec les personnes handicapées – qu’il s’agisse d’handicapés physiques ou d’handicapés psychiques ou mentaux, d’ailleurs. La question, brutalement, ce serait celle-là : est-ce qu’il y a un rapport et éventuellement une différence entre faire quelque chose à quelqu’un et faire quelque chose avec quelqu’un ? Et est-ce qu’on peut séparer ces deux dimensions- là ou est-ce qu’elles sont tout le temps liées ? Est-ce que quand on agit sur quelqu’un, est-ce que quand on administre un traitement ou une prise en charge, on est encore avec la personne, ou est-ce que quand on est avec la personne, il y a une dimension de neutralité ou de passivité qui peut s’instaurer ? C’est-à-dire, pour le dire autrement, est-ce qu’on peut vraiment saisir l’anormal, est-ce qu’on peut vraiment saisir les gens dits différents dans leur singularité, comme si on les contemplait, ou est-ce qu’on est obligé de les transformer en étant avec eux ? Voilà, c’est le deuxième groupe de questions, plus abstrait.

    Le troisième et dernier ensemble de questions, c’est le rapport entre égalité, identité et intervention. C’est le problème le plus général, ce n’est peut-être pas le plus abstrait par rapport au précédent parce qu’il s’agit là de penser l’expérience vécue de la coexistence entre des valides et des personnes handicapées. Est-ce qu’il est possible au niveau du vécu, au niveau du quotidien, d’effacer les notions de différence , les notions d’ identité , est-ce qu’il est possible à un moment de parvenir à une égalité – j’allais dire réelle , mais en tout cas une égalité quelconque – entre les personnes handicapées et les personnes valides, sans relations asymétriques ? La question alors vaut vraiment le coup d’être posée ici dans ces lieux : comment présenter ou comment faire se représenter le handicap ? Dans une représentation de théâtre, de musique, de cinéma, il y a à la fois collectif parce qu’il y a collectif de travail, il y a collectif d’élaboration du spectacle, etc., il y a activité, mais aussi spectacle , et qui dit spectacle, dit différenciation ; alors comment est-ce qu’on articule le fait que le spectacle redouble la différence entre les handicapés et les valides, et qu’en même temps le fait d’élaborer un spectacle fabrique un collectif où il y a identité de praticiens et identité de personnes qui se livrent à une pratique artistique ? Vous voyez le truc ?
    Je vais parcourir rapidement les trois questions... et mes vertèbres dorsales... J’espère que ça va lancer des discussions.

    Premièrement donc, comment on fait dans les institutions entre la possibilité de soigner, de travailler, etc. Historiquement dans les textes de lois – je vais partir d’abord d’un historique pour vous montrer que le problème se pose vraiment, que ce n’est pas un truc qui sort du ciel. Le handicap dans les textes de lois et dans les institutions n’est pas une question qui est en priorité médicale, il n’y a pas tellement de médecine dans le domaine du handicap ; depuis longtemps et avant tout, le handicap, c’est une question de travail, c’est le rapport au travail qui pose problème. Jevous donne quatre repères juridiques, et il y en a un qui mériterait peut-être discussion – celui de 2005 à cause des bizarreries de sa mise en application, si vous voulez y revenir dans la discussion n’hésitez pas.
    Le premier repère juridique, c’est en 1957, la loi sur le reclassement des travailleurs handicapés ; c’est la première loi générale en France à utiliser le terme de handicap et à considérer ensemble tous les types de handicap indépendamment de leur origine – de naissance ou acquis. Cette loi ne porte donc pas sur le soin des personnes handicapées mais sur le reclassement professionnel des travailleurs handicapés. C’est elle qui officialise les établissements comme les AP (Ateliers Protégés) et les CAT (Centres d’aide par le Travail), qui existaient déjà avant mais en très petit nombre et sans statut clair. La deuxième grande loi – vous la connaissez tous – c’est la loi de 75, ses innovations sont également liées au travail, puisque c’est la loi de 75 qui met en place l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) qui dépend des capacités de travail. Cette loi de 75 met aussi en place l’accessibilité des lieux publics en zone urbaine – je le précise parce que cette prudence initiale sur l’accessibilité montre à quel point le rapport entre égalité des droits et moyens matériels de cette égalité est tendu. Ce sont les deux principales évolutions de cette loi. Vous avez ensuite un espèce de truc bizarre qui est la loi de 2005, qui a pour caractéristique de faire passer le professionnel au second plan, mais qui a aussi pour caractéristique – en dehors du handicap psychique – de ne pas avoir été mise en œuvre, en particulier sur l’accessibilité (encore) et sur l’évaluation médico-légale des causes sociales des handicaps. On pourra revenir sur ce qui a rendu cette loi possible dans sa formulation et ce qui en même temps l’a rendue inopérante – c’est-à-dire qu’elle n’est pas appliquée. Les dernières lois, j’en dirais un mot, ça se passe en ce moment en 2020 : il y un retour du problème entre l’AAH et la mise en place du Revenu Universel d’Activité (RUA), c’est-à-dire qu’on se met à parler au sujet des personnes handicapées – de tout type et de tout degrés – d’ employabilité , ce qui est tout autre chose que de parler de difficultés d’emploi. Tout le monde est employable si vous voulez, par contre une personne handicapée l’est théoriquement moins que d’autres ; c’est cette différence-là qui est en jeu actuellement et qui décide pour beaucoup des dispositifs. Donc il y a ces quatre lois-là.

    Concrètement ça donne quoi, je vous donne un exemple : les établissements pour personnes handicapées adultes portent la marque de cette importance du travail. Vous avez deux grands types d’établissements : les établissements purement médicaux pour les handicaps les plus graves, ce sont les maisons d’accueil médicalisé, et puis les établissements dédiés au travail que sont les Entreprises adaptées qui correspondent aux anciens Ateliers protégés – où il n’y a aucune aide de l’État et une obligation de rentabilité pure – et les ESAT (Établissements et Service d’Aide par le Travail) qui sont les anciens CAT (Centres d’aide par le Travail). Or, pour rentrer en ESAT, il faut une réduction énorme des capacités de travail puisqu’il faut avoir moins de 30% des capacités de travail normales – donc 70% de capacités de travail en moins sur le papier. Les revenus liés à l’ESAT sont entre 50 et 110% du SMIC, et les 110% du SMIC sont rarement atteints, à cause du cumul de l’AAH. Ce qui est important là, c’est que les ESAT ont officiellement un but médical : l’entrée dans les ESAT se fait sur critère médical et le but d’un ESAT, c’est le soin. C’est tellement un enjeu qu’une circulaire est réapparue en 2008 pour le rappeler.

    Les textes de lois dont je vous ai parlé ont un impact sur vos pratiques, parce que sinon vous pourriez me dire : « oui ? ce sont des textes de lois donc quel rapport cela a-t-il exactement avec la réalité ? ». Cela a un rapport avec la réalité pour au moins trois raisons. Première raison : le handicap est défini comme incurable, il se soigne par d’autres moyens que la médecine – on ne peut pas guérir d’un handicap – c’est pourquoi depuis le début, le problème du traitement des personnes handicapées, c’est leur mise en activité, et en particulier leur travail. C’est exactement ce qui est en train de se questionner dans ce lieu et dans d’autres. Deuxième raison pour laquelle le travail et l’activité sont importants : parce que le travail a une utilité sociale, le travail justifie les frais de soin pour les personnes handicapées, il permet de s’occuper d’eux – il permet de payer leur traitement. C’est l’idée depuis la Première Guerre mondiale et ça n’avait pas été le cas depuis la fin du Moyen- Âge, c’est-à-dire qu’avant, les personnes handicapées étaient définies par l’incapacité d’activité ou de travail. Jusqu’en 1905, vous ne pouviez pas être aidé si vous aviez des ressources, vous n’étiez aidé que si vous étiez incapable de travailler et sans ressources. Ce qu’a changé la guerre 14-18, c’est qu’il est désormais possible de dire à une personne handicapée : « tu as des ressources, en même temps tu peux toucher l’AAH, et en même temps tu peux bosser. » La troisième raison pour laquelle le travail est très important, c’est par trois de ses effets, qui ne sont pas financiers. Il a une utilité thérapeutique, il développe des capacités psychiques, physiques et cognitives, il a des effets de reconnaissance sociale – travailler c’est être l’égal de l’autre dans son travail. Vous allez me dire que je parle des personnes handicapées, je ne parle pas des personnes qui ont des troubles mentaux. En fait, historiquement, c’est exactement pareil : la folie a longtemps été considérée comme incurable, c’est d’ailleurs pour cela que les fous n’étaient pas mis en hôpital mais en asile ; on considérait qu’il fallait juste les accueillir et les protéger, mais certainement pas les soigner puisqu’on y arrivait pas. La mise en place des asiles nécessitait d’avoir des finances, donc depuis le 18ème siècle, il y a eu des colonies agricoles, des moyens de faire payer les soins aux personnes folles, ou dites folles. Mise au travail des personnes donc, quand ce n’était pas physiquement impossible. Enfin, ça fait longtemps que dans les asiles, l’appartenance au collectif passe par le travail, ça date au moins de Pinel, et si vous remontez au 19ème siècle, il y avait une obligation de travail pour réapprendre aux gens un principe de réalité – travailler c’est se confronter à la réalité. Vous retrouvez également cette idée dans la psychothérapie institutionnelle puisque le travail a une grande importance par exemple chez Tosquelles. Alors vous allez me dire « qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? »

    Après avoir parlé des lois, après avoir essayé de vous dire que je pense que c’est réellement central, qu’est-ce qu’on peut proposer comme pistes de réflexion ou de recherche ? Il apparaît que le travail est considéré comme une panacée : l’activité et en particulier l’activité professionnelle, ça résout tous les problèmes – je vous le signale parce c’est toujours pareil en matière de handicap, c’est pareil pour les valides et pour les invalides – c’est-à-dire quand quelqu’un a un problème, on lui dit : « ben tu devrais travailler, ça te remettrait les pieds sur terre, et en plus t’aurais un peu d’argent... » C’est le même principe pour les personnes handicapées. Le travail est une panacée économique, sociale, institutionnelle, thérapeutique, et il nous est très difficile de concevoir que l’on puisse avoir une activité sans travailler. Est-ce que vous arrivez à concevoir, est-ce que j’arrive à concevoir que je fais quelque chose qui n’est pas un travail ? C’est tout le problème... Ce qui est difficile à concevoir en général est également difficile à concevoir pour les personnes invalides.
    Le caractère universel du travail est d’autant plus problématique qu’entre le travail de prof, le travail de plieur d’enveloppes ou le travail d’acteur de théâtre, ce sont trois formes d’activité qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Est-ce que l’on peut réussir à démêler là-dedans quelque chose qui donne sa vraie valeur pour les personnes handicapées à l’activité professionnelle, c’est quoi le nœud du truc, qu’est-ce qui est vraiment important dans le travail des personnes handicapées ? L’économie, le social, le thérapeutique, le psychologique, le tout ce que vous voulez, c’est quoi le cœur du noyau ?

    L’autre question qu’on peut se poser à partir de là, c’est que le travail correspond à une demande sociale, il y a une forme de contrainte dans les demandes de mise au travail. C’est très concret. Comment échapper à la question du travail quand on est handicapé ? D’accord, les valides n’échappent pas non plus à la pression du travail mais ils ne sont pas tenus de répondre de manière décisive, et pour de longues années, à la question : « est-ce que tu veux aller travailler en ESAT, ou pas ? » Une personne handicapée est obligée de répondre à la question professionnelle et d’y répondre sur le long terme, ce qui n’est pas le cas pour les personnes valides. Les personnes handicapées se retrouvent à certains moments à des embranchements où elles sont obligées de faire des choix : aller bosser en CAT ou pas, demander l’AAH ou pas, accepter un boulot pourri ou pas, parce que l’accès au marché de l’emploi est plus difficile, ce qui n’est pas du tout pareil pour les valides et qu’il faut absolument prendre en compte parce que cela a un caractère extrêmement contraignant, y compris au niveau des vécus.

    Je vous disais – et ce sera mon dernier mot sur le travail, enfin directement sur lui – tout cela est étroitement lié aux institutions et aux lois. En 2020, les lois françaises – je ne vais pas rentrer dans le détail, on pourra en discuter après si voulez – consistent à mettre en avant l’ employabilité des personnes handicapées. Je vais essayer d’être très clair sur ce point et très rapide : tout le monde est employable ou quasiment. Il n’y a que les handicapés les plus graves qui ne sont pas employables. L’employabilité, c’est une simple possibilité d’exercer un emploi et on trouve dans les textes historiques – pour donner des exemples qui ne soient pas polémiques – des établissements de travail pour les femmes qui viennent d’accoucher ou pour les vieillards, au 17ème ou au 18ème siècle... Donc vous pouvez faire travailler à peu près n’importe qui ! En mettant en avant cette notion d’ employabilité , il s’agit de faire sauter les dispositifs d’aide à l’emploi, et il s’agit actuellement de dire que les personnes handicapées n’ont pas besoin de prestations supplémentaires parce qu’elles peuvent travailler comme tout le monde, donc elles peuvent avoir le même revenu que tout le monde, et si elles veulent en avoir un peu plus, elles n’ont qu’à travailler comme tout le monde ! C’est en ce moment que cela se joue avec pas mal de péripéties politiques effectivement, mais c’est une tendance que l’on retrouve en Angleterre, en Italie. Pour pouvoir y arriver et pour pouvoir affirmer que la plupart des personnes handicapées peuvent travailler comme tout le monde quand elles le veulent, le dispositif joue sur une médicalisation du handicap, c’est-à-dire qu’on va être amené à vous confronter à des avis médicaux standardisés par des médecins d’État – encore une fois pour aller très vite – sur tout le territoire français. Le but étant de discriminer les handicapés les plus graves des autres. D’autres procédés sont aussi essayés, comme la mise sous pression financière des familles pour qu’ils poussent au travail leurs proches invalides. Il y a dans tout ça quelque chose de très important qui se joue en ce moment, surtout pour les handicapés psychiques qui sont en première ligne. Dans le rapport de la Cour des comptes – je pense que c’est le moment d’en parler maintenant – ils attaquent en effet, en première ligne, le handicap psychique. Pourquoi ? Parce que le handicap psychique, ça coûte cher et parce que ce n’est pas médicalisable au sens classique du terme – vous ne pouvez pas démontrer l’étendue d’un trouble schizophrénique par un scanner. Du coup, l’argument du Conseil d’État c’est simple : si ce n’est pas médical, c’est que ce n’est pas un gros handicap, et du coup ça ne mérite pas d’avoir une prestation supplémentaire – vous voyez le système ? C’est l’universalité scientifique de la médecine qui est évoquée au nom d’une exigence de vérité et d’égalité pour réduire le nombre d’handicapés et appauvrir l’évaluation comme les traitements des handicaps – par exemple, vous savez très bien que les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) varient leurs jugements selon les régions, à cause des bassins d’emploi, etc. Le Conseil d’État dit que ça porte atteinte à l’égalité républicaine, qu’il faut que les critères soient les mêmes dans toutes les régions, et que le meilleur critère c’est la médecine, donc qu’il faut se limiter au corps des individus ; et quelques pages plus tard, il disent en plus qu’on s’aperçoit avec le modèle social du handicap que le handicap psychique explose les comptes et donc coûte très très cher, donc qu’il faut absolument re-médicaliser tout ça... Le rapport se termine comment ? Ça termine en disant qu’il y aura toujours un vote au CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) pour les attributions d’invalidité, mais qu’il faut que l’État soit majoritaire au nombre de votants, je vous laisse deviner... Les textes se trouvent sur internet. Donc centralité des questions de travail et de finances pour le handicap, je vais m’arrêter là sur ce sujet.

    Un point rapide sur l’articulation entre médecine et travail avant de passer au second problème dont je voulais parler. Je ne suis pas en train de dire du tout – je pense que cela donne cette impression-là mais ce n’est pas du tout le cas – qu’il ne faudrait pas faire travailler les personnes handicapées, je ne pense pas que la réflexion doive se placer sur ce plan-là. Si j’insiste autant là-dessus c’est pour une raison bien particulière : la question de la normalisation . Est-ce qu’on normalise plus par la médecine ou est-ce qu’on normalise plus par le travail ? En fait, ce sont deux normalisations complètement différentes : la médecine est potentiellement beaucoup plus normalisatrice que le travail puisque vous avez la neurologie, les neuroleptiques, les techniques de rééducation, la méthode ABA pour les personnes porteuses d’autisme, etc. Mais en même temps, les normalisations médicales permettent aux personnes handicapées, d’une, de garder leurs spécificités, c’est-à-dire de garder une singularité sociale, et de pointer la singularité du problème. Oui les techniques médicales sont lourdes mais c’est aussi parce que les problèmes sont lourds ou singuliers. Le travail, c’est beaucoup plus insidieux, le travail, c’est beaucoup moins normalisateur, c’est très ordinaire et ça fournit une identité sociale. Le souci, c’est que ça efface les problèmes et ça efface la spécificité des acteurs du soin. Il y a un risque en mettant l’accent sur l’activité, et en particulier l’activité professionnelle – et en disant qu’il n’y a donc plus besoin d’acteurs du soin – d’aboutir à une invisibilisation sociale du handicap qui à mon sens est l’objectif des politiques actuelles, sous couvert d’ inclusion . Je n’ai aucune solution. On peut passer par le travail comme opérateur social avec tous ses défauts. On peut aussi essayer de maintenir la singularité des personnes handicapées – ce qui les protège –, singulariser les personnes handicapées, ça leur donne une visibilité, le principal risque actuellement étant de rendre les personnes handicapées invisibles, c’est-à-dire que quoiqu’elles deviennent, personne ne le saura. Le problème des valides si vous voulez, c’est de se rendre invisible par rapport aux techniques de contrôle social ; le problème des personnes vulnérables et en particulier des personnes handicapées, c’est un peu l’inverse, il ne faut pas chercher l’invisibilité sociale, il faut au contraire essayer d’être vu le plus possible, ce qui garantit une protection. Je ne suis ni pro-médecine, ni pro-travail, j’essaie de voir.
    Par exemple, en matière de handicap psychique, vous êtes obligé, tout le monde est obligé de jouer sur les deux tableaux – c’est-à-dire que la reconnaissance du « handicap psychique » a permis des choses assez bonnes : une dé-institutionnalisation avec les GEM, l’entrée dans les dispositifs de handicap, la folie est devenue « ordinaire », « c’est un handicap comme les autres », etc. Ça a aussi mis l’accent sur la neurologie, les neuroleptiques, le fonctionnalisme... donc vous voyez à chaque fois, il y a à prendre et à laisser. Voilà, c’était le plus long parce que c’est là où je peux être le plus concret et me baser sur des lois, etc.

    Le deuxième groupe de problèmes dont je voulais parler tourne autour de la neutralisation : est-ce qu’on peut être neutre par rapport à une personne handicapée ? – au sens de l’accompagnement. Est- ce qu’on peut faire quelque chose uniquement avec les personnes handicapées ? Pour répondre à cette question, il faut absolument se décaler. Il s’agit d’articuler l’ordinaire et le singulier, l’activité de travail et l’activité quotidienne. Je pense à quelques lieux emblématiques qui ont réussi à articuler ou donner une idée de l’articulation entre faire avec et faire à quelqu’un. Il y a quelques GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle), il y a par exemple ici – même si ce n’est pas un GEM, il me semble que c’est typiquement ce genre de lieu : faire à et faire avec , ça se fait ici, ou à la Fonderie à Encore heureux c’était pareil, à La Borde il me semble que c’est et que c’était pareil, ou chez Deligny vous trouvez le même genre de dispositifs et d’autres choses moins connues comme la colonie de Gheel en Belgique qui remonte au Moyen-Âge, c’est une colonie de soin chez l’habitant – il y a de plus en plus de travaux là-dessus – on rouvre des villes et des villages aux personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques pour les faire soigner chez l’habitant. C’est une solution qui était pratiquée depuis le Moyen-Âge et qui revient en grâce. Vous allez dire « alors super ces lieux-là, il n’y a plus qu’à suivre la recette, secouer et à mettre dans un bol !... » Mais il faut faire attention à plusieurs choses : la temporalité, la spatialité, et la pluralité qu’il y a dans ces institutions et leurs manières d’articuler les normes extérieures à l’institution et les normes intérieures. Je dis bien non pas simplement en terme de topologie l’ extérieur et l’ intérieur , mais les normes extérieures et les normes intérieures.

    Du point de vue du temps , qu’est-ce que je veux dire ? Il s’agit de respecter les normes temporelles des individus. À Namur par exemple, un soignant m’a raconté qu’ils avaient mis deux ans pour faire planter un arbre à un autiste et que ça lui avait fait beaucoup de bien. Deux ans en termes médicaux et en terme de nomenclature médicale, c’est complètement insensé. Donc comment respecter les normes internes temporelles des individus ? Un des éléments de réponse, c’est qu’il faut privilégier l’ œuvre au travail – je ne sais pas si cette distinction célèbre et un peu bourrin vous dit quelque chose – l’œuvre c’est le résultat, c’est-à-dire : quelqu’un met trois ans ou cinq ans à faire un tableau, et à la fin, sa propre norme rentre en contact avec la société : il présente son œuvre, il y a un deal, il y a des échanges, il y a une présentation, une représentation. Alors, la temporalité vient d’abord de l’individu et du fait d’avoir fait quelque chose. La temporalité du travail ce n’est pas du tout ça, ce n’est pas la temporalité de l’œuvre, la temporalité du travail c’est d’abord celle de la productivité et c’est la temporalité de la cadence. Si par exemple vous dites à quelqu’un « dans trois jours je veux un dessin et sur un mois je veux que tu m’en fasses dix », ça c’est du travail. Si par contre vous donnez des crayons et des feutres et vous dites « quand tu veux me donner un truc tu me le donnes », le jugement sur l’œuvre ne porte pas du tout sur la cadence mais sur le résultat et vous avez même tout à fait le droit de dire que c’est pourri. Vous voyez ce n’est pas du tout le même rapport au temps.

    En terme d’ espace , il y aurait deux choses. La première c’est qu’il faut être extrêmement attentifs à l’implantation géographique des institutions. Les institutions quand elles sont éloignées des centres, elles permettent la tranquillité des lieux – typiquement c’est Deligny dans les Cévennes –, mais il y a aussi un avantage à être dans les milieux urbains pour qu’il y ait une confrontation par proximité. Actuellement il faut faire très attention aux endroits où sont installés les nouveaux logements ou les nouvelles institutions, c’est-à-dire éviter à tout prix les zones artisanales et commerciales, les trucs de ce type, sous prétexte que c’est tranquille : en fait, c’est mort... et personne ne voit personne. Ça c’est le problème de l’implantation, il y a des études là-dessus, il y a des gens ou des organismes qui font de la géographie du handicap et qui dressent des cartes qu’on trouve sur le net.
    L’autre aspect en terme de lieu, c’est l’agencement – typiquement c’est le cas ici, et c’est le cas à la Fonderie – l’agencement intérieur des lieux qui accueillent les personnes handicapées doit être en rapport avec les dynamiques qui font passer de l’intérieur à l’extérieur. L’exemple type de ça, c’est hier, quand les gens de la Pépinière parlaient du grand parc. Qu’est-ce que c’est un parc ? C’est une zone de détente mais c’est aussi une zone qui permet de s’approprier l’extérieur. Les institutions les plus efficaces et les plus dynamiques pour les personnes handicapées, ce sont celles qui permettent ça. Vous savez, Foucault a forgé une notion qui a beaucoup de succès qui s’appelle l’ hétérotopie . Qu’est-ce que c’est une hétérotopie ? C’est un lieu qui est en décrochage, qui possède des règles sans rapport avec le reste de l’espace social. C’est le cas ici par exemple. Ce n’est pas un lieu sans règles , c’est un lieu sans règles en rapport avec le reste de l’espace social . Je crois qu’il faut ajouter à cette définition de l’hétérotopie que ces lieux sont des lieux de passage et de transformation, c’est-à-dire qu’un lieu de soin ne doit ni être un parc où on parque les gens, ni une frontière. Dans un lieu de soin on y passe, ça veut dire qu’on y séjourne et qu’on s’y transforme.

    La troisième question sur ce qu’est faire sur ou avec les gens, celle de la multiplicité , est très importante puisque le soin lui-même est normatif. Il est très difficile d’accueillir la multitude des rencontres et de gérer toutes leurs durées. Être avec des personnes handicapées – et pour les personnes handicapées, être avec des valides ! – cela demande des efforts réciproques, et donc cela provoque des conflits. Vous voulez chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre puisque même si vous ne voulez pas être normatif, vous finissez au quotidien par vouloir quand même une part de décision, par vouloir avoir quelque chose à dire dans le mode de vie. Et des modes de vie qui se combinent au quotidien, ce sont forcément des modes de vie qui interviennent l’un sur l’autre. Chez Canguilhem, on trouve cette leçon où il dit que le soin, d’une part, ça n’a pas pour but de faire du bien aux autres, le soin ça a d’abord pour but de remettre les autres en activité. D’autre part, le problème du soin c’est comment faire pour saisir la singularité des personnes et leur permettre de déployer cette singularité-là – c’est hyper compliqué parce que cela ne peut pas être contemplatif. Vous ne pouvez le faire qu’en vivant avec les gens.

    J’en arrive au troisième gros groupe de problèmes que j’avais annoncé au tout début et qui va me permettre de développer ça, au rapport entre coexistence et intervention : comment est-ce qu’on peut penser les rapports entre identité, égalité et différence entre les handicapés et les valides ? Je crois que ce n’est pas plus abstrait que ce que je viens de dire juste avant, c’est même plus proche de ce que l’on vit.

    Alors le but du jeu, c’est qu’il y ait une indifférence qui s’installe entre les valides et les invalides – mais c’est très difficile pour deux raisons. La première, c’est que les rapports de soin et de prise en charge sont dissymétriques : il y en a un qui soigne et l’autre qui est soigné, il y en a un qui prend en charge et l’autre qui est la charge – au moins c’est clair... même si c’est brutal. La première difficulté donc c’est le caractère dissymétrique, la deuxième c’est que même quand il n’y a pas de soin et que vous ne prétendez pas soigner la personne handicapée, il y a ce qu’on appelle le stigmate ou le caractère liminaire des personnes handicapées. Alors ça, ça a rempli des bibliothèques entières de socio ! Qu’est-ce ça veut dire ? Ça veut dire que la personne handicapée ne doit pas choquer et le soignant non plus – c’est la théorie d’Erving Goffman dans Stigmate (à l’époque, dans les années 60, pour Goffman, les handicapés, les prostituées, les homosexuels sont exposés au même « stigmate »). Par exemple, quand quelqu’un arrive dans un restaurant et que vous devez l’accueillir et que vous êtes handicapé, par exemple comme moi, vous vous arrangez pour ne pas vous lever de votre chaise, pour ne pas le gêner. Par contre, à un moment vous allez être obligé de lui faire comprendre que vous avez un problème. C’est du tact, c’est de la négociation sociale, c’est du stigmate, c’est-à-dire que ça consiste à effacer faussement les éventuelles différences.

    La deuxième idée à ce sujet de la différence permanente entre handicapés et valides, même quand il n’y a pas de soins, beaucoup plus complexe, c’est le caractère liminaire , c’est-à-dire qu’une personne handicapée est à la fois identique et différente, et on ne s’en sort pas – elle reste sur le seuil. Ce n’est pas un monstre, mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui est identique à une personne valide.

    Donc il est très difficile pour ces deux raisons-là de prétendre à être indifférent aux personnes handicapées. Est-ce que pour autant il faut dire qu’il n’y a pas de solutions ? Très franchement je vous réponds, je ne crois pas que ces deux notions de stigmate et de liminarité soient réellement valides – c’est le cas de le dire, il faut bien se détendre un peu... Pourquoi elles ne sont pas parfaitement valables ? Les rapports entre valides et invalides sont des rapports pratiques, et ça dépend de ce que l’on fait. Du coup, ils se transforment en fonction des pratiques. Je vais faire un petit détour historique avant d’achever mon propos. Ce qui le montre très clairement c’est l’exemple du freak show. Une des questions qui a été discutée hier, c’était : remplacer les personnes handicapées par des personnes valides ou inversement, est-ce que cela ne reste pas une dynamique de freak show, en particulier dans les dispositifs théâtraux ? Mais en fait, c’est sans doute un problème qui s’est considérablement déplacé et transformé depuis l’époque des freak shows. C’était les expositions de monstres : la femme à barbe, l’homme sans cou, le pied sans tête, etc. Vous aviez deux grandes techniques qui faisaient que les gens venaient et aimaient bien voir les freak show. La première technique c’était de dire : « Oui c’est vraiment un monstre mais regardez il est loin, c’est un monstre asiatique, c’est un monstre indien ! » ; la deuxième technique, c’était de dire : « oui oui c’est un monstre mais il a vraiment dépassé ses différences par des capacités extraordinaires pour finalement réussir à faire comme nous ! » – non pas le dispositif de l’Haïtienne à barbe mais le dispositif de Tom Pouce, qui est un nain et qui se marie, etc. Dans tous les cas, vous avez un mouvement qui vise à rassurer, vous avez un jeu entre l’extraordinaire et l’ordinaire. Ce jeu consistait dans les freak shows à effacer les monstres tout en les montrant – près, mais loin, différents mais pareils, à juxtaposer leur présence et leur absence, l’identité et la différence. C’est ça, le show . Ce type de jeu était déjà incertain, un jeu ça se joue toujours à deux ou sur deux plans, c’est-à-dire que les personnes handicapées jouent également – les valides jouent mais les personnes handicapées jouent aussi. Je développe.

    Si vous avez vu Freaks de Tod Browning, c’est une des grandes idées du film – Browning, lui- même entrepreneur de freak show, raconte avec d’autres que la dimension d’arnaque était connue par les monstres et les handicapés. Il y avait tout un jeu qui consistait à arnaquer le plus possible les valides, tandis que le plaisir du dimanche des valides était aussi d’aller se faire arnaquer. C’est un jeu théâtral qui se joue à deux : vous avez des personnes qui font semblant d’arnaquer les autres, et d’autres qui font semblant de se faire arnaquer. Mais de temps en temps ça tourne mal et on arrête de faire semblant, et c’est le sujet de Freaks ...

    Bon, qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Pour ceux d’entre vous qui ont pu assister hier au concert des Turbulents avec Fantasio... quelque chose alors m’a frappé : c’est des moments difficiles à voir dans les spectacles. Il y a eu à un moment donné une identité entre les spectateurs et la scène, identité au sens où dans l’activité commune, les spectateurs sont devenus de vrais spectateurs de concert de rock et les musiciens sont devenus de vrais musiciens, et non plus des personnes handicapées vues par des personnes valides ou inversement. Il ne s’agissait plus de parcourir une distance ; dans l’activité commune, de l’identique a été créé, et de l’égal. Il faudrait expliquer ça plus longuement...

    En tous cas, les jeux restent ouverts, au quotidien comme sur scène. Ce qui m’a frappé principalement hier et aujourd’hui, en autres : les personnes handicapées sont habituées à être visibles – être handicapé c’est être visible , il n’y a pas de handicap invisible, un handicap invisible finit toujours par apparaître parce qu’un handicap, par définition, dure et touche à ce qu’on fait, alors qu’il peut y avoir, c’est vrai, des maladies invisibles. Si vous avez un handicap, même dit invisible, au bout de quelque temps, ça va se voir. Qui dit handicap dit visibilité, et les personnes handicapées savent qu’elles sont visibles. Si elles sont moins visibles que d’autres, par exemple en étant placées dans certains bâtiments fermés, elles savent qu’elles sont surveillées. Et si les surveillances se relâchent, elles ont conscience des troubles qu’elles provoquent en arrivant – c’est la question du stigmate et de la liminarité.

    La question que je me pose, c’est qu’est-ce qui se passe du coup pour une personne qui a l’habitude de toujours être exposée quand elle passe sur une scène ? Comment penser la surexposition des personnes handicapées ? Ce ne sont pas des personnes qui sont cachées habituellement, ce sont des personnes qui sont déjà soumises au spectacle, et donc il y a un redoublement du spectacle. Il y a énormément de possibilités de subversion qu’il m’a semblé voir sur scène et en particulier, une dynamique d’exagération. Qu’est-ce que c’est une personne handicapée qui exagère sur scène ? C’est quelqu’un qui est d’ordinaire sur une scène et qui se retrouve sur une scène où elle sait que les règles sont assouplies parce que ce sont des règles artistiques, et donc elle peut en faire plus que d’habitude.

    Si je dis ça, c’est parce que pour penser ce rapport entre identité et égalité , on est toujours piégé si on met la personne en face dans une situation de passivité. On ne l’est pas à partir du moment où on part du principe que la personne, en fait, elle joue aussi, et c’est là que l’égalité peut réellement s’instaurer.
    Voilà, je vous remercie. »

    Les 6 premiers n° des Cahiers pour la folie sont publiés en ligne
    des https://www.epel-edition.com/lire.html

    #Cahiers_pour_la_folie #soin #intervenir #handicap #folie #travail #employabilité #oeuvrer #égalité #normalisation #singularité #contrôle_social #médecine #collectif #institution #établissements #histoire #psychothérapie_institutionnelle #GEM #hétèrotopie #MDPH #Conseil_d'État #revenu #AAH

  • Les Heures Heureuses
    https://www.nova-cinema.org/prog/2020/179-a-la-folie-waanzin/a-la-folie/article/les-heures-heureuses

    Martine Deyres, 2019, FR-CH, DCP, VO FR ST ANG, 77’

    Dans « Les Heures Heureuses », chaque mot et chaque image sont pesés pour nous plonger dans l’histoire depuis les années trente jusqu’aux années septente, et dans la vie quotidienne d’un asile aujourd’hui devenu légendaire : l’Hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole. Avec beaucoup de poésie et de sensibilité, Martines Deyres utilise des images d’époque, nourries par les témoignages de paysans devenus infirmiers grâce à l’enseignement du psychiatre révolutionnaire Francesco de Tosquelles. Ces paroles sans détours livrent la réalité pratique des occupants de Saint-Alban. Les récits intimes de certains pensionnaires créateurs (Forestier, Sirvins, Arneval) s’immiscent dans le déroulé du film. On croise aussi Paul Eluard, réfugié à Saint-Alban pendant la (...)

  • Vie sociale et confinement : La Trame
    https://blogs.mediapart.fr/cemea/blog/200520/vie-sociale-et-confinement-la-trame

    VST, la revue du travail social et de la santé mentale des CEMEA réagit à l’actualité en recueillant des témoignages de professionnels actuellement sur les terrains. Comment les institutions s’organisent-elles pour faire face au coronavirus ? Quelles difficultés, mais aussi quelles inventions de la part des professionnels et des usagers pour maintenir une vie sociale … même en étant confinés ?

    La Trame est un lieu d’accueil, d’orientation et d’échange pour les personnes en souffrance psychique et sociale, leurs proches et les professionnels du Nord-Ouest de la Seine-Saint-Denis.

    « Le choix du mot trame prend tout son sens quand il vise à proposer un accueil inconditionnel pour les personnes en difficulté psychique dans le département de Seine-Saint-Denis. Dans le prolongement des GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle), La Trame assume une continuité entre le sanitaire, le médico-social et le social. Pour dépasser les obstacles rencontrés, la créativité s’avère indispensable. Elle permet une continuelle ouverture sur le monde. Ainsi se dessine la mise en œuvre effective d’une psychiatrie citoyenne sans méconnaître la fragilité des personnes. »

    « La Trame a été de prime abord pensée comme une sorte d’espace ressource, de soutien, d’orientation et d’accompagnement pour les gemmeurs qui ont des problèmes plus ou moins ponctuels, plus ou moins sérieux, plus ou moins compliqués à régler. »*

    « Diffusée chaque mois sur Fréquence Paris Plurielle (106.3 FM), l’émission de radio « Bruits de couloir » fait circuler la parole avec les membres des GEM et de la Trame. Cette émission est devenue quotidienne pendant la période du confinement : « BruitS de Couloir au pays des confins », 15 minutes par jour du lundi au vendredi. »*

    Cette interview réunit l’équipe de « Bruits de couloir », émission de radio fabriquée par la Trame :

    Christophe M : Commençons par une anecdote, ça situera aussi d’où on vient. Jean Oury en 2006 disait : « C’est pas normal à la Borde, on n’est pas abonné à VST, je viens de découvrir cela. Je reprends dix abonnements et je les distribuerai aux moniteurs ». Pour ma part c’est comme ça que j’ai découvert Vie Sociale et Traitement. Oury parlait beaucoup du mouvement des CEMEA et, par ailleurs, il a beaucoup œuvré pour rassembler les gens de la pédagogie institutionnelle. Cette petite introduction pour dire que la Trame s’inscrit, ou s’inspire du mouvement de la psychothérapie institutionnelle. Je suis psychologue clinicien, animateur de la Trame et, plus largement, de ce projet depuis son début en 2014

    #Psychiatrie #psychothérapie_institutionnelle #Gem

  • Psychiatrie confinée et nouvelle anti-psychiatrie covidienne, Mathieu Bellahsen
    https://blogs.mediapart.fr/mathieu-bellahsen/blog/290320/psychiatrie-confinee-et-nouvelle-anti-psychiatrie-covidienne

    Depuis bientôt quinze jours, les équipes de #psychiatrie, les patients et leurs familles ont du s’adapter à la situation nouvelle qu’impose le #confinement de la population. La transmission possible du virus impose des règles strictes dans les lieux de soins allant à rebours de ce qui permet habituellement le #soin psychique.

    Depuis deux semaines, un genre nouveau d’#anti-psychiatrie dicte les règles de la psychiatrie confinée. Cette anti-psychiatrie covidienne rend difficile la possibilité même de #soins_psychiatriques et psychiques. Pour autant, tenter un décryptage sur le vif de ce qui se passe et partager quelques initiatives est nécessaire pour que ce confinement ne rime pas avec de nouveaux cloisonnements.

    Evolution des antipsychiatries

    Comme nous l’avons développé ailleurs1, la notion d’anti-psychiatrie fluctue au grès du fond de l’air de la société.

    Dans les années soixante, la première anti-psychiatrie porte une critique radicale de la psychiatrie asilaire et disciplinaire telle qu’elle s’est construite au XIXème siècle et développée dans la première partie du XXème siècle. Cette critique politique s’inscrit dans un lien à des pratiques d’émancipation générale de la société. Elle met en question le modèle médical de la première neuropsychiatrie, celle qui ne distingue pas encore la neurologie de la psychiatrie.

    Dans les années 1980, ce discours antipsychiatrique se lie à de nouvelles pratiques gestionnaires de groupes homogènes de malades, de rationalisation (et donc diminution) du coût des prises en charges. L’antipsychiatrie gestionnaire reprend les discours critiques de la séquence précédente mais ce ne sont plus les pratiques de soin qui comptent le plus mais les pratiques de bonne gestion et donc de diminution des coût sous prétexte de désaliénation.

    A partir des années 2000, la santé mentale s’impose comme la notion réorganisatrice du champ de la psychiatrie. Les pratiques de déstigmatisation lient l’émancipation de la psychiatrie à son analogie au modèle médical classique. La maladie mentale doit devenir « une maladie comme les autres ».Puis viendra la notion d’inclusion qui, en se présentant comme un terme positif, retourne le stigmate de l’exclusion et se substitue à la déstigmatisation. L’inclusion est une notion piège et dans la société néolibérale concoure une « l’exclusion de l’intérieur ».

    En 2014, à partir du champ de l’autisme, Loriane Bellahsen décrypte une nouvelle antipsychiatrie2 qui prend appui sur le modèle médical et plus précisément le cerveau. Le psy s’efface au profit du neuro par l’intermédiaire des sciences « neuros » alors en vogue dans le champ social. L’assomption des troubles du « neuro-développement » légitime un certain type de pratique qui s’appuie sur une hégémonie politique que nous qualifierons de neuropolitique avec Pierre Dardot, Christian Laval, Ferhat Taylan et Jean François Bissonnette.

    Poursuivant ces travaux, Pierre Dardot caractérise l’antipsychiatrie contemporaine comme « une médecine totale et exclusive, une médecine éliminativiste . Il ne s’agit pas non plus d’un simple retour de balancier qui verrait une « anti-antipsychiatrie » des usagers succéder à l’« antipsychiatrie » des psychiatres. Avec la nouvelle antipsychiatrie, nous avons affaire, à la lettre, à une véritable « psychophobie » qui procède d’un véritable fanatisme de l’objectivation scientifique. »3

    Dans « la révolte de la psychiatrie », paru début mars 2020, nous reprenons ces travaux avec Rachel Knaebel et Loriane Bellahsen en faisant l’hypothèse que la nouvelle antipsychiatrie 2.0 est un alliage entre :

    – l’antipsychiatrie gestionnaire précédente qui s’accommode de la société néolibérale,

    – l’antipsychiatrie psychophobe qui s’émancipe de la psychiatrie à partir du modèle médical de diagnostic et de tri (et non contre lui)

    – la nouvelle neuropsychiatrie qui s’origine dans les sciences du cerveau, le big data et les technologies numériques.

    A l’intérieur de ces strates de la nouvelle antipsychiatrie peuvent toutefois émerger des pratiques et des luttes plus ou moins radicales comme en témoigne les courants au sein de la neurodiversité : celle-ci pouvant servir tantôt à mettre en question l’ensemble de l’institution de la société (CLE autisme), tantôt à s’accommoder de « compensations » pour rejoindre les normes sociales dominantes.

    La psychiatrie confinée

    Dans le même temps, les politiques d’austérité et de destruction du système de santé se poursuivent. Des luttes se disséminent dans tous les secteurs du soin : en psychiatrie,4 dans les EHPAD, aux urgences puis dans l’ensemble de l’hôpital public.

    Deuxième semaine de mars, les pouvoirs publics commencent à prendre des mesures face à la pandémie de COVID 19. Sur fond de pénurie organisée par les politiques publiques et renforcée par le lean managment, les discours guerriers des gouvernants se marient aux promesses sans lendemain. Quelques jours plus tard et pour parer au risque mortel que propage le virus sur un système de soin détruit par des politiques abusives et criminelles depuis des années, la psychiatrie se confine.

    Dans les pratiques quotidiennes de la psychiatrie confinée, la séquence COVID réactive des strates enfouies des psychiatries et des anti-psychiatries puisqu’il s’agit de faire l’inverse de ce que l’on fait d’habitude. Une série de renversement coronaviriens se font dans l’urgence de la situation. Ils sont nécessaires mais ils posent question pour le présent et pour la suite.

    Je souhaite donc faire état, de façon nécessairement subjective, de ce qui se passe au quotidien dans le secteur de psychiatrie générale où j’exerce. (...)

    Concrètement, nous avons mis en place dans l’urgence une première unité COVID dans notre hôpital psychiatrique de campagne, loin de tout, sans plateau technique. Et l’image mentale de voir mourir les personnes qui vont y être admises, les yeux dans les yeux, faute de matériel, faute de compétences médicales non psychiatriques suffisamment avancées, commence à nous hanter. Très vite, quatre de nos patients sont dans cette unité dont l’un d’eux en mauvaise forme physique. Alors que certaines de ses constantes ne sont pas bonnes, les secours refusent de le transférer dans un hôpital général. Il n’y a quasiment plus de lits en unité COVID dans les hôpitaux généraux alentours, plus de place en réanimation. Finalement, il va mieux. Mais si l’un des nôtres en a besoin ?

    Devant cette situation de la catastrophe en cours et à venir, la directrice et les soignants de l’hôpital général avec qui nous sommes en « direction commune » acceptent immédiatement de transférer cette unité COVID pour les patients psys au sein de leur hôpital général à 40 kilomètres de là, dans un autre département. Cette solidarité concrète tempère les peurs de reviviscences eugénistes. Et dans ce moment, ce n’est pas rien. C’est même tout à fait essentiel.

    Pour autant les discours sur la saturation à venir dans tous les services, le tri de ceux qui vivront et ceux qui mourront se fait de plus en plus pressant.

    Rappelons que ces choix impossibles ne sont pas les nôtres en tant que soignants même si en bout de course ce sont les soignants qui les assument. Ce cadre de choix, nous en sommes collectivement responsables en tant que citoyens quand on s’accommode toujours plus à l’idée que l’organisateur suprême de la société c’est la concurrence, l’argent et la finance.

    Ce qui a présidé à ce genre de choix définitif (qui va vivre qui va-t-on laisser mourir), est le cadre néolibéral mûri depuis des années avec toutes ces réformes. Voilà le réel des éléments de langage, de la communication et de la langue positive de ces réformes promouvant l’égalité, l’universalité, la santé… Le réel de ces mots ce sont les morts consécutifs à ces choix enrobés de novlangue managériale. Qui est responsable de ces choix impossibles, délétères, cruels, si ce n’est l’évolution néolibérale de la société et ceux qui ont endossé ses habits de luxe et de mépris ? (...)

    Excellent papier dont ces deux extraits ne suffisent pas à rendre compte. À l’inverse du machin à la Y a pas de problème en psychiatrie les fous s’adaptent très bien, que le Favereau de Ration a publié : En psychiatrie, l’étrange calme pendant la tempête
    https://www.liberation.fr/france/2020/03/26/en-psychiatrie-l-etrange-calme-pendant-la-tempete_1783216

    Comme dans les prisons, les Ehpad, et d’autres lieux disciplinaires, avec les nombreuses pathologies que se trimballent pas mal de psychiatrisés, on peut craindre un remake de la décimation des fous durant la seconde GM (principalement par famine, à l’époque)
    #toctoc

    #eugénisme rampant ou pas #pathoplastie #psychothérapie_institutionnelle #expertise the real one, celle qui procède de l’expérience

  • Faut-il tuer #Freud ? (4/4) : Machines partout, Œdipe nulle part
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/faut-il-tuer-freud-44-machines-partout-oedipe-nulle-part



    #Félix_Guattari chez lui le 15 juin 1987 à Paris• Crédits : François LOCHON/Gamma-Rapho - Getty

    Qui est Félix Guattari, celui qui, avec le philosophe Gilles Deleuze, remet en cause l’enseignement freudien dans le livre « L’Anti-Œdipe », publié en 1972 ? Croyaient-ils au bien-fondé de la psychanalyse ? Comment ont-ils pensé ensemble l’élaboration d’un « inconscient machinique » ?

    L’invité du jour : Valentin Schaepelynck, maître de conférences au département de sciences de l’éducation de Paris 8, membre du collectif de la revue deleuzo-guattarienne Chimères

    #psychanalyse (critique interne de la) #institution #psychothérapie_institutionnelle #philosophie #clinique #psychiatrie #pratiques_sociales

  • Pour l’accueil de la folie, avec Jean Oury | Documentaires | Mediapart, avec un #paywall qui suppose de disposer d’un code d’accès, empruntable.
    https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/culture-idees/pour-l-accueil-de-la-folie-avec-jean-oury

    "Le paradoxe c’est d’organiser, on peut dire pour l’éternel, quelque chose qui peut disparaître d’une seconde à l’autre, ça c’est Kierkegaard, le précaire. Et le précaire c’est la base de ce qu’on pourrait appeler l’organisationnel. Si dans une communauté, un hôpital, il n’y a pas de précaire, eh bien c’est un camp, ça peut arriver très vite. " (Jean Oury)

    Celui qui s’entretient avec Martine Deyres est un vieux monsieur. Il a créé, il y a 60 ans, la #clinique_de_La_Borde, lieu majeur de la psychiatrie du XXe siècle, là où Gilles Deleuze et Félix Guattari ou encore l’écrivaine Marie Depussé ont aussi travaillé. Aujourd’hui, elle compte 107 lits d’hospitalisation. Dans Le sous-bois des insensés, Jean Oury parle de l’accueil des psychotiques et des structures aliénantes, autant pour les patients que pour les #soignants. Décapant, à l’heure où les professionnels de la psychiatrie se mobilisent pour préserver une certaine qualité du soin.

    Le sous-bois des insensés a été tourné peu avant la mort de Jean Oury, décédé en mai 2014 à l’âge de 90 ans. Dans cet entretien d’une heure et demie (que nous vous proposons en partenariat avec le site de VOD Tënk), le psychiatre laisse courir sa pensée. Sautant de récits en métaphores, de colères en impertinences, il déroule librement ce qu’à ces yeux doit être un établissement dédié aux psychotiques : un endroit où se déploie une « polyphonie de #soins », où l’on « travaille l’ambiance » et où « l’important n’est pas ce qu’on dit, mais la manière dont on le dit ». Sans ce souci du lien entre les personnes, l’établissement « a très vite fait de devenir un camp », prévient Jean Oury. Un documentaire proposé en écho au débat que nous avons organisé récemment sur la crise que traversent actuellement les hôpitaux psychiatriques.

    #psychiatrie #fonction_d'accueil #psychothérapie_institutionnelle #Jean_Oury #vidéo

  • « Faire le ménage ensemble, c’est la base »

    Le travail au ras des pâquerettes – 1er épisode

    Par Lise Gaignard

    http://jefklak.org/faire-le-menage-ensemble-cest-la-base

    Sous le pseudonyme de Marie-Louise Michel, de 2007 à 2014, Lise Gaignard a écrit pour Alternatives libertaires des « Chroniques du travail aliéné », réunies et publiées par les Éditions d’une. Psychanalyste en ville et en campagne contre la servitude passionnelle, elle nous fait partager ses tribulations institutionnelles, passant de l’analyse des processus psychiques mobilisés par le réel du travail à la psychothérapie institutionnelle, pratique thérapeutique marchant sur deux jambes (Karl Marx et Sigmund Freud) pour tenir ensemble aliénation psychopathologique et aliénation sociale.


    Le 1er épisode de ces nouvelles chroniques publiées par Jef Klak nous emmène au Boissier, local du club thérapeutique de la clinique psychiatrique de La Chesnaie (Loir-et-Cher). Ici, les habitant⋅es s’attellent au jour le jour à la fragile et précieuse tâche de vivre au milieu des autres, très loin des fantasmes orthopédiques des « conseillers en insertion ».

  • Les semaines de la folie ordinaire, du lundi 12 au dimanche 25 mars, de Villetaneuse à Montreuil en passant par Paris
    Programme
    https://sdlfoparis2018.wordpress.com/programme

    François Tosquelles : une politique de la folie, un #film de François Pain
    https://vimeo.com/167991974

    Sous la forme d’un entretien ponctué d’images inédites, ce documentaire de 54’ dresse un portrait unique de ce personnage truculent et profond qui a radicalement infléchi l’#histoire de la #folie. Cinquante ans d’histoire de la folie à travers la biographie et l’œuvre de François Tosquelles. Fondateur de la #psychothérapie_institutionnelle, il est à l’origine de la création de la clinique de La Borde qui perpétue son œuvre : une nouvelle pratique de la #psychiatrie, une nouvelle approche de la folie.

    • « La soumission de toute pensée aux médias »

      aussi là
      http://seenthis.net/messages/427247
      http://seenthis.net/messages/80086

      @unagi, @arno, @tintin, @mona, @bug_in
      @aurelien a donné ici il y a peu l’annonce de parution d’un nouveau volume de Deleuze préparé par David Lapoujade, Lettres et autres textes qui apporte un éclairage sur le travail de Deleuze après sa rencontre avec Guattari en #68.

      http://seenthis.net/messages/425737

      puis il a signalé sur ce même post un entretien avec David Lapoujade
      http://www.telerama.fr/idees/gilles-deleuze-est-mort-il-y-a-20-ans-il-n-est-toujours-pas-post-il-est-neo

      Quel aspect de son œuvre vous semble le plus en phase avec notre époque, vingt ans après sa mort ?

      Les analyses du capitalisme qu’il mène avec #Félix_Guattari – dans L’Anti-Œdipe (1972) et Mille Plateaux (1980) [tous deux surtitrés Capitalisme et schizophrénie ]. Guattari est vraiment un visionnaire, une montre en avance sur son temps, comme en témoignent les textes, d’une force incroyable, qu’il écrit seul, avant sa #rencontre avec Deleuze, en 1969. Bien sûr, le capitalisme a évolué depuis vingt ou trente ans, mais leur réflexion sur les « #sociétés_de_contrôle » semble plus que jamais d’actualité, comme s’ils avaient posé les contours du capitalisme actuel. Ils ont vu que nous étions entrés dans une époque où les individus sont moins assujettis aux règles d’une société disciplinaire que soumis à un contrôle continu, par l’intermédiaire des informations qu’ils émettent eux-mêmes de toutes parts. [et donc également ici même.] (...)

      Avec Guattari, tout change, le structuralisme cède la place à un machinisme généralisé. La philosophie devient pratique. J’aime beaucoup les passages où Deleuze écrit à Guattari : j’ai absolument besoin que vous m’expliquiez ceci ou cela. J’espère que cela tordra le cou à l’idée que Guattari est un complément gauchiste secondaire dans leur œuvre #commune.

      #impersonnel #psychothérapie_institutionnelle

    • Le #marketing a ses principes particuliers :

      1. il faut qu’on parle d’un livre et qu’on en fasse parler, plus que le livre lui-même ne parle ou n’a à dire. A la limite, il faut que la multitude des articles de journaux, d’interviews, de colloques, d’émissions radio ou télé remplacent le livre, qui pourrait très bien ne pas exister du tout.

      C’est pour cela que le travail auquel se donnent les nouveaux philosophes est moins au niveau des livres qu’ils font que des articles à obtenir, des journaux et émissions à occuper, des interviews à placer, d’un dossier à faire, d’un numéro de Playboy. Il y a là toute une activité qui, à cette échelle et à ce degré d’organisation, semblait exclue de la philosophie, ou exclure la philosophie.

  • Le séminaire de Sainte-Anne de #Jean_Oury : « Le dossier Oury-Félix » / COLLEGE INTERNATIONAL DE PHILOSOPHIE
    http://plus.franceculture.fr/partenaires/college-international-de-philosophie/le-seminaire-de-sainte-anne-de-jean-oury-le-dossier

    Cette relation doit être resituée par rapport à deux noms : Deleuze, mais aussi Lacan. #Guattari et Oury constituent un moment poiétique singulier dans l’histoire de la #psychothérapie_institutionnelle ; Deleuze et Guattari déterminent un moment singulier dans l’histoire de la pensée française et internationale ; Oury est grand lecteur de Deleuze. Pourtant, jamais ce triangle n’est saisissable en une figure achevée, et sous-jacent, demeure Lacan. Sur le terrain théorique et #politique, des témoignages, non pas seulement sur l’époque consensuelle des années-#GTPSI, mais sur l’époque où les praxis se sont scindées, ouvrant parfois des gouffres, nous aideront à éclairer ces pensées dans leur articulation pratique, gardant pour perspective le point intangible, par-delà les brisures, de l’#accueil #éthique de la #folie, de sa souffrance et de ses lignes de force.

    #psychiatrie

  • Avec Jean Oury. Vivre avec la folie / #Revue_Chimères n°84 - Le silence qui parle
    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2015/02/19/vivre-avec-la-folie-olivier-apprill-edito-de-la-revue-chime

    « Refaire le #club_thérapeutique, tout le temps. » Cette petite phrase de #Jean_Oury, extraite d’un dialogue avec Danielle Sivadon en 2004 (1), aurait pu être prononcée au printemps dernier comme il y a cinquante ans. Elle exprime une constance mais aussi une exigence : donner du #pouvoir aux malades, créer de la responsabilité, du #mouvement, du #possible. C’est à ces tâches essentielles que le fondateur de la #clinique psychiatrique de La Borde se consacrait encore quelques jours avant sa mort, le 15 mai dernier, à l’âge de 90 ans.

    Rendre hommage à celui que ses pairs considèrent comme l’un des meilleurs connaisseurs de la #psychose, c’est d’abord prendre la mesure de cette passion médicale (2) qui voit en chaque individu, plus ou moins fou, un sujet à part entière. C’est surtout honorer un engagement au jour le jour, une disponibilité, une présence confondue avec l’accueil permanent de l’autre.

    Jean Oury n’a jamais cessé de l’affirmer : dans l’abord de la #folie, le plus petit détail, un simple geste ou un sourire peuvent avoir une valeur inestimable. Ce souci de l’#ambiance, ces paroles qui soignent, cet humour, cette bienveillance, ces moments féconds au cours desquels une existence parfois bifurque constituent l’arrière-fond sensible dont ce numéro de Chimères se veut l’écho, nourri d’expériences, de témoignages et de récits souvent placés sous le signe d’une « vraie rencontre ». Une sorte de #constellation affective où les voix de plusieurs générations de patients, de « psychistes », d’artistes, d’amis proches ou de compagnons de route se mêlent pour composer un portrait multiple, polyphonique, de l’homme qui a tracé « son chemin en marchant » et su s’adresser, avec une qualité de parole incomparable, à ce qu’il y a de plus #singulier en chacun.

    En soutenant l’hypothèse que l’hôpital peut devenir un instrument thérapeutique et que la folie est aussi #création, Jean Oury abroge toutes les formes de ségrégation et tout réductionnisme de la maladie mentale. Autant de révolutions partagées au long de son parcours commun avec son ami #Félix_Guattari : la machine bicéphale Oury-Félix occupe une place privilégiée dans ce numéro de Chimères. Un agencement foisonnant, tour à tour créateur et conflictuel, qui constitue le caractère le plus visible de cette amitié – terme sans doute à entendre ici dans le sens d’une « condition pour l’exercice de la pensée » (3). Pensée en extension chez l’un, locale et intensive chez l’autre, dont la complémentarité aura permis d’instituer un milieu et un lieu « qui n’en a jamais fini de se construire » (4).

    Ce #lieu de #soin, bien réel et pourtant toujours à venir, Jean Oury en a lui-même élaboré la formule logique, la topique, dans son concept princeps de « collectif ». Réussir à déchiffrer ce qui se passe dans la vie quotidienne, sur le terrain, au travail, entre les gens, afin qu’une organisation d’ensemble puisse tenir compte du #désir_inconscient, est au principe même d’une « #psychiatrie_concrète » (autre nom de la #psychothérapie_institutionnelle) pour laquelle le médecin directeur de #La_Borde a oeuvré sans relâche.

    Tel est peut-être l’un des legs les plus manifestes de Jean Oury aux pensées qui n’ont pas renoncé à transformer l’état des choses. Un legs clinique, philosophique, politique, poétique, #éthique, dont la « valeur humaine » imprègne toutes les pages qui suivent. Accueillir, soigner, penser, vivre avec la folie : la contingence, une vie…

    Olivier Apprill
    Vivre avec la folie / 2015
    Édito du n°84 de la revue Chimères : Avec Jean Oury

    Numéro dirigé par Olivier Apprill et Jean-Claude Polack

    Télécharger le sommaire : Chimeres 84 sommaire
    http://lesilencequiparle.e.l.f.unblog.fr/files/2015/02/chimeres-84-sommaire.pdf

    • Assemblée nationale, Audition de M. Jean Oury, dir. de la clinique de La Borde (Cour-Cheverny) - Jeudi 31 Janvier 2013
      http://www.dailymotion.com/video/x17i0np_audition-de-m-jean-oury-dir-de-la-clinique-de-la-borde-cour-che

      Alors, la vie quotidienne ? (séminaire de Ste Anne septembre 1986)
      http://www.revue-institutions.com/articles/19/Document5.pdf

      De l’#institution. #Transfert, multiréférentialité et #vie_quotidienne dans l’approche thérapeutique de la psychose (2003)
      http://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2003-2-page-155.htm

      La destruction programmée de la psychiatrie (2008)
      http://www.cairn.info/revue-sud-nord-2008-1-page-37.htm

      « La psychiatrie n’est pas une spécialité de la #médecine, ce serait plutôt l’inverse », (une rengaine de J.O).

      Le pré-pathique et le tailleur de pierre
      http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chimeres/files/40chi04.pdf

      JE VOUDRAIS ESSAYER DE FAIRE PASSER une dimension de la communication que j’appelle « pré-pathique », importante aussi bien sur le plan psychiatrique (de l’autisme ou de la #schizophrénie) que dans le domaine de la #normopathie (on est tous des normopathes et c’est la chose la plus incurable qui soit). Il ne s’agit donc pas ici d’une « communication » au sens restreint du terme mais de déchiffrer ce qui est en question dans « ce qui se passe ». Cela rejoint ce que j’appelle « les #entours » : terme banal qui me semble plus évocateur et plus poétique que le mot ambiance. On peut être non pas en face mais avec quelqu’un, et alors on essaye de repérer ce qui se passe. « Passage » est un mot privilégié de #Kierkegaard par lequel il traduisait le terme grec de kinésis . Il y a du mouvement ; s’il n’y a pas de mouvement, il ne se passe rien. Mais le mouvement ce n’est pas l’agitation. Ce qui exige une distinctivité : quand on passe d’un point à un autre, si le deuxième point n’est pas différent du premier, autant rester sur place. C’est la #critique que j’adresse à la plupart des #établissements. Ils sont tous pareils : aussi bien le bureau du médecin, que celui du directeur, ou la cuisine, la bibliothèque... C’est la même odeur, la même « olor ».

      #Santé_mentale ? #François_Tosquelles #Jacques_Lacan #DSM #diagnostic #fonction_d'accueil

    • « Séminaire de Sainte-Anne » de Jean Oury (1ère partie)

      http://www.franceculture.fr/player/export-inline?content=4329375

      Le psychiatre Jean Oury, fondateur de la psychothérapie institutionnelle, « plus grand connaisseur vivant de la psychose » (P. Delion), tient depuis 1980 un séminaire à #Sainte-Anne. Nous présenterons l’ethos, la parole, et l’histoire de ce lieu crucial pour l’actualité et l’histoire de la psychiatrie et de la #psychanalyse. Notre approche n’est pas clinique, mais une analyse praxique du discours, où sens, éthique et pertinence sont le nœud épistémologique hors duquel la pensée d’Oury reste impensable. Nous établirons l’objet du discours d’Oury, son régime praxique et sa profonde homologie de #structure et de #logique avec la folie. C’est au tissage de cette pensée et de sa parole que nous serons surtout sensibles : comment Oury propose une #praxis_théorique singulière ? Sur le plan de l’histoire des idées, des liens seront établis en permanence entre la pensée d’Oury et ses compagnons (Tosquelles, Guattari, #Gentis… ), avec les grands corps théoriques et cliniques (et surtout #Freud, Lacan), politiques (#marxisme antistalinien), philosophiques (Kierkegaard, Heidegger, #Maldiney) et artistiques (art brut… ). Le tout nourrit une pensée qui articule singulièrement logique, clinique et #politique. Enfin, nous insisterons sur les liens récents établis entre psychothérapie institutionnelle et logique peircienne. Il en sort un savoir incomparable à toute autre approche de la psychose. Quant à l’archéologie de ce discours, nous établirons l’aire que dessinent trois autres discours : le #séminaire de La Borde (clinique dirigée par Oury), recueil du savoir clinique d’Oury ; les rencontres du #GTPSI (moment important des années 1960, il est à la psychiatrie ce que les avant-gardes sont à l’art contemporain) ; l’œuvre écrite d’Oury, entre prose poétique et méditation philosophique.

      Avec Olivier Apprill et Pierre Johan Laffite.

      #audio

    • « Cadrer » le dérèglement - La « grille », Félix Guattari, exposé lors du stage de formation de la clinique de La Borde, 29 Janvier 1987.
      http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chimeres/files/34chi01.pdf

      En ce qui me concerne, Je me suis totalement investi dans cette expérience à partir de 1955 ; bien que j’ y aie participé de façon assez suivie dès la phase préparatoire de Saumery. Et c’est durant cette période-là que se sont posés les grands problèmes qui devaient marquer l’évolution ultérieure. Assez rapidement, la clinique a augmenté sa capacité ; elle est pas- sée à soixante malades, puis quelques années plus tard à sa capacité actuelle. Corrélativement, le #personnel a augmenté et les anciennes méthodes d’#organisation consensuelle, fusionnelle, ne pouvaient évidemment plus fonctionner de la même façon. Quand je suis arrivé, j’ai commencé à m’occuper des #activités d’animation et des ateliers. J’ai contribué à la mise en place de pas mal des institutions qui devaient se maintenir de façon durable — quoique toujours en évolution. Mais, assez rapidement, j’ai été amené à m’occuper des problèmes de gestion. Durant les années antérieures, s’étaient instituées des différences de #salaires assez marquées, pour des raisons, d’ailleurs, plutôt contingentes, en raison d’arrangements qui se faisaient au fur et à mesure de l’arrivée des nouveaux membres du personnel. Tout ça pour dire qu’il y avait une situation assez floue, assez peu maîtrisée. Une des premières difficultés à laquelle je me suis trouvé confronté a été relative au #budget des ateliers, lorsqu’ils furent instaurés de façon plus systématique, avec la mise en place du Club ; l’administratrice de cette époque refusait systématiquement de les aider financièrement et il a fallu que je me substitue a elle. À côté de cela, Oury se méfiait beaucoup de quelque chose qui existait dans la plupart des établissements publics, à savoir l’existence d’ergothérapeutes ou de sociothérapeutes spécialisés qui fonctionnaient de façon autonome par rapport au reste du personnel et qui devaient d’ailleurs acquérir ulté- rieurement une qualification particulière. Ça ne nous parais- sait pas souhaitable, parce qu’au contraire on voulait à tout prix éviter que les activités ne deviennent stéréotypées, refer- mées sur elles-mêmes. Pour nous, le but n’était pas de parve- nir à stabiliser une activité particulière. Son fonctionnement ne nous intéressait que pour autant qu’il permettait d’enrichir les #rapports_sociaux, de promouvoir un certain type de #responsabilisation, aussi bien chez les #pensionnaires que dans le personnel. Donc, nous n’étions pas trop favorables à l’implantation d’ateliers standardisés (vannerie, poterie, etc.) avec le ronron du responsable qui vient faire son petit boulot à longueur d’année et avec des pensionnaires qui viennent là régulièrement, mais de façon un peu mécanique. Notre objectif de thérapie institutionnelle n’était pas de produire des objets ni même de produire de « la relation » pour elle-même, mais de développer de nouvelles formes de #subjectivité. Alors, à partir de là, toutes sortes de problèmes se posent sous un angle différent : on s’aperçoit que pour faire des #ateliers, pour développer des activités, le plus important n’est pas la qualification du personnel soignant (diplôme d’infirmier, de psychologue, etc.), mais les compétences de gens qui peuvent avoir travaillé dans le domaine agricole ou comme lingère, cuisinier, etc. Or, bien entendu, pour pouvoir suffisamment dégager ces personnes de leur service, de leur fonction et pour pouvoir les affecter au travail des ateliers et des activités rattachées au Club, il est nécessaire d’inventer de nouvelles solutions organisationnelles, parce que sinon ça déséquilibrerait les services. En fait, ça n’allait de soi d’aucun point de vue, ni dans la tête du personnel soignant, ni dans celles des personnes directement concernées. Il a donc fallu instituer un système, qu’on pourrait dire de dérèglement de l’ordre « normal » des choses, le système dit de « #la_grille », qui consiste à confectionner un organigramme évolutif où chacun a sa place en fonction 1) de tâches régulières, 2) de tâches occasionnelles, 3) de « #roulements », c’est-à-dire de de tâches collectives qu’on ne veut pas spécialiser sur une catégorie particulière de personnel (exemple : les roulements de nuit, les roulements qui consistent à venir à 5 h du matin, la vaisselle, etc.). La grille est donc un tableau à double entrée permettant de gérer collectivement les affectations individuelles par rapport aux tâches. C’est une sorte d’instrument de réglage du nécessaire dérèglement institutionnel, afin qu’il soit rendu possible, et, cela étant, pour qu’il soit « cadré ».

    • Le tact et la fonction soignante, Entretien avec Jean Oury... ou la question de la complexité...
      https://www.s-passformation.fr/actualites/le-tact-et-la-fonction-soignante-entretien-avec-le-dr-oury-ou-la-que

      L’invisible (Lo Invisible) - Entrevista a Jean Oury - Nicolas Philibert
      https://www.youtube.com/watch?v=BG0yOfIlUc0

      « moi je suis un soignant toi t’est un soigné mais ça veut rien dire, c’est une fonction »

      #fonction_soignante #tact #vie_quotidienne #le_singulier #transfert #transfert_dissocié #potentiel_soignant #aseptie #greffes_d'ouvert #passerelles #isolés #la_moindre_des_choses #l'avec

  • Philippe Bichon : « Résister à la dérive sécuritaire de la psychiatrie » (Article11)
    http://www.article11.info/spip/Philippe-Bichon-Resister-a-la

    Un grand pas en arrière. Le projet de loi adopté mardi 31 mai en seconde lecture à l’Assemblée nationale se veut relatif « aux droits, à la protection et à la prise en charge des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques auxquels elles ne sont pas à même de consentir du fait de leurs troubles mentaux ». Symptôme d’un retour à une conception réactionnaire de la folie et du « dessèchement » [2] de la psychiatrie, le texte introduit une série de mécanismes mordant dans les droits déjà fragilisés des patients : sanitaire et sécuritaire se confondent ; la « flichiatrie » s’immisce un peu plus profondément dans l’intimité des personnes ; la déshumanisation des soins efface peu à peu l’ empreinte des approches soignantes désaliénistes. Tout en saupoudrant ses propos d’exemples puisés de son expérience de la psychothérapie institutionnelle, Philippe Bichon, membre du Collectif des 39 Contre la Nuit Sécuritaire et psychiatre à la clinique de La borde revient ici sur la dérive de longue date de la psychiatrie, notamment sur l’aspect gestionnaire et la tendance à la disparition de la dimension relationnelle du soin, avant de parler des dangers et de l’absurdité de l’actuel projet de loi.