• Suite à un petit encart dans Les Echos du jour sur « trop d’antipub tue la pub » (page 9), je me pose pas mal de questions sur l’hypocrisie régnante dans ce « monde » de la pub (attention, que je connais très mal, je parle de ce que ça m’inspire). Peut-être d’ailleurs est-ce que ce mot « hypocrisie » pourrait être remplacé, mais les mots qui me viennent ne sont pas beaucoup plus positifs (aveuglement, soumission, illusion...).
    En discutant avec des amis proches, travaillant dans ce milieu de la pub et de la com°, et des agences de pub et des annonceurs et tout ce (petit ?) monde de privilégiés (ce n’est pas à prendre comme une insulte, c’est, à les entendre parler, une réalité), je me suis rendue qu’ils leur manquaient cruellement du recul pour analyser leur rôle dans le fonctionnement de ce monde.
    A savoir, j’ai développé récemment une certaine culture du service public (du moins du bien public et/ou collectif) et je m’attache à regarder les choses sous cet angle : par exemple, j’essaie de comprendre l’intérêt de certains métiers pour le plus grand nombre, ou d’un produit/service qu’une entreprise vend... C’est une position qui s’apparente à de l’idéologie, mais que je considère comme nécessaire à mon appréhension de la société dans laquelle je tente de vivre et de m’intégrer.
    Et à force de penser de cette manière, je me suis retrouvée à une soirée avec mes potes, à mentalement critiquer l’intérêt de leur job. Notamment parce que je trouve que ce milieu de la com° est peut-être l’un des meilleurs pour illustrer ce que m’inspire cet encart publicitaire (ou souvenez-vous, c’est par là que commence ce post).
    Pendant 15 minutes de conversation où je les écoute raconter les obstacles sur leur chemin (un pixel mal placé) ou la faiblesse de leur CE (seulement deux places par tournoi de Roland Garros), jamais ils n’ont remis en question l’intérêt de leur emploi. Non pas qu’il faille le faire, mais ça pourrait leur venir à l’esprit, comme ça m’est venue, à moi aussi. Mais non, aucun recul, aucune notion des privilèges dans lesquels ils baignent, et de la "futilité" du fond de leur métier. Parce que oui, la communication, je trouve ça futile. Pas la communication interpersonnelle et non marchande, évidemment, mais la communication b-to-c (m’voyez j’ai du vocabulaire). Je trouve que les publicitaires font passer leur travail pour de l’intérêt général sous le prétexte de "faciliter l’expérience client" (sic.). Ah, déjà, je trouve qu’on recouvre trop de problématiques sous cette seule expression.
    L’expérience client, c’est apparemment d’améliorer la navigation dans le secteur marchand de clients ou d’acheteurs potentiels. Ce que je traduit par "les amener à acheter tout en ne ressentant aucun inconvénient lié à l’achat". Ce n’est pas de l’altruisme, c’est du commerce. Ce n’est pas pour le client, c’est pour le chiffre d’affaires. Ce n’est plus un individu mais un client, une cible, un pigeon. Un pigeon, parce que plus loin dans la conversation, en tentant d’éradiquer ma méfiance, mon ami me dit que la communication c’est plus profond qu’un simple pigeonnage, c’est aussi de la psychologie, de l’étude comportementale, de la science et de la recherche m’sieurs dames.
    J’aime pas que l’on se fasse passer pour philanthrope, quelqu’un qui finalement, utilise tous les moyens pour convaincre un individu que ce qu’on lui vend, agréablement mais qu’on lui vend quand même, est nécessaire à sa survie et à sa vie.
    Encore plus tard, ce même ami (qui reste mon ami, hein) - las de mon manque d’empathie pour tout l’altruisme que lui et ses collègues fournissent à nous autres Ô citoyens du monde - m’explique que non, non, non, essayer de rendre la moins identifiable possible une publicité sur les réseaux sociaux, ce n’est pas sournois. Non, c’est encore une fois, améliorer l’expérience client en ne polluant pas sa timeline, et non, ce n’est pas une incitation au clic de curiosité pour des personnes intéressés par ce post finalement publicitaire. Et puis finalement, continue-t-il on a encore notre libre arbitre pour décider si oui ou non, on veut accéder à cette pub, non ?
    Ah. Alors en rendant la moins visible possible une publicité censée répondre à (créer ?) un besoin que l’on avait probablement pas ressenti jusque là (merci, hein), la com° améliore une expérience client que l’on n’aurait même pas eu à expérimenter si la pub n’avait pas été foutue en plein milieu de notre compte Facebook ? Il n’y a pas un peu de contradiction ?
    La discussion s’est arrêtée là, parce que pour mes amis, je suis une altermondialiste planquée dans le service public avec tous mes avantages syndicaux (oui le droit du travail c’est le MAL), et que j’avais un verre à finir. Oui, c’était à MOI de reconnaître que je pourrissais l’ambiance. Alors que quand j’y pense, je trouve que la pub nous pourrit à nous tous, la vie.

    A quoi sert la communication ? A quoi sert la publicité ? Quand je dis servir, je dis servir au sens vital, au sens de l’intérêt collectif et général, au sens premier du verbe servir, et non plus en son sens, finalement le plus représentatif de ce que la société est devenue, son sens pratique.

    Je rigole pas, j’ai besoin de débats et de réponses, parce que je sens que je pense à contre-courant de la pensée qui m’entoure (je ne suis pas entourée de gens qui pensent comme moi, parfois tant mieux). J’ai besoin de savoir si cette angoisse qui surgit est légitime, est justifiée ou si elle est totalement démesurée et que quelque chose m’échappe dans cette discussion.

    Lectures, podcasts, journaux, toute source d’informations à ce sujet sera bienvenue.

    P.S. Je me demande même si, rapport à mon pseudo (Oblomov), ma nouvelle tendance à être casanière, parfois figée et angoissée à l’idée de sortir n’aurait pas un lien avec tout ça. Mais c’est une autre histoire.

  • Le cyberespace a un besoin urgent de régulation
    http://www.alliancy.fr/opinions/no-theme/2015/04/30/le-cyberespace-a-un-besoin-urgent-de-regulation

    Le concept d’espace stratégique commun remonte loin dans l’histoire de l’humanité. A partir du moment où les hommes ont vécu en sociétés organisées, ils ont été confrontés à des ressources dont l’emploi optimal au profit de la collectivité nécessitait des règles différentes de celles de la propriété privée ou de l’accès sans entrave. C’est ainsi que, depuis des temps très anciens jusqu’à une date récente, les paysans de France exploitèrent-ils collectivement ce que l’on nommait les prés communaux pour y faire paître leurs troupeaux. Ce thème du « commun » connaît un regain d’intérêt depuis une vingtaine d’années.

    Ainsi, en 2009, Elinor Ostrom, professeure de Sciences politiques aux Etats-Unis, a obtenu le prix Nobel d’économie pour ses travaux portant sur la gestion collective des biens communs. Elle a montré comment de nombreuses collectivités, à travers la planète et l’histoire, ont su trouver les moyens d’une gestion économiquement optimale de leurs biens communs, notamment à travers l’élaboration de ce qu’elle nomme des arrangements institutionnels.

    La grande question c’est le champ de compétence. Technique, économique, fiscal, militaire, politique ? Ça change pas mal de chose.

    #Biens_communs #Cyberespace #Gouvernance_d'Internet #International #Internet #Réglementation

  • La société de confiance est (presque) pour demain
    http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-132262-la-societe-de-confiance-est-presque-pour-demain-1113554.php

    La Blockchain favorise l’émergence d’une société peer to peer. Notre système représentatif est-il à bout de souffle ? Sommes-nous malades de la défiance ? Comment recréer du commun dans des sociétés atomisées ?

    Attention, c’est pas de la confiance ça. La blockchain c’est justement une solution technique pour ne plus avoir à se faire confiance (dans un certain nombre de contextes s’entend). C’est même ce que disait Satoshi Nakamoto, à l’origine du Bitcoin et de la blockchain, en conclusion de son papier : « We have proposed a system for electronic transactions without relying on trust. »

    Pour autant, les applications possibles que compile l’article sont tout à fait envisageables et on peut en discuter, mais il ne faudrait pas penser que c’est la consécration de la confiance. Au contraire, c’est son enterrement. Ce dont on peut aussi discuter, c’est de l’organisation de la confiance et de savoir si elle est toujours souhaitable (et dont l’alternative serait la transparence donc).

    Enfin, ce que je trouve le plus intéressant ici, c’est de trouver ces articles et ces idées dans un journal comme Les Échos.

    #Biens_communs #Bitcoin #Blockchain #Confiance #Defiance #Numérique #Pair_à_pair #Politique

  • Le symptome de l’accès et le mal de l’internet : plaidoyer pour un index indépendant du web.
    http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2015/04/symptome-acces-mal-internet.html

    On pourra bien sûr, comme cela se fait actuellement autour de l’accès à l’eau ou aux semences, alerter, dénoncer les monopoles en place, pointer l’asservissement, la captation indue de valeur et les innombrables problèmes qu’ils posent, mais faisant cela nous resterons indéfiniment dans le registre du symptôme.

    La solution, la seule, permettant de traiter le mal plutôt que ses symptômes est pourtant connue. Elle consiste, je vous en ai déjà parlé, à créer un index indépendant du web. C’est à dire à réinstaller durablement dans l’espace public une « ressource », un « bien commun » dont l’exploitation par des acteurs privés à fini par installer des usages essentiellement privatifs, là où pourtant l’ensemble des caractéristiques techniques (son architecture) et des usages (ces ’contenus’ qui ’font’ le web) de ce « bien » relèvent, par nature, de la sphère publique commune.

    #Biens_communs_numériques #Index #Internet #Numérique #Open_source #Politique #Secteur_privé #Souveraineté #Web #Web_2.0

  • Les démocraties sont-elles condamnées à devenir toujours plus démocratiques ?
    http://www.internetactu.net/2015/04/09/les-democraties-sont-elles-condamnees-a-devenir-toujours-plus-democrat

    La démocratie est-elle en récession ?, s’interrogeait l’éditorialiste vedette du New York Times, Thomas Friedman en faisant référence à une étude (.pdf) de l’universitaire de Stanford, Larry Diamond, directeur du Centre pour le développement de la démocratie, publiée dans le Journal of Democracy, qui revient sur sur le coup d’arrêt depuis 2006 de l’expansion de la démocratie dans le monde…

    #biens_communs #futur #innovation_sociale #intelligence_collective #politique #politiques_publiques #prospective

  • 6 obstacles mentaux à l’entrée dans l’univers des biens communs

    http://www.reporterre.net/Six-outils-pour-faire-vivre-les

    Obstacle 6 : se reposer sur les institutions

    Il est inutile d’insister sur le fait que l’école ne nous enseigne pas à cultiver l’esprit démocratique et nous maintient dans une état d’inculture politique grave. L’école n’est pas la seule fautive, presque toutes les institutions publiques et privées que nous côtoyons tout au long de notre vie ne stimulent guère notre imagination politique.

    #biens_communs

    • Obstacle 1 : on ne les voit pas
      Obstacle 2 : le marché tout puissant
      Obstacle 3 : le réflexe de l’Etat
      Obstacle 4 : la peur du goulag
      Obstacle 5 : « l’être humain est par nature égoïste »
      Obstacle 6 : se reposer sur les institutions

    • = Rendre visible les communs en évaluant leur pertinence =

      Et où apercevez-vous cela ?

      Un exemple. Il y a trois semaines, j’étais à Madison dans le Wisconsin. Dans la rue principale, tout les trois magasins, on voit des affiches : « Commerce équitable » « Circuit court », etc. On se rend compte que derrière chaque vitrine, il y a un réseau. Car faire du café « commerce équitable », c’est être connecté avec l’Equateur ou la Colombie, et avec au moins deux ou trois intermédiaires.

      Dans cette ville, il existe un projet – Mutual Aid Network – qui essaie de mettre en système tout cela. Il y a des gens qui réfléchissent à faire de ces #initiatives un #écosystème . Et on voit cela dans d’autres endroits du monde : Solidarity NYC à New York, EnCommuns.org à Lille, la Faircoop à Barcelone. Il y a trois ans, aucun de ces projets n’existait, il n’y avait que des initiatives isolées. Aujourd’hui, des gens essaient de construire l’écosystème global.

      Liens :
      http://seenthis.net/messages/359015
      http://encommuns.org/#/usages

  • Seed Libraries Are Sprouting Up Across the Planet, and Corporate Dominated Govts Are Trying to Stop Them | Alternet
    http://www.alternet.org/environment/seed-libraries-are-sprouting-across-planet-and-corporate-dominated-govts-a

    De telles bibliothèques se développent dans l’espace même des bibliothèques de lecture publique, certains considérant qu’une semence est un système d’enregistrement du savoir, et à ce titre pleinement redevable de la logique des bibliothèques et la construction de communs.

    Comme vous pouvez l’imaginer, l’industrie des semenciers est vent debout contre de telles bibliothèques de semences... il n’y a pas qu’en France que des activités qui ne font de mal à personne se voient opposer des règlementations concernant la « propriété intellectuelle ». Mais plus inquiétante encore est la démarche de cette responsable de l’Etat de Pennsylvanie qui estime que son pays serait mis en danger par « l’agro-terrorisme », dont les bibliothèques de semences pourraient être les vecteurs !

    Le terrorisme est devenu l’argument ultime de tous ceux qui veulent brider les libertés et les initiatives populaires.

    Faudrait me surveiller toutes ces graines fissa... tiens, en leur ajoutant un gène spécial de repérage, puis les scanner en masse, en faire des big data et confier le travail aux Renseignements généraux, car les services secrets sont déjà débordés ;-)))

    Comment ? Ça existe déjà et ça s’appelle des OGM....
    J’y crois pas !

    Seed libraries—a type of agricultural commons where gardeners and farmers can borrow and share seed varieties, enriching their biodiversity and nutrition—have sprouted up across the U.S. in recent years, as more Americans seek connection to food and the land. This new variety of seed sharing has blossomed from just a dozen libraries in 2010 to more than 300 today. The sharing of seeds “represents embedded knowledge that we’ve collected over 10,000 years,” says Jamie Harvie, executive director of the Institute for a Sustainable Future, based in Duluth, Minnesota. “Healthy resilient communities are characterized not by how we control other people, and more about valuing relationships.”

    Seed Libraries Rising

    “Love the earth around you,” urges Betsy Goodman, a 27-year-old farmer in Western Iowa, where “most of the landscape is covered in uniform rows of corn and soybeans.” Working on an 11-acre organic farm that sprouts 140 varieties of tomatoes and 60 varieties of peppers, among other crops, Goodman has become something of a seed evangelist. In 2012, she launched the Common Soil Seed Library, just across the Missouri River in nearby Omaha, Nebraska—enabling area gardeners and farmers to borrow some 5,000 seed packets (112 different varieties) to date.

    “It didn’t make sense to me that no one was perpetuating the cycle of seed and life,” says Goodman. “People have this idea that you put a seed in the ground, harvest your food, and let it die.” Goodman says she is working to perpetuate life. “The basis of our whole food system comes from the seed,” she says. “I think people are not generally conscious of how grateful we should be for our food diversity and wealth.”

    Goodman sees the seed library as an essential reclaiming of farming traditions and local food security. “I want farmers to go back to saving seeds. It’s our responsibility to uphold our food system. It takes everybody.” But, she says, many farmers remain isolated and unaware of the seed-sharing movement. “The consciousness around this is not there yet. I haven’t really heard from farmers yet…The farmers buy their seed each year from Monsanto and Syngenta, this huge industrial system that’s very much in control of this state and surrounding states.” Farmers, she adds, “rely on these companies to buy their corn, they are very tied into these companies, and can’t even feed themselves off of the food they’re growing.”

    Seed-Sharing Crackdown

    But all this seed-sharing love is butting up against some prodigious economic and regulatory challenges. As the libraries spread across the US, they are catching scrutiny from agriculture officials in states such as Pennsylvania, Minnesota, and Iowa, who express concerns about unlabeled seed packets, and the spreading of contaminated seeds and noxious or invasive species.

    One flashpoint in this battle is a small seed library in Mechanicsburg, Pennsylvania, which ran into a regulatory dispute with the state’s department of agriculture. Last June, the Pennsylvania Department of Agriculture informed an employee of the Joseph T. Simpson Public Library that its seed library ran afoul of state seed laws and would have to shut down or follow exorbitant testing and labeling rules intended for commercial seed enterprises. County Commissioner Barbara Cross raised the specter of terrorism, telling local media, “Agri-terrorism is a very, very real scenario,” she said. “Protecting and maintaining the food sources of America is an overwhelming challenge...so you’ve got agri-tourism on one side and agri-terrorism on the other.”

    The library was forced to limit its sharing, holding a special seed swapping event instead. As Mechanicsburg seed librarian Rebecca Swanger explained to media at the time, “We can only have current-year seeds, which means 2014, and they have to be store-purchased because those seeds have gone through purity and germination rate testing. People can’t donate their own seeds because we can’t test them as required by the Seed Act.”

    Saving the Libraries

    As state agriculture agencies consider whether to curtail seed libraries, legislative efforts are underway in Nebraska, Minnesota, and other states, to protect them. The Community Gardens Act [pdf] currently moving through the Nebraska legislature would exempt seed libraries from state laws governing seed labeling and testing. In December 2014, the city council of Duluth, Minnesota passed a resolution supporting seed sharing “without legal barriers of labeling fees and germination testing.”

    Perhaps more significantly, the Duluth resolution advocated reforming the Minnesota Seed Law to “support the sharing of seeds by individuals and through seed libraries,” by exempting these forms of sharing from the law’s labeling, testing, and permitting requirements. After one reform measure was withdrawn from the Minnesota legislature, activists are gearing up for another legislative push soon.

  • [Coordination] 20 propositions et 3 règles d’or pour un véritable débat public et un changement des pratiques en matière de concertation
    http://us9.campaign-archive1.com/?u=bd220ad52af99fb63d06b11d0&id=b6af75341f&e=1bcb61d818

    Une plateforme de 20 propositions et 3 règles d’or pour un véritable débat public et un changement des pratiques en matière de concertation a été présentée samedi 14 mars au ministère de l’environnement.

    La commission spécialisée du Conseil National de la Transition Ecologique (#CNTE) présidée par le sénateur Alain Richard et chargée, après la mort de Rémi Fraisse, de proposer des pistes de rénovation du débat public a reçu 13 membres et représentant-e-s de mouvements citoyens opposés à des #projets_inutiles_et_imposés.

    Pendant près de 6 heures, ils ont pointé les défaillances des procédures dans chacun des dossiers en cause et démontré, exemples précis à l’appui, comment des pratiques contestables aboutissent à des situations de blocage et de désespérance.

    La plate forme présentée ne prétend pas clore le débat mais veut au contraire l’ouvrir, elle a donc vocation à être enrichie et amendée. Elle est le fruit d’un travail commun débuté dans le cadre de l’initiative de convergences des luttes en juillet 2014 vers le site de Notre Dame des Landes. C’est de cette mise en commun des savoirs et de moyens d’analyse, bien plus large que les mouvements auditionnés qu’elle est née.

    #biens_communs #démocratie

    Modernisation de la « #démocratie_participative »
    Plate-forme proposée par les mouvements d’opposition aux Grands Projets Inutiles Imposés :
    3 grands principes
    20 propositions concrètes
    http://www.acipa-ndl.fr/images/PDF/Divers/2015/Plateforme-finale_GPII_2015-03-16.pdf

  • Les biens communs numériques (dossier @ritimo)
    http://www.ritimo.org/article5397.html

    Ce dossier, réalisé par Stéphane Couture et Anne Goldenberg, en collaboration avec Samuel Goëta, s’attache à décrire des pratiques ou des initiatives concrètes autour des #biens_communs numériques.

    – Histoire et théorie des biens communs numériques
    http://www.ritimo.org/article5398.html

    – Le #logiciel_libre comme fer de lance des biens communs numériques
    http://www.ritimo.org/article5399.html

    – Science et bien commun : les transformations des pratiques scientifiques à l’ère du numérique (#recherche)
    http://www.ritimo.org/article5400.html

    – Le travail en informatique comme bien commun : le cas de #Koumbit
    http://www.ritimo.org/article5401.html

    – L’espace et ses technologies comme biens communs
    http://www.ritimo.org/article5402.html

    – Les #hackerspaces comme politisation d’espaces de production technique. Une perspective critique et #féministe
    http://www.ritimo.org/article5403.html

    – Les données ouvertes : un bien commun ? #open_data
    http://www.ritimo.org/article5404.html

    – La négociation des contributions aux #wikis publics : un apprentissage de gestion des communs ?
    http://www.ritimo.org/article5405.html

    #Neutralité d’Internet. Ou Internet comme bien commun
    http://www.ritimo.org/article5406.html

    – Les technologies numériques et la mouvance des biens communs
    http://www.ritimo.org/article5407.html

  • Une semaine sur les #communs
    Les Nouvelles vagues, par Marie Richeux

    Toute cette semaine, nous parlons du commun.

    Aujourd’hui, nous sommes avec le philosophe #Pierre_Dardot, auteur avec Christian Laval de Commun, Essai sur la révolution au XXIème siècle (La Découverte, 2014) . Dans cet essai, les deux auteurs tentent de refonder le concept de commun pour en faire un principe réel d’action permettant de « sortir du capitalisme ».

    http://rf.proxycast.org/997994207819866112/13954-23.02.2015-ITEMA_20726501-0.mp3

    http://www.franceculture.fr/emission-les-nouvelles-vagues-le-commun-15-le-commun-comme-principe-re

    #biens_communs #biens_privés #biens_publics
    @hlc @romaine

  • Biens communs
    Les possibles - Hiver 2015 - Attac France
    https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-5-hiver-2015

    Un dossier sur les #biens_communs

    Les biens communs : un mouvement de communards

    Numéro 5 - Hiver 2015, mardi 6 janvier 2015, par Jean Tosti, Jean-Marie Harribey

    La vingtième conférence des parties, dite COP 20, sous l’égide de l’ONU, qui vient de s’achever à Lima est un échec complet. Un de plus. Depuis celle de Kyoto en 1997, qui avait adopté un premier protocole, toutes ont avorté : impossible de trouver un engagement concret à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, qui continuent à augmenter à un rythme élevé (aujourd’hui, dans le monde, environ 50 % de plus d’émissions annuelles qu’en 1990). À tel point que le cinquième rapport du GIEC de 2014 annonce que, très probablement, la hausse des températures atteindra entre +3,7 °C et +4,8 °C au cours de ce siècle, peut-être même davantage.

  • Le #domaine_public consacré par la loi - Sciences communes
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/103032028476

    « Le premier article de la loi Attard établit que toute création est par défaut dans le domaine public. »

    Pédagogique et clair retour de Doria Alexander sur son blog sur la proposition de loi d’Isabelle Attard qui vise à introduire une définition positive du domaine public dans le Code de la propriété intellectuelle, comme l’explique Marc Rees sur NextInpact.

    #droit #Communs #biens_communs

  • Digital Labor : comment répondre à l’exploitation croissante du moindre de nos comportements ?
    http://www.internetactu.net/2014/11/12/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-d

    Pour le sociologue et économiste Antonio Casilli (@AntonioCasilli, blog), le #travail numérique que nous accomplissons en ligne prête à confusion, explique-t-il en conclusion de cette 6e édition de #lift France. Pour donner de la matière à cette confusion, il montre une image de Google Hands, le livre réalisé par le designer américain Benjamin Shaykin, une compilation d’images provenant des livres…

    #économie #biens_communs #confiance #coopération #digiwork #empowerment #lift14fr #liftfrance

    • J’aime bien ce passage, et c’est celui que je retiens (du coup, j’ai viré l’extrait partagé précédemment pour ne retenir que celui-là) :

      Cette question de la rémunération des internautes se cristallise aujourd’hui autour de deux grandes options , résume rapidement Antonio Casilli. La première, portée par Jaron Lanier notamment, repose sur le modèle du micropaiement et le principe des royalties et consiste à rétribuer l’usager quand on utilise ses données. Certes, ce modèle semble adapté à ce travail à faible spécialisation et intensité décrit. Mais l’internet est-il encore le lieu de publication de contenus ? Une grande partie de l’internet est désormais basée sur la publication et l’émission de données. A l’heure de l’informatique ambiante, des capteurs, de l’internet des objets, l’internet devient de plus en plus un outil d’émission de données. La volonté de publier de l’émetteur n’est plus nécessaire. D’où l’idée de la seconde option, qui a visiblement la préférence du sociologue, celle d’un revenu inconditionnel universel des internautes. En évoquant l’initiative citoyenne européenne pour le revenu de base inconditionnel, Casilli explique que ce revenu inconditionnel universel serait à la fois un moyen de sortir le travail de l’activité privée, de donner du pouvoir aux utilisateurs face à des entités qui ont plus de puissance qu’eux et également de reconnaître la nature collective de ce travail. Pour Casilli nous devons oeuvrer à faire en sorte, qu’à travers le revenu universel, on puisse redonner aux Communs, c’est-à-dire redonner à tous la valeur et la richesse que cette collectivité a elle-même produite.

  • Et Zemmour devint Zemmour

    Catherine Barma a préparé des fiches. La grande prêtresse des samedis soir de France 2 a couché à la main des réponses aux questions qu’on ne manquera pas de lui poser sur Eric Zemmour. Eric Zemmour, ce journaliste du Figaro Magazine qu’elle a imposé, il y a huit ans, dans « On n’est pas couché », le grand show hebdomadaire de Laurent Ruquier. Eric Zemmour, l’auteur d’un Suicide français, best-seller qui a déjà dépassé les 100 000 exemplaires et talonne le Prix Nobel 2014, Patrick Modiano. Un chroniqueur de RTL et de i-Télé, qui peut écrire dans une grande maison d’édition et répéter partout que Jean-Marie Le Pen est « avant tout coupable d’anachronisme » en déclarant que les chambres à gaz étaient un« point de détail de l’histoire » (page 305), que les juifs français sont devenus « une caste d’intouchables » (page 263) et qui salue au passage la« talentueuse truculence désacralisatrice » du « comique » Dieudonné (page 383). Zemmour, cette nouvelle querelle nationale.

    « Eric, pour moi, c’est un intellectuel, lit consciencieusement Catherine Barma. Je ne suis pas d’accord avec lui sur tout, mais c’est un homme intelligent, qui a de l’humour. Un conservateur, pas un réac, non, un polémiste de droite, quelqu’un qui dit ce qu’il pense. Un nostalgique, que voulez-vous. Parfois je lui dis : “Mais Eric, tu veux vivre à l’époque des carrioles ?” Comme il a réponse à tout, il me répond : “Au moins, les carrioles, ça polluait pas.” » Et quand il adopte le vieux système de défense vichyste « du bouclier », pourtant balayé par l’histoire contemporaine, le rhabillant à sa sauce pour expliquer que « oui, Pétain a sauvé des juifs français », Catherine Barma baisse les yeux sur ses fiches : « Je n’ai pas lu Robert Paxton. D’une manière générale, dans un conflit, je suis toujours du côté des opprimés. »

    Bon personnage

    Pour diagnostiquer le phénomène Zemmour, il faut ausculter les élites françaises. Redoutable business woman, Catherine Barma est de celles-là. Son pouvoir est immense : un seul passage dans « On est pas couché » permet de lancer un film ou un livre. Fille du réalisateur vedette de l’ORTF Claude Barma, ex-fêtarde qui n’aimait pas l’école, elle préside aux notoriétés de l’époque et compose ses plateaux de télé comme le comptoir d’un bistrot. Elle sait combien le XXIe siècle aime les « gros clashs » qui font« le buzz » sur YouTube et ceux qui soupire qu’on-ne-peut-plus-rien-dire. Eric Naulleau, autre polémiste qui a mis son nom en bas d’un contrat d’édition en 2013 avec Alain Soral, un militant d’extrême droite aux obsessions antisémites, c’est sa trouvaille. Un samedi, devant « Salut les terriens » − une émission de Thierry Ardisson, un autre poulain –, elle devine aussi que le frêle garçon au grand front et au rire désarmant, venu parler de son ras-le-bol du pouvoir féminin, est un bon personnage.

    C’était en 2006. Zemmour avait déjà croqué Edouard Balladur (Immobile à grands pas) et Jacques Chirac (L’homme qui ne s’aimait pas), mais compris, finaud, qu’il lui fallait sortir de la simple biographie politique et mettre un peu de ses tripes sur les plateaux. L’auteur de Premier Sexe pleure la fin de l’homme, le vrai – une de ses obsessions avec l’immigration. Face à lui, Clémentine Autain, élue verte et féministe, hésite entre le rire et les larmes. « Aujourd’hui, c’est la réaction qui est subversive », assène Zemmour. Dans la tête de Catherine Barma, qui a abandonné le communisme familial, la phrase du journaliste du Fig Mag résonne comme un pitch et un « format » : Zemmour, c’est « M’sieur Eric qui-dit-la-vérité-et-vous-emmerde tous ». « Je ne suis pas Le Figaro, je suis Eric Zemmour, point », lâche aussi le journaliste ce même jour.

    « Juif berbère ».

    « Eric Zemmour, point » a alors 48 ans et beaucoup de souvenirs. Tous français. Ses parents, Roger et Lucette, vivent en « métropole » depuis six ans déjà lorsqu’il voit le jour à l’été 1958. Flair politique et hasards de la vie, ils ont quitté l’Algérie avec la première vague de rapatriés, passeport français en poche – le décret Crémieux, abrogé par Pétain et rétabli à la Libération, a redonné la nationalité française aux juifs d’Algérie. Une communauté « hyperpatriote », rappelle Zemmour. A Montreuil, comme à Drancy, puis enfin dans le 18e arrondissement de Paris, Mme Zemmour cuisine pour les fêtes des crêpes Suzette et s’essaie à la sauce hollandaise. Quand ses deux fils quittent la synagogue, elle chuchote : « Rangez vos calottes dans vos poches ! » Elle disait « qu’on était israëlites, sa manière à elle d’expliquer : français, de confession juive », raconte Zemmour.

    Pendant qu’Eric découpe Le Monde et classe les articles dans des pochettes, le père lit L’Aurore, le journal des pieds-noirs d’Algérie. L’Algérie… « La mauvaise conscience » de la France, comme « une plaie jamais cicatrisée », a écrit Eric Zemmour. Son refoulé à lui, aussi. Tant pis s’il déteste ces « psychanalyses de bazar » dont la presse – « de plus en plus féminine » – raffole. Comment renoncer à explorer complexes et schizophrénies de jeunesse quand elles conduisent tout droit à des névroses politiques ? Eric Zemmour est un juif arabe – lui préfère dire « juif berbère », une expression « qui permet de se distinguer de l’arabité mal vue », sourit Benjamin Stora, auteur de Trois exils. Juifs d’Algérie (Stock, 2006). Ses parents se sont mariés à Sétif, « petite ville du Constantinois où la population baignait dans une francité relativement paisible, contrairement à Oran. Zemmour veut dire olivier et se portait aussi bien dans les communautés juive et musulmane », raconte Stora.

    « On ne peut pas être algérien et français à la fois. Il faut choisir », répétait pourtant Eric, à l’été 2014, quand des drapeaux rouge, blanc et vert fleurissaient dans l’Hexagone autour de la Coupe de monde de football. « On ne peut pas avoir deux mères dans la vie », ajoutait-il, tenant peu ou prou le discours de cette petite fraction des juifs d’Algérie qui rejoignit l’OAS en 1962. Pour ses fils, Ginette Zemmour avait choisi des prénoms classiques, français-de-souche, diraient certains aujourd’hui. « A la synagogue, je suis Moïse, mais à l’état civil, je m’appelle Eric, Justin, Léon », dit Zemmour, qui n’a pas eu de mots assez durs pour Rachida Dati lorsque la ministre de Nicolas Sarkozy a nommé sa fille Zohra. « Le trajet des parents est essentiel chez Eric », raconte Philippe Martel, le directeur du cabinet de Marine Le Pen et l’un des intimes du journaliste. « Ses parents ont laissé leurs racines, abandonné leur mode de vie, décidé de s’assimiler », poursuit le cadre du FN – qui a relu, « pour le plaisir », Le Suicide français (Albin Michel, 544 p., 22,90 €) avant publication. « Lui estime que c’est ce que devraient faire les étrangers en France. » Qu’importent les contradictions du discours, qu’importe si le mot « pied-noir » n’apparaît qu’en 1962, pour désigner les exilés de la fin de la guerre : le 16 octobre, en meeting à Béziers, c’est cette étiquette que Zemmour choisit pour les désigner, lui et cet autre journaliste élu à la tête de la ville avec les soutiens frontistes, Robert Ménard.

    Le plus fragile

    La vérité, c’est que le père d’Eric Zemmour, un préparateur en pharmacie qui décide de racheter une compagnie d’ambulances, continue à parler arabe dans les bars de la rue Myrha. Qu’il ne tape pas seulement le carton à la Goutte-d’Or, mais court les casinos, où il se met à perdre beaucoup d’argent, au désespoir de son épouse diabétique. On imagine la suite. « La ceinture de mon père était toujours posée sur la table, confie Zemmour, mais c’est quand on affronte son père qu’on devient un homme. Aujourd’hui, les jeunes n’ont plus de père à tuer. » Sa mère encaisse, le protège, son Eric est le meilleur, le plus beau, même si les filles l’ignorent. Le plus fragile aussi, avec cette arthrite au genou qui… le dispense de service militaire après ses « trois jours ». « Elle l’adulait comme la mère d’Albert Camus son fils, raconte un de ses proches. Elle faisait le silence pour qu’Eric puisse réviser son bac, puis Sciences Po, dans la cuisine de la rue Doudeauville. »

    33 bis, rue Doudeauville. La nostalgie d’Eric Zemmour a une adresse, qui est aussi l’épicentre de son effroi. L’exacte place qu’occupe la rue Jean-Pierre Timbaud, qui court le 11e arrondissement de Paris, dans la géographie sentimentale d’Alain Finkielkraut. L’artère qui abritait l’atelier de maroquinerie du père du philosophe a fait place à des vitrines pleines de« burkas » et « des librairies islamistes », si bien que « Finkie » ne reconnait plus la rue où il a naguère grandi. « Pour éviter la polémique inutile », Finkielkraut avait préféré, dans un livre et dans un film, en rester à ce constat : « Effrayant. » Zemmour n’a pas ces prudences. « J’y suis retourné il n’y a pas longtemps. J’avais l’impression d’avoir changé de continent. Les trafics, les tissus, les coiffeurs afro, il n’y a plus un Blanc rue Doudeauville. Là, tu le vois, le “grand remplacement” ! », s’écrie-t-il, l’œil brillant, en citant sans complexe cette théorie identitaire de l’écrivain Renaud Camus – la disparition programmée du peuple blanc catholique au profit des musulmans – que même Marine Le Pen ne reprend pas à son compte. « Un grand Noir m’a reconnu et m’a dit : “Zemmour, t’es pas chez toi ici, va-t’en !” »

    « J’adore revenir »

    Il n’a pas attendu ce conseil. Zemmour a quitté Barbès bien avant d’épouser, à 32 ans, Mylène Chichportich, une juriste devenue avocate. Un mariage à la synagogue des Tournelles. Trois enfants. La famille est installée dans un vieil immeuble XIXe, à l’ombre de l’église Saint-Augustin dans le 8e, ce phare du catholicisme pour temps obscurs. Qui pourrait croire que cet homme, qui pratique mollement le shabbat, « pour les valeurs et la tradition », raconte Philippe Martel, partage son attachée de presse avec l’Opus Dei ? L’appartement d’Eric Zemmour est empli de livres, mais aussi de toiles de gentilhommes en pied et de tapisseries d’un autre âge. Un dédale de pièces dessiné « en 1840 », qu’il vante devant ses hôtes, comme si l’âge de cet immeuble préhaussmanien l’ancrait encore davantage dans ce Paris balzacien, capitale éternelle d’une France qu’il rêve barricadée, amidonnée et corsetée.
    Il ne s’en évade pas, d’ailleurs, ou si peu ! « Je l’ai croisé un jour dans un avion pour la Tunisie », raconte Jean-Philippe Moinet, son ancien collègue du Figaro passé par le Haut Conseil à l’intégration, qui le raille régulièrement dans La Revue civique, dont il est directeur. « Je lui ai dit : “J’adore partir !” Il m’a répondu : “J’adore revenir.”. » Du monde, Zemmour ne connaît que les hôtels de Washington et des capitales européennes qu’il fréquentait, il y a très longtemps, un passe autour du cou, avec ses collègues embedded. Les étés d’Eric Zemmour se déroulent toujours en France, dans le même hôtel de Provence, ses hivers au Club Med aux Antilles, un peu comme dans la chanson de Renaud. A cause de l’anglais qu’il parle mal, Zemmour fut d’ailleurs recalé à l’ENA. « Sa manière autiste, son côté célinien – la France en chaussons », s’amuse Franz-Olivier Giesbert, qui le repère dès ses premiers pas au Quotidien de Paris, chez l’ami Philippe Tesson.
    Après un détour par la pub, antichambre alimentaire des enfants de son siècle, comme les écrivains Frédéric Beigbeder ou Grégoire Delacourt, Zemmour a en effet choisi la presse écrite, où il veut travailler à l’ancienne : du style, des idées, avant l’information. Au Quotidien, Tesson se souvient d’un garçon cultivé mais « incroyablement individualiste et personnel ». Le titre sombre, hélas, alors que s’ouvre la campagne Balladur-Chirac, « la plus belle de la Ve », que Zemmour piaffe de chroniquer. InfoMatin lui ouvre ses portes. « Rousselet cherchait quelqu’un pour faire des éditos bien troussés et anti-balladuriens bien troussés, raconte Bruno Patino, alors directeur délégué du titre. Zemmour était un contempteur absolu de la bourgeoisie libérale. » Un solitaire qui sèche les AG et oublie les conf de rédaction et manque la photo de groupe du dernier numéro du quotidien, le 8 janvier 1996. FOG l’accueille aussitôt au Figaro, où Zemmour étoffe son carnet d’adresses : à ses déjeuners avec les caciques socialistes et gaullistes, durant lesquels il parle plus que ses convives, s’ajoutent les rendez-vous chez Jean-Marie Le Pen. Récompensant l’assiduité de son hôte, le chef du Front national lui offre le scoop de ses rencontres secrètes avec Jacques Chirac, lors de la présidentielle de 1988.
    Aux équipes des rédactions, Zemmour préfère les déjeuners de travail en tête-à-tête, rue de Lille ou dans les bistrots proches de l’Assemblée nationale. Le monde politique est devenu le sien. Il le tutoie, l’embrasse, applaudit bruyamment chaque bon mot de Philippe Séguin – son « grand homme » – devant ses confrères stupéfaits. Bien avant que ne s’annonce le nouveau traité constitutionnel européen, il navigue à son aise entre Charles Pasqua et Jean-Pierre Chevènement, tirant des bords entre les « républicains des deux rives » : au milieu des années 1990, il flirtait avec la Fondation Marc-Bloch, où quelques journalistes, comme Elisabeth Lévy, dénonçaient la « pensée unique » de l’intelligentsia française. Une petite bande souverainiste dont la trajectoire laisse rêveur. En 2002 (Zemmour vote pour Chevènement), ces « nationaux-républicains » commencent par dénoncer le front anti-Le Pen et l’antifascisme de salon qui fait descendre la jeunesse dans la rue. Puis décontaminent patiemment les idées du FN, quand ils ne rejoignent pas directement la formation d’extrême droite, comme l’ex-plume du « Che » Paul-Marie Coûteaux, et investissent les médias. « Je ne l’ai pas forcément théorisé au début, savoure Zemmour, mais oui, je fais de l’entrisme à la télé. J’y fais passer mes idées. »

    Voilà pourquoi la success story d’Eric Zemmour, ce nostalgique d’un monde d’avant Pathé et Marconi, s’écrit toujours sur petit écran. Un an avant que Catherine Barma ne le repère, le journaliste est invité sur un plateau avec Christine Boutin pour défendre le « non » au référendum européen de 2005. Face à lui, pour le « oui », François Hollande. Hollande, son ancien prof d’économie à Sciences Po : ce député drôle et bavard avec lequel il a partagé tant de pains au chocolat, le matin, au café de Flore. « Il avait déjà son scooter et ce même cynisme jovial que j’ai vu chez Chirac », raconte Zemmour. Cette fois, pourtant, le patron du PS fuit son regard et se dérobe durant tout le débat. « Pourquoi tu m’as évité comme ça ? », demande le journaliste après l’émission. « Parce que tu ne respectes pas les codes », répond Hollande. « On fait mine de s’en apercevoir maintenant, confie aujourd’hui le chef de l’Etat, mais ça fait bien longtemps que Zemmour n’est plus journaliste, ne suit plus une réunion, plus un déplacement. »Idéologue, acteur politique, qui sillonne désormais la France et l’Europe à son compte : « Avec mon livre, j’ai l’impression de faire plus de politique que la plupart des hommes politiques », avoue-t-il le 4 novembre aux sympathisants UMP exilés à Londres. Un pied dans le système, l’autre dehors.

    Revanche.

    Entrisme, encore ? Schizophrénie ? Pendant que le polémiste dénonce le conformisme et la bien-pensance des « technos », Eric Zemmour, le recalé de l’ENA 1980, est choisi pour faire passer le « grand O » à la promo 2006. Belle revanche ! Deux ans plus tard, il fête en grande pompe ses 50 ans avec le tout-Paris politique. Ce fan de l’Empire a loué pour l’occasion la Petite Malmaison. C’est entre des grenadiers en costume qu’il reçoit ses invités : Catherine Barma, évidemment, ses copains du Fig Mag, Henri Guaino, compagnon du « non » devenu conseiller de Nicolas Sarkozy, sa grande amie Isabelle Balkany, mais aussi les bons vieux copains de gauche, Jean-Luc Mélenchon et Jean-Christophe Cambadélis. « Eric s’était payé le château de Joséphine de Beauharnais !, raconte Paul-Marie Coûteaux. J’étais stupéfait. Le monde tournait autour de lui : ce soir-là, il a changé de visage à mes yeux. » La nuit tombée, on avait tiré le canon avant d’aller danser sur des vieux standards des Stones, la bande-son folklo d’une jeunesse évanouie. Mais pas seulement.
    Tubes, blockbusters, best-sellers, rien de ce qui appartient à la culture de masse n’est indifférent à Eric Zemmour : lorsque, dans son dernier livre, il revisite la Ve République, c’est à partir des charts et du box-office, cette mémoire populaire qui manque souvent aux élites. A l’instar des vieux routiers trotskistes lambertistes accourus à la Malmaison, il estime que la guerre se gagne sur le terrain des idées. « Gramsci est mon modèle »,clame le journaliste en citant le théoricien italien. « Comme Louis Pauwels au Fig Mag, comme Patrick Buisson sous le dernier quinquennat, Zemmour juge que le combat est d’abord culturel », analyse Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche. Pari gagné ? « Il y a une“zemmourisation” de la société française », a expliqué dans les micros Cambadélis, après avoir décortiqué, rue de Solférino, devant le bureau national du PS, le succès du Suicide français. « Je suis flatté », a choisi de répondre Zemmour par SMS.

    « Prendre les femmes sans les comprendre ».

    Son nom est devenu plus qu’une marque : un argument de vente. Fig Mag ou Valeurs actuelles, chaque couverture consacrée au polémiste maison, un protégé du nouveau patron du Figaro, Alexis Brézet (catholique traditionnel et chantre de l’union des droites), fait merveille. Qu’il est loin, le temps où les saillies de Zemmour lui faisaient craindre la porte, comme en 2010 ! A la télé, chez Ardisson, il venait de lâcher sa fameuse phrase : « Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C’est un fait. » Et au montage, pour doper l’audience, la production choisit d’incruster deux mots en bas de l’écran : « Zemmour dérape. » Etienne Mougeotte, le prédécesseur de Brézet, convoque le chroniqueur pour « un entretien préalable à licenciement », avant de simplement réclamer copie de la lettre d’excuses que Zemmour a adressée à la Licra. En coulisses, Isabelle Balkany s’est agitée pour qu’on ménage son protégé. Des balcons de son immeuble, sur les Grands Boulevards, la rédaction a surtout découvert un spectacle hallucinant : sur le trottoir, devant le journal, des cris et des banderoles, « Touche pas à mon Zemmour » ou « Licra = Pravda », et des manifestants bien mis qui marquent une minute de silence « pour la liberté d’expression ». Cette fois, Zemmour a bel et bien échappé au Figaro.

    Plus rien ne l’arrête. Le 6 mars 2010, il affirme sur France Ô que les employeurs « ont le droit de refuser des Arabes ou des Noirs ». Il est à nouveau condamné un an plus tard. En mai 2014, le journaliste accuse sur RTL « des bandes de Tchétchènes, de Roms, de Kosovars, de Maghrébins, d’Africains » de « dévaliser, violenter ou dépouiller » la France. Le CSA le met « fermement en garde » ainsi que sa radio, RTL. Il continue pourtant à creuser le sillon de ses obsessions. Dans Le Figaro, il chronique Les Petits Blancs, d’Aymeric Patricot, un livre qui décrit « la misère sexuelle de [ces]jeunes prolétaires qui ne peuvent rivaliser avec la virilité ostentatoire de leurs concurrents noirs ou arabes ». Les étrangers qui nous prennent nos femmes ! Pour Patricot, c’est « la revanche symbolique de la colonisation ». Pour Zemmour, bien davantage encore : le signe de« l’antique attrait des femmes pour le mâle vainqueur, à l’instar de ces Françaises qui couchèrent pendant la seconde guerre mondiale avec des soldats allemands puis américains ». La version mainstream, en somme, des Années érotiques 1940-1945, de Patrick Buisson (Albin Michel, 2008), une histoire de la « collaboration horizontale », où les femmes n’ont pas souvent le beau rôle – comme dans les « essais » de Soral et de Zemmour.

    Il est de ceux (son dernier livre) qui « préfèrent prendre les femmes sans les comprendre plutôt que de les comprendre sans les prendre ». Eloge du machisme et exégèse de « l’ambiguïté du viol » chez Soral (son complice Dieudonné a choisi pour totem une quenelle), complexe de l’homme blanc chez Zemmour… Le sexe, en tout cas, obsède le trio – Soral, il y a quelques jours, se plaignait d’ailleurs sur son site de voir Zemmour s’intéresser « sept ou huit ans » après lui à ses sujets de prédilection – comme les femmes. En version soft, chez le journaliste du Fig Mag, ça donne : « Les hommes sont sommés de devenir des femmes comme les autres. Ils n’ont plus le droit de désirer. (…) Ils ne doivent plus qu’aimer. » En version hard, cela devient :« Seule la salope peut réveiller le désir fragile du mâle. » Zemmour a signé,en 2013, « Touche pas à ma pute ! », le manifeste des 343 « salauds » lancé par le mensuel Causeur d’Elisabeth Lévy.

    Promis, pas de psychologie. Zemmour a 56 ans. Malgré les longueurs de bassin et son jogging quotidien, il vieillit. Ne croit plus en rien, sauf en la médecine, pense que tout est foutu, sauf si advenait une guerre. Déjà, en 2010, il avait voulu appeler sa Mélancolie française « Le Chagrin français », mais son ami Bruno Larebière, ex-patron de Minute et ancien pilier du Bloc identitaire, lui avait fait changer son titre : « Ça fait pas trop Le Chagrin et la pitié ? » Son dernier ouvrage, Zemmour voulait le nommer « Cette France qu’on abat », mais Natacha Polony, autre chevènementiste révélée par la télé, autre déclinophile, lui a piqué l’idée. Et Renaud Camus déjà préempté le Suicide d’une nation.

    Ariane Chemin

    http://www.lemonde.fr/politique/article/2014/11/08/et-zemmour-devint-zemmour_4520705_823448.html

    • C’est clairement un des facteurs qui a contribué à son succès (inviter un provocateur qui surfe sur le racisme ordinaire et l’aigreur ambiante pour faire de l’audience).
      Mais je vois aussi chez ce type un patriotisme déraciné, qui recherche son objet dans l’Etat plutôt que dans les #biens_communs, oubliés de longue date http://seenthis.net/messages/167677
      ce même État inhumain, brutal, bureaucratique, policier, légué par Richelieu à Louis XIV, par Louis XIV à la Convention, par la Convention à l’Empire, par l’Empire à la IIIe République. Et qu’on voit à l’oeuvre aujourd’hui dans la #surveillance généralisée et la #militarisation de la police http://seenthis.net/messages/285552

      L’État est une chose froide qui ne peut pas être aimée mais il tue et abolit tout ce qui pourrait l’être ; ainsi on est forcé de l’aimer, parce qu’il n’y a que lui. Tel est le supplice moral de nos contemporains.

      C’est peut-être la vraie cause de ce phénomène du chef qui a surgi partout et surprend tant de gens. Actuellement, dans tous les pays, dans toutes les causes, il y a un homme vers qui vont les fidélités à titre personnel. La nécessité d’embrasser le froid métallique de l’État a rendu les gens, par contraste, affamés d’aimer quelque chose qui soit fait de chair et de sang. Ce phénomène n’est pas près de prendre fin, et, si désastreuses qu’en aient été jusqu’ici les conséquences, il peut nous réserver encore des surprises très pénibles ; car l’art, bien connu à Hollywood, de fabriquer des vedettes avec n’importe quel matériel humain permet à n’importe qui de s’offrir à l’adoration des masses. à Hollywood comme à la trash TV moderne...

  • Michel Bauwens : « L’hégémonie du libéralisme a été cassée par le numérique » - Mediapart
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/101478991533

    Intéressante interview de Michel Bauwens sur Mediapart, qui rappelle que l’avenir n’est pas au #travail, mais aux “contributions” (“en 2020, un travailleur sur quatre en Europe et un sur trois aux États-Unis sera en dehors du salariat”) : “On passe d’une division du travail à une distribution des tâches”. Qui estime (peut-être un peu rapidement) que les contributions ne créent plus de marchandises mais des #Communs (alors que beaucoup de contributions sont récupérées par les logiques marchandes bien avant que de produire du commun, me semble-t-il). Et le théoricien activiste de poser une bonne question : peut-on rendre la nouvelle économie des communs autonome de la logique de profit ? Pour Bauwens, il faut créer une nouvelle conscience sociale et #politique en rapport avec cette pratique des communs, en (...)

    #biens_communs #digiwork

  • #digiwork : les métamorphoses du #travail
    http://www.internetactu.net/2014/10/28/digiwork-les-metamorphoses-du-travail

    L’avenir du travail ? Vaste sujet qui a constitué le cœur des discussions de #lift 2014, qui s’est tenue du 21 au 22 octobre à Marseille. Pour Daniel Kaplan (@kaplandaniel), délégué général de la Fing, coorganisateur de cette conférence (et éditeur d’InternetActu.net, partenaire de l’organisation du programme de cette journée), certaines études estiment que 40 à 70% des métiers d’aujourd’hui…

    #économie #biens_communs #confiance #Consommation_collaborative #coopération #empowerment #lift14fr #liftfrance #management

  • Pour la Transition, une économie du partage de la connaissance et des biens communs
    http://polemictweet.com/pour-la-transition-une-conomie-du-partage-de-la-connaissance-et-des-biens-communs/polemicaltimeline.php

    Face aux crises économique, sociale et écologique, nous sommes nombreux à penser qu’il faut créer les conditions de la transition d’un monde industriel productiviste vers une économie fondée sur le partage de la connaissance en biens communs et sur des modes de productions collaboratifs et contributifs. L’enjeu est d’abord de forger de nouveaux concepts pour comprendre les effets de l’automatisation et de la pénétration du numérique dans tous les aspects de la vie. Il s’agit également de repenser l’intérêt général et la solidarité comme des horizons possibles.

    Rencontre entre Michel Bauwens et Bernard Stiegler.

    #Bernard_Stiegler #Biens_communs #France #Michel_Bauwens #Numérique #Pair_à_pair #Politique #Économie_contributive #Équateur_(pays)

  • Michel Bauwens : « L’hégémonie du libéralisme a été cassée par le numérique »
    http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/181014/michel-bauwens-l-hegemonie-du-liberalisme-ete-cassee-par-le-numerique

    Monnaie alternative, coopérative ouverte, système d’entraide pair à pair, constitution des communs : bienvenue dans l’univers révolutionnaire et collaboratif de Michel Bauwens, penseur activiste du peer-to-peer, cette économie de « pair à pair » du savoir partagé et des échanges non marchands, née dans le monde du numérique.

    #Biens_communs #Coopérative #Michel_Bauwens #Numérique #P2P #Pair_à_pair #Peer-to-peer #Économie #Économie_contributive

  • Les #Communs, une brèche politique à l’heure du numérique - Open Edition
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/99891270901

    Dans le livre Les débats du numérique, publié en 2013 aux Presses des Mines par Maryse Carmes et Jean-Max Noyer, on trouve notamment l’intéressante contribution de Valérie Peugeot, en charge des questions de prospective au sein du laboratoire de sciences humaines et sociales d’Orange Lab, sur le thème des Communs. La chercheuse développe 3 scénarios pour l’avenir des Communs : l’affrontement des Communs avec le capitalisme, leur absorption par le capitalisme, ou l’alliance des Communs avec la puissance publique pour reconquérir leur puissance mise à mal par le néo-libéralisme. Lequel l’emportera ? 

    "la profondeur et la durée de la triple crise qui secoue actuellement les pays occidentaux, sera à l’évidence un facteur particulièrement déterminant. L’incapacité des gouvernements à construire une gouvernance (...)

    #biens_communs #transition #QN

  • Décryptage du système Rifkin
    http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/051014/decryptage-du-systeme-rifkin

    Il conseille les grands de ce monde, vend des dizaines de milliers d’exemplaires de chacun de ses ouvrages, même lorsqu’ils portent des titres à coucher dehors, à l’instar du dernier tout juste publié en français, et prétend mettre sur pied une troisième révolution industrielle et un monde post-capitaliste apaisé. Que faire de cette réflexion prometteuse pour les uns, fumeuse pour les autres ?

    #Biens_communs #Capitalisme #Internet #Internet_des_objets #Jeremy_Rifkin #Pair_à_pair #Production #Troisième_révolution_industrielle #Économie_contributive #Énergie_renouvelable

  • Diffusion de la culture et valorisation du domaine public

    Hervé Le Crosnier
    Caen, le 12 septembre 2014

    Une nouvelle collection de livres numériques constituée à partir d’œuvres appartenant au domaine public vient de paraître sous l’intitulé « BnF collection ebooks ». Cette collection est le produit de la filiale de droit privé de la Bibliothèque nationale de France dénommée « BnF Partenariat » qui veut constituer des « offres numériques à partir des œuvres conservées par la BnF et leur valorisation commerciale ». Une confusion des rôles respectifs des bibliothèques et des éditeurs... qui affaiblit autant les missions des bibliothèques auprès du public que la place de l’édition dans la réhabilitation des œuvres du passé. En toile de fond une interprétation erronée de ce que signifie valoriser le domaine public.

    Les bibliothèques ont des missions qui les conduisent à privilégier le libre accès à tous les documents qu’elles possèdent, avec comme seule limite leurs budgets et la conservation des documents rares et précieux. Dans ce cadre, le numérique est un allié majeur pour la diffusion des ouvrages afin de répondre aux attentes des lecteurs d’aujourd’hui. Une autre de leurs missions consiste à organiser les œuvres de façon à ne pas trier, favoriser, modifier les classements pour quelque raison que ce soit, ni idéologique, ni financière, ni au nom d’un « bon goût » quelconque. Elles doivent offrir à chaque œuvre des chances égales de trouver un public intéressé en fonction de ses centres d’intérêt. Une valeur centrale quand les moteurs de recherche ou les médias sociaux privés organisent l’accès en fonction d’algorithmes opaques.

    Pour leur part, les éditeurs ont, notamment vis-à-vis du domaine public, une approche totalement différente. Ils doivent au contraire sélectionner quelques œuvres qu’ils seront en mesure de diffuser auprès de leur public, dont ils pourront gérer la promotion, et qu’ils vont adapter aux attentes actuelles en matière de présentation, de typographie, de format... La qualité des éditions ne se mesure pas au nombre de documents rendus disponibles, mais à l’appareil critique, aux illustrations, à la qualité ortho-typographique.

    Il s’agit là de deux missions, tout aussi importantes l’une que l’autre, mais différentes dans leurs objectifs, dans le type de travail et la relation au public. Une bibliothèque doit respecter les règles professionnelles d’équilibre entre les œuvres, les courants de pensée, les époques... quand l’éditeur peut à loisir privilégier une ligne éditoriale, sélectionner en fonction de ce qu’il espère être les attentes de son public. La question du prix est une conséquence de cette distinction fondamentale. Les bibliothèques ont une mission pour laquelle les contribuables payent déjà : offrir à tous un accès libre à tous les documents... dans la mesure de ce que leur budget peut leur permettre de proposer. La gratuité de l’accès pour le public adhérent à une bibliothèque est une conséquence de cette mission. L’éditeur pour sa part a un objectif économique. Il va donc adapter sa sélection, constituer des séries, organiser la promotion dans ce cadre. Car n’oublions pas que, même si l’œuvre appartient au domaine public, ce que nous attendons d’un éditeur, c’est qu’il nous la présente de façon la plus pertinente et agréable possible, avec l’appareil critique, les notes et les préfaces, la mise en page typographique et la mise en contexte culturelle. C’est pour cela que nous lui faisons confiance et sommes prêts à acheter les livres, imprimés ou numériques, qu’il met sur le marché.

    Qu’une collection éditoriale puisse se prévaloir de l’étiquette « Bibliothèque nationale de France » entraîne dès lors une grande confusion, qui est néfaste tout autant aux bibliothèques et à leurs missions de service public qu’aux éditeurs et leur travail de réhabilitation et de promotion.

    Pour les bibliothèques, cela va entraîner la confusion entre les opérations de numérisation, qui sont une manière de favoriser l’accès aux œuvres dans le cadre numérique qui est le nôtre, et l’édition/sélection en fonction d’un marché supposé. La formation de bibliothécaire insiste sur le fait que ce n’est pas au bibliothécaire de choisir, mais à l’éditeur. Le bibliothécaire enregistre les tendances d’une époque en suivant l’actualité de l’édition, et organise un équilibre parmi les œuvres qui forment cette tendance en fonction de son budget, forcément limité. Valider un travail culturel par un choix éditorial relève d’une autre fonction. Cette confusion va également affaiblir les bibliothèques, notamment dans les municipalités qui ne vont pas pouvoir consacrer les budgets équivalents à la BnF pour numériser des fonds locaux ou spécifiques. Faire croire qu’une opération de numérisation ne serait valorisée que par l’édition, qui plus est devant être rentable, met en danger les rapports des bibliothèques avec leurs bailleurs de fonds. Plus philosophiquement, quand une bibliothèque devient éditrice d’œuvres rangées dans ses collections (à la différence de ses catalogues ou expositions), elle passe de gestionnaire du domaine public au service de tous, vers une logique de « propriétaire » du domaine public dont elle décide l’usage. Si elle est en phase avec la logique managériale qui domine notre époque, cette approche n’est pas celle des bibliothécaires. La notion de réseau des bibliothèques, chacun participant à un travail collectif qui le dépasse pour offrir la collection la plus large et efficace (organisation, numérisation, transcodage et catalogage) est un des fondamentaux de la profession.

    Pour les éditeurs, qu’une bibliothèque prestigieuse comme la BnF puisse se lancer sur leur marché, va dévaloriser leur travail de sélection et promotion. Au-delà du conflit d’intérêt, c’est la confusion entre la publication (mettre à disposition du public) et l’édition (travailler une œuvre pour que le public la demande et soit satisfait par les conditions de lecture qui lui sont proposées) qui va nuire à l’image globale de la profession. Un éditeur est libre de choisir son modèle économique, de fixer les prix. Dans le monde numérique il peut choisir les diffuseurs avec lesquels il va travailler. Il peut travailler avec le format propriétaire d’Amazon Kindle, ou s’y opposer pour des raisons commerciales ; il peut décider de ne pas répondre aux désirs des lecteurs et placer des DRM dans ses livres... La sanction éventuelle portera sur l’étendue de son marché et son équilibre budgétaire. Il peut même compenser ces freins à la lecture et au partage par une qualité qui incitera malgré tout le lecteur à passer outre.

    Il en va tout différemment des bibliothèques. L’interopérabilité, la capacité à être lu en dehors de toute affiliation à une plateforme, le respect de la liberté du lecteur sont dans la logique des missions définies plus haut. Or la collection de la BnF est diffusée avec des DRM (fnac, chapitre.com,...) ou uniquement en format Kindle sur Amazon. Ce faisant, la BnF, en tant que bibliothèque publique, se trouve participer à un jeu de tric-trac entre plateformes qui dépasse largement ses attributions. Peut-on, quand on est une bibliothèque publique, exiger du lecteur qu’il possède Adobe Digital Edition, ce qui exclut d’emblée tous les utilisateurs de Linux ? Pour acheter les livres numérique de la collection de la BnF, il faut offrir à la Fnac et aux autres plateformes choisies par BnF-Partenariat des données personnelles, notamment les très utiles adresse et date de naissance... Est-ce le rôle d’une bibliothèque, qui plus est nationale, de permettre à ces plateformes d’enregistrer toutes ces informations privées pour les revendre sur le grand marché des mégadonnées ? Au contraire, les bibliothèques, et toute leur histoire le démontre, ont devoir de protéger leurs lecteurs, de garantir l’anonymat des lectures.

    Une autre question, souvent soulevée par les commentateurs de cette opération de la BnF, est celle de la gratuité du domaine public. Soyons réalistes : heureusement que depuis des décennies les éditeurs vendent les œuvres du domaine public... sinon nous aurions perdu la connaissance de tous ces travaux essentiels. La question du prix est celle du marché, et pour la culture du consentement à payer des lecteurs. Une même œuvre du domaine public va être vendue peu cher en édition de poche, un peu plus avec un appareil critique et très cher quand elle est imprimée sur papier bible et reliée sous couverture pleine peau dorée à l’or fin. Chaque type d’édition a toujours trouvé son public. Ce n’est pas parce qu’il va exister des éditions gratuites en format numérique que cela va changer. Simplement, les éditeurs qui voudront faire payer des œuvres du domaine public vont devoir rivaliser en qualité, en appareil critique, en illustration, en interopérabilité... Au final, les éditeurs compétents vont tirer leur épingle du jeu, et la concurrence va faire baisser les prix, au grand bénéfice du public, de la lecture et de la réhabilitation des œuvres du passé.

    Dans ce cadre, les bibliothèques ont une nouvelle mission pour favoriser cette démocratisation de l’accès aux œuvres du domaine public : fournir les sources qui vont permettre à la fois les diffusions gratuites et les travaux éditoriaux de qualité. La numérisation, puis la reconnaissance optique de caractère permettent d’obtenir, par l’usage d’un système informatique (qui ne produit donc pas de « droits d’auteur » nouveaux), un texte source fiable environ à 95%, voire plus. Ce texte source permet la recherche documentaire, mais pourrait également servir de base au travail de relecture ortho-typographique et aux corrections qui sont le propre du métier d’éditeur. Il convient pour les bibliothèques de rendre ces textes source disponibles à tous, sans restriction ni négociation. Ces textes source sont une nécessité pour les bibliothèques, car ils permettent de réaliser leur mission première qui est d’organiser les ouvrages dont elles ont la garde et d’en offrir l’accès le plus adapté à l’époque (aujourd’hui, accès en réseau, recherche documentaire, accès au texte et accès à la copie image de l’original). Or malheureusement, de nombreuses bibliothèques, et au premier chef la BnF, ajoutent des négociations de droit pour celui qui veut utiliser ces textes source. Ce qui va limiter la possibilité des éditeurs à choisir les œuvres, et faire leur travail spécifique... mais aussi ce qui va limiter, et c’est plus grave encore, la capacité des lecteurs actifs à travailler ces sources pour offrir aux autres les œuvres qui leur plaisent. Or nous avons bien vu, au travers du projet Gutenberg ou de Wikipédia, que les lecteurs altruistes sont prêts à passer une partie de leur temps et de leur énergie à construire ces ensembles de connaissance et de culture et à les offrir en partage. Cette énergie des communs de la connaissance devrait trouver dans les bibliothèques leurs meilleurs alliés... or c’est le contraire que vient montrer cette collection de la BnF. Cela lance un très mauvais signal envers les lecteurs avides de partage, de réhabilitation, désireux de promouvoir des livres qu’ils ont aimé. Au final, cette limitation de l’usage d’un travail financé par la puissance publique est contraire à la véritable valorisation du domaine public. Si l’on en croit le rapport de Bruno Ory-Lavollée publié par le Ministère de la Culture, la valorisation du patrimoine passe avant tout par l’usage multiplié des œuvres gérées par les bibliothèques ou les musées. Or nous avons là des bibliothèques publiques qui mènent une politique contraire.

    Face à ces constats, ils convient de proposer des solutions qui puissent à la fois favoriser les bibliothèques (toutes les bibliothèques), les éditeurs et cette pulsion contributive des individus dont on peut constater chaque jour l’existence.

    La première nécessité est de dissoudre BnF-Partenariat, la filiale de la BnF chargée de la valorisation marchande. Le CNRS a longtemps cru qu’une structure marchande comme INIST-Diffusion allait pouvoir valoriser la recherche... jusqu’à ce que l’an passé un audit et une mobilisation montrent qu’il n’en était rien, que les revenus de ce genre de filiale étaient dérisoires en regard des missions des organismes concernés. La décision la plus sage a été prise de recentrer l’INIST comme appui à la recherche du CNRS et d’abandonner la filiale privée. C’est fort de cette expérience que le Ministère de la Culture devrait se prononcer pour que la BnF se recentre sur ses missions et abandonne cet outil de confusion qu’est BnF-Partenariat. Ajoutons, qu’au même titre que ce qui s’est passé au CNRS, avoir une direction unique pour l’organisme public et la filiale privée n’est pas sain.

    Ensuite, il convient de faire comprendre que le nombre ne fait rien à l’affaire. Les bibliothèques vont numériser en fonction des ressources allouées, mais ce n’est qu’une première étape de la revalorisation du domaine public. Il faut que parmi cette masse on puisse sélectionner et promouvoir certains travaux. Ce rôle peut être celui d’éditeur, d’acteurs individuels, ou d’autres structures... L’accès libre aux données source (notamment la version texte OCR) est un principe qui va favoriser l’usage culturel des ressources. Et c’est bien cela qui est l’objectif. Changer les licences d’usage, faire que les travaux techniques sur les œuvres du domaine public n’ajoutent aucune nouvelle couche de restriction est essentiel pour étendre la culture et la langue française dans le monde entier.

    Enfin, rappeler avec force et inscrire dans la loi que les institutions publiques en charge de la conservation du patrimoine et du domaine public en sont simplement les gestionnaires au profit de tous. Le fonctionnement coopératif des bibliothèques, et dans ce cadre le rôle d’animation et d’entraînement des plus grandes d’entre-elles, est une valeur centrale des missions de l’accès universel aux publications. Ces valeurs doivent être rappelées en ce moment de passage au numérique, pour ne pas nous laisser aveugler par la technique ou par les promesses des industries du numériques qui calculent en données et oublient la valeur collective du domaine public et du partage de la culture.

    Hervé Le Crosnier
    Caen, le 12 septembre 2014
    Texte diffusé sous licence Creative Commons by

  • Espaces et acteurs pastoraux : entre pastoralisme(s) et pastoralité(s)

    Coralie Mounet et Olivier Turquin
    Espaces et acteurs pastoraux : entre pastoralisme(s) et pastoralité(s) [Texte intégral]
    Préface
    Pastoral areas and actors : between pastoralism and pastorality [Texte intégral | traduction]
    Forewords
    Corinne Eychenne et Lucie Lazaro
    L’estive entre « #biens_communs » et « #biens_collectifs » [Texte intégral]
    Représentations des #espaces_pastoraux et modalités d’action publique
    Summer pastures : between “commons” and “public goods” [Texte intégral | traduction]
    Representations of pastoral areas and forms of government intervention
    Sabine Chabrat, Baritaux Virginie et Marie Houdart
    De la #viande, du #foin et un #pastoralisme_sédentaire [Texte intégral]
    Le cas de l’#AOP #Fin_Gras du #Mézenc
    Beef, hay, and non-nomadic pastoralism [Texte intégral | traduction]
    The AOP Fin Gras du Mézenc as a case study
    Claire Aubron, Marceline Peglion, Marie-Odile Nozières et Jean-Pierre Boutonnet
    Démarches qualité et pastoralisme en France [Texte intégral]
    Synergies et paradoxes
    Quality schemes and pastoralism in France [Texte intégral | traduction]
    Synergies and paradoxes
    Laurent Garde, Marc Dimanche et Jacques Lasseur
    Permanence et mutations de l’#élevage_pastoral dans les #Alpes du Sud [Texte intégral]
    Permanence and changes in pastoral farming in the Southern Alps [Texte intégral | traduction]
    Laurent Dobremez, Baptiste Nettier, Jean-Pierre Legeard, Bruno Caraguel, Laurent Garde, Simon Vieux, Sandra Lavorel et Muriel Della-Vedova
    Les #alpages sentinelles [Texte intégral]
    Un dispositif original pour une nouvelle forme de gouvernance partagée face aux enjeux climatiques
    Sentinel Alpine Pastures [Texte intégral | traduction]
    An original programme for a new form of shared governance to face the climate challenge
    Pierre Dérioz, Maud Loireau, Philippe Bachimon, Églantine Cancel et David Clément
    Quelle place pour les activités pastorales dans la reconversion économique du #Vicdessos (#Pyrénées_ariégeoises) ? [Texte intégral]
    What place for pastoral activities in the economic transformation of Vicdessos (Ariège Pyrenees) ? [Texte intégral | traduction]
    Michaël Thevenin
    De la pastoralité dans l’Est de la #Turquie [Texte intégral]
    Chronique des #bergers #kurdes, entre logiques tribales, nationalismes et #patrimoine
    Pastoralité in eastern Turkey [Texte intégral | traduction]
    Chronicles of the Kurdish shepherds between tribal logic, nationalisms and heritage


    http://rga.revues.org/2164

    #pastoralisme #montagne #pastoralité

    Tous les articles sont disponibles aussi en anglais !

  • En Grande-Bretagne, les citoyens lancent l’offensive contre le grand marché transatlantique
    http://www.bastamag.net/Les-Britanniques-lancent-une

    À l’approche du prochain cycle de négociations entre l’Union européenne et les États-Unis, les syndicats et organisations militantes britanniques organisent du 8 au 12 juillet une campagne nationale sur les dangers que représente le grand marché transatlantique (Tafta/TTIP). #Services_publics, environnement, droit du travail, service national de la santé... Autant de domaines mis en péril par cet accord de libre-échange, qui suscite une opposition croissante des citoyens britanniques. « Le mouvement (...)

    #Débattre

    / #Multinationales, #Politique, Services publics, Démocratie !, #Amériques, #Europe, Les enjeux de l’élection (...)

    #Démocratie_ ! #Les_enjeux_de_l'élection_européenne

  • De Notre-Dame-des-Landes à la vallée d’Humbligny : quelles possibilités d’instituer des lieux en biens communs ?
    http://scinfolex.com/2014/07/09/de-notre-dame-des-landes-a-la-vallee-dhumbligny-quelles-possiblites-dinst

    La semaine dernière est paru un article sur le site de Libération qui montre que les opposants au projet d’aéroport occupant le site de Notre-Dame-Des-Landes sont déjà en train d’imaginer la suite, en se référant au vocabulaire des biens communs. Source : S.I.Lex