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  • L’affaire Séralini ou l’histoire secrète d’un torpillage

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/05/l-affaire-seralini-ou-l-histoire-secrete-d-un-torpillage_5196526_3244.html

    La parution de l’étude controversée du biologiste français Gilles-Eric Seralini, prétendant avoir montré des effets nocifs du Roundup, a provoqué une onde de choc chez Monsanto. Qui n’a eu de cesse de faire désavouer la publication par tous les moyens.

    Le cauchemar de Monsanto. C’est ce qu’est devenu Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie à l’université de Caen, le 19 septembre 2012. Cette évidence transparaît de la nouvelle livraison des « Monsanto papers » — ces documents internes de la multinationale de l’agrochimie rendus publics dans le cadre d’une action collective menée à son encontre aux Etats-Unis. Ils montrent que des cadres de la firme ont manœuvré en coulisse, pendant plusieurs semaines, pour obtenir la rétractation de l’étude controversée du biologiste français. Et qu’ils sont parvenus à leurs fins.

    On s’en souvient : ce jour-là, M. Séralini publie, dans la revue Food and Chemical Toxicology, une étude au retentissement planétaire. Des rats nourris avec un maïs transgénique et/ou au au Roundup (l’herbicide de Monsanto à base de glyphosate) avaient développé des tumeurs énormes, aussitôt exhibées en « une » des journaux. La couverture médiatique, considérable, est un désastre pour l’image de Monsanto et de ses produits, même si l’étude est jugée non concluante par tous les cénacles scientifiques — y compris le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) des Nations unies. Puis, en novembre 2013, survient un événement inédit dans l’histoire de l’édition scientifique : l’étude est rétractée par la revue, c’est-à-dire désavouée a posteriori, sans aucune des raisons habituellement avancées pour justifier une telle mesure.

    Manque de « conclusion probante »

    De nombreux chercheurs expriment alors leur malaise : le travail des chercheurs français n’a pas été épinglé pour fraude ou erreurs involontaires, d’ordinaire les seules raisons de retirer une publication de la littérature scientifique. Dans un éditorial publié plus tard, en janvier 2014, le rédacteur en chef de la revue, Wallace Hayes, justifiera cette décision personnelle par le fait qu’« aucune conclusion définitive n’a pu être tirée de ces données non concluantes ». L’étude de M. Séralini sera donc la première – et à ce jour l’unique – à avoir été supprimée des archives d’une revue savante pour son manque de « conclusion probante ».

    Mais ce que Wallace Hayes ne mentionne pas, c’est qu’il est lié par un contrat de consultant à Monsanto. Bien connu dans le monde de la toxicologie, chercheur associé à l’université Harvard, il a mené l’essentiel de sa carrière dans l’industrie chimique ou auprès du cigarettier R. J. Reynolds dont il fut l’un des vice-présidents. Les « Monsanto papers » révèlent que M. Hayes était consultant pour la firme agrochimique depuis la mi-août 2012. Sa mission était de développer un réseau de scientifiques sud-américains pour participer à un colloque sur le glyphosate, et ses honoraires étaient fixés à « 400 dollars de l’heure », dans une limite de « 3 200 dollars par jour et un total de 16 000 dollars ». A aucun moment, ce conflit d’intérêts entre Monsanto et le responsable éditorial de la revue ne sera divulgué.

    « Si c’est vrai, c’est une honte », déclare au Monde Jose Luis Domingo, professeur à l’université Rovira i Virgili (Tarragone, Espagne). Ce toxicologue de renom a remplacé M. Hayes à la tête du comité éditorial de la revue en 2016. C’est lui, qui, à l’époque rédacteur en chef adjoint (managing editor), avait publié l’étude controversée.

    Plusieurs courriels internes de Monsanto le montrent : dès sa publication, des cadres de la firme considèrent la rétractation de l’étude comme un objectif cardinal. Mais pour justifier une mesure d’une telle gravité, la revue doit pouvoir se prévaloir d’une forte indignation dans la communauté scientifique. Le 26 septembre 2012, David Saltmiras, l’un des toxicologues de Monsanto, écrit à des collègues : « Wally Hayes m’a appelé ce matin en réponse à mon message d’hier. Il s’est inquiété de ne recevoir que des liens vers des blogs ou des billets publiés en ligne, des publications de presse, etc., et aucune lettre formelle à l’éditeur. »

    Formulées comme « lettres à l’éditeur », les charges contre le travail de l’équipe Séralini pourraient être publiées dans la revue. Elles sont donc d’une « importance critique », ajoute David Saltmiras. De fait, en affichant le mécontentement, elles pourraient justifier une rétractation. Sauf qu’une semaine après la publication de l’étude aucune lettre de protestation n’a encore été adressée à Food and Chemical Toxicology. Le rédacteur en chef « a donc un besoin urgent de lettres formelles à l’éditeur, objectives, rationnelles et faisant autorité », poursuit David Saltmiras avant de conclure : « Je pense qu’il aimerait recevoir ces lettres aujourd’hui. » Dans les échanges suivants, les toxicologues de Monsanto suggèrent les noms de chercheurs qu’ils pourraient solliciter pour ce faire. Ils parient sur la plus grande crédibilité de critiques qui seraient formulées par des « tierces parties » — des scientifiques du monde académique sans liens apparents avec Monsanto.

    Au reste, ces stratégies sont décrites explicitement par les salariés de Monsanto eux-mêmes. Dans sa fiche d’évaluation interne, David Saltmiras écrit ainsi qu’il a « cherché activement à élargir un réseau de scientifiques reconnus sur le plan international et non affiliés à Monsanto », permettant « des échanges informels d’idées et d’information scientifique » mais aussi de « les influencer pour mettre en œuvre les stratégies de Monsanto ». Pendant l’affaire Séralini, écrit-il, « j’ai mis à profit ma relation avec le rédacteur en chef de Food and Chemical Toxicology et j’ai été le seul point de contact entre Monsanto et la revue ».

    Affaire ultrasensible

    Début novembre, une demi-douzaine de lettres individuelles et une lettre collective signée par 25 chercheurs sont publiées par le journal. Cette lettre collective est mentionnée dans les documents internes à Monsanto, mais… dans un message du 28 septembre, soit plus d’un mois avant sa publication. Alors qu’un employé de la compagnie prépare un topo qu’il doit présenter en public, l’un de ses collègues lui suggère d’ajouter « des munitions » à sa présentation en évoquant « la lettre à l’éditeur des 25 scientifiques issus de 14 pays ». Mais l’intéressé rétorque. La lettre n’étant pas encore publique, il se dit « mal à l’aise » à l’idée de divulguer l’initiative lors de sa présentation : « Cela impliquerait que nous sommes impliqués, sinon comment serions-nous au courant ? », explique-t-il. L’affaire est ultrasensible. Au point qu’il ajoute : « On nous demande de cesser les communications internes à ce sujet. » Son correspondant prend soin de clore la conversation en précisant que ce ne sont pas les employés de Monsanto qui ont écrit le texte, ou sollicité eux-mêmes les signatures des auteurs.

    En définitive, le tour est joué. Dès le premier paragraphe de son éditorial de janvier 2014, Wallace Hayes justifie la rétractation de l’étude Séralini par « les nombreuses lettres exprimant de l’inquiétude quant à la validité de [ses] conclusions ».

    Ces lettres étaient-elles écrites pour durer ? Le biologiste Kevin Folta (université de Floride), qui écrivait dans la sienne « soutenir pleinement la rétractation », a déclaré sur les réseaux sociaux en avril 2015 : « J’ai toujours dit que l’étude n’aurait pas dû être rétractée. » Surprenant revirement. Un autre auteur, Andrew Cockburn, a de son côté demandé… la rétractation de sa propre lettre quelques mois plus tard. Pourquoi ? Comme Wallace Hayes, il n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. Interrogée, la maison d’édition Elsevier, propriétaire de la revue, affirme, pour sa part, avoir lancé une enquête.

    • Avec toutes les révélations sur Monsanto en ce moment, je me disais bien que cette étude allait repoindre le bout de son nez.

      J’avais lu l’article en question à l’époque et ça m’avait assez choqué que ça soit publié dans une bonne revue ; statistiquement, il n’y avait pas de quoi conclure — des rats qui sont faits pour développer des tumeurs ont en effet développé des tumeurs. La belle affaire. D’ailleurs j’étais pas le seul à l’époque, beaucoup de blogueurs scientifiques s’étaient montré aussi surpris par la pauvre qualité de l’article. (Et si je me souviens bien, le traitement des animaux laissait aussi beaucoup à désirer. Les tumeurs étaient bien trop grosses et les animaux auraient dû être sacrifiés bien plus tôt. Ça avait l’air d’être fait pour avoir des photos bien choquantes.)

      Ah mais l’expérience utilisait des produits de Monsanto ! Forcément, ils sont du côté du bien et donc incritiquables !

      Parenthèse amusante : puisqu’on parle des manigances de Monsanto, on pourrait aussi parler de celles de Séralini et al.. Juste avant la publication de l’article, ils avaient mis en place une opération de com’ bien huilée avec site web dédié, tweets prêts à l’emploi en copier-coller et contact de journalistes. Et tout ça, en faisant bien gaffe à ce que l’article lui-même soit sous embargo jusqu’à sa publication ; les journalistes se trouvant dans l’impossibilité de vérifier leurs dires et dans le risque de peut-être manquer un scoop. Les bons journalistes se sont abstenus mais les autres ont répété ce qu’ont leur a dit. Et le tour était joué.

      (ah j’ai écrit une tartine, désolé)

  • #Violences_policières aux États-Unis : faut-il généraliser les #caméras_individuelles ?
    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/07/26/violences-policieres-aux-etats-unis-faut-il-generaliser-les-cameras-individu

    Dans le cadre de la lutte contre la violence policière, qui a fait de nombreuses victimes – surtout des hommes noirs – ces dernières années, certains États ont en effet décidé d’inciter les policiers à fixer des caméras sur leur uniforme, bien que cet usage ne soit pas encore généralisé.

    […] Une étude conduite par l’université de Floride du Sud démontre certains effets positifs de l’usage des caméras. Mené pendant un an au département de police d’Orlando, le programme pilote a consisté à comparer le comportement de 46 policiers dotés de caméras corporelles avec celui de 43 autres qui n’en avaient pas.

    Bilan : de mars 2014 à février 2015, le nombre d’incidents liés à l’usage de la force a chuté de 53 % pour les premiers. Les plaintes contre ces agents ont également baissé de 65 %. L’étude a aussi montré des réductions significatives du nombre de blessés, de citoyens mais aussi de policiers, quand une caméra se trouvait sur l’uniforme.

    Richard Bennett, professeur de droit et de criminologie à l’American University, reconnaît que « la présence des caméras réduit la violence des agents ». Mais il regrette que les études existantes, comme celle de l’université de Floride du Sud, ne soient menées que dans un seul département de police. « Je pense qu’à terme, l’usage des caméras va devenir la règle », ajoute-t-il.

    Mais selon Ilhan Omar, représentante démocrate du Minnesota, les caméras, même si elles sont utilisées correctement, ne changeraient pas le problème de fond : « La formation des policiers, de toutes les races, leur enseigne à agir d’abord, à réfléchir ensuite et à tout justifier par la peur. »

  • Mark Worth, un activiste diplômé en journalisme par l’université de Floride et en engineering par l’Institut de Technologie du même état américain a rejoint en 2012 l’ONG Transparency International en qualité de coordinateur du programme d’alerte éthique. Il vient de se pencher avec le soutien financier de la Commission Européenne, sur la protection juridique dont bénéficient les lanceurs d’alerte à l’intérieur de l’Union Européenne (Whistleblowing in Europe : Legal Protections for whistleblowers in the UE ».)

    http://www.bakchich.info/international/2013/11/13/union-europeenne-la-grande-misere-des-lanceurs-dalerte-62889

    #whistleblower