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  • « Rwanda, la fin du silence » : un ancien officier français raconte

    http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/15/operation-turquoise-les-revelations-d-un-officier-francais_5271183_3212.html

    Extraits de « Rwanda, la fin du silence, témoignage d’un officier français », de Guillaume Ancel, et qui paraît vendredi 16 mars aux éditions Les Belles Lettres.

    [En juin 1994, au moment où la France décide d’intervenir au Rwanda, Guillaume Ancel est officier de guidage de tir aérien. Ce pays de la région des Grands Lacs est alors plongé en plein génocide contre les Tusti mené par les Forces armées rwandaises et par les milices extrémistes hutu, proches du gouvernement intérimaire, soutenu par Paris. Parallèlement, le Front patriotique rwandais, dominé par les Tutsi, a lancé une offensive pour mettre fin aux massacres et s’emparer du pays. Le livre de Guillaume Ancel contredit la version officielle d’une intervention avant tout « humanitaire ». Selon lui, la France a tardé à prendre ses distances avec le régime génocidaire. Extraits.]

    Base militaire de Valbonne, près de Lyon, France. 22 juin 1994

    (…) En fin d’après-midi, un officier du bureau des opérations entre brusquement et me remet personnellement un exemplaire numéroté d’un ordre préparatoire, dont manifestement Colin () dispose déjà. Il s’agit de réaliser un raid terrestre sur Kigali, la capitale du Rwanda, pour remettre en place le gouvernement, ordre expliqué par quelques schémas et des hiéroglyphes militaires appelés « symboles » :

    Nous débarquerons en « unité constituée » à Goma [principale ville de l’est du Zaïre, près de la frontière rwandaise], et l’opération s’appuiera sur la vitesse et la surprise liées à notre arrivée ultrarapide. A ce stade, la mission n’est pas encore confirmée, mais elle devient très probable.

    Cet ordre ne me surprend pas vraiment. J’apprécie les subtiles analyses de politique internationale et les débats sur la pertinence des interventions, mais en l’occurrence nous serons projetés à 6 000 kilomètres de la métropole pour faire notre métier, qui est de mener des opérations militaires, et celle-ci rentre dans nos cordes.

    En théorie, c’est assez simple, je dois dégager un couloir en guidant les frappes des avions de chasse, couloir dans lequel la compagnie de légionnaires s’engouffre, suivie par d’autres unités aguerries. La rapidité est telle que les unités d’en face ne doivent pas avoir le temps de se réorganiser tandis que nous rejoignons aussi vite que possible la capitale, Kigali, pour remettre les insignes du pouvoir au gouvernement que la France soutient.

    Tactiquement, c’est logique, puisque nous nous exerçons depuis plusieurs années à ce type d’opération avec les unités de la Force d’action rapide qui seront déployées sur ce théâtre, comme si nous allions jouer une pièce maintes fois répétée. En pratique, c’est évidemment risqué, très violent et nous sommes suffisamment entraînés pour savoir que ce raid terrestre ne se passera jamais comme nous l’avions prévu.

    (…)

    *Aéroport de Goma, Zaïre. 26 juin 1994

    Un officier d’état-major nous rend visite sur notre campement de fortune. J’aimerais l’interroger sur la suite de la mission puisque nous étions censés arriver par surprise pour mener une action offensive, mais il ne me répond pas et se contente de récupérer avec d’inhabituelles précautions l’ordre préparatoire reçu à Nîmes [où est basé le 2e régiment étranger d’infanterie, de la Légion étrangère]. Normalement, en opération, le simple fait d’ordonner la destruction d’un ordre écrit suffit, mais cet officier vérifie chaque exemplaire page par page, comme si ce document ne devait plus exister…

    (…)

    Aéroport de Bukavu, Zaïre. 30 juin 1994

    (…) La forêt de Nyungwe constitue un îlot tropical sur la route menant à Kigali via Butare, à moins d’une centaine de kilomètres de notre position. Les légionnaires l’ont survolée en hélicoptère et me l’ont décrite comme très dense, quasi impénétrable pour une unité armée et motorisée, en dehors de la route nationale qui la traverse d’est en ouest, comme un canyon de verdure verticale.

    Nous devons – comprendre « nous allons tout faire pour » – stopper l’avancée militaire des soldats du FPR [Front patriotique rwandais, rébellion d’obédience tutsi, dirigée par Paul Kagame] quand ils arriveront à l’est de la forêt et qu’ils devront s’engouffrer sur cette unique route pour la traverser. Dans notre jargon, c’est un coup d’arrêt, qui consiste à bloquer brutalement l’avancée ennemie par une embuscade solidement adossée au massif forestier, à un endroit précis qu’ils ne pourront contourner.

    Je n’ignore pas la difficulté de la situation, car les légionnaires n’ont pas d’armes lourdes. Même les mortiers légers dont ils disposent n’ont toujours pas leurs munitions et ce sera difficile de tenir face aux soldats du FPR connus pour leur discipline et leur endurance. Un détail, nous sommes 150, les éléments en face seraient au moins dix fois plus, rien que sur cette route. Aussi, pour contrebalancer ce déséquilibre, il nous faut les avions de chasse… et je suis bien placé pour savoir que le dispositif d’appui aérien n’est pas rodé.

    Aéroport de Bukavu, Zaïre. 01 juillet 1994

    (…) Nous rejoignons le tarmac, sur lequel nous attendent cinq hélicoptères de transport Super Puma. Le sifflement de leurs turbines crisse dans nos tympans. Les lumières de position des hélicos forment une ligne vers l’est où le ciel s’éclaire lentement des signes précurseurs du lever du jour. Nous embarquons dans le premier hélicoptère, sur ces sièges en toile toujours trop étroits, les sacs comprimés entre nos genoux. Les visages des légionnaires sont fermés. L’intérieur de la cabine est faiblement éclairé par une lumière blafarde qui ajoute au sentiment de tension. J’observe Tabal, très concentré sur la suite, il me renvoie sa mine confiante, celle de la Légion étrangère qui ne doute pas, ne tremble pas.

    Plus un mouvement, les pilotes ont terminé leur procédure de décollage, les rotors se mettent à tourner, faisant vibrer tout l’appareil. J’aperçois par la porte latérale, grande ouverte, la courbe d’un soleil orangé qui émerge maintenant à l’horizon. Notre hélico se soulève par l’arrière, les têtes rentrent dans les épaules, la mission est lancée, nous partons au combat.

    Brusquement, sur le tarmac, un officier surgit de l’estancot qui sert d’état-major aux forces spéciales et fait signe, les bras en croix, de stopper immédiatement l’opération. L’hélicoptère atterrit brutalement, à la surprise générale. Je défais ma ceinture de sécurité et saute par la porte pour rejoindre le stoppeur, c’est le capitaine de Pressy, en charge des opérations pour ce secteur. Il comprend à ma mine mauvaise que j’ai besoin d’explications.

    « Nous avons passé un accord avec le FPR, nous n’engageons pas le combat. »

    Les rotors s’immobilisent, et les hommes descendent sans attendre des cabines restées ouvertes, avec leurs sacs immenses et leurs armes sur l’épaule.

    Tabal me rejoint avec calme, et Pressy reprend :

    « Les Tutsi stoppent leur avance et nous allons protéger une zone qu’ils n’occupent pas encore, à l’ouest du pays. Ce sera une “zone humanitaire”, qui passe sous notre contrôle.

    – Si je comprends bien, on renonce à remettre au pouvoir ce qui reste du gouvernement ?

    – Oui, pour l’instant, nous allons vite voir quel cap nous prenons maintenant. »

    Tous ces militaires étaient déterminés à aller se battre, et ils ont été stoppés dans leur élan, comme si, au bout de la nuit, un responsable politique avait enfin décidé que ce combat ne pouvait pas avoir lieu. Les soldats désarment bruyamment leur arsenal après avoir ôté les chargeurs. Nous sommes un peu groggy, à la fois soulagés mais aussi frustrés.

    Je retourne aux grandes tentes avec Tabal, qui se moque gentiment en s’interrogeant sur la fonction que je vais maintenant pouvoir occuper. J’étais le responsable des frappes aériennes, il me propose de devenir « responsable des frappes humanitaires », ironisant sur la tonalité nouvelle et un peu surprenante de notre intervention, car c’est la première fois que nous entendons parler d’« humanitaire ».

    Aéroport de Cyangugu, Rwanda. Juillet 1994

    Je suis vraiment contrarié.

    En rentrant tard dans l’après-midi sur la base de Cyangugu, je trouve un groupe de journalistes qui assiègent le petit état-major, ils attendent un point de situation et s’impatientent bruyamment. Je ne veux pas m’en mêler, je les contourne discrètement pour aller poser mes affaires sous mon lit et faire le point avec Malvaud, l’officier rens [de renseignement].

    Le lieutenant-colonel Lemoine, l’adjoint de Garoh, m’intercepte et me demande de l’aider : les journalistes ne devaient pas rester au-delà de 15 heures, mais leur programme a été prolongé sans son avis. Ils attendent un brief alors « qu’un convoi de camions doit quitter la base pour transporter des armes vers le Zaïre ». Je ne comprends pas de quoi il parle, mais Lemoine me propulse devant les journalistes sans me laisser le temps de poser plus de questions.

    Les journalistes m’entourent aussitôt, comme s’ils m’encerclaient. Je parle doucement pour les obliger à se concentrer sur mes propos. Je leur fais un brief rapide sur la situation dans la zone et sur mes activités de recherche et de sauvetage de rescapés. La plupart s’en contentent, cependant un reporter du journal Le Monde n’en reste pas là :

    « Capitaine, vous désarmez les Rwandais qui traversent votre zone ? Même les militaires des FAR [Forces armées rwandaises] ?

    – Bien sûr, nous protégeons la zone humanitaire sûre, donc plus personne n’a besoin de porter une arme dans ce périmètre.

    – Et pourquoi vous ne confisquez pas aussi les machettes ?

    – Pour la simple raison que tout le monde en possède. Dans ce cas, il faudrait aussi supprimer les couteaux, les pioches et les bâtons ! »

    Rire de ses confrères, mais la question est loin d’être anodine ; ne rien faire dans ces situations alors qu’on en a le pouvoir, c’est se rendre complice. J’aperçois dans leur dos, de l’autre côté de la piste, une colonne d’une dizaine de camions transportant des conteneurs maritimes, qui quittent le camp en soulevant un nuage de poussière.

    Le journaliste n’abandonne pas.

    « Et les armes saisies, qu’en faites-vous ? »

    Je n’ai pas envie de mentir ni de nous mettre en difficulté, alors j’esquive avec un sourire.
    « Nous les stockons ici dans des conteneurs, et nous attendons que leurs propriétaires les réclament. »

    Les journalistes rient encore, ils doivent penser que je suis plein d’humour. Ils plient bagage après m’avoir remercié et remontent dans l’avion qui les attend enfin sur la piste.

    J’attends avec impatience le débriefing du soir auquel assistent tous les chefs de détachement du groupement. Nous sommes une douzaine autour de la table et j’aborde sans attendre le sujet du convoi, pour lequel on m’a demandé de détourner l’attention des journalistes. Je sens que Garoh hésite et cherche ses mots :

    « Ces armes sont livrées aux FAR qui sont réfugiées au Zaïre, cela fait partie des gestes d’apaisement que nous avons acceptés pour calmer leur frustration et éviter aussi qu’ils ne se retournent contre nous. »

    Je suis sidéré.

    « Attendez, on les désarme, et ensuite on va leur livrer des armes, dans des camps de réfugiés, alors que ce sont des unités en déroute, sans doute liées aux milices et, pire encore, au ravage de ce pays ? »

    Garoh me répond avec son calme imperturbable,

    « Oui, parce que les FAR sont à deux doigts d’imploser et d’alimenter effectivement les bandes de pillards. En donnant ces armes à leurs chefs, nous espérons affermir leur autorité. De plus, nous ne sommes que quelques centaines de combattants sur le terrain, et nous ne pouvons pas nous permettre le risque qu’ils se retournent contre nous, alors que le FPR nous menace déjà. »

    Lemoine, son adjoint, ajoute pour l’aider :

    « Ancel, nous payons aussi leur solde, en liquide, pour éviter qu’ils ne deviennent incontrôlables, ce que nous sommes souvent obligés de faire dans ces situations. »

    Je trouve le raisonnement court-termiste et indéfendable : comment avaler qu’en livrant des armes à ces militaires nous améliorons notre propre sécurité ? Je leur rappelle que nous n’avons plus vraiment de doutes sur l’implication des FAR dans les massacres de grande ampleur qu’aucun d’entre nous ne nomme encore « génocide ». Mais Garoh stoppe là le débat, même s’il semble troublé aussi par cette situation.

    Après cet événement, j’ai demandé aux pilotes d’hélicos et aux gendarmes chargés du contrôle des armes saisies de les balancer au-dessus du lac Kivu. Garoh aurait pu s’y opposer, mais il a validé cette pratique…

    Retour à Bisesero, ouest du Rwanda

    (…)

    Comme je l’ai relaté, au lever du jour du 1er juillet, cette mission de combat contre les ennemis des génocidaires a été annulée in extremis. J’en connais désormais plus de détails grâce au témoignage d’Oscar, un des pilotes de chasse engagés dans cette opération et dont je raconterai le parcours un peu plus loin.

    En croisant nos témoignages, il apparaît que cette mission a été annulée par le PC Jupiter situé sous le palais présidentiel de l’Elysée, alors que les avions de chasse, des Jaguar, étaient déjà en vol pour frapper, et que nous-mêmes décollions en hélicoptère pour rejoindre la zone de guidage. Pourtant, le PC Jupiter n’a pas vocation à diriger ce type d’opération, qui est plutôt du ressort du bien nommé Centre opérationnel interarmées. C’est une procédure tout à fait inhabituelle que m’a décrite mon camarade et, compte tenu de ma compréhension du sujet, il est probable que les événements se soient enchaînés ainsi : cette opération de combat contre le FPR a été décidée sans réel contrôle politique, mais l’intervention des Jaguar a déclenché une procédure quasi automatique de confirmation auprès du PC de l’Elysée, qui s’en est effrayé. En effet, l’engagement au combat d’avions de chasse est considéré comme stratégique du fait de leur puissance de feu, ainsi que du risque médiatique : difficile de faire croire qu’un bombardement n’a pas été organisé, tandis qu’il est toujours possible d’habiller un échange de tirs au sol en accrochage accidentel ou en riposte à une tentative d’infiltration.

    En conséquence, la patrouille de Jaguar, au moment de rejoindre la zone de combat, demande la validation de son engagement, sans doute par l’intermédiaire de l’avion ravitailleur KC135 qui les soutient et qui est équipé d’un système radio longue portée en l’absence d’Awacs. Le PC Jupiter alerte l’Elysée – l’étage du dessus –, qui découvre l’opération, prend brutalement conscience des conséquences possibles d’un tel engagement et l’interdit aussitôt.

    L’annulation, au tout dernier moment, de cette mission, par la présidence de la République, déclenche un débat – plutôt que d’en être l’issue – sur le risque que la France soit effectivement accusée de complicité de génocide et mise au ban des nations, alors même que la crise de Bisesero [un secteur de collines où des dizaines de miliers de personnes ont été massacrées] vient de débuter. Dans les jours qui suivent, des spécialistes de l’Afrique des Grands Lacs sont consultés, et probablement dépêchés sur place, pour négocier un compromis avec le FPR, c’est la suite de l’opération « Turquoise » avec la création d’une zone humanitaire sûre.

  • Les secrets de la France au Rwanda : les ambiguïtés de l’opération « Turquoise »

    http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/15/intervention-francaise-au-rwanda-les-ambiguites-de-l-operation-turquoise_527

    Les secrets de la France au Rwanda 1/3. Vingt-quatre ans après le génocide, « Le Monde » revient, documents et témoignages à l’appui, sur cet épisode tragique.

    Il y a deux façons de raconter l’histoire : par le haut ou par le bas. Pour comprendre l’engagement de la France au Rwanda au printemps 1994, savoir notamment si elle a été complice des génocidaires rwandais et si son armée a soutenu un régime enivré par la folie meurtrière qui fit 800 000 morts en à peine trois mois, il faut d’abord examiner les décisions prises au plus haut niveau de l’Etat, au cœur du pouvoir. Et remonter le temps jusqu’au mercredi 15 juin 1994, à Paris…

    Ce jour-là, une réunion de crise se tient au palais de l’Elysée, en présence de François Mitterrand. Voilà près de dix semaines que le génocide a débuté, plus exactement depuis le crash de l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana, abattu au-dessus de Kigali, la capitale, par un commando inconnu.

    Sa mort entraîne de violentes représailles de la part des Forces armées rwandaises (FAR), de la gendarmerie et des miliciens hutu Interahamwe. Leurs cibles : des hutu modérés et surtout la minorité tutsi, accusée d’avoir voulu renverser le pouvoir.

    A l’époque, une guerre oppose en effet le Front patriotique rwandais (FPR, la rébellion à majorité tutsi), aux forces hutu. La France a beau soutenir le régime hutu depuis des années, elle s’interroge sur l’attitude à adopter face à ces massacres, dont les victimes se comptent déjà par centaines de milliers. Le Conseil de défense restreint organisé à l’Elysée vise précisément à définir la stratégie à suivre.

    Il est aujourd’hui possible de savoir ce qui s’est dit, ce mercredi de juin 1994, au palais présidentiel. Le compte rendu de la réunion, classé « confidentiel défense », a été déclassifié le 14 janvier 2008 par Nicolas Sarkozy à la demande des juges d’instruction chargés de l’enquête pour « complicité de génocide » sur l’opération « Turquoise » menée par l’armée française au Rwanda. Ce document aide à comprendre la façon dont les autorités ont géré ce dossier sensible en période de cohabitation entre François Mitterrand, président socialiste, et son premier ministre de droite, Edouard Balladur.

    « Nous commencerons par le Rwanda car la situation exige que nous prenions d’urgence des mesures », débute Mitterrand. Le ministre de la coopération, Michel Roussin, dépeint alors un tableau très sombre : « La situation ne s’améliore pas. Les massacres se poursuivent, côté hutu et côté tutsi. L’opinion publique internationale et l’opinion française sont horrifiées devant ce spectacle d’enfants massacrés, d’orphelinats envahis. »

    François Léotard, le ministre de la défense, prône la retenue : « Nous ne pourrions faire quelque chose qu’avec l’accord des deux parties et un soutien international. Or, je vois mal comment nous pourrions obtenir l’accord du FPR [la rébellion tutsi] et le soutien international. Nous ne pourrions intervenir qu’en zone hutu. Nous serions condamnés par le FPR et victimes de manœuvres médiatiques. Je suis donc très réticent. »

    « Il faut faire vite »

    Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères, lui, est plus va-t-en-guerre : « Il faut faire vite, 2 000 à 3 000 hommes pourraient mettre fin aux combats. Faut-il aller plus loin et envisager une intervention pour exfiltrer les populations ? » Quant à Edouard Balladur, il est partant, mais prudent : « Nous ne pouvons plus, quels que soient les risques, rester inactifs. Pour des raisons morales et non pas médiatiques. Je ne méconnais pas les difficultés. »

    François Mitterrand reprend la balle au bond : « J’approuve cette façon de voir. Mais nous pourrions limiter nos objectifs. (…) Notre effort pourrait être limité à la protection de certains sites, des hôpitaux ou des écoles, sans entrer dans une opération militaire d’ensemble qui serait difficile car il n’y a pas de front continu. »

    Alors que la réunion se termine, François Léotard demande : « Monsieur le président, dois-je comprendre que cette opération est une décision ou qu’il s’agit seulement d’en étudier la possibilité ? » François Mitterrand conclut, tranchant : « C’est une décision dont je prends la responsabilité. (…) Ce que j’approuve, c’est une intervention rapide et ciblée, mais pas une action généralisée. Vous êtes maître des méthodes, Amiral. » L’amiral, le « maître des méthodes », c’est Jacques Lanxade, le chef d’état-major des armées.

    Le jour même, celui-ci présente à son ministre, M. Léotard, un texte « confidentiel défense » intitulé Mémoire sur une opération militaire au Rwanda. Son but : le convaincre de la nécessité de cette « intervention humanitaire ». A en croire ce document, versé au dossier judiciaire dont Le Monde a eu connaissance dans son intégralité, l’amiral a conscience de marcher sur des œufs. « Il convient de souligner que cette opération est délicate, écrit-il, qu’elle demandera des moyens de soutien importants, et qu’il faudra accepter des risques non négligeables pour nos troupes. » Aux « risques » du terrain s’ajoutent d’éventuelles secousses politiques. Edouard Balladur est conscient que le Rwanda est un « guêpier ». Depuis son arrivée à Matignon, au printemps 1993, il se montre plutôt réticent à tout engagement militaire en Afrique. Ses ministres Léotard et Roussin sont tout aussi circonspects.

    L’objectif, « faire cesser les massacres interethniques »

    Du côté du Quai d’Orsay, Alain Juppé s’est pour sa part rallié aux interventionnistes de l’Elysée, horrifié qu’il est par l’ampleur des tueries dont il reçoit des comptes rendus chaque jour plus circonstanciés. Il faut dire qu’autour de François Mitterrand, une poignée d’hommes – le secrétaire général de l’Elysée, Hubert Védrine, le chef d’état-major particulier, Christian Quesnot, et le conseiller Afrique Bruno Delaye – souhaite poursuivre un effort de guerre mené depuis octobre 1990 en soutien des FAR contre les rebelles du FPR ().

    Ces hommes de l’entourage présidentiel sont alors persuadés de lutter contre l’extension du « tutsiland » (la zone de domination de cette ethnie), perçue comme un complot anglo-saxon contre le pré carré de la France dans la région. Paul Kagame, l’homme fort du FPR, n’a-t-il pas été formé aux Etats-Unis ? N’est-il pas le protégé du président ougandais Yoweri Museveni, couvé par Washington ?

    D’après le dossier de l’amiral Lanxade, l’opération doit « faire cesser les massacres interethniques » et afficher la « neutralité » de la France à l’égard de « chaque partie en cause ». Rester « neutre » dans un génocide, voilà un premier dilemme, ainsi présenté au chapitre « Situation » : « La guerre civile, réveillée par l’assassinat du président rwandais le 6 avril 1994, a eu pour conséquence un véritable génocide perpétré par certaines unités militaires rwandaises (garde présidentielle) et par les milices hutu à l’encontre de la minorité tutsi de la population ou de certains cadres hutu modérés. » D’évidence, les planificateurs de l’armée française connaissent donc bien la situation sur le terrain. Ils la détaillent d’ailleurs dans deux paragraphes aux titres éloquents : « Qui sont les massacreurs ? » et « Qui sont les massacrables ? » A l’état-major, on sait donc qui tue qui. Mais sait-on vraiment qui soutenir ?

    Jacques Lanxade joue un rôle décisif dans ces heures où un choix s’impose. Premier marin nommé chef d’état-major des armées, il a dirigé auparavant (1989-1991) l’état-major particulier du président Mitterrand. Tous deux se comprennent à la perfection. « François Mitterrand ne donnait jamais une directive précise, se souvient l’amiral, rencontré le 2 mars à son domicile parisien. Fondamentalement, il considérait que vous deviez savoir ce que vous aviez à faire. Comme j’étais sur la même ligne que lui, j’ai eu une très grande liberté d’action. »

    Si le président se méfie des militaires (et plus encore des policiers), il a confiance en cet homme rompu aux circonvolutions diplomatiques. Après sa carrière militaire, M. Lanxade bénéficiera d’ailleurs d’une promotion rare : il deviendra ambassadeur de France en Tunisie (1995-1999).

    « L’action d’hier » et l’« inaction d’aujourd’hui »

    En attendant, en ce printemps 1994, Mitterrand lui délègue toutes les opérations militaires, y compris les contacts politiques nécessaires à l’exercice de ses fonctions. D’une certaine manière, son rôle est plus important que celui du ministre de la défense dans la conduite de la guerre. En fin connaisseur du dossier rwandais, M. Lanxade propose trois options pour intervenir. Celle retenue passe par l’aéroport de Goma, au Zaïre (l’actuelle République démocratique du Congo) voisin. Son objectif : investir et contrôler la zone tenue par les FAR (les forces génocidaires), soit environ la moitié du pays. En apparence, il s’agit bien d’une opération humanitaire. En réalité, ses buts, tels qu’évoqués dans le dossier, sont plus larges : « L’arrêt des massacres, la sauvegarde des réfugiés et l’interruption de l’extension du conflit. » Et Lanxade d’ajouter, sibyllin : « Du point de vue français, il faut éviter que nous soient reprochées et l’action d’hier et l’inaction d’aujourd’hui. » Sous cette formule se cache toute l’ambiguïté de la politique française au Rwanda.

    « L’inaction d’aujourd’hui », c’est l’immobilisme désespérant de la communauté internationale. De fait, personne n’est intervenu pour stopper le génocide depuis son déclenchement, début avril. Personne, sauf les rebelles du FPR qui, village après village, contemplent avec stupeur le désastre des fosses communes laissées par les bourreaux.

    « L’action d’hier », c’est un soutien français sans faille au régime en place. Un soutien qui est allé de la fourniture d’armes lourdes à l’instruction des troupes, en passant par la mise à disposition de conseillers militaires issus des forces spéciales françaises (1er RPIMa, 8e RPIMa). Dans la continuité de cette politique, il est logique, aux yeux des « faucons » parisiens, d’aider les alliés de la France, même s’ils se sont transformés en gouvernement du génocide.

    *Sauvegarde du pouvoir « ami »

    « Une action initiale sera conduite sur la zone de Cyangugu avant un engagement éventuel en direction de Kigali », est-il précisé dans le document de l’amiral Lanxade. L’objectif militaire ultime est donc la capitale, où les rebelles du FPR resserrent chaque jour leur étau sur les forces gouvernementales. En cherchant à se rendre à Kigali, l’état-major français et le cercle rapproché de François Mitterrand entendent avant tout figer les fronts, et du même coup éviter l’effondrement des FAR et des miliciens ; bref, empêcher la victoire des rebelles. Le but, au fond, n’est pas de stopper le génocide : Paris sait que l’essentiel des massacres a déjà été commis dans la capitale et qu’il n’y a presque plus de Tutsi à sauver. L’important semble plutôt être la sauvegarde du pouvoir « ami ».

    Pour mener à bien cette mission, l’amiral dispose d’un atout : le Commandement des opérations spéciales (COS), placé sous sa responsabilité directe. Composé de l’élite des forces spéciales (parachutistes des troupes de marine, GIGN, commandos de l’air et de la marine…), ce nouveau corps de l’armée française a pour rôle « d’ouvrir les portes » avant une opération. En clair, faire du renseignement sur le terrain, mais aussi mener de discrètes actions commandos. Dès le départ, « Turquoise » est donc une opération schizophrène : stopper les massacres d’un côté et, dans le même temps aider le régime des bourreaux. Les soldats « réguliers » protégeront les civils menacés, tandis que les forces spéciales, « irrégulières », feront le sale travail, c’est-à-dire l’aide au gouvernement contre les rebelles.

    Le premier officier à atterrir sur la piste de Goma le 19 juin – avant même que le Conseil de sécurité de l’ONU ne donne son feu vert à l’opération « Turquoise » – s’appelle Jacques Rosier, « Romuald » de son nom de code. C’est un parachutiste, patron du détachement du COS. Dix hommes sur les 222 prévus l’accompagnent. Ancien chef de corps du 1er RPIMa, l’un des officiers les plus titrés de l’armée de terre, Rosier a déjà à son actif deux missions au Rwanda, où il a combattu le FPR de Kagame en 1992 puis en 1993. Il connaît par cœur les officiers supérieurs rwandais ; certains sont même ses amis. « Entre le 20 et le 22 juin, en attendant le reste de mes unités, j’ai pris différents contacts », explique-t-il aux policiers qui l’interrogent, le 13 septembre 2007, dans le cadre d’une instruction pour « complicité de génocide » sur plainte de six rescapés des massacres, qui accusent la hiérarchie militaire française de « complicité de génocide » et « complicité de crime contre l’humanité ».


    Arrivée des militaires français au camp de réfugiés Hutu de Butare, au sud du Rwanda, le 3 juillet 1994.

    Des soldats français aux côtés des soldats rwandais

    Parmi les « contacts » du colonel figurent divers ministres du gouvernement génocidaire, dont celui de la défense, et les principaux chefs militaires de l’armée nationale en déroute. S’il ne ment pas aux enquêteurs, M. Rosier ne dit pas non plus toute la vérité. Dans son rapport de fin de mission, il a livré un indice sur certains aspects de son travail : « Etant encore seul sur zone, le détachement effectuait également quelques missions d’extractions dans la région de Gisenyi [ville rwandaise située en face de Goma, de l’autre côté de la frontière]. » Sans davantage de précisions sur ces « extractions ».

    Avant l’arrivée dans la région du reste des troupes et de la presse, Rosier a quelques jours pour extraire des « sonnettes », des soldats français ayant passé la période du génocide auprès de leurs homologues rwandais. Combien sont-ils ? « Une dizaine », selon le général Quesnot, interrogé en 2006 par Olivier Lanotte, un chercheur belge qui avance pour sa part le chiffre d’une « bonne vingtaine de conseillers et techniciens, tous des volontaires ».

    L’information circule jusqu’à New York, si l’on en croit l’ambassadeur néo-zélandais auprès de l’ONU, Colin Keating. Le 21 juin, celui-ci écrit aux autorités de son pays : « Une information intéressante que nous avons apprise du secrétariat cet après-midi est que le FPR affirme que des conseillers militaires français sont restés dans le pays et qu’ils ont formé certaines des milices hutu. Certains sont à la campagne, mais d’autres sont à Kigali. »

    Quelle était la mission de ces fantômes ? Ont-ils conseillé des ministres, formé des militaires ? Ou bien participé aux opérations ? Ou encore fait du renseignement en temps réel ? Impossible d’avoir des certitudes, sinon qu’ils ont soutenu et accompagné les FAR depuis le début des massacres. De son côté, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, service de renseignements extérieurs) a mis en place un dispositif distinct, composé de clandestins, infiltrés sous couverture jusqu’au centre de Kigali pour renseigner leur hiérarchie à Paris.

    Livraisons d’armes « défensives »

    Le colonel Rosier a d’autres objectifs secrets, dans la continuité de la politique française dans ce pays. Parmi eux, les livraisons d’armes. Là encore, le sujet est si délicat que le général Quesnot, en poste à l’Elysée, adresse une note au président de la République le 25 juin 1994 : « Le coût total des équipements et des munitions cédés aux armées et à la gendarmerie rwandaises au cours des trois dernières années s’élève à 54,8 millions de francs. (…) Les armes et munitions données par la France consistaient exclusivement en matériel de guerre lourd de nature défensive destiné à arrêter l’offensive du FPR. Nous n’avons livré aucune arme individuelle qui ait pu être utilisée ultérieurement dans les massacres (et a fortiori, aucune machette). »

    Ici, le général Quesnot joue sur les mots et sur la « nature défensive » du matériel, car outre l’artillerie (canons de 105 mm, radars et obus), la France a fourni des mitrailleuses (12,7 mm) et leurs cartouches. D’autres pays ont été sollicités pour fournir le reste : l’Egypte, Israël et l’Afrique du Sud ont livré à Kigali des obus de mortiers et des lance-roquettes. Enfin, la liste du général n’est pas tout à fait exhaustive, comme le prouvent les archives de la Mission militaire de coopération, en annexe du rapport de la Mission d’information sur le Rwanda de 1998. Rien qu’en 1992, 20 000 mines anti-personnelles et 700 000 cartouches de 5,56 mm ont été autorisées à l’exportation, sans compter les émetteurs-récepteurs, les appareils de vision nocturnes, les parachutes. En 1993 : 250 pistolets de 9 mm, 530 fusils d’assaut, des milliers de munitions de mortier 120 mm.

    Le 17 mai 1994, l’ONU finit par décréter un embargo sur les armes. Dès lors, toute fourniture de matériel militaire peut relever de la « complicité de crime contre l’humanité ». A plusieurs reprises, en mai et juin, des émissaires du régime de Kigali viennent néanmoins à Paris présenter leurs doléances. Ils ont besoin d’armes, y compris pour exterminer les Tutsi. C’est l’une des idées reçues sur ce génocide : il serait principalement l’œuvre de miliciens armés de machettes. Faux : les machettes sont à l’origine de la mort de 36 % des victimes recensées. La plupart des tueries de groupe, dans les églises, les écoles, sur les collines, ont été faites par des hommes en uniforme, à coups de grenades, de fusils, d’armes automatiques. Les miliciens se sont chargés de « finir le travail ».

    Mercenaires et marchands d’armes

    Quand tombe la nouvelle de l’embargo, il devient donc crucial, pour les génocidaires, d’organiser des circuits parallèles d’approvisionnement en armes. D’après l’organisation humanitaire Human Rights Watch, au moins cinq chargements destinés aux FAR ont été débarqués sur l’aéroport de Goma entre mai et juillet 1994. Les circuits du mercenariat sont également mis à contribution. L’ex-gendarme du GIGN et de l’Elysée Paul Barril et le célèbre mercenaire Bob Denard sont sollicités. Barril signe un contrat d’assistance et de service pour plus d’un million de dollars : il fournira bien des mercenaires, mais pas les armes et munitions pourtant prévues en quantité.

    Des trafiquants d’armes s’activent eux aussi en coulisse. Considéré comme le cerveau du génocide, le colonel Théoneste Bagosora orchestre le tout. Des avions-cargos déchargent à Goma leurs cargaisons d’armes, aussitôt transférées vers Gisenyi, côté rwandais, puis vers les camps de réfugiés hutu installés au Zaïre après la débâcle des FAR. Or, Gisenyi et l’aéroport de Goma sont entièrement sous le contrôle du dispositif « Turquoise » : à défaut de les initier, l’armée française ferme donc les yeux sur ces trafics.

    Dans le même temps, l’un des objectifs demeure la capitale, Kigali. Le général Quesnot, à l’Elysée, et les plus hauts responsables de l’armée française sont convaincus que « le FPR n’a pas les moyens militaires de contrôler l’ensemble du pays ». Cette analyse est une erreur majeure : elle sous-estime la vitesse de progression des rebelles. Le 30 juin, au moment même où le dispositif français est prêt à passer à l’action, Paris se résout à abandonner l’option Kigali. Interrogé par Le Monde, l’amiral Jacques Lanxade conteste aujourd’hui cette présentation des faits, malgré l’accumulation d’indices. Pour lui, « il n’a jamais été question d’aller jusqu’à Kigali. On ne pouvait pas y aller, assure-t-il, c’était se mettre au milieu des combats ».

    Des soldats français capturés ?

    Le tableau de la stratégie française serait incomplet sans la liste des incidents entre le COS et les rebelles de Kagame : accrochages, embuscades… Parmi les zones d’ombre de l’opération « Turquoise », figure ainsi un épisode jusqu’ici méconnu : la capture, en juillet 1994, de soldats français par les troupes du FPR. L’épisode est révélé par Paul Kagame lui-même, dans le documentaire Inkotanyi de Christophe Cotteret, programmé le 10 avril sur Arte.

    Dans ce film, celui qui est désormais président du Rwanda, raconte comment ses hommes ont piégé le COS, autour du 15 juillet, en lisière de la zone humanitaire sûre (ZHS). « On a capturé vingt-trois soldats français, on les a encerclés, indique M. Kagame. On les a pratiquement utilisés pour marchander en disant : “C’est notre pays et nous allons entrer sur ce territoire, que vous le vouliez ou non. Donc, si vous acceptez de nous laisser entrer, parce que c’est notre pays, je n’ai aucun problème à laisser ces gens [les hommes du COS] partir”. Cela nous a vraiment aidés à résoudre le problème. » Très vite, l’Elysée aurait accepté l’échange de ces prisonniers contre l’engagement de restituer la ZHS le 18 août, laissant ainsi les mains libres au FPR pour prendre le contrôle de ce territoire.

    La capture de soldats français n’a jamais été reconnue officiellement. L’amiral Lanxade la nie. En « off », plusieurs officiers français confirment sa réalité tout en la qualifiant de « non-événement ». L’embarras des uns et des autres trahit une vérité inavouable : depuis que la justice cherche à percer les secrets de « Turquoise », la zizanie règne entre les anciens frères d’armes.

  • Rwanda : « On était venus empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/03/15/rwanda-on-etait-venus-empecher-la-victoire-de-ceux-qui-combattaient-les-g

    Guillaume Ancel, capitaine de l’armée française en 1994, a participé à l’opération « Turquoise ». Il publie aujourd’hui un livre sur cette intervention qui, d’après son témoignage, visait à protéger le gouvernement rwandais en déroute.

    C’est un soupçon monstrueux qui ne cesse de ressurgir, depuis près de vingt-cinq ans : la France a-t-elle déclenché une opération humanitaire dans un pays d’Afrique avec comme but inavoué de sauver un gouvernement qui venait tout juste de massacrer près d’un million de personnes ? L’accusation peut paraître énorme. Elle revient pourtant régulièrement, comme un serpent de mer qui interroge, encore et encore, le rôle pour le moins ambigu de la France lors du génocide qui s’est déroulé au Rwanda en 1994.

    Cette année-là, dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs, une extermination est déclenchée contre la minorité tutsie du pays. Pour y mettre un terme, alors que la communauté internationale a vite plié bagage, il n’y aura que l’offensive d’un mouvement rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR), formé quatre ans plus tôt par des exilés #tutsis. Contre toute attente, le #FPR fait reculer le gouvernement génocidaire. Et c’est au moment où le FPR semble proche de la victoire finale que la France décide soudain d’intervenir. Sous label « humanitaire ». Guillaume #Ancel y était. Officier intégré dans une unité de la Légion étrangère, il a participé à cette opération « #Turquoise », dont il raconte la face cachée, dans le livre qu’il publie aujourd’hui (1).

    Depuis que vous avez quitté l’armée en 2005, et même encore récemment, vous avez souvent témoigné sur l’opération Turquoise. Pourquoi publier encore un livre aujourd’hui ?
    Pour empêcher que le silence ne devienne amnésie, et sur les conseils d’un historien, Stéphane #Audoin–Rouzeau, qui m’a aidé à écrire ce livre. C’est le témoignage écrit cette fois-ci, de ce que j’ai vécu, ce que j’ai vu. En nous envoyant là-bas, personne ne nous a briefés avant le départ. On ne savait rien. C’est totalement inédit dans les pratiques de l’armée. Et ce n’est qu’en arrivant sur place qu’on a compris : en guise « d’action #humanitaire », on était d’abord venus pour stopper le FPR, donc empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires. Qu’on a tenté de remettre au pouvoir, puis qu’on a aidé à fuir, avant de les réarmer de l’autre côté de la frontière au Zaïre [aujourd’hui république démocratique du Congo, ndlr]. C’est comme si à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le corps expéditionnaire français avait été envoyé aux côtés des nazis pour stopper, par exemple, l’avancée des troupes russes. En aidant les nazis à se réarmer, faute d’avoir pu finalement les réinstaller au pouvoir. L’opération Turquoise a été menée « au nom de la France ». Mais vingt-quatre ans plus tard, on refuse toujours d’en ouvrir les #archives. Pour quelle raison, si ce n’était qu’une simple opération humanitaire ?

    Au sein de l’armée il y a d’autres témoignages qui contredisent le vôtre…
    En réalité, il y a surtout très peu de témoignages. Beaucoup se taisent car il existe une culture du silence dans l’armée française, qu’on ne retrouve pas d’ailleurs chez les Anglo-Saxons. Il y a pourtant cet ancien officier du GIGN qui a raconté l’horreur d’avoir compris qu’il avait formé des troupes qui commettront ensuite le génocide. Parmi les anciens de Turquoise, certains, en revanche, répètent la parole officielle, par peur d’être mis en cause. Mais il y a aussi cet ancien commandant de marine qui, lui, explique clairement qu’il était là pour aider ceux qui commettent les massacres ! J’ai également des camarades qui avaient écrit au ministre de la Défense, à l’époque de l’opération, pour dénoncer le réarmement des troupes génocidaires en déroute. Ils se sont fait tacler.

    Mais pour quelle raison la France se serait-elle fourvoyée dans ce bain de sang ?
    Aucun responsable ne s’est réveillé un matin, en se disant « tiens je vais aider ceux qui commettent un #génocide ». Mais il y a eu une part d’aveuglement, dans le cercle étroit autour du président François #Mitterrand. Quand le génocide commence, la France vient de passer quatre ans aux côtés du régime rwandais. Sur place on a vu le fichage des Tutsis, on a su pour l’entraînement des miliciens, les premiers pogroms, simple répétition du « grand soir ». Et on n’a pas réagi. En revanche dès le début du génocide, des divergences apparaissent au sein même des services de renseignements : la #DGSE pointe tout de suite la responsabilité du pouvoir en place dans l’organisation de massacres et conseille de s’en dissocier. Puis, la direction du renseignement militaire va contredire cette analyse, tenter de détourner l’attention sur la responsabilité du FPR dans l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal #Habyarimana [attentat du 6 avril 1994, considéré comme l’événement déclencheur du génocide] avec une photo de missiles qui avait tout d’une manip.

    Or quand l’avion du président Habyarimana est abattu, après des mois de tensions, ce dernier venait justement d’accepter de partager le pouvoir avec le FPR. Au fait, pourquoi n’a-t-on jamais retrouvé la boîte noire ? L’un des premiers sur les lieux du crash, c’est un officier français : Grégoire de Saint Quentin. Mais quand je l’ai rencontré et que je lui ai demandé ce qu’était devenue la boîte noire, il s’est brusquement refermé comme une huître. Il n’est pas en cause, on lui a ordonné de se taire.

    Vous refusez d’accuser vos anciens compagnons d’armes, qui n’auraient fait qu’« obéir aux ordres », mais vous évoquez aussi ce prisonnier qui aurait été jeté d’un hélicoptère pendant l’opération Turquoise. Est-ce que l’armée n’est pas parfois hors contrôle dans ces opérations ?
    C’est un cas particulier. Une équipe qui, je pense, a disjoncté toute seule. Pour le #Rwanda, ce qui est inquiétant, c’est ce lourd silence qui continue à s’imposer, et la gravité des faits qui pourrait impliquer une complicité de génocide. Mais aujourd’hui, alors que les questions sécuritaires sont de plus en plus fortes, on est de moins en moins informé sur les opérations militaires, en #Afrique notamment. Sur le moment c’est parfois périlleux de dévoiler les détails d’une opération. Mais après coup ? Si l’opinion, les médias, ne se montrent pas plus exigeants sur ce qui est fait en notre nom à tous, c’est la démocratie qui est en péril.
    (1) Rwanda, la fin du silence (éditions les Belles Lettres), 21 euros
    Maria Malagardis

    En parlant de soupçon au début de l’interview c’est comme si Libération découvrait ce que de nombreux livres, chercheurs et témoignages n’ont cessé de répéter depuis plus de 20 ans. Ce ne sont pas des soupçons, ce sont des faits avérés mais niés par les responsables politiques français contre toute évidence. Les mots sont importants.
    #françafrique #armée

    • déjà en 2014…

      Guillaume Ancel. Hanté par Turquoise - Libération
      http://www.liberation.fr/planete/2014/07/02/guillaume-ancel-hante-par-turquoise_1055863

      Il atterrit au bord du lac Kivu, à la frontière du Rwanda et de ce qui était alors le Zaïre (devenu république démocratique du Congo). Finalement, il n’y aura pas de raid sur la capitale. « Mais nous étions bien venus pour nous battre et trouver le moyen de sauver le pouvoir en place alors en pleine débandade », souligne-t-il. Quelques jours plus tard, un deuxième ordre pour stopper la progression des rebelles sera aussi annulé in extremis. « Ce n’est qu’après cette deuxième annulation que l’opération Turquoise devient vraiment humanitaire et qu’on va être encouragés à aller sauver des rescapés », explique-t-il. Il en garde le souvenir de s’être enfin rendu utile : « Chaque vie sauvée était une victoire. »Mais au niveau politique, un certain flou demeure. « On a renoncé à sauver ouvertement le régime génocidaire mais on lui a permis de traverser la frontière. Et on lui a fourni des armes », accuse l’ex-officier qui fut le témoin direct d’une livraison d’armes, « cinq à dix camions qui ont franchi la frontière dans la seconde partie de juillet. Moi, ce jour-là, j’étais chargé de "divertir" les journalistes présents sur place. »

  • RDC : au Kasaï, massacres à huis clos - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2017/12/28/rdc-au-kasai-massacres-a-huis-clos_1619377

    La Fédération internationale des droits de l’homme a recueilli les témoignages glaçants de survivants d’attaques qui ciblent majoritairement l’ethnie #luba, dans une province réputée pour être un foyer d’opposition au régime du président Kabila.

    Lorsque l’infirmier est retourné à l’hôpital, juste après l’attaque, il y a découvert le corps de sa femme. Elle était morte, dénudée, un bâton en bois enfoncé dans son sexe. A proximité, une commerçante qui avait l’habitude de vendre des beignets non loin de l’entrée du centre de santé, gisait sur le sol, éventrée. Deux fœtus avaient été extraits de son ventre et découpés à la machette. Un médecin qui a survécu au massacre racontera avoir découvert « une montagne de cadavres » à l’intérieur de l’hôpital. Et, notamment, « des hommes émasculés, dont le pénis avait été déposé sur leur front ». Ce jour-là, à Cinq, un simple village situé dans le sud de la république démocratique du Congo (RDC), près d’une centaine de personnes ont trouvé la mort dans des conditions atroces, rien qu’à l’hôpital. La salle d’opération a été incendiée alors que 35 patients se trouvaient à l’intérieur. A la maternité, une dizaine de femmes ont été massacrées, dont deux qui avaient accouché le matin même, et dont les bébés n’ont pas été épargnés. Mais l’hôpital n’a pas été le seul lieu du carnage, et c’est en réalité tout le village de Cinq, à peine 10 000 habitants, qui a été soudain plongé dans un bain de sang ce 24 avril. Il y a déjà sept mois.

    « Chaos organisé »

    Personne n’aurait entendu parler de ce massacre à huis clos si les enquêteurs de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) n’avaient recueilli les témoignages des survivants qui ont fui de l’autre côté de la frontière, en Angola. « Une femme de 50 ans a raconté l’exécution de douze membres de sa famille, tués par balle et à coups de machettes. […] Une autre femme de 41 ans a indiqué que six de ses enfants et quatre de ses petits-enfants ont été exécutés, certains par balle, d’autres à coups de machettes et de couteaux », décrivent ainsi les enquêteurs de la FIDH, dans un rapport accablant publié fin décembre. Et Cinq n’est qu’un exemple parmi d’autres massacres, restés eux aussi impunis. « C’est simplement celui pour lequel nous avons le plus de témoignages », explique-t-on à la FIDH, dont le rapport vise d’abord à dénoncer « le chaos organisé » qui, depuis plusieurs mois, déstabilise tout le #Kasaï. Cette province grande comme le Portugal est réputée depuis longtemps être un foyer d’opposition au régime du président Joseph Kabila.

    Aujourd’hui, les enquêteurs de la FIDH sont formels : après avoir identifié une cinquantaine de noms, ils accusent « les forces armées congolaises et les miliciens progouvernementaux de Bana Mura », une milice soudain apparue début 2017, d’avoir orchestré le massacre de Cinq, comme de plusieurs autres localités du Kasaï.

    Dans quel but ? « Affaiblir une région où la population est hostile au président #Kabila et empêcher la tenue des élections l’an prochain. Elles ont déjà été reportées cette année sous prétexte que le recensement électoral était impossible, notamment au Kasaï, dans un tel contexte d’insécurité », accuse Paul Nsapu, secrétaire général de la FIDH pour l’Afrique. Aujourd’hui exilé à Bruxelles, ce Congolais a fait partie de la mission dépêchée en Angola auprès des réfugiés du Kasaï. Une région qu’il connaît bien, puisqu’il y est né et y a grandi.

    « Éradication »

    Il semble que l’immense majorité des victimes appartient à l’ethnie luba. Ce n’est pas un hasard : le gouvernement congolais assimile désormais tous les Lubas aux « Kamuina Nsapu », du nom d’une chefferie locale dont les membres ont pris les armes après l’assassinat de leur chef coutumier en août 2016. Ce dernier, Jean Pierre Mpandi, un médecin revenu d’exil en Afrique du Sud après avoir été désigné à la tête des Kamuina Nsapu, avait refusé de faire allégeance au président Kabila. Mais son meurtre, loin de dissuader ses fidèles, les a au contraire conduits à s’attaquer aux symboles de l’Etat dans une véritable guérilla, qui a aussi fait son lot de victimes depuis un an. « Face à cette insurrection, le régime de Kinshasa a noyauté toutes les administrations en écartant ceux qui sont hostiles au pouvoir, mais aussi les Lubas, soupçonnés de sympathie pour les rebelles », explique encore Paul Nsapu. Dans ce cycle d’attaques et de représailles sans fin, les #massacres orchestrés dans certaines localités viseraient ainsi, pour la FIDH, à instaurer un climat de terreur, censé affaiblir « les forces négatives », selon la formule employée à Kinshasa.

    « Mais à Cinq, comme ailleurs, il ne s’agit plus seulement de faire peur. C’est une véritable stratégie d’éradication qui a eu lieu », souligne Tchérina Jerolon, responsable adjointe du bureau Afrique de la FIDH.

    Depuis son indépendance, en 1960, la RDC, autrefois baptisée Zaïre, a rarement été un pays tranquille. Aussi vaste que l’Europe de l’Ouest, ce géant toujours instable a été depuis plus d’un demi-siècle « violé, pillé, ravagé, ruiné, corrompu, sanguinaire, dupé, ridiculisé, réputé sur tout le continent pour son incompétence, sa corruption et son anarchie », écrivait, en 2006, le romancier britannique John Le Carré dans le Chant de la mission. Paul Nsapu n’a d’ailleurs pas oublié « les tentatives des colons belges de retarder leur départ en suscitant eux aussi des foyers d’instabilité au Kasaï et au Katanga, toujours grâce à la manipulation des ressentiments ethniques ».

    Mais sur la base des informations recueillies en Angola, les enquêteurs de la FIDH sont en mesure d’affirmer que les massacres perpétués ces derniers mois placent le curseur encore plus haut dans l’échelle des violences auxquelles ce pays est accoutumé : ils relèveraient en effet désormais d’une « stratégie de planification et d’extermination, constitutive de crimes contre l’humanité », insiste Safya Akorri, l’avocate de la FIDH, qui envisage de solliciter la Cour pénale internationale (CPI).

    De nombreux témoignages recueillis en Angola évoquent en effet des « réunions destinées à préparer les tueries ». Et notamment à Cinq, où la FIDH a identifié au moins sept responsables locaux, accusés d’avoir rassemblé les représentants des communautés qui ne sont pas Lubas et de les avoir radicalisés en désignant un ennemi de circonstance : les Lubas, soudain « désignés comme des étrangers qui ont volé des terres », affirme le rapport de la FIDH.

    Les rescapés se rendront d’ailleurs compte après l’attaque que la plupart des familles tchokwé, pende et tetela avaient quitté le village quelques jours auparavant. Comme s’ils savaient ce qui allait se produire dans ce petit village où les communautés vivaient jusque-là en bonne entente. Seuls certains hommes reviendront le jour du massacre, pour assister les tueurs. Lesquels auront pris soin, toujours selon les témoignages recueillis, de bloquer toutes les sorties du village, afin d’éliminer ceux qui auraient tenté de s’échapper.

    « Boucs émissaires »

    Dans une région d’Afrique, qui reste hantée par le génocide au Rwanda en 1994, ces massacres à huis clos rappellent de mauvais souvenirs. La FIDH, qui avait en son temps dénoncé les signes avant-coureurs du génocide rwandais, en est pleinement consciente. Ici aussi, comme au Rwanda à l’époque, « le gouvernement semble avoir désigné des groupes ciblés devenus des boucs émissaires pour justifier son maintien au pouvoir », croit savoir Paul Nsapu.

    Comment évaluer l’étendue du désastre ? La mission de la FIDH a été dissuadée de se rendre au Kasaï même, se contentant des témoignages des réfugiés de l’autre côté de la frontière.

    Les autorités de Kinshasa refusent d’accueillir des missions d’enquête internationales indépendantes. Et l’assassinat, en mars, de deux experts occidentaux de l’ONU a refroidi les velléités de ceux qui veulent faire la lumière sur ce qui se passe réellement au Kasaï. Michael Sharp et Zaida Catalán ont été tués lors d’une mission sur le terrain dans cette région où 87 fosses communes ont été découvertes. Kinshasa avait immédiatement accusé les Kamuina Nsapu de ce double meurtre.

    « Témoins gênants »

    Pourtant, mi-décembre, une enquête conjointe menée par la radio RFI et l’agence de presse Reuters était en mesure de révéler que la mission des deux experts a été infiltrée dès le départ par deux agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Lesquels auraient persuadé les Occidentaux de se rendre dans une zone, pourtant déconseillée par les interlocuteurs locaux. Ces conseils de prudence n’ont pas été traduits et rapportés aux experts pendant une séance préparatoire, par chance enregistrée, et dont les journalistes ont pu avoir le compte rendu. « Après la découverte des corps, sous la pression internationale, les autorités ont procédé à des arrestations et ont organisé un procès, actuellement suspendu. Mais ce ne sont pas les vrais coupables qui se retrouvent face aux juges. Juste des sous-fifres. L’ANR manipule tout, et elle fait disparaître les protagonistes comme les témoins gênants », accuse Paul Nsapu, qui voit dans l’explosion du Kasaï la confirmation d’une dérive qui gangrène tout le pays. « Ces horreurs résultent d’une situation politique et sécuritaire qu’on retrouve en réalité sur tout le territoire congolais. Et notamment dans l’est du pays, en Ituri, autour de la ville de Beni, où les massacres sont récurrents. Même chose dans le nord du Katanga, où des foyers d’insécurité sont apparus et où l’armée exacerbe les conflits ethniques », énumère le secrétaire général de la FIDH Afrique. Et de conclure : « Chaque jour, nous entendons des cris venus de ce pays. Pour dire qu’on a enlevé quelqu’un, qu’un autre a été arrêté ou qu’il a disparu. Quand est-ce qu’on va enfin réagir pour mettre un terme à ce cauchemar ? »
    Maria Malagardis

    #Congo #RDC

  • La défense torpille les certitudes de l’accusation et plaide la relaxe envers l’« indic » Claude Hermant
    http://www.lavoixdunord.fr/219140/article/2017-09-16/la-defense-torpille-les-certitudes-de-l-accusation-et-plaide-la-relaxe-

    Pour l’avocat de Claude Hermant, un « indic » des douanes puis des gendarmes poursuivi pour trafic d’armes en bande organisée, dont six ont servi à Amedy Coulibaly dans l’attentat de l’Hyper Cacher, a plaidé samedi à Lille la relaxe de son client. Le jugement a logiquement été mis en délibéré. Décision dans trois semaines.

    Claude Hermant, 54 ans, figure de l’extrême droite identitaire lilloise, en détention provisoire depuis janvier 2015, est le principal mis en cause dans cette méandreuse affaire comptant dix prévenus et portant sur quelque 500 armes , jugée en correctionnelle après deux ans et demi d’instruction.

    Sept heures de plaidoirie sans pause déjeuner : le dernier jour du procès de Claude Hermant et de ses présumés complices a connu un épilogue étonnant. Ce n’est pas la seule raison pour laquelle les conseils de la défense ont avoué être restés sur leur faim. Non.

    « C’était le bal des faux culs »

    C’est plutôt sur la qualité des débats et, notamment, de la déposition des gendarmes entendus à huis clos. « C’était le bal des faux culs, ils nous ont pris pour des truffes » , a ainsi résumé en termes colorés Me Maxime Moulin, l’avocat de Claude Hermant, lequel a toujours affirmé avoir travaillé pour la gendarmerie à infiltrer le milieu. « Quand on ment sous serment, ça s’appelle un parjure », a grondé Me Chérifa Benmouffok, avocat de Samir Ladjali, accusé d’être le maillon entre Hermant et Coulibaly, l’auteur de l’attentat de l’Hyper Casher.

    Me Muriel Cuadrado pouvait bien sourire. « C’est la première fois dans ma carrière, qui est pourtant longue, que je vois la police téléphoner à un présumé gros trafiquant d’armes de guerre pour qu’il se présente le lendemain de lui-même dans leur service ! En fait, il s’agissait surtout de prévenir Claude Hermant pour qu’il s’enfuit le plus loin possible. Au Congo, par exemple. C’est clair qu’on a voulu protéger l’institution après la tuerie. »

    « Qu’on m’apporte une preuve »
    Sinon, l’accusation en a pris pour son grade dans des proportions aussi larges que celles des épaules de Claude Hermant. « Cette affaire, a torpillé Me Benmouffok, est une insulte à notre démocratie, à notre constitution, à notre code et à nos valeurs. » C’était dit. Dès l’heure du petit-déjeuner, Me Pascal Leroy avait planté le décor : « Qu’on m’apporte une preuve, une seule preuve, il n’y a rien, que des estimations. » Ce à quoi Chérifa Benmouffok ajoutait : « je n’ai vu et entendu que des sous-entendus, c’était truffé de contradictions, absurbe et ubuesque. » Conseil d’Aurore Joly, la compagne d’Hermant, Me Guillaume Ghestem s’interrogeait lui-aussi : « j’aurais aimé qu’on me démontre où se trouve l’association de malfaiteur ? »

    Premier avocat à être entré dans ce dossier il y a près de trois ans et dernier à plaider ce samedi, Maxime Moulin a, comme ses confrères, entraîné le tribunal sur le terrain du doute. Et principalement sur celui des armes de son client qu’il qualifiait « d’objets juridiques non identifiés. »

    Ce très long plongeon dans les abysses du droit communautaire aura-t-il été efficace ? Marc Trévidic et ses assesseurs le diront lundi 9 octobre à 14 h.
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    Dix ans de prison requis contre Claude Hermant
    http://www.lavoixdunord.fr/218486/article/2017-09-15/dix-ans-de-prison-requis-contre-claude-hermant

    « Manipulation, immense escroquerie, mensonges… » Il s’agit d’un procès pour trafic d’armes. Claude Hermant, ancien animateur du lieu de vie identitaire la Maison Flamande, est soupçonné d’en avoir importé au moins 250 armes entre 2013 et 2015.
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    Le Lillois a, dit-il, été un indicateur de la gendarmerie. Fort de ce statut, le prévenu a fourni des armes à des membres de la pègre afin de mieux infiltrer celle-ci. « Il y aurait donc déni de la collaboration de Claude Hermant à l’œuvre de justice », ironise le magistrat.
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    près de soixante vidéos de rencontres avec des enquêteurs auraient été réalisées. « Au final, il n’y en a qu’une » , rappelle le procureur. Celle-ci représente un douanier filmé à son insu, également poursuivi pour avoir acquis une arme à « titre personnel », ayant utilisé Hermant comme informateur.
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    « Hermant a été aviseur des douanes de 2010 à 2012, rappelle Jean-Philippe Navarre. Pour combien d’affaires ? Zéro. »
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    il a été indicateur très actif de la gendarmerie, laquelle l’aura finalement lâché par peur des ricochets des attentats de Paris de janvier 2015. Au moins cinq armes passées par le système nordiste ont, estiment les enquêteurs, atterri dans les mains d’Amedy Coulibaly.
    . . . . .
    Selon Hermant, les gendarmes lui ont donné un accord pour « travailler sur Samir L. », également dans le box. « Dans les rapports de contact (rédigés par les militaires), dans les mails (échangés par les enquêteurs et leur indicateur), le nom de Samir L. n’est pas cité une seule fois »
    . . . . .
    Hermant, un infiltré ? « De la poudre de perlimpinpin !
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    dix ans de prison demandées contre Claude Hermant.
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    Claude Hermant, au fil des audiences
    http://www.lavoixdunord.fr/218720/article/2017-09-15/claude-hermant-au-fil-des-audiences
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    À 54 ans, Claude Hermant présente un CV aussi impressionnant que sa carrure d’Hercule. Le patron de la Frite rit, rue Solférino, assure avoir été mercenaire. Pour avoir guerroyé en Croatie dans les années 1990 ou encore au Zaïre (actuel République démocratique du Congo). Le Lillois se présente également comme un ancien du DPS, le service d’ordre du Front national. Enfin, cet ancien animateur du lieu de vie identitaire la Maison Flamande est fiché S
    . . . . . .
    Incarcéré depuis début 2015, cet étrange prévenu au casier judiciaire vierge assure avoir été lâché par la section de recherche de la gendarmerie. Hermant jure avoir travaillé avec ses enquêteurs. Mission : faire venir de Slovaquie des armes de guerre démilitarisées pour les revendre à des truands.
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    Une partie de cet arsenal atterrira entre les mains d’Amedy Coulibaly. Et là, grosse panique chez les gendarmes qui lâchent Hermant. Voilà la version hurlée par ce dernier depuis son interpellation.

    Quand il prend enfin la parole face à un enquêteur ayant été son officier traitant, c’est (surprise !) pour défendre un douanier (également poursuivi) qu’il aura filmé (à son insu) manipulant une arme de guerre. « À une époque, je me méfiais de lui, lance le prévenu aux juges. Ce n’est plus le cas. Je m’aperçois qu’il était malmené par sa hiérarchie. » Douanier ou gendarmes, ses ex-agents traitants sortent secoués de leur interrogatoire.
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    « Je suis un spécialiste de l’infiltration », insiste Hermant. Et de donner l’exemple d’un trafic d’armes qu’il aurait aidé à démanteler il y a quinze ans. D’extrême droite, Hermant ? « J’ai infiltré des réseaux nazis pour les casser, assure le Lillois. L’idéologie nazie, je la vomis. L’idéologie d’extrême droite, je la vomis. L’idéologie d’extrême gauche, je la vomis ! » On passe de la nébuleuse au brouillard.

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    #claude_hermant #extréme_droite #armes #Amedy_Coulibaly #Hyper_Cacher #attentats #police #douane #indicateurs #balance #ultradroite_lilloise #Trevidic #identitaires #Lille #troisième_voie #Hervé_Rybarczyk #Ashtones #gendarmes #douaniers #La_citadelle #collusion #etat_d’urgence #charlie_hebdo #Facholand

  • Trois ambassadeurs des pays baltes se plaignent que le journal Le Monde persiste à qualifier les Pays baltes « d’ex républiques soviétiques »

    Французская Le Monde назвала Латвию бывшей советской республикой. Газету попросили больше этого не делать

    http://www.gorod.lv/novosti/285486-frantsuzskaya-le-monde-nazvala-latviu-byvshei-sovetskoi-respublikoi-gaz

    Cet article a suscité beaucoup d’intérêt et de commentaires très intéressants sur un post de Céline Bayou sur FB ?. J’ai trouvé dommage que ce ne soit pas ici, et pour les seenthisiens qui n’ont pas de compte FB, je reproduis l’essentiel du débat (passionnant) touchant à la question de la mémoire historique, de la réécriture de l’histoire, de la perception des événements et de ce qu’on veut en dire.

    Il s’agit d’une question très importante puisqu’elle est liée à la mémoire historique d’une part, et à la perception et/ou interprétation des événements historiques selon le point de vue des victimes ou des « accapareurs » pour ne pas dire « colonisateur ».

    En l’occurrence, l’article explique que les trois ambassadeurs des trois Pays baltes se sont publiquement offusqué que le journal le Monde persiste à qualifier les Pays baltes « d’anciennes républiques soviétiques ». En Lettonie comme dans les deux autres pays, c’est une question très sensible, et on aimerait bien faire une croix sur cet épisode douloureux de l’histoire des baltes. Les ambassadeurs, dans leur lettres rappellent que les Baltes ne sont pas partis de rien en 1991, ils ont bâti la deuxième indépendance sur les fondements de la première (entre les deux guerres mondiales).

    Ils considèrent avoir été occupés entre 1940 et 1991, position qui révoltent les autorités russes qui estime que l’intégration des baltes à l’URSS était c"conforme au droit international de l’époque" (question de point de vue), et qui rappelle que « l’URSS a industrialisé les Baltes et modernisé leur économie » et qui ne "comprennent’ décidément pas pourquoi les baltes leur demandent l’équivalent de 180 milliard d’euros de compensation pour les dégâts causés pendant la période soviétique...

    A Riga, le musée de la Résistance et de la seconde guerre mondiale est devenue à partir de 1991, le musée de la colonisation russe [soviétique]. D’où l’importance de la terminologie. Comme vous le voyez, c’est compliqué et ultra-sensible.

    Je suis un peu marié avec la Lettonie et lors de mes nombreux voyages dans le pays, je me suis souvent intéressé aux traces, à l’héritage soviétique et comment ça avait marqué le paysage urbain et rural, et ma famille et mes ami·es en Lettonie se moquent toujours de moi (au mieux), ou s’en offusque - au pire :) - en me rappelant que le pays à beaucoup mieux à offrir que ces vieilles reliques, témoins d’un passé douloureux. Elles et ils ont raisons, mais la période soviétique à quand même laissé quelques traces visibles dans la société et dans les paysages.

    Il y a une discussion passionnante dans le post initial (Merci Céline Bayou d’ailleurs d’avoir signalé ce petit texte) lisible là : https://www.facebook.com/celine.bayou.5/posts/10155060538232297 avec des rappels historiques, et des argumentations assez solides sur les positions diverses.

    Quelques extrait de la discussion telle qu’elle apparait Lundi 11 septembre à 9:30 sur FB, et ça mérite toute notre attention, ces questions de terminologie, de perception, d’interprétation sont complètement au cœur de nos préoccupations, et fondamentales lorsque nous devons en faire une restitution cartographique.

    Денис Колесник En France on aime s’attacher au passé et de trouver les phrases d’accroche. Cependant, si le passé de France était plutôt grand cela n’est pas le cas pour plusieurs d’autres pays. En outre, 25 ans après la chute de l’URSS à quoi ça sert de répéter toujours ex-pays sovietique. Cela n’explique plus rien. C’est un atavisme.

    Thornike Gordadze Comme si on disait encore en 1970, « l’Allemagne post-nazie » ou « l’ancien troisième Reich »...

    Jérémy Delaplagne On m’a ri au nez lorsque j’ai soulevé l’idée en projet doctoral : « mais vous ne pouvez pas nier qu’ils ont été soviétique ! »

    Nicolas Auzanneau ... oui, pourquoi pas, si on veut... « en même temps » à ma connaissance, sur la plupart des critères démographiques, culturels et sociaux profonds - rapports hommes-femmes, xénophobie, corruption, droits des homosexuels, alcoolisme, pratiques démocratiques, tolérance, cet espace « post-soviétique » existe encore bel et bien.

    Денис Колесник Espace post-soviétique existe que dans les têtes des gens qui ont inventé ce terme. Les « critères démographiques, culturels et sociaux profonds » sont partout différents, y compris au Japon, aux Etats-Unis, en Islande, etc. Il n’y a aucune justification pour continuer de repeter « post-soviétique » car aucun argument ne tient plus.

    Nicolas Auzanneau L’Union soviétique était une expérience tellement anodine qu’elle n’a laissé aucune trace profonde ? Vous proposez « pays baltes » mais la plupart des spécialistes vous dirons que le principal point commun de ces pays qui en ont guère - et qui coopèrent entre eux de si mauvaise grâce - c’est justement... leur passé soviétique ! Si j’emploie parfois ce terme - et continuerai sans doute à le faire à l’occasion - ce n’est jamais un « argument » (pour démontrer quoi ? à qui ?). On utilise régulièrement pour la France l’expression « d’ancienne puissance coloniale » ou ’d’ancien empire" et ça explique pas mal de choses....

    Денис Колесник Merci pour votre commentaire. Vous êtes bien sûr libre d’utiliser ce que vous voulez même jusqu’à appeller la RDC ex-Zaïre​ cela vous plaît. Est-ce que les pays Baltes ont beaucoup des échanges économiques avec la Russie ? Est-ce que l’Ukraine à beaucoup des échanges économiques avec la Russie ? Les experts vous diront « non ». Comme j’ai déjà dit la France a un grand passé, cependant on n’utilise pas, comme Thornike Gordadze à indiqué, le terme ex-pays Nazi ou ex-Troisième Reich pour appeller l’Allemagne. En outre on n’appelle pas l’Algerie comme ex-colonie française. N’est-ce pas ?

    Stéphane Wojciechowski Je me démarquerai de certains commentaires pour plusieurs raisons.

    La première, c’est que de la part d’un Soviétique comme l’actuel ambassadeur de Lituanie à Paris (quand même ancien agent du MID soviétique après avoir été diplômé du MGIMO en 1982), cela tient à la fois du cri de vierge effarouchée et de l’hôpital qui se moque de la charité.

    La deuxième, c’est que ces pays ont de facto fait partie de l’URSS, que l’on ne peut pas comprendre grand chose à leur position actuelle si on ne l’a pas en tête et que le lecteur du Monde n’a pas forcément systématiquement cette donnée à l’esprit quand il lit ce genre d’analyse. J’espère bien que la rédaction du Monde ne cèdera pas.

    Денис Колесник Il ne suffirait pas de dire tout simplement « les pays Baltes » pour que les lecteurs du Monde puissent les situer ? En outre, il y a des Français qui ont étudié à MGIMO pendant l’URSS et même maintenant. Cela fait d’eux des « ex-soviétiques » ?

    Hania Pietrzyk Le qualificatif de « pays balte » ne suffit pas pour un lecteur lambda.

    Stéphane Wojciechowski Денис Колесник, ne soyez pas naïf ! Vous savez très bien qu’à l’époque soviétique, on n’accédait pas à une institution comme le MGIMO sans avoir été trié sur le volet. De façon générale, pour faire des études supérieures, il fallait être membre du Komsomol mais ce n’est pas à cela que je fais allusion. Car pour aller au MGIMO, cela ne suffisait pas : il fallait être un excellent élément du Komsomol... justement parce que l’on serait amené à côtoyer des étrangers. L’ambassadeur Cekuolis en était forcément un et pendant ses études mêmes, il a nécessairement dû confirmer sa loyauté au régime soviétique pour entamer une carrière au MID. Il est loin d’être le seul à avoir ce genre de parcours (le Premier ministre hongrois Orban en est d’ailleurs un bel exemple, même s’il est moins frappant car Orban est un peu plus jeune).

    Quant à la notion de « pays balte », je vous avoue l’utiliser avec énormément de précaution... justement parce que regrouper ces trois pays dans un même ensemble est un héritage soviétique que les intéressés n’apprécient pas toujours.

    Stéphane Wojciechowski Et quand je parle de « position », il s’agit plus de « posture », d’analyse que de situation géographique.

    Денис Колесник Et une autre chose, je voudrais bien voir dans Le Monde quand on parle de l’Algérie ou d’autres pays de l’Afrique francophone le « ex-colonie française » avant d’aborder le nom du pays. Pourquoi on ne voit pas cette approche envers ces pays dans Le Monde mais « ex-pays sociétique » si. Je rappelle, que l’URSS c’était une occupation, aucun pays situé en Europe n’a pas « adhéré » à l’URSS, mais étainet forcés d’y adhérer par la force.

    Stéphane Wojciechowski Le lecteur lambda du Monde sait généralement très bien quels pays ont été colonisés par la France. Ce n’est donc pas nécessaire de le préciser. Il en va différemment de cette région que les Français ne connaissent pas toujours très bien.

    Cela étant, il m’est déjà arrivé de lire des articles dans la presse anglophone sur les relations entre la France et l’Algérie où ce fait était rappelé : c’est bien la moindre des choses car si on ne l’a pas en tête, on ne peut tout simplement pas comprendre pourquoi il y a des tensions.

    Jean-Robert Raviot Doctrine officielle : la Lettonie d’aujourd’hui est la continuation de la Lettonie indépendante. La RSS de Lettonie était la Lettonie occupée. Ca, c’est la doctrine officielle et il ne faut pas s’offusquer qu’un ambassadeur le rappelle ! Mais il se trompe en fustigeant un journal, qui a parfaitement le droit de ne pas suivre la doctrine officielle d’un Etat pour parler de cet Etat. La réaction de l’ambassade de Lettonie est, en fait, très soviétique !

    Marie-Anne Sorba comme si l’EU n’existait pas en fait

  • Que reste-t-il des palais de Mobutu vingt ans après sa mort ?
    https://www.rtbf.be/info/monde/detail_que-reste-t-il-des-palais-de-mobutu-vingt-ans-apres-sa-mort?id=9700757

    Le 7 septembre 1997, le maréchal Mobutu Sese Seko, ancien président du Congo rebaptisé Zaïre, décédait à Rabat au Maroc. Renversé quelques mois plus tôt par l’avancée de la rébellion de AFDL de Laurent-Désiré Kabila, Mobutu était emporté par un cancer à l’âge de 66 ans. Il vivait en exil au Maroc depuis son départ de son fief de Gbadolite le 18 mai 1997, deux jours après avoir fui Kinshasa en compagnie de sa proche famille et de quelques fidèles.

    #rdc #mobutu #fin_d_empire #ghost_things #fantôme_du_passé #fantômes #trucs_fantôme ...

    • L’histoire de Mobutu écrite par un auteur canadien-congolais a lire :" l était une fois le Maréchal Mobutu (14 octobre 1930- 7 septembre 1997)
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      << Peu de temps après son ascension au pouvoir, Mobutu ne tarda pas à affronter le fameux litige connu sous le nom du « contentieux belgo-congolais », qui véhiculait toutes les tares de l’indépendance nominale que la Belgique avait concédée, malgré elle, au Congo sous la pression des États-Unis et des institutions internationales. Deux ans seulement après sa prise de pouvoir, soit en décembre 1966, le Président Mobutu décida la nationalisation des actifs congolais de l’Union Minière ─ ce qui contraria profondément la société mère, la Générale de Belgique, qui contrôlait environ 70 % de l’économie du Congo-belge ─ et procéda à la création d’une société d’État appelée la Gécomin (Générale congolaise des mines) qui allait être rebaptisée peu de temps après Gécamines (Générale des carrières et des mines), pour l’exploitation des minerais du cuivre. La guerre du Vietnam avait provoqué une flambée spectaculaire des cours mondiaux du cuivre, ce qui avait permis à l’État congolais de remplir ses caisses. [...] Pour consolider son nouveau régime économique, Mobutu remplaça aussi la monnaie. Il lança une nouvelle unité monétaire qu’il baptisa le Zaïre, en référence à la nouvelle dénomination du pays depuis le 27 octobre 1971. Un Zaïre-monnaie équivalait à 100 Francs belges et à deux dollars américains. Ce furent pour beaucoup des années fastes, la période des vaches grasses.

      Dès 1973, le président Mobutu porte une estocade aux intérêts étrangers en « zaïrianisant » les entreprises diverses et les sociétés commerciales détenues par des étrangers, pour ensuite les confier à ses proches, les membres de sa famille ou des fidèles soutiens politiques, dont essentiellement les barons du MPR Parti/État. Mais, l’ignorance et l’incurie de nouveaux propriétaires appelés « acquéreurs » entraînèrent la faillite voire la déliquescence rapide de la plupart de ces entreprises [...]

      Toutes ces mesures économiques « nationalistes » du président Mobutu, qui avaient beaucoup plus visé les intérêts belges, avaient fini par inquiéter plusieurs autres grandes compagnies occidentales présentes au Zaïre, et celles qui prévoyaient de s’y installer. Même si les intérêts américains au Zaïre étaient au beau fixe, les entreprises américaines pouvaient émettre quelques doutes sur la bonne foi zaïroise en matière de protection des intérêts étrangers. L’extrait d’une note de la Gulf Oil Company illustre bien cette inquiétude des compagnies américaines : « Le département d’État a stimulé les investissements (américains) au Zaïre en tablant sur l’hypothèse que ce pays n’expropriera pas ces investissements et ne causera pas de tensions entre les deux pays » peut-on lire.

      S’il est vrai que les États-Unis et la Belgique avaient hissé le lieutenant-général Mobutu à la tête du Congo pour servir leurs intérêts, il est aussi vrai que avec l’évolution du temps, la conjoncture géopolitique et surtout l’expérience acquise au sommet de l’État, Mobutu était parvenu à maîtriser le mécanisme de fonctionnement interne du système politique et financier de ses alliés occidentaux, au point d’en déceler les faiblesses et les contradictions internes qu’il était parvenu à les manier avec maestro pour échapper à leur pression. Il était ainsi parvenu à renverser de temps en temps les rôles ; le léopardeau devenu grand avait dompté ses dompteurs. Comme l’a souligné le cinéaste Thierry Michel, réalisateur de plusieurs films-documentaire sur la vie du président zaïrois, « Mobutu a été l’otage des Américains et des Belges, c’est évident. Mais il s’est affranchi de cette tutelle. Il a joué les Américains contre les Belges, les Français contre les Américains, etc. Il a même joué les différents clans du pouvoir américains les uns contre les autres. » Le président-maréchal ira jusqu’à expulser, plus d’une fois, l’ambassadeur américain Deane Hinton, du pays sans perturber sérieusement les relations entre le Zaïre et les États-Unis. C’est dire...

      Mobutu savait comment et quand provoquer des crises politiques au sein du gouvernement belge. Il a aidé des chefs d’États et des ministres européens à se faire élire « démocratiquement » chez eux. Et ces derniers savaient comment lui renvoyer l’ascenseur quand il en avait besoin. Plus proches des républicains américains, Mobutu savait jouer avec les puissants lobbies juifs américains et israéliens pour tirer son épingle du jeu. Mais son erreur est qu’il n’a pas su anticiper les conséquences de l’effondrement du mur de Berlin. Il n’a pas su, ou n’a pas voulu situer dans le temps et dans l’espace le degré exact de cette « amitié » avec l’Occident. En avait-il identifié l’objet et le mobile profond ? En avait-il évalué la durée dans le temps, et la résistance face aux changements des circonstances et des intérêts à travers les péripéties de l’Histoire ? Avait-il compris que, après ce bouleversement à l’échelle mondiale, les intérêts et les alliances de ses « amis occidentaux » allaient être complètement révisés de fond en comble ? Et que, dans ce domaine de la jungle moderne des rapports entre États, seuls les intérêts comptent et que les sentiments n’ont aucune place ?
      Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Maréchal Mobutu a eu tort de mêler sentiment aux raisons d’État et de croire jusqu’au bout que ses « amis occidentaux » avaient une dette de reconnaissance envers lui pour des « services rendus ». Lui qui était un animal politique a oublié, ou n’a pas voulu comprendre que les « raisons d’État » sont aveugles, sans cœur ni mémoire. Mobutu n’a pas compris qu’il n’avait pas le profil des « nouveaux leaders africains » de l’après-guerre froide. Ces dirigeants qui n’opposeraient plus de résistance aux pillages sauvages des richesses de l’Afrique en général et du Zaïre en particulier. Il n’avait pas vraiment réalisé que ces dirigeants-là, qui devaient provenir de petits pays voisins, lorgnaient eux aussi les immenses richesses du sol et du sous-sol zaïrois et rêvaient, comme toutes ces grandes firmes occidentales qui se sont mis en retrait durant la période de la guerre froide, de bâtir leur prospérité sur les ressources puisées chez leur grand voisin. En gros, Mobutu n’a pas su anticiper les bouleversements géopolitiques majeurs à venir qui se précisaient dès la seconde moitié des années 1980...>> (Extrait Stratégie du livre "chaos et du mensonge", pp. 581-584) Patrick Mbeko est l’auteur de plusieurs livres dont sur le Rwanda et du drame du Congo et le quasi génocide de 9 millions de congolais par des armées proxies venus des pays voisins et dont Paul Kagamé est le maitre des basses oeuvres.

  • #Ebola : 9 cas en République Démocratique du Congo - A la une - Destination Santé
    https://destinationsante.com/ebola-9-cas-republique-democratique-congo.html

    Depuis le 22 avril, 9 cas suspects avec 3 décès ont été notifiés dans la zone de santé de Likati, soit un taux de létalité de 33,3%, selon un bilan officiel au 11 mai 2017. Au total, parmi les « cinq échantillons de sang prélevés chez les cas suspects et analysés à l’Institut national de recherche biomédicale (INRB), un seul s’est révélé positif au virus Ebola, sérotype Zaïre par RT-PCR », a indiqué le Ministre de la Santé Publique.

  • Kin Kiesse
    http://www.nova-cinema.org/prog/2017/160-family-affairs/africa-is-in-the-future/article/kin-kiesse

    Mwezé Ngangura, 1983, CD, 16mm, VO ANG ST FR, 28’

    Ce film « classique » réalisé par Mweze Ngangura, considéré comme le père du cinéma congolais, est un portrait de "Kin la belle quand elle était encore capitale du Zaïre. Tourné en pellicule, couleurs chaudes et superbes, la ville se découvre à travers les yeux de Chéri Samba, peintre populaire, aujourd’hui mondialement reconnu, alors à ses débuts. Quartiers animés, coiffeurs, immeubles, ambiance, on découvre une ville au rythme endiablé dans laquelle la musique, quelles que soient ses formes et ses origines, fait le lien entre des éléments disparates mais vivants. Et tout ceci à l’apogée d’une dictature... •+ Kingelez [Kinshasa : une ville repensée] Dirk Dumon, 2003, BE, video, vo fr , 30’ Faire émerger du chaos, une ville (...)

  • RDC : à Lusanga, les fantômes d’Unilever au Congo-Zaïre - La Libre

    http://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/rdc-a-lusanga-les-fantomes-d-unilever-au-congo-zaire-59059aa2cd70812a65bafd9

    Souvenirs douloureux des travaux forcés et des brimades, mais aussi nostalgie d’une prospérité perdue s’entrechoquent à Lusanga, ancien foyer de l’empire disparu de la multinationale anglo-néerlandaise Unilever en République démocratique du Congo.

    De l’ex-Leverville, à environ 570 km à l’est de Kinshasa, subsistent aujourd’hui des vestiges de villas envahis par des herbes hautes, des bureaux abandonnés, et des usines en ruine.

    La cité est apparue après l’attribution, en 1911, dans ce qui était alors le Congo belge, d’immenses concessions de forêts de palmiers sauvages Elaeis à l’entrepreneur anglais William Lever, dont la société Lever Brothers donnera naissance moins de deux décennies plus tard à Unilever, aujourd’hui mastodonte international de l’industrie agroalimentaire et cosmétique.

    #rdc #huile_de_palme #forêt #unilever

  • Livre | Emmanuel Mbolela : Réfugié
    http://asile.ch/2017/02/27/livre-emmanuel-mbolela-refugie

    Persécuté pour des raisons politiques, Emmanuel Mbolela (né en 1973) a fui la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) en 2002. Il a voyagé six ans durant lesquels il a affronté les mêmes difficultés que des milliers d’autres migrant-e-s : racket des douaniers, business des passeurs, embuscade dans le désert du Sahara, travail au noir à […]

  • Comment la justice française a créé une apatride

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/11/14/comment-la-justice-francaise-a-cree-une-apatride_5030692_3224.html

    D’origine zaïroise, une jeune femme de 30 ans a été considérée comme française pendant douze ans… jusqu’à ce que l’administration constate une erreur et lui retire sa nationalité.

    Mathilde Kitoko est apatride depuis le 29 septembre. Un huissier le lui a appris le 13 octobre en apportant à son domicile de Grigny (Essonne) le jugement de la première chambre du tribunal de grande instance de Nantes. La décision claque : le tribunal « annule l’acte de naissance de Mathilde Kitoko établi le 10 mai 2004 par le Service central de l’Etat civil ».

    Aujourd’hui âgée 30 ans, enceinte de six mois, elle se demande ce qu’il sera écrit sur l’acte de naissance de son enfant. « Née de mère sans nationalité ? », interroge-t-elle, tassée sous un bonnet noir griffé d’un « Black kaviar » en grandes lettres blanches ? Elle se retrouve dans un no man’s land juridique en raison d’une erreur de l’administration française… qui reconnaît la bourde mais ne se sent guère concernée par les conséquences.

    Arrivée en France du Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo) en 1988, Mathilde était alors âgée de 2 ans. Ses parents demandent leur naturalisation en 2003, ainsi que celle de leurs trois enfants mineurs. La bonne nouvelle tombe en mars 2004. Convoquée, toute la famille Kitoko se retrouve à la préfecture. Seul hic, les décrets de naturalisation de ses parents, son petit frère et sa petite sœur sont bien parus, mais pas le sien. « Un retard administratif qui sera rapidement régularisé », aurait-on alors expliqué au père de famille. Qu’à cela ne tienne, tout le monde se voit délivrer une carte d’identité et un passeport. La famille Kitoko perd alors automatiquement la nationalité congolaise car la République démocratique du Congo est l’un des rares pays à ne pas accepter la double nationalité.

    Couac de calendrier

    Mais il y avait un grain de sable. Mathilde, mineure au moment du lancement de la procédure de naturalisation, avait 18 ans et 2 mois au moment où ses parents sont devenus Français. L’absence de décret la concernant n’était donc pas un oubli. Mais personne n’a alors réalisé ce couac de calendrier. L’officier d’état civil de Nantes établit ainsi le 10 mai 2004 un acte de naissance estampillé République française pour cette jeune femme née à Makala (Zaïre), française par « effet du décret de naturalisation de son père du 23 mars 2004 ». Son passeport est établi le 24 février 2005.

    Mathilde mène tranquillement sa vie, travaille, vote régulièrement, etc. Jusqu’à ce jour de 2013 où elle demande le renouvellement de son passeport. On lui apprend… qu’elle n’est pas française. Quelqu’un (pourquoi, comment ?) s’est rendu compte de l’erreur commise par l’état civil en 2004. En 2008, elle avait pourtant obtenu sans difficulté l’établissement d’une nouvelle carte d’identité après s’être fait voler son sac à main dans le métro.

    A la préfecture de l’Essonne, on la rassure. Il suffit qu’elle demande une naturalisation qu’elle obtiendra sans problème. Sauf que, pour enregistrer une telle demande, elle doit dire au nom de quelle nationalité elle la dépose, mais n’en a pas d’autre que la française. Donc la procédure ne peut être instruite…

    « Infiniment regrettable »

    La machine administrative suit son cours, jusqu’à ce que le parquet de Nantes demande l’annulation de l’acte de naissance. Le jugement précise que c’est bien à tort qu’un certificat de naissance a été établi par le service central d’état civil en 2004 et qu’« il ne résulte d’aucun élément que l’erreur puisse être imputée à Madame Kitoko ». Il n’empêche, elle perd sa nationalité française.

    « Ce qui lui arrive est infiniment regrettable », reconnaît le procureur adjoint de Nantes interrogé par Le Monde. C’est pourtant lui qui a requis l’annulation du certificat de naissance. Il reste une possibilité à la jeune femme que tout le monde, y compris l’administration, a considérée comme française pendant toutes ces années. « Il lui suffit de déposer une demande de certificat de nationalité en justifiant la possession d’état de Français depuis plus de dix ans », explique Eve Thieffry, avocate lilloise, spécialiste en droit des étrangers.

    Ce n’est pas l’administration, à l’origine de l’erreur, qui le lui aurait expliqué (ni les avocats qu’elle a consultés). Le tribunal d’instance de Juvisy-sur-Orge (Essonne) où elle a voulu déposer une telle demande jeudi 10 novembre lui a même dit ignorer l’existence de cette procédure. Elle est prévue par l’article 21-13 du code civil.

  • Renaud Piarroux, le médecin qui a tenu tête à l’ONU

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/08/29/renaud-piarroux-le-medecin-qui-a-tenu-tete-a-l-onu_4989439_1650684.html

    Lorsqu’il se rend à Haïti, en novembre 2010, où vient de se déclarer la pire épidémie de choléra des dernières décennies au niveau mondial, sur une île qui n’en a jamais connu, le professeur Renaud Piarroux pense qu’il part lutter contre le fléau. Mais, durant six ans, ce spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille va être en butte à un autre adversaire que Vibrio cholerae, inattendu celui-ci : l’Organisation des Nations unies (ONU) et ses agences ­sanitaires, Organisation mondiale de la santé (OMS) comprise.

    Le médecin marseillais, 55 ans, sort cet été glorieux de son combat ­contre les tentatives d’étouffement de son rapport « Comprendre l’épidémie de choléra en Haïti », remis aux autorités françaises et haïtiennes, le 30 novembre 2010, et publié six mois plus tard dans la revue scientifique du Centre pour le contrôle et la prévention des ­maladies (CDC) d’Atlanta. Le Monde avait été le premier à rendre public ce document.

    Le 18 août, Farhan Haq, porte-parole adjoint de l’ONU, a en effet reconnu, du bout des lèvres, la responsabilité de son organisation dans le déclenchement de cette épidémie qui a touché 800 000 Haïtiens et fait 10 000 morts. Dès novembre 2010, avec ses armes scientifiques, la biologie moléculaire, les cartes de l’épidémie, son enquête sur le terrain, Renaud Piarroux avait débusqué le coupable.

    « Gérer ainsi les sanitaires dans un pays aussi vulnérable, c’est une circonstance aggravante »

    Missionné par l’ambassade de France à Haïti, le French doctor-détective prouve rapidement que l’épidémie a été provoquée par la gestion déplorable de l’ONU des sanitaires d’un camp de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) qu’ont occupé 400 casques bleus népalais, sur un affluent du fleuve Artibonite. A la mi-octobre, une quantité énorme de matières fécales contenues dans une fosse a été déversée, contaminant le fleuve jusqu’à son delta et les circuits d’irrigation des rizières. « Gérer ainsi les sanitaires dans un pays aussi vulnérable, c’est une circonstance aggravante, déplore le médecin. C’est une vraie bombe qui explose alors. On n’a jamais vu une épidémie comme celle-là, avec plusieurs centaines de cas par jour. Mais une autre faute consiste à monter rapidement une entreprise de dissimulation et de mystification. »

    Dans son bureau de chef du service de parasitologie et mycologie de l’hôpital de la Timone, dont les murs accueillent de vieilles planches médicales sur le kyste hydatique ou le Taenia saginata, Renaud Piarroux fait défiler les cartes de l’OMS et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires du secrétariat des Nations unies, retraçant la propagation de l’épidémie. Sur toutes, à l’exception de la première diffusée le 22 octobre 2010, le foyer de départ a disparu, laissant supposer que l’épidémie s’est développée dans le delta. Sur les registres de l’infirmerie du camp népalais, on ne retrouve pas la moindre trace d’une diarrhée alors que des travailleurs haïtiens évoquent des soldats malades et témoignent de conditions sanitaires particulièrement mauvaises.

    « Un gros bosseur »

    Six ans durant, Renaud Piarroux va affronter une controverse scientifique. Face à lui : un panel d’experts indépendants nommé en 2011 par Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies. L’examen par des scientifiques danois, américains et népalais du génome des souches Vibrio cholerae, la bactérie du choléra, isolées au Népal et en Haïti, démontre une totale similitude. « C’est comme si le coupable était confondu par son ADN », assure le docteur Piarroux. Mais, emboîtant le pas aux théories de Rita Colwell (université du Maryland), la papesse du monde scientifique en matière de choléra, les experts de l’ONU expliquent l’épidémie par des facteurs environnementaux propres à Haïti : saison chaude, développement du plancton, ouragan, séisme… « Ma force, c’est la rigueur scientifique, oppose Renaud Piarroux. Si mon raisonnement avait eu la moindre faille, avec tout ce qui a été entrepris pour le démonter, ils y seraient parvenus. »
    Ce combat scientifique, relaté dans Deadly River (ILR Press, 320 pages, non traduit), n’étonne pas le professeur Henri Dumon, auquel Renaud Piarroux a succédé, en 2008, à la tête du laboratoire marseillais.

    L’ancien patron loue sa ténacité : « C’est un gros bosseur mais pas le nez dans les bouquins. Quand un élève dépasse le maître à ce niveau-là, j’en suis ravi. » Bel hommage à cet ancien étudiant en pédiatrie qui avait fait le choix de suivre en parallèle des diplômes en médecine tropicale et en parasitologie. Sans ancrage régional, Renaud Piarroux, fils d’un père artisan peintre et d’une mère médecin en anatomo-pathologie dans un laboratoire pharmaceutique, a, pour ses études de médecine, fait le choix de Marseille « par hasard », son épouse y suivant les siennes en ophtalmologie.

    C’était un « rêve de gosse » : devenir médecin pour sauver les enfants africains des épidémies. Les premiers qu’il a sauvés sont des bébés rwandais sous les tentes d’un camp de réfugiés, près de Goma, en 1994, au Zaïre. Seul pédiatre sur le terrain, il luttait contre le choléra, la méningite, la shigellose, mais, chaque matin, il découvrait quelques petits corps, empapillotés dans un tissu, posés au bord de la route dans l’attente de leur « collecte ».

    Combat scientifique pour la vérité

    Vingt-deux ans plus tard, ses yeux se noient toujours de larmes à l’évocation de ce souvenir. C’est en allant voir comment étaient traités ces petits orphelins qu’il a compris : ils étaient alignés côte à côte sur des lits Picot, se contaminant les uns les autres, nourris avec une bouillie de haricots. « Il fallait des couches et du lait, comme pour les bébés européens. C’est ce qu’on a fait et la mortalité a disparu. Cela m’a donné une vision plus large de la médecine, et m’a conduit à analyser la dynamique des épidémies. »

    Le choléra devient son ennemi. Même lorsque, de 1996 à 2008, il dirige à Besançon le laboratoire de parasitologie, une discipline loin d’être au premier plan en Franche-Comté – « c’est comme chasser le tigre sur les Champs-Elysées », s’amuse-t-il. Renaud Piarroux mène avec succès des recherches sur des maladies locales, se rend dans les fermes pour comprendre que la « maladie du poumon de fermier » provient des moisissures du foin lorsqu’il est stocké humide. Il conduit une enquête sur l’échinococcose alvéolaire, et sur la transmission à l’homme d’un minuscule ver présent dans l’intestin des renards qui détruit le foie humain aussi sûrement qu’un cancer. Ce Sherlock Holmes lancé à la poursuite des bactéries et parasites a une méthode d’enquête : l’éco-épidémiologie. Il s’agit de comprendre l’environnement dans lequel se développe une maladie, de travailler avec les populations.

    « J’ai du mal à obéir lorsque je ne suis pas d’accord avec la façon dont les choses sont gérées »

    Lors d’une mission humanitaire à Foumbouni (Comores), 2 500 euros lui suffisent pour juguler une épidémie naissante de choléra : il achète l’essence pour les tout jeunes comités d’hygiène et de prévention et, dans les villages, il réunit les chefs de famille pour expliquer la nécessité de chlorer les citernes dans lesquelles ils récupèrent l’eau de pluie…

    A l’automne, Renaud Piarroux quittera Marseille pour rejoindre la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Ce médecin au caractère forgé n’adhère pas au projet d’institut hospitalo-universitaire, la Fondation Méditerranée Infection du professeur Didier Raoult. « J’ai du mal à obéir lorsque je ne suis pas d’accord avec la façon dont les choses sont gérées. » Tout en poursuivant ses recherches en parasitologie et mycologie, Haïti et le choléra, dont l’épidémie reprend régulièrement, restent sa préoccupation. Avec l’Unicef, il travaille à la rédaction d’un projet d’élimination du choléra sur l’île. Exsangues financièrement, les acteurs de la lutte contre cette épidémie, sur place, espèrent maintenant que les fautifs auront à cœur d’aider à éradiquer le vibrion dans ce pays, l’un des plus pauvres du monde.

    Le 1er septembre, à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), Renaud Piarroux ­racontera son combat scientifique pour la ­vérité sur l’origine de l’épidémie de choléra en Haïti. S’il reconnaît une « part de militantisme » dans son travail, celui-ci est toujours demeuré scientifique car « l’adversaire, dit-il, ce n’est ­jamais l’ONU, c’est le choléra. Mais il a parfois des alliés, et il faut le dire… ».

  • #Rwanda : retour sur une histoire tragique (1/2)

    Le Rwanda n’est de loin pas un pays d’Afrique ordinaire. Il possède une géographie physique particulière, avec un climat humide et tempéré. On le surnomme d’ailleurs le « pays des mille collines », du fait de son relief très spécifique. De plus, il se situe au sein de l’« Afrique des Grands Lacs »1, ce qui l’amène à être au cœur des enjeux internationaux, en raison notamment de sa proximité avec la richissime République Démocratique du Congo. Outre ces particularités géographiques, l’histoire du Rwanda est également singulière. Il y a plus de vingt ans, entre avril et juillet 19942, ce petit pays fut le théâtre de massacres ethniques dans lesquels près d’un million de Tutsis et des Hutus jugés modérés périrent. La logique ayant conduit à ce génocide trouve son origine dans les théories racistes en vogue au XIXème siècle. Une analyse de cette tragédie humaine n’est donc pas possible sans un retour sur l’histoire du Rwanda et de l’implantation de l’idéologie ayant permis de tels massacres. Ce devoir d’histoire est primordial non seulement pour avoir une meilleure compréhension de ces événements, mais aussi afin d’éviter qu’ils se répètent, surtout à l’heure où le Burundi sombre dans une crise dans laquelle des responsables gouvernementaux commencent à sciemment agiter le spectre ethnique3.


    http://www.jetdencre.ch/rwanda-retour-sur-une-histoire-tragique-12-11261
    #conflit #guerre #histoire

    • Rwanda : retour sur une histoire tragique (2/2)

      Entre 1990 et 1994, le Rwanda est en guerre. Ce conflit revêt d’abord un caractère national qui oppose le Front patriotique rwandais (FPR), essentiellement composé de réfugiés tutsis, au gouvernement en place. Ce n’est toutefois pas l’unique dimension de ces quatre années de violences. Selon Jean-Pierre Chrétien, la situation au Rwanda ne peut être comprise sans un regard sur la situation internationale1. La crise rwandaise implique en effet les voisins directs de Kigali (l’Ouganda et le Zaïre), mais aussi la communauté internationale et son institution principale, les Nations unies. Le conflit relève par conséquent de plusieurs lectures qui s’entremêlent et deviennent dès lors difficilement séparables. Il s’agit donc, après avoir brièvement présenté dans la première partie les préjugés idéologiques cachés derrière l’extermination des Tutsis, de s’arrêter sur le théâtre des événements ayant permis le basculement du pays dans une terreur indicible.

      http://www.jetdencre.ch/rwanda-retour-sur-une-histoire-tragique-22-11317

  • Sebastião Salgado
    L’humanisme en noir & blanc.

    Sebastião Salgado est né le 8 février 1944 à Aimores au #Brésil. Après de brillantes études au Brésil et à Paris, il travaille à São Paulo au ministère des finances, puis à Londres à l’ICO (Organisation internationale du café). Changement de cap en 1973 : il décide de se consacrer à la #photographie et intègre successivement les agences Sygma (74-75), Gamma (75-79) et Magnum (79-94). Il publie alors de nombreux #reportages d’actualité sur la #guerre en #Angola et au Sahara espagnol, la prise d’otages israéliens à Entebbe ou la tentative d’assassinat de Ronald Reagan.

    Cet amoureux de la nature, maître du #noir_et_blanc et de l’argentique fonde à Paris en 1994 l’agence Amazonas Images avec sa femme Lélia, et s’investit dans des projets personnels.
    Déjà, de 1986 à 1992, il avait parcouru 26 pays pour réaliser un ouvrage sur la fin du #travail_manuel, la main de l’homme (1997). Témoin des modes de vie en voie de disparition, des #famines, des #migrations, il rassemble dans #Exodes (2000) cinq ans de reportages sur les peuples déplacés, victimes de catastrophes naturelles ou d’événements politiques. De 2004 à 2013, il développe le projet Genesis , hommage à la nature et à ses origines qui démontre par l’image combien il faut protéger notre planète.

    Elevé dans une ferme au Brésil, #Sebastião_Salgado a repris le domaine familial épuisé par des années d’exploitation et lui a redonné vie, reboisant 700 hectares. Pour y parvenir, il a fondé avec sa femme Lélia l’ONG Instituto Terra qui a trouvé les financement pour élever et planter près de 4 millions d’arbres. L’institut a également une vocation pédagogique et propose des programmes de sensibilisation pour faire naître une attitude citoyenne face au développement et à l’environnement.
    http://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/photography/all/05315/facts.sebastio_salgado_exodes.htm

    http://www.peterfetterman.com/exhibitions/sebastio-salgado2/selected-works?view=slider#3

  • Document 18 : ordre d’opérations de Turquoise, 22 juin 1994
    http://survie.org/genocide/genocide-et-complicite/20-documents-pour-comprendre-le/article/document-18-ordre-d-operations-de-4742

    A partir du 22 juin 1994, l’opération Turquoise permet l’évacuation au Zaïre des auteurs du génocide. Déclenchée à partir du 22 juin 1994, l’opération Turquoise permet de constituer une zone de protection pour les auteurs du génocide au sud-ouest du Rwanda. Elle assure l’évacuation au Zaire des membres du gouvernement intérimaire rwandais. L’ordre d’opérations de Turquoise est un chef d’oeuvre de double langage. Il gomme le génocide des Tutsi, dont la réalité est travestie en « très graves affrontements (...)

    #20_documents_pour_comprendre_le_rôle_de_l'Etat_français

    http://survie.org/IMG/pdf/18-OrdreOpTurquoise22juin1994.pdf

  • Premier calendrier
    http://prenezcecouteau.tumblr.com/post/88280702988/when-i-was-a-student-at-cambridge-i-remember-an

    Quand j’étais étudiante à Cambridge je me souviens de ma professeur d’anthropologie nous montrant une photo d’un os avec 28 incisions marquées dessus. “Ceci est souvent considéré comme étant la première tentative d’un homme à faire un calendrier” expliqua-t-elle. Elle s’arrêta de parler tandis que nous notions consciencieusement sa phrase. “Ma question est - pourquoi un homme aurait-il besoin de noter 28 jours ? Je vous suggérerais que c’est la première tentative d’une femme à faire un calendrier.”
    Ce moment a changé ma vie. À ce moment j’ai commencé à remettre en question tout ce que j’avais appris sur notre passé. À quelle fréquence avais-je fermé les yeux sur les contributions féminines ?

    #andocentrisme #feminisme #anthropologie

    • Sandi Toksvig : Amazing women inventors
      http://www.theguardian.com/world/2004/jan/23/gender.uk

      Some of the stories may never be told. Many people think that Sybilla Masters may have been the first American woman inventor. In 1712 she is said to have invented a new corn mill, but she couldn’t patent it because women were not allowed to register. Three years later a patent was filed in her husband’s name.

      Ingenious Women by #Deborah_Jaffé is published by Sutton Publishing

      http://www.deborahjaffe.net/igwom.html

      Et l’ethno-mathématicienne citée serait peut-être #Claudia_Zaslavsky


      http://fr.wikipedia.org/wiki/Os_d%27Ishango

    • C’est bizarre l’os change de nom, de date et de provenance selon ma sources mais pourtant on dirait bien le même. Merci pour les précisions @touti et je suis contente de savoir que je vais voire cet os la semaine prochaine car je vais à Bruxelles voire le Muséum des sciences naturelles de Belgique. #trop_cool

    • Daté de 25000 ans, l’os d’Ishango qui se trouve actuellement au muséum des sciences naturelles à Bruxelles, fut assimilé à un jeu arithmétique qui était établi comme suit :

      Sur la première colonne on trouvait un système de numération de base 10, les encoches y sont groupées comme :

      (20+1, 20-1, 10+1, 10-1,)

      Sur la deuxième apparaissait l’écriture dans l’ordre des nombres premiers compris entre 10 et 20. (11, 13, 17,19,).

      Et enfin sur la troisième on pouvait y voir les méthodes de multiplications par 2 utilisées aussi par les noirs égyptiens. (3x2=6 et 4x2=8).

      On retrouve dans l’utilisation de l’os d’Ishango une connaissance de deux théorèmes arithmétiques qui sont :

      – 1) Pour tout entier naturel n, 2[n+1]= 2n+2 soit en partant de 3 on obtient : 3, 6, 8.

      –2) Pour tout entier naturel n, 3n = 2n + n soit en partant de 3 on obtient : 3, 6, 9.

      Observer que la somme des colonnes (a) et (b) est égale à 60.

      Pour plus de détails sur le déchiffrement de l’os d’Ishango nous vous conseillons vivement : Ankh n° 12/13 la « revue d’égyptologie et des civilisations Africaines »

      Représentation schématique de l’os d’Ishango

      En conclusion, l’os d’Ishango marque dans l’histoire de l’Afrique noire une étape essentielle dans le long processus de la création de la pensée mathématique, avec pour aboutissement, les civilisations soudanaise puis égyptienne.

      http://www.shenoc.com/l%27os%20d%27ishango.htm

      Sur la fiche vikipédia 8-15ans il y a la mention des théories de Claudia Zaslavsky sur un calendrier menstruel :
      https://fr.vikidia.org/wiki/Os_d%27Ishango

      je met ici un texte pas encor lu qui cherche à dénoncé une surinterpretation en paléo-mathématique :
      http://irem.univ-reunion.fr/IMG/pdf/Keller_prehistoire_geometrie.pdf

      –---

      Voici l’os de Lebombo, plus ancien qui lui serait un baton de comptage qui n’aurais pas d’aryhmétique. Il comporte 28 coches et serait un calendrier lunaire possiblement utilisé par les femmes pour leur cycle menstruel.


      A mon avis ce que dit Claudia Zaslavsky est plus cohérent vis à vis de l’Os de Lebombo qui a 28 coches. C’est pas cohérent par contre avec l’Os d’Ishango qui a des bases : 2[n+1]= 2n+2 et 3n = 2n + n, ce qui est cool et peut très bien avoir été calculé par une femme, mais n’a pas de rapport avec le cycle menstruel/lunaire.

      –---
      Autre chose sur les règles, je sais plus dans quelle lecture sur les menstruations j’ai vu ca, c’etait dans le genre « quelques mythes sur les règles ». Le cycle menstruel ne serait en fait pas réellement de 28 jours. Ca dépendrait des femmes, de leur age, de leur état de santé, de fatigue... La moyenne serais plutot de 30-31 jours et qu’aucune femme ne suis toute sa vie un rythme « parfait » de 28 jours. Du coup cette info met un peu à mal la théorie de Claudia Zaslavsky car si les femmes n’ont pas leurs règles tous les 28 jours, pourquoi les femmes préhistoriques auraient elles besoin d’un calendrier sur 28 jours. Cet os aurais tout autant pu appartenir à une chasseuse qui aurais abattu 28 babouins et en aurais tenu la comptabilité.

      Dans un autre sens ca pourrait etre une preuve que la normalisation de la féminité selon le cycle lunaire serais vieille d’au moins l’Os de Lebombo mais bon c’est beaucoup de spéculations sur quelques encoches.

      –---

    • Les marques incontestablement intentionnelles elles aussi sont le prétexte de fantastique en général, et de fantastique mathématicien en particulier. En voici quelques exemples.

      Le plus caricatural est celui de l’os d’Ishango (Zaïre), daté d’environ –18000, découvert par l’archéologue belge Jean de Heinzelin, et publié par lui en 1962 dans le
      Scientific American.
      Il s’agit (figure 2) d’un manche d’outil en os, strié, et que De Heinzelin analyse ainsi :
      « Considérons la première colonne, par exemple : 11, 13, 17 et 19 sont tous des nombres premiers...en ordre croissant et ils sont les seuls nombres premiers entre dix et vingt.
      Prenons maintenant la troisième colonne : 11, 21, 19 et 9 représentent respectivement 10+1, 20+1, 20-1, 10-1...[ces dispositions] pourraient représenter une sorte de jeu de nature arithmétique inventé par une peuplade possédant un système numéral basé sur dix ainsi qu’une connaissance...des nombres premiers ».

      Figure 2 : vue étalée de l’os d’Ishango (République démocratique du Congo). Environ –18000.
      Pourquoi pas en effet ? Et que répondre à ce genre de « fantaisies » ?
      On peut répondre d’abord qu’elles sont indécidables, et surtout, comme nous le verrons plus loin, qu’aucun document ethnographique ne corrobore la thèse d’encoches de « jeux arithmétiques » (bien peu
      ludiques au demeurant).
      Alexander Marshack, peu convaincu par l’analyse de de Heinzelin qu’il relate, propose une autre piste : l’os d’Ishango, ainsi que toute une série d’objets préhistoriques, seraient à analyser comme des calendriers lunaires. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de la critique des constructions ingénieuses de Marshack. Seulement, le groupage des encoches
      paraît très forcé, voire trafiqué ; et surtout certains de ces « calendriers » sont un tel embrouillamini de lignes ou de points allant dans tous les sens que l’on voit mal quelle pouvait être leur utilité. Mais supposons même que l’os d’Ishango, orné de stries visibles bien alignées, 60 au total sur deux rangées et 48 sur une troisième, représentent respectivement
      deux lunaisons et un peu plus d’une lunaison et demie : à quoi pouvait donc servir un tel marquage ? Le calendrier se fait à partir du moment où l’on s’est rendu compte de la périodicité de certains phénomènes, ici les lunaisons, et il doit par conséquent pouvoir être
      relu.

      Réalisée par D. Huylebrouck ; voir www.contrepoints.com.kadath.

      Ifrah se livre lui aussi à ce genre d’affabulations, voir [Ifrah, 1994 #28 p.159]
      signifie que si telle ou telle activité doit prendre place à tel moment du cycle lunaire, il faut pouvoir, par une indication bien nette, repérer ce moment sur l’os — sans le microscope de Marshack ! —. Or ce qui pourrait passer pour de telles indications est la plupart du temps absent des documents présentés par l’auteur, et en tout cas absent de notre os. Admettons même que le groupement réel, visible à l’œil, des 11 premières stries, représente les 11 premiers jours du mois à l’issue desquels doit avoir lieu une action donnée : il faut dans ce cas pouvoir suivre ces jours, comme on arrache les feuilles de certains calendriers ; or il est impossible de ficher quoi que ce soit dans les encoches de l’os d’Ishango, elles ne sont pas assez profondes, ni même d’y enrouler une sorte de ficelle qui sauterait une strie chaque jour, parce que les différents rangs d’encoches ne sont pas assez larges et se chevauchent. Des auteurs ont d’ailleurs récemment, et à notre avis définitivement, réfuté la théorie de Marshack en se plaçant sur son propre terrain, celui de l’interprétation des vues des stries au microscope.
      L’analyse montre que sur des galets aziliens, que Marshack interprète comme des calendriers, les stries ont été faites rapidement et avec le même outil, dans le but précisément de rayer, sans chercher à individualiser les encoches, ce qui exclut les marques de chasse ou les calendriers.

      http://irem.univ-reunion.fr/IMG/pdf/Keller_prehistoire_geometrie.pdf

      Bon si les coches de l’Os d’Ishango ne sont visibles qu’au microscope ca rend l’idée d’un calendrier assez fumeuse.
      Pour le fait que cet os serait un calendrier menstruel son irrégularité (60-48-60) colle avec le fait que les femmes n’ont pas leurs règles exactement tous les 28 jours, mais pourquoi ne pas regarder la lune plutot qu’un os avec des microrayures visibles au microscope...

      L’ethnographie ne confirme aucune des hypothèses plus ou moins ingénieuses que nous avons exposées. Les bâtons ou os à encoches sont communs chez les primitifs, et ils servent à tout sauf à des jeux
      arithmétiques : bâtons-messages indiquant au destinataire le nombre de « sommeils » ou de « lunes » devant s’écouler avant un événement donné, ou le nombre de personnes attendues à un rassemblement donné — avec des signes différents suivant qu’il s’agit de femmes, de jeunes gens ou de vieillards —...ou même de motifs musicaux. On a aussi bien sûr des « calendriers »
      pouvant représenter plusieurs années, mais construits de la façon suivante :
      « Chaque encoche non peinte signale une année, tandis que des ponctuations ou autres encoches, peintes celles-ci, représentent des événements importants qui ont marqué chaque année tels qu’un raid, une pluie de météores, un tremblement de terre, une inondation ou une tempête de neige
      . »

      Un tel document — qu’il serait d’ailleurs plus approprié de nommer annales, en tant qu’aide mémoire utile à celui qui doit raconter l’histoire — est, comme on le voit, un document lisible, ce qui n’est pas le cas de la plupart des soi-disant calendriers lunaires préhistoriques de Marshack. On pourrait multiplier les exemples à l’infini, en utilisant par exemple le travail de
      « bénédictin » de G.Mallery.

  • « L’opération Turquoise au #Rwanda était offensive avant d’être #humanitaire »
    http://www.france24.com/fr/20140407-france-operation-turquoise-rwanda-offensive-humanitaire-guillaume

    Mais selon l’ancien capitaine français, avant de devenir humanitaire, #Turquoise a clairement été une opération offensive. Un raid terrestre, qui devait être accompagné de frappes aériennes, avait été programmé pour aller jusqu’à Kigali. Son objectif : contrer militairement l’avancée du #FPR. « Moi je suis parti avec l’ordre opérationnel de préparer un raid sur Kigali. Quand on fait un raid sur Kigali, c’est pour remettre au pouvoir le gouvernement qu’on soutient, c’est pas pour aller créer une radio libre », explique Guillaume Ancel, qui a quitté l’armée en 2005, avec le grade de lieutenant-colonel. « L’ordre que j’ai reçu pour partir au Rwanda était extrêmement offensif », affirme-t-il. L’ex-militaire affirme avoir ensuite reçu, entre le 29 juin et le 1er juillet, un autre ordre, qui « était d’arrêter par la force l’avancée des soldats du FPR » : « On n’est toujours pas dans une mission humanitaire. »

    Selon lui, la #France aurait ensuite continué à soutenir le gouvernement génocidaire rwandais et son armée en rendant, vers la mi-juillet, « à ce qui restait des forces armées rwandaises, les dizaines de milliers d’armes » que les militaires français avaient confisquées dans la zone humanitaire. « On a clairement été à l’origine d’une continuation des combats [...], qui ont fait de nouveau des centaines de milliers de morts », admet-il.

  • Les activités de #Glencore dans l’ex-Zaïre à nouveau dans la ligne de mire des ONG
    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/dc3e57a2-8780-11e1-a360-51d2225e977a/Les_activit%C3%A9s_de_Glencore_dans_lex-Za%C3%AFre_%C3%A0_nouveau_dans_la_li

    Emploi de travailleurs artisanaux et d’enfants, #pollution de cours d’eau, absence de dialogue avec les communautés locales, évasion fiscale… Intitulé « Glencore en République démocratique du Congo : le profit au détriment des droits humains et de l’environnement », un rapport publié lundi par Pain pour le prochain (PPP) et Action de Carême dresse un bilan « inquiétant » des activités du géant suisse du négoce Glencore.

    #travail_des_enfants #eau