• Déboîter le corps social

    Dominer c’est martyriser, tailler, couper dans la chair et les graisses depuis toujours. Mais pour percevoir l’inventivité clinique de l’appareil d’État macronien, il faut se rendre sur le boulevard pour comprendre comment se déploie en ce moment sur des populations entières un art médical instruit des derniers progrès d’une chirurgie orthopédique des âmes. Ce savoir anatomique concerne tous les membres du corps social : avec ses os, tendons, jointures, articulations, et surtout... ses nerfs. Le projet de Macron c’est de déboîter tout un peuple. Écraser « ceux qui ne sont rien », "emmerder jusqu’au bout" la France entière et se venger des Gilet Jaunes sont maintenant les uniques obsessions du tyran loin de toute préoccupation d’ordre politique. À revers de ce supplice raffiné, l’implication des corps disloqués fait la solidarité des chairs impatientes. Emmerdons l’emmerdeur... jusqu’au bout.

    GREY BLOC

    La manifestation précédant celle du samedi 11 mars avait été un magnifique feu d’artifice sur l’avenue Daumesnil avec ses guirlandes de poubelles incendiées pour fêter la grève des éboueurs. C’est pour cela que pour la manifestation suivante, celle du mercredi 15 mars, le plus tout à fait nouveau préfet de police Laurent Nuñez avait fait annoncer par son grand ami, le directeur du très droitard Le Parisien, la présence de 1400 « casseurs » pour une occasion inespérée de venger l’affront.

    Et l’on allait voir ce qu’on allait voir, parce que Laurent Nuñez est au maintien de l’ordre ce que Chanel est à la haute-couture française : une exigence de raffinement jamais démentie. Laurent Nuñez, ce n’est pas ce rustre de Lallemant, ce kéké de sous-préfecture qui se prend pour Goebbels quand il chevauche sa Harley. Laurent Nuñez c’est la manière espagnole, à l’opposé d’une brutalité trop manifestement germanique (énorme bourde au pays de l’Occupation).

    Laurent Nuñez, c’est le doigté du flamenco, l’esprit de finesse du jésuite Baltasar Gracián allié à la rouerie du courtisan du siècle d’or. Nuñez-le débonnaire, à la bedaine stoïque de Sancho Panza est là pour faire oublier le futur projet d’« immigration-remigration » du triste sieur Darmanin. Avez-vous remarqué qu’invité au bal, l’ingénieux hidalgo de Tourcoing aiguise en ce moment sa petite moustache franquiste ? Conduite par ce triste attelage, la manifestation du 15 mars fit symptôme en terme d’exotisme et du point de vue de l’art des castagnettes.

    Arrivé sur place : « Surprise, surprise ! ». Les 1400 « casseurs » annoncés en Guests Stars du Parisien ne font pas cortège de tête. Que se passe-t-il ? La réalité c’est qu’à la place du Black Bloc, un immense GREY Bloc, cortège aux tempes grisonnantes, a remplacé la matière noire en tête de manif. Quel est ce prodige ? De pauvres cassos auraient-ils remplacé les authentiques « casseurs » ?

    Tout cette chair sent la douleur : l’épaule fatiguée côtoie les lombaires usées, la jambe qui flagelle négocie avec l’épicondylite du coude. Les doigts craquellent aux jointures non loin des poignets engourdis. L’arthrite du genou s’enflamme.

    Le Grey Bloc c’est un système de vases communicants : des milliers de gens en ont marre de la foire du Trône et des flonflon de l’arrière, ils sont venus chercher autre chose à l’avant, histoire de refaire corps ensemble quand la carcasse flanche. On avait promis de bloquer le pays, mais sans jamais appeler à la grève générale c’est peut-être ce qui rassembla ces corps cassés pour refaire solidarité.

    Pour la préfecture c’est une tuile, les invités VIP ne sont pas venus à la fête. Qu’allait on faire des pétards, des cotillons, des pandores frisés, lustrés, enrubannés, tout costumés pour la parade ? La maréchaussée arrive très excitée par la promesse d’une vengeance-spectacle. L’effroyable et vivante mêlée qui la nargue depuis des années doit mériter le Waterloo de ce jour. Mais là, que faire avec cette bande de bras cassés, cour des miracles en goguette qui traîne ses jointures usées sur le boulevard ?
    Port Royal, Port Royal, morne plaine

    Il est un fait que c’est en cet endroit funeste que le buffet a été servi, tout proche de l’entrée des urgences de l’hôpital Cochin, là où le boulevard du Port-Royal s’élargit. Les urgences de Cochin c’est le mur des fédérés de la Génération 2018, avec ses quatre-vingts Gilets Jaunes admis aux urgences chaque soir de manifestation.

    Mais ce jour ci, point de Black Bloc ni de Gilets d’or. La plus haute technologie policière a donc été convoquée pour rien. Fiasco. La maréchaussée trépigne. Rage, rage, pleurs de rage. Port Royal, Port Royal, morne plaine.

    Que faire ? Où trouver « casseur » à casser ? Impossible de battre retraite sans avoir déboîté du Black Bloc. Dans la tête du préfet c’est la danse mauresque l’obsession des « casseurs » tourne et retourne à toute vitesse. On avait bien précisé qu’à seize heures tapantes, c’était l’heure du goûter gendarmesque. C’est pourquoi, lui d’habitude si stoïque, si modéré, si distingué, si Todo su control, le voilà devenu Don Quichotte hallucinant des moulins à vents. Autant de bras battant des ailes dans sa cervelle en tourmente.

    C’est pourquoi à cette heure funeste le pauvre Grey Bloc fut pris à partie. Sur ordre du préfet, la maréchaussée se jette sur les crinières poivre et sel en une immense clameur : « -Faute de grive mangeons du merle ! ». Sous l’effet d’une gigantesque tenaille très clairement préméditée, des centaines de boucliers fondent sur une foule de paisibles préretraités. Innocentes victimes que l’idée de fuir ne traverse même pas.

    Est-ce par effet d’une fascination pour l’objet de leur perpétuel désir que les pandores chargent le retraité en essaim, façon Black Bloc ? Mais là où le Bloc charge en essaim c’est pour taper quelque banque - comme pique une abeille pour rappeler qu’elle existe - ; alors qu’ici, c’est l’attaque des frelons asiatiques, espèces invasives venues d’ailleurs, hordes qui ne connaissent d’autre loi que la leur.

    En un immense bourdonnement toute une colonie de frelons se précipite sur moi sans raison. Ils sont plus d’une centaine, la masse compacte et affamée se jette sur moi. Arthrose, arthrite, seul au milieu du boulevard, vont-il voir que je boîte ? Quand il s’approche, l’insecte aveugle est guidé par l’odeur du sang, seuls le guide les aboiements de sa hiérarchie. Les uniformes-carapaces font méga-thorax, mais derrière les hublots, je vois leur yeux-lucarnes comme dans un bocal. À moins qu’il ne porte talonnettes, l’insecte me dépasse d’une bonne toise. C’est lorsque je me retourne que le plat d’un bouclier s’abat lâchement sur l’épaule. Plat contre omoplate, l’effet de masse des corps blindés, caparaçonnés, soudés est tel que l’onde de choc destructrice se propage à toute vitesse dans mes organes. Omoplate, humérus et clavicule divorcent. Ma ceinture scapulaire ne tient plus mon corps Impression d’être fauché par une voiture sur le boulevard.

    Sensation de démembrement étrange.

    Ensuite, sensation de vol, puis effroyable choc : l’asphalte du sol me retombe lourdement sur le dos. Des médics m’entourent. L’intensité de la douleur me submerge. Je perds connaissance. Mes deux bras ne peuvent plus bouger, me voilà devenu pingouin. Je rampe jusqu’aux urgences sur le boulevard-banquise. Je cherche le « Service des fauchés sur le pavé ». Quelle est la nouvelle méthode du gouvernement Macron ? Planquer les blessés dans les statistiques des piétons écrasés ? J’y pense très fort tellement cela ressemble à un accident de la circulation.

    Je suis maintenant sur un lit, dans une chambre d’isolement. On me demande si je fume. La chicha me réconfortera m’assure-t-on. Un aide-soignant me tend une pipe. Je peux lire : « Penthrox ». Selon le dictionnaire Vidal :

    « Un nouvel antalgique non opioïde indiqué dans le soulagement d’urgence des douleurs sévères associées à un traumatisme chez des patients adultes conscients. Son utilisation est limitée à un usage professionnel, notamment au sein des services d’accueil des urgences, SAMU et SMUR. »

    Face aux violences d’État, les labos ont travaillé, tout est prévu. Ils font circuler dans les services un médicament qu’on utilisait dans les années 2000 en maternité. C’est devenu la chicha du manifestant, le produit phare du moment. Ce shoot à l’avantage de permettre une réduction de n’importe quelle fracture à chaud sans anesthésie.

    Caressante extase, au gré des fumées grises, une nuit sans rêve me submerge comme un brouillard.
    Balistique des corps

    La nuit donne à penser. À la réflexion, cent corps soudés comme de lourds wagons d’un convoi de marchandises visent un transfert de masse maximale (on n’arrête pas facilement un train). Toute cette pantomime n’était pas faite de gestes gesticulés, hasardeux. C’est de toute évidence une technique, précise, méditée, longuement répétée : martyriser est un métier. Le cohérence du dispositif vise à maximiser l’onde de choc pour faire le plus de dégâts possibles en interne.

    Le calcul balistique est simple : on charge à deux-cent sur un piéton-cible afin créer une onde de choc maximale. L’impact cause un choc piéton identique au capot d’une voiture lancée sur un corps humain à pleine vitesse. À cette différence près que le bouclier pare-buffles des condés démultiplie la force du coup porté en percussion frontale.

    Pour une course à une vitesse entre 10 et 15 km/h, avec un tel transfert de masse, les blessures graves sont inévitables. Les plus fréquentes sont des contusions, des déboîtements, des fractures de l’omoplate, de l’épaule et du bras, sans compter de multiples lésions invisibles en interne. S’ajoute la probabilité d’un traumatisme crânien en réception dorsale.

    Tout cela sent le bloc opératoire. Des médecins ont-il appris aux forces de l’ordre la manière d’opérer ? C’est donc cela le secret du docteur Nuñez, ce chirurgien orthopédique boulevardier ? On crée à grande échelle des traumatismes qui ressemblent à des accidents de la route, mais sans ouvrir les chairs ni faire couler le sang, et sans barbaque sur la chaussée. Voilà la trouvaille !

    C’est ainsi qu’on réchauffe d’anciennes recettes tout en faisant une mise à jour de l’appareil technique des violences d’État. D’un côté on retourne aux classiques : le coup de bottin de commissariat ce sont les films policiers des années cinquante, ils ne laissent aucune trace sur la victime. De l’autre on industrialise la besogne sur des foules entières en recrutant des milliers d’exécutants pour rendre le geste efficace à grande échelle.

    Le sang qui coule, le steak haché qui s’exhibe sur les écrans au vingt heures pendant le repas du soir, cela fait toujours mauvais genre à l’international, surtout devant les expert de l’ONU. Après ça, comment vendre le « pays des droits de l’homme », cette plus value des sacs de marque qu’achètent les touristes chinois ? C’est la raison pour laquelle, plutôt que de faire un exemple spectaculaire, mille contusions invisibles propagent une onde de choc beaucoup plus large sur les populations, ce qui permet aussi d’occuper les légions de gendarmes que ce gouvernement a embauché depuis les Gilets Jaunes.

    La nouvelle tactique c’est le coup de Bottin collectif informé des derniers progrès de la chirurgie orthopédique. Flash ball ou Tonfa, les armes utilisées contre les Gilets jaunes produisaient des blessures individualisantes et fabriquaient autant de martyrs identifiables dont tout le monde sait les noms. Ici, la peine est collective, la nouvelle arme de guerre c’est la collision sur le boulevard. Percutez tant que vous pouvez, il en restera toujours quelque chose.
    Fractures sociales (Châtiments sans peine)

    Comme un coup de crosse, la tonfa du temps des Gilets Jaunes ouvre le crâne des sourcils à la nuque, c’est une technique de guerre à part entière. Il s’agit d’inonder de son sang un adversaire afin de l’immobiliser dans son élan, ce qui démoralise simultanément ses camarades. L’objectif c’est l’écœurement : pendant l’hiver 2018, combien de médics ont vomi dans les douches les soirs de manifestations ?

    Ici rien de tel. Les « contusions », dans le milieu médical tout le monde sait ce que cela veut dire : rien de précis . Quand il s’agit de déboîter les membres, de contusionner des corps, de traumatiser en interne sans faire couler le sang ni ouvrir les chairs, l’agression doit être invisible à la caméra et ne laisser aucune trace sur les réseaux. Mais ce n’est pas le seul avantage de cette technique. Les chocs frontaux opérés à coup de boucliers permettent d’établir un catalogue raisonné de châtiments corporels infligés directement sur la victime. Le choix des victimes a lieu au juger, c’est à dire sans jugement.

    Pour preuve de la banalisation de ces pratiques, un policier propose sur une vidéo récente, face à la caméra, de casser le bras d’un manifestant qui ne facilite pas son arrestation.

    On est là largement en dehors du droit puisque c’est la police qui se fait juge d’une peine immédiate. Aucun tribunal d’aucun État de droit, aucune société dite « civilisée » ne peut prescrire ce genre de peine.

    Petit catalogue des châtiments :

    -- La moindre « contusion » c’est entre une et deux semaines de soins, cela peut aller jusqu’à six mois.
    -- Une clavicule cassée c’est 6 semaines d’immobilisation.
    -- Un humérus fracturé c’est 6 semaines d’immobilisation et deux mois de convalescence.
    -- Une omoplate cassée, c’est 6 à 9 semaines de soins.
    -- Une épaule cassée c’est deux ans de soins.
    -- Une atteinte de la coiffe des rotateurs c’est la condamnation à perpétuité.
    (L’atteinte est répertoriée comme invalidité de guerre sur les sites d’anciens combattants).

    L’objectif c’est la « rééducation ». Les frais de rééducation nécessitent plusieurs semaines, voire des mois de réadaptation, cela donne le temps de réfléchir. Les ostéopathes ne sont pas remboursés, tout cela se fera donc aux frais des victimes, c’est une nouvelle peine d’amende à part entière. La méthode est simple, discrète, efficace et permet d’appliquer directement peines et châtiments sans passer par d’interminables procédures ou juridictions complexes.

    À cela s ’ajoute que les services d’urgence, qui n’ont pas de temps à perdre, vous déclarent en bonne santé aussitôt passé le cap de la radio (qui ne voit que les fractures). Sans perte de connaissance, les blessés sont directement renvoyés chez eux, sans IRM, échographie ni Scanner. Pour ce qui est des lésions plus graves, il est demandé une « réévaluation par le médecin traitant si persistance des douleurs ». Là vous passez en appel et la plupart du temps c’est sans réduction de peine, mais plutôt pour un allongement de la durée de la sanction. Et là je ne parle pas des souffrances psychiques, des gens qui suite au choc de l’agression, tétanisés par la peur, voient leur existence bouleversée par les cauchemars ou la paranoïa.

    Quand la douleur est machinique, la sanction est automatique. Le but est de produire de manière invisible et immédiate une immobilisation de toute opposition. Pourquoi s’emmerder plus longtemps avec de la paperasse et des juges ? Pourquoi prendre la peine de fignoler un dossier de convocation judiciaire :

    « Le dénommé X est accusé d’avoir le 12/04 à Paris (XVI ème arrondissement), en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, seul et sans arme, opposé une résistance violente en portant des coups de pieds alors qu’il était au sol pour ne pas de laisser interpeller, causant notamment une fracture de la main chez l’un des agents interpellateurs X et Y (ITT 30 jours) dépositaire de l’autorité »

    Qui lit encore cela ? Au diable la paperasse ! La police c’est la justice, la justice c’est la police, pourquoi séparer les pouvoirs ? C’est là la simple logique des fusions-acquisitions : deux entreprises fusionnent pour regrouper deux entités commerciales et maximiser leurs gains. La politique de « Contusion-Confusion » c’est gagnant-gagnant pour tous les partenaires. C’est ainsi que l’État se transforme en auto-entreprise et en État policier.

    Le problème c’est qu’à aucun moment l’on ne se demande si de fil en aiguille, on n’en vient pas à créer une machine monstrueuse, vaste logiciel de gestion des corps menés à l’abattoir par un appareil d’État à la dérive. Quand à l’exhibition systématique de la troupe, piétinant la foule comme on marche sur Rome, c’est clairement la marque des régimes fascistes
    Le supplice de Damiens 2.0

    À l’époque où des Gilets Jaunes hagards erraient pendant plusieurs heures sur le boulevard, à la recherche d’un service d’urgences, leur œil dans une main, un sac dans l’autre, cela a marqué les esprits. Quand un œil éclatait et que cela faisait le bruit d’un œuf qu’on écrase, cela ne s’oublie pas. Quand on vise l’os malaire d’un visage et que la mâchoire s’enfonce, non seulement le choc post-traumatique est inévitable mais c’est la boucherie. Le problème c’est que cela donne une mauvaise image du « pays des Lumières », et de son despote éclairé.

    Si l’on se rappelle les gilets jaunes. À partir de l’acte III, Macron a dit à sa police « -Faites ce que vous voulez ». Ils se sont exécutés, et mécaniquement ces gens ont fait ce qu’ils ont voulu. Que voulez-vous qu’il se passe quand on distribue des viseurs holographiques à de jeunes chiens fous tout en sanctionnant disciplinairement ceux qui ne veulent pas aller au ball-trap ?

    Je rappelle pour ceux qui ne sont pas informés qu’un viseur holographique EOTech permet de tirer sur une cible en mouvement sans obligation de parallaxe. Ce viseur a été inventé pour l’invasion de l’Irak en 1990. Ce viseur a été ensuite monté sur des fusils LBD et utilisé systématiquement par les forces de l’ordre pendant l’hiver 2018. Celui-ci est livré en option, « afin discriminer les parties du corps à impacter » explique pudiquement le fabricant. Un simple point rouge permet effectivement d’ajuster le tir sur n’importe quel orbite de manière très précise. Inutile d’aligner laborieusement une mire et le guidon d’une arme. Avec ce confort de tir, à vingt mètres, n’importe qui se prend pour un tireur d’élite. Et comme c’est valorisant de faire partie de l’ « élite », certains ont osé parler de « bavures » à l’époque des Gilets Jaunes. Ce qui a fait ricaner certains dans les comicos.

    Les Gilets jaunes c’est le retour au Moyen-âge. Ce qui compte dans la justice médiévale, ainsi que l’indique l’évangile de Luc, c’est : « Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! Mieux vaut qu’on lui attache une grosse meule autour du cou et qu’on le jette dans la mer » » (Lc, 17,1-2). Ceci signifie que du point de vue du droit canonique, peu importe que le curé de Montaillou, -village Occitan- soit pédophile, violeur, adultère ou le dernier des meurtriers, tout cela relève finalement du for interne, c’est à dire de la conscience personnelle du point de vue des pratiques de confessionnal. Du point de vue de la vulgate canonique, ce qui compte avant tout, c’est de vénérer publiquement la très Sainte Trinité.

    Le pêcheur public c’est celui qui est susceptible de contaminer une communauté toute entière. Il donne le mauvais exemple et abîme la récolte comme une pomme pourrie contamine tout un panier. Dès que le scandale devient public, il faut donc l’éradiquer. C’est la raison pour laquelle, dans l’Ancien Régime, en régime de contamination virale, le scandale comme la justice sont affaire de spectacle. Quand on jette le présumé coupable à l’eau, une grosse pierre attachée au cou comme le propose l’évangéliste Luc, la justice c’est l’inverse du baptême. Le baptême intègre dans la communauté, la grosse pierre participe à un rite d’exclusion, d’excommunication, de désintégration puisqu’il faut savoir qu’à l’origine le baptême n’est pas un sacrement mais une épreuve de justice ordalique.

    Un exemple de cette justice-spectacle de l’Ancien-Régime c’est le supplice très célèbre de Robert François Damiens, condamné pour « parricide commis sur la personne du Roi Louis XV ». Il est racontée dans l’Histoire de Robert François Damiens, contenant les particularités de son parricide et de son supplice (1757) :

    « On amena dans l’enceinte quatre chevaux jeunes et vigoureux qui avaient été achetés la veille quatre cent trente-deux livres […] ils avaient obtenu la permission de dépecer le condamné. Voici comment ils s’y prirent. Les chevaux furent encore excités et lancés. Alors, quand les membres de Damiens furent tendus à point, les deux bourreaux coupèrent les nerfs aux jointures des cuisses. Cela ne se fit pas sans peine. Le sang jaillit en abondance. « Oh ! hurla Damiens ; ayez-pitié de moi, Seigneur ! Jésus, secourez-moi ! » Les couteaux fouillaient sa chair, ne s’arrêtant que devant les os. « Voyons maintenant », dit le bourreau. Les chevaux tirèrent. Cette fois une cuisse se détacha, la cuisse gauche. […] Damiens regarda encore cette douloureuse séparation , Il n’y avait plus de résistance de sa part. Après de nouvelles secousses des chevaux, l’autre cuisse partit. Restaient les bras. Les deux bourreaux recommencèrent le jeu de leurs couteaux à l’endroit des épaules et aux aisselles. On aurait dit deux bouchers travaillant dans la même viande. La cruauté a son ivresse, et ils étaient arrivés à cette ivresse-là. Ils n’épargnaient aucun nerf, aucun tendon. « Grâce ! grâce ! » criait toujours Damiens. Le bras droit tomba. Damiens ne perdit pas encore connaissance. « Ses cris continuaient, mais avec moins de bruit,et la tête continuait à aller. » Enfin, les chevaux emportèrent le dernier bras. Il n’y eut plus sur la table basse qu’un tronc qui vivait encore et une tête dont les cheveux venaient de blanchir tout à coup. Il vivait ! Pendant qu’on détachait les chevaux et qu’on ramassait ses quatre membres, les confesseurs se précipitèrent vers lui. Mais Henri Samson les arrêta en leur disant que Damiens venait de rendre le dernier soupir. La vérité est que je voyais encore l’estomac agité et la mâchoire inférieure aller et venir comme s’il parlait. Ce tronc respirait ! Ses yeux se tournèrent encore vers eux. On ne dit pas si la foule battit des mains une seconde fois.Ce qu’il y a de certain, c’est que, pendant une heure et demie que dura ce supplice, personne ne songea à quitter sa place, ni aux fenêtres ni sur le pavé. Un bûcher avait été préparé à quelque distance de l’échafaud, avec des fagots et de la paille. On y jeta d’abord les quatre membres du supplicié, et ensuite le tronc. Les débris palpitants furent recouverts d’autres fagots. On mit le feu au tout ! »

    On voit bien dans ce récit qu’il s’agit de démembrer quelqu’un pour lui arracher une malédiction qui déborde le corps social. Un individu est extrait de la société pour purifier le corps social tout entier, de la même manière qu’on pratique une saignée pour épurer le flux sanguin d’un malade dans le théâtre de Molière. Mais l’efficace du rituel n’est rendu possible qu’à la condition que ce démembrement ait lieu aux yeux de tous. La guérison du grand corps malade ne s’opère que par transsubstantiation [1]

    [1] En théologie dogmatique catholique, la...
    du sang versé dans un rituel qui implique toute la communauté. C’est pourquoi la justice médiévale est un spectacle, le rituel ne fonctionne pas s’il n’est pas accompli aux yeux de tous. Rappelons que les gens allaient encore avec leurs enfants assister aux exécutions capitales jusqu’au début de le seconde guerre mondiale.

    Aujourd’hui quand on veut déboîter tout un peuple, les corps sont démembrés à l’abri des regards, c’est à dire au plus intime des corps, c’est la raison pour laquelle la nouvelle technique du maintien de l’ordre n’assume plus la visibilisation des violences d’État. Pour preuve, le preux cavalier Macron ne plastronne plus :

    « Oyez, Oyez, boursemolles, ribaudes et puterelles, traversez ruisseau pour trouver boulot, en mon château me venez chercher ! ».

    L’époque a changé, la bête attaque maintenant systématiquement de dos. On le voit bien avec cette réforme des retraites qu’un gouvernement abject tente de faire passer par une loi sur la sécurité sociale. Le nouveau supplice de Damiens c’est la colonie pénitentiaire de Kafka. Dans ce récit une machine inscrit la peine dans l’intimité du corps du supplicié, ici cette intimité est largement distribuée tout en étant privatisé : miracle de la bio-logistique des corps !

    C’est au hasard des engagements d’un corps qu’un individu prend parfois la mesure que l’onde de choc qui le traverse fragmente le corps social tout entier. À cette heure, deux épaules immobilisées me laissent deux doigts libres pour taper ce texte sous analgésiques. Ce texte donc un texte écrit à l’horizontal : si le mouvement de lutte contre la réforme des retraites ne laisse personne indifférent c’est parce qu’il attaque les corps ; nous sommes tous mortels et du point de vue de notre finitude, les existences sont toutes égales. C’est la raison pour laquelle des plus jeunes aux plus vieux, le spectacle de l’ignominie présidentielle brûle d’une telle flagrance.

    Et foin des grands discours, c’est l’implication des corps disloqués qui fait la solidarité de nos chairs impatientes.

    [1] En théologie dogmatique catholique, la transsubstantiation est la doctrine selon laquelle au cours de l’eucharistie, au moment de la consécration, les espèces du pain et du vin deviennent le Corps réel et le Sang réel du Christ tout en conservant leurs caractéristiques physiques et leurs apparences originales.

    https://lundi.am/Deboiter-le-corps-social
    #domination #violences_policières #répression #France #macronisme #Laurent_Nuñez #Laurent_Nunez #maintien_de_l'ordre #grey_block #manifestation #15_mars_2023 #casseurs #contusions #invisibilité #invisibilisation #violences_d'Etat #immobilisation #viseur_holographique

  • Les migrants sont-ils acteurs de leur trajectoire ?

    L’exil est souvent perçu comme un temps arrêté dans le cours de la vie car ceux qui migrent doivent faire face à de nombreux #obstacles et à de longues situations d’#attente. En s’appuyant sur le cas des migrants afghans, #Alessandro_Monsutti, grand spécialiste de l’Afghanistan et des pays limitrophes, nous explique que partir de chez soi pour rejoindre un autre pays implique d’être pleinement (et souvent durement) acteur de sa propre trajectoire.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=4xWCrcpE7ik&feature=emb_logo


    https://www.icmigrations.cnrs.fr/2021/11/29/defacto-029-02

    #autonomie #migrations #asile #réfugiés #autonomie_des_migrations #Afghanistan #réfugiés_afghans #approche_transnationale #appartenances_multiples #itinéraires_migratoires #complexité #stratégie #circulations #échelles #agentivité #capacité_d'action #famille #agency #structuralisme #structure #aspirations #immobilisation

    #vidéo

    ping @isskein @karine4

  • #Campagnes de #dissuasion massive

    Pour contraindre à l’#immobilité les candidats à la migration, jugés indésirables, les gouvernements occidentaux ne se contentent pas depuis les années 1990 de militariser leurs frontières et de durcir leur législation. Aux stratégies répressives s’ajoutent des méthodes d’apparence plus consensuelle : les campagnes d’information multimédias avertissant des #dangers du voyage.

    « Et au lieu d’aller de l’avant, il pensa à rentrer. Par le biais d’un serment, il dit à son cousin décédé : “Si Dieu doit m’ôter la vie, que ce soit dans mon pays bien-aimé.” » Cette #chanson en espagnol raconte le périple d’un Mexicain qui, ayant vu son cousin mourir au cours du voyage vers les États-Unis, se résout à rebrousser chemin. Enregistrée en 2008 grâce à des fonds gouvernementaux américains, elle fut envoyée aux radios de plusieurs pays d’Amérique centrale par une agence de #publicité privée, laquelle se garda bien de révéler l’identité du commanditaire (1).

    Arme de découragement typiquement américaine ? Plusieurs États européens recourent eux aussi à ces méthodes de #communication_dissuasive, en particulier depuis la « crise » des réfugiés de l’été 2015. En #Hongrie comme au #Danemark, les pouvoirs publics ont financé des publicités dans des quotidiens libanais et jordaniens. « Les Hongrois sont hospitaliers, mais les sanctions les plus sévères sont prises à l’encontre de ceux qui tentent d’entrer illégalement en Hongrie », lisait-on ici. « Le Parlement danois vient d’adopter un règlement visant à réduire de 50 % les prestations sociales pour les réfugiés nouvellement arrivés », apprenait-on là (2). En 2017, plusieurs #artistes ouest-africains dansaient et chantaient dans un #clip intitulé #Bul_Sank_sa_Bakane_bi (« Ne risque pas ta vie »). « L’immigration est bonne si elle est légale », « Reste en Afrique pour la développer, il n’y a pas mieux qu’ici », « Jeunesse, ce que tu ignores, c’est qu’à l’étranger ce n’est pas aussi facile que tu le crois », clamait cette chanson financée par le gouvernement italien dans le cadre d’une opération de l’#Organisation_internationale_pour_les_migrations (#OIM) baptisée « #Migrants_conscients » (3).

    « Pourquoi risquer votre vie ? »

    Ces campagnes qui ciblent des personnes n’ayant pas encore tenté de rejoindre l’Occident, mais susceptibles de vouloir le faire, insistent sur l’inutilité de l’immigration irrégulière (ceux qui s’y essaient seront systématiquement renvoyés chez eux) et sur les rigueurs de l’« État-providence ». Elles mettent en avant les dangers du voyage, la dureté des #conditions_de_vie dans les pays de transit et de destination, les #risques de traite, de trafic, d’exploitation ou tout simplement de mort. Point commun de ces mises en scène : ne pas évoquer les politiques restrictives qui rendent l’expérience migratoire toujours plus périlleuse. Elles cherchent plutôt à agir sur les #choix_individuels.

    Déployées dans les pays de départ et de transit, elles prolongent l’#externalisation du contrôle migratoire (4) et complètent la surveillance policière des frontières par des stratégies de #persuasion. L’objectif de #contrôle_migratoire disparaît sous une terminologie doucereuse : ces campagnes sont dites d’« #information » ou de « #sensibilisation », un vocabulaire qui les associe à des actions humanitaires, destinées à protéger les aspirants au départ. Voire à protéger les populations restées au pays des mensonges de leurs proches : une vidéo financée par la #Suisse (5) à destination du Cameroun enjoint ainsi de se méfier des récits des émigrés, supposés enjoliver l’expérience migratoire (« Ne croyez pas tout ce que vous entendez »).

    Initialement appuyées sur des médias traditionnels, ces actions se développent désormais via #Facebook, #Twitter ou #YouTube. En #Australie, le gouvernement a réalisé en 2014 une série de petits films traduits dans une quinzaine de langues parlées en Asie du Sud-Est, en Afghanistan et en Indonésie : « Pas question. Vous ne ferez pas de l’Australie votre chez-vous. » Des responsables militaires en treillis exposent d’un ton martial la politique de leur pays : « Si vous voyagez par bateau sans visa, vous ne pourrez jamais faire de l’Australie votre pays. Il n’y a pas d’exception. Ne croyez pas les mensonges des passeurs » (6).

    Les concepteurs ont sollicité YouTube afin que la plate-forme diffuse les #vidéos sous la forme de publicités précédant les contenus recherchés par des internautes susceptibles d’émigrer. Le recours aux #algorithmes permet en effet de cibler les utilisateurs dont le profil indique qu’ils parlent certaines langues, comme le farsi ou le vietnamien. De même, en privilégiant des vidéos populaires chez les #jeunes, YouTube facilite le #ciblage_démographique recherché. Par la suite, ces clips ont envahi les fils d’actualités Facebook de citoyens australiens issus de l’immigration, sélectionnés par l’#algorithme car ils parlent l’une des langues visées par la campagne. En s’adressant à ces personnes nées en Australie, les autorités espéraient qu’elles inviteraient elles-mêmes les ressortissants de leur pays d’origine à rester chez eux (7).

    C’est également vers Facebook que se tourne le gouvernement de la #Norvège en 2015. Accusé de passivité face à l’arrivée de réfugiés à la frontière russe, il finance la réalisation de deux vidéos, « Pourquoi risquer votre vie ? » et « Vous risquez d’être renvoyés » (8). Les utilisateurs du réseau social avaient initialement la possibilité de réagir, par le biais des traditionnels « j’aime » ou en postant des commentaires, ce qui aurait dû permettre une circulation horizontale, voire virale, de ces vidéos. Mais l’option fut suspendue après que la page eut été inondée de commentaires haineux issus de l’extrême droite, suscitant l’embarras de l’État.

    Ici encore, Facebook offre — ou plutôt, commercialise — la possibilité de cibler des jeunes hommes originaires d’Afghanistan, d’Éthiopie et d’Érythrée, dont le gouvernement norvégien considère qu’ils ne relèvent pas du droit d’asile. L’algorithme sélectionne en particulier les personnes situées hors de leur pays d’origine qui ont fait des recherches sur Internet dénotant leur intérêt pour l’Europe et la migration. Il s’agit de toucher des migrants en transit, qui hésitent quant à leur destination, et de les dissuader de choisir la Norvège. Les Syriens ne font pas partie des nationalités visées, afin de ne pas violer le droit d’asile. De même, le message mentionne explicitement que seuls les adultes seront refoulés, afin de ne pas contester le droit des enfants à être pris en charge.

    À plusieurs reprises, depuis 2015, les autorités belges ont elles aussi utilisé Facebook pour ce type d’initiatives (9). En 2018, des photographies de centres de détention et d’un jeune migrant menotté, assorties du slogan « Non à l’immigration illégale. Ne venez pas en #Belgique » (10), furent relayées à partir d’une page Facebook créée pour l’occasion par l’Office des étrangers. Cette page n’existait toutefois qu’en anglais, ce qui a fait croire à un faux (y compris parmi les forces de l’ordre), poussant le gouvernement belge à la supprimer au profit d’un site plus classique, humblement intitulé « Faits sur la Belgique » (11).

    Si de telles initiatives prolifèrent, c’est que les États européens sont engagés dans une course à la dissuasion qui les oppose les uns aux autres. Le 30 mai 2018, en France, M. Gérard Collomb, alors ministre de l’intérieur, affirmait lors d’une audition au Sénat que les migrants faisaient du « #benchmarking » pour identifier les pays les plus accueillants. Cette opinion semble partagée par ses pairs, et les États se montrent non seulement fermes, mais soucieux de le faire savoir.

    Le recours aux plates-formes de la Silicon Valley s’impose d’autant plus aisément que les autorités connaissent l’importance de ces outils dans le parcours des migrants. Une très large majorité d’entre eux sont en effet connectés. Ils dépendent de leur #téléphone_portable pour communiquer avec leur famille, se repérer grâce au #GPS, se faire comprendre par-delà les barrières linguistiques, conserver des photographies et des témoignages des atrocités qui justifient leur demande d’asile, appeler au secours en cas de naufrage ou de danger, ou encore retrouver des connaissances et des compatriotes dispersés.

    Un doute taraudait les autorités des États occidentaux : en connectant les individus et en leur facilitant l’accès à diverses sources d’information, les #technologies_numériques ne conféraient-elles pas une plus grande #autonomie aux migrants ? Ne facilitaient-elles pas en définitive l’immigration irrégulière (12) ? Dès lors, elles s’emploieraient à faire de ces mêmes outils la solution au problème : ils renseignent sur la #localisation et les caractéristiques des migrants, fournissant un canal privilégié de communication vers des publics ciblés.

    Systématiquement financées par les États occidentaux et impliquant de plus en plus souvent les géants du numérique, ces campagnes mobilisent aussi d’autres acteurs. Adopté sous les auspices de l’Organisation des Nations unies en 2018, le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (ou pacte de Marrakech) recommande ainsi de « mener des campagnes d’information multilingues et factuelles », d’organiser des « réunions de sensibilisation dans les pays d’origine », et ce notamment pour « mettre en lumière les risques qu’il y a à entreprendre une migration irrégulière pleine de dangers ». Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et l’OIM jouent donc le rôle d’intermédiaires privilégiés pour faciliter le financement de ces campagnes des États occidentaux en dehors de leur territoire.

    Efficacité douteuse

    Interviennent également des entreprises privées spécialisées dans le #marketing et la #communication. Installée à Hongkong, #Seefar développe des activités de « #communication_stratégique » à destination des migrants potentiels en Afghanistan ou en Afrique de l’Ouest. La société australienne #Put_It_Out_There_Pictures réalise pour sa part des vidéos de #propagande pour le compte de gouvernements occidentaux, comme le #téléfilm #Journey, qui met en scène des demandeurs d’asile tentant d’entrer clandestinement en Australie.

    Enfin, des associations humanitaires et d’aide au développement contribuent elles aussi à ces initiatives. Créée en 2015, d’abord pour secourir des migrants naufragés en Méditerranée, l’organisation non gouvernementale (ONG) #Proactiva_Open_Arms s’est lancée dans des projets de ce type en 2019 au Sénégal (13). Au sein des pays de départ, des pans entiers de la société se rallient à ces opérations : migrants de retour, journalistes, artistes, dirigeants associatifs et religieux… En Guinée, des artistes autrefois engagés pour l’ouverture des frontières militent à présent pour l’#immobilisation de leurs jeunes compatriotes (14).

    Le #discours_humanitaire consensuel qui argue de la nécessité de protéger les migrants en les informant facilite la coopération entre États, organisations internationales, secteurs privé et associatif. La plupart de ces acteurs sont pourtant étrangers au domaine du strict contrôle des frontières. Leur implication témoigne de l’extension du domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière.

    Avec quelle #efficacité ? Il existe très peu d’évaluations de l’impact de ces campagnes. En 2019, une étude norvégienne (15) a analysé leurs effets sur des migrants en transit à Khartoum, avec des résultats peu concluants. Ils étaient peu nombreux à avoir eu connaissance des messages gouvernementaux et ils s’estimaient de toute manière suffisamment informés, y compris à propos des aspects les plus sombres de l’expérience migratoire. Compte tenu de la couverture médiatique des drames de l’immigration irrégulière, il paraît en effet vraisemblable que les migrants potentiels connaissent les risques… mais qu’ils migrent quand même.

    https://www.monde-diplomatique.fr/2021/03/PECOUD/62833
    #migrations #réfugiés #privatisation #Italie #humanitaire #soft_power

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    Ajouté à la métaliste sur les #campagnes de #dissuasion à l’#émigration :
    https://seenthis.net/messages/763551

    ping @isskein @karine4 @_kg_ @rhoumour @etraces

  • Les centres pour requérants d’asile doivent améliorer leur gestion de la #violence

    La violence et les conflits devraient être mieux gérés dans les centres fédéraux pour requérants d’asile. Le personnel de sécurité devrait être mieux formé. La commission nationale de prévention de la torture a publié lundi ses nouvelles recommandations.

    Pour la commission, la manière de résoudre les #conflits et la violence laisse à désirer dans ces hébergements et un système de #gestion_des_conflits y fait défaut.

    A plusieurs reprises, le #personnel_de_sécurité des centres fédéraux a utilisé des moyens disproportionnés, relève le rapport sur la base de témoignages. Il s’agit par exemple de l’#immobilisation_corporelle, de l’utilisation de #gels_au_poivre ou du placement en salle de « réflexion ». Des procédures pénales ont été engagées contre des #agents_de_sécurité pour usage arbitraire ou disproportionné de la #force ou d’#abus_de_pouvoir.

    Meilleure formation

    La commission recommande donc une gestion systématique des #plaintes. Cette approche plus transparente permettrait de régler les conflits le plus souvent possible sans faire usage de la force, à dissiper les #malentendus et la #défiance entre les requérants d’asile et le #personnel_de_sécurité. La justice pénale ne se concentrerait que sur les cas qui le justifient.

    Les entreprises de sécurité doivent en outre recruter des employés expérimentés et formés spécifiquement aux charges requises dans un centre fédéral pour requérants d’asile. Elles doivent prévoir une #formation nettement plus longue et plus poussée de leur personnel. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est notamment prié de prévoir des moyens financiers à cet effet.

    La commission nationale de prévention de la torture estime en outre qu’il faut limiter le moins possible la #liberté_de_mouvement des requérants et encourager les autorités communales compétentes à aménager des #horaires_de_sortie étendus. Cette recommandation avait déjà été émise dans son précédent rapport.

    Points positifs

    Dans ses conclusions, la commission relève également plusieurs points positifs. Les requérants d’asile sont en général hébergés dans des conditions répondant aux droits humains et fondamentaux.

    La mise en place de l’enseignement de base pour les enfants et les jeunes en âge de scolarité est saluée, tout comme la création dans le centre de #Kreuzlingen (TG) d’une consultation pour les personnes souffrant de dépendances.

    https://amp.rts.ch/info/suisse/11905402-les-centres-pour-requerants-dasile-doivent-ameliorer-leur-gestion-d

    #centres_fédéraux #asile #migrations #réfugiés #Suisse #centre_fédéral

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    Ajouté au fil de discussion sur #ORS en #Suisse :
    https://seenthis.net/messages/884092

    qui, lui-même, a été ajouté à la métaliste sur ORS :
    https://seenthis.net/messages/802341

    • Centres fédéraux pour requérants d’asile : accès à l’enseignement scolaire de base jugé positivement, potentiel d’amélioration concernant la prévention de la violence et la protection des personnes vulnérables

      La #Commission_nationale_de_prévention_de_la_torture (#CNPT) s’est rendue une nouvelle fois dans des centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA) entre 2019 et 2020. Elle publie aujourd’hui les constatations et les recommandations qu’elle a faites à l’occasion de ses visites. La Commission conclut dans son rapport que les requérants d’asile sont en général hébergés dans des conditions conformes aux droits humains et aux droits fondamentaux. Elle juge en particulier positive l’instauration de l’enseignement de base pour les enfants et les jeunes en âge de scolarité et cite en exemple la création, dans un centre, d’une consultation pour les personnes souffrant de dépendances. La Commission estime cependant qu’il existe un potentiel d’amélioration concernant la gestion des conflits, la prévention de la violence et le traitement des plaintes, et rappelle que des progrès doivent être faits s’agissant de l’identification des personnes vulnérables, de l’accès à une prise en charge psychiatrique et, dans certains cas, de l’infrastructure.

      Au cours de ses visites, la Commission a constaté que le personnel de sécurité des centres a eu recours à plusieurs reprises à l’immobilisation corporelle, à des gels au poivre et au placement en salle de « réflexion ». Plusieurs témoins de ces situations jugent que l’intervention du personnel de sécurité était dans quelques cas disproportionnée. Il a été porté à la connaissance de la Commission que des procédures pénales ont de fait été engagées contre plusieurs collaborateurs à la suite de plaintes de requérants d’asile.

      La Commission estime qu’il existe un potentiel d’amélioration considérable en ce qui concerne la prévention de la violence et le traitement des conflits et des griefs de violence. Elle recommande au Secrétariat d’État aux migrations (SEM) de mettre en place une gestion systématique, à bas seuil, des plaintes et de réfléchir à la manière de renforcer l’encadrement afin de réduire les conflits violents. L’introduction prévue d’un plan de prévention de la violence dans tous les hébergements est saluée.

      Le SEM doit en outre veiller à ce que les entreprises de sécurité qu’il mandate recrutent des employés expérimentés et qualifiés et leur assurent une formation approfondie aux spécificités du travail dans un CFA. Les entreprises de sécurité doivent en particulier prévoir une formation nettement plus longue et plus poussée de leur personnel.

      La Commission cite en exemple la création d’une consultation pour les personnes souffrant de dépendances au CFA de Kreuzlingen. Cette mesure, qualifiée de meilleure pratique, a contribué selon divers intervenants à réduire les tensions dans l’hébergement. Le SEM est encouragé à mettre en œuvre des solutions analogues dans ses autres structures également.

      Les rôles des différents intervenants dans les centres et les processus d’identification des personnes vulnérables ne sont pas encore définis avec suffisamment de clarté. La Commission se félicite de ce que le SEM prépare un guide concernant les personnes ayant des besoins particuliers.

      Dans les CFA, la prise en charge psychiatrique se limite généralement aux situations aiguës. Compte tenu de la courte durée des séjours dans les centres, un traitement n’est généralement mis en place qu’après l’attribution de la personne à un canton. La Commission recommande au SEM de procéder à un premier bilan de la situation psychique des requérants à leur arrivée, de manière à pouvoir les rediriger, en cas de traumatisme ou de troubles psychiques, vers des services spécialisés si possible déjà pendant leur séjour au centre. La Commission a pris acte de ce que différentes mesures sont prévues pour faciliter l’accès à une prise en charge psychiatrique.

      La Commission a visité, de janvier 2019 à juillet 2020, les CFA de Boudry, de Balerna, de Chiasso, de l’Aéroport de Genève, de Kappelen, de Kreuzlingen et de la « Via Motta » (Chiasso), ainsi que l’hébergement de la halle 9 à Oerlikon, géré par la ville de Zurich.
      Ces visites se fondent sur les dispositions de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur la Commission de prévention de la torture (CNPT), qui prévoit que la CNPT contrôle régulièrement la situation des personnes privées de liberté ou dont la liberté de mouvement est restreinte en application d’une décision des autorités. Le dernier rapport de la Commission sur les conditions dans les hébergements fédéraux pour requérants d’asile date de janvier 2019 (période 2017 - 2018).

      https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/mm.msg-id-82013.html

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      Dans le résumé du rapport en français (le rapprt complet n’est pas disponible en français), pas de mention de #ORS : https://www.nkvf.admin.ch/dam/nkvf/fr/data/Berichte/2020/baz/ber-zus-baz-fr.pdf

      ORS est par contre mentionnée dans le rapport complet en allemand : https://www.nkvf.admin.ch/dam/nkvf/de/data/Berichte/2020/baz/ber-baz-de.pdf

    • Les requérant·e·s doivent davantage être protégé·e·s des violences subies dans les Centres fédéraux d’asile

      Le nouveau rapport de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) confirme les dysfonctionnements des Centres fédéraux d’asile (CFA) que les associations de défense des migrant·e·s dénoncent depuis plusieurs années : le système de gestion des CFA, de plus en plus privatisé, entraîne des violences, peine à gérer les conflits et à traiter les plaintes. Le recours à la force envers les personnes requérantes d’asile est inacceptable et doit immédiatement cesser.

      Immobilisation corporelle, recours à des gels au poivre ou encore au placement en salle de « réflexion », qui s’apparente en réalité à une sorte de cellule de détention ; c’est ce qui ressort de plusieurs témoignages de requérant·e·s vivant dans différents CFA aux quatre coins de la Suisse. Menée par la CNPT entre 2019 et 2020, cette enquête a révélé l’usage fréquent de moyens disproportionnés par le personnel de sécurité des centres. Plusieurs collaborateur·trice·s font actuellement l’objet d’une procédure pénale à la suite de plaintes de requérant·e·s d’asile.

      Les critiques de la CNPT font écho aux récentes dénonciations de violences par les collectifs Solidarités Tattes à Genève, Droit de rester à Fribourg et Drei Rosen gegen Grenzen à Bâle. Plusieurs personnes résidant au CFA de Giffers dans le canton de Fribourg ont témoigné avoir fait l’objet de graves maltraitances de la part du personnel de sécurité, certaines d’entre elles ayant dû être hospitalisées. Les membres du personnel de sécurité impliqué·e·s n’ont toutefois pas été inquiété·e·s pour leurs actes et travaillent toujours au CFA de Giffers. Des dénonciations similaires ont eu lieu au sujet du CFA de Bâle et au Centre pour requérant·e·s mineur·e·s non accompagné·e·s (RMNA) de l’Étoile à Genève.

      Le système même des CFA est responsable de ces violences : les organismes privés tels que l’ORS proposent des services à moindre coût pour obtenir les marchés publics et évincer ainsi les organismes publics ou associatifs, aux dépens des conditions de vie et de la santé des requérant·e·s. L’organisation asile.ch dénonce depuis de nombreuses années le fait qu’une entreprise puisse réaliser des profits en assurant une mission sociale et publique. Les entreprises de sécurités mandatées (Protectas, Securitas et Verkehrsüberwachung Schweiz AG) soumettent leur personnel à des conditions de travail précaires et ne leur assurent pas une formation approfondie sur les particularités du travail au sein des CFA. Plusieurs témoignages de vigiles dénoncent une « banalisation de la violence ». En outre, la part du budget de la Confédération allouée à la « sécurité » est plus importante que celle consacrée à l’encadrement social et sanitaire dans les CFA alors même que les requérant·e·s sont une population davantage fragilisée que la moyenne.

      Les requérant·e·s doivent bénéficier d’un meilleur encadrement social et médical ; la Confédération doit assurer la protection de ces personnes en réglementant davantage la collaboration avec des entreprises de sécurité privée et en ouvrant plus largement les CFA à la société civile. Les renvois potentiels de personnes lésées doivent être suspendus en attendant le résultat des plaintes pénales déposées contre le personnel de sécurité.

      https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/commentaire-violences-cfa

    • Les Centres fédéraux d’asile fonctionnent comme de boîtes noires hyper sécurisées et mal gérées

      La mise en oeuvre du nouveau système d’asile en mars 2019 a rendu l’hébergement dans les CFA extrêmement difficile à vivre pour les requérants d’asile tous fragilisés par leur parcours migratoire. A la pression de la procédure d’asile elle-même, s’ajoute des règles de vie absurdes que des agents de sécurité font appliquer avec force, violences, insultes racistes et xénophobes et punitions exagérées.

      Le SEM a donné trop de pouvoir aux sociétés privées de sécurité (Protectas et Securitas) sans avoir vraiment les moyens de vérifier leur travail et lorsqu’il sait, il minimise. Pour le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) la parole d’un requérant vaut toujours moins que celle d’un fonctionnaire ou d’un agent de sécurité.

      On doit alors se demander si les conditions d’hébergement dans les CFA permettent la tenue sereine des auditions ? Question sous-jacente : dans quelles mesures le SEM et ses sbires mal supervisés peuvent être tenus responsables d’auditions ratées, de mauvaises décisions, de disparitions dans la nature ?

      Le scandale éclate

      Le 5 mai, une enquête de la RTS (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), de l’émission Rundschau et de la Wochenzeitung, révèle l’usage abusif de la force contre des requérants d’asile et les rapports truqués des agents de sécurité pour couvrir leurs actes. Gilles Clémençon, chef du pôle enquête de la RTS précise que les actes ont été commis dans plusieurs centres fédéraux de Suisse. A Saint-Gall, Bâle et Boudry, les journalistes ont recueilli plusieurs témoignages de violences très vraisemblables sur des requérants d’asile par des agents de sécurité (Protectas AG et Securitas AG). Quatre personnes ont déposé une plainte pénale contre des agents violents (1).

      Un rapport d’Amnesty International (https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/docs/2021/violations-des-droits-humains-dans-les-centres-federaux-d-asile) confirme la gravité des faits. Il explique dans quelles circonstances les violences se sont produites et comment les tensions surviennent et dégénèrent. Un fonctionnement trop rigide des nouveaux centres fédéraux avec une mauvaise application des règles par des gros bras qui préfèrent punir d’office en faisant des remarques déplacées sur le parcours migratoire des requérants, leur collant une étiquette de profiteurs, voilà ce que révèle entre autre le rapport.

      Rapport d’Amnesty International

      Depuis février 2020, Amnesty International enquête. Son équipe reçoit des témoignages de violences, d’interventions brutales et de comportements inappropriés qui ont eu lieu dans les centres de Bâle, Giffers, Boudry, Altstätten et Vallorbe. Les informations viennent d’abord d’employés de sécurité (Protectas AG et Securitas AG), puis de requérants d’asile et du personnel d’encadrement (ORS AG) mais aussi de représentants juridiques. Amnesty International a aussi accès aux rapports médicaux et aux plaintes judiciaires.

      > Rapport d’Amnesty International : “Je demande que les requérants d’asile soient traités comme des êtres humains .” (https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/docs/2021/violations-des-droits-humains-dans-les-centres-federaux-d-asile)

      En tout 32 personnes ont été interrogées. Dans le rapport figure les témoignages de 14 requérants d’asile dont deux mineurs non-accompagnés, 8 vigiles de sécurité et 6 représentants juridiques. Selon, Alicia Giraudel, juriste chez Amnesty International, ces victimes représentent la pointe de l’iceberg. La plupart d’entre elles ne portent jamais plainte car elles craignent des représailles (perte de l’emploi, plus de problème avec la sécurité etc.)

      En réalité, rien n’est mis en place pour porter plainte. Il n’existe aucun mécanisme indépendant pour le faire et la plateforme existante de whistleblowing n’est pas utilisée. Personne ne sait qu’elle existe. Alors beaucoup d’entre elles quittent les centres et disparaissent dans la nature. Lors de son intervention dans l’émission Forum (RTS), Alicia Giraudel explique la gravité des mauvais traitements (https://www.rts.ch/play/tv/forum-video/video/le-debat-centres-federaux-dasile-droits-humains-en-danger?urn=urn:rts:video:1221).

      “Les situations se recoupent beaucoup, il y a de la violence et de la maltraitance, des personnes ont été enfermées de manière arbitraire dans des containers, des personnes ont été traitées de manière irrespectueuses, elles ont ressenti de la xénophobie et du racisme (…)

      Dans certaines situations, explique-t-elle, les traitements infligés pourraient être qualifiés d’actes de torture.

      Tentatives de suicide et automutilations

      Les conditions d’hébergement sont si mauvaises que les tentatives de suicide et les actes d’automutilation sont fréquents. Selon le Secrétaire d’Etat aux migrations, il y en aurait chaque semaine avec deux issues fatales l’année dernière.

      C’est aussi dû au nouveau système de l’asile. Aldo Brina, spécialiste de l’asile en Suisse, explique les raisons systémiques derrière ces drames (4).

      “Avec la nouvelle loi, on a prolongé la durée de séjour dans les centres fédéraux. Avant on était à 60 jours, puis on est passé à 90 jours en 2011 et maintenant on est à 140 jours (….) mais il n’y a pas eu d’évolution du concept d’hébergement, on est toujours sur le tout sécuritaire et pas sur l’encadrement social et c’est ça qui doit changer aujourd’hui (…) le context est extrêmement difficile, on le voit avec les gens qu’on accompagne, c’est vraiment douloureux de passer par ces centres fédéraux.” (5)

      “(…) Les centres sont géographiquement isolés, entourés de clôtures souvent barbelées ; les personnes en demande d’asile manquent de contact avec le monde extérieur, leurs libertés individuelles sont restreintes. Elles ne peuvent pas sortir en dehors d’horaires prédéfinis, on les fouille à chaque entrée, on leur interdit d’apporter de la nourriture, on les soupçonne de vol dès qu’elles apportent un objet sans ticket d’achat. Un long séjour dans ce cadre, teinté de carcéral, après avoir fui une guerre ou des persécutions, c’est compliqué. En tout cas, ça ne ressemble en rien à de l’accueil.” (6)

      Purger le SEM

      Cela fait des mois que les associations tirent la sonnette d’alarme. Le SEM n’en a pas tenu compte. Il a fermé les yeux, satisfait d’un rapport (https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/mm.msg-id-82013.html) incohérent de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) (https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/mm.msg-id-82013.html), une institution dont l’indépendance fait sourire.

      C’est l’enquête des médias et le rapport d’Amnesty International qui font réagir le SEM. Il fait suspendre 14 brutes et annonce confier une enquête externe (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83389.html) sur les allégations de violences à l’ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer. Il annonce également un audit interne (https://www.swissinfo.ch/fre/all%C3%A9gations-de-violence-dans-les-centres-f%C3%A9d%C3%A9raux-pour-requ%C3%A9rants-d-asile--enqu%C3%AAte-pr%C3%A9vue/46591868) sur la gestion de la sécurité dans les centres fédéraux. Enfin, une nouvelle ligne budgétaire est prévue pour la commande d’une autre étude (https://www.rts.ch/play/tv/forum-video/video/le-debat-centres-federaux-dasile-droits-humains-en-danger?urn=urn:rts:video:1221) afin de faire la lumière sur les taux élevés de suicides et d’automutilations constatés depuis deux ans.

      Il faudra attendre le résultat de ces investigations ainsi que le futur rapport du Comité anti-torture du Conseil de l’Europe (https://www.coe.int/fr/web/cpt/-/council-of-europe-anti-torture-committee-carries-out-an-11-day-visit-to-switzer) qui vient de faire une visite du Centre fédéral de Boudry. En attendant, les directeurs des centres, chefs et sous chefs de la sécurité ou autres responsables qui ont choisi de fermer les yeux et ignorer ce qui se passait, doivent être immédiatement sanctionnés et licenciés.

      Comment remédier aux tensions et violences dans les centres fédéraux d’asile

      Les mauvais comportements de part et d’autre doivent être punis immédiatement et de manière intelligente et proportionnelle. L’impunité est un cercle vicieux qui mène à plus de violence, des deux côtés. Comme l’a rappelé Aldo Brina (https://www.rts.ch/play/tv/forum-video/video/le-debat-centres-federaux-dasile-droits-humains-en-danger?urn=urn:rts:video:1221), les requérants d’asile et les agents de sécurité ne sont pas pires qu’avant, c’est bien le nouveau système de l’asile qui est défaillant. Voici quelques recommandations qui permettront de corriger les choses dans les centres fédéraux.
      Améliorer la formation des agents de sécurité.

      Un agent de sécurité doit se sentir respecté. Un requérant d’asile également. Les agents de sécurité doivent recevoir la formation pour agir convenablement dans les situations tendues. Le dialogue, les explications, la recherche de solutions non punitives doivent faire partie de l’arsenal prioritaire de tout agent de sécurité. Les agents de sécurité doivent inspirer le respect au lieu de propager la peur. L’effet virtuel positif d’un comportement guidé par la volonté d’apaiser lui sera personnellement bénéfique dans ses futures interventions.
      Interdire et sanctionner les agents qui font des commentaires insultants sur les raisons de fuite des requérants d’asile.

      Parmi les personnes victimes de violences et parmi celles qui ont été injustement punies, beaucoup ont reçu des insultes d’agents de sécurité insinuant qu’ils n’avaient rien à faire en Suisse. Les agents de sécurité doivent savoir que les personnes qui font l’objet d’une procédure Dublin sont des personnes dont les motifs d’asile n’ont pas encore été examinés et que personne en Suisse ne peut préjugés de leurs motifs de fuite avant que leur situation personnelle ne soit examinée dans le cadre d’une procédure d’asile complète. Tout propos qui concerne le statut des personnes hébergées est inadmissible et doit être immédiatement sanctionné.
      Établir un mécanisme indépendant de plainte et de whistleblowing.

      Afin d’éviter la dissimulation de bavures, la mise en place d’un mécanisme totalement indépendant de réception et d’examen de plaintes est incontournable. Par ailleurs, les requérants d’asile et les employés travaillant dans les centres doivent aussi pouvoir accéder à une plateforme de whistleblowing.
      Renforcer la présence des assistants sociaux et des aumôniers.

      Dans chaque centre, il faut réduire la présence d’agents de sécurité et prévoir des assistants sociaux en plus du personnel d’encadrement (ORS AG). Leur rôle est vital pour la bonne communication dans les CFA. Les cantons en font l’expérience dans les foyers pour requérants d’asile depuis des décennies. Le nombre d’agents de sécurité doit être proportionnellement diminué. Il est important aussi d’assouplir les entrées et sorties des aumôniers dans tous les centres fédéraux. Leur rôle bénéfique a fait ses preuves.
      Assouplir les règles de vie dans tous les CFA.

      Saviez-vous qu’il est interdit pour les requérants d’asile d’écouter de la musique dans les centres ? Une des nombreuses règles absurdes qui ne sert qu’à rendre la vie encore plus difficile et occasionne des tensions inutiles. Saviez-vous que les personnes hébergées n’ont pas le droit d’y apporter un pain au chocolat ? Certaines règles et punitions sont trop extrêmes. Dans certains centres, les fouilles corporelles systématiques sont malheureusement encore pratiquées.

      Et Mario Gattiker dans tout ça ?

      Le chef du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) doit être déçu de terminer son mandat dans une telle tourmente. Mais il a les reins solides. Son air de chien abattu et sa langue de bois bien aiguisée nous trompent sur le personnage qui a tenté d’amadouer en vain les organisations non gouvernementales en Suisse.

      La qualité de la procédure d’asile a beaucoup baissé et toutes les initiatives pour l’améliorer intelligemment avec l’enregistrement audio des auditions d’asile ou la formation des interprètes, citons ces exemples, n’ont pas eu de prise sur lui.

      On le dit étroit d’esprit, soumis et surtout fatigué par les grands chantiers. Il lui reste quelques mois avant de céder son poste à Madame Schraner Burgener. Sauras-t-il prendre les bonnes décisions pour corriger le tir ? Ce serait vraiment l’occasion de laisser un bon souvenir.

      Notes :

      - Selon l’association Solidarité Tattes seulement deux personnes concernées ont témoigné de ce qu’ils ont vécu lors d’une audience judiciaire. Une personne a été expulsée vers l’Allemagne, une autre a disparu.
      – Lire le Rapport de la coalition des juristes indépendants, octobre 2020 : https://asile.ch/2020/10/08/coalition-des-juristes-independant-e-s-bilan-de-la-restructuration-du-domaine-
      - Le débat – Centres fédéraux d’asile : droits humains en danger ?, RTS, Forum, 19 mai 2021 : https://www.rts.ch/play/tv/forum-video/video/le-debat-centres-federaux-dasile-droits-humains-en-danger?urn=urn:rts:video:1221
      - Voir ses interventions dans Le Temps (https://www.letemps.ch/opinions/violence-centres-federaux-dasile-un-probleme-structurel) et sur la RTS (https://www.rts.ch/play/tv/forum-video/video/le-debat-centres-federaux-dasile-droits-humains-en-danger?urn=urn:rts:video:1221).
      - Le débat – Centres fédéraux d’asile : droits humains en danger ?, RTS, Forum, 19 mai 2021 : https://www.rts.ch/play/tv/forum-video/video/le-debat-centres-federaux-dasile-droits-humains-en-danger?urn=urn:rts:video:1221
      - Violence dans les centres fédéraux d’asile : un problème structurel, Opinion, Le Temps, 13 mai 2021 : https://www.letemps.ch/opinions/violence-centres-federaux-dasile-un-probleme-structurel

      https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/2021/06/01/les-centres-federaux-dasile-fonctionnent-comme-de-boites-noires-hyper-

    • Le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe effectue une visite de 11 jours en Suisse

      Une délégation du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe a effectué une visite en Suisse du 22 mars au 1er avril 2021. Il s’agissait de la septième visite périodique effectuée dans le pays.

      Cette visite avait pour objectif d’examiner le traitement et les conditions de détention des personnes privées de liberté dans sept cantons de la Confédération helvétique. Une attention particulière a été portée à la situation des personnes privées de liberté par la police, des personnes placées en détention avant jugement ou exécutant des peines ou des mesures thérapeutiques institutionnelles ou d’internement (y compris les mineurs et jeunes adultes) ainsi que des personnes faisant l’objet de mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. Enfin, la délégation a pu constater l’impact des mesures prises afin de prévenir la propagation de la covid-19 dans les établissements visités.

      Dans le cadre de la visite, la délégation du CPT s’est entretenue avec M. Martin Dumermuth, Directeur de l’Office fédéral de la justice (OFJ), ainsi que les Conseillères d’État suivantes : Mme Karin Kayser-Frutschi, Directrice de la justice et de la sécurité (canton du Nidwald), Mme Jacqueline Fehr, Directrice de la justice et des affaires intérieures (canton de Zurich), Mme Nathalie Barthoulot, Présidente du Gouvernement jurassien et Ministre de la cohésion sociale, de la justice et de la police (canton du Jura), et Mme Béatrix Métraux, Cheffe du Département de l’environnement et de la sécurité (canton de Vaud). Elle a également rencontré des hauts fonctionnaires représentant les institutions cantonales et fédérales en charge des divers domaines d’intérêt du CPT.

      En amont de la visite, des consultations ont eu lieu avec Mme Regula Mader, Présidente de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), ainsi qu’avec des représentants d’organisations non gouvernementales qui œuvrent dans des domaines liés au mandat du CPT.

      A l’issue de sa visite, la délégation a présenté ses observations préliminaires aux autorités fédérales et cantonales à Berne.

      La visite a été effectuée par les membres du CPT suivants :

      Vincent Delbos (chef de la délégation)
      Vanessa Durich
      Nico Hirsch
      Julia Kozma
      Philippe Mary
      Vytautas Raškauskas.

      Ils étaient secondés par Natacha De Roeck et Sebastian Rietz du secrétariat du CPT et assistés par deux experts, Anne Galinier, médecin et Cyrille Orizet, psychiatre.

      La délégation s’est rendue dans les lieux de privation de liberté suivants :
      Canton d’Argovie

      Clinique de psychiatrie forensique de Königsfelden, Windisch

      Canton de Berne

      Hôtel de police de Berne (Waisenhausplatz 32), Berne
      Prison de Thorberg, Krauchthal (visite ciblée)

      République et canton de Genève

      Hôtel de police (boulevard Carl-Vogt 17-19), Genève
      Poste de police des Pâquis (rue de Berne 6), Genève
      Prison de Champ-Dollon, Puplinge
      Établissement fermé Curabilis, Puplinge
      Centre éducatif de détention et d’observation pour mineurs « La Clairière », Vernier

      Canton de Neuchâtel

      Centre fédéral pour requérants d’asile de Boudry, Perreux (visite ciblée)

      Canton de Soleure

      Poste de police régional (Werkhofstrasse 33), Soleure
      Prison de détention provisoire, Soleure (visite ciblée)
      Prison de Soleure, Deitingen (visite ciblée)

      Canton de Vaud

      Hotel de Police cantonale, Centre de la Blécherette, Lausanne
      Hotel de Police municipale, rue Saint-Martin, Lausanne
      Prison du Bois-Mermet, Lausanne
      Établissement de détention pour mineurs « Aux Lechaires », Palézieux

      Canton de Zurich

      Prison de la Police cantonale (Kantonales Polizeigefängnis) (Kasernenstrasse 29 et 49 et Zeughausstrasse 11), Zurich
      Centre de dégrisement (Züricher Ausnüchterungs- und Beruhigungsstelle – ZAB), Zurich
      Poste de police (Regionalwache) Aussersiehl (Militärstrasse 105), Zurich
      Poste de police (Regionalwache) Industrie (Fabrikstrasse 1), Zurich
      Poste de police et zone de transit de l’aéroport (Kantonaler Polizeiposten Flughafen), Kloten
      Prison de Limmattal (visite ciblée)
      Prison de l’aéroport – Service détention administrative (Flughafengefängnis – Abteilung ausländerrechtliche Administrativhaft), Kloten (visite ciblée)
      Centre pour mineurs et jeunes adultes (Massnahmenzentrum) Uitikon, Uitikon-Waldegg.

      https://www.coe.int/fr/web/cpt/-/council-of-europe-anti-torture-committee-carries-out-an-11-day-visit-to-switzer

    • #Amnesty_International appelle à une action urgente pour mettre fin aux violations des droits humains dans les centres fédéraux d’asile
      https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/docs/2021/violations-des-droits-humains-dans-les-centres-federaux-d-asile/@@images/95da9e15-7fa8-4c34-8cc5-4ef215bb0df7.jpeg

      Amnesty International a enquêté en profondeur sur les violences perpétrées à l’encontre de personnes ayant déposé une demande d’asile et hébergées dans les centres fédéraux d’asile en Suisse. Les recherches révèlent des violations commises par le personnel de sécurité, notamment des cas graves de maltraitance. À la lumière des faits mis au jour, l’organisation alerte sur les violations des droits humains visant des requérants d’asile, dont des mineurs. Elle appelle le gouvernement suisse à agir vigoureusement pour faire cesser les abus.

      Dans le rapport intitulé « Je demande que les requérants d’asile soient traités comme des êtres humains  » : Violations des droits humains dans les centres fédéraux d’asile suisses, Amnesty International documente les cas de maltraitance infligée par des employés des entreprises de sécurité Securitas SA et Protectas SA, sous contrat avec le Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Les abus décrits dans le rapport ont eu lieu entre janvier 2020 et avril 2021 dans les centres de Bâle, Chevrilles, Boudry, Altstätten et Vallorbe. Les informations à ce sujet ont été obtenues au moyen d’entretiens conduits avec trente-deux personnes, dont quatorze victimes d’abus et dix-huit agents de sécurité en exercice ou ayant quitté leurs fonctions, représentants juridiques, collaborateurs d’encadrement et éducateurs sociaux témoins de ces mêmes abus. Le rapport se base aussi sur des dossiers médicaux, plaintes pénales et autres sources d’information pertinentes.

      Amnesty International s’est entretenue avec quatorze requérants d’asile, dont deux mineurs, qui rapportent avoir été soumis à des abus par des agents de sécurité. Ces abus comprennent notamment des coups, le recours à la contrainte physique au point de restreindre la respiration et d’engendrer une crise d’épilepsie, l’évanouissement et des difficultés à respirer suite à l’inhalation de spray au poivre ou encore la détention dans un container métallique en état d’hypothermie. Parmi ces personnes, six ont eu besoin de soins hospitaliers, tandis que deux autres se sont vu refuser un traitement médical alors qu’elles ont demandé de l’aide. Les cas et les informations recueillies pour ce rapport révèlent des abus qui, dans certains cas, pourraient être assimilables à de la torture ou à d’autres mauvais traitements, et pourraient de ce fait violer les obligations de la Suisse en vertu du droit international.

      « Amnesty International est très préoccupée par les témoignages de maltraitance recueillis auprès des victimes, dont certaines mineures, ainsi que des agents de sécurité en exercice ou ayant quitté leurs fonctions et autres professionnels intervenant dans les centres. Outre les plaintes concernant la douleur physique, la maltraitance et les traitements punitifs, ces personnes ont exprimé leur inquiétude quant à l’attitude hostile, des préjugés et du racisme visant les résidents des centres, plus particulièrement ceux qui sont originaires d’Afrique du Nord », explique Alicia Giraudel, juriste à Amnesty International Suisse.

      « La situation décrite dans ce rapport doit alerter. Certes, le Secrétariat aux migrations s’est récemment engagé à ouvrir une enquête externe sur des allégations d’abus isolés, ce que nous saluons. Mais les éléments que nous avons mis en lumière exigent du gouvernement qu’il cesse de penser que ces actes sont uniquement le fait de quelques “pommes pourries”. Il doit s’atteler à résoudre les problèmes systémiques urgents et prendre des mesures pour prévenir les mauvais traitements, éliminer le racisme et protéger les droits des personnes dans les centres fédéraux d’asile ».

      L’enquête d’Amnesty International dresse un tableau alarmant de la maltraitance dans ces centres. Elle révèle l’existence de failles dans le dispositif des autorités et la nécessité d’une action plus vaste et plus en profondeur, car le système actuel expose les résidents des centres aux abus et à la violence.

      La plupart des agents de sécurité qu’Amnesty International a pu rencontrer mettent en cause la formation reçue. Ils se sont dit choqués que leurs supérieurs leur aient demandé de ne pas hésiter à faire usage de la violence et à mettre en œuvre des mesures coercitives. Ces professionnels jugent particulièrement préoccupant le recours à la « salle de réflexion ». Ils ont déploré que leurs supérieurs tolèrent, voire encouragent le comportement agressif, provocateur et méprisant de certains de leurs collègues envers les personnes hébergées dans les centres d’asile fédéraux. Pour plusieurs employés des centres, l’image des résidents que projette le système actuel est hautement problématique. On part du principe qu’ils sont potentiellement violents et représentent un danger intrinsèque, une attitude propre à renforcer les stéréotypes négatifs et les préjugés à leur sujet.

      Amnesty International est particulièrement inquiète de l’absence de dispositifs de sécurité, notamment de mécanismes de monitoring et de contrôle fiables pouvant être utilisés à titre préventif par le SEM dans les centres d’asile fédéraux. Dans son rapport, l’organisation fait part de sa préoccupation concernant l’utilisation de la « salle de réflexion » par les agents de sécurité, en violation des droits des personnes hébergées dans les centres et des règles du centre. L’organisation juge problématique l’usage d’un container métallique à l’extérieur du centre comme cellule de détention improvisée et moyen punitif. Presque tous les agents de sécurité, représentants juridiques et collaborateurs d’encadrement interrogés par l’organisation de défense des droits humains ont dénoncé le fait que certains agents de sécurité écrivent des rapports en modifiants des éléments sur les incidents violents qui se sont produits.

      Amnesty International s’alarme également des cas documentés de mauvais traitements envers des enfants et en particulier des mineurs non accompagnés. Elle estime très grave que certains d’entre eux soient hébergés avec les adultes dans les centres.

      Amnesty International a découvert que les victimes interrogées ne savaient pas à qui s’adresser pour porter plainte, et qu’en cas de maltraitance, l’accès à la justice était semé d’obstacles difficilement surmontables. Aucune des personnes travaillant ou ayant travaillé dans les centres n’avait connaissance d’un quelconque mécanisme d’alerte. Certains professionnels de l’encadrement, agents de sécurité et représentants légaux intervenant dans les centres ont émis des doutes quant à la transparence, à l’impartialité, à l’efficience et à la rigueur des enquêtes du SEM à la suite d’incidents violents.

      Selon Alicia Giraudel, « les autorités suisses doivent prendre des mesures à même de prévenir les mauvais traitements et s’assurer que des systèmes de surveillance robustes et proactifs soient en place pour garantir que toute personne résidant dans un centre d’asile soit protégée contre les mauvais traitements et les comportements racistes. Nous demandons que toutes les allégations de maltraitance fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, que les responsables des abus soient traduits en justice et que les victimes obtiennent réparation ».

      Amnesty International appelle à la mise en place de mécanismes de plainte indépendants, sûrs et efficaces, incluant des systèmes d’alerte faciles d’accès à disposition des personnes hébergées dans les centres comme du personnel, et dont les règles d’utilisation soient connues de tous. L’organisation demande en outre aux autorités de lutter contre les stéréotypes toxiques et les représentations racistes visant les requérants d’asile, en particulier d’origine maghrébine ; elle requiert enfin que les mineurs non accompagnés ne soient plus placés dans les centres d’asile fédéraux, mais bénéficient d’une autre solution d’hébergement.

      Contexte : Après avoir pris en main l’exploitation des centres fédéraux d’asile en mars 2019 à la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur l’asile, le SEM a sous-traité les tâches relevant de la sécurité à des sociétés privées, notamment Protectas SA et Securitas SA.

      Amnesty a d’abord été alertée par des collaborateurs d’encadrement et des agents de sécurité inquiets des abus et des mauvais traitement infligés aux requérants d’asile, puis par les victimes elles-mêmes et par les représentants juridiques intervenant ou étant intervenus dans les centres fédéraux d’asile.

      https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/docs/2021/violations-des-droits-humains-dans-les-centres-federaux-d-asile

      Pour télécharger le #rapport, en anglais :


      https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/docs/2021/violations-des-droits-humains-dans-les-centres-federaux-d-asile/210518_asylbericht_img_0690.jpg

      #Bâle #Chevrilles #Boudry #Altstätten #Vallorbe

      –—

      Petit contrôle sur quels centres sont gérés par ORS :
      #Bâle #Chevrilles #Boudry #Vallorbe sont sur le site web de ORS (le 1er juin 2021) :

      Celui de Alstätten (Zurich) ne semble pas être dans leur rayon d’action par contre...

      source : https://fr.ors-group.org/ors-ch-fr

    • Voix d’Exils | « J’ai vu des scènes de violences physiques et psychiques au Centre de Boudry »

      À la suite de dénonciations d’abus commis par certains agents de la société Protectas, chargée de la sécurité des Centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA), le rédacteur Alcibíades Kopumi du blog Voix d’Exils a jugé nécessaire de témoigner de son séjour de deux mois au Centre de Boudry dans le canton de Neuchâtel.

      https://asile.ch/2021/08/24/voix-dexils-jai-vu-des-scenes-de-violences-physiques-et-psychiques-au-centre-d

    • Droit de Rester NE | Droits humains gravement violés à Boudry

      Le collectif Droit de rester Neuchâtel s’est adressé dans une lettre ouverte aux autorités du SEM et neuchâteloises pour alerter des graves violations des droits humains au Centre fédéral d’asile de Boudry (NE). Selon Droit de Rester, les droits humains sont violés dans les CFA, en toute impunité, dans un silence de plomb que le collectif veut briser. « Ce qui se passe à Boudry se passe aussi ailleurs et c’est la conséquence d’une logique de camps. C’est tout un système qui est dénoncé et non pas des dysfonctionnements ponctuels ». La lettre fait figurer leurs demandes : qu’une enquête indépendante soit ouverte établissant les faits en toute objectivité et que des mesures concrètes pour combattre ces exactions soient mises en place rapidement. Leurs revendications visent donc à mettre fin à la logique punitive et arbitraire prévalant à Boudry qu’ils estiment inhérente au système.

      La lettre ouverte a été envoyée le 12 mars 2021 aux autorités du SEM, à Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du Département de l’Economie et de l’Action Sociale et aux médias. La lettre a également été publiée dans le numéro 182 de VE dont un dossier traite particulièrement du cas des centres fédéraux.

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      Lettre ouverte de Droit de Rester Neuchâtel au Secrétariat d’État aux Migrations (SEM)

      Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte que nous avons adressée ce jour au Secrétariat d’Etat aux Migrations, à travers Messieurs Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat, et Pierre-Alain Ruffieux, responsable asile pour la Suisse romande. Elle a également été envoyée à Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du Département de l’Economie et de l’Action Sociale.
      Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      Nous dénonçons depuis longtemps des situations inhumaines au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry (NE)[1], mais les cas de réfugié·es subissant de mauvais traitements – le mot est faible – s’accroît de façon préoccupante. Ce qui se passe depuis plusieurs mois maintenant est intolérable et ne peut rester sans réaction de notre part.

      Selon nos informations et observations, nous ne sommes pas face à des cas isolés, mais devant un véritable système punitif, qui va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. Abus de pouvoir de certain·es agent·es de sécurité de l’entreprise Protectas, mépris et comportements racistes qui créent un climat de peur et poussent à bout certain·es habitant·es du Centre. Visites impromptues du personnel de sécurité dans les chambres, sans frapper, ni dire bonjour, gestion catastrophique des conflits, sans souci de calmer le jeu, ni d’écouter. « Ils ne savent pas parler, ils répriment”, raconte un habitant du Centre. Des requérant·es jugé·es arbitrairement et hâtivement comme récalcitrant·es sont enfermé·es pendant des heures dans des containers insalubres et sous-chauffés. Plusieurs témoignages attestent d’une salle sans aucun mobilier, avec des taches de sang et des odeurs de vomi et d’urine. Beaucoup en ressortent traumatisés. Une personne s’est récemment retrouvée en état d’hypothermie[2].

      Les témoignages vont tous dans le même sens : peur de porter plainte par crainte des conséquences pour sa procédure d’asile ou par crainte de recroiser les mêmes agent·es de sécurité. Mais les faits sont là : utilisation abusive du spray au poivre, plaquages au sol, insultes homophobes, harcèlement envers des personnes vulnérables et hospitalisations suite à l’enfermement dans des cellules. Plusieurs tentatives de suicide sont attestées et il y a eu mort d’homme : le 23 décembre, un requérant d’asile est décédé aux abords du Centre de Boudry. Il s’agissait d’une personne vulnérable, suivie en psychiatrie et qui avait déjà tenté de se suicider. Alors que cette personne avait besoin d’aide, à plusieurs reprises, le personnel de sécurité de Protectas lui a refusé l’accès au Centre, du fait de son état d’ivresse.

      A Boudry, la violence est banalisée. Au lieu d’apaiser les conflits, les agent·es de Protectas les attisent. Des membres du personnel de sécurité abusent de leur pouvoir en faisant régner leurs propres lois. Ainsi, alors que les cellules d’isolement ne sont prévues que pour protéger les requérant·es d’asile et le personnel du CFA de personnes ayant un comportement violent et pour une durée n’excédant pas deux heures[3], on constate que la réalité est tout autre. Le moindre dérangement est réprimé par un enfermement abusif et qui dépasse souvent le temps réglementaire, allant jusqu’à un isolement d’une nuit entière. Nous avons eu connaissance d’un mineur qui a été enfermé alors que le règlement l’interdit. De telles privations de liberté sont illégales. Pour échapper à ces mauvais traitements, beaucoup quittent la procédure d’asile en cours de route.

      Les droits humains sont violés dans les CFA, en toute impunité, dans un silence de plomb que nous voulons briser. Ce qui se passe à Boudry se passe aussi ailleurs[4] et c’est la conséquence d’une logique de camps. C’est tout un système que nous dénonçons et non pas des dysfonctionnements ponctuels.

      ***

      Face à cette gestion désastreuse et les drames humains qu’elle entraîne, nous demandons qu’une enquête indépendante soit ouverte établissant les faits en toute objectivité. En accord avec les personnes qui ont pris contact avec Droit de Rester, nous sommes prêt·es à témoigner.

      Nous demandons que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à ce système défaillant, qui transforme les CFA en prisons. Il n’est pas normal que le budget alloué à l’encadrement sécuritaire par le SEM soit plus important que celui consacré à l’encadrement social et sanitaire dans les CFA. Il est nécessaire de renverser la vapeur en engageant des professionnel·les du travail social et de la santé en nombre suffisant et ayant pour mission de soutenir, d’écouter, de soigner et de répondre aux besoins spécifiques des requérant·es d’asile. Ceci dans l’optique de créer un climat de bienveillance, réparateur des traumatismes vécus sur la route de l’exil par les personnes dont ils-elles ont la charge. Actuellement, les agent·es de sécurité ont des prérogatives immenses qui ne devraient absolument pas leur être confiées en raison d’un manque de formation flagrant.

      Nous demandons la suppression immédiate de ces cellules-containers et la refonte complète du régime de sanctions.

      Nous exigeons la fin de la privatisation du domaine de l’asile ; l’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité ou d’encadrement privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou ORS) dans le cadre des CFA et autres lieux d’hébergement. L’asile n’est pas un business. L’argent attribué à ces tâches par l’Etat doit revenir à des structures sociales et de soins publiques.

      Nous exigeons transparence et respect du droit suisse et international. Actuellement les CFA sont des boîtes noires : les règlements internes sont inaccessibles, les requérant·es d’asile n’obtiennent pas les rapports des sanctions prononcées à leur encontre, rapports rédigés par Protectas dont le contenu varie à leur guise afin de justifier les sanctions aux yeux du SEM. Toute sanction devrait être prononcée par du personnel cadre du SEM.

      Nous demandons l’introduction d’un organe de médiation indépendant de gestion des plaintes vers qui les requérant·es d’asile lésé·es pourraient se tourner. Finalement, il est nécessaire d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile – comme c’est notamment le cas en Hollande, pays dont la Suisse s’est inspirée pour mettre en œuvre le système actuel – afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit.

      Nous demandons aussi la fermeture du Centre spécifique des Verrières, restreignant la liberté de mouvement de ses occupants de par son emplacement-même et conçu comme un centre punitif. C’est de soutien psychologique et de soins dont les requérant·es d’asile, y compris celles et ceux qui sont jugés récalcitrant·es, ont besoin à leur arrivée. L’équité des soins par rapport à ceux offerts à la population résidente doit être effective. Ce sont l’isolement, l’exclusion, la promiscuité et l’armada d’interdits qui accentuent les traumatismes, les addictions, le stress et les tensions. Stop à la logique de camp !

      C’est une alerte que nous lançons. Nous espérons qu’elle sera entendue et attendons qu’elle soit suivie d’effets dans les meilleurs délais.

      Association Droit de Rester Neuchâtel
      [1] Voir par exemple ici : https://rester.ch/wp-content/uploads/2020/05/2020.05.28_Communiqu%C3%A9_de_presse_camp_nous_d%C3%A9non%C3%A7ons-1.pdf ou là : https://www.canalalpha.ch/play/minimag/episode/3819/risque-de-suicide-quel-soutien-psy-pour-les-migrants-a-boudry
      [2] Le 17 février, la radio RTN révèle un cas d’hypothermie survenue au centre de Boudry 2 jours plus tôt : https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Region/20210215-Etat-d-hypothermie-au-Centre-de-Perreux.html
      [3] Voir à ce sujet les p. 51-52 du Plan d’exploitation Hébergement : https://www.plattform-ziab.ch/wp-content/uploads/2020/10/SEM_PLEX_2020.pdf
      [4] A ce sujet, sur les violences au Centre de Giffers : https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles, sur celles au centre de Bâle : https://3rgg.ch/securitas-gewalt-im-lager-basel , témoignages récoltés par Migrant Solidarity Network (1 et 2), ici le rapport de la Commission Nationale de Prévention de la Torture : https://asile.ch/wp-content/uploads/2021/01/CNPT_CFA_DEC_2020-fr-1.pdf et là le communiqué de humanrights.ch : https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/commentaire-violences-cfa

      https://asile.ch/2021/05/10/droit-de-rester-ne-droits-humains-gravement-violes-a-boudry

      #lettre_ouverte

    • Quatre agents d’un CFA condamnés pour mise en danger de la vie d’un requérant d’asile

      « Lésions corporelles simulées et mises en danger de la vie et de la santé d’autrui » ainsi qu’ »eabus_d’autorité ». Les #condamnations_pénales pour les #violences dans les centres fédéraux d’asile (CFA) sont tombées le 11 mai 2023. L’ordonnance pénale a été établie par le Ministère public neuchâtelois à l’encontre de quatre employés de Protectas, entreprise mandatée par le Secrétariat d’État aux migrations pour assurer la sécurité dans le Centre fédéral de Boudry. Elle a été rendue publique par la RTS le 15 juin 2023 (19h30), qui revient avec des images glaçantes sur les circonstances qui ont failli coûter la vie à un homme.

      Le journaliste Ludovic Rocchi avait déjà réalisé une longue enquête sur le sujet [1]. Il rappelle ici que les faits, qui s’étaient déroulés en février 2021, sont directement liés aux directives établies par le SEM et à l’usage de cellules de « dégrisement » – dénoncées par la Commission nationale de prévention de la torture. Les agents auraient en fait « trop respecté les consignes », selon le procureur neuchâtelois. La responsabilité de l’Etat n’a pourtant pas été mise en cause, ce que déplore le collectif Droit de rester Neuchâtel. qui publie un communiqué de presse. Celui-ci rappelle les difficultés des procédures menées contre les violences d’État, les pressions subies pour avoir « relayé le drame à huis-clos joué dans le CFA » et le fait que seule la mobilisation constante de la société civile a permis de rendre un tant soit peu justice à la victime. Droit de rester appelle le SEM a présenter des excuses au requérant d’asile, à la société civile, et à prendre de véritables mesures efficaces pour garantir que ces violences, systémiques, ne puissent plus se reproduire. En particulier à travers un mécanisme de plainte indépendant et accessible, une meilleure dotation en personnel d’encadrement. Le caractère semi-carcéral des CFA, avec une volonté de contrôle total de ce qui se déroule au sein des murs -la société civile n’y est tolérée qu’à condition très stricte- est un des facteurs favorisant les abus de pouvoir. À noter que d’autres dénonciations pénales concernant d’autres CFA sont devant la justice.

      https://www.rts.ch/play/tv/redirect/detail/14106226

      –---

      Des agents du SEM condamnés pour les exactions commises au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry !

      Droit de rester Neuchâtel – Communiqué du 16 juin 2023

      En Suisse, les difficultés pour remettre en cause les agissements du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) sont colossales, mais des condamnations sont enfin tombées dans le cas d’hypothermie survenu en février 2021.

      C’est l’histoire de Job (prénom fictif) un jeune requérant d’asile, de 17 ans au moment des faits, qui s’est fait malmené par d’autres requérants du fait de son homosexualité. Les agents de sécurité du SEM, employés de la société Protectas, l’enferment dans une cabine de chantier – appelé le cachot dans le jargon du centre. Cette cabine n’était pas chauffée cette nuit du 13 février 2021, alors que la bise soufflait et que la température ne dépassait pas -4°C. Rapidement, la victime s’est alors effondrée, sous la surveillance des agents, et mise à convulser et à délirer : elle était en hypothermie.

      Les agents du SEM, procéduriers et formalistes, voire racistes, se sont alors tenus aux directives de la Confédération qui établit que les secours ne peuvent être appelés que lorsqu’ORS (une autre société agente du SEM) puis la Helpline de santé aient été avertis : Une économie de bout de chandelle qui aurait pu coûter la vie à la victime puisque le processus a duré plus d’une demie- heure !
      Finalement, après son sauvetage, ce sont les secouristes et le personnel soignant du RHNe -réseau médical neuchâtelois- qui ont dénoncé les faits à la police lorsqu’il ont pris en charge la jeune victime. L’émission Temps Présent sur la RTS s’est saisi de ce cas pour son enquête sur l’industrie de l’asile dans les CFA[2].
      Face à cette situation, après plus de deux ans de procédures et une première victoire au Tribunal fédéral, 4 condamnations définitives ont été obtenues contre des agents du SEM au CFA de Boudry. Le Ministère public neuchâtelois (MPNE) retient que ces agents auraient dû violer les consignes du SEM et de leur employeur Protectas en appelant les secours ou simplement en amenant la victime dans un bâtiment chauffé à quelques mètres du lieu du drame. Selon le MPNE, la longue demi-heure durant laquelle rien n’a été fait pour sauver la victime de la mort et les mauvais traitements qui l’ont plongé dans l’hypothermie sont des infractions pénales, respectivement d’exposition et de lésions corporelles. Un abus d’autorité, une des inculpations les plus graves que l’on puisse infliger à un agent de l’État, a également été retenu par la justice pénale pour l’un des agents.

      Les jours-amendes infligés ont été considérablement réduits du fait des problèmes relevés dans la procédure administrative : pour cause, le SEM savait qu’il n’avait pas le droit d’incarcérer Job dans une cabine de chantier sans qu’il ne présente un danger pour eux-même ou les autres et que la police devait être tenue informée. Pourtant, le SEM organisait cette pratique du cachot, malgré les dénonciations répétées de Droit de rester Neuchâtel et d’autres organisations. Enfin, nous regrettons qu’aucune condamnation n’est été prise contre les têtes-pensantes de ce malheur ; les cadres du SEM qui ont toléré la directive problématique et abandonné leurs agents face à une situation pour laquelle ils n’étaient ni préparés, ni équipés, ni formés. L’absence de permanence de soins sur place pendant la nuit est aussi problématique vu la population fragile et nombreuse du CFA de Boudry.
      Les procédures contre les violences d’État sont toujours difficiles et le sont encore plus lorsque les victimes sont marginalisées par leur titre de séjour et le racisme systémique. Cette procédure a connu des enquêteurs qui ont manqués de garantir les droits de victime pour lesquels il aura fallu un

      jugement du Tribunal fédéral pour les rétablir. Parallèlement, Droit de rester Neuchâtel a reçu une lettre qui de façon à peine voilée faisait planer la menace de plaintes pour diffamation pour avoir relayé le drame à huis-clos joué dans le CFA. L’aboutissement de cette procédure n’aurait jamais pu se faire sans la mobilisation constante de Droit de rester Neuchâtel, d’Amnesty International[3] et de Me Dimitri Paratte, avocat de la victime, sans la vigilance des soignant.es du RHNe et des représentant.es juridiques de Caritas.

      Alors que la situation dans les CFA se détériore face à l’arrivée de nombreux.ses réfugié·e·s et la sous-dotation systématique, Droit de rester Neuchâtel demande :

      1. Des excuses publiques du SEM pour le mal, commis en son nom et tel qu’établi par la justice pénale, à l’encontre de la victime ;
      2. Des excuses également pour les pressions exercées contre la société civile que le SEM me- naçait de plainte lorsque leur mobilisation exemplaire a justement permis d’amener devant la justice des traitements inhumains et dégradants au CFA de Boudry ;
      3. L’instauration d’un organe de dépôt de plaintes indépendants à l’intérieur des CFA ;
      4. La suspension des procédures Dublin ou d’exécution des renvois lorsque le Ministère publicinstruit une affaire de violence d’État ;
      5. La réforme complète du fonctionnement des CFA pour qu’ils soient gérés dans l’intérêt desadministré·e·s et publiquement, sans sociétés privées lucratives dont les agents sont formés de façon déplorable. La prise en compte sérieuse du rapport Oberholzer par des modifications de la LAsi en est une étape nécessaire, alors que la réforme, comme l’indique la prise de position des Centres sociaux protestants de Suisse, est largement insuffisante ; et
      6. L’allocation de moyens non-répressifs pour accompagner les résident·e·s des CFA, notam- ment en terme de formation, de personnel de santé et d’animation.

      https://asile.ch/2023/06/16/droit-de-rester-quatre-agents-dun-cfa-condamnes-pour-mise-en-danger-de-la-vie-
      #justice #condamnation #lésions_corporelles

    • Quatre agents d’un CFA condamnés pour mise en danger de la vie d’un requérant d’asile

      « Lésions corporelles simulées et mises en danger de la vie et de la santé d’autrui » ainsi qu’ »eabus_d’autorité ». Les #condamnations_pénales pour les #violences dans les centres fédéraux d’asile (CFA) sont tombées le 11 mai 2023. L’ordonnance pénale a été établie par le Ministère public neuchâtelois à l’encontre de quatre employés de Protectas, entreprise mandatée par le Secrétariat d’État aux migrations pour assurer la sécurité dans le Centre fédéral de Boudry. Elle a été rendue publique par la RTS le 15 juin 2023 (19h30), qui revient avec des images glaçantes sur les circonstances qui ont failli coûter la vie à un homme.

      Le journaliste Ludovic Rocchi avait déjà réalisé une longue enquête sur le sujet [1]. Il rappelle ici que les faits, qui s’étaient déroulés en février 2021, sont directement liés aux directives établies par le SEM et à l’usage de cellules de « dégrisement » – dénoncées par la Commission nationale de prévention de la torture. Les agents auraient en fait « trop respecté les consignes », selon le procureur neuchâtelois. La responsabilité de l’Etat n’a pourtant pas été mise en cause, ce que déplore le collectif Droit de rester Neuchâtel. qui publie un communiqué de presse. Celui-ci rappelle les difficultés des procédures menées contre les violences d’État, les pressions subies pour avoir « relayé le drame à huis-clos joué dans le CFA » et le fait que seule la mobilisation constante de la société civile a permis de rendre un tant soit peu justice à la victime. Droit de rester appelle le SEM a présenter des excuses au requérant d’asile, à la société civile, et à prendre de véritables mesures efficaces pour garantir que ces violences, systémiques, ne puissent plus se reproduire. En particulier à travers un mécanisme de plainte indépendant et accessible, une meilleure dotation en personnel d’encadrement. Le caractère semi-carcéral des CFA, avec une volonté de contrôle total de ce qui se déroule au sein des murs -la société civile n’y est tolérée qu’à condition très stricte- est un des facteurs favorisant les abus de pouvoir. À noter que d’autres dénonciations pénales concernant d’autres CFA sont devant la justice.

      https://www.rts.ch/play/tv/redirect/detail/14106226

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      Des agents du SEM condamnés pour les exactions commises au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry !

      Droit de rester Neuchâtel – Communiqué du 16 juin 2023

      En Suisse, les difficultés pour remettre en cause les agissements du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) sont colossales, mais des condamnations sont enfin tombées dans le cas d’hypothermie survenu en février 2021.

      C’est l’histoire de Job (prénom fictif) un jeune requérant d’asile, de 17 ans au moment des faits, qui s’est fait malmené par d’autres requérants du fait de son homosexualité. Les agents de sécurité du SEM, employés de la société Protectas, l’enferment dans une cabine de chantier – appelé le cachot dans le jargon du centre. Cette cabine n’était pas chauffée cette nuit du 13 février 2021, alors que la bise soufflait et que la température ne dépassait pas -4°C. Rapidement, la victime s’est alors effondrée, sous la surveillance des agents, et mise à convulser et à délirer : elle était en hypothermie.

      Les agents du SEM, procéduriers et formalistes, voire racistes, se sont alors tenus aux directives de la Confédération qui établit que les secours ne peuvent être appelés que lorsqu’ORS (une autre société agente du SEM) puis la Helpline de santé aient été avertis : Une économie de bout de chandelle qui aurait pu coûter la vie à la victime puisque le processus a duré plus d’une demie- heure !
      Finalement, après son sauvetage, ce sont les secouristes et le personnel soignant du RHNe -réseau médical neuchâtelois- qui ont dénoncé les faits à la police lorsqu’il ont pris en charge la jeune victime. L’émission Temps Présent sur la RTS s’est saisi de ce cas pour son enquête sur l’industrie de l’asile dans les CFA[2].
      Face à cette situation, après plus de deux ans de procédures et une première victoire au Tribunal fédéral, 4 condamnations définitives ont été obtenues contre des agents du SEM au CFA de Boudry. Le Ministère public neuchâtelois (MPNE) retient que ces agents auraient dû violer les consignes du SEM et de leur employeur Protectas en appelant les secours ou simplement en amenant la victime dans un bâtiment chauffé à quelques mètres du lieu du drame. Selon le MPNE, la longue demi-heure durant laquelle rien n’a été fait pour sauver la victime de la mort et les mauvais traitements qui l’ont plongé dans l’hypothermie sont des infractions pénales, respectivement d’exposition et de lésions corporelles. Un abus d’autorité, une des inculpations les plus graves que l’on puisse infliger à un agent de l’État, a également été retenu par la justice pénale pour l’un des agents.

      Les jours-amendes infligés ont été considérablement réduits du fait des problèmes relevés dans la procédure administrative : pour cause, le SEM savait qu’il n’avait pas le droit d’incarcérer Job dans une cabine de chantier sans qu’il ne présente un danger pour eux-même ou les autres et que la police devait être tenue informée. Pourtant, le SEM organisait cette pratique du cachot, malgré les dénonciations répétées de Droit de rester Neuchâtel et d’autres organisations. Enfin, nous regrettons qu’aucune condamnation n’est été prise contre les têtes-pensantes de ce malheur ; les cadres du SEM qui ont toléré la directive problématique et abandonné leurs agents face à une situation pour laquelle ils n’étaient ni préparés, ni équipés, ni formés. L’absence de permanence de soins sur place pendant la nuit est aussi problématique vu la population fragile et nombreuse du CFA de Boudry.
      Les procédures contre les violences d’État sont toujours difficiles et le sont encore plus lorsque les victimes sont marginalisées par leur titre de séjour et le racisme systémique. Cette procédure a connu des enquêteurs qui ont manqués de garantir les droits de victime pour lesquels il aura fallu un

      jugement du Tribunal fédéral pour les rétablir. Parallèlement, Droit de rester Neuchâtel a reçu une lettre qui de façon à peine voilée faisait planer la menace de plaintes pour diffamation pour avoir relayé le drame à huis-clos joué dans le CFA. L’aboutissement de cette procédure n’aurait jamais pu se faire sans la mobilisation constante de Droit de rester Neuchâtel, d’Amnesty International[3] et de Me Dimitri Paratte, avocat de la victime, sans la vigilance des soignant.es du RHNe et des représentant.es juridiques de Caritas.

      Alors que la situation dans les CFA se détériore face à l’arrivée de nombreux.ses réfugié·e·s et la sous-dotation systématique, Droit de rester Neuchâtel demande :

      1. Des excuses publiques du SEM pour le mal, commis en son nom et tel qu’établi par la justice pénale, à l’encontre de la victime ;
      2. Des excuses également pour les pressions exercées contre la société civile que le SEM me- naçait de plainte lorsque leur mobilisation exemplaire a justement permis d’amener devant la justice des traitements inhumains et dégradants au CFA de Boudry ;
      3. L’instauration d’un organe de dépôt de plaintes indépendants à l’intérieur des CFA ;
      4. La suspension des procédures Dublin ou d’exécution des renvois lorsque le Ministère publicinstruit une affaire de violence d’État ;
      5. La réforme complète du fonctionnement des CFA pour qu’ils soient gérés dans l’intérêt desadministré·e·s et publiquement, sans sociétés privées lucratives dont les agents sont formés de façon déplorable. La prise en compte sérieuse du rapport Oberholzer par des modifications de la LAsi en est une étape nécessaire, alors que la réforme, comme l’indique la prise de position des Centres sociaux protestants de Suisse, est largement insuffisante ; et
      6. L’allocation de moyens non-répressifs pour accompagner les résident·e·s des CFA, notam- ment en terme de formation, de personnel de santé et d’animation.

      https://asile.ch/2023/06/16/droit-de-rester-quatre-agents-dun-cfa-condamnes-pour-mise-en-danger-de-la-vie-
      #justice #condamnation #lésions_corporelles

  • Des #gestes d’#immobilisation qui étouffent

    Alors que l’enquête concernant la mort le 19 juillet d’#Adama_Traoré lors d’une intervention policières semble montrer que la #technique du #plaquage_ventral a joué un rôle dans sa #mort, l’ACAT revient sur l’utilisation de gestes d’immobilisation dangereux par les forces de l’ordre en #France.

    Les forces de l’ordre disposent, afin d’exercer leur mission, de techniques d’intervention qui peuvent leur permettre de maîtriser une personne à interpeller. Enseignés dans les écoles de police et de gendarmerie, ces gestes sont pratiqués quotidiennement. La plupart ne posent pas de problème particulier, à condition toutefois d’être strictement nécessaires et proportionnés à la situation, sans quoi leur pratique deviendrait illégale et serait qualifiée de violence policière. Mais certaines techniques
    d’immobilisation controversées peuvent entraîner la suffocation et ont déjà provoqué plusieurs décès en France.

    Le #pliage : une technique dangereuse mais toujours pratiquée

    La technique du pliage consiste à maintenir une personne assise, la tête appuyée sur les genoux afin de la contenir. Elle est susceptible de provoquer une asphyxie posturale et est responsable de plusieurs décès. Cette pratique a été remise en cause en France après le décès rapproché de deux personnes à l’occasion de leur reconduite à la frontière. Le 30 décembre 2002, Ricardo Barrientos décédait après avoir été attaché à son siège dans l’avion, la tête maintenue sur ses genoux et les policiers exerçant une pression sur ses omoplates, cela pendant près de quarante minutes et entièrement recouvert par une couverture. Quelques jours plus tard, Getu Hagos Mariame décédait dans les mêmes circonstances. Suite à ces drames, une instruction de police nationale est venue interdire la pratique du pliage dans le cadre des reconduites à la frontière. Pourtant, l’ACAT suit plusieurs affaires dans lesquelles la technique du pliage est suspectée d’avoir été utilisée. Dans deux cas de décès au moins, des policiers ont reconnu avoir atiqué ce geste. Wissam El Yamni est décédé en janvier 2012 après son interpellation. Selon le journal Le Monde, qui a pu consulter l’autopsie et le rapport de l’IGPN (la police des polices), la pratique d’un pliage serait en cause dans cette affaire. En 2009, c’est un homme âgé de 69 ans, Ali Ziri, qui décédait suite à une intervention de police. Dans cette affaire à nouveau, un agent de police reconnaissait avoir fait usage de la technique du pliage dans le véhicule qui conduisait Ali Ziri du lieu de son interpellation jusqu’au commissariat.

    #Plaquage_ventral ou #immobilisation_en_décubitus_ventral

    Ce geste consiste à plaquer et maintenir une personne ventre au sol, tête tournée sur le côté. Les forces de l’ordre ajoutent parfois à cette position d’autres moyens de contention, tels que le menottage des poignets derrière le dos et l’immobilisation des chevilles (avec parfois les genoux relevés), et peuvent aller jusqu’à exercer un poids sur le dos de la personne ainsi maintenue à terre. Du fait de la position ainsi imposée à la personne, cette technique entrave fortement les mouvements respiratoires et peut provoquer une asphyxie positionnelle. En raison des risques de décès qu’elle entraîne, la pratique du plaquage ventral a été dénoncée à plusieurs reprises par Amnesty International. Une étude médicale indépendante attire également l’attention sur cette pratique : « des cas de mort subite chez des individus maintenus en position ventrale lors d’une arrestation, entraînant une asphyxie, même sans pression exercée au niveau du cou, ont été décrits dans la littérature et de nombreux cas ont été rapportés ». Prenant en compte les risques que cette pratique a révélé, le Comité européen de prévention de la torture (CPT) estime que les moyens de contrainte susceptibles de provoquer une asphyxie posturale, comme le plaquage ventral, ne devraient constituer qu’un ultime recours. À l’occasion de l’examen de la France en 2010, un rapporteur du comité des Nations unies contre la torture (CAT) s’est quant à lui dit « préoccupé par le fait que la technique d’immobilisation dans la position dite du décubitus ventral continue d’être utilisée ». En 2007, la France a par ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme suite au décès d’un homme résultant de cette pratique. En raison des risques qu’elle comporte, plusieurs pays, tels que la Suisse et la Belgique, ont renoncé à cette technique. En France, elle a été encadrée sans être toutefois interdite. « Lorsque l’immobilisation d’une personne est nécessaire, la compression - tout particulièrement lorsqu’elle s’exerce sur le thorax ou l’abdomen – doit être la plus momentanée possible et relâchée dès que la personne est entravée par les moyens réglementaires. » Elle est ainsi toujours pratiquée en France et est mise en cause dans plusieurs cas de décès répertoriés par l’#ACAT.

    Recommandations de l’ACAT

    • Proscrire l’utilisation des techniques dites du « pliage » et du « decubitus ventral ».
    • Encadrer plus strictement la pratique de clés d’étranglement

    https://www.acatfrance.fr/app/items/print/actualite/des-gestes-d-immobilisation-qui-etouffent
    #étouffement #violences_policières #décès #maintien_de_l'ordre

    ping @karine4 @cede
    via @isskein

  • #Achille_Mbembe : peut-on être étranger chez soi ?

    L’#Afrique doit être la première à libérer les circulations, à élaguer les frontières héritées de la colonisation, à refonder entièrement la politique des visas d’un pays à l’autre du continent. Pour ne plus dépendre des diktats de l’Europe et fonder enfin un droit à l’#hospitalité.

    De nos jours, l’une des manières de vulnérabiliser des millions de gens est de les empêcher de bouger.
    De fait, la structuration contemporaine de notre monde est de plus en plus fondée sur une répartition inégale des capacités de mobilité et de circulation, ainsi que de cette ressource qu’est désormais la vitesse.
    De ce point de vue, l’Afrique est doublement pénalisée, du dehors comme du dedans.
    Elle est pénalisée du dehors parce que les Africains ne sont les bienvenus nulle part dans le monde. Il n’y a pas un seul pays au monde où des Africains ou des gens d’origine africaine arrivent, peu importe par quels moyens, et sont accueillis au son des tambours et des trompettes. Partout où ils font leur apparition, ils sont les plus exposés à toutes sortes d’entraves, à l’incarcération et à la déportation (1). En vérité, très peu de pays au monde veulent des Africains ou des personnes d’origine africaine parmi eux.
    Elle est pénalisée du dehors parce qu’un nouveau régime global de mobilité est en train de se mettre en place. Il participe d’une nouvelle partition de la Terre. Il est une dimension fondamentale de la nouvelle course pour la domination du cosmos (des régions polaires, des océans, des déserts, des continents extraterrestres).
    Un pacte continental

    Ce nouveau régime de gouvernement des mobilités humaines repose sur des dispositifs de sécurité qui sont de plus en plus électroniques, biométriques, de plus en plus militarisés. Ces dispositifs sont aussi et de plus en plus somatiques, dans le sens où leurs cibles principales, ce sont des corps rendus abjects, jugés de trop, qui ne comptent pas, et que l’on est en droit de neutraliser. De gré ou de force, ces corps sont donc appelés à déguerpir des espaces qu’ils occupent.
    Ce nouveau régime repose enfin sur l’externalisation des frontières. Ainsi de l’Europe dont les frontières s’étendent désormais bien loin de la Méditerranée. En étendant ses frontières au-delà de la Méditerranée et en les rendant mobiles, l’Europe cherche en réalité à abroger la souveraineté des Etats africains sur la gestion de leurs populations, qu’il s’agisse de la gestion du nombre (d’où la relance des débats sur la démographie africaine) et de la gestion des mouvements (qui peut bouger, qui ne doit pas bouger, qui ne peut bouger qu’à certaines conditions).
    Mais l’Afrique est aussi pénalisée du dedans par le fait que nous sommes le continent au monde qui compte le plus grand nombre de frontières internes. C’est ici que la taxe sur la mobilité est la plus chère au monde. Il faut donc élaguer les frontières.
    Libérer les circulations est devenu un impératif. Il y va non seulement de la survie de millions de nos gens, mais aussi de la réaffirmation de notre souveraineté. Comment le faire de façon pragmatique ?
    Il faut rouvrir le débat sur le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Ce principe fut ratifié par les Etats africains en 1963 au moment de la fondation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Ce faisant, les Africains endossèrent la partition du continent opérée lors de la conférence de Berlin en 1884 par les puissances européennes.
    Il faut rouvrir ce débat dans la mesure où ce principe d’intangibilité, qui était supposé consacrer la souveraineté des Etats nationaux, est désormais un facteur d’émasculation de cette souveraineté dans le contexte des politiques antimigratoires poursuivies par l’Europe.
    Il faut le rouvrir non pas pour abolir dans l’immédiat les frontières héritées de la colonisation, mais pour définir des étapes concrètes visant à atteindre cet objectif d’ici à 2050.
    Nous avons besoin de définir, pour nous, notre propre politique migratoire. Celle-ci ne doit pas dépendre des diktats de l’Europe. Ceci exige la mise en place d’un pacte continental sur les migrations intra-africaines. L’objectif de ce pacte serait de transformer le continent en un vaste espace de circulation pour tous ses enfants.
    Des expériences ont déjà cours et vont dans ce sens, notamment dans plusieurs parties de l’Afrique de l’Ouest.
    Dans l’immédiat, il nous faut déclarer un moratoire sur les déportations. Il nous faut mettre un terme à la longue histoire des déportations et des déplacements forcés sur ce continent. Il faut arrêter les déportations. Nous devons, en ce siècle, mettre un terme à cette horrible pratique qui aura confiné les Africains à ne jamais se déplacer que dans des chaînes. Il faut désenchaîner les corps noirs, arrêter de les souiller, et ouvrir, pour nous-mêmes, une nouvelle page de notre longue lutte pour l’affranchissement et la dignité.
    Plus concrètement encore, nous devons procéder à une refonte générale de la politique des visas à l’intérieur de l’Afrique. Les nouvelles technologies nous permettent, par exemple, de passer à un nouveau stade où chaque détenteur d’un passeport africain qui voyage à l’intérieur du continent se verrait octroyer un visa à l’arrivée.
    Il nous faut encourager les Etats à passer des accords réciproques qui permettent d’abroger les visas entre eux.
    Cette phase de détente devrait ouvrir la voie à des changements plus structurels et à long terme. Elaguer puis moderniser les frontières, dans le sens de les rendre plus fluides, afin qu’elles puissent favoriser le passage et la flexibilité.
    Un énorme travail est à faire de ce point de vue en matière de modernisation des régimes d’identité. Que d’ici à 2050 chaque Africain puisse disposer d’un acte de naissance, d’une carte d’identité, bref de documents biométriques virtuellement infalsifiables. Si au passage un tel effort aboutit à élargir le champ des surveillances, ce sera le modique prix à payer pour intensifier les circulations internes.
    Aller au-delà des lumières

    Le recours aux nouvelles technologies nous permettra également de mettre en place des bases de données que les Etats pourront partager entre eux dans le but de diminuer les risques, car ceux-ci existent. En matière d’échanges commerciaux, l’une des priorités est l’instauration de postes douaniers uniques qui permettraient d’alléger la contrebande aux frontières.
    L’Afrique doit sortir du paradigme de la clôture et de l’enfermement qui anime la politique antimigratoire de l’Union européenne. Nous devons aller au-delà des notions héritées des Lumières, à l’instar du « droit d’hospitalité ». En matière de traitement des étrangers et des hôtes, nos traditions philosophiques ont toujours reposé sur un socle anthropologique élargi. Le sociologue marocain Mehdi Alioua a ainsi montré comment, dans les oasis du désert saharien, une tradition multiséculaire d’hospitalité a longtemps prévalu.
    Elle reposait sur une agriculture qui soutenait cette hospitalité. Faute de palmiers, arbres fruitiers et légumineuses étaient mis à contribution. Une partie des récoltes était toujours épargnée. Des protéines et calories étaient réservées pour les voyageurs, mais aussi les oiseaux et les insectes qui arrivaient à l’improviste, surtout en cas de disette.
    Que dire du droit à une demeure (right of abode) inscrit dans la Constitution ghanéenne ? Il s’agit du droit à un abri, le droit sinon à un chez-soi, du moins à un lieu que l’on peut habiter en tout repos.
    Dans le cas ghanéen, les bénéficiaires d’un tel droit sont essentiellement des personnes de descendance africaine dont les ancêtres furent autrefois déportés à l’époque de la traite des esclaves. Il s’agit donc de personnes qui, à un titre ou à un autre, sont nos parents, des êtres humains avec lesquels nous lient des liens de parenté lointains et, au besoin, fictifs. Ces parents ne sont pas des allogènes. Mais ils ne sont pas non plus des autochtones ou des natifs d’un lieu.
    Il existe donc dans nos traditions des bases pour élargir le débat contemporain sur les migrations et le sortir des impasses philosophiques d’une Europe qui tourne en rond. Le droit à l’hospitalité suppose un visiteur qui vient d’ailleurs, qui n’est pas un parent, qui est un allogène, et un hôte, un autochtone, qui le reçoit, l’héberge et au besoin prend soin de lui. Ce droit est supposé bénéficier non seulement aux visiteurs, mais aussi aux réfugiés, à ceux et celles qui fuient une menace. Dans ses considérations sur la paix perpétuelle, Kant affirme que ce droit à l’hospitalité est un droit universel.
    Il est inconditionnel dans le sens où, à supposer qu’un étranger frappe à notre porte et demande à rentrer, nous sommes dans l’obligation de lui ouvrir la porte et de lui accorder un abri si, en le renvoyant chez lui, il risque de perdre sa vie. Kant précise cependant que nous ne sommes pas obligés de faire de cet étranger un membre à part entière de notre communauté. Son séjour parmi nous ne peut pas être permanent par définition. Ce séjour est appelé, à un moment donné, à prendre fin car il est de la nature de l’étranger de devoir repartir à un moment donné.
    Le droit ghanéen à une demeure peut être élargi au-delà des parents réels ou fictifs. Le rêve est que chacun puisse affirmer : « Le chez-moi, c’est le cosmos. » C’est l’ensemble de l’univers dont je suis l’un des habitants parmi d’autres habitants. Alors que notre monde devient chaque jour plus petit et que le temps nous est désormais compté, il nous faut réhabiliter cette appartenance première à l’univers. Elle doit primer sur l’appartenance seconde à un Etat territorial donné.

    https://www.liberation.fr/debats/2019/11/13/achille-mbembe-peut-on-etre-etranger-chez-soi_1763182
    #Mbembe #frontières #ouverture_des_frontières #immobilité #vulnérabilité #vulnérabilisation #immobilisation #capacité_de_mobilité #capacité_de_circulation #Africains #contrôles_frontaliers #corps #externalisation_des_frontières #externalisation #frontières_internes #liberté_de_mouvement #liberté_de_circulation #souveraineté #colonisation #intangibilité_des_frontières #déportation #visas #régimes_d'identité #circulation_interne #droit_d'hospitalité #droit_à_une_demeure (#right_of-abode) #chez_soi #chez-soi

    En lien avec le thème de #faire_monde :

    Le rêve est que chacun puisse affirmer : « Le chez-moi, c’est le cosmos. » C’est l’ensemble de l’univers dont je suis l’un des habitants parmi d’autres habitants. Alors que notre monde devient chaque jour plus petit et que le temps nous est désormais compté, il nous faut réhabiliter cette appartenance première à l’univers. Elle doit primer sur l’appartenance seconde à un Etat territorial donné.

    ping @karine4

  • À Paris, les manifestants ont défilé contre « un système d’éducation à plusieurs vitesses »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/010218/paris-les-manifestants-ont-defile-contre-un-systeme-deducation-plusieurs-v

    Plusieurs syndicats lycéens, étudiants et enseignants se sont mobilisés jeudi 1er février pour demander, pour la première fois, le retrait du projet de loi d’accès à l’enseignement et protester contre la future réforme du baccalauréat. Quelque milliers de personnes ont défilé à Paris.

    #France #immobilisation #manifestation #sélection #universités

  • Refugees face asylum rejection if they leave country of arrival, under new EU rules

    Asylum seekers moving to other EU countries after arriving in Europe will face having their applications for international protection rejected, under tougher rules put forward by the European Commission today (13 July).

    http://www.euractiv.com/section/global-europe/news/under-new-eu-rules-refugees-face-asylum-rejection-if-they-leave-country-of

    Je ne comprends pas... ça veut dire quoi ? Qu’une personne qui arrive en Hongrie et puis décide d’aller en Allemagne. En Allemagne elle dépose une demande d’asile, elle n’est pas renvoyée en Hongrie sous Dublin mais sa demande est rejetée ? #help

    #asile #migrations #réfugiés #politique_d'asile #procédure_d'asile #immobilisation #Dublin

  • A #Nador et #Melilla, d’autres #barricades sur la route des réfugiés

    Frontière sud de l’Europe oubliée des médias, le #Maroc, en bon gendarme de Bruxelles, a toujours mené la vie dure aux migrants qui voulaient pénétrer les enclaves espagnoles. Les réfugiés syriens n’y échappent pas. Depuis des mois, des dizaines de familles sont coincées à Nador, ville du nord-est marocain, frontalière de Melilla, dont on ne sort pas non plus.

    http://www.mediapart.fr/journal/international/281015/nador-et-melilla-dautres-barricades-sur-la-route-des-refugies
    #réfugiés #asile #migrations #immobilisation #zone-tampon

  • #Turquie : des milliers de réfugiés bloqués à #Istanbul et Edirne

    Des milliers de réfugiés tentent d’entrer en Grèce par la frontière terrestre avec la Turquie mais sont bloqués depuis quelques jours par les autorités turques à Istanbul et #Edirne. La situation est de plus en plus explosive, notamment à la gare routière d’Esenler, dans la métropole turque. Reportage.

    http://www.courrierdesbalkans.fr/articles/turquie-des-milliers-de-refugies-bloques-a-istanbul-et-edirne.htm
    #réfugiés #asile #migrations #immobilisation #attente #zone_d'attente

  • #Checkpoints erected to prevent Syrian migrants from entering İzmir

    Syrian migrants who are attempting to enter İzmir in preparation for journeys to Greece are increasingly being prevented from reaching the Aegean Sea, while others already there are being gathered in a stadium.

    The İzmir Governor’s Office has launched efforts together with Turkey’s Interior Ministry Migration Management Directorate and the Prime Ministry Disaster and Emergency Management Authority (AFAD) to find ways in which they can reduce the numbers of Syrian migrants in the city after refugees began to flock to the city more intensively in the past month, finding space especially in the Basmane district and parks across the city.

    One of the measures is to set up checkpoints on the main roads coming to İzmir, where police are stopping and searching suspicious-looking vehicles.

    http://www.hurriyetdailynews.com/checkpoints-erected-to-prevent-syrian-migrants-from-entering-izmi
    #Izmir #Turquie #immobilisation #réfugiés #asile #migration #encampement #stade
    cc @daphne @marty @albertocampiphoto

  • Macedonia: stop towards fortress Europe

    Documentary film #Crossing_Borders focuses on situation on greece-macedonian and macedonian-serbian borders, refugees, organisation distributing aid (NGO Legis, Nun), activism and stereotypes.

    https://www.youtube.com/watch?v=B0ncXezl86k&feature=youtu.be


    #Macédoine #asile #migration #réfugiés #Balkans #documentaire #film #solidarité #train #zone-tampon #limbo #transports_publics #ségrégation #discrimination #immobilisation
    cc @daphne @marty @albertocampiphoto

  • Soutien aux migrants : l’Appel de Vintimille
    http://lahorde.samizdat.net/2015/07/04/soutien-aux-migrants-lappel-de-vintimille

    Samedi 20 juin nous étions des centaines venus de toute l’Italie pour manifester à Vintimille notre soutien à la lutte des migrants bloqués sur les rochers qui séparent l’Italie de la France. Après deux semaines, qu’est-ce qui a changé ? Les feux médiatiques se sont éteints, notre présence est allée en diminuant, mais pour les personnes [&hellip

    #Initiatives_antifas #racisme_d'État

    • Premier mai 2011, alors que des harragas Tunisiens occupaient des locaux à Paris afin de ne pas rester à la rue et de s’organiser collectivement, la FTDA avait joué son rôle :

      « La France doit apporter une réponse digne et responsable à la question tunisienne. », dit « France terre d’asile » qui lance un appel à « cesser les interventions policières », signé par ... Bertand Delanoé [ordonateur de plusieurs expulsions par la #police, ndc] et la CFDT, dont des permanents ont assisté de leur balcon, aux premières loges, à l’#évacuation manu militari des Tunisiens de l’immeuble avenue Simon Bolivar, puis à leur menottage et à leur embarquement sans broncher, dehors à 100 mètres de là...

      De qui la Ville de Paris est-elle l’amie ?
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5620

      #migrants #sans-papiers #caritatifs #humanisme_expulseur #socialistes

    • Évacuation humanitaire ? Non, à La Chapelle, les pouvoirs publics ont dispersé la misère

      02 juin 2015 | Par Carine Fouteau

      Le campement de La Chapelle a été expulsé mardi. Comment la mairie de Paris peut-elle se féliciter d’avoir mis à l’abri ses occupants, alors que beaucoup se retrouveront à la rue dans quelques jours ? Pourquoi demander l’assistance des forces de l’ordre pour « venir en aide » aux migrants ?

      Le campement sous le métro aérien à la station La Chapelle, à Paris, sur lequel s’étaient installés environ 350 migrants venus principalement de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique de l’Ouest, a été expulsé mardi 2 juin. Les cars de CRS ont commencé à se positionner dans les alentours aux aurores. La zone a été bouclée. En quelques heures, les lieux ont été vidés de leurs occupants. Sous le pont, les policiers ont bâché les affaires restantes. Certains exilés sont montés dans des bus. D’autres avaient passé la nuit ailleurs et n’ont pu accéder à leur tente. D’autres encore sont partis à pied avec leur sac plastique à la main.

      En amont, ils avaient été recensés et séparés en deux groupes : d’un côté les personnes relevant de l’asile, c’est-à-dire susceptibles d’obtenir le statut de réfugié et donc de rester en France ; de l’autre les migrants dits « économiques », considérés comme en situation irrégulière sur le territoire et à ce titre sans perspective aux yeux de l’État.

      Les premiers ont été envoyés dans un centre en région parisienne d’où ils devaient être répartis dans différents centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) en France. Selon le préfet de police de Paris, Bernard Boucault, sur les 160 personnes identifiées comme demandeurs d’asile potentiels, une centaine se sont présentées dans la matinée. Les autres, en transit, cherchent à rejoindre l’Angleterre ou l’Allemagne. Faute de lieu d’accueil temporaire correspondant à leur parcours, ces exilés dormiront dehors, ce soir et les soirs d’après.

      Les seconds se sont vu proposer un hébergement d’urgence consistant en quelques nuits de mise à l’abri (en foyers ou en hôtels sociaux en Ile-de-France). Pour beaucoup, cette solution est pire que le statu quo : après une semaine maximum, ces migrants indésirables savent qu’ils seront remis à la rue, avec comme horizon un 115 saturé qui ne répond plus aux appels. Entre-temps, ils auront perdu leurs affaires (tente, couverture, matelas, réchaud, etc.) et leur recoin. Pour éviter de repartir de zéro, quelques-uns ont déserté le campement ces derniers jours, sachant que l’expulsion allait avoir lieu.

      Au total, seules les personnes voulant demander l’asile et ayant une chance de l’obtenir profitent de ce processus. Pour les autres, c’est l’inverse. Plutôt que d’être rassemblés à un endroit où ils s’étaient fabriqué un semblant de sécurité, les migrants de La Chapelle sont désormais dispersés dans Paris, isolés et livrés à eux-mêmes. Plus invisibles encore qu’ils ne l’étaient avant que leur présence ne soit jugée intolérable.

      Les pouvoirs publics présentent les choses différemment. À lire les communiqués publiés par la préfecture de Paris (PP) et la mairie, un problème a été résolu de la manière la plus humanitaire qu’il soit et pour le bien de tous. Signe que la gauche est au pouvoir : l’exercice de la force se doit d’être justifié. L’argument, comme souvent dans ce genre de cas, est sanitaire. Des risques d’épidémie sont avancés pour rendre l’opération inévitable. Et incontestable. « Lors de son dernier passage sur le site le 22 mai, indique la PP, le médecin mandaté par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France a précisé que les occupants de ce campement étaient soumis à un risque majeur “avec notamment la possibilité de transmission de parasitoses et la survenue d’épidémies de dysenterie”, une épidémie de gale n’étant pas à exclure. » Pas de cas avérés, donc, mais une expulsion préventive, en quelque sorte. Le directeur général de France terre d’asile (FTDA), Pierre Henry, cautionne : « On est là pour rassurer et faire monter dans les bus. C’est une opération sanitaire et d’accès aux droits. »

      Il ne s’agit pas de dire que les conditions de vie étaient acceptables dans ce campement. Elles ne l’étaient pas. Les déchets commençaient à déborder de partout. Mais la question est de savoir si une prise en charge médicale et un soutien en nettoyage n’étaient pas plus adaptés qu’une « évacuation » pour empêcher une épidémie.

      Ce terme d’« évacuation », ensuite, est problématique, même s’il a une existence administrative, tant il euphémise la réalité. Répété en boucle par les responsables politiques et repris par les journalistes, il a pour effet de minimiser la violence subie par des hommes et des femmes sommés de quitter l’abri qu’ils s’étaient constitué. Expulsion, en ce sens, est plus approprié. Sinon, pourquoi boucler la zone au petit matin ? Pourquoi recourir aux forces de l’ordre ? Pourquoi empêcher les personnes de récupérer leurs affaires ? S’agissait-il d’une opération de relogement ou de maintien de l’ordre ? Sur Twitter, la maire de Paris lie les deux. Anne Hidalgo se félicite que la Ville « accompagne l’évacuation et la mise à l’abri des migrants ». « Ceux-ci bénéficieront d’un accompagnement personnalisé », ajoute-t-elle.

      Relogement ? Accompagnement personnalisé ? La situation est plus sommaire. Plus dramatique aussi. La responsabilité, en l’occurrence, n’est pas celle de la Ville, mais de l’État, contraint par la loi française de loger les demandeurs d’asile et de mettre à l’abri les personnes sans toit. En proposant des places, les services compétents ne font pas une faveur aux personnes concernées. Ils ne font que respecter leurs obligations. Encore faut-il se rendre à l’évidence. Les solutions proposées aux « migrants économiques » sont de si courtes durées que la plupart hésitent à les accepter. Quant à l’accompagnement personnalisé, aucun des exilés rencontrés sur place ne sait à quoi cela fait référence.

      Agissant en fonction d’intérêts distincts, la mairie et l’État ont fini par se préoccuper de ce campement car le nombre de migrants ne cessait d’augmenter. Avec les milliers d’arrivées ces derniers jours sur les côtes italiennes, il était peu probable que la tendance s’infléchisse. Il fallait envoyer des messages à l’opinion publique et aux occupants : pas question de laisser ce type de situation s’« enkyster », selon une expression utilisée sans gêne par de nombreux élus et agents administratifs. En procédant à une expulsion, les pouvoirs publics ont apparemment fait place nette. En fin de matinée, les pelleteuses et véhicules de nettoyage faisaient disparaître les traces de ce lieu de vie. Quelle meilleure démonstration de leur action ? Pourtant, rien n’est réglé, ou si peu. Cette gestion de l’immédiat n’est pas de nature à changer la donne. Elle peut cacher la misère… le temps que celle-ci réapparaisse sous un autre pont.

      Laisser des bidonvilles investir la ville n’est pas non plus une solution. Mais la catastrophe humanitaire en cours, y compris en Europe de Lampedusa à Calais, ne peut se satisfaire des vieilles recettes de gouvernance de l’espace public. Les logiques migratoires se modifient. De nouvelles sortes d’accueil correspondant aux besoins doivent être trouvées. Une politique renouvelée pourrait commencer par renoncer à faire appel aux forces de l’ordre quand le projet est de « venir en aide » aux migrants, comme l’affirme le communiqué de la Ville de Paris, aucune technique de contrôle des corps n’ayant jamais produit de l’hospitalité.

    • « On les trie sur le trottoir » : les migrants de La Chapelle évacués

      L’arrêté d’expulsion avait été affiché samedi 30 mai en préfecture. Depuis, les migrants qui campaient boulevard de La Chapelle à Paris, entre les stations de métro Barbès et La Chapelle, dans le 18e arrondissement, s’attendaient à être expulsés d’un jour à l’autre. Mardi 2 juin, la police a bouclé le périmètre aux alentours de 6 heures et a procédé à l’évacuation du camp, mettant en avant, comme souvent dans ce genre de cas, l’insalubrité et les risques sanitaires.

      http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/06/02/le-campement-de-migrants-de-la-chapelle-evacue-par-la-police_4645361_1654200

    • Au milieu de l’indifférence générale
      https://paris-luttes.info/au-milieu-de-l-indifference

      (...) Pendant que les« migrants » se faisaient embarquer sous la commande du trio travailleurs de la #mairie-crs-représentants #associatifs, quelques dizaines d’individus solidaires étaient rassemblés à proximité, gueulant des slogans et manifestant leur solidarité derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire : « L’épidémie c’est le capitalisme et ses guerres, ses flics et ses frontières. Solidarité aux migrants. »

      Ce « camp de migrant », ce « bidonville », ces « abris d’infortunes », nous n’avons pas l’indécence de défendre leur occupation, car personne ne désirerait vivre dans de telles conditions. Pas d’indignation, la larme au coin, dans nos propos. De la rage. Rage de voir la sale patte de l’autorité de l’État derrière des fonctionnaires envoyés pour trier ces individus selon une origine qu’ils n’ont pas choisi, comme on trie les bêtes dans un cheptel. Rage face à un monde ravagé par les guerres et l’exploitation des êtres et des choses au noms du profit. Rage face aux sbires en uniformes s’attelant à une expulsion qui signifie aussi, aujourd’hui ou plus tard , arrestations,enfermement en #centre_de_rétention et #expulsion, mais aussi contrôle diffus, humiliation, résignation, exclusion. Rage donc face à l’État qui s’attribue le droit de décerner des permis d’existences, et donc réprime, enferme, exclut, humilie, et à l’économie qui dicte nos vies selon ses impératifs. Tous chair à patron, gibiers à flics, bétail à frontières.

      Il y a tout juste un mois, à 100 mètres de là ouvrait la nouvelle brasserie Barbès, cossue et branchée où une faune friquée peut s’envoyer une côte de bœuf à 30 euros sous l’oeil bienveillant de ses protecteurs les policiers. Mis en perspective ces deux événements nous rappellent, mieux que le plus brillant des discours, une évidence claire comme l’eau du matin : le rôle de la police est d’assurer la soumission de tous aux lois du frics, à des lois faites pour perpétuer une économie basée sur l’exploitation et pour assurer à l’État sa mainmise sur le bétail humain réduit à la condition de marchandise.

      Le train train quotidien, la banalité et la surexposition à la misère la plus visible ont-il si bien atrophié notre sensibilité que l’on en est tristement parvenus à composer avec ? Quelles valeurs a la vie si en guise d’entrailles il ne nous reste que des viscères ?
      Les politiciens, ces infâmes réussiront-ils éternellement à voiler la #pauvreté et la #violence qui minent les rapports entre les êtres, propageant le cannibalisme social et l’indifférence générale au sort de chacun, quand en lieu et place de celà l’entraide et la solidarité entre les exploités et les révoltés pourraient envoyer valser tous ces salauds, exploiteurs et gouvernants, plein de sous et avides de pouvoir, et renverser l’ordre qu’ils maintiennent et qui leur confère du pouvoir sur nos vies ? Nos cœurs sont-ils si profondément avilis que nous pouvons nous contenter de reproduire cet existant délétère, sacrifiant l’essentiel de nos journées à se vendre pour quelques sous qui finiront dans les coffres des propriétaires et des marchands de tous types, abandonnant la possibilité de la révolte, seule capable de créer des horizons où y semer notre imagination, de donner vie à nos désirs de liberté et à nos élans les plus généreux ?

      Il existe une épidémie plus nuisible à nos existences que l’épidémie imaginaire qui sert de prétexte à cette opération de police ; cette épidémie c’est la peur, cette épidémie c’est la résignation, cette épidémie c’est la guerre entre pauvre, cette épidémie c’est d’attendre indéfiniment que l’on nous accorde ce que l’on aura que par nous mêmes. (...)

    • Opération humanitaire ou rafle “de gauche” ?

      Depuis plus d’une décennie, plusieurs campements précaires de migrants fleurissent aux alentours de la gare du Nord, à Paris. Entre répercussion des exodes d’Afghanistan, du Mali ou de Somalie, et espoirs d’un asile sûr outre-Manche ou dans l’Hexagone.
      Mardi 2 juin, l’un de ces bivouacs de fortune, apparu depuis de nombreux mois, était évacué au petit matin, à grands renforts de moyens policiers… et de discours « sociaux ». Une expulsion parmi tant d’autres, dont l’objectif semble avant tout d’invisibiliser les indésirables.

      http://www.quartiersxxi.org/local/adapt-img/960/10x/IMG/jpg/cgcafeywsaahbt2.jpg?1433343454
      http://www.quartiersxxi.org/operation-humanitaire-ou-rafle-de-gauche

    • Des migrants expulsés de La Chapelle : « Nous sommes des personnes pacifiques »

      À la suite de l’expulsion, mardi 2 juin aux aurores, du campement de La Chapelle, qualifiée d’« évacuation humanitaire » par les pouvoirs publics et l’association France terre d’asile, plusieurs dizaines de migrants se sont retrouvés à la rue. Dès le lendemain, une centaine d’entre eux ont trouvé refuge dans la salle Saint-Bruno, dans le XVIIIème arrondissement de Paris, à proximité de l’église Saint-Bernard. La nuit d’après, de jeudi 4 à vendredi 5 juin, ils l’ont passée dans le square d’à côté. Dans la soirée, des policiers accompagnés de chiens les ont empêchés d’entrer dans le lieu de culte, celui-là même que des sans-papiers avaient occupé en 1996, jusqu’à l’intervention des forces de l’ordre, entrées à coups de hache. Le ministre de l’intérieur d’alors, Jean-Louis Debré, avait estimé avoir agi « avec humanité et cœur ».

      http://blogs.mediapart.fr/blog/carine-fouteau/050615/des-migrants-expulses-de-la-chapelle-nous-sommes-des-personnes-pacif

    • Après La Chapelle, la mairie de Paris veut ouvrir un lieu d’accueil pour les migrants

      Anne Hidalgo vient d’annoncer qu’elle était favorable à l’ouverture d’un centre d’accueil des migrants à Paris. La question du logement est urgente, alors que des personnes expulsées de La Chapelle, Saint-Bernard et Pajol continuent de dormir dans la rue.

      http://www.mediapart.fr/journal/france/100615/apres-la-chapelle-la-mairie-de-paris-veut-ouvrir-un-lieu-d-accueil-pour-le

  • « Les autorités françaises veulent faire disparaitre les camps de réfugiés et migrants dans le nord de Paris »

    Vil fjerne teltleir i Paris - NRK Verden - Utenriksnyheter og -dokumentarer

    http://www.nrk.no/verden/vil-fjerne-teltleir-i-paris-1.12382060

    La presse norvégienne explique ici comment sont traités les migrants et réfugiés à Paris, et c’est un peu la honte pour nous, mais bon.

    I den tett folka byen er det få stader som kan romme migrantane. Difor har dette området på størrelse med ei fotballbane vore ein ynda tilhaldsstad for migrantar dei siste åra. Dei vert verande alt frå nokre dagar, til månader.

    #paris #migrations #asile #réfugiés #camps_ouverts #regroupement

  • More than 500 British-bound migrants set up camps in the heart of Paris where they openly admit trying to stow aboard Eurostar trains to London

    More than 500 British-bound migrants have set up two camps in the heart of Paris.

    Many have reached the French capital after perilous journeys on traffickers’ boats from Libya - in which hundreds have drowned in recent weeks.

    They are now living in two squalid encampments near Austerlitz station and beside the Gare du Nord Eurostar terminal that runs trains to Britain.

    http://www.dailymail.co.uk/news/article-3064147/More-500-British-bound-migrants-set-camps-heart-Paris-openly-admit-tryi
    #migration #asile #réfugiés #immobilisation #Paris #SDF #Eurostar #Londres #jungle
    cc @albertocampiphoto