• Pékin avertit à nouveau les géants chinois de la tech
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/19/pekin-avertit-a-nouveau-les-geants-chinois-de-la-tech_6073707_3234.html

    Depuis bientôt six mois, l’Etat a multiplié les amendes et les mesures réglementaires contre des plates-formes chinoises de plus en plus puissantes.

    A première vue, c’était presque un rendez-vous de routine : les autorités chinoises avaient convoqué, jeudi 18 mars, les représentants de Tencent, d’Alibaba et de neuf autres entreprises du Web chinois pour les mettre en garde au sujet des « fake news ». Les autorités sont particulièrement sensibles à toute information, véridique ou non, considérée comme politiquement sensible. Mais cette convocation s’inscrit dans un contexte différent : la mise au pas des géants du Web. Depuis bientôt six mois, les mesures de régulation se sont multipliées : annulation de l’introduction en Bourse de la filiale financière d’Alibaba, Ant Group, en novembre 2020 ; régulation de la finance en ligne ; loi antimonopoles ; régulation de la collecte de données…

    Une campagne soutenue en haut lieu : lundi 15 mars, le président, Xi Jinping, a demandé aux régulateurs de la finance de renforcer la supervision des entreprises du Web, de s’attaquer aux monopoles, de promouvoir une compétition saine, la protection des données, et d’empêcher l’expansion désordonnée des capitaux, a rapporté la télévision nationale CCTV. Les plates-formes doivent « suivre la direction politique correcte ».

    « Certaines se développent de manière non standardisée, et cela présente des risques. Il est nécessaire d’améliorer les lois qui gouvernent l’économie des plates-formes afin de combler les vides juridiques », a déclaré le dirigeant chinois. Outre les deux géants, Alibaba et Tencent, la liste des entreprises convoquées par l’administration chinoise du cyberespace et le ministère de la sécurité publique (chargé de la police) inclue entre autres ByteDance, propriétaire de TikTok et de sa version chinoise Douyin, le fabricant de smartphones et d’objets connectés Xiaomi, Kuaishou, qui propose aussi des vidéos courtes, et NetEase, numéro deux chinois des jeux vidéo.Sujets sensibles

    D’après un communiqué de l’administration du cyberespace, les autorités ont demandé aux entreprises de « procéder à une évaluation de sécurité par eux-mêmes » de leurs plates-formes sociales, et de soumettre un rapport aux autorités s’ils souhaitent ajouter des fonctions qui « ont un potentiel de mobilisation de la société ». Le communiqué mentionne en particulier les fonctions audio, et le problème des « deep fakes », des créations ultra-réalistes permettant, à partir de contenus réels, de faire dire à des personnalités des choses qu’elles n’ont pas dites.

    La référence aux fonctions audio concerne les applications de conversation en ligne, comme Clubhouse. Avant l’interdiction de l’application américaine en février, des discussions impliquant des utilisateurs basés en Chine avaient eu lieu sur des sujets hautement sensibles aux yeux des autorités du pays, comme la politique chinoise vis-à-vis de Hongkong, de Taïwan, ou la présence de camps de rééducation dans la région autonome du Xinjiang, dans l’Ouest chinois. Depuis la censure de l’application américaine, plusieurs entreprises chinoises ont mis au point des applications similaires.

    Malgré les progrès de la reconnaissance vocale, la censure de conversations orales est plus difficile à appliquer que celle d’échanges écrits. Quelques jours plus tôt, le 11 mars, douze entreprises, dont Tencent, ByteDance, mais aussi le moteur de recherche Baidu et la plate-forme de VTC Didi, ont été condamnées à des amendes de 500 000 yuans (64 000 euros) par l’administration d’Etat pour la régulation des marchés, en vertu d’une loi antimonopoles. Une loi qui devrait être renforcée dans les mois à venir, d’après des annonces faites lors de la session de l’Assemblée nationale populaire, début mars.
    « Presque autant d’utilisateurs que Facebook »

    Après l’annulation de l’introduction en Bourse record d’Ant Group, la filiale financière d’Alibaba, le régulateur viserait désormais Tencent, qui offre également des services financiers à travers le portefeuille numérique du réseau social WeChat. D’après l’agence Bloomberg, l’entreprise devrait être forcée de créer une holding financière soumise aux règles de la finance traditionnelle.

    Alors que les rumeurs sur une prochaine régulation se répandaient, l’action Tencent a chuté de plus de 8 % en fin de semaine dernière. « C’est un plan de régulation généralisé qui se déroule point par point », résume Jean-Dominique Seval, fondateur du cabinet de conseil Soon Consulting, et président de French Tech Beijing.

    Comme partout dans le monde, les géants de l’Internet n’échappent pas en Chine à la volonté de contrôler les nouveaux acteurs de l’économie. Dans un premier temps, Pékin a beaucoup favorisé ces entreprises, pour allumer des contre-feux à opposer aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) américains, et accélérer la digitalisation de certains secteurs traditionnels, comme la finance.

    « Avec succès, estime M. Seval. Aujourd’hui, ils ont presque autant d’utilisateurs que Facebook et Google. Mais ils n’ont pas encore atteint leur plein potentiel, car le nombre d’internautes continue d’augmenter, et ils continuent à se diversifier. » Pour cet expert, ces groupes « peuvent encore doubler de taille, et devenir extrêmement puissants. On assiste à une course de vitesse entre ces géants et l’Etat qui cherche à les contrôler ».
    #Alibaba #Baidu #ByteDance #Tencent #Xiaomi #AntFinancial #AntGroup #TikTok #Clubhouse_ #WeChat #censure #domination #reconnaissance #écoutes #finance #surveillance (...)

    ##voix

  • Géants du numérique : la fin du laisser-faire
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/030121/geants-du-numerique-la-fin-du-laisser-faire

    Pour la première fois, les géants du numérique font face à la résistance des États. Grands bénéficiaires de la pandémie, leur puissance commence à inquiéter. Chine, États-Unis, Europe veulent s’appuyer sur les lois antitrust, longtemps délaissées, pour reprendre le contrôle. Mais est-ce suffisant ?

    L’époque du laisser-faire absolu est révolue pour les géants du numérique. Après avoir été encensés pendant des années et avoir bénéficié d’une totale liberté, ils commencent à rencontrer une résistance des États bien plus forte qu’ils ne l’avaient prévu.

    Les quatre PDG des Gafa – Sundar Pichai (Google et Alphabet), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) et Tim Cook (Apple) – ont sans doute pris la mesure de ce changement lors de leur audition devant la commission d’enquête parlementaire le 29 juillet 2020, à laquelle ils participaient par vidéoconférence pour cause de Covid-19. Ils étaient jusque-là des héros auxquels on passait tout : l’évasion fiscale, l’écrasement des concurrents, la mise à sac des droits sociaux, la captation de la valeur grâce à leur position monopolistique. La capitalisation boursière de leur groupe, qui dépasse désormais le PIB de nombre de pays et assure le triomphe des indices boursiers américains, semblait les protéger de tout. Leur fortune était la rançon de leur réussite et semblait les rendre intouchables.

    Face aux questions des parlementaires, ils ont compris ce jour-là qu’ils étaient en train de devenir les nouveaux « Robber Barons », ces milliardaires qui avaient constitué des monopoles à partir des compagnies de chemin de fer à la fin du XIXe siècle, monopoles que le pouvoir américain avait cassés sans ménagement, inquiet de leur puissance.

    Puissants, trop puissants ? C’est l’analyse que semblent partager des élus américains, l’Union européenne et désormais le président chinois Xi Jinping. Tous commencent à s’inquiéter du pouvoir qu’est en train d’acquérir le capitalisme numérique transnational, symbolisé par quelques géants. Un pouvoir économique qui risque de se transformer en pouvoir politique incontrôlable, à un moment ou à un autre, si aucune mesure n’est prise, selon certains responsables politiques et économiques.

    Derrière l’image des start-ups abritées dans des garages, ces groupes ont constitué en moins de deux décennies des empires de plus en plus gigantesques à travers leurs plateformes numériques. Avec la pandémie, ils sont devenus les maîtres de l’économie. Maîtrisant de longue date l’e-commerce, le télétravail, les technologies de l’information, ils ont offert des solutions toutes trouvées dans cette crise sanitaire qui a imposé la distanciation sociale. Leur succès a été sans limites. Médecine, éducation à distance et même services bancaires… : ils se sentent en position d’avoir réponse à tout, de défier les usages et les règles existantes.

    C’est cette incursion dans le monde de la finance, de la création monétaire et des pouvoirs qu’elle confère qui, semble-t-il, a poussé le gouvernement chinois à frapper très fort le géant chinois Alibaba. Se sentant tout-puissant, le fondateur du groupe, le milliardaire Jack Ma, a osé critiquer en octobre le Parti communiste chinois. Quelques semaines plus tard, il devait être à l’abri de tout ; sa principale filiale, Ant Group, spécialisée dans les paiements en ligne, devait être introduite en bourse. Cela devait être la plus importante introduction en bourse dans le monde, 30 milliards de dollars, pronostiquait déjà la presse financière.

    Sur ordre de Xi Jinping en personne, selon le Wall Street Journal, les autorités ont interdit l’opération début novembre. Le 27 décembre, la Banque centrale de Chine a précisé ses griefs contre la société. Devenue la plateforme privilégiée des Chinois pour le paiement numérique – par le biais des smartphones –, Ant Group a poursuivi son expansion en commençant à proposer des crédits à ses clients, mais en s’exonérant de toutes les règles prudentielles : à elle les commissions et les marges. Les risques des crédits, eux, ont été transférés dans les bilans des banques traditionnelles.

    Ant Group a déjà promis de se soumettre à toutes les décisions des régulateurs chinois et de s’en tenir désormais à ses activités traditionnelles : le paiement en ligne. L’entité est appelée à passer sous strict contrôle des autorités de régulation chinoises et pourrait même échapper totalement au groupe.

    Mais le gouvernement a bien l’intention d’aller plus loin et de reprendre le contrôle d’Alibaba et de ses homologues, qui jusqu’alors avaient bénéficié d’une totale liberté. Le 24 décembre, les autorités de la concurrence ont ouvert une enquête contre Alibaba pour pratiques monopolistiques. Elles reprochent à la plateforme d’e-commerce d’imposer une exclusivité pour tous les produits vendus. Jack Ma, lui, est devenu un paria du régime chinois. Alors qu’il multipliait les déclarations dans la presse internationale, depuis octobre, il se tait et se terre.

    Sans aller jusqu’aux méthodes de coercition chinoises, les États-Unis et les pays européens ne diffèrent guère dans les moyens de riposte pour contenir la puissance grandissante des géants du numérique : les uns comme les autres envisagent de réactiver les lois antitrust.

    Alors qu’une commission d’enquête de la Chambre des représentants aux États-Unis a conclu à la nécessité de casser les monopoles des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), le Département de la justice a ouvert une enquête fin octobre contre Google, soupçonné d’abus de position dominante. Le 9 décembre, c’est au tour de Facebook, qui lui aussi a affiché son intention de s’aventurer dans le monde monétaire avec la création de la cryptomonnaie Diem (ex-Libra) à partir de janvier 2021, d’être poursuivi pour pratiques anticoncurrentielles par la Commission de la concurrence américaine (FTC) et une coalition de 48 États et territoires américains. La menace d’un démantèlement plane sur le groupe. Le 16 décembre, des poursuites ont été engagées par le Texas et neuf autres États américains contre Google, à nouveau pour pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la publicité.

    De son côté, la Commission européenne a dévoilé le 15 décembre le projet de deux directives pour « en finir avec le Far West » dans le numérique, selon les termes de Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur. La première, le Digital Services Act (DSA), vise à imposer une régulation des contenus sur les réseaux sociaux, avec des pouvoirs d’intervention dans chaque État membre. La seconde directive, le Digital Markets Act (DMA), elle, entend empêcher les acteurs dits « systémiques » de menacer le libre jeu de la concurrence, c’est-à-dire d’être incontournables au point d’empêcher d’autres entreprises d’émerger.

    Cette volonté affichée un peu partout dans le monde de se réapproprier les lois antitrust marque un vrai tournant. Sous l’influence de l’école de Chicago, les lois anticoncurrentielles ont pendant ces 30 dernières années été réduites à la portion congrue : le marché, par nature infaillible, était censé apporter les remèdes à ses propres déséquilibres. À moins qu’il ne soit prouvé que certaines situations nuisent aux consommateurs, il n’y avait pas matière à intervenir.

    C’est à partir de ce seul critère que les autorités de la concurrence en Europe et aux États-Unis ont décidé d’intervenir et éventuellement de sanctionner. C’est à l’abri de ce critère que les géants du numérique ont prospéré. Mis en cause devant différentes juridictions, ceux-ci ne manquent pas d’arguments pour défendre leur position, en s’appuyant sur la seule défense des consommateurs. À les entendre, ils ne portent aucun préjudice aux consommateurs, au contraire. Tous font valoir qu’ils ont développé des technologies numériques de plus en plus performantes, mises au service des consommateurs gratuitement. Au moins en apparence.

    La réhabilitation des lois antitrust

    La réalité est venue mettre à mal cette approche. Même les plus orthodoxes des économistes sont obligés de convenir que la théorie de la concurrence, telle que défendue par les néolibéraux, se révèle inadaptée face aux modèles et aux méthodes des géants du numérique, en rupture avec toutes les règles conventionnelles de l’économie. « Le problème pour les régulateurs est que les cadres usuels anti-monopolistiques ne s’appliquent pas dans un monde où les coûts pour les consommateurs (souvent sous forme de données et confidentialité) sont totalement opaques. Mais c’est une pauvre excuse pour ne pas remettre en cause des opérations manifestement anti-concurrentielles, telles que le rachat d’Instagram (avec son réseau social en croissance rapide) par Facebook, et celui de Waze, qui a développé des cartes et des systèmes de géolocalisation, par son concurrent Google », écrivait dès 2018 le très traditionnel économiste Kenneth Rogoff. Pour lui, il y a urgence à remettre en vigueur les lois antitrust car les Big Tech sont devenus un problème pour l’économie américaine.

    En effet, loin de permettre une augmentation de la productivité, comme le supposent les théories économiques classiques, les innovations technologiques de ces dernières années se traduisent au contraire par une réduction des salaires, une dégradation de l’emploi et des droits sociaux, une montée des inégalités. Dominant tout l’univers du numérique, rachetant tous les concurrents qui pourraient leur faire de l’ombre, les géants du numérique ont organisé un modèle qui leur permet de leur assurer une captation de la valeur à leur seul profit et de leur constituer une rente mondiale à des niveaux sans précédent historique, aboutissant à la création d’un techno-féodalisme, comme le désigne l’économiste Cédric Durand.

    Les grandes références de l’application des lois contre les abus de position dominante, débouchant sur le démantèlement de l’empire sidérurgique américain d’Andrew Carnegie ou la mise en pièces de la Standard Oil des Rockefeller, affleurent dans tous les textes. Mais la remise en vigueur des lois antitrust appliquées dans le passé est-elle suffisante pour contrer la puissance des Big Tech et redonner un contrôle démocratique sur le développement de l’économie numérique ?

    Ces dernières années, la Commission européenne a sanctionné à plusieurs reprises les géants du numérique, sans que ces sanctions aient semblé avoir le moindre effet sur leurs pratiques. L’évasion fiscale, le non-respect des droits sociaux, les abus de position dominante restent au centre de leur modèle (lire ici, ici ou encore là). Elle a aussi tenté un début de régulation, ce que les autorités américaines se sont jusque-là refusées à faire, en imposant un règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette réglementation a servi de référence un peu partout dans le monde. Mais là encore, les effets en paraissent limités.

    Dans le cadre de son projet de directive, la Commission européenne envisage d’aller plus loin et d’imposer, si nécessaire, le démantèlement d’un groupe, si sa position est jugée monopolistique sur le marché européen. Cette proposition, si jamais elle voit le jour (il faudra au moins deux ans de négociations pour aboutir à un texte qui fasse consensus), est jugée au mieux comme relevant de la dissuasion nucléaire – c’est-à-dire une menace censée de devoir jamais être mise en œuvre –, au pire comme une annonce démagogique de com’, selon les observateurs. Pour les uns comme pour les autres, jamais la Commission européenne ne pourra imposer le démantèlement d’un groupe américain. Car c’est aussi une des données du problème : l’Europe, par son aveuglement idéologique interdisant tout soutien public direct ou indirect, a été incapable en 20 ans de créer le moindre champion du numérique, et a plutôt contribué à étouffer tous les potentiels existants.

    Mais l’idée d’un démantèlement de certains géants du numérique, qui semblait impossible jusqu’alors, fait aussi son chemin aux États-Unis. Dans sa plainte contre Facebook, la Commission de la concurrence américaine (FTC) y fait explicitement référence. Le groupe de réseau social, devenu objet d’hostilité à la fois des républicains et des démocrates pour la diffusion de fake news et de propos extrémistes sur ses plateformes, pourrait être contraint de se séparer d’Instagram. Des projets analogues cheminent pour contrer la puissance de Google ou d’Amazon.

    Jusqu’alors, les géants du numérique ont toujours réussi à contrer toutes les attaques en opposant un argument de poids : contraindre leur développement, voire leur imposer un démantèlement, reviendrait à laisser le champ libre aux géants technologiques chinois, qui eux ne souffrent d’aucune entrave. La mise sous contrôle d’Alibaba par le gouvernement de Pékin les prive désormais de cet argument.

    Décidés à se battre pied à pied, à mobiliser des centaines de millions de dollars pour préserver leur rente, les Gafam travaillent déjà à d’autres moyens de défense. L’idée de soumettre ces géants à une régulation comparable à celle imposée au monde bancaire et financier commence à émerger. Ses défenseurs font valoir que les moyens de sanction, se chiffrant en milliards de dollars, sont des armes suffisamment puissantes pour obliger tout le monde à rentrer dans le rang. La perspective de pouvoir puiser dans des trésors de guerre estimés à 350 milliards de dollars pour renflouer les caisses de l’État américain a de quoi convaincre nombre d’élus.

    Le précédent de la crise financière de 2008 appelle cependant quelques réserves. On sait ce qu’il est advenu de la régulation bancaire. Wall Street a capturé ses régulateurs et fait sa loi jusqu’au conseil de la FED. Comment imaginer qu’il puisse en aller autrement avec les géants du numérique ?

    Pour reprendre le contrôle de l’économie numérique, il faut aller plus loin que les simples lois antitrust existantes, partiellement inefficaces face aux géants du numérique, et s’attaquer au cœur de leur modèle : la marchandisation des données privées. Depuis l’origine, ceux-ci prospèrent grâce à la collecte – gratuite et souvent à l’insu des consommateurs – des empreintes laissées partout par des internautes et qui sont exploitées et/ou revendues par la suite par les plateformes.

    Les États ne semblent pas avoir perçu la valeur de ce capital immatériel, à commencer par le gouvernement français. Il a fallu un rappel à l’ordre de la Cnil pour contraindre l’État à remettre en cause le contrat signé avec Microsoft sur les données de santé de tous les Français. Et dernièrement, c’est à Amazon que la Banque publique d’investissement (BPI) a confié le recueil des données de tous les bénéficiaires d’un prêt garanti par l’État.

    Les économistes Glen Weyl et Eric Posner, par ailleurs très libéraux, proposent dans leur livre Radical Markets de renverser le modèle : au lieu d’en bénéficier gratuitement, les Gafam devraient payer pour pouvoir utiliser les données recueillies auprès de tous les particuliers.

    Pour certains économistes, ces mesures, aussi spectaculaires soient-elles, ne permettent pas de reprendre en main le contrôle démocratique du numérique ; ce ne sont pas tant les données mais les technologies qui permettent de les exploiter qu’il convient de se réapproprier publiquement. Car même surveillés, régulés, ces géants du numérique continuent par leurs choix technologiques, les développements qu’ils conduisent, à imposer leur vision de l’avenir. Une technologie, font-ils valoir, peut produire le pire ou le meilleur : être l’instrument d’une liberté ou celui d’une société de surveillance de plus en plus étroite des populations. Ces orientations ne peuvent être laissées à la libre décision d’une poignée de monopoles mondiaux, argumentent-ils.

    Mais ce contrôle démocratique suppose que les États ne laissent plus les géants du numérique disposer par eux-mêmes des technologies à développer et de leur mise en œuvre, qu’ils acquièrent une expertise afin de pourvoir en discuter et en surveiller les choix. Mais en ont-ils vraiment envie ?

    #Alibaba #Alphabet #Apple #Microsoft #Waze #Amazon #AntGroup #Facebook #algorithme #payement #smartphone #domination #fiscalité #BigData #COVID-19 #GAFAM #santé #télétravail #FTC #cryptomonnaie (...)

    ##fiscalité ##santé ##BHATX

  • Chine : les autorités de la concurrence lancent une enquête sur Alibaba
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/24/chine-les-autorites-de-la-concurrence-lancent-une-enquete-sur-alibaba_606438

    Les autorités chinoises ont annoncé jeudi avoir ouvert une enquête contre Alibaba, pour des pratiques monopolistiques présumées, et vont s’entretenir sous peu avec l’une des filiales du géant du commerce en ligne, Ant Group. Les autorités chinoises de la concurrence ont annoncé jeudi 24 décembre l’ouverture d’une enquête contre le géant du commerce en ligne Alibaba pour « suspicion de pratiques monopolistiques ». L’Administration d’Etat pour la régulation des marchés a également annoncé avoir contacté Ant (...)

    #Alibaba #AntGroup #payement #domination #finance

  • Ant Group, la firme qui a uberisé la Chine, prête à faire sauter la bourse
    https://korii.slate.fr/biz/ant-group-ipo-bourse-record-jack-ma-uberise-chine-alipay-app-banque-assu

    Propriétaire de l’application Alipay, elle devrait lever 29,5 milliards d’euros lors de son arrivée sur les marchés. L’histoire commence en 2004 : Alibaba Group, le géant chinois du e-commerce, crée le système de paiement Alipay pour sa plateforme Taobao, le « eBay chinois » –à l’époque, celle-ci n’accepte que les paiements en liquide. En 2009, Alipay lance son application mobile et commence à utiliser les codes QR. Ant Financial (future Ant Group) lance ensuite Yu’e Bao, qui sera un temps le plus grand (...)

    #Alibaba #Taobao #Alipay #payement #QRcode #domination #bénéfices #finance #AntGroup #notation (...)

    ##SocialCreditSystem

  • All About Ant Group, the Next Big Tech I.P.O.
    https://www.nytimes.com/2020/10/26/technology/ant-group-ipo-explained.html?campaign_id=158&emc=edit_ot_20201027&instance_

    The tech giant’s coming share sale will be among the largest ever. But the company has made most of its impact in just one country : China. One of China’s most influential tech companies, the internet finance titan Ant Group, is poised to raise a boatload of cash by selling shares. The sale puts another stamp on China’s importance as a digital powerhouse. But it also shows how the tech world is fracturing. The company could be worth more than many global banks after its share sale, yet its (...)

    #Alibaba #AntGroup #Tencent #Alipay #payement #smartphone #technologisme #domination

  • Comment Ant Group, le bras financier d’Alibaba, a révolutionné la finance en Chine
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/27/comment-ant-group-le-bras-financier-d-alibaba-a-revolutionne-la-finance-en-c

    L’entreprise s’apprête à lever 35 milliards de dollars à Hongkong et Shanghaï, soit la plus importante introduction en Bourse de l’histoire.

    Jack Ma aime les records. Alibaba, le géant chinois de l’e-commerce qu’il a fondé, en avait établi un premier, en 2014, en levant 25 milliards de dollars (21 milliards d’euros) à Wall Street, avant d’être détrôné d’un cheveu par Aramco, la compagnie pétrolière nationale d’Arabie saoudite (25,6 milliards de dollars). Le fondateur et ex-patron, aujourd’hui à la retraite, pourrait en établir un nouveau avec le bras financier d’Alibaba, Ant Group. Ce géant du paiement en ligne, connu pour son système Alipay, se prépare à lever 35 milliards de dollars lors d’une double introduction à la Bourse de Hongkong et sur le nouveau Star Market, spécialisé dans les valeurs technologiques, à Shanghaï.

    L’entreprise, qui a géré l’équivalent de 15,2 milliards d’euros de paiements en 2019, soit plus que Visa et Mastercard réunis, pourrait atteindre la capitalisation boursière de 318 milliards de dollars, autant que la banque américaine JPMorgan. Les préventes devaient commencer lundi 26 octobre, d’après Bloomberg, pour une introduction dans les semaines à venir. Alibaba, qui détient 33 % d’Ant, a annoncé acquérir 22 % des actions mises en vente pour garder la main sur l’entreprise.

    Né comme un outil de paiement pour la plate-forme de vente en ligne d’Alibaba Taobao en 2003, Alipay est une société indépendante depuis 2011. Depuis, son portefeuille électronique s’est diversifié pour qu’il devienne un géant de la finance, proposant des placements, des prêts et assurances, effectués en direct, et des centaines d’autres services de la part de partenaires sur l’application Alipay (commande de repas, réservation de taxis, de voyages, paiement de factures…). Autant de services qui offrent à Ant des montagnes de données sur les consommateurs chinois, qui, passées à la moulinette de ses algorithmes, lui permettent d’évaluer la solvabilité de ses clients pour leur proposer des services financiers.

    En dix-sept ans d’existence, cette application a profondément changé le paysage de la finance en Chine. En 2003, Alibaba, alors une plate-forme pour professionnels, lance Taobao, destinée aux particuliers. Mais elle se heurte à la difficulté d’effectuer les paiements à travers les sites Web des banques chinoises, peu numérisées.

    « Le trésor mis de côté »

    Alipay est mis au point quelques mois après le lancement de Taobao. Mais l’adoption du service est difficile, en témoigne la première transaction effectuée : elle est annulée par un étudiant, qui craint une arnaque. Les employés de Taobao doivent l’appeler pour le convaincre de maintenir son achat.

    « Les gens n’avaient pas du tout confiance dans les sites Internet et les achats en ligne. Tout le monde avait peur de se faire arnaquer, de se faire voler son numéro de carte, que les produits ne soient pas livrés, rappelle Matthew Brennan, expert numérique en Chine. On peut dire que la plus grande contribution d’Alibaba à la Chine, c’est d’avoir été pionnier pour les transactions en ligne et d’avoir donné confiance aux consommateurs. »

    L’activité se répartit désormais dans quatre domaines : le paiement, le placement financier, le crédit et l’assurance.

    Le premier créé concerne les paiements en ligne et dans les magasins physiques, grâce à des codes-barres QR omniprésents dans les points de vente depuis 2011, avec la systématisation des smartphones.

    Viennent ensuite les produits de placements, en 2013, alors que la finance en ligne explose, avec une myriade de nouveaux acteurs plus ou moins douteux. Alipay démarre avec Yu’e Bao (« le trésor mis de côté »). Connecté à l’application, le service est simple et rapide, et permet de placer ses économies à partir de 0,1 yuan, avec la possibilité de les retirer instantanément. Présenté comme le produit d’investissement des masses, condamnées à voir leur argent végéter dans les grandes banques chinoises, le fonds dépasse les 100 milliards de yuans (12,6 milliards d’euros) dès la première année. Aujourd’hui, Yu’e Bao est devenu une porte d’accès à une trentaine de fonds monétaires, mais le produit financier a perdu une partie de son intérêt en Chine, après une série de mesures imposées par le régulateur financier pour réduire les risques.

    Une révolution

    Mais Ant ne s’est pas arrêté là : depuis 2015, l’entreprise propose un service de paiements différés, l’équivalent d’une carte de crédit en ligne, Huabei, ainsi qu’une véritable offre de crédits à la consommation, Jiebei. Là encore, le régulateur empêche Ant de jouer le rôle d’une banque, mais le géant technologique s’en accommode : grâce à l’accès aux données de ses utilisateurs, Alipay évalue la solvabilité de ses clients et vend son analyse aux acteurs traditionnels. Ant gagne beaucoup, mais gère peu de fonds, transférant les risques à d’autres.

    En 2018, il a ajouté une quatrième corde à son arc : après avoir assuré des colis pendant une quinzaine d’années, l’entreprise propose sa propre offre d’assurance. Aujourd’hui, le paiement et le crédit représentent 80 % du chiffre d’affaires d’Ant, la gestion de fortune et l’assurance apportant le reste.

    « Avant l’émergence de la finance en ligne en Chine, le marché était monopolisé par les grandes banques d’Etat, et les principaux bénéficiaires de ces fonds étaient aussi des entreprises d’Etat, explique Jiazhou Wang, professeur de finance à la City University de New York. De ce fait, on avait 80 % des demandeurs, principalement des consommateurs individuels et des PME, qui étaient en concurrence pour obtenir les 20 % de ressources restantes. Beaucoup se retrouvaient à emprunter sur le marché de la finance souterraine à un coût exorbitant : les intérêts pouvaient atteindre 30 % à 50 %, comparés à des intérêts à un chiffre dans les banques d’Etat. Ant a fourni un moyen alternatif de financer ces gens-là. Cela a une valeur énorme pour l’économie ! »

    Cependant, son développement pourrait être freiné. En Chine, il existe un risque réglementaire fort. « Nous pensons qu’Ant [l’]a bien géré par le passé, et ne sommes pas excessivement inquiets », estime Kevin Kwek, un analyste du cabinet Bernstein. De même, Alipay, qui assure 55 % des paiements mobiles du marché chinois, est confronté à la rude concurrence de son rival Tencent, qui en assure 40 %, d’après une étude de la société iResearch publiée fin juin. Enfin, à l’international, où Ant reste peu actif, les menaces de sanctions des Etats-Unis contre les entreprises chinoises qui s’aventurent hors de leurs frontières lui ferment de nombreuses perspectives.

    #Alibaba #Tencent #Alipay #payement #smartphone #technologisme #finance #domination (...)

    ##AntGroup