city:ivry

  • #Ivry-sur-Seine (94) : mercredi 27 mars, #rassemblement en soutien aux habitant.e.s du Vaydom
    https://fr.squat.net/2019/03/22/ivry-sur-seine-94-mercredi-27-mars-rassemblement-en-soutien-au-vaydom

    RASSEMBLEMENT EN SOUTIEN AU VAYDOM mercredi 27 mars à 16h sur le parvis de la mairie d’Ivry (métro Mairie d’Ivry) Le Vaydom est un immeuble occupé depuis 2017 où vivent aujourd’hui plus de cinquante personnes dont une vingtaine d’enfants scolarisés à Ivry et Vitry, qui à partir du 1er avril risquent d’être à la rue. […]

    #perquisition #Val_de_Marne #Vaydom_Centre_Social_Autogéré_d’Ivry_

  • Quand l’etat policier sort les crocs - Communiqué de la Defense Collective Toulouse
    #toulouse
    #repression
    #gilets_jaunes

    Quand l’État policier sort les crocs… Depuis plus de trois mois les gilets jaunes et les gens qui partagent leur esprit de révolte foutent le bordel un peu partout, réclamant avec colère des conditions de vies moins pourries pour elles et eux.
    Nous luttons contre un Etat capitaliste et meurtrier, nous refusons de nous soumettre à une exploitation quotidienne sans broncher.

    La police fait son sale travail chaque samedi. Ce qu’ils nomment « maintien de l’ordre », consiste à essayer de faire plier les manifestants par la violence. Depuis de le début, la police a blessé, mutilé, tabassé passant.es et manifestant.es et allant jusqu’au meurtre de Zineb Redouane.

    L’acharnement des flics ne s’arrête pas dans la rue. Cela continue dans les commissariats, les bureaux d’enquête, les tribunaux, les prisons.

    Démonstrations de force, menaces permanentes et inquisitions…
    Répression coup de poing …

    L’état veut réaffirmer son pouvoir à travers des démonstrations de force,voilà quelques affaires marquantes :
    Le 8 Janvier à Bessan 46 personnes sont arrêtées et détenues en garde à vue jusqu’à 96h, depuis 12 personnes sont en détention provisoire. Elles sont réparties dans différentes taules de la région, soit disant pour empêcher la concertation, même si on sait que c’est pour faire galérer les proches qui doivent se taper parfois plus de 2h de bagnole pour un parloir de 45 mn. On leur reproche l’incendie d’un bâtiment du péage.
    Le 10 janvier à Pont-à-mousson, à 6h du matin une équipe du Raid s’abat dans l’appartement d’un gilet jaune pour le tirer du lit et l’embarquer. Il est suspecté d’avoir retourné une voiture de flic à Epinal.
    Le 6 février à Toulouse, 60 flics perquisitionnent deux domiciles suite à la mise en examen d’une personne fichée anarchiste. Pour la possession d’une clef PTT, et son un refus du fichage, dans le cadre d’une association de malfaiteurs.
    Le 19 février à Rennes, des équipes du raid sont lâchés pour arrêter deux personnes,elles passeront un peu moins de 48h en garde à vue avant d’être « libérées » avec un contrôle judiciaire et un procès en attente. Accusées de dégradations.
    Le 21 février à Ivry une quarantaine de keufs sont envoyés dans les domiciles de 6 lycéens, entre 24h et 36h de garde à vue pour des tags dans un lycée.
    Le 22 février à Toulouse, 8 personnes sont interpellées et leurs domiciles perquisitionnés. Elles feront 48h de garde à vue. Après un passage devant le juge d’instruction , elles sortent avec un contrôle judiciaire. On leur reproche leur participation au mouvement et l’instruction vise à les assimiler à une association de malfaiteurs.

    … et également insidieuse…

    En plus de ces démonstrations de violence physique, la justice tente d’instiller doucement mais sûrement l’isolement avec la mise en place de peines fermes mais sans mandat de dépôt, des interdictions de territoire, des contrôles judiciaire poussant les personnes à s’autofliquer, forcer les gens à pointer au commissariat, des interdictions de manifester, des amendes… Des convocations pour « une affaire vous concernant ».

    Les histoires médiatiques ‘bon grain mauvais grain’

    A Toulouse La Dépêche et les juges mettent le paquet sur lesanarchistes, l’extrême-gauche, etc... (faisant référence à des idéologies existantes ou totalement fantasmées). En conséquence, des maisons sont surveillées (voitures banalisées avec des renseignement généraux oreillettes et talkies bien en vues les samedis matins) et des personnes harcelées ( contrôles d’identité, fouilles à répétition).

    Parce qu’un monde sans responsable échappe à leur contrôle, ils cherchent à créer des catégories.

    Les médias bourgeois créent des représentations : le gilet jaune blanc comme neige manipulable, l’ultra-gauche « radicalisée » dirigeant et pilotant le mouvement, les casseurs opportuniste dénués d’idées politiques… Ce classement des gens est méprisant, mensonger et dangereux pour la lutte. Il ne sert que l’intérêt de ceux qui veulent nous briser. C’est pour créer la division, la dissociation et donc fracturer le mouvement en catégories artificielles.

    Ils sortent leurs armes…

    Ces tours de force et de passe-passe montrent que l’Etat répond toujours à la colère par la répression. Pour installer la peur et la panique dans nos têtes, isoler les gens et diviser le mouvement.
    Ils déploient leur un attirail visant à faire paniquer et à calmer la joie de la révolte qui brûle en nous.

    …On sort les boucliers

    Dans la rue les banderoles se renforcent, les manifestant.es apprennent à se protéger (masques, lunettes, casques…) et à rester uni.es. Malgré les coups durs on continue de sortir gueuler nos colères, d’occuper les ronds points malgré les amendes et parfois la destruction des cabanes.
    Le reste de la semaine, les gens partagent leurs histoires et s’organisent pour ne pas se laisser isoler.
    Le mouvement est toujours aussi incontrôlable parce qu’il refuse toute hiérarchie.
    Le soutien aux prisonnier.es se met en place.

    Notre réponse : amplifier la lutte, rester solidaires, garder le cap !

    source : defensecollectivetoulouse.noblogs.org

  • Front de Mères sur FB : 36 heures de garde à vue pour un tag « Macron Démission »...

    Communiqué du Front de mères

    En soutien aux 6 lycéens d’Ivry perquisitionnés chez eux hier matin (20 février), et dont 4 sont toujours en garde à vue aujourd’hui POUR UN TAG !!!

    En décembre, en plein mouvement lycéen contre le manque de moyens, contre Parcoursup et la réforme du bac, 4 adolescents avaient été mis 36h en garde à vue parce qu’on les a soupçonnés d’avoir écrit « Macron Démission » sur un panneau d’affichage (eux ont toujours nié en être les auteurs). 36 heures de garde à vue pour un tag « Macron Démission »...

    La proviseure du lycée avait alors porté plainte contre ces adolescents, alors que le tag avait été fait à l’extérieur du lycée...

    En réaction, des lycéens avaient fait un tag dans le lycée pour que le rectorat retire sa plainte, en solidarité avec leurs camarades gardés-à-vue.

    Hier matin, le 20 février, à 6h du matin, 42 policiers ont débarqué chez les familles de 6 adolescents, soupçonnés d’être les auteurs du tag dans le lycée.

    4 de ces 6 adolescents sont toujours en garde à vue, à Créteil et à Vitry.

    Nous sommes choqué.es par un tel déferlement de violence et de terreur à l’encontre d’adolescents sur la base d’un soupçon de tag !!

    Nous dénonçons ces pratiques scandaleuses orchestrées par la police, la justice et l’institution scolaire, visant, par la répression policière et judiciaire, à casser toute velléité de contestation de l’ordre établi et de solidarité entre lycéens.

    Nous exigeons la libération immédiate des lycéens gardés-à-vue !

    Nous soutenons ces lycéens et leurs familles, et appelons les parents, militants, enseignants, journalistes, etc à être présent.es aux rassemblements organisés à Ivry, Créteil et Vitry ces prochaines heures et prochains jours,

    Pour exiger que l’État cesse de réprimer et de terroriser ainsi nos enfants !!

    Front de mères

    #résister

  • Landes : un avocat va porter plainte contre un supermarché pour avoir aspergé de désinfectant des invendus AFP 5 Février 2019 - Le figaro
    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/gaspillage-alimentaire-action-judiciaire-contre-un-supermarche-des-landes-2

    Un avocat militant de la lutte contre le gaspillage alimentaire a fait constater aujourd’hui par huissier que de la nourriture consommable était jetée par un supermarché Leclerc de Mimizan-Plage, dans les Landes, et non donnée aux associations comme le veut la loi.

    Il s’agit de l’équivalent de « 50 kilogrammes de nourriture consommable », a tenu à signaler Maître Arash Derambarsh, avocat au barreau de Paris. Parmi les produits concernés, des légumes, des yaourts, de la viande, des croissants et des chocolatines étaient jetés et aspergés de désinfectant. Selon lui, les dates de péremption étaient du 4 février.

    L’avocat parisien qui a affirmé vouloir porter plainte au pénal mardi à Paris, a annoncé des actions similaires dans les prochaines semaines dans les autres régions françaises. Le supermarché encourt une amende de 3750 euros.
    Une loi contre le gaspillage alimentaire, votée le 3 février 2016 et dont Maître Arash Derambarsh est un initiateur, interdit aux grandes surfaces de plus de 400 m2 de jeter de la nourriture et de rendre leurs invendus impropres à la
    consommation.

    Dans un communiqué de son siège social à Ivry-sur-Seine, près de Paris, la direction du supermarché landais a affirmé être « bien entendu engagée dans la lutte contre le gaspillage, au même titre que tous les magasins du Mouvement E.Leclerc ». Elle explique avoir organisé les collectes, à la demande des associations, à partir de l’hypermarché de Mimizan-Bourg, plus grand et plus accessible que le supermarché de Mimizan-Plages et donné de janvier à fin novembre 2018 des produits alimentaires ou non « pour un montant de 147.824 euros » . Un « dysfonctionnement » dans le système de navettes acheminant les invendus entre les deux magasins « a eu lieu la semaine dernière et la direction des deux magasins s’engage fermement à ce que cela ne se reproduise jamais », conclut le communiqué.

     #alimentation #gaspillage #société_de_consommation #consommation #société #glanage #gaspillage_alimentaire #invendus #Leclerc #distribution #grande_distribution #super_marché #hyper_marché #alimentation #faim #Banques_alimentaires 

  • « C’est un véritable retour en arrière » : comment la pénurie de #gynécologues menace la santé des femmes
    https://www.francetvinfo.fr/sante/professions-medicales/c-est-un-veritable-retour-en-arriere-comment-la-penurie-de-gynecologues

    « Aujourd’hui, il y a en moyenne trois professionnels pour 100 000 femmes en âge de procréer et donc de consulter, c’est très inquiétant » [rapporte] Marie Stagliano, coprésidente du Comité de défense de la #gynécologie_médicale. Entre 2007 et 2017, le nombre de gynécologues médicaux a chuté de 42%. En 2017, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a recensé six départements totalement dépourvus de gynécologues. Et cette désertification touche aussi bien les campagnes que les villes. Paris a perdu, en huit ans, 43% de ses gynécologues médicaux. En banlieue parisienne, certaines villes comme Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) sont totalement dépourvues de gynécologues libéraux.

    #femmes #médecine #démographie_médicale #politique_publique #santé

  • Appel des Gilets Jaunes de Montreuil en réponse à Commercy - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=mfjcqj001Rc

    A Montreuil aussi, nous avons enfilé des #gilets_jaunes et nous nous sommes installés tous les jours en face du rond-point de Croix de Chavaux comme partout en France. Ça nous a permis de nous rencontrer autour d’une soupe, de débattre autour d’un brasero, de tisser des solidarités malgré des horizons très différents et de parvenir à sortir de l’isolement. Cela nous a aussi permis de rappeler que les #banlieues parisiennes, comme à Pantin, à Saint-Denis, à Ivry, à Aulnay, ont bien rejoint le mouvement.

    Le gilet jaune est le symbole d’une révolte.
    Il est bien trop tôt pour rentrer chez soi et il n’est pas trop tard pour en sortir !

    Nous sommes révoltés à cause de l’humiliation et du mépris. L’extrême richesse de certains, la soif de pouvoir des politiciens, le saccage de la planète par les plus riches et les violences de l’État sont allés trop loin.

    Les mains arrachées, les manifestants éborgnés, la jeunesse alignée à genoux, les milliers d’inculpés et les centaines d’incarcérés sont venus s’ajouter à la #répression policière quotidienne exercée à l’encontre des quartiers populaires depuis des années. Nous n’oublions aucune victime du « #maintien_de_l’ordre » et nous affirmons notre #solidarité aujourd’hui comme demain.

    On essaie comme toujours de séparer les « bons gilets jaunes » et les « #casseurs ». 300 personnes qui s’affrontent avec la #police pour défendre un rond point, c’est de l’autodéfense populaire et 3000 personnes qui attaquent des banques ou des ministères, c’est le soulèvement d’un peuple en colère !

    Pour obtenir ce que nous désirons, ne tombons pas dans le piège des #médias et du pouvoir en définissant des limites à notre mouvement.

    Ni les miettes que nous propose le gouvernement, ni un « débat national » dirigé par lui-même, ni l’obtention du RIC n’arrêteront le magnifique moment qui est en train de s’ouvrir.

    Certains doutent et ont peur de l’incertitude de l’après. Nous répondons que dans la façon dont s’organise la révolte des gilets jaunes nous avons déjà beaucoup de pistes pour vivre dans des territoires désirables.

    Face à la révolte, la plus vieille des techniques du pouvoir est de nous diviser. Nous ne devons pas tomber dans ce piège.

    Plutôt que le chacun pour soi, l’individualisme et la soif d’argent qui permettent le maintien de ce pouvoir, c’est la solidarité et le partage que nous avons à développer : Nous avons vu qu’ensemble nous sommes bien plus forts !

    Nous savons bien que ceux qui privent les habitants de ce pays d’une vie digne ne sont ni les #immigrés ni les #exilés mais bien l’insolente richesse de certains et ce système injuste

    Voilà pourquoi nous pensons que la différence ne doit pas constituer une frontière : ni la couleur de peau, ni le lieu de naissance, ni le genre, ni l’orientation sexuelle, ni la religion ne serviront de prétexte pour nous diviser. Nous devons être unis dans nos différence si nous voulons bâtir un monde plus juste et plus beau.

    En Irak, Tunisie, Belgique, Kurdistan, Syrie, Japon, Hongrie, Espagne, Burkina Faso, Égypte, Angleterre, Maroc, Italie et dans bien d’autres endroits des gens mettent des gilets jaunes pour montrer leur colère : Notre révolte n’a pas de frontière !

    Nous ne laisserons plus personne, qu’il soit président, maire ou « représentant » décider à notre place de nos conditions d’existence.

    L’organisation par rond point, par quartier, par village, par commune nous permet de reprendre le contrôle de nos territoires et donc de nos vies.
    C’est cela qu’il nous faut continuer et viser si nous voulons que les choses changent vraiment.

    A Montreuil, nous lançons un « club gilets jaunes » à l’image de ce qui se faisait durant la Révolution Française où l’on se rencontrait dans des clubs d’éducation populaire. Car se réapproprier le savoir permet de nous rendre moins manipulables et de faire émerger une #intelligence_collective au service d’actions concrètes pour améliorer notre quotidien.
    Nous appelons à la multiplication de ce genre de club sur tous les territoires.

    Sans pour autant effacer la diversité et l’autonomie de nos organisations et initiatives locales nous pensons qu’il est important de nous lier et de nous rencontrer pour renforcer le mouvement des gilets jaunes.

    C’est pour cela que nous serons présents à #Commercy et que nous appelons depuis Montreuil à ce que des gilets jaunes de partout participent à l’assemblée des assemblées.

    C’est le début d’une révolution qui veut construire une société plus digne et plus juste, pour nous et nos enfants. Nous nous arrêterons pas même si cela doit prendre 100 ans. Pour que le peuple décide lui-même de comment il veut vivre.

    Entendez cet appel : continuons le début, prenons le chemin de la révolution !

    #violence_d'État

  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      icf-habitat

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

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      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

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      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • Les mères avec les lycéens réprimés par la police : ne touchez pas à nos enfants !

    C’est en tant que mamans unies et déterminées que nous nous adressons à l’État : ça suffit, nous vous interdisons d’humilier, de mutiler et de détruire nos mômes ! Nous ne laisserons pas faire ! Nous protégerons nos enfants par tous les moyens nécessaires, parce que nous les aimons, que c’est notre avenir, et parce que c’est notre devoir de parents !

    Depuis plusieurs jours, nos enfants lycéens et lycéennes subissent une infâme répression policière digne d’une dictature.

    La guerre est déclarée à nos enfants à #Ivry, #Mantes-la-jolie, #Garges, #Paris, #Orléans, #Toulouse, #Bordeaux, #Grenoble, #Marseille et partout en France.

    Nos assistons à des scènes où nos enfants sont humiliés, placés dans des positions dégradantes, rappelant les pratiques coloniales.

    Nous entendons la police les menacer avec des insultes racistes et homophobes. Nos enfants sont illégalement placés et maintenus en garde à vue. Nous voyons, horrifiées, la police les mutiler à coups de flashballs, plusieurs d’entre eux ont perdu une main, ont le visage cassé, la mâchoire détruite. Quelle hypocrisie de la part d’un gouvernement qui dans le même temps veut interdire aux parents la fessée !

    Nous ne sommes pas dupes concernant les objectifs de cette répression féroce : nous savons qu’il s’agit de défigurer la jeunesse de ce pays et de la terroriser pour éviter qu’elle vienne donner de la force au mouvement massif de contestation sociale, notamment autour des gilets jaunes. Nous savons que la garde à vue est utilisée comme arme de dissuasion pour empêcher les jeunes d’utiliser leurs droits les plus fondamentaux de s’exprimer et de manifester.

    Nous ne sommes pas dupes, nous savons que cette répression s’inscrit dans le prolongement de l’Etat Macron qui veut expérimenter la présence policière au sein des établissements, qui nomme des gendarmes comme proviseurs adjoints, qui forme les chefs d’établissement aux techniques militaires.

    Nous ne sommes pas dupes également du fait que le système d’oppression raciste ne traite pas nos enfants de la même manière selon leur classe et leur couleur de peau. Si tous les lycéen.nes qui manifestent aujourd’hui sont ciblés, nous savons que le pouvoir traite différemment les jeunes noirs et arabes, et les jeunes blancs des classes moyennes. Aux jeunes noirs et arabes habitant les quartiers populaires, et depuis des décennies, on dénie jusqu’à leur humanité. Ils ne sont même pas considérés comme des enfants, mais comme des délinquants. Nous savons aussi que ce système cherche par là à nous diviser. Mais aujourd’hui, nous ne sommes pas divisées ! Aujourd’hui, nous sommes solidaires. Car liées par le même sentiment d’amour pour nos enfants, liées également par le même sentiment d’inquiétude et d’angoisse pour eux.

    Et c’est en tant que mamans unies et déterminées que nous nous adressons à l’État : ça suffit, nous vous interdisons d’humilier, de mutiler et de détruire nos mômes ! Arrêtez de maltraiter et de sexualiser le corps de nos enfants !

    Nous ne laisserons pas faire !

    Nous protégerons nos enfants par tous les moyens nécessaires, parce que nous les aimons, que c’est notre avenir, et parce que c’est notre devoir de parents !

    Nous sommes solidaires des revendications légitimes de nos enfants, qui refusent qu’on restreigne « réforme » après « réforme » leurs champs des possibles et leurs perspectives d’avenir. Nous sommes solidaires de leurs revendications contre Parcoursup, la « réforme » du bac, la suppression de 2600 postes depuis septembre, et les discriminations dans le système scolaire le plus inégalitaire d’Europe.

    Quant à notre revendication principale, elle concerne la police, qui n’a rien à faire dans l’école. Ni autour ! Nous exigeons une distance de sécurité entre nos enfants et la police. Et que les chefs d’établissement ne soient pas des relais de la police au sein de l’école. Car l’institution scolaire est aujourd’hui complice de la répression à l’égard des lycéen.nes et de l’atteinte à leurs droits fondamentaux en excluant les lycéen.nes qui bloquent les établissements, en leur refusant des salles de réunions, et en collaborant étroitement avec les services de police contre leurs élèves. Nous exigeons de l’institution scolaire qu’elle défende avant tout l’intérêt des élèves !

    Dans ce sens, nous exigeons que soit respecté le droit de nos enfants à manifester et à s’exprimer. Nous refusons la criminalisation de leur engagement, cette forme de punition collective parce qu’ils osent se lever. Car notre rôle éducatif de parents c’est d’apprendre à nos enfants à refuser l’injustice et la violence.

    Notre démarche est de long terme, mais nous prévoyons plusieurs actions concrètes dès les prochains jours :

    – Nous sommes en train d’organiser une riposte juridique pour faire condamner l’État français. En ce sens, nous soutenons les plaintes déposées par les avocats de lycéen.nes victimes de violences policières Arié Alimi, Hosni Maati, Yassine Bouzrou, etc.

    – Nous allons organiser des cellules de soutien pour les lycéen.nes victimes et leurs familles

    – Nous sommes en train de rédiger une plaquette à destination de tous les lycéen.nes, avec leurs droits, les démarches à suivre, les contacts à appeler, etc

    – Mais surtout nous allons protéger nos mômes, nous allons être des mères boucliers !!

    Nous nous rendrons dès ce lundi 10 décembre dans les lieux d’extrême répression, à Ivry, Mantes la Jolie, Garges, Villemonble, etc pour y faire bouclier face à la police et protéger nos enfants !

    Car un pays où l’on détruit les enfants est un pays sans avenir,

    Un pays où l’on terrorise les enfants se dirige vers la dictature et le fascisme.

    Nos enfants, c’est notre vie, notre espoir ! Protégeons-les contre les violences d’État !

    A toutes les mamans de France, rejoignez-nous !

    Front de mères
    Mères solidaire
    Collectif des mères de Bergson
    Collectif des mères d’Arago

    Front de Mères
    Nous avons crée le Front de Mères, premier syndicat de parents des quartiers populaires. Nous l’avons crée parce que nous aimons nos enfants, parce que nous voulons mettre hors d’état de nuire le système raciste qui les détruit, parce que nous voulons leur transmettre tout ce qui pourra les rendre plus forts, à commencer par notre dignité, parce que nous voulons les éduquer à travers des valeurs d’égalité, de justice et de bienveillance, et parce que nous savons que sans lutte politique et collective, ce combat-là est vain. Notre projet s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire, nous travaillons sur des projets concrets et locaux, sur du long terme, dans une perspective positive et constructive, et sur tout ce qui concerne l’éducation de nos enfants.

    https://cric-grenoble.info/analyses/article/les-meres-avec-les-lyceens-reprimes-par-la-police-ne-touchez-pas-a-n
    #mères #lycéens #lycée #résistance #violences_policières #police

    Leur blog sur Mediapart :
    Le blog de #Front_de_Mères

    C’est en tant que mamans unies et déterminées que nous nous adressons à l’État : ça suffit, nous vous interdisons d’humilier, de mutiler et de détruire nos mômes ! Nous ne laisserons pas faire ! Nous protégerons nos enfants par tous les moyens nécessaires, parce que nous les aimons, que c’est notre avenir, et parce que c’est notre devoir de parents !


    https://blogs.mediapart.fr/front-de-meres/blog

  • « Gilets jaunes » : paroles d’un peuple divers
    15 DÉCEMBRE 2018 PAR YANN LÉVY / HANS LUCAS (PHOTOS) ET MATHILDE MATHIEU (TEXTE)

    Des « gilets jaunes » ont de nouveau manifesté par dizaines de milliers, ce samedi 15 décembre. « Le mouvement ne doit pas s’arrêter ! » Il y a ceux qui promettent de revenir pour le réveillon, ceux qui se tâtent, qui veulent renouveler les modes d’action. Et puis toujours « la haine » contre Macron. Rencontres au gré des places de Paris.

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    Jordan, 25 ans, agent dans un parc automobile de l’Ain. « Regardez mon solde bancaire : il me reste 70 centimes pour aller jusqu’au 5 janvier et j’ai pas droit au découvert. J’attends un enfant… Ma première revendication, c’est le RIC, le référendum d’initiative citoyenne : que le peuple retrouve le pouvoir de décider au lieu d’une minorité déjà bien aisée. Il faut aussi penser aux SDF, aux handicapés… J’aimerais pouvoir aider davantage mon père malade du cœur et des poumons, invalide, qui touche seulement 800 euros d’allocation. Ce qu’on veut, c’est quelque chose de décent, qu’on arrête surtout de parler de nous “aider”. Pourquoi je me mets à genoux comme les lycéens de Mantes-la-Jolie ? Parce qu’il y a d’autres moyens de canaliser les jeunes sans humilier. Ça me fait penser à des exécutions. »

    Pauline, 46 ans, infirmière de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), syndiquée chez Sud. « Avec certains gilets jaunes, on n’a pas les mêmes références culturelles. Ils chantent la Marseillaise, j’ai plutôt envie de reprendre L’Internationale. En 2017, j’ai voté Poutou [le candidat du NPA à la présidentielle – ndlr]. Mais ici tout le monde discute, y a plein de gens qui venaient jamais aux manifs. C’est plus intéressant que Nuit debout, par exemple : beaucoup plus social, avec des gens davantage de la base. Ma revendication première ? Le Smic à 2 000 euros, des vies décentes pour tous. Moi, je gagne enfin cette somme après 20 ans de carrière, et je suis seule, à Paris, à élever ma gamine. Heureusement que j’ai un logement social… Il faut se battre aussi pour les services publics : on va encore supprimer des centaines de postes par an à l’AP-HP. Même s’il y a un risque de flottement avec Noël, le mouvement doit pas s’arrêter là. »

    Lina, étudiante franco-syrienne de 21 ans en « langues étrangères appliquées » à la fac de Saint-Denis. « S’il y a un essoufflement, c’est les forces de l’ordre qui l’ont provoqué ! Je suis allée à l’Élysée deux fois : y a jamais eu d’agressivité de notre part, mais ils provoquent avec leurs boucliers, ils prennent nos masques contre les lacrymos. Le blocage à la fac, à la base, ça ne m’arrange pas, mais il faut absolument dénoncer l’augmentation des frais d’inscription réservée aux étudiants étrangers. Alors, on a déjà bloqué quelques heures et on veut bloquer à nouveau après les partiels. Et puis, moi aussi je trouve qu’on paye trop de taxes. [Après une enfance en France,] j’ai vécu dix ans en Syrie, avant de revenir fin 2012. Ma famille commerçante paye beaucoup d’impôts… Il faut continuer le mouvement ! Nous devons être là pour les gilets jaunes, et eux pour nous. »

    Damien, 25 ans, maçon dans l’Yonne. « C’est le quatrième samedi que je viens à Paris. J’étais jamais venu avant, j’avais jamais manifesté de ma vie. Je suis un campagnard. Je ne vois pas plus loin que la campagne. D’ailleurs, je fais aussi de l’ensilage, pour aider. En 2017, j’ai voté Marine. Au deuxième tour en 2012 ? Pour celui qui a gagné, là, Hollande. À la base, pour les gilets jaunes, je me suis mobilisé pour les heures supplémentaires : travailler plus pour gagner plus. C’est sorti lundi dans le discours de Macron : le seul truc de bien. Mais on continue pour le pouvoir d’achat ! »

    Didier, 60 ans, fraîchement retraité de chez Safran et venu des Yvelines avec sa compagne Valérie, caissière. « En ce moment, je regarde pour m’expatrier en Espagne. On est trop ponctionnés en France. Pourtant, je ne fais pas partie des plus à plaindre : après 40 ans de maison, j’ai touché une prime de départ et je vais gagner plus de 2 000 euros de retraite. Mais avec les annonces de Macron, je paierai toujours la CSG, alors qu’en Espagne, y en a pas ! Ça fait déjà 150 euros net dans la poche. Et le coût de la vie est 30 % moins cher là-bas : la première fois que tu fais tes courses, tu te dis qu’ils ont oublié quelque chose. On irait au bord de la mer, vers Alicante… En 2017, j’ai voté Fillon [tandis que sa compagne optait pour Asselineau], parce que le seul qui n’a pas fait grimper mes impôts, c’est Sarko. Après 40 ans d’engagement chez Safran [grand groupe de défense – ndlr], au service de la France, c’est pas évident de m’expatrier. Mais je m’y retrouve plus aujourd’hui. »

    Mariam, 20 ans, étudiante en sociologie à Paris et membre du collectif Justice pour Adama (créé après la mort d’Adama Traoré dans une gendarmerie du Val-d’Oise). « On se rallie à la cause des Gilets jaunes, pour combattre l’injustice sociale et contre toutes les violences policières. On ne pourra changer les choses que s’il y a une convergence des luttes. »
    Meïween, 22 ans, en master de droit. « On a tous des opinions politiques différentes. L’essentiel, c’est de se rassembler. La suite ? Il faut soutenir la mobilisation contre Parcoursup (qui est encore un outil de discrimination), celle des lycéens aussi, après que ceux de Mantes-la-Jolie se sont fait mettre à terre et humilier. Mardi, on était à Ivry : des mineurs du lycée Romain-Rolland ont été interpellés [après la découverte d’un tag “Macron démission” notamment dans l’établissement] et ils dénoncent des violences en garde à vue. La proviseure est allée jusqu’à déposer plainte pour “dégradation” ! Non, on ne lâchera pas. J’ai vu qu’un prochain “acte” était prévu sur les Champs-Elysées pour le réveillon, j’irai sûrement. »

    Jean*, 34 ans, venu de Normandie. « J’ai un statut de militaire donc je suis interdit de manifester, je peux pas vous donner mon nom. Appelez-moi Jean, comme Jean Valjean [le personnage des Misérables de Victor Hugo]. Les annonces de Macron, c’était de la poudre de perlimpinpin. Augmenter le Smic via la prime d’activité je veux bien, mais ma femme, par exemple, n’y a pas le droit parce que je gagne trop. Donc faut mettre l’“acte VI” sur Facebook, continuer à gêner les commerces – sans casser, hein, on n’est pas des casseurs. La seule chose que je cautionne pour casser, c’est les banques, parce qu’elles volent aux pauvres. Moi qui suis à découvert tous les mois, mes agios se montent à 300 ou 400 euros par an ! Bref, faut continuer. J’ai jamais participé à des mouvements sociaux avant, mais je sais parfaitement que Mai-68 a commencé en mars. »

    Vincent, Kanak, 53 ans et résident de Seine-et-Marne. « Ce mouvement, ça ne m’évoque pas Mai-68, ça me rappelle plutôt 1985 en Nouvelle-Calédonie, trois ans avant la prise d’otages à la grotte d’Ouvéa [par des indépendantistes]. Quand j’ai vu le ministre Castaner sortir les blindés la semaine dernière, ça m’a fait penser à Pisani en 1985 : trois ans plus tard, ça s’est fini avec des morts. »

    Soumia, 35 ans, éducatrice spécialisée à Paris. « Ce qui me conduit là, c’est le ras-le-bol de toute la pression qu’on reçoit en tant que salariés, comme professionnels du social y compris. Notre métier, c’est d’aider les gens fragilisés mais quand on commence la carrière à 1 320 euros, on se retrouve à être nous-mêmes des personnes fragilisées. Dans le secteur, le manque de moyens est criant. À Paris, je pense à la suppression en cours des contrats “jeunes majeurs” [pour les jeunes pris en charge jusque-là par l’Aide sociale à l’enfance]. On va les laisser sans rien à 18 ans. Bref, je suis là pour la défense des services publics et pour qu’on vive sans peur des fins de mois. »

    Jonas, 40 ans, ancien de la Légion étrangère. « Le meilleur slogan que j’ai vu aujourd’hui c’est : “Vivre debout !” Ça pourrait remplacer la devise française. Si le mouvement s’essouffle ? Certainement pas ! Mais il y a eu beaucoup plus de filtrages, des interpellations préventives, des gens condamnés à de la prison pour la détention de lunettes de piscine. Il s’est surtout transformé : au départ, c’était contre les taxes, c’est devenu un combat pour la dignité, ce n’est même plus une question de classe. On se bat pour la cohésion sociale et la survie du pays. Vous avez vu ? Des généraux et un amiral ont commencé à se manifester contre le “Pacte de Marrakech” [le Pacte mondial des migrations de l’ONU], dans une lettre ouverte au président [en allant jusqu’à dénoncer une “trahison”]. C’est une convention qui a pour objectif de modifier considérablement la société. Je suis pour des référendums citoyens comme en Suisse, parce que la République aujourd’hui nous est confisquée. Par des gens qui criminalisent tout débat sur ces sujets [les migrants], en nous traitant de fachos. Ce que j’ai voté en 2017 ? Je n’ai pas voté en 2017, je refuse de participer à cette mascarade. »

    Alexandre, ancien professeur et Insoumis parisien, 66 ans. « On a reçu un mail des Insoumis : “Venez nombreux !” Mais je n’ai pas encore vu grand monde… Au début, ce mouvement spontané des gilets jaunes, je ne le sentais pas trop, j’hésitais, je le pensais un peu poujadiste, pour dire vite. En fait, il y a toute une série de revendications qui collent bien avec les Insoumis, sur la justice sociale et un système plus démocratique de consultation directe. Pour la suite, je ne sais pas trop comment faire : ça tourne un peu en boucle, les manifs comme ça du samedi. On est un peu coincés par les mouvements violents… Faut trouver des idées. »

    Sarah, 30 ans, en formation d’éducatrice spécialisée à Reims. « Je suis là pour l’urgence sociale et climatique, comme la semaine dernière déjà. Je suis revenue dès hier pour une action contre la Société générale montée par Les amis de la Terre et Action non-violente COP21, contre le financement des énergies fossiles. L’articulation entre ça et les gilets jaunes ? C’est le même fond : la surexploitation des ressources humaines et terriennes. En soi, taxer le carbone est une bonne idée, à condition que des alternatives soient offertes, sinon c’est une prise d’otages. La suite ? Il faut encore trouver d’autres modes d’action, manifestement, sinon on va avoir du mal à passer les vacances. »

    Jannick, 63 ans, ancienne femme de ménage, descendue du Nord avec son compagnon retraité de la SNCF. « Nous on ne souffre pas, mais on est solidaires. Cela dit, je dois toucher 100 euros de retraite depuis décembre dernier [elle a très peu travaillé, ndlr] et j’attends toujours… Et puis, on est en accession à la propriété, avec 14 ans encore à payer. J’aurai fini à 76 ans ! Surtout, j’ai un petit-fils qui vient d’avoir le bac et qui trouve pas de job parce qu’il n’a “pas de formation”… Il suffit donc pas de traverser la rue, comme dit Macron ! En 2017, moi, j’ai voté Le Pen, parce qu’on n’a pas encore essayé, mais on ne parle jamais de politique avec les gilets jaunes : on est tous dans le même bain, et y en a qu’un qu’est visé : Macron. C’est la haine, on le déteste. On en est à notre quatrième manifestation. Avant, la seule fois où j’étais venue à Paris, c’était pour Charlie Hebdo. Mais on n’en a pas fini avec lui : je veux qu’il remette l’ISF, et le référendum citoyen pour avoir la démocratie dans ce pays. Je me demande encore comment il est arrivé là. Enfin, je sais : propulsé par ses amis financiers. »

    https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/gilets-jaunes-paroles-d-un-peuple-divers

    #giletsjaunes #gilets_jaunes #témoignages

  • Sois sage et tais-toi ! | Quartiers libres
    https://quartierslibres.wordpress.com/2018/12/11/sois-sage-et-tais-toi

    Les mères avec les lycéens réprimés par la police : ne touchez pas à nos enfants !
     
    C’est en tant que mamans unies et déterminées que nous nous adressons à l’État : ça suffit, nous vous interdisons d’humilier, de mutiler et de détruire nos mômes ! Nous ne laisserons pas faire ! Nous protégerons nos enfants par tous les moyens nécessaires, parce que nous les aimons, que c’est notre avenir, et parce que c’est notre devoir de parents !

    Depuis plusieurs jours, nos enfants lycéens et lycéennes subissent une infâme répression policière digne d’une dictature.

    La guerre est déclarée à nos enfants à Ivry, Mantes-la-jolie, Garges, Paris, Orléans, Toulouse, Bordeaux, Grenoble, Marseille et partout en France.

    Nos assistons à des scènes où nos enfants sont humiliés, placés dans des positions dégradantes, rappelant les pratiques coloniales.

    Nous entendons la police les menacer avec des insultes racistes et homophobes. Nos enfants sont illégalement placés et maintenus en garde à vue. Nous voyons, horrifiées, la police les mutiler à coups de flashballs, plusieurs d’entre eux ont perdu une main, ont le visage cassé, la mâchoire détruite. Quelle hypocrisie de la part d’un gouvernement qui dans le même temps veut interdire aux parents la fessée !

    Nous ne sommes pas dupes concernant les objectifs de cette répression féroce : nous savons qu’il s’agit de défigurer la jeunesse de ce pays et de la terroriser pour éviter qu’elle vienne donner de la force au mouvement massif de contestation sociale, notamment autour des gilets jaunes. Nous savons que la garde à vue est utilisée comme arme de dissuasion pour empêcher les jeunes d’utiliser leurs droits les plus fondamentaux de s’exprimer et de manifester.

    Nous ne sommes pas dupes, nous savons que cette répression s’inscrit dans le prolongement de l’Etat Macron qui veut expérimenter la présence policière au sein des établissements, qui nomme des gendarmes comme proviseurs adjoints, qui forme les chefs d’établissement aux techniques militaires.

    Nous ne sommes pas dupes également du fait que le système d’oppression raciste ne traite pas nos enfants de la même manière selon leur classe et leur couleur de peau. Si tous les lycéen.nes qui manifestent aujourd’hui sont ciblés, nous savons que le pouvoir traite différemment les jeunes noirs et arabes, et les jeunes blancs des classes moyennes. Aux jeunes noirs et arabes habitant les quartiers populaires, et depuis des décennies, on dénie jusqu’à leur humanité. Ils ne sont même pas considérés comme des enfants, mais comme des délinquants. Nous savons aussi que ce système cherche par là à nous diviser. Mais aujourd’hui, nous ne sommes pas divisées ! Aujourd’hui, nous sommes solidaires. Car liées par le même sentiment d’amour pour nos enfants, liées également par le même sentiment d’inquiétude et d’angoisse pour eux.

    Et c’est en tant que mamans unies et déterminées que nous nous adressons à l’État : ça suffit, nous vous interdisons d’humilier, de mutiler et de détruire nos mômes ! Arrêtez de maltraiter et de sexualiser le corps de nos enfants !

    Nous ne laisserons pas faire !

    Nous protégerons nos enfants par tous les moyens nécessaires, parce que nous les aimons, que c’est notre avenir, et parce que c’est notre devoir de parents !

    Nous sommes solidaires des revendications légitimes de nos enfants, qui refusent qu’on restreigne « réforme » après « réforme » leurs champs des possibles et leurs perspectives d’avenir. Nous sommes solidaires de leurs revendications contre Parcoursup, la « réforme » du bac, la suppression de 2600 postes depuis septembre, et les discriminations dans le système scolaire le plus inégalitaire d’Europe.

    Quant à notre revendication principale, elle concerne la police, qui n’a rien à faire dans l’école. Ni autour ! Nous exigeons une distance de sécurité entre nos enfants et la police. Et que les chefs d’établissement ne soient pas des relais de la police au sein de l’école. Car l’institution scolaire est aujourd’hui complice de la répression à l’égard des lycéen.nes et de l’atteinte à leurs droits fondamentaux en excluant les lycéen.nes qui bloquent les établissements, en leur refusant des salles de réunions, et en collaborant étroitement avec les services de police contre leurs élèves. Nous exigeons de l’institution scolaire qu’elle défende avant tout l’intérêt des élèves !

    Dans ce sens, nous exigeons que soit respecté le droit de nos enfants à manifester et à s’exprimer. Nous refusons la criminalisation de leur engagement, cette forme de punition collective parce qu’ils osent se lever. Car notre rôle éducatif de parents c’est d’apprendre à nos enfants à refuser l’injustice et la violence.

    Notre démarche est de long terme, mais nous prévoyons plusieurs actions concrètes dès les prochains jours :

    Nous sommes en train d’organiser une riposte juridique pour faire condamner l’État français. En ce sens, nous soutenons les plaintes déposées par les avocats de lycéen.nes victimes de violences policières Arié Alimi, Hosni Maati, Yassine Bouzrou, etc.
    Nous allons organiser des cellules de soutien pour les lycéen.nes victimes et leurs familles
    Nous sommes en train de rédiger une plaquette à destination de tous les lycéen.nes, avec leurs droits, les démarches à suivre, les contacts à appeler, etc
    Mais surtout nous allons protéger nos mômes, nous allons être des mères boucliers !!
    Nous nous rendrons dès ce lundi 10 décembre dans les lieux d’extrême répression, à Ivry, Mantes la Jolie, Garges, Villemonble, etc pour y faire bouclier face à la police et protéger nos enfants !

    Car un pays où l’on détruit les enfants est un pays sans avenir,

    Un pays où l’on terrorise les enfants se dirige vers la dictature et le fascisme.

    Nos enfants, c’est notre vie, notre espoir ! Protégeons-les contre les violences d’État !

    A toutes les mamans de France, rejoignez-nous !

    Front de mères
    Mères solidaires
    Collectif des mères de Bergson
    Collectif des mères d’Arago

    #quartier #répression #violences_policères

  • Des femmes marocaines dans les champs de fraises | L’Actualité des Luttes
    https://actualitedesluttes.info/?p=3668

    Dans l’émission de ce jour, des histoires multiples : celles d’ouvrières agricoles marocaines venues travailler pour la récolte des fraises en Espagne, dans la province de Huelva. Et comme illustration de cette situation, une soirée de rencontre avec Chadia Arab, autrice de « Dames de fraises, doigts de fée : Les invisibles de la migration saisonnière en Espagne », se tenait ce 4 octobre à la librairie scop Envie de lire à Ivry-sur-Seine. Durée : 1h. Source : Fréquence Paris Plurielle

    http://actualitedesluttes.info/wp-content/uploads/2018/10/181019.mp3

  • La question de l’antisionisme et de l’antisémitisme | L’Actualité des luttes
    https://actualitedesluttes.info/?p=3494

    Dans l’ émission de ce jour ,nous vous proposons une rencontre croisée avec Ivan Segré et Dominique Vidal pour leurs livres respectifs : « Les pingouins de l’universel . Antijudaïsme, antisémitisme, antisionisme » (Lignes, 2017) et « Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron », paru en janvier dernier aux éditions Libertalia. Cette rencontre se tenait le 31 mai dernier à la librairie scop Envie de lire à Ivry-sur-Seine. Durée : 1h. Source : Fréquence Paris Plurielle

    http://actualitedesluttes.info/wp-content/uploads/2018/06/180613.mp3

  • Palestine : des hommes entre les murs | L’Actualité des Luttes
    https://actualitedesluttes.info/?p=3442

    Enregistrement d’une rencontre avec Assia Zaïno pour présenter son livre « Des hommes entre les murs, Comment la prison façonne la vie des Palestiniens. » La présentation de cet ouvrage se tenait a la librairie Envie de lire, le 26 avril dernier à Ivry sur Seine. Durée : 1h. Source : Fréquence Paris Plurielle

    http://actualitedesluttes.info/wp-content/uploads/2018/05/180529.mp3

  • Insouciances du cerveau - Emmanuel Fournier par-delà la matière grise, Par Jean-Paul Thomas (Collaborateur du « Monde des livres »)
    http://www.lemonde.fr/livres/article/2018/04/26/emmanuel-fournier-par-dela-la-matiere-grise_5290859_3260.html

    Dans « Insouciances du cerveau », le philosophe conteste aux neurosciences le pouvoir de tout dire du moi et de la pensée.

    Insouciances du cerveau, précédé de Lettre aux écervelés, d’Emmanuel Fournier, L’Eclat, « Philosophie imaginaire », 176 p., 18 €.

    Le prestige des neurosciences et des sciences cognitives porte au conformisme. Il est téméraire de se montrer irrévérencieux à leur égard, tant la moindre réserve est tenue pour de l’insolence et fait courir le risque d’une marginalisation. Aussi est-ce sur les doigts d’une main que se comptent les impertinents qui entendent ne pas céder à l’intimidation. Emmanuel ­Fournier est l’un d’eux. Précédé d’une Lettre aux écervelés, Insouciances du cerveau présente un duel : l’auteur affronte les neurosciences et l’imagerie cérébrale en un combat à fleurets mouchetés.

    Il est vrai que l’ambition théorique – et pratique – des neurosciences est immense. Leur projet fondateur est de comprendre comment le cerveau fonctionne, d’examiner les processus qui sont à la source de nos connaissances. En somme, penser la pensée, avoir la connaissance de la connaissance, en posant qu’elle s’explique par l’organisation d’un système matériel, notre cerveau. Physiologiste et philosophe, Emmanuel Fournier est informé des recherches en cours, mais juge leur prétention exorbitante, et leur sérieux pesant. Sa préférence va à la pensée capricieuse, légère, attentive aux rencontres. A Roscoff, à Ouessant – le livre fait état de ces séjours –, les pensées lui viennent en marchant. Il les note sur un carnet, tenu de juin à décembre 2015. Comme un peintre qui reprend ses croquis à l’atelier, il élucide ensuite ses intuitions et ses questions.

    Comment me comprendre ? Que faire de mon cerveau, cet organe de contrôle que les appareils d’imagerie exhibent ? Un dialogue familier se noue entre lui-même et son double, ce cerveau qui, selon les neurosciences, « décide de tout pour moi » et fait de moi « cet écervelé qui dit “je” sans savoir de quoi il retourne ». A mille lieues de l’ordinaire jargon neuro­scientifique, ce dialogue met en scène une distance instaurée entre le « je » et son double, le cerveau, dans lequel les neurosciences nous enjoignent de trouver notre identité. Par elle cette identité se diffracte et se trouble, puisque le « je » affiche qu’il l’excède.

    Ne pas céder au vertige techniciste

    Plaisant, car talentueusement mis en œuvre, ce dispositif atteindrait vite ses limites s’il n’était relayé par l’analyse des cadres normatifs que proposent les neurosciences. En décrivant ce que nous sommes, elles nous prescrivent ce que nous devons être : « Le risque, c’est que je sois définitivement étiqueté selon mes caractéristiques cérébrales, stigmatisé d’après elles, jugé selon cette nouvelle norme et que je ne puisse plus y échapper. » Crainte injustifiée, répond un « éminent spécialiste des neurosciences », car le cerveau est malléable, ses performances seront améliorées par l’implantation d’essaims de neurones et le recours à des annexes cérébrales. L’homme augmenté est à l’ordre du jour. Il sera plus compétitif. Ceux qui rateront le coche seront exclus à juste titre de l’émouvante aventure technologique qui se profile…

    Sans chercher à préserver l’illusoire pouvoir du « je », Emmanuel Fournier refuse de céder au vertige techniciste comme d’admettre que le cerveau, condition physiologique d’une activité mentale, nous dicte nos pensées. Ce « neuroscepticisme » n’écarte pas les neurosciences, mais conteste le choix – qu’elles favorisent – d’orienter la pédagogie, l’économie et l’éthique en prenant en compte leurs seuls enseignements, dans la pure méconnaissance de la construction sociale de nos pensées et de nos conduites. Tel est le pendant politique de notre modernité intellectuelle.

    Overdose de neurosciences cognitives et comportementales, Elisabeth Roudinesco
    Dans « La Mécanique des passions », Alain Ehrenberg corrèle l’engouement pour la mythologie cérébrale à l’individualisme contemporain, sans parvenir à étayer sa thèse.

    La Mécanique des passions. Cerveau, comportement, société, d’Alain Ehrenberg, Odile Jacob, 336 p., 23,90 €.

    Sociologue, directeur de recherches au CNRS, Alain Ehrenberg étudie dans ce nouveau livre les raisons pour lesquelles les neurosciences cognitives et comportementales (NSCC) suscitent un tel engouement qu’elles ont supplanté la psychanalyse et la psychiatrie dans l’approche des maladies de l’âme et des comportements humains normaux, depuis l’observation des enfants scolarisés jusqu’à celle des adultes en bonne santé.
    L’affirmation d’une efficacité thérapeutique quantifiée par des évaluations ne suffit pas, selon lui, à expliquer cette fascination qui a conduit de nombreux chercheurs à ajouter le préfixe « neuro » à leur discipline : neuro-économie, neuro-histoire, neuro-psychologie, neuro-ceci ou cela. Tout se passe comme si l’on ne pouvait plus penser la condition humaine sans une référence obligée à une plasticité cérébrale censée expliquer à elle seule nos manières de vivre, de boire, de manger, de faire l’amour, de réussir ou d’échouer. Plus besoin de parler, il suffirait de regarder des flux synaptiques pour connaître le « potentiel caché » de chaque individu. Tel serait, selon l’auteur, le programme de cette « tribu » NSCC : étendre son pouvoir bien au-delà du domaine de la science et du traitement des pathologies.
    Lame de fond
    A travers une enquête menée avec les instruments d’une sociologie non encore neuronale, Alain Ehrenberg relate les modalités d’implantation de ce nouveau récit, né dans les universités de la Côte ouest des Etats-Unis et qui a envahi nos sociétés depuis une trentaine d’années. Cette lame de fond, qu’il considère comme le principal « baromètre » de l’individualisme contemporain, serait liée à la transformation de la subjectivité, paradigme des angoisses infantiles et généalogiques.

    Plus besoin de savoir qui l’on est ni d’où l’on vient, il suffirait, pour vivre bien, d’obéir à des exercices visant à évacuer de soi les souffrances, les désirs, les souvenirs, afin d’accéder à une sagesse cérébralement correcte, centrée sur la compétence et la performance. Mais pour cela, note curieusement Alain Ehrenberg, de même que les cas choisis par Freud ont pu, parce qu’ils confirmaient ses hypothèses, assurer la domination de la psychanalyse, les NSCC doivent encore découvrir les patients dont les « cerveaux pourraient incarner [leurs] ambitions ». Mais comment trouver un sujet dont l’histoire se résumerait à celle de ses neurones ? Difficile…
    Catéchisme neuronal
    En achevant La Mécanique des passions, on est pris de vertige. On imagine qu’un jour on parlera de neuro-management, neuro-politique ou neuro-journalisme, et qu’on installera partout des scanners afin de mesurer en direct la mécanique passionnelle de tous les cerveaux humains. Cependant, on continue de se demander pourquoi l’auteur suppose que ce catéchisme neuronal, dont il souligne qu’il est en passe de réduire à néant les composantes sociales, psychiques et historiques de la subjectivité humaine, serait le reflet de l’individualisme contemporain.
    Ehrenberg ne parvient jamais à le démontrer, parce que, chose étrange pour un sociologue, son enquête ne s’intéresse pas aux pratiques réelles des individus. L’engouement pour cette mythologie cérébrale est incontestable dans le champ des savoirs, où les résultats objectifs des sciences du cerveau suffisent à expliquer leur position prépondérante. Mais ce n’est pas une croyance aussi universellement partagée qu’il semble le penser. En témoigne le fait que les individus contemporains – des milliers de patients – ne se tournent pas, pour assurer leur bien-être, vers les NSCC, mais vers les médecines ou les thérapies alternatives (homéopathie, kinésiologie, etc.), répondant ainsi, spontanément, aux excès du scientisme par le recours à l’obscurantisme.

    Gérard Pommier : « Les neurosciences sont utilisées par certains en contradiction avec leurs résultats les plus assurés »
    Dans une tribune au « Monde », le psychanalyste juge que les difficultés dans l’acquisition des savoirs sont bien davantage liées à des questions sociales et familiales que neurobiologiques.

    [Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a porté en début d’année sur les fonts baptismaux un nouvel organisme : le conseil scientifique de l’éducation nationale, dont il a confié la présidence à Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive au Collège de France. Objectif de ce scientifique : « Tenter de dégager des facteurs qui ont prouvé leur effet bénéfique sur l’apprentissage des enfants. » Même si les chercheurs en sciences cognitives n’occupent que six des vingt et un sièges dudit conseil, cette nouvelle orientation du ministère de l’éducation nationale suscite de vives polémiques. Tant les syndicats que des chercheurs renommés craignent que les sciences cognitives prennent le pas sur les sciences de l’éducation. Pour eux, enseigner est un art et non une science. De plus, les sciences cognitives sous-estimeraient l’influence de l’environnement social de l’élève dans ses performances. Au contraire, les partisans des neurosciences affirment que leurs thèses sont trop souvent caricaturées et qu’ils sont tout à fait conscients de cette influence.]

    Tribune. Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, vient donc d’installer un conseil scientifique dominé par des neuroscientifiques. Dans une récente interview, il a déclaré que « l’école est la petite-fille des Lumières »… et qu’il fallait donc se conformer aux résultats les plus avancés de la science. Quelle bonne idée ! Qu’il le fasse surtout ! Ce serait si bien s’il se conformait aux travaux des plus grands neuroscientifiques !
    Jean-Pierre Changeux, dans son livre phare, L’Homme neuronal (Fayard, 2012), a donné les résultats d’une expérimentation majeure : les neurones de l’aire du langage ne se développent que s’ils sont stimulés par les sons de la voix maternelle. Les neurones qui ne correspondent pas meurent. Ces expériences corroborent la fameuse tentative de Louis II, roi de Sicile (1377-1417) : celui-ci fit isoler dix enfants avec interdiction de leur parler, pour savoir en quelle langue ils parleraient spontanément, en hébreu, en latin ou en grec. Ils moururent tous. L’organisme ne grandirait pas sans la boussole de ses parents et de la culture dans laquelle il est né. Les observations des neuroscientifiques ne font qu’enregistrer des conséquences, qui ne sont pas des preuves.
    En 2010, j’ai eu l’occasion d’exposer au cours d’un congrès qui s’est tenu à Berlin mes propres travaux sur la reconstitution de zones du cerveau lésées après un accident. Si le cerveau fonctionnait seulement en circuit fermé, appuyé sur sa mémoire et sur ses gènes, cette reconstitution serait incompréhensible. La renaissance d’une zone lésée ne s’effectue que grâce à une rééducation relationnelle et la présence des proches : ce sont les souvenirs emmagasinés dans d’autres zones qui reconstituent la lésion. Le centre du cerveau n’est pas dans le cerveau – mais depuis la naissance – dans la parole qui est, elle aussi, une réalité matérielle.
    Aucune preuve génétique des difficultés d’apprentissage
    A Toulouse et à Ivry, j’ai participé à des débats publics avec le neurophysiologiste Jean-Didier Vincent. A chaque fois, ses considérations ont glissé vers des arguments franchement psychologiques. Lors d’un colloque qui s’est tenu à Paris en octobre 2017 sur l’autisme, les neuroscientifiques Richard Delorme et Bertrand Jordan ont d’abord dit qu’il n’existait aucune preuve génétique de l’autisme, pour ensuite raisonner comme si c’était prouvé. Est-ce bien scientifique ? En septembre 2018 viendra à Paris le professeur Eric Kandel, Prix Nobel de médecine en 2000 et auteur du livre A la recherche de la mémoire, une nouvelle théorie de l’esprit (Sciences, 2017). Il répond à l’invitation de psychanalystes, car le débat doit se poursuivre.
    Lire aussi : Ecole : l’utilisation des neurosciences interroge des enseignants

    Il faut le dire : il n’existe à ce jour aucune preuve génétique, neurodéveloppementale ou héréditaire de la souffrance psychique et des difficultés d’apprentissage. En revanche, il existe des preuves surabondantes des déterminations familiales et socioculturelles comme facteurs majeurs des difficultés scolaires. C’est aux sociologues, aux spécialistes de la souffrance psychique… et surtout aux enseignants qu’un « conseil de l’éducation nationale » devrait donner priorité ! Ils en sont largement absents.
    A cette sorte de position en porte-à-faux s’en ajoute une seconde : les neurosciences sont utilisées par certains neuroscientifiques en contradiction avec leurs résultats les plus assurés. On peut trouver sur le site de l’éducation nationale un document qui recommande aux enseignants comment faire le diagnostic TDA/H (trouble déficit de l’attention/hyperactivité) qui est annoncé comme une « maladie neurodéveloppementale ». Il n’en existe aucune preuve, et ce diagnostic n’est même pas reconnu dans les nomenclatures françaises.
    Les laboratoires pharmaceutiques à l’affûtique
    Ce diagnostic inventé a comme conséquence la plus fréquente l’administration de Ritaline [un psycho-stimulant], qui est une drogue provoquant une accoutumance. L’association Hypersupers TDA/H France, qui se veut « une interface entre les patients, les familles et les différentes institutions médicales et scolaires », est subventionnée par quatre laboratoires pharmaceutiques. Une de ses récentes manifestations a été parrainée par Emmanuel Macron et Mme Buzyn, ministre de la santé, au mépris de l’extrême réserve sur ce diagnostic d’experts internationaux reconnus.
    Lire aussi : Stanislas Dehaene, des neurosciences aux sciences de l’éducation

    Ce serait une facilité de dire que ce dévoiement des neurosciences bénéficiera aux laboratoires pharmaceutiques (six millions d’enfants sont sous Ritaline aux USA). Car le passage en force du 10 janvier, date de la première réunion du conseil scientifique, répond à un devenir plus subtil de notre société.
    Si vous avez des enfants d’âge scolaire, et si leurs enseignants répondent déjà aux directives qui leur sont recommandées, vous comprendrez quelles souffrances supplémentaires cela leur inflige. Des méthodes éducatives pénibles ont presque toujours été infligées aux enfants, au nom de la morale ou de la religion. Mais c’est la première fois que cela se fait au nom d’une « science » – de plus dévoyée. Ce révélateur d’une volonté ségrégative est encore plus brutal que dans le passé, puisqu’il s’appliquera au nom de neurones, de gènes, d’hormones, qui n’en feraient qu’à leur tête. C’est une dépersonnalisation jamais vue.
    Ce choix est politique : il sélectionne à l’avance son marché de l’emploi. Il n’est pas fait pour aider, mais pour cautionner. Et plus profondément, il semble bien révéler l’esprit d’une époque qui a perdu espoir en son humanité.

    #neurosciences #cerveau #cognitivisme #école

  • Pour sortir des débats pour ou contre la viande ou les vegans :

    Avec les végans, les paisibles prairies alpines et vosgiennes perdront-elles leurs vaches et le Larzac ses moutons ? Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. La première cible, c’est l’élevage industriel et non pas l’élevage paysan parce que cet élevage-là est une construction culturelle qui est durable, contrairement à la surproduction pour la surconsommation et le gaspillage. Le mouvement végan paraît jusqu’au-boutiste sur l’ « exploitation animale », allant jusqu’à prôner l’abandon de tous les produits issus de l’élevage. Mais la scénarisation de son combat est justifiée par l’inertie des politiques. Des élus bretons demandent encore des extensions d’élevage industriel. Des élus irresponsables autorisent encore et toujours l’extension des surfaces commerciales alors que nous puisons dans les ressources de nos enfants depuis le 13 août. Comment en finir avec ce déni qui confine à la provocation ?

    Il n’y a donc pas de match végans-viandards. A ceux qui ne l’auraient pas encore compris, nous sommes en train de changer de monde. Dans le Contrat naturel , Michel Serres rappelle qu’il est urgent pour l’humanité de signer avec la Terre un nouveau contrat naturel. « Dans la justice et le droit », ajoute-t-il. Un droit que le code rural reconnaît aussi aux animaux depuis 2012. Ni plus ni moins.

    Gilles Fumey, « Qui a peur des Vegans » dans Le liberation du 28 septembre 2017.
    #vegan #viande #

  • GALA DE CATCH SOLIDAIRE LE 24 FÉVRIER 2018 A 18h. Gymnase Auguste Delaune, 16 rue Robespierre Ivry-sur-Seine 94200
    le 24 février 2018 nous organiserons à Ivry, pour les 30 ans de notre association, un grand gala de #catch, « sport-spectacle » populaire, bien trop souvent méprisé par les « élites » comme nous le sommes en tant que #chômeurs, #précaires, #pauvres !
    8 euros la place pour une soirée de 8 combats et gratuit pour les enfants de moins de 10 ans. Spectacle assuré par Les catcheurs de l’ABCA de Beauvais plus vieille école de catch de France (fondée en 1956) assureront le show avec des matchs féminins et masculins.
    Restauration, bar, discutions, échanges, informations mais aussi et surtout solidarité, partage, fraternité, rigolade, amitié...

    http://www.cheribibi.net
    http://www.apeis.org/+GRAND-GALA-DE-CATCH-121+.html
    http://www.apeis.org
    #Cheribibi #apeis #culture_populaire

  • #Ivry-sur-Seine (94) : le Vaydom résiste ! Après-midi solidaire contre l’expulsion samedi 3 février
    https://fr.squat.net/2018/01/30/ivry-sur-seine-94-le-vaydom-resiste

    Depuis plusieurs mois un nouveau lieu est occupé à Ivry pour y faire vivre un Centre Social Autogéré : le Vay Dom (qui signifie en tchétchène « notre maison »). Laissé vide depuis quelques années, le bâtiment, appartenant au Crédit Mutuel et géré par Nexity, a été occupé par des dizaines de mal-logé.e.s, des familles, des précaires, des […]

    #rassemblement #sans-papiers #Val_de_Marne #Vaydom_Centre_Social_Autogéré_d’Ivry_

  • Cinq questions sur la #pénurie de #gynécologues en France - CRAPS
    http://association-craps.fr/actualites/cinq-questions-penurie-de-gynecologues-france
    Je pose ça là, comme une grosse bouse

    La situation a pu en outre créer une crise des vocations. « Les gynécos sont tellement maltraités, qu’ils abandonnent les tâches les plus difficiles du métier », selon Bertrand de Rochambeau. Dans les petits hôpitaux, les gynécologues enchaînent les gardes. « Les jeunes ne veulent plus travailler comme ça, cela renforce la pénurie », estime-t-il. « Attention, les médecins ne meurent pas de faim, il ne s’agit pas ça, mais ils travaillent beaucoup, dans des conditions parfois difficiles, même si leur métier est passionnant », poursuit-il.

    Généralistes et sage-femmes peuvent-ils se substituer aux gynécos ?

    « Ni les médecins généralistes, ni les sage-femmes ne sont suffisamment formés pour assurer le suivi gynécologique des patientes », assure Bertrand de Rochambeau. Les étudiants qui choisissent de devenir généralistes « doivent choisir, au cours de leur formation, entre un stage en gynécologie ou un stage en pédiatrie, c’est-à-dire qu’au mieux ils ont {…}

    • Consulter un gynécologue : la grande galère
      Entre 2007 et 2017, le nombre de ces spécialistes a chuté de 41,6 % à 1 136 et il pourrait tomber à 531 en 2025. Face à cette pénurie, des femmes renoncent à se soigner. François Béguin et Laura Motet, Le Monde

      C’est un parcours du combattant auquel sont confrontés de plus en plus de femmes. Dans de nombreuses villes, décrocher un premier rendez-vous avec un gynécologue est devenu mission impossible. A Melun (Seine-et-Marne), par exemple, elles sont trente à cinquante à appeller chaque jour le cabinet de Joëlle Robion, gynécologue en secteur 1 (sans dépassement d’honoraire), dans l’espoir de décrocher une première consultation. « Ce sont souvent des femmes dont le gynécologue est parti à la retraite et à qui je ne peux pas proposer de suivi », explique la spécialiste, qui n’accepte plus que les patientes envoyées par des généralistes.

      Dans certains départements, qui sont souvent déjà des « déserts médicaux », les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous s’allongent car les gynécologues se font rares, toutes spécialités confondues. On en compte 4,2 pour 100 000 habitants dans la Creuse, 4,32 en Dordogne ou 4,37 dans l’Ain, contre 28,6 à Paris ou 67,4 à Neuilly-sur-Seine, la ville la mieux dotée de France. Et selon les relevés réalisés par Le Monde, certaines grandes villes de la grande couronne parisienne, comme Aulnay-sous-Bois (56e ville française en termes de population) ou Ivry-sur-Seine (89e), ne comptent même aucun gynécologue libéral.

      « Il y a des coins de France où la situation est catastrophique, où des femmes ne sont plus suivies ou doivent changer de département pour l’être », alerte Anne Gompel, professeure de gynécologie à l’université Paris-Descartes.
      39 départements comptent moins de gynécologues par habitants que la moyenne française
      [graphique très parlant mais pas importable, ndc]

      Mobilisation

      Une situation d’autant plus inquiétante que tous les gynécologues ne font pas du suivi médical. Les obstétriciens se focalisent d’abord sur les accouchements et les actes chirurgicaux, leur cœur de métier. « Ils font du suivi par la force des choses, mais tout ce qui est problèmes hormonaux, par exemple, ça ne les intéresse pas », estime Laurence Mougenot, gynécologue médicale à l’hôpital de Bar-le-Duc, qui se demande par exemple « qui prendra en charge les femmes ménopausées ces prochaines années ».

      S’il est toujours possible de consulter un médecin généraliste ou une sage-femme libérale spécialisée pour un suivi de base, accéder à un gynécologue médical devient chaque année plus difficile. Le nombre de ces spécialistes de la « santé des femmes » (contraception, troubles du cycle, ménopause, stérilité, diagnostic et suivi des tumeurs) a chuté de 41,6 % en dix ans entre 2007 et 2017. Une baisse due à la décision des pouvoirs publics de ne plus en former entre 1987 et 2003 afin de s’aligner sur les formations des autres pays européens.

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      On compte 6 748 gynécologues pour 28 millions de Françaises de plus de 16 ans. Mais les gynécologues ne sont pas les seuls professionnels de santé à effectuer des suivis gynécologiques. En 2016, les pilules contraceptives ont par exemple été prescrites pour moitié (51,2 %) par des gynécologues, à 44,2 % par des médecins généralistes et à 1,7 % par des sages-femmes, selon des chiffres obtenus par Le Monde via Open Médic, une base de données recensant les médicaments délivrés en pharmacie de ville. Quant aux actes relatifs au suivi gynécologiques (frottis, pose de stérilet), ils ont été réalisés en 2016 à 2,9 % par des sages-femmes, en hausse de 52 % par rapport à 2015, selon l’Ordre des sages-femmes.
      A la suite de la mobilisation du Comité de défense de la gynécologie médicale (CDGM), créé en 1997, une soixantaine de ces spécialistes (des femmes pour 95 % d’entre eux) sont de nouveau formés chaque année, mais c’est insuffisant pour compenser les départs à la retraite. Résultat : ils ne sont plus que 1 136 pour près de 28 millions de femmes âgées de plus de 16 ans. Six départements n’ont aucun « gynéco med ». Beaucoup plus demain.
      Près des deux tiers (62 %) de ceux aujourd’hui en activité ont plus de 60 ans et cesseront leur activité ces prochaines années sans avoir – pour la plupart – de successeur. Entre 2010 et 2025, selon les projections de l’Ordre des médecins, la France devrait avoir perdu plus de mille gynécologues médicaux. Ils ne seraient plus que 531 en 2025, contre 1 648 en 2010. Dans le même temps, les gynécologues obstétriciens passeraient, eux, de 3 577 à 5 452.
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      « Grand désarroi »

      « L’accès de plus de plus en difficile aux gynécologues médicaux met en danger la santé de millions de femmes, des jeunes filles en particulier », fait valoir Noëlle Mennecier, coprésidente du CDGM. Elle plaide en faveur de « mesures vigoureuses en termes de nombre de postes d’internes ouverts, et ce sur des années, pour rattraper le retard ».
      Bientôt la fin des gynécologues médicaux ?

      Effectifs entre 2010 et 2017 et projection des effectifs entre 2018 et 2015 par l’Ordre des médecins [graphique, ndc]

      Chaque départ à la retraite oblige des centaines de femmes à trouver leur propre solution. « Beaucoup de patientes sont dans un grand désarroi, raconte une gynécologue qui vient de cesser son activité dans une grande métropole de Rhône-Alpes. Certaines m’ont dit qu’elles ne se feraient plus suivre car elles ne voulaient pas l’être par un médecin généraliste… » « Je vois arriver des femmes de 65 ou 70 ans qui saignent depuis six mois mais que ça gêne d’en parler à leur généraliste… », confirme le docteur Mougenot.

      Lorsque la gynécologue de Josette (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille) est partie à la retraite il y a trois ans, sans personne pour lui succéder, cette professeure retraitée dans un petit village de l’Eure a renoncé à être suivie, après presque un demi-siècle de visites annuelles de contrôle. A 70 ans, elle ne se voyait pas demander un rendez-vous à l’hôpital de Mantes (Yvelines), à 30 km de chez elle. « Trop compliqué », dit-elle.
      Des femmes renoncent, au moins pour un temps. D’autres font des kilomètres ou se tournent vers d’autres structures ou d’autres professionnels de santé. C’est ce qu’a fait Marie, une infirmière de 24 ans, lorsqu’elle a emménagé dans une petite commune de l’agglomération toulousaine il y a trois ans et qu’aucun gynécologue parmi les dix qu’elle a sollicités ne l’a acceptée. C’est à l’hôpital public qu’elle a fini par obtenir un rendez-vous, avec un délai de deux mois. Une solution qui la satisfait, même si la consultation se fait « une pendule au-dessus de la tête » et avec le sentiment que « le temps est minuté ».

      « Rupture dans la qualité des soins »

      Christine, une cadre retraitée de 62 ans habitant Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a fini par quitter le gynécologue qui la suivait depuis dix ans. Là encore, parce que c’était devenu « trop compliqué ». « Il y avait un créneau de deux jours pendant lesquels on pouvait prendre rendez-vous, et si on le ratait, il fallait de nouveau attendre six mois… Et comme cela faisait trois fois que je ratais les “bonnes journées” pour m’inscrire… », explique-t-elle. C’est finalement dans une clinique privée qu’elle a trouvé une solution.

      Alors qu’elle vit à Paris, l’une des villes de France les mieux pourvues en gynécologues, Héloïse, une étudiante salariée de 23 ans, n’en a trouvé aucun au tarif Sécu qui l’accepte comme patiente. « Vous êtes jeune, on ne peut pas prendre le risque que vous tombiez enceinte et qu’on soit obligé de vous suivre, on est débordé », lui a même expliqué une secrétaire médicale. Au vu des tarifs prohibitifs pratiqués par les médecins à honoraires libres, c’est finalement auprès d’un généraliste au planning familial d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), soit trois heures de trajet aller-retour, qu’elle a finalement trouvé une place.

      La banlieue parisienne peut également s’avérer être un désert médical (gynécologie) [À Neuilly ? ça va, ndc]


      Certains gynécologues médicaux semblent aujourd’hui se résigner à un passage de relais aux sages-femmes libérales, autorisées à pratiquer un suivi de prévention, dont le nombre augmente de 10 % par an. Plusieurs s’interrogent cependant sur leur formation. « Elles arrivent sur le marché sans être suffisamment formées en gynécologie, met en garde Anne Gompel, de l’université Paris-Descartes. Il va y avoir des années avec une rupture dans la qualité des soins. Les généralistes ont un rôle à jouer, mais une spécialité de quatre ans ne se remplace pas par une formation de trois mois en gynéco pour un généraliste, ou un peu
      plus avec un DU, ou de sage-femme avec un mois de formation. »

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      Dépassements d’honoraires des gynécologues : des consultations supérieures à 120 euros à Paris
      Seuls 38,5 % des gynécologues pratiquent le tarif « Sécu » à 30 euros. Faute de moyens, des femmes se privent de gynécologue dans les grandes villes.

      Très chers gynécos... Chez près de la moitié (45 %) des 3 000 gynécologues (médicaux et obstétriciens) exerçant dans les cent plus grandes villes de France, il faut payer au moins 60 euros pour une consultation standard, soit le double du tarif « Sécu », fixé à 30 euros. Dans ces communes, le tarif moyen s’élève à 47 euros.
      Pour obtenir ces chiffres inédits, Le Monde a « aspiré » sur Ameli.fr le site de l’Assurance-maladie, les données contenues dans les fiches tarifaires de ces praticiens qui représentent plus de 60 % de la profession.
      Pour l’ensemble de la France, selon ces chiffres, seul un gros tiers (38,5 %) de ces spécialistes ne fait payer que 30 euros pour une consultation de suivi. Mais, selon nos relevés, ils ne sont plus que 18 % à le faire à Paris. Dans la capitale, le tarif moyen est particulièrement élevé, à 70,30 euros. Et près d’un quart (23 %) demande plus de 90 euros, soit au moins trois fois le tarif « Sécu » ! Enfin, 5 % des gynécologues parisiens demandent plus de 120 euros. Dans les quartiers huppés, il faut débourser jusqu’à 150 euros.

      Renoncements aux soins
      D’une commune à l’autre, le tarif moyen varie fortement. A Neuilly, il s’établit à 85 euros, contre 35 euros à Grenoble ou 55 euros à Marseille. Dans les dix plus grandes villes de l’Hexagone, il dépasse 45 euros, sauf à Nantes et à Toulouse (38 euros et 40 euros). Quant aux consultations privées dans les hôpitaux publics, elles présentent les prix les plus élevés, à 56 euros (87 euros à Paris).
      La gynécologie fait partie des cinq spécialités – gériatrie, psychiatrie, stomatologie, gynécologie obstétrique – les plus gourmandes en dépassements d’honoraires. Sa branche médicale se classe même en tête de l’observatoire des pratiques tarifaires publié par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), le 29 novembre, tandis que sa branche chirurgicale (l’obstétrique) est cinquième.

      Conséquences : ces tarifs élevés peuvent entraîner des renoncements aux soins, notamment chez les étudiantes ou les retraitées, pas ou peu couvertes par une mutuelle.
      C’est ce qui est arrivé à Monique, 64 ans, retraitée du Trésor public. Quand sa gynécologue a quitté Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) pour les « beaux quartiers » de la capitale et s’est mise à pratiquer des dépassements d’honoraires non pris en charge par sa mutuelle, elle a préféré renoncer à ses deux visites de contrôle par an. Une rupture dans son suivi qui aurait pu avoir des conséquences si elle n’avait pas fini par trouver à Sète (Hérault), son lieu de vacances, une spécialiste au tarif « Sécu » qui a accepté de la suivre.

      Optam, un outil de maîtrise des tarifs
      « Ce que veulent les gens, c’est d’abord être bien soignés et qu’on les écoute », fait valoir une gynécologue qui pratique des « petits » dépassements en région. Elle rappelle que, outre la prise en charge des patients à la couverture maladie universelle (CMU), les médecins en secteur 2 (en honoraires libres) « ont toujours fait des tarifs “Sécu” pour les gens qui n’avaient pas les moyens ».
      Une bonne pratique dont n’a jamais bénéficié Valentine, une étudiante nancéenne de 21 ans, qui a toujours payé « entre 50 euros et 80 euros » sa consultation chez le gynéco de ville et a parfois dû demander une aide financière à ses parents. « Il y a certes le tarif de la consultation de base, mais dès qu’il y a une prescription ou un examen, cela augmente, dit-elle. Et l’on va rarement chez le gynécologue sans avoir besoin de l’un ou de l’autre. »
      Paris, championne des dépassements d’honoraires dans les grandes villes

      « Les tarifs sont affichés sur le site Ameli.fr, les gens ne sont pas surpris », explique une gynécologue médicale du 14e arrondissement de Paris. Elle demande 70 euros pour une visite et un frottis, soit, selon elle, 40 euros pris en charge par la « Sécu », avec qui elle a signé une « option pratique tarifaire maîtrisée » (Optam, anciennement CAS pour « contrat d’accès aux soins ») et 30 euros de dépassement, « généralement pris en charge par les mutuelles ».
      Pour l’Assurance-maladie, la hausse spectaculaire des dépassements a été enrayée grâce à Optam. En échange de leurs bonnes pratiques, la « Sécu » prend en charge une partie des cotisations des praticiens. Depuis 2012, ce mécanisme a stabilisé le taux de dépassement chez les gynécologues qui était passé de 25 % à 43 % depuis 2000. Mais, à Paris, il peine à convaincre. En juin, seulement vingt-cinq gynécologues de secteur 2 avaient adhéré au dispositif, soit moins de 5 %.

      « Difficulté à trouver un gynécologue »
      Interrogée par Le Monde, la CNAM reconnaît que « le dispositif de régulation des dépassements d’honoraires produit des résultats encore insuffisants pour certaines spécialités comme la gynécologie ». Dans certaines villes, les gynécologues présentent à la fois des dépassements trop élevés pour les rendre éligibles à l’Optam tout en restant sous les seuils au-delà desquels des procédures pour pratique tarifaire excessive peuvent être déclenchées. « Pour les autres », la CNAM assure « agir », assurant qu’en septembre « un certain nombre de médecins dont les niveaux de dépassements étaient à fois élevés sans être orientés à la baisse ont été alertés, et ce afin qu’ils modifient leur pratique ».
      Le taux de dépassement a explosé depuis 2000, avant de se stabiliser à partir de 2012

      Au Syngof, le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, on estime que le premier problème n’est pas le niveau des dépassements d’honoraires, jugé modéré dans la plupart des villes, mais « la difficulté à trouver un gynécologue », selon Elisabeth Paganelli, la secrétaire générale du syndicat. Et de rappeler que les gynécologues médicaux libéraux ont en moyenne un revenu avant impôt inférieur à celui des médecins généralistes (72 900 euros contre 88 700 euros).

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      A Aulnay, « certaines femmes n’ont pas eu de suivi gynéco depuis six ans »
      Depuis près d’un an, il n’y a plus de gynécologue libéral dans cette ville de 82 000 habitants. Patientes et pouvoirs publics tentent de trouver des solutions. Laura Motet

      « C’est la galère ! J’étais suivie par une gynéco, mais elle est partie il y a trois ans. J’ai enchaîné avec des consultations à 80 euros à la clinique du Blanc-Mesnil, avant d’atterrir ici après plusieurs mois d’attente, parce que je n’avais plus d’argent. » Le parcours de Sabrina (le prénom a été modifié), rencontrée à l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois, illustre celui de nombreuses femmes de cette commune de Seine-Saint-Denis.

      Les quatre gynécologues libérales qui exerçaient il y a encore quelques années dans cette ville de 82 000 habitants sont parties à la retraite ou sont mortes. Symptôme d’un mal qui touche toute la France : le vieillissement des médecins et en particulier celui des gynécologues médicaux – l’âge moyen de ces spécialistes de la santé des femmes est de 60 ans. La ville compte seulement deux sages-femmes libérales et une médecin généraliste spécialisée en gynécologie, installée peu avant l’été. Son arrivée a été saluée par les habitantes et par la mairie.

      Ce mardi après-midi de décembre, la salle d’attente de la docteure Teanini Tematahotoa ne désemplit pas. A l’image des habitants d’Aulnay, sa patientèle est composée de 20 % de personnes très précaires, bénéficiaires de la couverture maladie universelle ou de l’aide médicale d’Etat.
      « Ils n’ont pas forcément le même rapport au médecin que les plus aisés. […] C’est une patientèle moins fidèle, qui ne perçoit pas toujours l’importance de la notion d’accompagnement à long terme. Si un autre médecin est disponible avant, ils iront le voir. Le suivi est parfois difficile, surtout s’ils ont vu quatre ou cinq collègues avant, dans différentes villes et dans différentes structures. »

      Un nomadisme amplifié par les départs à la retraite des gynécologues libéraux, dont la patientèle est rarement reprise par un confrère. Les patientes tentent alors de trouver la meilleure solution en termes de prix, d’horaires, d’accès géographique et de délai ; certaines abandonnent, tandis que d’autres vont à l’hôpital, au planning familial, dans un centre de protection maternelle et infantile (PMI) ou dans des centres municipaux.

      « Il arrive qu’on reçoive des femmes qui ne se sont pas fait suivre pendant six ou huit ans, explique une soignante exerçant au Planning familial. Elles ne peuvent pas toujours prendre le temps de se faire suivre pour faire de la prévention. Elles ne le font quand elles ont besoin de nous de façon urgente. »

      « Face à la pénurie de gynécologues médicaux, les urgences gynécologiques ont explosé, parce qu’il n’y a pratiquement plus de médecins de ville, affirme la docteure Hélène Dauphin-Merlot, cheffe du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital intercommunal Robert-Ballanger. Pour autant, c’est notre mission d’accepter tout le monde et de nous débrouiller, en triant les patientes selon la gravité et en nous coordonnant avec les autres acteurs de santé locale, comme les PMI. »
      Mi-décembre, le carnet de rendez-vous de consultation de gynécologie affichait complet jusqu’en février et pourrait continuer à se remplir pour les semaines suivantes si le planning était ouvert. « On évite de donner des rendez-vous trop en avance, sinon les patientes oublient de venir. On a un taux d’absentéisme aux consultations de 40 %. C’est malheureux, parce que cela prend la place de femmes qui en ont vraiment besoin », déplore Nathalie Cherradou, sage-femme coordinatrice du Planning familial et des consultations à l’hôpital d’Aulnay.

      Si les Aulnaysiennes parviennent à se faire suivre tant bien que mal, la situation de l’offre de santé reste très fragile, puisqu’elle dépend uniquement des priorités définies par la mairie et le département. Priorités qui, comme les élus, changent au gré des élections.

      En 2014, quelques mois après son élection, le nouveau maire Les Républicains d’Aulnay, Bruno Beschizza, décide de mettre fin à la convention qui le liait au département pour financer les centres de planification. « Les motifs de cette suppression sont purement d’ordre financier, analyse Evelyne Demonceaux‌, élue socialiste et ancienne adjointe à la santé. Mais le maire n’avait pas réalisé que la suppression de la convention entraînait la perte de la subvention du département dès le 1er janvier 2016, subvention qui permettait de payer le personnel municipal des centres de santé. »

      En 2016, les négociations avec le département reprennent ; une nouvelle convention est signée en octobre, divisant presque par deux le budget total du Planning familial et par plus de six l’apport de la municipalité (de 90 000 à 14 200 euros). Contactée à de nombreuses reprises, la mairie n’a répondu que par écrit à nos questions. Elle récuse l’idée que la nouvelle majorité souhaiterait réduire les budgets de santé et met notamment en avant qu’elle prévoit de recruter un équivalent temps plein en gynécologie pour l’un de ses centres municipaux. Pour l’instant, l’annonce n’a pas été publiée sur son site.

      Comme disait l’autre, faudrait commencer par #soigner la médecine, l’hôpital... Ça n’en prend pas le chemin.

      #observatoire_des_pratiques_tarifaires #santé #tarification #inégalités

  • La communarde du Finistère : Nathalie Lemel
    http://enenvor.fr/eeo_actu/bd/la_communarde_du_finistere_nathalie_lemel.html

    Là est d’ailleurs sans doute le plus grand mérite de cet album : ressortir de l’oubli relatif dans lequel est plongée cette Bretonne au destin extraordinaire. Née à Brest en 1826, elle émigre à Paris après avoir vécu quelques années à Quimper. Militante socialiste de premier plan, elle devient une figure de la Commune de Paris et meurt, après plusieurs années de déportation en Nouvelle-Calédonie, à Ivry-sur-Seine, dans le plus grand dénuement. A travers ce destin tragique, c’est dès lors toute une galaxie de grandes figures qui s’offrent au lecteur, d’Eugène Varlin à Louise Michel en passant par Gustave Courbet et Jules Vallès.

  • [infokiosques.net]
    https://infokiosques.net/spip.php?article1509

    À toutes les amoureuses et amoureux de la lecture, nous avons le plaisir de vous annoncer la création d’une bibliothèque autogérée au CSA Vaydom à Ivry-sur-Seine : Jargan !

    Parce qu’elle pense que la lecture est une invitation à sortir de soi pour aller vers l’autre, Jargan souhaite devenir un lieu de rencontres et de partage, et recherche tout particulièrement des livres qui éveillent les consciences, qui développent l’esprit de résistance à la domination et qui donnent les outils pour construire un monde plus juste, égalitaire, solidaire, antiraciste, féministe, écologique et respectueux des droits de toutes les minorités.

    Une permanence aura lieu chaque dimanche entre 16 h et 20 h, avec un espace informel de discussions improvisées et un espace dédié aux événements littéraires et politiques organisés par Jargan : présentation d’ouvrages ou de revues, lectures publiques suivies de débats, ateliers contes pour les enfants… Jargan est ouverte à toutes vos suggestions pour étoffer son programme. On pourra ensuite prolonger la soirée avec un délicieux repas à la cantine populaire (autogérée et à prix libre).

    Le lancement de Jargan est prévu le dimanche 17 décembre entre 16 h et 20 h, avec la présentation de Panthère Première. C’est une revue de critique sociale animée par un collectif non-mixte, dans un esprit féministe. Nous découvrirons dimanche son premier numéro, autour du dossier « Quiproclash ! Mordre et se faire mordre la langue » Au programme, la lecture de textes de cette revue ainsi que d’autres que nous pourrons choisir ensemble.

  • #Ivry-sur-Seine (94) : présentation du Vaydom, nouveau nom du Centre social autogéré
    https://fr.squat.net/2017/09/10/ivry-sur-seine-94-presentation-du-vaydom-nouveau-nom-du-centre-social-auto

    Notre entrée dans les lieux En février 2015, on apprenait la mise sous sauvegarde de justice de La Mutuelle des Etudiants (LMDE), qui croulait sous les dettes. Le 25 juin suivant, ses salariés menaient une grève devant le siège social situé 37 rue Marceau à Ivry-sur-Seine, tentant de sauvegarder leurs emplois avant la reprise de […]

    #sans-papiers #Val_de_Marne #Vaydom_Centre_Social_Autogéré_d’Ivry_

  • #Ivry-sur-Seine (94) : le #Massicot a trois ans ! Toujours à l’attaque !
    https://fr.squat.net/2017/09/06/ivry-sur-seine-94-le-massicot-a-trois-ans-toujours-a-lattaque

    Le 23 septembre 2017, le squat du Massicot à Ivry-sur-Seine vous invite à fêter ses trois ans d’existence en compagnie de plusieurs collectifs qui font vivre un vent de révolte, de débrouille et de solidarité. En septembre 2014 ouvrait le Massicot dans les murs d’un bâtiment abandonné depuis des années par son propriétaire. Depuis, le […]

    #Val_de_Marne

  • Vente solidaire de fruits et légumes le 17 août dans de nombreuses villes d’Ile de France | L’Humanité
    http://www.humanite.fr/vente-solidaire-de-fruits-et-legumes-le-17-aout-dans-de-nombreuses-villes-d

    « L’ouverture des États généraux de l’alimentation a eu lieu en grandes pompes, avec une volonté de grand battage médiatique. Pour diversion ? Les dernières décisions gouvernementales ne laissent en effet entrevoir aucune volonté de répondre à la nécessaire augmentation du pouvoir d’achat des citoyens. Elles ne s’attaquent pas plus aux chantiers urgents de la rémunération du travail paysan et des salarié-e-s. », juge le Parti communiste français dans un communiqué qui annonce l’initiative qui se déroule jeudi 17 août toute la journée.

    Il s’agira de proposer des fruits et légumes directement du producteur au consommateur, dans des dizaines de villes d’Ile de France (voir liste des points de vente ci-dessous). « Moins cher pour les consommateurs, plus rémunérateur pour les producteurs, le circuit court à prix juste, la population est invitée à en discuter... et à en bénéficier », commente le PCF dont une délégation sera reçue à 11h à Matignon.

    Une initiative identique aura aussi lieu les 1er et 2 septembre dans le Territoire de Belfort, dans le Jura, les 22, 23 et 24 septembre en Isère…

    Les points de vente solidaire en Ile de France de ce jeudi 17 août

    Paris

    8h. Place de la Bastille

    Hauts-de-Seine

    Bagneux. 10h rond-point de la Fontaine Gueffier.

    Gennevilliers. 9h30 parking Victor Hugo. 10h45 Place du marché du Luth. 12h Ferme de l’horloge. 14h45, Grésillons face à l’Espace. 16h mairie.

    Nanterre. 9h, Petit Nanterre (5 allée des Iris). 11h : Esplanade Charles de Gaulle.

    Val de Marne

    Alfortville. 10H30 PCF, 1 Square Véron.

    Boissy Saint Léger. 10h, Halle Griselle, rue Gaston Roulleau.

    Bonneuil-sur-Marne. 10h : pharmacie de Fabien, laboratoire de Verdun, République (place des Libertés). 12h, mairie.

    Champigny-sur-Marne. 10h : place Rodin et MPT Gagarine. 12h : Mairie. 14h30 : parking avenue de Coeuilly. 14h30 gare des Boullereaux. 17h au Maroc (centre Jean Villar).

    Chevilly-Larue. 18H30 : Maison pour tous ( 23 rue du Béarn ). 19H15 Quartier Anatole France.

    Choisy le Roi. 16h30 place Jean Jaurès (Marché)

    Fontenay sous Bois. 10H Hôtel de Ville.

    Gentilly. 12H parvis du gymnase Carmen Lerou. 17H30 Mairie.

    Ivry-sur-seine. 9h, Mairie.

    Kremlin-Bicêtre. 17h45, 48 avenue Charles Gide (piscine).

    La Queue-en-Brie. 9h30 Mairie, avenue Martier (Parking du centre commercial)

    Nogent-Le Perreux. 10h, angle des rues Losserand et Anquetil.

    Orly Ville. 10h, Espace Gérard Philipe.

    Orly aéroport. 10h, section PCF de l’aéroport, 2 rue Georges Baudelaire.

    Valenton. 18h, place du marché.

    Villejuif. 10h, face à la Mairie. 17h, Marché Auguste Delaune.

    Villeneuve-Le-Roi. 10 h, cité Paul Bert, cité Raguet Lépine.

    Vitry-sur-Seine. 11h, Hôtel de Ville. 14h, Section PCF place de l’église. 18h Cité Colonel Fabien et

    Place du 8 mai.

    Seine Saint-Denis

    Bagnolet. 10h30 Place du 17 octobre 1961, 78 rue Robespierre. 12h Hôtel de Ville. 17h30 Centre de santé rue Sadi Carnot.

    Bobigny. 10h Espace citoyen 160 Avenue Jean Jaurès.

    Drancy. 18h Quartier Salengro, ancien marché.

    Epinay. 18h30 Section PCF 39 avenue de la Marne.

    La Courneuve. 18h Franprix centre ville.

    Le Blanc-Mesnil. 17h30 Section PCF 8b rue Claude Terrasse

    Montreuil 17h. Section PCF 10 rue Victor Hugo, La Noue (Barrière de l’AFUL), Morillons (Leader Price) Bel Air (Château d’eau).

    Noisy-le-Sec. 17h30 Maison des communistes 27 rue Henri Barbusse.

    Pantin. 17H30 Ciné 104 Avenue Jean Lolive.

    Pierrefitte 10h, Place de la mairie.

    Saint-Denis. 18h, Floréal (promenade de la basilique). Francs-Moisins (La Poste), Square Fabien. 18h30 Place du 8 mai 1945.

    Saint-Ouen. 17h vieux Saint-Ouen, boulangerie du haut. 18h30 Docks, parvis des bateliers et Place de la mairie.

    Stains. 10h, 38 rue Paul Vaillant-Couturier.

    Villepinte. 16h Quartier Pasteur (Espace Prévert) et quartier Fontaine Mallet (face pharmacie).

  • Hébron ou la malédiction des ancêtres
    http://www.larevuedesressources.org/hebron-ou-la-malediction-des-ancetres,2951.html

    O JERUSALEM Dix jours passés à Jérusalem avec Adel Hakim pour les répétitions d’Antigone et de Rose et Jasmin. Les deux spectacles vont faire l’ouverture de la Manufacture des œillets à Ivry, le 4 janvier 2017. Je reviendrai plus longuement sur la genèse du dernier spectacle dans mes prochaines chroniques. (23 décembre 2016) Hébron est un condensé de la folie et de la démence dans laquelle les religions précipitent parfois les hommes. La ville située en #Cisjordanie, abrite un édifice hérodien, (...)

    Chroniques et contes de l’Agora

    / #Hebron, Mohamed Kacimi, Cisjordanie

    #Chroniques_et_contes_de_l'Agora_ #_Mohamed_Kacimi

  • Incinérateur d’Ivry : un grand projet coûteux et polluant aux portes de Paris
    https://www.bastamag.net/Incinerateur-d-Ivry-un-grand-projet-inutile-et-polluant-aux-portes-de-Pari

    En plein pic de pollution, des élus s’apprêtent à autoriser la construction d’un nouvel incinérateur géant à Ivry, aux portes de Paris. Coût du projet : 2 milliards d’euros, qui bénéficieront principalement aux #Multinationales Vinci et Suez ! Dix fois plus que ce que coûteraient une #Politique de tri et de recyclage plus efficace, selon les opposants. Peu importe ces dépenses et les émissions supplémentaires de particules fines si elles se font au nom de la « valorisation énergétique » des déchets... (...)

    #Résister

    / Politique, #Île-de-France, #L'enjeu_de_la_transition_énergétique, Pollutions , Multinationales, #Services_publics, Des grands projets... inutiles (...)

    #Pollutions_ #Des_grands_projets..._inutiles_ ?