• Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

  • #Premier_de_corvée

    Malgré deux emplois dans la #restauration et la #livraison, la vie hors des radars d’un travailleur clandestin malien. Un documentaire qui raconte par l’exemple les #luttes des sans-papiers en France, estimés à près de 700 000, pour de meilleures conditions d’existence.

    Depuis son arrivée en France en 2018, Makan cumule deux boulots : plongeur dans une brasserie chic près des Champs-Élysées et livreur à vélo. Solitaire et sacrifiée, la vie de ce Malien de 35 ans est tout entière dédiée au travail, qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays, une femme et des enfants qu’il n’a pas vus depuis bientôt quatre ans. « On n’est pas venu ici pour prendre des photos de la tour Eiffel. On est venu ici pour bosser. Ta famille est dans la merde, toi aussi t’es dans la merde », confie-t-il. Comme des centaines de milliers d’autres personnes en France, cantonnées aux #marges de la société alors qu’ils font tourner des pans entiers de l’#économie, Makan est sans-papiers. Il espère sortir de la #clandestinité et, en attendant, « reste dans [son] coin », effectuant avec courage ces métiers ingrats que seule une main-d’oeuvre précaire accepte désormais. « Si les immigrés ne se présentaient pas, je ne sais pas qui prendrait leur place », reconnaît sans ciller sa cheffe de cuisine. En attendant, Makan se demande pourquoi sa vie reste si difficile en France, « le pays des droits »...

    Existences invisibles
    Entre spleen et courage, le documentaire suit le quotidien d’un travailleur sans-papiers dans sa quête de régularisation, précieux sésame qui lui permettrait de se rendre dans son pays natal pour revoir ses proches qui subsistent grâce à son sacrifice. Aidé notamment par des militants syndicaux de la #CGT, Makan, qui tente de sortir de l’ornière administrative où il s’est enlisé, a rejoint la #lutte de ceux qui se mettent en grève pour obtenir de meilleures #conditions_de_travail. Mettant en lumière ces « premiers de corvées » condamnés à mener des existences invisibles (ils seraient près de 700 000 en France), ce film révèle sans misérabilisme le vécu intime de l’exil, de la clandestinité et de l’#abnégation.

    https://www.arte.tv/fr/videos/107817-000-A/premier-de-corvee
    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/68753_0
    #film #documentaire #film_documentaire #sans-papiers #travail #migrations #régularisation #France #logement #travailleurs_sans-papiers #sacrifice #déqualification #syndicat #grève

    ici aussi (via @kassem) :
    https://seenthis.net/messages/1006257

  • Le FMI admet que les bénéfices des entreprises ont été le principal moteur de l’inflation en Europe Ben Norton - Geopolitical Economy - Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

    L’augmentation des bénéfices des entreprises est à l’origine de 45 % de l’inflation en Europe, contre 40 % pour la hausse des prix à l’importation et seulement 15 % pour les salaires des travailleurs, selon une étude réalisée par les économistes du FMI.
     
    Les bénéfices des entreprises sont le principal facteur d’inflation en Europe depuis 2021.

    C’est ce qui ressort d’une étude publiée par le Fonds monétaire international (FMI).

    « L’augmentation des bénéfices des entreprises est à l’origine de près de la moitié de la hausse de l’inflation en Europe au cours des deux dernières années, les entreprises ayant augmenté leurs prix de manière plus importante que la flambée des coûts de l’énergie importée« , ont écrit les économistes du FMI en juin dernier.

    Selon le FMI, « pour permettre à l’inflation de rester sur les rails menant à l’objectif de 2% fixé par la Banque centrale européenne pour 2025, les entreprises pourraient devoir accepter une part de profit plus faible. »

    Les économistes du FMI Niels-Jakob Hansen, Frederik Toscani et Jing Zhou ont détaillé leurs conclusions dans un document de recherche intitulé « Euro Area Inflation after the Pandemic and Energy Shock : Import Prices, Profits and Wages » (L’inflation dans la zone euro après la pandémie et le choc énergétique : prix des importations, bénéfices et salaires). https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2023/06/23/Euro-Area-Inflation-after-the-Pandemic-and-Energy-Shock-Import-Prices-Profits-a

    Ils ont constaté que les marges bénéficiaires intérieures étaient responsables de 45 % de la variation moyenne du déflateur de la consommation (inflation) entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023, tandis que la hausse des prix à l’importation y contribuait à hauteur de 40 %.

    Parmi les principaux facteurs ayant contribué à la hausse des prix à l’importation figurent les perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues à la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre la Russie – l’un des principaux producteurs mondiaux de pétrole, de gaz, d’engrais et de blé. Ces sanctions ont provoqué une forte hausse des prix des produits de base au niveau mondial.

    Toutefois, la part de l’inflation due aux prix des importations a atteint son maximum à la mi-2022 et a diminué depuis.

    Cela suggère que les problèmes de la chaîne d’approvisionnement après la pandémie ont été en grande partie résolus et que les prix de certains produits de base ont baissé. Mais les entreprises ont quand même continué à augmenter leurs prix.

    Les économistes du FMI notent ainsi : « Les résultats montrent que les entreprises ont répercuté plus que le choc des coûts nominaux et qu’elles s’en sont relativement mieux sorties que les travailleurs« .

    Toutefois, de nombreux économistes néolibéraux et responsables de banques centrales occidentales ont ignoré la hausse des bénéfices des entreprises et ont préféré imputer l’inflation aux salaires des travailleurs.

    L’inflation s’est envolée lorsque le monde est sorti de la pandémie. Pour y répondre, la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale US ont relevé les taux d’intérêt de manière agressive et à une vitesse inégalée depuis le choc Volcker dans les années 1980. https://geopoliticaleconomy.com/2023/06/22/third-world-debt-crisis-ann-pettifor

    Le président de la Fed, Jerome Powell, a admis que son objectif était de « faire baisser les salaires ». https://geopoliticaleconomy.com/2022/05/24/us-federal-reserve-wages-inflation

    L’ancien secrétaire au Trésor US et économiste en chef de la Banque mondiale, Larry Summers, https://fortune.com/2022/06/21/larry-summers-calls-for-high-unemployment-to-curb-inflation a préconisé un taux de chômage de 6 % pendant cinq ans ou de 10 % pendant un an pour faire baisser l’inflation.

    Ils ont largement rejeté la faute sur les travailleurs, négligeant la façon dont les entreprises ont exploité une période d’incertitude pour s’enrichir.

    L’économiste Isabella Weber avait raison sur l’ « inflation des vendeurs »

    Isabella M. Weber est sans doute l’économiste qui s’est le plus exprimée pour demander à sa discipline d’étudier la manière dont les entreprises ont contribué à l’inflation au cours des deux dernières années.

    Professeur à l’université du Massachusetts Amherst, Weber a baptisé ce phénomène « inflation des vendeurs ».

    Bien que son travail soit méticuleusement documenté, Isabella M. Weber a dû faire face à de vives critiques de la part d’économistes néolibéraux.
    En décembre 2021, elle a publié un article d’opinion dans The Guardian intitulé « Could strategic price controls help fight inflation ? » (Le contrôle stratégique des prix pourrait-il aider à lutter contre l’inflation ?). https://www.theguardian.com/business/commentisfree/2021/dec/29/inflation-price-controls-time-we-use-it

    Dans les débats sur l’inflation, « un facteur essentiel qui fait grimper les prix reste largement ignoré : l’explosion des bénéfices« , écrit ainsi Weber. « En 2021, les marges bénéficiaires non financières ont atteint aux Etats-Unis des niveaux jamais vus depuis l’après-guerre. Ce n’est pas une coïncidence« .

    Elle note que « les grandes entreprises disposant d’un pouvoir de marché ont profité des problèmes d’approvisionnement pour augmenter les prix et engranger des bénéfices exceptionnels« .

    L’article de Weber a provoqué une véritable tempête et elle a été brutalement attaquée. Paul Krugman, éditorialiste au New York Times, a déclaré que l’appel de Weber en faveur d’un contrôle des prix était « vraiment stupide ».

    En février 2023, Weber a publié un article universitaire https://scholarworks.umass.edu/econ_workingpaper/343 expliquant plus en détail le phénomène : « Sellers’ Inflation, Profits and Conflict : Why can Large Firms Hike Prices in an Emergency ? » (Inflation des vendeurs, profits et conflits : pourquoi les grandes entreprises peuvent-elles augmenter leurs prix en situation de crise ?)

    Les économistes du FMI ont d’ailleurs cité cet article de Weber dans leur propre étude sur l’inflation en Europe.

    Repenser l’inflation
    Les économistes classiques contemporains discutent généralement de trois types d’inflation : l’inflation tirée par la demande, l’inflation poussée par les coûts et l’inflation intégrée.

    L’inflation par les coûts se produit lorsque les prix des intrants utilisés dans le processus de production augmentent. Lorsque les prix internationaux de produits de base comme le pétrole ou le gaz montent en flèche, en conséquence de la guerre en Ukraine par exemple, cela contribue à l’inflation par les coûts.

    L’inflation intégrée tient compte des prévisions selon lesquelles l’inflation passée se reproduira à nouveau. Par exemple, les entreprises augmentent souvent leurs prix chaque année, simplement parce qu’elles s’attendent à ce que les coûts augmentent, et non parce qu’ils ont réellement augmenté (mais en agissant de la sorte, les coûts augmentent parfois vraiment).

    Cependant, les discussions sur l’inflation parmi les économistes néolibéraux occidentaux se concentrent généralement sur l’inflation tirée par la demande.

    Le parrain du monétarisme, le célèbre économiste de droite de l’université de Chicago Milton Friedman, affirmait que « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire », et qu’il s’agissait spécifiquement d’une inflation tirée par la demande : « Trop d’argent pour trop peu de biens ».

    Friedman a inspiré le dictateur fasciste chilien Augusto Pinochet, qui a pris le pouvoir en 1973 à la suite d’un coup d’État militaire soutenu par la CIA contre le président socialiste démocratiquement élu de ce pays d’Amérique du Sud, Salvador Allende.

    Friedman était tellement obsédé par la politique monétaire du gouvernement qu’il soutenait l’idée que l’inflation par les coûts n’existait pas. Elle n’était selon lui qu’une conséquence de l’inflation par la demande.

    Mais cette récente étude du FMI montre que la vision monétariste de la droite sur l’inflation est beaucoup trop simpliste. Les entreprises capitalistes peuvent provoquer l’inflation en augmentant tout bonnement leurs profits à des niveaux déraisonnables.

    Néanmoins, certains tenants du monétarisme prétendent encore aujourd’hui que l’inflation observée dans le monde à la suite de la pandémie de covid-19 a été simplement causée par la planche à billets des banques centrales.

    Mais cela n’explique pas pourquoi de 2008 à 2020, lors des 12 premières années d’assouplissement quantitatif (QE), il y a eu assez peu d’inflation de l’indice des prix. Ni pourquoi le QE a soudainement provoqué une hausse des prix aux alentours de 2021.

    L’économiste Michael Hudson a souligné que l’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale US et de la Banque centrale européenne a en réalité alimenté
    l’inflation des prix des actifs, et non l’inflation de l’indice des prix à la consommation.

    Dans une interview accordée au Geopolitical Economy Report en septembre 2022, Hudson a expliqué ce qui suit : https://geopoliticaleconomy.com/2022/09/08/michael-hudson-debt-inflation-ukraine-petrodollar

    Le résultat [de l’assouplissement quantitatif] s’est traduit par un montant total de 9 000 milliards de dollars. Il s’agissait pour l’essentiel de liquidités bancaires que la Réserve fédérale a injectées.

    Bien qu’il s’agisse d’une inflation du prix des actifs, celle-ci s’est produite à crédit.

    L’inflation du prix des actifs s’est produite lorsque la Réserve fédérale a conclu des échanges de pensions livrées avec les banques, permettant à ces dernières de déposer auprès de la Fed certains de leurs prêts hypothécaires ou obligations, des obligations d’État ou même des obligations de pacotille.

    Les banques ont ainsi obtenu un dépôt auprès de la Fed qui leur a permis de se retourner. C’est comme si la Fed avait déposé de l’argent dans les banques comme un déposant, ce qui leur a permis de prêter toujours plus à l’immobilier, faisant ainsi grimper les prix.

    L’immobilier vaut ce qu’une banque est prête à lui prêter. Or, les banques ont abaissé les exigences de marge, assouplissant ainsi les conditions du prêt.

    Les banques ont donc gonflé le marché de l’immobilier, ainsi que les marchés des actions et des obligations.

    Depuis 2008, le marché obligataire a connu le plus grand rallye obligataire de l’histoire. Vous pouvez imaginer que le prix des obligations est descendu en dessous de 0 %. Il s’agit d’une capitalisation énorme du taux obligataire.

    Cela a donc été une aubaine pour les détenteurs d’obligations, en particulier d’obligations bancaires. Et cela a gonflé le sommet de la pyramide.

    Mais si vous le gonflez avec de la dette, il faut bien que quelqu’un paie la dette. Et la dette, comme je viens de le dire, concerne 90 % de la population.

    Ainsi, l’inflation du prix des actifs et la déflation de la dette vont de pair, parce que la partie de l’économie relative à la richesse, la partie relative à la propriété, a été largement gonflée. Il s’agit en fait du prix de la richesse par rapport au travail.

    Quant à la partie débitrice, elle a été comprimée du fait que les familles ont dû consacrer une part beaucoup plus importante de leurs revenus aux prêts hypothécaires, aux cartes de crédit ou aux dettes estudiantines. Ce qui leur a laissé de moins en moins d’argent pour acheter des biens et des services.

    S’il y a déflation de la dette, pourquoi y a-t-il une inflation des prix aujourd’hui ? Eh bien, l’inflation des prix est en grande partie le résultat de la guerre [en Ukraine] et des sanctions que les États-Unis ont imposées à la Russie.

    Comme vous le savez, la Russie était un grand exportateur de gaz et de pétrole, ainsi que le plus grand exportateur de produits agricoles au monde.

    Par conséquent, si l’on exclut du marché le pétrole russe, le gaz russe et l’agriculture russe, il y a une pénurie de l’offre et les prix augmentent considérablement.

    Le pétrole, l’énergie et l’alimentation ont donc été des éléments clés.

    Par ailleurs, sous l’administration Biden et certainement sous l’administration Trump, il n’y a pas eu d’application du contrôle des prix de monopole.

    Les entreprises ont donc essentiellement utilisé leur pouvoir monopolistique pour faire payer ce qu’elles voulaient.

    Si bien que même en l’absence de véritable pénurie de gaz et de pétrole en ce début d’année 2022, les prix ont grimpé en flèche. La seule raison était que les compagnies pétrolières fixaient les prix sur les factures.

    Cela est dû en partie à des manipulations financières sur les marchés à terme. Les marchés financiers ont fait grimper le prix du pétrole et du gaz. Mais d’autres entreprises l’ont également fait.

    Et dans tous les cas, si une entreprise est en position de force pour contrôler le marché, c’est que vous avez permis l’émergence de monopoles.
    Biden avait nommé un certain nombre de fonctionnaires qui allaient tenter d’imposer une législation anti-monopoles. Mais jusqu’à maintenant, ils n’ont pas été suffisamment soutenus par le Parti démocrate ou le Parti républicain pour leur donner les moyens d’agir.

     
    #bénéfices #marges #inflation #dividendes #fmi #bce #dette #gaz #pétrole #prix #marchés #monopoles

    Source : https://www.investigaction.net/fr/le-fmi-admet-que-les-benefices-des-entreprises-ont-ete-le-principal-

  • L’avancée des frontières européennes
    https://visionscarto.net/avancee-des-frontieres

    Titre : L’avancée des frontières européennes : la politique de voisinage — 2010 Mots-clés : #frontières #UE #Europe #politique_migratoire #politique_de_voisinage #marges #asile #politique_d'asile Auteur : Olivier Clochard et Philippe Rekacewicz Date : Juin 2010 L’avancée des frontières européennes Olivier Clochard et Philippe Rekacewicz, juin 2010. #Collection_cartographique

  • Accords en toile d’araignée sur les migrations
    https://visionscarto.net/migrations-accords-en-toile-d-araignee

    Titre : Accords en toile d’araignée sur les migrations — 2010 Mots-clés : #frontières #UE #Europe #asile #politique_de_voisinage #marges #France #migrations #politique_migratoire #accord_de_réadmission Auteur : Olivier Clochard et Philippe Rekacewicz Date : Juin 2010 Accords en toile d’araignée sur les migrations Olivier Clochard et Philippe Rekacewicz, juin 2010. #Collection_cartographique

  • Pourquoi les #services_publics sont pris pour #cible

    Médiathèques, écoles ou centres sociaux ont été pris pour cibles dans la nuit du 28 au 29 juin dans différentes villes de France. À l’éternelle question de savoir pourquoi, les sciences sociales apportent des réponses de plus en plus précises depuis les émeutes de 2005.

    À chaque affrontement entre forces de l’ordre et jeunes des #quartiers_populaires, après chaque nuit de #soulèvement_urbain, une question revient parmi les observateurs mais aussi les habitant·es : pourquoi s’en prendre aux #équipements_publics qui offrent encore quelques #services sur des territoires le plus souvent déshérités en la matière ?

    Derrière cette interrogation se loge aussi une question plus souterraine : qu’y a-t-il dans la tête des #jeunes qui affrontent la police, mettent le feu ou défoncent des vitrines ? Les sciences sociales ont largement travaillé la question, particulièrement depuis les émeutes de 2005, et montrent qu’il est impossible de voir dans ces gestes le simple #nihilisme, voire le #banditisme auxquels certaines voix voudraient les réduire.

    Une réponse préliminaire à la question oblige à commencer par passer au tamis ce que signifient « #services » ou « #équipements » publics dans un contexte de #révoltes et de #tensions_urbaines. S’en prendre à un commissariat au lendemain du meurtre d’un adolescent par un policier, ou même à une mairie qui a autorité sur une partie des forces de l’ordre, n’a pas nécessairement la même signification que s’en prendre à une école, un CCAS (centre communal d’action sociale), une salle des fêtes ou une bibliothèque...

    Un second préliminaire contraint aussi de rester prudent, au-delà même de la nature des institutions visées, sur ce qu’elles peuvent représenter, et dont la signification peut rester opaque ou confuse. Un des jeunes ayant participé aux ateliers d’écriture organisés par l’écrivain et éducateur Joseph Ponthus dans une cité de Nanterre affirmait ainsi, à propos des émeutes de 2005 : « On a commencé par discuter de ce qu’il fallait pas brûler. Pas les voitures des gens, pas l’école, pas le centre commercial. On voulait s’attaquer à l’État. » De manière symptomatique, alors même que la volonté de s’en prendre à l’État est affirmée, l’école, pourtant l’institution publique qui maille l’ensemble du territoire, est mise de côté…

    Cela dit, et bien qu’il soit encore trop tôt pour mesurer l’ampleur du soulèvement actuel et répertorier ou cartographier précisément ce à quoi il s’attaque, il semble bien que les #équipements_publics soient particulièrement visés.

    Le seul ministère de l’éducation nationale a ainsi dénombré jeudi « une cinquantaine de structures scolaires impactées à des degrés divers » par les incidents survenus après la mort de #Nahel, aboutissant à la fermeture d’une « dizaine » d’entre elles, principalement dans les académies de Versailles, de Créteil et de Lille.

    Pour le sociologue Sebastian Roché, il y aurait même une distinction à faire à ce sujet entre aujourd’hui et l’automne 2005. Interrogé sur France Info jeudi 29 juin, il jugeait en effet que la révolte actuelle « était beaucoup plus tournée vers les #institutions_publiques », tandis que les émeutes de 2005 auraient en priorité visé « beaucoup plus les voitures », même si des attaques contre des institutions publiques – gymnases, crèches, bibliothèques – s’étaient alors produites.

    Le #livre sans doute le plus précis sur le sujet a été publié aux éditions Presses de l’Enssib en 2013 par le sociologue Denis Merklen et s’intitule Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? (lire l’entretien que Mediapart avait conduit avec lui sur le sujet à l’occasion du dixième anniversaire des émeutes de 2005 : https://www.mediapart.fr/journal/france/021115/pourquoi-les-emeutiers-s-attaquent-aux-equipements-publics). Le chercheur y montrait qu’environ 70 bibliothèques avaient été incendiées en France entre 1996 et 2013, et que 2005 ne constituait pas une scène inédite ou inaugurale.

    Toutefois, soulignait #Denis_Merklen à propos de ces attaques commises envers les institutions publiques, « leur interprétation a changé après les émeutes qui ont eu lieu en France cette année-là, sûrement comme conséquence de l’ampleur de la mobilisation. Auparavant, elles étaient perçues comme des actes irrationnels, nihilistes, on parlait alors de “#violences_urbaines” et pas encore d’émeutes. Pourquoi s’attaquer à une école maternelle ou à un gymnase ? Pourquoi les bénéficiaires détruisaient-ils ce qui leur était destiné ? Ce n’était pas compréhensible. La plupart des lectures en faisaient la manifestation d’un déficit, voire d’une absence de #socialisation_politique. »

    Cette interprétation « nihiliste » demeure active dans certains secteurs de la société et du champ politique. Elle est propre à une manière de regarder les #marges de la ville-centre comme une zone peuplée de populations « ensauvagées », incapables de respecter le #bien_commun ou même de distinguer leur propre intérêt.

    Le sociologue et anthropologue #Jérôme_Beauchez, professeur à l’université de Strasbourg, a tout récemment retracé l’histoire longue de ce regard négatif dans un livre intitulé Les Sauvages de la civilisation. Regards sur la Zone, d’hier à aujourd’hui, publié par les éditions Amsterdam l’an dernier.

    Toutefois, même lorsque n’est pas entonné le refrain de la nécessaire remise en ordre d’un monde prétendument décivilisé à coups de renforts policiers, de couvre-feux ou d’états d’urgence, la dimension politique des attaques contre les institutions politiques demeure encore parfois déniée. Lorsque les institutions publiques visées sont des écoles ou des centres d’action sociale, mais aussi quand ceux qui les visent n’appartiennent pas à des organisations référencées et sont en outre le plus souvent cagoulés et racisés.

    À l’inverse, lorsque le mouvement poujadiste s’en était pris à des centres des impôts, lorsque des militants de la FNSEA ont attaqué manu militari des préfectures ou lorsque des marins-pêcheurs ont incendié le Parlement régional de Bretagne en février 1994, la dimension politique du geste a été immédiatement lue comme telle. Ce n’est donc pas la violence en elle-même qui distinguerait le bon grain politique de l’ivraie et de l’ivresse émeutières.

    Pour Denis Merklen, le ciblage des institutions publiques lors d’épisodes de #soulèvements_urbains est bien de nature politique, et même en quelque sorte au carré. « Aujourd’hui, affirme-t-il, les chercheurs en sciences sociales – sociologues, politistes, anthropologues – sont d’accord pour y voir au contraire un geste éminemment politique. Pourquoi cela ? Parce que les personnes vivant dans les quartiers populaires, plus que les autres, sont en contact permanent avec des institutions publiques pour résoudre les problèmes de leur vie quotidienne. S’en prendre à elles est une manière de signifier ce face-à-face. Ce n’est pas un déficit de #politisation, mais un changement dans la #politicité_populaire – c’est-à-dire de la manière de faire de la politique par les catégories populaires – par la #territorialisation des #conflits_sociaux. »

    Pour le sociologue, les émeutiers manifestent ainsi « le conflit dans lequel ils sont pris quotidiennement. Aux guichets des administrations, lieu principal des interactions, les #exclusions et les difficultés d’accès prennent la forme d’un #mépris fortement ressenti ».

    L’anthropologue #Alain_Bertho, professeur émérite à l’université Paris VIII, a consacré une grande partie de son travail aux #émeutes_urbaines, en France et à l’étranger, pour comprendre la mondialisation de ce vocabulaire de la protestation et en repérer les formes nationales ou locales. Il en a tiré deux ouvrages, Le Temps des émeutes, publié chez Bayard en 2009, puis Les Enfants du chaos, paru à La Découverte en 2016.

    Dans ces deux ouvrages, le chercheur insiste, lui aussi, pour prendre en compte la dimension politique des émeutes, précisément quand celle-ci est parfois occultée par le fait que ces soulèvements n’empruntent pas les voies de la politique institutionnelle, ni celles de la geste révolutionnaire qui vise les lieux incarnant le pouvoir en majesté, et non un gymnase ou l’antenne d’un centre de sécurité sociale.

    Il y a eu un débat en 2005, nous expliquait Alain Bertho au moment du soulèvement des « gilets jaunes », « sur la question de savoir si ces émeutes étaient un mouvement politique, proto-politique ou apolitique. La réponse que m’ont donnée ceux qui avaient alors brûlé des voitures est restée gravée dans ma tête : “Non, ce n’est pas politique, mais on voulait dire quelque chose à l’État.” Comment dire de façon plus claire que la politique partisane et parlementaire, à leurs yeux, ne servait à rien pour dire quelque chose à l’État ? ».

    Dans ce même entretien, Alain Bertho insistait également sur la nécessité d’être « attentif au répertoire d’action qu’est le langage de l’émeute », faisant une distinction notamment entre les émeutes avec et sans #pillage.

    Dans ce répertoire d’action en réalité pluriel de l’émeute, parfois masqué par les images répétitives des fumées et des affrontements, les attaques visant des équipements publics tiennent une place spécifique et paradoxale.

    Cependant, le #paradoxe n’est sans doute pas seulement celui qui se formule d’ores et déjà à large échelle, dans des micro-trottoirs se demandant pourquoi certains jeunes attaquent des institutions censées les et leur servir, ou même dans la bouche de chercheurs, à l’instar de #Sebastian_Roché jugeant, toujours sur France Info, qu’on assiste en ce moment à un « #désespoir que les populations retournent contre elles-mêmes ».

    Il réside aussi dans ce que souligne Denis Merklen, à savoir que, pour les personnes vivant dans les quartiers populaires, « les #services_publics sont leur seul recours pour leurs besoins les plus élémentaires, liés à l’éducation, à la santé, au transport, au logement, à l’énergie et à la culture. Quasiment tous les aspects de leur vie quotidienne sont entre les mains d’institutions publiques. C’est une situation paradoxale, car cela tient aussi à la solidité et à la pénétration de notre État social qui assure tant bien que mal des filets solides de protection ».

    Ces filets de protection sont certes moins nombreux et solides aujourd’hui qu’il y a dix ans, en raison du délitement des services publics, mais il n’en reste pas moins qu’une spécificité des soulèvements urbains en France, par rapport à d’autres pays, est de viser les institutions publiques, en partie parce qu’il existe – ou existait – encore un #espoir en leur effectivité et efficacité.

    C’est en tout cas ce qui ressortait de l’ouvrage codirigé par les sociologues #Hugues_Lagrange et #Marco_Oberti l’année suivant les émeutes de 2005, intitulé Émeutes urbaines et protestations et publié aux Presses de Sciences Po. Le livre collectif proposait notamment une comparaison entre les situations italienne et britannique en rappelant que la société française se « caractérise par un État centralisé, de puissants services publics, une référence forte à la laïcité, une immigration ancienne liée à une histoire coloniale et à une décolonisation douloureuses ».

    Pour les directeurs de cet ouvrage, la comparaison internationale des protestations urbaines conduisait à un « étrange paradoxe. La plus grande efficacité de la société française à lutter contre les inégalités sociales et à assurer une meilleure protection sociale produit simultanément un fort sentiment d’#exclusion, surtout dans les quartiers populaires et immigrés les plus ségrégués ».

    D’autant qu’à lire Hugues Lagrange et Marco Oberti, les Français, contrairement aux Britanniques, étaient « équipés de lunettes construites pour ne pas voir cette #ségrégation_ethnique ». Une situation largement liée à une pensée de la République et une #organisation_territoriale de ses services publics qui, à force de vouloir être « #colour_blind », s’avèrent aveugles aux #discriminations_ethnoraciales que leurs propres institutions publiques peuvent pourtant reproduire.

    C’est évidemment le cas avec cette institution particulière qu’est la #police, comme l’avait déjà montré le sociologue #Didier_Fassin dans son ouvrage La Force de l’ordre, qui explorait le #racisme présent à l’intérieur de certaines unités de la #BAC en particulier et l’éloignement croissant entre les #forces_de_l’ordre et les habitant·es des quartiers populaires de façon plus générale.


    Mais c’est aussi vrai d’institutions qui ont, au contraire, tenté de réduire la distance entre les institutions et les populations auxquelles elles s’adressent. Concernant le cas particulier des #bibliothèques, Denis Merklen notait ainsi qu’elles « ont fait un immense travail de réflexion autocritique. Elles ont renouvelé leurs approches ; elles se sont ouvertes ».

    Mais, poursuivait-il, elles ne peuvent, pas plus qu’aucun service public pris isolément, « résoudre les problèmes économiques et sociaux qui se posent dans ces quartiers », en raison « de la situation catastrophique du marché du travail » qui fait que « beaucoup d’habitants ne peuvent plus compter sur leur salaire » et n’ont plus que les services publics – et non plus les employeurs - comme interlocuteurs de leur situation sociale. Ce qui peut amener à détruire une salle des fêtes plutôt que séquestrer un patron…

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/290623/pourquoi-les-services-publics-sont-pris-pour-cible
    #quartiers_populaires #France #émeutes #sciences_sociales #SHS #ressources_pédagogiques #banlieues #violence
    ping @cede

    • « Pourquoi ont-ils brûlé les écoles ? »

      Pourquoi s’attaquer à l’école, laquelle est le plus grand symbole de l’égalité, un sanctuaire du savoir
      Et, c’est gratuit ! Ils se pénalisent eux-mêmes !
      Comme ils sont bêtes et barbares dans les quartiers !

      Si c’était plus compliqué  ?

      L’école est sans doute la première institution marquant les jeunesses populaires (des banlieues) en appliquant une domination, une ségrégation, une violence.
      Sûrement même avant celle de la police.
      Derrière un idéal et des valeurs théoriques, on ne peut nier l’effet de l’école.

      Quand l’école transforme l’inégalité sociale en inégalités scolaires, quand l’école humilie les familles et les élèves.
      Quand on forme des ghettos scolaires et que l’école n’offre pas de bonnes perspectives.

      La gauche quinoa ne comprend pas
      « il faut s’attaquer aux méchantes banques qui ont refusé mon deuxième crédit ! »
      Mais, l’école est aussi un lieu d’exclusion et de répression pour une partie de la population.

      Dans
      « Quand les banlieues brûlent Retour sur les émeutes de novembre 2005. »

      Laurent Ott écrit un texte assez intéressant.
      J’ai le pdf si besoin.

      Une école qui brûle ce n’est pas bien. Je le précise quand même.
      Mais, ce n’est sans doute pas un acte qui sort de nulle part et qui peut s’expliquer calmement.
      Sans l’encourager, je précise encore.

      https://www.cairn.info/quand-les-banlieues-brulent--9782707152176-page-126.htm

      https://twitter.com/Banlieuedeprof/status/1674813901874114560

    • Pourquoi les émeutiers s’en prennent-ils aux services publics ?

      À chaque émeute urbaine que la France connaît depuis maintenant près de quatre décennies, les symboles de l’État et les équipements collectifs semblent concentrer la colère d’une partie de la jeunesse des quartiers concernés. Cette situation suscite d’autant plus d’interrogations que des moyens significatifs ont été consacrés à la rénovation des banlieues françaises dans le cadre de la politique de la ville, en particulier depuis le début des années 2000. Cet article apporte des éléments de réponses à ce paradoxe apparent, en montrant que le besoin de participation et de reconnaissance des habitants reste peu pris en compte par les pouvoirs publics et explique largement le ressentiment d’une frange de la population.

      https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2017-3-page-631.html

    • Emeutes urbaines : « Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la politique de la ville que celui de toutes les politiques publiques »

      Les crédits de la #politique_de_la_ville ont toujours été limités et ne compensent pas l’inégale allocation des budgets affectés au logement, à l’emploi, à la santé ou à la sécurité, qui s’opère au détriment des quartiers défavorisés, rappelle le sociologue #Renaud_Epstein, dans une tribune au « Monde ».

      Depuis le début des années 1980, les vagues émeutières embrasant les quartiers populaires s’accompagnent de controverses interprétatives enflammées dans les médias. Les explications proposées ont varié au fil du temps, mais un argument traverse les décennies qui semble faire consensus chez tous les commentateurs : l’émeute marquerait l’échec de la politique de la ville. La politique ainsi mise en cause a pourtant connu d’importantes évolutions au cours des quarante dernières années, le plus souvent à la suite d’épisodes émeutiers. Si échec de la politique de la ville il y a, ce n’est pas la même politique qui a échoué au début des années 1990, en 2005 ou aujourd’hui.

      Le jugement d’échec semble d’autant plus incontestable en 2023 que l’Etat aurait mobilisé, depuis une quinzaine d’années, des budgets considérables pour les quartiers populaires. Les annonces récurrentes d’un nouveau « plan banlieue » ont pu donner crédit à cette idée d’une politique de la ville richement dotée. Bien que ces annonces soient le plus souvent restées des annonces, elles ont ouvert la voie à la dénonciation des « milliards pour les banlieues », au profit de populations qui ne le mériteraient pas.

      Portée par des entrepreneurs de fracture sociale, cette critique a été d’autant plus ravageuse qu’elle s’est prolongée par une mise en concurrence des souffrances territoriales, opposant les quartiers défavorisés des métropoles et une « France périphérique » aux contours flous mais dont la couleur est claire. Les premiers bénéficieraient d’une discrimination positive, au détriment des villes moyennes, des espaces périurbains et des territoires ruraux, dont les populations sont pourtant durement affectées par les recompositions industrielles et la précarisation de l’emploi, les politiques d’austérité et les fermetures de services publics, ainsi que par l’augmentation du coût de la vie.

      La critique de l’inefficacité se mue alors en une mise en cause de la légitimité même de la politique de la ville, illustrée par cette formule qui fait florès à l’extrême droite : on déshabille la « France périphérique » pour habiller celle qui vit de l’autre côté du périph.

      (#paywall)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politi

      déjà signalé sur seenthis :
      https://seenthis.net/messages/1008999

  • La pénurie de médicaments viole les droits de l’enfant, dénoncent des pédiatres ats/vic

    Les médicaments pour les enfants et les adolescents manquent un peu partout en Europe. En Suisse, en Allemagne, en Autriche, en France et en Italie, des associations de pédiatres demandent aux ministres de la Santé d’y remédier de manière rapide, durable et fiable.

    Les spécialistes de la santé enfantine ont formulé cette exigence dans une lettre ouverte, a indiqué lundi l’association professionnelle des pédiatres suisses. Il y a quelques années encore, il était inimaginable que des pénuries aiguës mettent en péril l’approvisionnement en antibiotiques, analgésiques, médicaments contre la fièvre, contre l’asthme ou même vaccins.


    Les enfants et les adolescents ont pourtant besoin de peu de médicaments, des médicaments relativement bon marché. Comme ceux-ci ne sont pas forcément interchangeables avec des médicaments pour adultes, les pénuries conduisent à ce que les traitements ne puissent plus être effectués selon les directives thérapeutiques adaptées aux enfants, mettent en garde les médecins.

    « De la responsabilité des décideurs politiques »
    « Nous considérons qu’il est de la responsabilité des décideurs politiques de garantir une production et un approvisionnement suffisants pour constituer des stocks de médicaments importants pour les soins pédiatriques de base en Europe », écrivent-ils encore.

    La Société suisse de pédiatrie (SSP) renvoie en outre à la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant : celui de bénéficier du meilleur état de santé possible y est inscrit. A leurs yeux, la production et le stockage insuffisants des médicaments de base pour les enfants violent donc ce droit.

    Des hausses de prix pour inverser la tendance ?
    En France, au cours des derniers mois, des tensions ont pesé sur les stocks de plusieurs médicaments. Cet hiver, plusieurs antibiotiques, dont l’amoxicilline, largement prescrite aux enfants, étaient ainsi en rupture.

    Début février, le ministre de la Santé avait annoncé un plan visant à prévenir toute future crise. Le gouvernement a notamment annoncé qu’il allait autoriser des hausses de prix pour certains génériques essentiels afin d’inciter les fabricants à poursuivre leur production.

    Source : https://www.rts.ch/info/monde/13986252-la-penurie-de-medicaments-viole-les-droits-de-lenfant-denoncent-des-ped
    #santé #enfants #médicaments #big_pharma #médecine #pharma #sante #médicament #santé_publique #brevets #pédiatres #industrie_pharmaceutique #marges #bénéfices

  • Inflation, comparatif prix au détails et prix de la matière première en France, sur un an Le web grande conso - Olivier Dauvers

    Mars 2022 à Mars 2023 Prix au détails :
    Sirops + 17 %
    Huiles + 22 %
    Biscuits + 15 %
    Arabicas + 14 %

    Avril 2022 à Avril 2023 Prix de la matière première :
    Sucre + 28 %
    Huile(Tournesol) - 55 %
    Blé -40%
    Café Arabica -16 %

    La petite musique de la renégociation se fait de plus en plus entendre. Bruno Le Maire et Olivia Grégoire ont ainsi écrit aux industriels il y a quelques jours pour les y préparer. Les distributeurs, eux, attendent juin de pied ferme puisqu’avec l’assentiment du gouvernement ils vont pouvoir repartir à la bataille.
    Problème : les premiers concernés (les industriels) ont eux-aussi le sentiment d’être soutenus par le politique, en l’occurrence les députés qui ont voté comme un seul homme la loi de leur collègue Descrozaille. Soutenus dans leur volonté de reconstituer leurs marges.

    Factuellement, il y a pourtant du grain à moudre. Quiconque suit les prix en rayons en a l’intuition : les prix des stars de la grande conso ont “inflaté” davantage que leur marché. Prenez ces 4 catégories : sirops, huiles, biscuits et café arabicas. A chaque fois, l’écart d’inflation entre les “grandes” marques et la moyenne (toutes marques) est élevée. Difficile de l’expliquer autrement que par la tentation (naturelle et légitime, il faut l’admettre) de reconstituer ses marges à l’occasion des nouveaux tarifs.

    Seconde raison qui milite pour une renégociation à la baisse : l’évolution des matières premières. Certes, le lien n’est pas toujours direct ou proportionnel entre matières premières et PVC en rayon. Il est même parfois partiel (le sucre pour des sirops qui intègrent aussi des fruits ou l’huile de tournesol pour une huile multi-variétés, etc.). Il n’empêche : les matières premières donnent une tendance de la direction du vent : inflation ou déflation 😉 Le blé, par exemple. Bien plus bas aujourd’hui qu’il y a un an, au plus fort de la spéculation, suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. Logiquement, le prix des biscuits (utilisation de céréales directes) ou du couple volaille/porc (céréales indirectes) devrait l’intégrer. C’est précisément le rôle des “renégos” à venir. Et tant pis si… ça pique !

    Source : https://www.olivierdauvers.fr/2023/04/17/renegociations-oui-il-y-a-du-grain-a-moudre

    #inflation #prix #tarif #super_marché #magasins #courses #bénéfices #commerce #actionnaires #dividendes #marges

  • #prix #inflation Casino baisse ses prix, cela donne une idée certaine des #Marges des super, hyper marchés. Le web grande conso

    Avec les nouveaux prix, ils font encore des bénéfices fabuleux

    Papeterie : - 8%
    Ampoules : - 15%
    Piles : -19%
    Orangina : – 21 % sur à 2 euros 35, Orangina 2L Super U Drive : 2,20€
    Nutella : - 21,8 %. Il était à 2 euros 75ct.
    Mousseline à l’ancienne - 30%, elle était à 4 euros 79 ct.

    Déodorant homme, Mennen, à – 33,9 %. Il était à 8 euros 69 ct.
    Déodorant homme Nivéa, à – 33,9 %. Il était à 7 euros 45 ct. cette semaine chez Intermarché 4.19€ les 2 sticks au lieu de 6.99€ soit 2.10€ le stick
    Narta, à – 33,9 %.


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La suite : https://www.olivierdauvers.fr/2023/04/14/casino-sacre-coup-de-frais-sur-les-prix

    • La Bourse de Paris au-dessus des 7500 points pour la première fois Le figaro

      La Bourse de Paris continue d’établir des records vendredi, dépassant les 7.500 points, profitant de la santé des entreprises du luxe et de l’espoir d’une politique plus souple de la part des banques centrales dans les prochains mois. L’indice vedette CAC 40 progressait de 21,85 points à 7.502,68 points vers 09H25, en chemin vers une cinquième séance de hausse consécutive et après un pic à 7.507,79 points peu après l’ouverture. Jeudi, il avait gagné 1,13%, porté par la progression des ventes de LVMH au premier trimestre 2023.
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      Sur la semaine, il avance de 2,45%, un quatrième gain hebdomadaire d’affilée. La Bourse de Paris fait mieux que ses homologues européennes
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      Source : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-bourse-de-paris-au-dessus-des-7500-points-pour-la-premiere-fois-20230414

    • Consommation : le grand retour de la vie à crédit Le figaro
      La production des crédits renouvelables a progressé de 14,7 % en janvier sur un an.

      Continuer à acheter, quitte à s’endetter… Confrontés à la baisse de leur pouvoir d’achat (la hausse des prix a atteint 5,6 % en mars sur un an en France), les ménages les plus fragiles recourent davantage à des crédits. Les prêts renouvelables - ces réserves d’argent aux taux élevés, voire faramineux (de 7 % à 20 %) - font leur grand retour. La production de ces crédits a progressé de 14,7 % en janvier sur un an, selon les derniers chiffres disponibles de l’Association des sociétés financières (ASF), qui regroupe les établissements spécialisés dans le crédit.

      Les crédits renouvelables ne sont plus souscrits pour acheter un ordinateur ou un canapé. Ils le sont pour boucler les fins de mois. « Les ménages, nous le disent, reconnaît Julien Cailleau, directeur général adjoint de Oney (filiale commune de BPCE et Auchan). Beaucoup de ces prêts sont souscrits durant la deuxième quinzaine du mois, et souvent pour de petits montants. »
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      #France montée de la #pauvreté

      Source : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/consommation-le-grand-retour-de-la-vie-a-credit-20230413

  • 1,1 % d’augmentation des prix, pour la semaine du 6 au 13 Mars ! Le xeb grande conso - Olivier Dauvers
    – 3,3 % sur 4 semaines

    Comme toujours, les faits sont têtus.
    Voilà donc les Français face au mur de l’inflation (ou “Mars rouge”, rayez la mention qui vous chagrine le plus mais, en réalité, c’est pareil !).
    Selon le baromètre hebdo A3 Distrib / Éditions Dauvers, la semaine dernière s’est en effet soldée par une nouvelle accélération du rythme d’inflation : + 1,1 %.

    J’voudrais pas dramatiser mais ça fait quand même un rythme annuel de plus de 50 %. _


    Si c’est pas un “mur”, j’n’y connais rien en maçonnerie !
    Et si on élargit la focale, * sur les 5 dernières semaines, l’inflation atteint 4 %.
    Jamais la conso n’avait été confrontée à un tel soubresaut.
    Que ceux qui voient l’inflation depuis leur fiche de paie (plus confortable que la moyenne) ne l’oublient pas…
    Quand la boite de raviolis Panzani ou le sirop de grenadine Teisseire sont 10 % plus chers aujourd’hui qu’au 1er janvier, le pain de mie Harrys ou le Leerdammer 9 % (et tellement d’autres d’exemples), la “France des centimes” (telle que la présente le sociologue Jean Viard) est, elle, dans le… rouge.

    Source : https://www.olivierdauvers.fr/2023/03/13/mur-dinflation-ou-mars-rouge-on-y-est

    #inflation #prix #tarif #super_marché #magasins #courses #bénéfices #commerce #actionnaires #dividendes #marges

  • Mars rouge (ou printemps noir) : on y est ! Le web grande conso

    Peu importe la sémantique… Que vous préfériez mars rouge ou printemps noir n’y changera rien. Les faits sont là et, comme toujours, têtus. Voilà les Français face au mur d’inflation annoncé depuis des mois. Voilà 4 semaines que notre panier de 150 majeurs (les produits que les Français voient le plus) s’envole littéralement. 0,7 % d’inflation hebdo ou plus encore sur la dernière semaine (+ 0,8 %). Un rythme jamais connu avant (n’en déplaise à ceux qui expliquent “lissage des hausses”, “moyennisation”, etc.). Et quand bien même (et par magie) l’inflation s’arrêterait là, voilà déjà plus de 4 % dans la besace en 2 mois. Qui s’ajoute donc à l’inflation 2022 pour atteindre le niveau incroyable de 19,8 %. Autant le dire : si les 20 % n’étaient pas dépassés d’ici à la semaine prochaine, ça serait une (très) heureuse surprise. Mais pour avoir feuilleté quelques cadenciers pendant le week-end (chacun se détend comme il peut), j’ai peur d’être déçu.

    #inflation #prix #tarif #super_marché #magasins #courses #bénéfices #commerce #actionnaires #dividendes #marges

  • EP25 : Quelle voiture choisir pour rouler le plus écolo possible. Hybride rechargeable, électrique... - YouTube

    https://www.youtube.com/watch?v=7i1Bq6pr120

    Pour aller au delà du discours que la voiture électrique n’est pas écolo, je vous propose d’aller plus dans le concret sur les voitures hybrides rechargeables, les voitures électriques pour voir laquelle est la mieux. Mais on ira aussi plus loin en parlant de la taille de batterie, du poids...

    #voiture #recharge #chargeurs #poids #hybride #suv #marges

    • C’est le youtubeur pro-nucléaire, je connais.
      Je vais aller voir ce qu’il dit. Bien que je pense déjà que les voitures les plus écolo soient des très petites citadines essence. Ou des voitures sans permis, électriques ou essence.
      Et au delà, que sur la même réponse au besoin, il y a les vélos triporteur, bakfiets ou juste de grosses sacoches (moi, c’est ce que j’ai - courses dans un rayon de 3 km - 25 kg max.).

      Une chose est sure, plus on choisira des solutions individuelles, moins il y aura de solutions collectives.

  • Les producteurs allemands mettent en garde contre les pénuries alimentaires - Welt (RT.com)
    https://www.crashdebug.fr/les-producteurs-allemands-mettent-en-garde-contre-les-penuries-alimentair

    Les fabricants de produits frais et surgelés affirment ne pas pouvoir faire face à la flambée des coûts énergétiques.

    (c) Getty Images / picture alliance

    Les producteurs allemands de produits surgelés et frais ont prévenu que la hausse des prix de l’énergie pourrait bientôt les obliger à cesser leurs activités, selon Die Welt.

    "Il y a d’importantes lacunes dans l’approvisionnement en nourriture quotidienne pour les gens en Allemagne. La situation est plus que grave", indique une lettre ouverte de l’industrie.

    "Les entreprises craignent désormais que les lignes de production soient bientôt à l’arrêt et que les centres logistiques réfrigérés pour la distribution des aliments soient fermés. Certaines se préparent même à une éventuelle insolvabilité."

    La lettre a été (...)

    #En_vedette #Actualités_internationales #Actualités_Internationales

  • Comment des fournisseurs d’électricité alternatifs s’en mettent plein les poches, et pourquoi la presse à leurs ordres ne communique que sur l’Apocalypse des coupures électriques ?

    Grâce à L’ARENH, Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, EDF doit vendre à ses concurrents (en fonction de leurs nombres de clients de l’électricité à prix coûtant en fonction de la consommation de ses clients au prix de 46 euros seulement le MWh.
    La quantité affectée à chaque fournisseurs d’électricité alternatifs est calculée en été.

    Pour l’été, ces fournisseurs d’électricité alternatifs proposent des tarifs cassés attractifs en apparence.

    Quand la fin de l’été arrive, les fournisseurs d’électricité alternatifs augmentent leurs tarifs, soit disant à cause de la hausse des cours, et conseillent à leurs clients de rejoindre un autre fournisseur. Exemple, cité Ohm Energie.

    Les clients partent, les fournisseurs d’électricité alternatifs peuvent donc vendre leurs droits à l’électricité d’EDF à prix coutant (46 euros seulement le MWh) sur le marché.
    Pas mal la culbute.
    Les oligarques français s’enrichissent fabuleusement gràce à cette entourloupe, #EnMarche.

    En ce moment, le prix de gros de l’électricité en France dépasse 1 000 euros le mégawattheure, contre 85 euros il y a un an. Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/08/26/le-prix-de-gros-de-l-electricite-en-france-depasse-1-000-euros-le-megawatthe

    Source de l’information La Tribune : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/la-debacle-des-fournisseurs-d-energie-met-en-lumiere-la-defaillance-de-l-o

    Il va sans dire que les médias aux ordres des bénéficiaires ne titrent que sur les pénuries possibles, afin de ne pas aborder le fond du sujet.

    #spéculation #bénéfices #marges #oligarques #électricité #énergie #nucléaire #france #edf #économie #privatisation #electricité #linky

    • Il va sans dire que la plupart des clients des fournisseurs d’électricité alternatifs qui augmentent leurs prix pour l’hiver, reviennent probablement chez EDF et au TRV, tarif réglementé de vente, ce qui force EDF à acheter de quoi fournir ceux ci sur le marché au prix fort, à la bourse à des prix pharamineux.

      A souligner : Avec ses quelque 40.000 abonnés particuliers, Plüm Energie maintient de son côté ouverte la souscription à son offre indexée au TRV, contre vents et marées, ce qui prouve que les augmentations de tarif des autres fournisseurs d’électricité alternatifs sont une arnaque.

  • Book Review Roundtable: Fragments of the City: Making and Remaking Urban Worlds
    https://urbanpolitical.podigee.io/52-fragments_city_review

    In this episode moderated by Nitin Bathla, the author Colin McFarlane discusses his recent book Fragments of the City with the critics Theresa Enright, Tatiana Thieme, and Kevin Ward. In analyzing the main arguments of the book, Theresa discusses the role of aesthetics in imagining, sensing, and learning the urban fragments, and the ambivalence of density in how it enables and disables certain kinds of politics. She questions Colin about the distinctiveness of art as a means to engage and politicize fragments, and how can we think about the relationships between fragment urbanism, density and the urban political across varied contexts. Tatiana analyses how the book journeys across a range of temporal scales of knowing fragments from its etymology to autobiographical experiences of (...)

    #urban,political,book_review,mcfarlane,fragments,city
    https://main.podigee-cdn.net/media/podcast_13964_urban_political_pdcst_episode_769948_book_review_rou

    • Fragments of the City. Making and Remaking Urban Worlds

      Cities are becoming increasingly fragmented materially, socially, and spatially. From broken toilets and everyday things, to art and forms of writing, fragments are signatures of urban worlds and provocations for change. In Fragments of the City, Colin McFarlane examines such fragments, what they are and how they come to matter in the experience, politics, and expression of cities. How does the city appear when we look at it through its fragments? For those living on the economic margins, the city is often experienced as a set of fragments. Much of what low-income residents deal with on a daily basis is fragments of stuff, made and remade with and through urban density, social infrastructure, and political practice. In this book, McFarlane explores infrastructure in Mumbai, Kampala, and Cape Town; artistic montages in Los Angeles and Dakar; refugee struggles in Berlin; and the repurposing of fragments in Hong Kong and New York. Fragments surface as material things, as forms of knowledge, as writing strategies. They are used in efforts to politicize the city and in urban writing to capture life and change in the world’s major cities. Fragments of the City surveys the role of fragments in how urban worlds are understood, revealed, written, and changed.

      https://www.ucpress.edu/book/9780520382244/fragments-of-the-city

      #villes #urban_matter #fragmentation #fragments #livre #marges #marginalité #Mumbai #Kampala #Cape_Town #Los_Angeles #Berlin #Dakar #Los_Angeles #Hong_Kong #New_york #matérialité
      #TRUST #master_TRUST

      ping @cede

  • #Marseille privatopia : les #enclaves_résidentielles à Marseille : logiques spatiales, formes et représentations

    Marseille : privatopia ?

    La forte multiplication des « #résidences_fermées_sécurisées » est une tendance observée dans les #villes européennes et françaises, après celles d’Amérique latine, des USA, d’Afrique du sud etc. En #France, elle a surtout été repérée et analysée en contextes péri-urbains (Ile de France, Côte d’Azur, banlieues de Toulouse et Montpellier). Partout où elle se développe, cette tendance est souvent attribuée aux inquiétudes des habitants pour la #sûreté, ou leur #qualité_de_vie, ainsi qu’à des #replis_sociaux, thèmes récurrents dans les médias et discours politiques. Elle est aussi liée au rôle d’une « offre » portée par les majors de l’immobilier. Mais elle est aussi soutenue indirectement, dans le contexte néolibéral, par des pouvoirs publics qui se déchargent ainsi de l’aménagement et de la gestion d’#espaces_de_proximité.

    Nous observons et analysons depuis 2007 cette prolifération des #fermetures à Marseille. Après un premier état des lieux (Dorier et al, 2010), nous avons mené une second #inventaire exhaustif en 2013-2014. Et depuis lors, nous menons une veille ciblée sur certains secteurs. Démarrée au début des années 90, la diffusion des #enclosures atteint des sommets à Marseille où elle n’a quasiment pas été régulée : des #marges et des #enclaves se construisent ainsi dès qu’on s’éloigne du centre historique (Dorier, Dario, 2016). Au point que la #fermeture des #espaces_résidentiels, de leurs #rues et espaces de plein air semble en train de devenir la norme (Dorier, Dario, 2018)

    Depuis 25 ans, Marseille n’a cessé de se cloisonner de plus en plus et ce processus est venu aggraver les #inégalités d’#accès_aux_équipements et aux « #aménités » urbaines. Le #parc bâti du centre ville paupérisé s’est dégradé jusqu’à l’effondrement et au risque de péril imminent de centaines d’immeubles, qui ont du être évacués en urgence depuis novembre 2018, comme on le voit sur la carte de droite (voir aussi page dédiée). Pendant ce temps, les quartiers du sud et de l’est, ainsi que les zones en rénovation, se sont transformées en mosaïques résidentielles clôturées, sous le double effet de la #promotion_immobilière et de ré-aménagements voulus par les associations de #copropriétaires. Ils dessinent des espaces pour classes moyennes à aisées, sous forme de #lotissements et d’#ensembles_immobiliers majoritairement fermés et sécurisés, chacun doté de ses propres espaces « communs » privés : parkings, voirie privée, jardins.

    Cette « #Privatopia » tourne d’abord le dos au centre historique, à ses ilots anciens décrépis où l’action publique s’est illustrée par son inefficience pendant des décennies. La fermeture se diffuse d’abord dans les zones favorisées, puis dans les périphéries ouvertes à l’urbanisation, enfin dans les zones de rénovation urbaine : la création de nouvelles résidences fermées est devenue un moyen pour valoriser des opérations immobilières et y attirer des classes moyennes, face aux copropriétés dégradées et aux ensembles HLM appauvris. Lorqu’un bailleur rénove un ensemble de logements sociaux, celui-ci est également « résidentialisé », même si, avec des années de recul sur cette pratique, on sait désormais que clôturer ne résoud pas les problèmes socio-économiques des quartiers, ni même les problèmes de sécurité. Au contraire, la fragmentation physique pourrait bien alimenter les tendances aux séparatismes sociaux en tous genres.

    D’après nos enquêtes, en dehors des formes d’entresoi spécifique de quartiers particulièrement aisés, comme la colline Périer, et ses « gated communities » surplombant la mer, la fermeture est d’abord fortement associée au « tout voiture » qui caractérise encore Marseille et à la concurrence pour le stationnement résidentiel : les premiers espaces à être clôturés sont les parkings. Elle est également liée à 25 années de désengagement croissant de la municipalité dans la gestion de proximité (propreté, entretien des espaces verts, sécurisation publique des rues) ainsi qu’un encouragement de l’urbanisation privée par des ventes de parcelles publiques ou des zones d’aménagement favorisant la promotion immobilière. La fermeture résidentielle traduit l’affirmation d’une économie résidentielle, le rôle des promoteurs, syndics, copropriétés étant crucial : la « sécurisation » (privée) est supposée faire augmenter la valeur marchande des biens immobiliers… Enfin, la fermeture traduit une accentuation des replis sociaux : à Marseille la clôture « a posteriori » de rues qui étaient auparavant ouvertes au passage représente 55% des cas observés.

    Certains espaces du 8ème, 9ème, 12ème , nord du 13ème arrondissements (Les Olives), caractéristiques de cette urbanisation privée, deviennent un assemblage désordonné de copropriétés et d’enclaves de moins en moins accessibles et traversantes. La fermeture se diffuse par mimétisme, les ensembles résidentiels forment des « agrégats », qui bloquent les circulations : une véritable situation de thrombose dans certains quartiers, anciens comme récents (les Olives, Ste Marthe). Le comble, c’est que dans ces quartiers, les plus favorisés, au cadre de vie « a priori » le plus agréable, les déplacements à pied ou en vélo tiennent désormais de l’exploit. Les détours imposés par les barrières qui enserrent chaque rue ou jardin privé de résidence obligent à prendre la voiture pour accompagner un enfant à l’école du coin, acheter le pain… La ville perd de plus en plus en cohérence, et, avec cette juxtaposition de résidences sécurisées certains quartier ressemblent plus à une mosaïque de co-propriétés qu’à… une ville. Cela a été mis en évidence et modélisé par la toute récente thèse de Julien Dario (2019), réalisée dans le cadre de ce projet.

    A Marseille, depuis 2007, nous avons opté pour une étude empirique, directe, sur le terrain. Nous pu ainsi vérifier l’hypothèse qu’aux initiatives spontanées de fermeture de rues et de lotissements a posteriori, longtemps après leur construction, s’ajoutent des stratégies nouvelles. Elles associent promotion privée et action publique, et sont destinées à faire évoluer le peuplement de quartiers de la ville, à travers la production de logement « de qualité » attirant des classes moyennes et supérieures. Promoteurs et décideurs semblent juger utile de les rassurer à travers la livraison d’ensembles qui sont quasiment tous fermés dès la construction … En 12 ans, de 2008 à 2020 une série d’études, de masters et thèses ont permis de décrire et quantifier ce processus, d’observer la progression d’une fragmentation urbaine qui s’accroît aux échelles fines et d’évaluer ses impacts.

    Nos études se sont focalisées sur les fermetures massives des aires privilégiées (Colline Périer, Littoral Sud, Nord-Est avec la technopole de Chateau Gombert), et la transformation résidentielle de certains territoires périphériques en zones d’investissements immobiliers rentables, attirant des classes moyennes et supérieures (Littoral Nord, Sainte Marthe, grand centre ville/Euromed, franges du parc National des Calanques comme la ZAC de la Jarre). les résidences fermées deviennent ainsi un outil de plus value foncière… et de recompositions urbaines, valorisant toutes les zones ayant un attrait environnemental, tout en en restreignant l’accès.

    La diffusion d’un modèle

    Notre méthodologie a permis de prendre la mesure du phénomène à l’échelle d’une ville entière, et sur la durée, ce qui n’a pas été réalisé ailleurs en France. A deux reprises (2008-2009 et 2013-2014), la commune entière a été arpentée, chaque ensemble résidentiel fermé a été géolocalisé dans un SIG, inventorié, décrit, photographié, afin d’établir un corpus exhaustif : 1001 résidences ou lotissements étaient enclos en 2009, plus de 1550 en 2014. L’ensemble des clôtures ont été datées à partir d’enquête directe ou par photo-interprétation. Cette démarche est relatée dans deux rapports de recherche (Dorier et al., 2010 et 2014), 13 masters et une thèse (Dario, 2019).

    Le recours au SIG (Système d’information géographique) a permis de tracer leur histoire, en croisant les localisations avec des images aériennes anciennes, le cadastre, la chronologie des programmes immobiliers. En 2011 et 2012, la première étude du LPED est actualisée à travers plusieurs mémoires d’étudiants sous la direction d’E.Dorier et S.Bridier. Ceux-ci observent une accélération des dynamiques d’enclosures dans les quartiers sud (Dario J. 2010, Toth P.2012), leur multiplication et leur diffusion dans les quartiers nord (Balasc et Dolo 2011, Dolo 2012, Robillard 2012). La propagation se fait beaucoup par mimétisme : plus de la moitié des ensembles fermés sont collés les uns aux autres, par grappes, transformant la physionomie et les usages possibles de l’espace urbain et développant des « marges » urbaines cloisonnées. On peut le vérifier, à travers l’exemple d’une marge Nord-Est de Marseille, sur les franges ville-espaces péri-urbains Les Olives : une juxtaposition désordonnée de lotissements fermés.

    Nous avons aussi beaucoup observé, recueilli de nombreux témoignages auprès de résidents, de riverains, de syndics, d’agences, de techniciens de l’urbanisme… Nous avons séjourné dans plusieurs de ces résidences. Nous poursuivons la veille sur certains contextes sensibles à haut potentiel spéculatif immobilier, comme la frange du massif des calanques ou sainte Marthe, ou encore des espaces où les fermetures sont conflictuelles. Par des analyses d’archives, des enquêtes fines sur des contextes urbains, des entretiens avec acteurs et habitants, des analyses de périmètres de la politique de la ville, le suivi de conflits de voisinages nous avons ensuite analysé les facteurs historiques et les impacts associés à cette dynamique d’enclosures, les inégalités sociales, les impacts sur la circulation, les inégalités environnementale (D.Rouquier 2013, J.Dario, 2019 et la thèse en cours de P. Toth, consacrée aux 8ème et 9ème arrondissements).

    Au final, on met à jour une dynamique de transition libérale, individualiste et sécuritaire, associée au règne de la voiture dans la ville (beaucoup de clôtures ont au départ pour justification le seul parking), qui freine d’autres évolutions souhaitables (transition écologique, inclusion sociale). Si le phénomène se banalise, on constate aussi une complexité territoriale du processus et son épaisseur historique. Dans des contextes de fortes recompositions urbaines (spatiales, foncières, sociales, démographiques), et dans les périmètres de nouvellement urbain, la fermeture d’espaces résidentiels est utilisée comme outil de diversification de l’habitat et de mixité sociale. Le processus n’a pas partout les mêmes motifs ni les mêmes impacts socio-environnementaux. D’où l’intérêt d’approches qualitatives par observations sensibles, entretiens avec des acteurs et habitants, dépouillements d’archives historiques (histoires de rues).

    Les quartiers sud

    En observant le facteur de proximité dans la diffusion, ainsi que le potentiel de valorisation immobilière des terrains vacants ou susceptibles de l’être, plusieurs scénarios de prospective ont été mis au point par Julien Dario pour anticiper l’évolution des espaces susceptibles d’être fermés, transmis à la Ville dans le cadre d’un contrat, comme aide à la décision (Dario 2011, 2014 et 2019). Dans les quartiers sud, on est frappé par la perspective de 53% de taux d’évolution spontané probable de la fermeture dans les 8ème et 9ème arrondissements, si aucune intervention publique ne vient réguler la tendance. Les surfaces touchées par les enclosures (résidences et périmètres d’entreprises) déjà localement très importantes pourraient y atteindre le tiers de la surface totale urbanisée. Des études de cas à échelle fine ont permis d’anticiper plusieurs conflits liés à ces processus (progressifs ou brutaux) en lien avec des dynamiques sociale locales.

    Les cas des lotissements « Coin Joli » et « Barry » (analysés ici par J.Dario entre 2011 et 2019) montrent comment certains dispositifs informels préfigurant l’enclosure sont mis en place progressivement, informellement, parfois subrepticement : enrochements, systèmes physiques fixes contraignants (plots métalliques) permettant encore le passage prudent de deux roues et piétons ; panneaux de sens interdit « privés » et informels apposés à l’extrémité de certaines rues. On passe d’une délimitation par panneautage à une fermeture symbolique et partielle, avant d’évoluer vers l’enclosure, qui peut être conflictuelle en privant de passage les riverains, en réduisant les perméabilités urbaines.

    Les quartiers nord : diffusion des ensembles résidentiels fermés dans les contextes de rénovation urbaine

    Un fait remarquable est la diffusion des enclaves résidentielles fermées au cœur et en bordure des zones urbaines sensibles (ZUS) telles qu’elles ont été définies par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU). Bénéficiant de la TVA réduite, les promoteurs sont incités à y produire une nouvelle offre de logement privée, afin de permettre une diversification et l’installation de classes moyennes. Mais les enclosures, supposées rassurer les candidats à l’accession à la propriété, et maintenir un niveau de prix élevé ne favorisent pas les relations sociales … et nos études montrent qu’en fait de « mixité », apparaissent de nouvelles formes de fragmentations et même de tensions résidentielles (Dorier et al, 2010, 2012), qui s’accompagnent, par ailleurs de formes d’évitement fonctionnel (Audren, 2015, Audren Baby-Collin, Dorier 2016 , Audren, Dorier, Rouquier, 2019). Le secteur du Plan d’Aou dans le 15ème arrondissement de Marseille, où la restructuration résidentielle est achevée a été analysé à l’aide d’étudiants (Balasc et Dolo 2011). Dans ce secteur cohabitent des zones de logements HLM en fin de réhabilitation, des lotissements anciens qui se sont fermés ou sont en cours de fermeture, des projets immobiliers récents, conçus sécurisés. La juxtaposition de ces différents types d’habitats aux profils sociaux différenciés engendre plus une fragmentation qu’une mixité Fonctionnelle, malgré la proximité. Les interrelations sont faibles entre les ensembles et les espaces. (Dorier, Berry-Chikahoui et Bridier, 2012)

    une crise des urbanités

    Tandis que cette transformation des espaces de copropriétés et rues privées de Marseille se poursuit, des pans entiers de vieux quartiers populaires se délabrent. En 2019, notre cartographie de ces ensembles résidentiels privés fermés ainsi que des HLM « résidentialisés » et enclos (dans les projets de rénovation urbaine) tranche avec la géographie des constructions déclarées en péril et brutalement évacuées de leurs habitants, suite à l’effondrement de deux immeubles vétustes du quartier Noailles, près du Vieux port de Marseille. Notre carte révèle des politiques de l’habitat à plusieurs vitesses, où des décennies de laisser-faire public face à la ville privée s’expriment d’un côté par la dégradation du bâti, et de l’autre par la multiplication de formes de repli et d’entre soi urbain ayant des impacts sur les circulations et sur l’accès aux équipements. A ce stade, des rééquilibrages publics sont indispensables. Quelques initiatives publiques pour maintenir des traverses piétonnières ont été lancées dans certains quartiers très touchés, elles sont compliques par les évolutions législatives (qui facilitent la clôture des espaces privés) ainsi que par la dévolution de la compétence en matière de voirie à la Métropole. Rétablir des accès et servitudes de passage pour les piétons est compliqué dans les espaces privés : il faut passer par une DUP, puis par l’achat d’une bande de terrain par la collectivité pour tracer un cheminement piétonnier. Des interventions seraient possibles dans certains cas où les clôtures ont été posées sur des rues non privées, ou hors de la légalité. Mais la collectovité ne s’auto-saisit pas des cas d’infraction. Les actions au cas par cas risquent de ne pas suffire à endiguer cette véritable crise d’urbanité.

    (observations menées conjointement à nos études sur le mal logement et des évacuations à Marseille).

    le projet ci-dessous a fait l’objet d’une exposition art-science, présentée à l’Espace Pouillon, campus centre Saint Charles de l’Université Marseille Privatopia 8-24 octobre 2020.

    Depuis 2014, une collaboration avec l’artiste peintre Anke Doberauer (photos et tableaux) a été rendue possible grâce à une résidence commune à la Fondation Camargo (2014). La jeune cinéaste Marie Noëlle Battaglia a également réalisé en 2020 un documentaire « En remontant les murs » inspiré par nos recherches, et en lien avec l’équipe (avant première le 18 octobre 2020, dans le cadre du festival Image de ville). Ces collaborations ont déjà donné lieu à des présentations croisées, comme celle du 3 avril 2019 organisée par le Goethe Institut à la Friche de la belle de mai, et pourraient déboucher sur une exposition et un ouvrage commun.

    Rapports de recherche-action :

    Dorier E. Dario J. Rouquier D. Bridier S. , (2014), Bilan scientifique de l’étude « Marseille, ville passante », Contrat de collaboration de recherche : « Développement urbain durable à Marseille » n°12/00718, 13 cartes, 18 croquis, 24 tableaux. juin 2014, 90 p.

    Dorier E. (dir), BERRY-CHIKHAOUI I., BRIDIER S., BABY-COLLIN V., AUDREN G., GARNIAUX J. (2010), La diffusion des ensembles résidentiels fermés à Marseille. Les urbanités d’une ville fragmentée, rapport de recherche au PUCA, Contrat de recherche D 0721 ( E.J. 07 00 905), 202 p, 35 cartes et croquis, 30 graphiques, 68 illustrations photographiques.

    Ces rapports ont donné lieu à de nombreuses restitutions publiques auprès des services de l’Urbanisme de la Ville, la Communauté urbaine, l’Agence d’Urbanisme (Agam), le département.

    Articles scientifiques :

    Dorier E. Dario J., 2018, « Gated communities in Marseille, urban fragmentation becoming the norm ? », L’Espace géographique, 2018/4 (Volume 47), p. 323-345. URL : https://www.cairn.info/journal-espace-geographique-2018-4-page-323.htm (traduction texte intégral ) texte intégral (ENG.) DORIER DARIO Espace geo anglais EG_474_0323

    Dorier E. Dario J., 2018, « Les espaces résidentiels fermés à Marseille, la fragmentation urbaine devient-elle une norme ? » l’Espace géographique, 2018-4 pp. 323-345.

    Dorier E., Dario J., 2016, « Des marges choisies et construites : les résidences fermées », in Grésillon E., Alexandre B., Sajaloli B. (cord.), 2016. La France des marges, Armand Colin, Paris, p. 213-224.

    Audren, G., Baby-Collin V. et Dorier, É. (2016) « Quelles mixités dans une ville fragmentée ? Dynamiques locales de l’espace scolaire marseillais. » in Lien social et politiques, n°77, Transformation sociale des quartiers urbains : mixité et nouveaux voisinages, p. 38-61 http://www.erudit.org/revue/lsp/2016/v/n77/1037901ar.pdf

    Audren, G., Dorier, É. et Rouquier, D., 2015, « Géographie de la fragmentation urbaine et territoire scolaire : effets des contextes locaux sur les pratiques scolaires à Marseille », Actes de colloque. Rennes, ESO, CREAD, Université de Rennes 2. Actes en ligne.

    Dorier E, Berry-Chickhaoui I, Bridier S ., 2012, Fermeture résidentielle et politiques urbaines, le cas marseillais. In Articulo– – Journal of Urban Research, n°8 (juillet 2012).

    Thèses

    Audren Gwenaelle (2015), Géographie de la fragmentation urbaine et territoires scolaires à Marseille, Université d’Aix Marseille, LPED. Sous la dir. d’Elisabeth Dorier et de V.Baby-Collin

    Dario Julien (2019) Géographie d’une ville fragmentée : morphogenèse, gouvernance des voies et impacts de la fermeture résidentielle à Marseille, Sous la dir. d’Elisabeth Dorier et de Sébastien Bridier. Telecharger ici la version complète. Cette thèse est lauréate du Grand prix de thèse sur la Ville 2020 PUCA/ APERAU/ Institut CDC pour la Recherche, Caisse des Dépôts

    Toth Palma (soutenance prévue 2021), Fragmentations versus urbanité(s) : vivre dans l’archipel des quartiers sud de Marseille Université d’Aix Marseille, LPED , Sous la direction de Elisabeth Dorier

    Posters scientifiques :

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E., 2014, Les Ensembles résidentiels fermés à Marseille, in SIG 2014, Conférence francophone ESRI, 1-2 octobre 2014 – http://www.esrifrance.fr/iso_album/15_marseille.pdf

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E, 2014, Marseille, fragmentation spatiale, fermeture résidentielle, LPED – Aix-Marseille Université, poster scientifique, Festival international de géographie de Saint Dié, oct 2014. https://www.reseau-canope.fr/fig-st-die/fileadmin/contenus/2014/conference_Elisabeth_Dorier_poster_LPED_1_Marseille.pdf

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E., 2014, Marseille, Voies fermées, Ville passante, LPED – Aix-Marseille Université, poster. http://www.reseau-canope.fr/fig-st-die/fileadmin/contenus/2014/conference_Elisabeth_Dorier_poster_LPED_2_Marseille.pdf

    Contributions presse et médias

    Dorier E. Dario J. Audren G. aout 2017, collaboration avec le journal MARSACTU. 5 contributions à la série « Petites histoires de résidences fermées », collaboration journal MARSACTU / LPED, aout 2017. https://marsactu.fr/dossier/serie-petites-histoires-de-residences-fermees

    Dorier E. et Dario J. 23 aout 2017, interview par B.Gilles, [Petites histoires de résidences fermées] Les beaux quartiers fermés de la colline Périer, interview pr B.Gilles, MARSACTU, https://marsactu.fr/residences-fermees-dorier

    Dorier E. Dario J. 30 janv. 2017, interview par L.Castelly, MARSACTU : https://marsactu.fr/discussion-ouverte-residences-fermees

    Dorier E. , et Dario.J. 20 mars 2014, interview in MARSACTU , société : 29% de logements sont situes en residences fermees à Marseille

    Dorier E. Dario J., 4 oct 2013, « Hautes clôtures à Marseille », in Libération, le libé des géographes. (1 p, 1 carte) http://www.liberation.fr/societe/2013/10/03/hautes-clotures-a-marseille_936834
    Dorier E. , 7 avril 2013, « Le phénomène des résidences fermées est plus important à Marseille qu’ailleurs », Marsactu, talk quartiers, archi et urbanisme, http://www.marsactu.fr/archi-et-urbanisme/le-phenomene-des-residences-fermees-est-plus-important-a-marseille-quailleu

    Dorier E. Dario J., 10 fev 2013, « Fermetures éclair » in revue Esprit de Babel, Fermetures éclair

    télévision

    M6, Résidences fermées à Marseille – étude du LPED. Journal national, octobre 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=hDM

    FR3, 19/20, Résidences fermées à Marseille – étude du LPED, 24 mai 2013, https://www.youtube.com/watch?v=o-O

    FR 5 (minutes 38 à 50) : « En toute sécurité », documentaire de B.Evenou, http://www.france5.fr/emission/en-t

    podcast radio

    Collaboration entre chercheurs et cinéaste, janvier 2021 : https://ecoleanthropocene.universite-lyon.fr/documenter-la-geographie-sociale-grand-entretien-a

    Collaboration entre chercheurs et artiste peintre, octobre 2020 : Sonographies marseillaises – Radio Grenouille et Manifesta 13 « Ce monde qui nous inspire #4 Marseille ville privée ? »

    https://urbanicites.hypotheses.org/688

    #sécurisation #privatisation #espace_public #classes_sociales #urban_matter #géographie_urbaine #TRUST #master_TRUST #immobilier #foncier #rénovation_urbaine #urbanisme #fragmentation_physique #inégalités #tout_voiture #voiture #automobile #stationnement_résidentiel #parkings #proximité #promotion_immobilière #urbanisation_privée #détours #barrières #mosaïque #
    #cartographie #visualisation

  • Les « #instant_cities » – Villes réimaginées sans histoire, sans avenir

    Le thème des « instant cities », ces villes bâties du jour au lendemain, revient dans les débats des urbanistes et architectes, inspirés par l’expérience des campements et autres zones à défendre (ZAD). L’anthropologue #Michel_Agier nous entretient du sujet dans un texte publié sur le site AOC : https://aoc.media/opinion/2020/09/28/utopie-dystopie-non-fiction-faire-ville-faire-communaute-3-3

    #Utopie, #dystopie, #non-fiction#Faire_ville, faire communauté

    Le thème des « instant cities », ces villes bâties du jour au lendemain, revient dans les débats des urbanistes et architectes d’aujourd’hui, inspirés par l’expérience des #campements et autres #ZAD. La ville est ré-imaginée sans histoire et sans avenir, comme marquée d’abord par l’#immédiateté, l’#instantanéité et la #précarité. Des réflexions qui rejoignent celles de l’ethnologue qui se demande ce que « faire ville » veut dire, elles permettent de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les fictions post-catastrophe.

    Avec la montée des #incertitudes et des formes de vie précaires dans toutes les régions du monde et plus particulièrement dans les contextes migratoires, le thème des instant cities (villes « instantanées », bâties « du jour au lendemain ») revient dans les débats des urbanistes et architectes d’aujourd’hui, et peuvent aider à penser la ville de demain en général. Le thème est ancien, apparu dans les années 1960 et 1970, d’abord avec l’histoire des villes du #far_west américain, nées « en un jour » et très vite grandies et développées comme le racontent les récits de #San_Francisco ou #Denver dans lesquels des migrants arrivaient et traçaient leurs nouvelles vies conquises sur des espaces nus.

    À la même époque, des architectes anglais (Peter Cook et le groupe #Archigram) s’inspiraient des lieux de #rassemblements et de #festivals_précaires comme #Woodstock pour imaginer des villes elles-mêmes mobiles – une utopie de ville faite plutôt d’objets, d’images et de sons transposables que de formes matérielles fixes. Troisième forme desdites instant cities, bien différente en apparence, celle qui est allée des villes de l’instant aux « #villes_fantômes », à l’instar des utopies graphiques des #villes_hors-sol construites en Asie, dans le Golfe persique et au Moyen-Orient principalement, sur le modèle de #Dubaï.

    Nous sommes aujourd’hui dans une autre mise en œuvre de ce modèle. En 2015, la Cité de l’architecture et du patrimoine montrait l’exposition « Habiter le campement » qui réincarnait très concrètement le concept à travers les rassemblements festivaliers (la « ville » de trois jours du festival #Burning_Man aux États-Unis), mais aussi les campements de #yourtes pour les #travailleurs_migrants, les #campings et #mobile_homes pour touristes et travellers, ou les #camps-villes pour réfugiés. Allant plus loin dans la même démarche, le groupe #Actes_et_Cité publie en 2018 l’ouvrage La ville accueillante où, inspirées de l’expérience du « #camp_humanitaire » de la ville de #Grande-Synthe, différentes solutions d’espaces d’#accueil sont étudiées (quartiers d’accueil, squats, campements aménagés, réseau de maisons de migrants, etc.), leur rapidité de mise en œuvre (quelques semaines) et leur coût réduit étant des critères aussi importants que leur potentiel d’intégration et d’acceptation par la population établie.

    On pourrait encore ajouter, pour compléter ce bref tour d’horizon, le géant suédois du meuble #Ikea qui, après une tentative d’implantation dans le marché des abris pour camps de réfugiés en association avec le HCR dans les années 2010-2015, a lancé en 2019 « #Solarville », un projet de #Smartcity fondé sur l’architecture en bois et l’énergie solaire.

    L’idée de la #table_rase permet de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les fictions post-catastrophes.

    Le point commun de toutes ces expériences d’instant cities est leur ambition de réduire, voire de supprimer l’écart entre le #temps et l’#espace. Immédiateté, instantanéité et #précarité de la ville, celle-ci est ré-imaginée sans histoire et sans avenir. Sans empreinte indélébile, la ville se pose sur le sol et ne s’ancre pas, elle est associée à la précarité, voire elle-même déplaçable. Ce seraient des villes de l’instant, des #villes_présentistes en quelque sorte. Dans tous les cas, l’idée de la table rase, image du rêve extrême de l’architecte et de l’urbaniste, permet de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les #fictions_post-catastrophes. Dans leur excentricité même, ces images et fictions dessinent un horizon de villes possibles.

    C’est cette ville à venir que j’aimerais contribuer à dessiner, non pas pourtant à partir de la table rase de l’architecte, mais à partir de l’ethnographie d’une part au moins du présent. Un présent peut-être encore marginal et minoritaire, et donc hors des sentiers battus, quelque chose d’expérimental pour reprendre le mot très pragmatique de Richard Sennett, peu visible encore, mais qui a toutes les chances de s’étendre tant il sait répondre à des besoins croissants, dans cet avenir qui nous inquiète.

    C’est dans un « #présent_futuriste » que j’ai trouvé quelques éléments de réponse, un futur déjà là, quelque peu anachronique donc, mais aussi inédit, tout à fait décentré de la ville historique, notamment européenne, à laquelle nous nous référons encore trop souvent pour penser l’universalité des villes. Je me suis familiarisé avec la vie quotidienne des zones de #marges ou frontières, de #borderlands, et avec celles et ceux qui les habitent ou y passent. Rien d’exotique dans cela, rien d’impossible non plus, ce sont des lieux quelconques réinvestis, détournés, occupés pour un temps plus ou moins long, des déplacements et des attachements plus ou moins profonds aux lieux de résidence, de passage ou de refuge, et ce sont des événements – politiques, catastrophiques ou artistiques, prévus ou fortuits – créateurs d’échanges, éphémères ou non, et nous faisant occuper et donner un sens à des lieux parfois inconnus. Ces formes sociales, ces moments partagés, toutes ces situations rendent les espaces fréquentés plus familiers, partagés et communs, même sans en connaître le devenir.

    Loin d’être exceptionnelle, cette expérience de recherche m’a semblé expérimentale et exemplaire d’un certain futur urbain. Cela résonne avec les propos des urbanistes rebelles qui pensent comme #Jane_Jacob ou #Richard_Sennett un urbanisme pratique – ou « pragmatique », dit lui-même Sennett, qui ancre depuis longtemps sa réflexion dans l’#homo_faber, dans le faire de l’humain. Il faut, écrit-il, « placer l’homo faber au centre de la ville ». C’est ce que je ferai ici, en poursuivant cette interrogation sur le faire-ville dans sa double dimension, qui est de faire communauté, créer ou recréer du commun, et de faire la ville, c’est-à-dire l’inventer et la fabriquer.

    Une écologie et une anthropologie urbaines sont tout à inventer pour le monde à venir.

    C’est un présent futuriste fait d’étranges établissements humains : des armatures flexibles, modelables à volonté, des murs transparents, des cubes réversibles ou transposables. Curieusement, ces lieux font d’emblée penser à une ville mais précaire et #démontable, ce sont des #agglomérations_temporaires dont la matière est faite de murs en toile plastifiée, de charpentes en planches, en tubes métalliques ou en branchages, de citernes d’eau en caoutchouc, de canalisations et latrines en prêt-à-monter, prêt-à-défaire, prêt-à-transporter.

    Les lumières de la ville sont intermittentes et blafardes, fournies par des moteurs électrogènes mis en route à chaque nouvelle arrivée (fruit d’un désordre ou d’une catastrophe), devenue elle-même prévisible tout comme ses conséquences techniques – ruptures dans les flux et les stocks d’énergie, de nourriture ou de services. Les va-et-vient incessants de camions blancs bâchés emmènent des grandes quantités de riz, de boulgour et de personnes déplacées. Parfois, sur quelques terrains vagues, d’autres enfants jouent au football, ou bien des adultes inventent un terrain de cricket.

    À partir de la matière première disponible dans la nature (terre, eau, bois de forêt) ou de la matière résiduelle de produits manufacturés disponible (planches, palettes, bâches plastifiées, toiles de sac, feuilles métalliques d’emballage, plaques de polystyrène), des habitants bricolent et pratiquent une #architecture_adaptative, réactive, avec les moyens du bord, comme ailleurs ou autrefois une architecture des #favelas ou des #bidonvilles. Des maisons en pisé côtoient d’autres constructions en tissus, carton et tôle. Cette matérialité est en constante transformation.

    Malgré la surprise ou la perplexité qu’on peut ressentir à l’énumération de ces étranges logistiques urbaines, ce n’est pas de la fiction. Ce sont mes terrains d’#ethnographie_urbaine. On y verra sans doute une #dystopie, un mélange cacophonique de prêt-à-monter, de #récupérations et de #bricolages, j’y vois juste l’avenir déjà là, au moins sur les bords, dans un monde certes minoritaire (en Europe au moins), frontalier, à la fois mobile et précaire, mais terriblement efficace et qui a toutes les chances de s’étendre. #Ville_en_kit serait le nom de ce modèle qui viendrait après celui de la ville historique et rejoindrait, « par le bas », celui de la ville générique, dont il serait l’envers moins visible.

    Une écologie et une anthropologie urbaines sont tout à inventer pour le monde à venir, nous n’en connaissons encore presque rien si ce n’est qu’elles seront marquées par une culture de l’#urgence, du présent et de l’#incertitude, organisant et meublant des espaces nus ou rasés ou abandonnés, pour des durées inconnues. Ce qui est marquant est la répétition du #vide qui prévaut au premier jour de ces fragiles agglomérations, mais aussi la résurgence rapide de la #vie_sociale, de la #débrouille_technique, d’une #organisation_politique, et de la quête de sens. Cette ville en kit semble plus périssable, mais plus adaptable et « résiliente » aussi que la ville historique, qu’il nous faut donc oublier. Celle-ci était délimitée dans des enceintes visibles, elle était en dur, elle se développait de plus en plus à la verticale, avec ses voies goudronnées vite saturées de véhicules et de bruits. Cette ville historique maintenant implose, pollue et expulse les malchanceux au-delà de ses limites, mais elle continue de fournir le modèle de « la ville » dans le monde. Pourtant, le modèle s’écarte des réalités.

    On peut s’interroger sur le caractère utopique ou dystopique des #imaginaires_urbains qui naissent de l’observation des contextes dits « marginaux » et de leur permanence malgré leurs destructions répétées partout. Faut-il opposer ou rapprocher une occupation de « ZAD », une invasion de bidonvilles et une installation de migrants sans abri devenue « #jungle », selon le pourquoi de leur existence, toujours spécifique, ou selon le comment de leur processus, toujours entre résistance et adaptation, et les possibles qu’ils ont ouverts ? Si ces établissements humains peuvent être considérés, comme je le défends ici, comme les tout premiers gestes d’un processus urbain, du faire-ville dans son universalité, alors il convient de s’interroger sur ce qu’ils ouvrent, les décrire en risquant des scénarios.

    Ce partage d’expériences suppose une prise de conscience de l’égalité théorique de toutes les formes urbaines.

    Comment passe-t-on de cette #marginalité qui fait #désordre à de la ville ? Une pensée concrète, une #architecture_an-esthétique, un #habitat_minimal, évolutif, peuvent rendre #justice à ces situations et leur donner une chance d’inspirer d’autres expériences et d’autres manières de faire ville. Je reprends là en partie quelques-uns des termes de l’architecte grec et français #Georges_Candilis (1913-1995), pour qui l’observation directe, au Pérou, dans la périphérie de Lima, au début des années 70, d’un processus d’installation et construction d’une « #invasión » fut un choc. Dans la nuit, « des milliers de personnes » avaient envahi un terrain vague « pour construire une nouvelle ville », l’alerta son collègue péruvien.

    C’est moins l’invasion elle-même que la réaction de l’architecte européen qui m’intéresse ici. Longtemps collaborateur de Le Corbusier, Candilis a ensuite passé des années à concevoir, en Europe essentiellement, des très grands ensembles à bas prix, pour « les plus démunis ». Il voit dans le mouvement d’invasion urbaine à Lima un « raz de marée populaire », devant lequel les autorités cèdent et qui va « construire une maison, une ville, sans matériaux ni architectes, avec la seule force du Plus Grand Nombre et le seul espoir de survivre ». Le deuxième jour de l’invasion, sous les yeux de l’architecte devenu simple témoin, les maisons commencent à s’édifier avec des matériaux de récupération, des quartiers se forment et les habitants (« y compris les enfants ») votent pour désigner leurs responsables. « J’assistais émerveillé, écrit Candilis quelques années plus tard, à la naissance d’une véritable “communauté urbaine” », et il évoque, enthousiaste, « l’esprit même de la ville ».

    Je ne pense pas qu’il ait voulu dupliquer en France ce qu’il avait vu à Lima, mais certainement s’inspirer de ses principes. Il exprimait l’intense découverte que cet événement avait représentée pour lui, et surtout le fait que le faire-ville passe par un événement, qui est l’irruption d’un sujet citadin, porteur de l’esprit de la ville et faiseur de communauté urbaine. C’est ce sujet citadin et cette communauté urbaine qui font la ville et qui permettent de penser à nouveaux frais le modèle des instant cities, en le renversant sur lui-même en quelque sorte, contre l’idée qu’il puisse naître hors-sol et qu’il puisse produire des villes fantômes qui attendront leur peuplement.

    Ce partage d’expériences, pour devenir systématique et efficace sans être du mimétisme ni du collage formel, suppose une prise de conscience de l’égalité théorique de toutes les formes urbaines, que j’ai rappelée au tout début de cette réflexion. C’est une démarche qui ne demande ni exotisme ni populisme, mais une attention à ce qu’il y a de plus universel dans le #faire-ville, qui est une énergie de #rassemblement et de #mise_en_commun, dont la disparition, à l’inverse, engendre les étalements diffus et les ghettos qu’on connaît aussi aujourd’hui.

    https://formes.ca/territoire/articles/les-instant-cities-villes-reimaginees-sans-histoire-sans-avenir
    #villes_instantanées #urban_matter #urbanisme #présent #passé #futur

  • Ce jour-là à #Vintimille. Retour d’un lieu d’exil sans cesse confiné

    Chaque nuit, des dizaines de personnes en situation d’exil dorment dans les rues de Vintimille. Laissées à l’abandon par les pouvoirs publics depuis la fermeture du principal camp d’hébergement, elles sont repoussées du centre-ville par les forces de police. De retour de cette frontière, nous publions ce texte de témoignage afin d’alerter sur la mise en danger institutionnelle des personnes en migration.

    Chaque nuit, des dizaines de personnes en situation d’exil dorment dans les rues de Vintimille. Laissées à l’abandon par les pouvoirs publics depuis la fermeture du principal camp d’hébergement, elles sont repoussées du centre-ville par les forces de police alors que la municipalité prépare la reprise des activités touristiques au lendemain du confinement. De retour de cette frontière franco-italienne, nous publions ce texte de témoignage afin d’alerter sur la mise en danger institutionnelle des personnes en migration.

    Depuis la fin du confinement en Italie, on peut estimer que 200 personnes en migration sont quotidiennement livrées à elles-mêmes à Vintimille. La plupart sont originaires d’Afghanistan, d’Iran, du Pakistan, dans une moindre mesure de pays africains. Nous avons également rencontré une famille kurde accompagnant une femme enceinte. "Bonjour, ça va ?". Suivant les mots que nous adressons à leur rencontre, les discussions s’ouvrent sur les projets passés et présents. La principale destination évoquée à cette étape des parcours est la France. Marseille, Porte de la Chapelle... Certains ont passé plusieurs années dans le pays d’où nous venons, avant de se faire renvoyer vers l’Italie. "Ništa !" : au détour d’une conversation en Pachtoune, on reconnait une expression ramenée des routes balkaniques, qui signifie qu’il n’y a rien à trouver ici. "Racist", "police", "violent" sont d’autres mots transparents que nous glanons en parcourant les rues de Vintimille, ce jeudi 11 juin.

    Surimpressions

    À la veille de la reprise officielle de la saison touristique, plusieurs réalités se superposent. Les arrivées de touristes tant attendues par la municipalité coïncident avec celles de groupes considérés comme irréguliers. Les usagers des terrasses à nouveau animées côtoient les déambulations quotidiennes des personnes exilées pour trouver une stratégie de passage. Les camions de nettoyage sillonnent les rues ; les fourgons des marchands du célèbre marché de Vintimille reprennent place. Cette soudaine effervescence économique est traversée par le ballet des forces de l’ordre : militaires, police municipale, guardia di finanza et carabinieri quadrillent la ville. Nous nous étonnons de voir la police nationale française stationnée devant la gare. La stratégie des autorités italiennes semble moins correspondre à une logique de contrôle de l’immigration qu’à un impératif de tenir à l’écart du centre-ville les migrant-tes indésirables. C’est-à-dire celles et ceux qu’il ne faut pas voir dans ce paysage renaissant de la consommation.

    Ce jour-là, le 12 juin, alors que les interdictions liées aux rassemblements dans les centres commerciaux et lieux de restauration sont progressivement levées, le maire a explicitement interdit aux ONG présentes à la frontière de fournir toute aide matérielle aux personnes exilées.

    Invisibilisations

    Sur cette portion du territoire transalpin, le confinement décidé en mars 2020 a signifié l’arrêt des activités humanitaires, en raison de la fermeture officielle de la frontière et des interdictions de rassemblement en Italie. Les volontaires du collectif Kesha Niya et de Roya Citoyenne ont dû mettre fin aux distributions alimentaires groupées — une activité essentielle pour les personnes exilées en transit dans les rues de Vintimille, assurée quotidiennement depuis trois ans. Alors que de nouvelles arrivées ont été constatées depuis la fin du confinement, les distributions doivent s’effectuer en discrétion.

    Les paquets alimentaires, kits d’hygiène et masques sont fournis aléatoirement, en fonction du nombre de personnes exilées rencontrées au cours des maraudes. Cette situation délétère n’est pas sans rappeler le contexte de l’année 2016, alors qu’un arrêté municipal de la commune de Vintimille interdisait les distributions de repas pour cause de risques sanitaires[I]. Inique autant que cynique, l’argument de la salubrité publique est à nouveau le levier d’une mise en danger des personnes exilées. Bien que l’ONG Médecins du Monde ait constaté en juin des besoins médicaux auprès des personnes en errance dans la ville (tels que des problématiques respiratoires connues pour leur propension à entrainer une forme grave de COVID-19), aucun accès aux soins n’est organisé par les institutions locales ou nationales. Sur la seule après-midi du 18 juin 2020, deux patients ont été admis en hospitalisation d’urgence suite à des signalements de l’ONG (urgence obstétricale et détresse cardiaque).

    Cette nuit-là, le vent est levé. Venus pour assurer une distribution de sacs de couchage et de masques, mis en difficulté dans cet acte simple, nous ressentons l’hypocrisie d’une frontière qui crée ses propres marges. Avec quelques autres volontaires qui tentent d’assurer un relai social et médical, nous devons nous aussi nous cacher, nous rendre invisibles.

    Épuisements

    Il y a quelques semaines, le camp de la Croix-Rouge assurait encore la mise à l’abri d’individus sans papiers. Institué comme bras humanitaire de la Préfecture d’Imperia en 2016, cet établissement situé à 4 kilomètres du centre-ville centralisait l’hébergement des personnes en transit, autant que leur contrôle[II]. Depuis la détection d’un cas de coronavirus le 18 avril, le campo a été fermé aux nouvelles arrivées[III]. Seuls les petits-déjeuners et un service de douche délivrés par Caritas sont assurés aux personnes recalées, ainsi qu’une assistance juridique répartie entre plusieurs associations locales[IV].

    Désormais, pour celles et ceux qui arrivent sur ce territoire, les rares lieux de répit se situent à l’abri des regards, dans quelques marges urbaines tolérées. Corollaire du droit à la mobilité, le droit à la ville est mis à mal dans les interstices urbains de Vintimille. Ces rues sont le théâtre d’un nouveau « game », selon le nom donné dans les Balkans aux tentatives répétées de traversée des frontières, suivies de refoulements violents[V].

    À cette étape des parcours, la France demeure le seul horizon envisageable : tous et toutes parviennent finalement à passer, mais au prix d’épuisements multiples et de nouveaux dangers.

    Ce jour-là, sous le pont de Vintimille, une laie ballade ses marcassins à la recherche de nourriture, à proximité immédiate d’un lieu de campement régulièrement sujet aux déguerpissements policiers. Les voyages nous sont contés avec des mots et des blessures, souvent ramenées de la traversée des Balkans. À cette frontière intérieure de l’Europe, aucun moyen médical institutionnel n’est disponible pour les soigner.

    Des corps confinés

    Confiner, c’est aussi étymologiquement toucher une limite. Bloquées à la frontière italo-française, les personnes exilées se heurtent à des confins au cœur de l’espace Schengen dit « de libre circulation ». Seuls les chiffres de l’activité policière communiqués par la Préfecture des Alpes-Maritimes permettent d’évaluer numériquement l’évolution des arrivées ces derniers mois : alors que 107 refus d’entrée[VI] ont été enregistrés côté français entre le 15 mars et le 15 avril, ce sont environ cinquante personnes qui seraient refoulées chaque jour de la France vers l’Italie, depuis la fin du confinement officiel. Toutefois, ces statistiques n’intègrent ni les tentatives de traversées répétées par une même personne, ni les refoulements non enregistrés par la police française, en dépit des lois en vigueur[VII]. C’est pourquoi le regard d’acteurs non étatiques s’avère nécessaire dans cette phase de déconfinement. Salariée humanitaire, universitaire ou volontaire bénévole, notre présence à Vintimille tient à des raisons diverses, mais nos mots dessinent une même idée : « impératif de mise à l’abri », « inégalité des vies »[VIII], « acharnement dissuasif » …

    Ces deux derniers mois ont fourni l’opportunité de comprendre le caractère essentiel du droit à la mobilité — en particulier pour les personnes qui ont pu se confiner dans des conditions dignes et qui retrouvent depuis le mois de mai les délices de la liberté de circulation[IX]. Que reste-t-il de cette expérience collective ?

    La période post-confinement signale plutôt le renforcement des inégalités à la mobilité. Non seulement la « crise sanitaire » n’a pas amené de véritable réflexion sur la précarité des personnes bloquées aux frontières, mais elle a de plus permis la poursuite des activités de contrôle mortifères à l’écart de l’attention médiatique. C’est le cas en Libye et en Méditerranée[X], mais aussi au cœur de l’Union européenne, à cette frontière franco-italienne.

    Ce jour-là, le train de voyageurs internationaux Vintimille-Cannes fait à nouveau vibrer les rails, à côté du campement improvisé pour la nuit par les exilé-e-s. Le lendemain, nous rejoindrons le bivouac de notre choix sans le moindre contrôle, reconnus à nouveau aptes à circuler, contrairement à ces corps confinés.

    https://blogs.mediapart.fr/mdmonde/blog/240620/ce-jour-la-vintimille-retour-d-un-lieu-d-exil-sans-cesse-confine
    #campement #asile #migrations #réfugiés #frontières #Italie #France #frontière_sud-alpine #SDF #sans-abrisme #in/visibilité #invisibilisation #écart #solidarité #Kesha_Niya #Roya_Citoyenne #distributions_alimentaires #salubrité_publique #accès_aux_soins #hypocrisie #Croix-Rouge #camp #campement #mise_à_l'abri #hébergement #campo #marges #droit_à_l'abri #interstices_urbains #game #the_game #épuisement #droit_à_la_mobilité #libre_circulation #liberté_de_mouvement #liberté_de_circulation #post-covid-19 #post-confinement

  • Imaginer le métier de vivre
    https://topophile.net/savoir/imaginer-le-metier-de-vivre-questions-a-christophe-laurens

    Depuis 10 ans, en banlieue parisienne, se déploie une expérience pédagogique étonnante où enseignants et étudiants imaginent « de nouveaux modes d’exercice des métiers de l’architecture, du paysage et de la scénographie en phase avec les enjeux et les nécessités de notre époque pour contribuer à l’émergence de ce que l’on pourrait appeler une écologie sociale... Voir l’article

  • Le #camp de #Nea_Kavala en #Grèce

    Dans l’Union européenne, certains camps pour personnes étrangères sont dits « ouverts » : les habitants sont libres d’y rester ou non, en attendant une réponse à leur demande d’asile – dans les faits, ils n’ont pas vraiment le droit ni les moyens de s’installer ailleurs.

    Le 28 février 2016, la création de ce camp intervient dans un contexte de #fermetures_des_frontières dans les #Balkans, et du besoin de répartir les habitants du camp d’#Idomeni. 3520 personnes sont alors transférées vers des tentes disposées sur le tarmac de l’aéroport militaire « Asimakopoulou »[1], pour une capacité d’accueil estimée à 2500 personnes. Sur le bitume, les personnes sont exposées aux vents et aux températures parfois extrêmes. Elles attendront le mois de novembre pour que des containers soient mis en place.

    Quatre ans plus tard, le camp est toujours là. L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) considère Nea Kavala comme une « installation d’accueil de long terme » ; et y transfère notamment des réfugiés depuis le camp de Moria à Lesbos[2].

    Les habitants ont eu le temps de réaliser des « travaux d’agrandissement » sur certains containers (© Louis Fernier)

    La vie s’est organisée à la marge de la société grecque. Des personnes migrantes sont isolées, bloquées dans un lieu initialement prévu pour que des avions décollent et atterrissent. Sur le tarmac, les préfabriqués ont été installés « de façon à contenir les effets des rafales de vent » ; les personnes « accueillies » partagent des sanitaires extérieurs l’été comme l’hiver, et une unique source d’eau potable située à l’entrée du camp. Si elles le souhaitent, elles sont toutefois libres de marcher 5 KM le long d’une voie rapide pour atteindre la première pharmacie. Sur place, nos observations nous ont permis de réaliser la carte ci-après :

    Ce croquis illustre comment la vie prend forme dans un tel environnement. Les ressources et acteurs clés se situent presque exclusivement à l’entrée, dans le nord du camp.

    L’Etat grec a délégué la majeure partie des tâches de coordination au Danish Refugee Council. Les ministères de l’éducation et de la santé restent toutefois censés accomplir leurs missions respectives. Hélas, la majorité des enfants ne sont scolarisés que la moitié de la semaine, et le médecin du camp n’est présent que 15 heures par semaine. Deux associations non-gouvernementales, « Drop in the Ocean » et We Are Here », sont présentes au quotidien pour soutenir les personnes encampées. C’est au sein de We Are Here que nous effectuons une enquête de terrain depuis deux mois. Composée uniquement de bénévoles, cette association gère un espace social, organise des cours d’Anglais et de musique, et des activités pour les plus jeunes. Elle tient aussi un centre d’informations et un espace réservé aux femmes. Au quotidien, elle s’active dans un univers interculturel, comme le montre la diversité des nationalités présentes depuis 2016, et la nécessité de s’adapter en continue.

    Être bénévole à We Are Here, c’est aussi travailler dans un milieu en perpétuel mouvement : la population connait des fluctuations parfois très soudaines.

    Si la population n’a plus dépassé la capacité du camp depuis sa création, elle a connu certains pics – à la fin de l’été 2019 notamment. Les conditions de vie paraissaient alors peu dignes pour un « site d’accueil de long terme ». Une personne réfugiée témoignait le 02 septembre 2019 :

    “Nea Kavala Camp is one of hell’s chosen spots in Greece. And to think that this government sees it as a suitable place for vulnerable refugees shows to me how much it must hate us. Nobody should be expected to stay there.”

    Depuis le 12 mars 2020, les mesures de protection face au Covid-19 ont entraîné l’arrêt des activités de We Are Here ; cependant, nous sommes toujours en observation depuis le village voisin, en contact avec les habitants du camp. Et la crise sanitaire n’a pas freiné les travaux d’aménagement de Nea Kavala, en prévision de l’accueil de 1000 personnes transférées depuis l’île de Lesbos.

    A l’intérieur de ces tentes, les familles sont aujourd’hui réparties par petites salles. Un habitant nous rapporte que « l’on y entend les voisins, c’est très serré. Il y a une table, quatre chaises et quatre lits pour toute une famille ».

    Nea Kavala compte 372 arrivées depuis la fin du mois de février, dans le contexte actuel de pandémie mondiale. Le Danish Refugee Council estime que 700 nouvelles personnes arriveront encore d’ici l’été. Les locaux de We Are Here et de Drop in the Ocean ont été demandés pour organiser de potentielles mises en quarantaine. En attendant d’y retourner, nous espérons que le virus épargnera le camp ; et que l’ennui, l’isolement et les conditions d’accueil ainsi décrites n’entraineront pas de tensions. Nous retenons notre souffle.

    https://mi.hypotheses.org/2122
    #transferts #migrerrance #immobilité #Grèce_continentale #frontières #Thessalonique #Polykastro #Asimakopoulou #OIM #IOM #temporaire #isolement #marginalité #marges #aéroport #tarmac #préfabriqués #croquis #cartographie #visualisation #Danish_Refugee_Council #déscolarisation #accès_aux_soins #Drop_in_the_Ocean #We_are_here

  • No Go World. How Fear Is Redrawing Our Maps and Infecting Our Politics

    War-torn deserts, jihadist killings, trucks weighted down with contraband and migrants—from the Afghan-Pakistan borderlands to the Sahara, images of danger depict a new world disorder on the global margins. With vivid detail, #Ruben_Andersson traverses this terrain to provide a startling new understanding of what is happening in remote “danger zones.” Instead of buying into apocalyptic visions, Andersson takes aim at how Western states and international organizations conduct military, aid, and border interventions in a dangerously myopic fashion, further disconnecting the world’s rich and poor. Using drones, proxy forces, border reinforcement, and outsourced aid, risk-obsessed powers are helping to remap the world into zones of insecurity and danger. The result is a vision of chaos crashing into fortified borders, with national and global politics riven by fear. Andersson contends that we must reconnect and snap out of this dangerous spiral, which affects us whether we live in Texas or Timbuktu. Only by developing a new cartography of hope can we move beyond the political geography of fear that haunts us.

    https://www.ucpress.edu/book/9780520294608/no-go-world
    #livre #peur #géographie_politique #marges #désordre #inégalités #pauvres #riches #pauvreté #richesse #drones #fermeture_des_frontières #insécurité #danger #chaos #militarisation_des_frontières #espoir
    ping @cede @karine4 @isskein

  • Watching the clothes dry: How life in Greece’s refugee camps is changing family roles and expectations

    On the Greek Islands where refugees face long waiting times and a lack of adequate facilities, women are being pushed to the margins of camp society as children are deprived of education and safe places to play. While governments and the EU fail to provide satisfactory support, and NGOs fight to fill the gaps, how can we stop a generation of women and girls with high hopes of independence and careers from being forced back into domestic roles?

    “The days here are as long as a year.

    “In the camp I have to wash my clothes and dishes with cold water in the cold winter, and I have to watch my clothes dry because I lost almost all of my dresses and clothes after hanging them up.

    “As a woman I have to do these jobs – I mean because I am supposed to do them.”

    The boredom and hopelessness that Mariam* describes are, by now, common threads running through the messy, tragic tapestry of stories from the so called “migrant crisis” in Greece.

    Mariam is from Afghanistan, and had been studying business at university in Kabul, before increasing violence and threats from the Taliban meant that she was forced to flee the country with her husband. Soon after I met her, I began to notice that life in camp was throwing two distinct concepts of herself into conflict: one, as a young woman, ambitious to study and start a career, and the other, as a female asylum seeker in a camp with appallingly few facilities, and little freedom.

    While Mariam felt driven to continue her studies and love of reading, she could not escape the daily domestic chores in camp, a burden placed particularly on her because of her gender. I was familiar with Mariam the student: while managing the Alpha Centre, an activity centre run by Samos Volunteers, I would often come across Mariam sitting in a quiet spot, her head bent over a book for hours, or sitting diligently in language classes.

    The other side of her was one I rarely saw, but it was a life which dominated Mariam’s camp existence: hours and hours of her days spent cooking, cleaning, mending clothes, queuing for food, washing dishes, washing clothes, watching them dry.
    Women as caregivers

    Mariam’s experience of boredom and hardship in the camp on Samos is, unfortunately, not uncommon for any person living in the overcrowded and squalid facilities on the Greek islands.

    Many, many reports have been made, by newspapers, by Human Rights organisations such as Amnesty International, and NGOs such as Medécins Sans Frontières (MSF). All of them speak, to varying degrees, of the crushing boredom and despair faced by asylum-seekers in Greece, the dreadful conditions and lack of resources, and the mental health implications of living in such a situation. MSF describes the suffering on the Aegean islands as being on an “overwhelming scale.”

    While these issues apply indiscriminately to anyone enduring life in the island camps – and this undoubtedly includes men – there have been reports highlighting the particular hardships that women such as Mariam have to face while seeking asylum in Greece. In a 2018 report, “Uprooted women in Greece speak out,” Amnesty International comments on the additional pressures many women face in camp:

    The lack of facilities and the poor conditions in camps place a particularly heavy burden on women who often shoulder the majority of care responsibilities for children and other relatives. The psychological impact of prolonged stays in camps is profound. Women spoke of their anxiety, nightmares, lack of sleep and depression.

    The article recognises how much more likely women are than men to take on a caregiving role, an issue that is not unique to asylum-seeking populations. According to a report titled ‘Women’s Work’ released in 2016 by the Overseas Development Institute, women globally do on average over three times more unpaid work than men – work including childcare and domestic chores. This is across both ‘developed’ and ‘developing’ countries, and demonstrates inequality on a scale far beyond refugee and migrant populations.

    However, as Amnesty points out, it is not the perceived roles themselves which are the issue, but rather the glaring lack of facilities in camps – such as lack of food, ‘horrific’ sanitary conditions, and poor or non-existent washing facilities, as well as significant lack of access to education for children, and waiting times of up to two years. All of these factors exacerbate the gender divides which may or may not have been prevalent in the first place.

    The expectation for women to be primary caregivers was something I particularly noticed when running women’s activities on Samos. There was a stark difference between the daily classes – which would fill up with men attending alone, as agents distinct from their families in camp – and the women-only sessions, where accompanying children were almost always expected, and had to be considered in every session plan.

    The particular burden that I noticed so starkly in Mariam and many other women, was a constant battle to not be pushed to the margins of a society, which she desperately wanted to participate in, but had no opportunity to do so.

    Beyond lack of opportunities, many women speak of their great fear for themselves and their children in camp. Not only does a lack of facilities make life harder for people on the move, it also makes it incredibly dangerous in many ways, putting the most vulnerable at a severe disadvantage. This issue is particularly grave on Samos, where the camp only has one official doctor, one toilet per 70 people, and a gross lack of women-only bathrooms. This, alongside a volatile and violent environment – which is particularly dangerous at night – culminates in a widespread, and well-founded fear of violence.

    In an interview with Humans of Samos, Sawsan, a young woman from Syria, tells of the agonising kidney stones she experienced but was unable to treat, for fear of going to the toilet at night. “The doctor told me you need to drink a lot of water, but I can’t drink a lot of water, I am afraid to go outside in the night, is very dangerous,” she explained to my colleague.

    As Amnesty International reported last year, “women’s rights are being violated on a daily basis” in the Greek island hotspots. Their report features a list of ten demands from refugee women in Greece, including “full access to services,” “safe female only spaces,” and “livelihood opportunities.” All of these demands not only demonstrate a clear lack of such services currently, but also a real need and desire for the means to change their lives, as expressed by the women themselves.

    I remember the effect of this environment on Mariam, and the intense frustration she expressed at being forced to live an existence that she had not chosen. I have a vivid memory of sitting with her on a quiet afternoon in the centre: she was showing me photos on her phone of her and her friends at university in in Kabul. The photos were relatively recent but seemed another world away. I remember her looking up from the phone and telling me wearily, “life is so unexpected.”

    I remember her showing me the calluses on her hands, earned by washing her and her husband’s clothes in cold water; her gesturing in exasperation towards the camp beyond the walls of the centre. She never thought she’d be in this position, she told me, performing never ending domestic chores, while waiting out her days for an unknown life.

    Stolen childhoods

    Beyond speaking of their own difficulties, many people I approached told me of their intense concern for the children living in camps across Greece. As Mariam put it, “this situation snatches their childhoods by taking away their actual right to be children” – in many inhumane and degrading ways. And, as highlighted above, when children are affected, women are then far more likely to be impacted as a result, creating a calamitous domino effect among the most vulnerable.

    I also spoke to Abdul* from Iraq who said:

    The camp is a terrible place for children because they are used to going out playing, visiting their friends and relatives in the neighbourhood, and going to school but in the camp there is nothing. They can’t even play, and the environment is horrible.”

    Many asylum-seeking children do not have access to education in Greece. This is despite the government recognising the right of all children to access education, regardless of their status in a country, and even if they lack paperwork.

    UNHCR recently described educational opportunities for the 3,050 5-17 year olds living on Greece’s islands, as “slim.” They estimate that “most have missed between one and four years of school as a result of war and forced displacement” – and they continue to miss out as a result of life on the islands.

    There are several reasons why so many children are out of school, but Greek and EU policies are largely to blame. Based mistakenly on the grounds that people will only reside on the islands for brief periods before either being returned to Turkey or transferred to the mainland, the policies do not prioritise education. The reality of the situation is that many children end up waiting for months in the island camps before being moved, and during this time, have no access to formal education, subsequently losing their rights to play, learn, develop and integrate in a new society.

    In place of formal schooling, many children in camps rely on informal education and psychosocial activities provided by NGOs and grassroots organisations. While generally doing a commendable job in filling the numerous gaps, these provisions can sometimes be sporadic, and can depend on funding as well as groups being given access to camps and shelters.

    And while small organisations try their best to plug gaps in a faulty system, there will always, unfortunately, be children left behind. The ultimate result of Greek and EU policy is that the majority of children are spending months in limbo without education, waiting out their days in an unsafe and unstable environment.

    This not only deprives children of formative months, and sometimes years, of education and development, it can also put them at risk of exploitation and abuse. Reports by the RSA and Save the Children state that refugee children are at much higher risk of exploitation when they are out of school. Save the Children highlight that, particularly for Syrian refugee girls, “a lack of access to education is contributing to sexual exploitation, harassment, domestic violence and a significant rise in forced marriages”.

    There have also been numerous cases of children – often unaccompanied teenage boys – being forced into “survival sex,” selling sex to older, predatory men, for as little as €15 or even less, just in order to get by. The issue has been particularly prevalent in Greece’s major cities, Athens and Thessaloniki.

    While all children suffer in this situation, unaccompanied minors are especially at risk. The state has particular responsibilities to provide for unaccompanied and separated children under international guidelines, yet children in Greece, especially on Samos, are being failed. The failings are across the board, through lack of education, lack of psychological support, lack of appropriate guardians, and lack of adequate housing – many children are often placed in camps rather than in external shelters.

    This is a particular issue on Samos, as the designated area for unaccompanied minors in the reception centre, was not guarded at all until recently, and is regularly subject to chaos and violence from other camp residents, visitors or even police.

    Many refugee children in Greece are also at risk of violence not only as a result of state inactions, but at the hands of the state itself. Children are often subject to violent – and illegal – pushbacks at Greece’s border with Turkey.

    There have been multiple accounts of police beating migrants and confiscating belongings at the Evros river border, with one woman reporting that Greek authorities “took away her two young children’s shoes” in order to deter them from continuing their journey.

    The Council of Europe’s Committee for the Prevention of Torture and Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (CPT) spoke out earlier this year, criticising treatment in Greek camps and detention facilities, stating that conditions were “inhuman and degrading.” They have called for an end to the detention of children with adults in police facilities, as well as the housing of unaccompanied minors in reception and identification centres, such as the hotspot on Samos.

    Smaller organisations are also making their voices heard: Still I Rise, a young NGO on Samos providing education for refugee children, has just filed a lawsuit against the camp management at the refugee hotspot, for their ill treatment of unaccompanied minors. The organisation states:

    We are in a unique position to witness the inhumane living conditions and experiences of our students in the refugee hotspot. With the support of Help Refugees, we gathered evidence, wrote affidavits, and build a class action on behalf of all the unaccompanied minors past and present who suffered abuse in the camp.

    After witnessing the many failings of the camp management to protect the unaccompanied minors, the NGO decided to take matters into their own hands, raising up the voices of their students, students whose childhoods have been stolen from them as they flee war and persecution.
    “Without love I would give up”

    Every day on Samos, I worked with people who were battling the ever-consuming crush of hardship and boredom. People came to the activity centre to overcome it, through learning languages, reading, socialising, exercising, teaching and volunteering. They demonstrated amazing commitment and perseverance, and this should not be forgotten in the face of everything discussed so far.

    Nadine*, a young woman from Cameroon whose help at the centre became invaluable, told me that she ‘always’ feels bored, and that “the worst is a closed camp,” but that she has managed to survive by teaching:

    I teach the alphabet and sounds, letters for them to be able to read. I teach adult beginners, it’s not easy because some of them didn’t go to school and they are not able to write in their own language. So it’s hard work, patience and love because without love I would give up.”

    The perseverance demonstrated by Nadine, Mariam, and other women like them, is extraordinary. This is not only considering the challenges they had to confront before even reaching Greece, but in the face of such adversity once reaching the EU.

    Those refugees who are most vulnerable – particularly women and children, but also the silent voices of this article, those who are disabled, LGBTQ+ or otherwise a minority – are being pushed to the margins of society by the despicable policies and practices being inflicted on migrants in Greece. Refugees and migrants are being forced to endure immense suffering simply for asking for a place of safety.

    Yet despite everything, even those at the most disadvantage are continuing to fight for their right to a future. And while I know that, especially in this climate, we need more than love alone, I hang onto Nadine’s words all the same: “without love I would give up.”

    https://lacuna.org.uk/migration/watching-the-clothes-dry-how-life-in-greeces-refugee-camps-is-changing-fa
    #femmes #asile #migrations #réfugiés #rôles #Samos #Grèce #attente #tâches_domestique #lessive #marges #marginalisation #ennui #désespoir #détressse #déqualification #camps #camps_de_réfugiés #liberté #genre #cuisine #soins #caregiver #santé_mentale #fardeau

    #cpa_camps

  • À la recherche des situations charnières : en marge des #sites_archéologiques d’Athènes

    Le projet intitulé « À la recherche des situations charnières : en marge des sites archéologiques d’Athènes », se caractérise par le recours à des méthodes ethnographiques (observation participative, entretiens, utilisation de documents d’archives) en même temps qu’à la photographie créative en vue de produire une œuvre artistique. Bien que la photographie créative ne soit pas en elle-même une méthode scientifique, elle peut fournir une contribution unique et irremplaçable sitôt qu’elle s’articule à des méthodes ethnographiques interdisciplinaires, puisqu‘elle aboutit à des résultats chargés d’une expérience vivante, vecteurs de formes impalpables de connaissance. Au cœur de cette démarche se trouvent les « #marges » spatiales situées entre les temporalités différentes de l’archéologique et du contemporain, entre les espaces délimités et exploités par la recherche archéologique et leurs abords peu valorisés, au sein de la ville d’Athènes. A travers un certain nombre d’études de cas et en ayant recours à la photographie et à des méthodes ethnographiques, nous interrogeons la manière dont ces lignes « frontalières », ces champs d’analyse, se définissent et se redéfinissent en permanence. En immortalisant à intervalles déterminés, et sur une période de cinq ans, les traces de leur culture matérielle, et en retranscrivant une série d’entretiens réalisés auprès d’individus ayant par moments « habité » ces espaces, on voit apparaître une géographie humaine fugace propre à une situation « charnière ». Les #micro-paysages que nous avons photographiés, coupés de leur environnement si lourdement chargé en signification, racontent des histoires révélatrices de comportements, de tactiques et par là même d’éléments de la culture contemporaine. Parmi celles-ci, bien des signes annonciateurs de la « crise » à venir. Pour autant, ces témoignages n’ont pas valeur de « documentation » au sens traditionnel du terme. En fait, c’est une troisième dimension faite de nombreuses « visualités construites » et de #représentations mentales de l’#expérience_vécue qui se déploie ici, en lien direct avec son créateur. Un résultat nouveau – combinant la parole et l’image – apparaît, qui n’avait pas été remarqué ou que nous n’avions pas su ressentir jusqu’à présent.


    https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/a-la-recherche-des-situations-charnieres
    #archéologie #urban_matter #Athènes #villes #photographie

  • Le rural et le populaire - La Vie des idées

    http://www.laviedesidees.fr/Le-rural-et-le-populaire.html

    En 2005 Nicolas Renahy a montré que les changements socio-économiques des dernières décennies, loin de ne concerner que les zones urbaines, ont aussi bouleversé le monde rural, ses classes populaires et en particulier sa jeunesse ouvrière. Retour sur l’enquête et sur ses principaux résultats.

    #rural #urban_matter #marges #sociologie #périphérie