• Il ne doit pas nécessairement en être ainsi – Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/04/il-ne-doit-pas-necessairement-en-etre-ainsi

    Dans son avant propos Fred Turner souligne : « Daub ne se contente pas de déboulonner ces mythes, il montre comment et pourquoi tant de personnes s’y sont laissées prendre. S’il vous est déjà arrivé de vous demander pourquoi il est devenu si difficile d’appréhender les nouvelles technologies et leurs effets sur la société, ce livre est fait pour vous ».

    Les nouvelles technologies semblent participer d’un monde enchanté et dépolitisé. Les nouvelles dépendances, bien lucratives pour certains, induites par leur utilisation – l’ordiphone semble devenu une prothèse pour beaucoup – se masquent sous les termes d’utilité et de liberté, réduites aux individus connectés mais isolés.

    La critique semble interdite, dissoute sous une modernité naturalisée. C’est pourquoi, j’apprécie le travail d’édition de C&F sur ce sujet. J’avoue avoir souvent souri à la lecture de ce livre. Adrian Daub analyse successivement un certain nombre de mythes derrière des concepts aux contours peu précis : Décrochage, Contenu, Génie, Communication, Désir, Disruption, Echec.

    #Didier_Epsztajn #Adrian_Daub #Pensée_tech

  • Rapports de pouvoir invisibilisés par des performances chatoyantes | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/12/30/rapports-de-pouvoir-invisibilises-par-des-performances-

    L’auteur analyse le paysage de l’expansion capitaliste, comment sont valorisées les connexions interpersonnelles, la surveillance des utilisateurs et utilisatrices, la cartographie et la quantification des schémas des interactions, l’élaboration des algorithmes pour inciter « subtilement à adopter tel ou tel comportement en particulier », le rôle de l’esthétique dans la modélisation des expériences les plus intimes, les masques des relations contractuelles, les effets des architectures numériques, l’expression individuelle sans syndicalisation, l’assimilation des besoins de l’entreprise à ceux du public, l’abstraction mathématique et ses utilisations dans les schémas de surveillance assistée par ordinateur…

    #Fred_Turner #Usage_art #Didier_Epsztajn

  • La « neutralité de genre » contre l’égalité – Le blog de Christine Delphy
    https://christinedelphy.wordpress.com/2020/01/16/la-neutralite-de-genre-contre-legalite
    et
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/01/15/la-neutralite-de-genre-contre-legalite

    Derrière la « neutralité de genre » et la symétrisation des violences… Comme le souligne l’autrice : « Que la majorité des victimes soit des femmes, la majorité des auteurs des hommes est rendu invisible ». Il s’agit pour moi d’un élément d’une offensive plus générale des masculinistes dans leur lutte contre l’égalité (en complément possible, Mélissa Blais : Le masculinisme est un contre-mouvement social, le-masculinisme-est-un-contre-mouvement-social/ ; Sous la direction de Christine Bard, Mélissa Blais, Francis Dupuis-Déri : Antiféminisme et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, refus-des-droits-et-de-lautonomie-des-femmes-reaffirmation-du-pouvoir-des-hommes/)

    Il faut souligner que cette dénomination sociale a des conséquences, Irene Zeilinger indique : « Dans ce contexte, les associations féministes qui luttent contre les violences faites aux femmes se voient de plus en plus confrontées à l’attente de rendre leurs services accessibles aux hommes. La non-mixité doit se justifier en permanence. La promotion de la famille et la neutralité de genre l’emportent sur des politiques et mesures visant à surmonter les inégalités structurelles de genre.

    Chronique de #Didier_Epsztajn
    La brochure d’#Irène_Zeilinger

    https://entreleslignesentrelesmots.files.wordpress.com/2019/12/oui-les-hommes-aussi-etude-corps-ecrits-compresse.pdf

    • #neutralité #gender_neutral

      Petite expérience personnelle, dans une formation où il y a beaucoup de travailleuses sociales. On parle de violences contre les femmes et certaines d’entre elles disent que non, c’est pas genré. Elles se creusent la tête pour trouver un exemple. En vingt ans de carrière l’une d’elles a une collègue qui a rencontré un homme battu. Être battu est plus stigmatisant, je comprends bien leur sous-représentation, mais les violences contre les femmes sont bien liées à un imaginaire de disponibilité des femmes aux hommes, pas à des colères soudaines que les femmes aussi peuvent avoir contre leur mari...

    • Modern American feminism is an embarrassment
      https://www.feministcurrent.com/2020/01/15/modern-american-feminism-is-an-embarrassment

      At the same time, we see the Women’s March rebranded as the March for Our Human Rights, set to take place this weekend, on January 18th. An emailed press release explains that “millions of women and allies will take to the streets to protest the rollback of women’s human rights across the world.” The email explains that, “given the United States’ decision to join 19 nations, including Saudi Arabia, Iraq, and Libya, in declaring that women have no international right to abortion,” the “theme of this year’s march is bodily autonomy, which is the right to self-governance over one’s own body without coercion or external pressures.”

      It is not just ironic, but offensive, that modern American feminists will claim to fight for women’s reproductive rights, while simultaneously pretending not to understand what a woman is, and why women have rights in the first place.

      Support for trans activism and the prioritizing of male voices, desires, and feelings over women’s rights and safety in favour of so-called “trans rights” achieves the very opposite. It is not only cowardly, but it silences women — especially women who already have no voice and few rights, such as female inmates.

      Murphy se radicalise et refuse même de dire « femme trans » ou « trans femme ». Je ne suis pas d’accord mais je poste pour le dossier neutralité de genre.

    • En Norvège, une loi de 2010 sur les maisons d’accueil pour
      victimes de violence conjugale est formulée en termes
      neutres par rapport au genre, ce qui a comme conséquence
      que 22 des 51 maisons d’accueil sont désormais réservées
      aux hommes... dont, en 2012, 10 ne sont apparemment pas
      utilisées par manque de demande (Halperin-Kaddari &
      Freeman 2016).

    • L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes,
      organe fédéral chargé de la coordination des politiques de lutte
      contre les violences faites aux femmes, publie en 2015 une étude
      avec l’Institut Scientifique de Santé Publique sur la violence conjugale
      et intrafamiliale (Drieskens & Demarest 2015). Ainsi, on peut lire
      dedans qu’« 
      il n’existe à ce propos aucune différence significative
      entre les hommes et les femmes
       », bien que, dans la même enquête,
      les femmes soient quatre fois plus souvent victimes de violence
      conjugale et intrafamiliale que les hommes. Que les violences
      contre les femmes soient plus répétitives et plus graves ne semble
      pas effleurer les auteur.e.s, alors que les effets sur la santé doivent
      pourtant s’en ressentir. Dans la même période, la secrétaire d’État
      pour l’égalité Elke Sleurs lance une campagne de sensibilisation
      aux violences sexuelles, avec un des messages clés : « Chaque jour,
      100 hommes, femmes et enfants sont violés. »
      5
      L’ordre des victimes de viol insinue que les hommes seraient le groupe le plus à
      risque. Du côté de la police fédérale, une autre campagne cherche
      à encourager les victimes de violence sexuelle, indépendamment
      de leur genre, à porter plainte. Slogan : « Le viol n’a pas de sexe. »
      6

      #Belgique #déni #viol

      Ici, la violence conjugale dépendrait uniquement de la
      manière individuelle de gérer ses problèmes et émotions.
      Pour le répertoire interprétatif systémique, l’étude cite la
      remarque suivante :
      « Les hommes sont éduqués à être plus
      agressifs et compétitifs dans tout. »
      Dans la pratique, le
      répertoire individuel n’est jamais contredit, tandis que le
      répertoire systémique rencontre souvent de la résistance.
      De nouveau, cela ferme l’espace communicatif pour la
      déconstruction des inégalités qui mènent aux violences
      conjugales.

      #anti-sociologisme

      À ces difficultés de parler des femmes victimes de violences s’ajoute
      l’invisibilité des hommes auteurs. Phillips et Henderson (1999)
      ont démontré par une analyse discursive de la littérature scien-
      tifique sur les violences faites aux femmes que ces violences sont
      nommées selon leurs victimes (par exemple « wife abuse », c’est-
      à-dire abus d’épouse) ou leurs contextes (par exemple violences
      conjugales), mais rarement selon leurs auteurs (par exemple violences
      masculines). Ce n’est pas un détail insignifiant : cela permet aux
      hommes en tant que groupe social de se distancier de ces
      violences et efface leur responsabilité de mettre un terme aux
      violences.
      Les violences deviennent ainsi un problème des
      femmes
      .

      Si tout le monde peut reconnaître
      que les voitures ont plus de pouvoir dans la circulation que les
      cyclistes, c’est parce que l’on peut être cycliste un jour, conducteur.trice un autre.

      C’est un peu vrai mais pas tout à fait. Un jour la goutte d’eau qui m’a fait quitter Seenthis, c’est ce mec qui dit à propos d’un récit d’agression que les cyclistes roulent n’importe comment (ce n’est pas une raison et c’est faux).

      Les violences n’ont pas lieu dans un vacuum, mais s’inscrivent dans cette structure sociale inégalitaire. C’est pourquoi une gifle ou une insulte d’un homme envers une femme n’a pas la même fonction, signification ni conséquence qu’une gifle ou une insulte d’une femme envers un homme. La présente étude explore ces différences de genre et cherche à comprendre les ressorts du discours de la neutralité de genre, ainsi que ses conséquences, afin de faciliter un positionnement féministe.

      #backlash #féminisme

  • Laisser toujours ouverte une issue de secours | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/04/18/laisser-toujours-ouverte-une-issue-de-secours

    En premier lieu une couverture. Des lignes et des lettres. Une sorte de jeu de piste. Un titre lisible et pourtant comme dissimulé, ou dissimulé mais pourtant lisible. Une illustration graphique de l’ambiguïté possible d’informations, ordonnées mais désordonnées au premier regard, une production délibérément fallacieuse et pourtant exacte, une obfuscation que je ne saurai apprécier comme involontaire !

    Je mets aussi le sous-titre La vie privée, mode d’emploi, en relation avec le grand livre et ses dimensions de puzzle – de George Perec La Vie mode d’emploi.

    Dans sa préface, Laurent Chemla aborde, entre autres, la surveillance à laquelle nous vies sont soumises, la nécessité d’essayer de se libérer de cette espionnage, le pouvoir et le contrôle des populations, les failles où s’engouffrer, l’hygiène numérique, le morcelage des données, le ralentissement de l’identification, les liens entre exploitation des données et publicité, le prix réel des services « gratuits » des GAFAM, le monde des communs…

    #Obfuscation #Didier_Epsztajn #C&F_éditions

  • Une conversation ouverte à propos de la participation politique de chacun-e | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2017/11/29/une-conversation-ouverte-a-propos-de-la-partic

    Lecture critique du livre « Culture participative » par Didier Epsztajn.

    Ce livre se présente sous la forme d’une conversation croisée, « la science a toujours été une affaire de conversation » malgré les tentatives actuelles de la privatiser et de la réduire à des droits de propriété intellectuelle.

    Une conversation, cela permet, entre autres, de « combler des trous, des hésitations, des impensés dans les propositions de chacun·e », de commenter ou d’éclairer des concepts et des idées, de souligner les chemins et de ne pas réduire la recherche à son résultat final.

    Les trois auteur-e-s considèrent la culture participative « comme un concept évolutif qu’il faut toujours interpréter selon les pratiques et les normes sociales et juridiques existantes. A chaque pas vers une culture plus participative, nous amplifions les enjeux et rehaussons les critères d’évaluation de nos pratiques réelles ».

    Dans une première partie sont abordés l’environnement médiatique, les enjeux des débats politiques autour des techniques numériques, la cyberculture, l’expansion des capacités de communication, les nouvelles formes d’expression créative, le « spectatorat de masse », la capitalisation par des entreprises des pratiques des individu-e-s (rappelant l’incorporation du travail vivant dans l’accumulation capitaliste), les plateformes de médias, « les technologies ne sont pas participatives, contrairement aux cultures » (ce qui devrait interroger sur leurs possibles utilisation ou non à d’autres fins), la participation à quelque chose et l’interaction avec quelque chose, l’inhérence de la participation à toutes les formes de pratiques sociales, les participations et les résistances, la volonté des concepteurs de « circonscrire les utilisateurs à un petit nombre d’activité acceptables », les nouvelles frontières et hiérarchies dans des espaces où potentiellement chacun-e pourrait contribuer, les privilèges « souvent ignorés dans les discours méritocratiques » (la méritocratie, selon moi, est à dénoncer comme vecteur de construction de l’inégalité), les obstacles sociaux et technologiques à une « participation pleine et entière », l’individualisme et l’égocentrisme. De nombreux éléments pour comprendre les enjeux et les possibles de la « culture participative »…

    Le second chapitre est consacré aux cultures et pratiques de la jeunesse.

    Il y reste beaucoup à analyser autour de la vie privée et publique des jeunes, en gardant le cap sur leurs auto-organisations possibles, « J’estime qu’il est essentiel de permettre aux jeunes d’explorer, de prendre des risques et de chercher un sens au monde qui les attend, eux et leurs camarades de classe », la construction sociale des individu-e-s et l’opportunité des apprentissages, les partages…

    Dans le troisième chapitre, les auteur-e-s discutent des « genres de participation » et des « écarts de participation ». Comment les modalités d’implication dans les médias « respectent elles aussi certains styles et conventions » ?,

    Les auteur-e-s abordent les politiques de participation « suivant la couleur de peau et la classe sociale » (qu’en est-il du sexe ?), l’illusion de la diversité

    Chapitre IV : « Apprentissage et littératie ». L’apprentissage comme effet secondaire de la production créative, les effets de la collaboration ou de la coopération, les toujours situés apprentissages, la littératie comme aptitude à interagir

    La cinquième partie traite de la « culture commerciale », le focus technologique (un vrai fétichisme), les outils qui renforcent les inégalités, les liens entre néolibéralisme et libertarien-ne-s, le web 2.0, le gaming et le mobile, la disparité des motivations, les problèmes de financement

    Ce qui pose bien évidement les questions de « démocratie, engagement civique et activisme » (chapitreVI), les groupes (les auteur-e-s parlent de communautés) d’apprentissage informel, la pensée d’alternatives, le « pouvoir en réseau », les buycotts, les propres conditions des jeunes, les espaces sécurisés, les autres formes de la politique…

    Je trouve intéressant dans la critique par Didier Epsztajn la confrontation entre l’approche aux Etats-Unis, telle qu’elle est développée par le livre et la tradition militante d’opposition que l’on connaît en France. Il y a un autre enjeu de la culture participative, qui mériterait d’être plus souvent débattu, c’est celui de la mondialité. Alors que les réseaux couvrent la planète, les débats sont toujours orientés par les conditions du débat aux endroits d’où sont émises les idées.

    Je reste dubitatif sur des notions comme « empowerment », « agentivité », (si les rapports sociaux ont des effets matériels puissants, ils ne sont pas pour autant des cages de fer closes, ils comportent toujours des contradictions, et les individu-e-s n’y sont jamais réduit-e-s simplement à les subir ; pour le dire autrement les êtres humains construisent leurs histoires sous contraintes), « subculture », « libertarien », l’enseignements des mathématiques de façon concrète…

    Je regrette que les prismes de classe, du genre et des processus de racisation dans la culture, les pratiques et les sociabilités ne soient pas systématisées. Il ne suffit pas d’indiquer que l’âge est la forme la moins reconnue « parmi les diverses dominations structurelles telles que la couleur de la peau, la classe sociale et le sexe », ni seulement traiter de la « politique de participation » suivant ces divisions sociales.

    #Culture_Participative #Didier_Epsztajn #danah_boyd #Mimi_Ito #Henry_Jenkins #C&F_éditions