person:antonio gramsci

  • #Chomsky: Arrest of #Assange Is “Scandalous” and Highlights Shocking Extraterritorial Reach of U.S. | Democracy Now!
    https://www.democracynow.org/2019/4/12/chomsky_arrest_of_assange_is_scandalous

    NOAM CHOMSKY: Well, the Assange arrest is scandalous in several respects. One of them is just the effort of governments—and it’s not just the U.S. government. The British are cooperating. Ecuador, of course, is now cooperating. Sweden, before, had cooperated. The efforts to silence a journalist who was producing materials that people in power didn’t want the rascal multitude to know about—OK?—that’s basically what happened. #WikiLeaks was producing things that people ought to know about those in power. People in power don’t like that, so therefore we have to silence it. OK? This is the kind of thing, the kind of scandal, that takes place, unfortunately, over and over.

    To take another example, right next door to Ecuador, in Brazil, where the developments that have gone on are extremely important. This is the most important country in Latin America, one of the most important in the world. Under the Lula government early in this millennium, Brazil was the most—maybe the most respected country in the world. It was the voice for the Global South under the leadership of Lula da Silva. Notice what happened. There was a coup, soft coup, to eliminate the nefarious effects of the labor party, the Workers’ Party. These are described by the World Bank—not me, the World Bank—as the “golden decade” in Brazil’s history, with radical reduction of poverty, a massive extension of inclusion of marginalized populations, large parts of the population—Afro-Brazilian, indigenous—who were brought into the society, a sense of dignity and hope for the population. That couldn’t be tolerated.

    After Lula’s—after he left office, a kind of a “soft coup” take place—I won’t go through the details, but the last move, last September, was to take Lula da Silva, the leading, the most popular figure in Brazil, who was almost certain to win the forthcoming election, put him in jail, solitary confinement, essentially a death sentence, 25 years in jail, banned from reading press or books, and, crucially, barred from making a public statement—unlike mass murderers on death row.
    This, in order to silence the person who was likely to win the election. He’s the most important political prisoner in the world. Do you hear anything about it?

    Well, Assange is a similar case: We’ve got to silence this voice. You go back to history. Some of you may recall when Mussolini’s fascist government put Antonio Gramsci in jail. The prosecutor said, “We have to silence this voice for 20 years. Can’t let it speak.” That’s Assange. That’s Lula. There are other cases. That’s one scandal.

    The other scandal is just the extraterritorial reach of the United States, which is shocking. I mean, why should the United States—why should any—no other state could possibly do it. But why should the United States have the power to control what others are doing elsewhere in the world? I mean, it’s an outlandish situation. It goes on all the time. We never even notice it. At least there’s no comment on it .

    #extraterritorialité #états-unis

  • Quand la lutte contre l’immigration irrégulière devient une question de « #culture »

    Quand on pense à la lutte contre l’immigration irrégulière, ce sont des images de garde-frontières, de patrouilles en mer ou de murs qui viennent spontanément à l’esprit. Un peu partout dans le monde, les flux migratoires sont appréhendés comme des enjeux de sécurité – et en conséquence gouvernés d’une manière qui relève du maintien de l’ordre, voire de la guerre : déploiement de troupes, barbelés, drones, camps, enfermement, expulsions, etc.

    C’est oublier que toute politique est également affaire d’idéologies et que, pour reprendre une expression fréquemment associée au philosophe italien Antonio Gramsci, l’usage de la force s’accompagne d’une bataille des idées, dont le but est non seulement de justifier les objectifs politiques poursuivis par les États, mais aussi d’obtenir le consentement des gouvernés. Les politiques migratoires ne font pas exception.

    Le double message de #Youssou_N’Dour

    Ainsi, en 2007, le gouvernement espagnol diffuse une #vidéo au Sénégal pour convaincre les migrants potentiels de ne pas partir. Au milieu des années 2000, soit bien avant la crise actuelle en Méditerranée centrale, des migrants embarquent en pirogue des côtes de l’Afrique de l’Ouest et tentent de gagner les Canaries, situées à une centaine de kilomètres.

    La vidéo montre Fatou, la mère d’un jeune homme disparu dans l’océan Atlantique. Filmée en gros plan, elle pleure la mort de son fils. Puis apparaît Youssou N’Dour, le célèbre chanteur sénégalais. Lui-même assis sur une pirogue, il tourne le dos à l’océan ; le symbole est clair, et le message à ses jeunes compatriotes l’est tout autant : ne risquez pas votre vie, votre place est en Afrique.

    https://www.youtube.com/watch?v=5pPA0DIjYKM

    Le message est double. Il commence par un #avertissement : attention, la migration est dangereuse. Ceux qui partent risquent leur vie. L’argument est évidemment de mauvaise foi : le danger de l’immigration irrégulière est la conséquence des politiques migratoires, qui obligent les migrants à prendre des chemins détournés et périlleux ; s’ils pouvaient simplement prendre l’avion, ils ne courraient aucun danger.

    Plus moralisateur, le second argument appelle au #patriotisme des migrants et les incite à rester chez eux pour contribuer à l’essor de leur pays – et tant pis si Youssou N’Dour, artiste planétaire s’il en est, n’est pas nécessairement le mieux placé pour convaincre la jeunesse sénégalaise des bienfaits de l’enracinement local.

    « Ne risque pas ta vie ! »

    Dix ans plus tard, en 2017, c’est la chanteuse sénégalaise #Goumba_Gawlo qui s’engage dans une tournée de concerts organisés par l’Organisation internationale pour les migrations (#OIM). Le but est toujours de « sensibiliser » la jeunesse à la question de l’immigration irrégulière. Une des chansons s’intitule « #Bul_Sank_Sa_Bakane_bi », c’est-à-dire « Ne risque pas ta vie ».

    Entrecoupé d’images de bateaux de migrants secourus en Méditerranée, le clip réunit plusieurs chanteurs de toute l’Afrique de l’Ouest et conseille aux candidats à la migration d’investir plutôt dans l’éducation. S’ils veulent vraiment partir, la chanson leur recommande de migrer légalement.

    https://www.youtube.com/watch?v=a27GpDvCXqw

    Là encore, l’argent vient d’Europe, d’#Italie plus précisément, qui finance un ambitieux projet de l’OIM intitulé « #Aware_Migrants » (http://awaremigrants.org). Le raisonnement est le suivant : si les Africains tentent de gagner l’Europe, c’est parce qu’ils sont ignorants. Ils ne sont pas conscients des risques, ils ne connaissent pas le sort réservé à leurs semblables, et ils croient naïvement les promesses de vie meilleure que de vils passeurs leur font miroiter. Il faut donc procéder à des #campagnes de « sensibilisation » ou de « #conscientisation », qui leur donneront les informations nécessaires.

    Artistes, journalistes, blogueurs cooptés par l’OIM

    Cette campagne s’inscrit dans un agenda global. Le « #Pacte_mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », ou « #Pacte_de_Marrakech », adopté en décembre 2018, recommande par exemple de « mener des campagnes d’information multilingues et factuelles », d’organiser « des réunions de sensibilisation dans les pays d’origine », et ce notamment pour « mettre en lumière les #risques qu’il y a à entreprendre une migration irrégulière pleine de dangers ».

    Pour mieux convaincre les migrants potentiels, l’OIM coopte des #artistes, mais aussi tous les acteurs susceptibles de toucher la #jeunesse tentée par l’aventure de l’émigration. En #Guinée, elle travaille avec des #rappeurs, des #humoristes ou des auteurs de bande-dessinée. Des #journalistes et des #blogueurs se voient proposer une formation pour acquérir des « informations crédibles » sur la migration. L’OIM travaille aussi avec des migrants expulsés, qui sont formés aux « techniques de #communication » pour parler de leur mauvaise expérience de la migration et décourager ceux qui songent à partir.

    Au #Niger, ce sont des matchs de foot et des pièces de #théâtre qui sont organisés afin de diffuser « des informations précises sur la migration aux migrants potentiels ». Dans une démarche paternaliste, voire quelque peu néocoloniale, il s’agit de diffuser des informations « objectives » à des Africains ignorants et crédules qui en manquent cruellement.

    https://www.youtube.com/watch?v=YIMOd2n-Hm0

    Dans une vidéo financée par la #Suisse et diffusée au #Cameroun par l’OIM, on voit un jeune Africain téléphoner à son père depuis une cabine publique. Ils devisent paisiblement. Le fils se montre rassurant, parle de son inscription à l’université et le père est heureux d’apprendre que tout va pour le mieux. Mais d’autres images apparaissent : le même jeune homme est traqué par la police, il est aux abois, contraint de dormir dans la rue, réduit à la mendicité. Autrement dit, les migrants qui disent que tout va bien sont des menteurs. Il ne faut pas les croire : mieux vaut écouter l’OIM.

    Savoir, et partir quand même

    Dans l’optique des concepteurs de ces campagnes, les migrants sont des êtres individualistes et rationnels, des Homo œconomicus qui prennent la meilleure décision possible en fonction des informations dont ils disposent. S’ils décident de partir, c’est qu’ils n’ont pas eu accès aux bonnes infos. Mais s’ils ont la chance d’avoir accès aux informations de l’OIM, ils renonceront et resteront tranquillement chez eux – comme si la vie « à la maison » était exempte de toute forme de violence, de souffrances ou de coercition.

    Ce raisonnement fait l’impasse sur le caractère structurel de l’immigration. Partir n’est pas seulement une décision individuelle prise par des personnes qui cherchent à améliorer leur sort. C’est une dynamique collective nécessaire à des pans entiers de la population : en partant, les migrants espèrent, par exemple, être en mesure d’envoyer de l’argent à leur entourage resté au pays – argent sans lequel de nombreux pays d’émigration s’effondreraient.

    Il est un scénario qui n’est jamais envisagé : celui dans lequel les migrants sauraient, mais partiraient quand même. Ce scénario n’est pas improbable : la crise des migrants et les naufrages en Méditerranée ont fait l’objet d’une couverture médiatique planétaire et la téléphonie mobile connaît une très forte expansion sur le continent africain. Il est donc difficile de concevoir que personne n’en sache rien.

    Diffuser une #culture_de_l’immobilité

    Les politiques de lutte contre l’immigration irrégulière sont donc un enjeu culturel, dans les deux sens du terme. Elles mobilisent les acteurs de la culture, des musiciens aux médias, et aspirent à diffuser une culture de l’#immobilité qui dévalorise l’immigration et incite les gens à rester chez eux.

    Le recours à la culture met indirectement en lumière une des faiblesses des politiques migratoires, c’est-à-dire leur incapacité à convaincre les premiers concernés – les migrants – de leur pertinence : quels que soient les obstacles placés sur leur route, ces derniers ne semblent pas convaincus et continuent d’essayer de migrer – au point qu’il faut user d’autres méthodes que la force pour les persuader de rester chez eux.

    Si, véritablement, les États occidentaux souhaitent s’emparer du problème de la #désinformation en matière de migrations, ils pourraient commencer par financer des campagnes d’information pour contrer les innombrables fake news qui circulent sur le sujet. Comme l’a en effet montré le débat sur le Pacte de Marrakech, ce n’est pas seulement en #Afrique que les gens manquent d’informations sur les migrations. Mais sans doute que dans un monde inégalitaire et asymétrique, ceux qui font fausse route sont-ils toujours les plus faibles.

    https://theconversation.com/quand-la-lutte-contre-limmigration-irreguliere-devient-une-question
    #dissuasion #vidéo #musique #campagne #clip #migrations #asile #réfugiés #sensibilisation #IOM #organisation_internationale_contre_la_migration #paternalisme #football

  • Antonio Gramsci : « Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle »
    https://lemediapresse.fr/idees/antonio-gramsci-je-veux-que-chaque-matin-soit-pour-moi-une-annee-nouve

    Alors que 2019 pointe le bout de son nez, nous avons eu envie de vous faire (re)découvrir la critique de Gramsci à l’encontre du Jour de l’an. Cofondateur du Parti communiste italien (PCI) et opposant au régime de Mussolini, Antonio Gramsci est essentiellement connu pour le concept « d’hégémonie culturelle ». Le militant a été un grand journaliste […]

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822

    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    Bien qu’il ait mené pendant son mandat des politiques conçues pour s’adapter aux préoccupations de la finance nationale et internationale, Lula reste méprisé par les élites, en partie sans doute à cause de ses politiques sociales et des prestations pour les défavorisés – même si d’autres facteurs semblent jouer un rôle : avant tout, la simple haine de classe. Comment un travailleur pauvre, qui n’a pas fait d’études supérieures, et qui ne parle même pas un portugais correct peut-il être autorisé à diriger notre pays ?

    Alors qu’il était au pouvoir, Lula était toléré par les puissances occidentales, malgré quelques réserves. Mais son succès dans la propulsion du Brésil au centre de la scène mondiale n’a pas soulevé l’enthousiasme. Avec son ministre des Affaires étrangères Celso Amorim, ils commençaient à réaliser les prédictions d’il y a un siècle selon lesquelles le Brésil allait devenir « le colosse du Sud ». Ainsi, certaines de leurs initiatives ont été sévèrement condamnées, notamment les mesures qu’ils ont prises en 2010, en coordination avec la Turquie, pour résoudre le conflit au sujet du programme nucléaire iranien, contre la volonté affirmée des États-Unis de diriger l’événement. Plus généralement, le rôle de premier plan joué par le Brésil dans la promotion de puissances non alignées sur les Occidentaux, en Amérique latine et au-delà, n’a pas été bien reçu par ceux qui ont l’habitude de dominer le monde.

    Lula étant interdit de participer à l’élection, il y a un grand risque pour que le favori de la droite, Jair Bolsonaro, soit élu à la présidence et accentue la politique durement réactionnaire du président Michel Temer, qui a remplacé Dilma Rousseff après qu’elle a été destituée pour des motifs ridicules, au cours du précédent épisode du « coup d’État en douceur » en train de se jouer dans le plus important pays d’Amérique Latine.

    Bolsonaro se présente comme un autoritaire dur et brutal et comme un admirateur de la dictature militaire, qui va rétablir « l’ordre ». Une partie de son succès vient de ce qu’il se fait passer pour un homme nouveau qui démantèlera l’establishment politique corrompu, que de nombreux Brésiliens méprisent pour de bonnes raisons. Une situation locale comparable aux réactions vues partout dans le monde contre les dégâts provoqués par l’offensive néolibérale de la vieille génération.

    Bolsonaro affirme qu’il ne connaît rien à l’économie, laissant ce domaine à l’économiste Paulo Guedes, un ultralibéral, produit de l’École de Chicago. Guedes est clair et explicite sur sa solution aux problèmes du Brésil : « tout privatiser », soit l’ensemble de l’infrastructure nationale, afin de rembourser la dette des prédateurs qui saignent à blanc le pays. Littéralement tout privatiser, de façon à être bien certain que le pays périclite complètement et devienne le jouet des institutions financières dominantes et de la classe la plus fortunée. Guedes a travaillé pendant un certain temps au Chili sous la dictature de Pinochet, il est donc peut-être utile de rappeler les résultats de la première expérience de ce néolibéralisme de Chicago.

    L’expérience, initiée après le coup d’État militaire de 1973 qui avait préparé le terrain par la terreur et la torture, s’est déroulée dans des conditions quasi optimales. Il ne pouvait y avoir de dissidence – la Villa Grimaldi et ses équivalents s’en sont bien occupés. L’expérimentation était supervisée par les superstars de l’économie de Chicago. Elle a bénéficié d’un énorme soutien de la part des États-Unis, du monde des affaires et des institutions financières internationales. Et les planificateurs économiques ont eu la sagesse de ne pas interférer dans les affaires de l’entreprise Codelco, la plus grande société minière de cuivre au monde, une entreprise publique hautement efficace, qui a ainsi pu fournir une base solide à l’économie de Pinochet.

    Pendant quelques années, cette expérience fut largement saluée ; puis le silence s’est installé. Malgré les conditions presque parfaites, en 1982, les « Chicago boys » avaient réussi à faire s’effondrer l’économie. L’État a dû en reprendre en charge une grande partie, plus encore que pendant les années Allende. Des plaisantins ont appelé ça « la route de Chicago vers le socialisme ». L’économie, en grande partie remise aux mains des dirigeants antérieurs, a réémergé, non sans séquelles persistantes de la catastrophe dans les systèmes éducatifs, sociaux, et ailleurs.

    Pour en revenir aux préconisations de Bolsonaro-Guedes pour fragiliser le Brésil, il est important de garder à l’esprit la puissance écrasante de la finance dans l’économie politique brésilienne. L’économiste brésilien Ladislau Dowbor rapporte, dans son ouvrage A era do capital improdutivo (« Une ère de capital improductif »), que lorsque l’économie brésilienne est entrée en récession en 2014, les grandes banques ont accru leurs profits de 25 à 30 %, « une dynamique dans laquelle plus les banques font des bénéfices, plus l’économie stagne » puisque « les intermédiaires financiers n’alimentent pas la production, ils la ponctionnent ».

    En outre, poursuit M. Dowbor, « après 2014, le PIB a fortement chuté alors que les intérêts et les bénéfices des intermédiaires financiers ont augmenté de 20 à 30 % par an », une caractéristique structurelle d’un système financier qui « ne sert pas l’économie, mais est servi par elle. Il s’agit d’une productivité nette négative. La machine financière vit aux dépens de l’économie réelle. »

    Le phénomène est mondial. Joseph Stiglitz résume la situation simplement : « alors qu’auparavant la finance était un mécanisme permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises, aujourd’hui elle fonctionne pour en retirer de l’argent ». C’est l’un des profonds renversements de la politique socio-économique dont est responsable l’assaut néolibéral ; il est également responsable de la forte concentration de la richesse entre les mains d’un petit nombre alors que la majorité stagne, de la diminution des prestations sociales, et de l’affaiblissement de la démocratie, fragilisée par les institutions financières prédatrices. Il y a là les principales sources du ressentiment, de la colère et du mépris à l’égard des institutions gouvernementales qui balayent une grande partie du monde, et souvent appelé – à tort – « populisme ».

    C’est l’avenir programmé par la ploutocratie et ses candidats. Un avenir qui serait compromis par un nouveau mandat à la présidence de Lula. Il répondait certes aux exigences des institutions financières et du monde des affaires en général, mais pas suffisamment pour notre époque de capitalisme sauvage.

    On pourrait s’attarder un instant sur ce qui s’est passé au Brésil pendant les années Lula – « la décennie d’or », selon les termes de la Banque mondiale en mai 2016 [1]. Au cours de ces années, l’étude de la banque rapporte :

    « Les progrès socio-économiques du Brésil ont été remarquables et mondialement reconnus. À partir de 2003 [début du mandat de Lula], le pays est reconnu pour son succès dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et pour sa capacité à créer des emplois. Des politiques novatrices et efficaces visant à réduire la pauvreté et à assurer l’intégration de groupes qui auparavant étaient exclus ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. »

    Et plus encore :

    « Le Brésil a également assumé des responsabilités mondiales. Il a réussi à poursuivre sa prospérité économique tout en protégeant son patrimoine naturel unique. Le Brésil est devenu l’un des plus importants donateurs émergents, avec des engagements importants, en particulier en Afrique subsaharienne, et un acteur majeur dans les négociations internationales sur le climat. La trajectoire de développement du Brésil au cours de la dernière décennie a montré qu’une croissance fondée sur une prospérité partagée, mais équilibrée dans le respect de l’environnement, est possible. Les Brésiliens sont fiers, à juste titre, de ces réalisations saluées sur la scène internationale. »

    Du moins certains Brésiliens, pas ceux qui détiennent le pouvoir économique.

    Le rapport de la Banque mondiale rejette le point de vue répandu selon lequel les progrès substantiels étaient « une illusion, créée par le boom des produits de base, mais insoutenable dans l’environnement international actuel, moins clément ». La Banque mondiale répond à cette affirmation par un « non » ferme et catégorique : « il n’y a aucune raison pour que ces gains socio-économiques récents soient effacés ; en réalité, ils pourraient bien être amplifiés avec de bonnes politiques. »

    Les bonnes politiques devraient comprendre des réformes radicales du cadre institutionnel hérité de la présidence Cardoso, qui a été maintenu pendant les années Lula-Dilma, satisfaisant ainsi les exigences de la communauté financière, notamment une faible imposition des riches et des taux d’intérêt exorbitants, ce qui a conduit à l’augmentation de grandes fortunes pour quelques-uns, tout en attirant les capitaux vers la finance au détriment des investissements productifs. La ploutocratie et le monopole médiatique accusent les politiques sociales d’assécher l’économie, mais dans les faits, les études économiques montrent que l’effet multiplicateur de l’aide financière aux pauvres a stimulé l’économie alors que ce sont les revenus financiers produits par les taux d’intérêt usuraires et autres cadeaux à la finance qui ont provoqué la véritable crise de 2013 – une crise que « les bonnes politiques » auraient permis de surmonter.

    L’éminent économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances, décrit succinctement le déterminant majeur de la crise en cours : « il n’y a pas de raison économique » pour justifier le blocage des dépenses publiques tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé ; « la cause fondamentale des taux élevés au Brésil, c’est le fait des prêteurs et des financiers » avec ses conséquences dramatiques, appuyé par le corps législatif (élu avec le soutien financier des entreprises) et le monopole des médias qui relaient essentiellement la voix des intérêts privés.

    Dowbor montre que tout au long de l’histoire moderne du Brésil, les remises en question du cadre institutionnel ont conduit à des coups d’État, « à commencer par le renvoi et le suicide de Vargas [en 1954] et le putsch de 1964 » (fermement soutenu par Washington). Il y a de bonnes raisons de penser que la même chose s’est produite pendant le « coup d’État en douceur » en cours depuis 2013. Cette campagne des élites traditionnelles, aujourd’hui concentrées dans le secteur financier et servie par des médias qu’ils possèdent, a connu une accélération en 2013, lorsque Dilma Rousseff a cherché à ramener les taux d’intérêt extravagants à un niveau raisonnable, menaçant ainsi de tarir le torrent d’argent facile dont profitait la minorité qui pouvait se permettre de jouer sur les marchés financiers.

    La campagne actuelle visant à préserver le cadre institutionnel et à revenir sur les acquis de « la décennie glorieuse » exploite la corruption à laquelle le Parti des travailleurs de Lula, le PT, a participé. La corruption est bien réelle, et grave, même si le fait de diaboliser le PT est une pure instrumentalisation, en regard des écarts de conduite de ses accusateurs. Et comme nous l’avons déjà mentionné, les accusations portées contre Lula, même si l’on devait lui en reconnaître les torts, ne peuvent être prises au sérieux pour justifier la peine qui lui a été infligée dans le but de l’exclure du système politique. Tout cela fait de lui l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période actuelle.

    La réaction récurrente des élites face aux menaces qui pèsent sur le cadre institutionnel de l’économie sociopolitique au Brésil trouve son équivalent dans la riposte internationale contre les remises en cause, par le monde en développement, du système néocolonial hérité de siècles de dévastations impérialistes occidentales. Dans les années 1950, dans les premiers jours de la décolonisation, le mouvement des pays non-alignés a cherché à faire son entrée dans les affaires mondiales. Il a été rapidement remis à sa place par les puissances occidentales. En témoigne dramatiquement l’assassinat du leader congolais, très prometteur, Patrice Lumumba, par les dirigeants historiques belges (devançant la CIA). Ce crime et les violences qui ont suivi ont mis fin aux espoirs de ce qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui reste « l’horreur ! l’horreur ! » avec la collaboration des tortionnaires historiques de l’Afrique.

    Néanmoins, les voix gênantes des victimes historiques ne cessaient de s’élever. Dans les années 1960 et 1970, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, avec le concours important d’économistes brésiliens, a présenté des plans pour un Nouvel Ordre Économique International, dans lequel les préoccupations des « sociétés en développement » – la grande majorité de la population mondiale – auraient été examinées. Une initiative rapidement écrasée par la régression néolibérale.

    Quelques années plus tard, au sein de l’UNESCO, les pays du Sud ont appelé à un nouvel ordre international de l’information qui ouvrirait le système mondial des médias et de la communication à des acteurs extérieurs au monopole occidental. Cette initiative a déchaîné une riposte extrêmement violente qui a traversé tout le spectre politique, avec des mensonges éhontés et des accusations ridicules, et qui finalement a entraîné le retrait du président américain Ronald Reagan, sous de faux prétextes, de l’UNESCO. Tout cela a été dévoilé dans une étude accablante (donc peu lue) des spécialistes des médias William Preston, Edward S. Herman et Herbert Schiller [2].

    L’étude menée en 1993 par le South Centre, qui montrait que l’hémorragie de capitaux depuis les pays pauvres vers les pays riches s’était accompagnée d’exportations de capitaux vers le FMI et la Banque mondiale, qui sont désormais « bénéficiaires nets des ressources des pays en développement », a également été soigneusement passée sous silence. De même que la déclaration du premier sommet du Sud, qui avait rassemblé 133 États en 2000, en réponse à l’enthousiasme de l’Occident pour sa nouvelle doctrine d’« intervention humanitaire ». Aux yeux des pays du Sud, « le soi-disant droit d’intervention humanitaire » est une nouvelle forme d’impérialisme, « qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies ni dans les principes généraux du droit international ».

    Sans surprise, les puissants n’apprécient guère les remises en cause, et disposent de nombreux moyens pour y répliquer ou pour les réduire au silence.

    Il y aurait beaucoup à dire sur la corruption endémique de la politique latino-américaine, souvent solennellement condamnée par l’Occident. Il est vrai, c’est un fléau, qui ne devrait pas être toléré. Mais elle n’est pas limitée aux « pays en voie de développement ». Par exemple, ce n’est pas une petite aberration que dans nos pays, les gigantesques banques reçoivent des amendes de dizaines de milliards de dollars (JPMorgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Citigroup) à l’issue d’accords négociés à l’amiable, mais que personne ne soit légalement coupable de ces activités criminelles, qui détruisent pourtant des millions de vies. Remarquant que « les multinationales américaines avaient de plus en plus de difficultés à ne pas basculer dans l’illégalité », l’hebdomadaire londonien The Economist du 30 août 2014 rapportait que 2 163 condamnations d’entreprise avaient été comptabilisées entre 2000 et 2014 – et ces multinationales sont nombreuses à Londres et sur le continent européen [3].

    La corruption couvre tout un registre, depuis les énormités qu’on vient de voir jusqu’aux plus petites mesquineries. Le vol des salaires, une épidémie aux États-Unis, en donne un exemple particulièrement ordinaire et instructif. On estime que les deux tiers des travailleurs à bas salaire sont volés sur leur rémunération chaque semaine, tandis que les trois quarts se voient voler tout ou partie de leur rémunération pour les heures supplémentaires. Les sommes ainsi volées chaque année sur les salaires des employés excèdent la somme des vols commis dans les banques, les stations-service et les commerces de proximité. Et pourtant, presque aucune action coercitive n’est engagée sur ce point. Le maintien de cette impunité revêt une importance cruciale pour le monde des affaires, à tel point qu’il est une des priorités du principal lobby entrepreneurial, le American Legislative Exchange Council (ALEC), qui bénéficie des largesses financières des entreprises.

    La tâche principale de l’ALEC est d’élaborer un cadre législatif pour les États. Un but facile puisque, d’une part, les législateurs sont financés par les entreprises et, d’autre part, les médias s’intéressent peu au sujet. Des programmes méthodiques et intenses soutenus par l’ALEC sont donc capables de faire évoluer les contours de la politique d’un pays, sans préavis, ce qui constitue une attaque souterraine contre la démocratie mais avec des effets importants. Et l’une de leurs initiatives législatives consiste à faire en sorte que les vols de salaires ne soient pas soumis à des contrôles ni à l’application de la loi.

    Mais la corruption, qui est un crime, qu’elle soit massive ou minime, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La corruption la plus grave est légale. Par exemple, le recours aux paradis fiscaux draine environ un quart, voire davantage, des 80 000 milliards de dollars de l’économie mondiale, créant un système économique indépendant exempt de surveillance et de réglementation, un refuge pour toutes sortes d’activités criminelles, ainsi que pour les impôts qu’on ne veut pas payer. Il n’est pas non plus techniquement illégal pour Amazon, qui vient de devenir la deuxième société à dépasser les 1 000 milliards de dollars de valeur, de bénéficier d’allègements fiscaux sur les ventes. Ou que l’entreprise utilise environ 2 % de l’électricité américaine à des tarifs très préférentiels, conformément à « une longue tradition américaine de transfert des coûts depuis les entreprises vers les plus démunis, qui consacrent déjà aux factures des services publics, en proportion de leurs revenus, environ trois fois plus que ne le font les ménages aisés », comme le rapporte la presse économique [4].

    Il y a une liste infinie d’autres exemples.

    Un autre exemple important, c’est l’achat des voix lors des élections, un sujet qui a été étudié en profondeur, en particulier par le politologue Thomas Ferguson. Ses recherches, ainsi que celles de ses collègues, ont montré que l’éligibilité du Congrès et de l’exécutif est prévisible avec une précision remarquable à partir de la variable unique des dépenses électorales, une tendance très forte qui remonte loin dans l’histoire politique américaine et qui s’étend jusqu’aux élections de 2016 [5]. La corruption latino-américaine est considérée comme un fléau, alors que la transformation de la démocratie formelle en un instrument entre les mains de la fortune privée est parfaitement légale.

    Bien sûr, ce n’est pas que l’interférence dans les élections ne soit plus à l’ordre du jour. Au contraire, l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016 est un sujet majeur de l’époque, un sujet d’enquêtes acharnées et de commentaires endiablés. En revanche, le rôle écrasant du monde de l’entreprise et des fortunes privées dans la corruption des élections de 2016, selon une tradition qui remonte à plus d’un siècle, est à peine reconnu. Après tout, il est parfaitement légal, il est même approuvé et renforcé par les décisions de la Cour suprême la plus réactionnaire de mémoire d’homme.

    L’achat d’élections n’est pas la pire des interventions des entreprises dans la démocratie américaine immaculée, souillée par les hackers russes (avec des résultats indétectables). Les dépenses de campagne atteignent des sommets, mais elles sont éclipsées par le lobbying, qui représenterait environ 10 fois ces dépenses – un fléau qui s’est rapidement aggravé dès les premiers jours de la régression néolibérale. Ses effets sur la législation sont considérables, le lobbyiste allant jusqu’à la rédaction littérale des lois, alors que le parlementaire – qui signe le projet de loi – est quelque part ailleurs, occupé à collecter des fonds pour la prochaine campagne électorale.

    La corruption est effectivement un fléau au Brésil et en Amérique latine en général, mais ils restent des petits joueurs.

    Tout cela nous ramène à la prison, où l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période est maintenu en isolement pour que le « coup d’État en douceur » au Brésil puisse se poursuivre, avec des conséquences certaines qui seront sévères pour la société brésilienne, et pour le monde entier, étant donné le rôle potentiel du Brésil.

    Tout cela peut continuer, à une condition, que ce qui se passe continue d’être toléré. »

    Noam Chomsky

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui
    Là-bas si j’y suis | Le 24 octobre 2018
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822

    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    #Brésil #Lula
    autre traduction : https://seenthis.net/messages/729317

  • Pourquoi Antonio Gramsci nous appelle à la guerre de position
    http://lvsl.fr/pourquoi-antonio-gramsci-nous-appelle-a-la-guerre-de-position

    Au-delà des « lieux » fictifs ou réels, au sein desquels les acteurs politiques mènent la guerre de position, on peut étendre cette lutte à l’ensemble des signifiants sur lesquels repose une certaine hégémonie. Ainsi, les forces politiques en présence doivent conduire des assauts pour s’emparer de ces bastions que sont la crédibilité, la justice, l’autorité, etc. L’enjeu n’est pas de mimer l’adversaire, mais de travailler le sens de ces notions, tout en s’en emparant. Cette lutte ne consiste donc pas à produire une vision du monde hors-sol et à la faire fructifier dans l’ensemble de la société. Il ne suffit pas de diffuser une idéologie abstraite. Une vision du monde, pour se répandre, doit absolument puiser dans l’état idéologique et culturel d’une société donnée. Le sens commun, à la fois unifié et fragmenté, est le terrain de lutte de la guerre de position. La bataille politique est alors une lutte pour le sens. Elle est inséparable d’une analyse permanente de l’état idéologique de la société, de reconnaissance du terrain sur lequel la lutte a lieu. Il ne s’agit pas uniquement d’analyse, mais aussi de capacité à « sentir ». Gramsci explique ainsi que : « L’élément populaire « sent » mais ne comprend pas ou ne sait pas toujours ; l’élément intellectuel « sait », mais ne comprend pas ou surtout ne « sent » pas toujours ». Les stratèges et les intellectuels organiques producteurs d’idéologie ne doivent jamais oublier cette donnée, et doivent donc toujours tenter de s’imprégner de ce sens commun avant de tenter le travailler à leur tour. Sans quoi leur adversaire occupera le terrain.

    « Emmanuel Macron n’est donc pas une « dernière cartouche du système »

    L’art de la politique moderne est un art dynamique, car le terrain de la lutte n’est jamais statique, et le sens commun, diffracté, ne l’est pas non plus. La guerre de position est donc aussi, d’une certaine façon, un art du repositionnement permanent. C’est ce qu’a bien compris Emmanuel Macron. Devant la dévalorisation symbolique des partis politiques, il a incorporé une partie de la critique destituante envers le « système », il a pris en charge une partie de ce sens commun, et a mené un projet de régénération qui refonde l’hégémonie néolibérale. Comme la critique artiste de Mai 68 en son temps, absorbée avec brio par le capitalisme grâce au néo-management « joyeux et inventif » ou grâce à la valorisation de « l’autonomie du travailleur » comme le décrivent Eve Chiapello et Luc Boltanski dans Le nouvel esprit du capitalisme (1999), le projet macroniste a incorporé une partie de la critique démocratique qui structurait les dernières années, et qui s’exprimait par la crise de représentation des partis et par un vote « souverainiste » croissant. L’omniprésence de la thématique de la « société civile » est au cœur de cette stratégie de régénération du projet néolibéral. Emmanuel Macron n’est donc pas une « dernière cartouche du système ». Le bloc hégémonique néolibéral, tant qu’il n’est pas désarticulé profondément par une guerre de position adéquate, trouve toujours un moyen de diminuer la pression en incorporant une partie de la critique des forces adverses. Ainsi, une stratégie pertinente exige de débouter le bloc hégémonique néolibéral de toutes les positions qui assurent sa cohérence globale et sa capacité régénératrice.

    Le grand soir n’aura pas lieu

    Les forces contre-hégémoniques ne peuvent donc espérer un « grand soir » ou une étincelle qui « mettra le feu à la plaine », et conduirait à remodeler définitivement les rapports de force. En France, seule l’élection présidentielle est un moment de politisation suffisamment puissant pour que les rapports de force basculent dans les grandes largeurs. Que faire dans l’interlude ? Il faut mener un travail de sape multidimensionnel. Sans être exhaustif, produire des cadres, développer une vision du monde, investir les médias, se constituer en média, analyser l’adversaire, l’affaiblir sur les points clés sur lesquels sa domination repose et construire une crédibilité sont autant d’objectifs intermédiaires à atteindre dans la guerre de position. Ils n’ont néanmoins de sens qu’en étant articulés afin de se doter d’une capacité à déterminer l’agenda, car la maîtrise de la narration de la politique est sûrement le meilleur moyen de conquérir la centralité. La détermination de l’agenda doit être globale, et ne peut pas se réduire à l’agenda de la lutte sociale. C’est pourquoi une force culturelle structurée doit offrir une vision du monde générale et unifiée. La politique est alors à la fois une lutte pour le sens et pour la construction du récit quotidien de la société sur elle-même.

  • Karl Marx fait son come-back aux Etats-Unis

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/04/19/karl-marx-fait-son-come-back-aux-etats-unis_5287668_3232.html

    Une partie de la jeunesse américaine trouve dans les idées du philosophe allemand des outils pour comprendre la société. Enquête sur le renouveau du marxisme au pays du maccarthysme.

    Karl Marx aurait eu 200 ans en mai. A l’heure de ce bicentenaire, toute une actualité éditoriale et événementielle revient sur la vie et l’œuvre du philosophe, aujourd’hui unanimement reconnu comme un auteur majeur, et sans doute le meilleur penseur du capitalisme. Mais qu’en est-il du Marx militant qui inspira les révolutions socialistes du XXe siècle, celui qu’évoque Raoul Peck dans son film Le Jeune Karl Marx (2017) ? A-t-il encore des disciples, trente ans après la chute du rideau de fer ? La réponse est oui. Mais contre toute attente, ils ont 20 ans et ils sont… américains !

    Critique du capitalisme

    L’organisation Democratic Socialists of America (DSA), issue de la scission du Parti socialiste d’Amérique en 1973, a vu ses effectifs multipliés par quatre ces deux dernières années, dépassant les 32 000 adhérents. Considéré jusque-là comme représentant l’aile gauche du Parti démocrate, mais en réalité dans une situation de dépendance à son égard et donc peu radical dans ses prises de position, le mouvement a récemment été investi par de jeunes militants désireux d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la gauche américaine, sur un ton beaucoup plus critique du capitalisme que celui de leurs prédécesseurs.

    Conséquence de cet afflux, l’âge médian de ses membres est passé de 68 ans en 2013 à 33 actuellement. Alors que le qualificatif de « socialiste » effrayait leurs aînés, qui le jugeaient indissociable des régimes totalitaires du XXe siècle, une nouvelle génération n’hésite plus à se définir comme tel, et à revendiquer une lecture « marxiste » des événements. Seth Ackerman, rédacteur en chef de la revue de gauche radicale Jacobin, confirme : « Quand j’avais 20 ans [il en a 35], se déclarer socialiste relevait de l’excentricité. Aujourd’hui, c’est un qualificatif que de nombreux jeunes assument. »

    Dans un pays où l’anticommunisme et l’antimarxisme ont souvent paru aller de soi, comment expliquer un tel engouement ? Pour ­Jeffrey Isaac, professeur de sciences politiques à l’université de l’Indiana, « cet intérêt s’inscrit évidemment dans le sillage de la grande crise qu’a connu le néolibéralisme en 2008 ». La crise financière de 2008 qui, rappelons-le, fit perdre leur maison à plusieurs millions d’Américains, a ouvert une brèche dans les consciences. S’en est suivi le mouvement Occupy Wall Street et son slogan « Nous sommes les 99 % », dénonçant la concentration des richesses dans les mains d’une infime minorité.

    « Un moment de césure historique »

    Cet élan n’a pas eu d’effet politique direct, mais beaucoup considèrent qu’il a préparé le terrain à la campagne de Bernie Sanders lors des primaires pour l’élection présidentielle de 2016, dont le ton tranchait au regard du discours traditionnel du Parti démocrate. La victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton acheva douloureusement la séquence.

    Non seulement il avait manqué à cette dernière les voix d’une partie de la gauche, qui voyait en elle la candidate de Wall Street, mais, plus perturbant encore, 8,5 millions de personnes qui, en 2012, avaient voté pour Obama apportaient quatre ans plus tard leur soutien à ­Donald Trump, séduits par les mesures protectionnistes de son programme et sa promesse de recréer des emplois américains. Pour toute une partie de la gauche américaine, en particulier les plus jeunes dont la conscience politique s’était formée pendant ces années de crise, preuve était faite qu’il fallait penser l’avenir autrement.

    Cette mise en échec de la pensée de gauche, soupçonnée de s’être accommodée du néolibéralisme et d’avoir renoncé à en combattre les effets, nourrit le renouveau de la pensée progressiste.

    La philosophe Nancy Fraser remarque que la critique de l’économie politique classique y a pris une place inédite : « Depuis les années 1970, aux Etats-Unis, la pensée radicale et militante s’était développée en silo, portée par des groupes aux objectifs spécifiques – le féminisme, l’écologie, le genre… Aujourd’hui, il y a une tentative de convergence de ces mobilisations dans un cadre plus large. Et la critique du néolibéralisme apparaît comme un dénominateur commun à ces groupes. » Avec en ligne de mire la possibilité de définir de nouvelles stratégies politiques : « Il existe des convergences entre une partie de l’électorat de Trump – si on exclut le cœur très à droite et raciste, à mon avis minoritaire – et celui de Sanders. Ce sont des gens qui rejettent le statu quo néolibéral. Je pense que l’on est à un moment de césure historique », ajoute-t-elle.

    N’en concluons pas pour autant que les Etats-Unis découvrent l’auteur du Capital. L’historien Michael Kazin, rédacteur en chef de la revue Dissent, rappelle que « l’essentiel de l’œuvre de Marx était traduit en anglais vers 1920 » et que « le marxisme a eu une influence majeure sur la vie intellectuelle américaine entre les années 1890 et 1940, aux grandes heures du Parti socialiste puis du Parti communiste, lorsque le nombre de leurs adhérents et leur influence culturelle étaient au plus haut ». Mais la seconde guerre mondiale puis le maccarthysme ont mis un coup d’arrêt à ce rayonnement. Du reste, la plupart des jeunes qui se déclarent aujourd’hui socialistes ignorent l’histoire du socialisme américain, dont ils connaissent à peine les grandes figures.

    Nancy Fraser voit dans la faiblesse de ce regard historique un phénomène récurrent : « Pendant longtemps, je n’ai rien su de l’histoire, pourtant riche, des mobilisations de la gauche aux Etats-Unis. » C’est aussi vers Marx que se tourna sa génération, celle de la « nouvelle gauche » des années 1960-1970, ainsi que vers des figures marxistes telles que l’italien Antonio Gramsci et le français Louis Althusser. Mais dans une perspective très différente de celle qui anime aujourd’hui les jeunes socialistes américains.

    Le philosophe Dick Howard, membre du comité de rédaction de la revue Esprit, se souvient des raisons qui ont poussé sa génération à lire Marx : « Nous étions les premiers représentants du baby-boom. Le monde changeait sous nos yeux. Et nous rejetions cette consommation de masse. Les écrits de jeunesse de Marx, et notamment les Manuscrits de 1844, qui explorent la notion d’aliénation, étaient très importants pour nous dans ce contexte. »

    Dénoncer les inégalités

    Les Etats-Unis sont alors en guerre contre le Vietnam, le mouvement pour les droits civiques des Afro-Américains bat son plein. « Le contexte était très différent de ce qu’il est actuellement. L’anti-impérialisme, le mouvement antiguerre étaient au cœur de nos préoccupations, souligne Nancy Fraser. Surtout, la question des classes sociales n’était pas brûlante. Les travailleurs se considéraient comme faisant partie de la classe moyenne en ascension. »

    En revanche, « les générations d’aujourd’hui se tournent vers le marxisme pour de tout autres raisons. Elles font l’expérience de la précarité, de la dette. Le marxisme et le socialisme leur permettent de penser ces inégalités ». De fait, le rêve américain s’est dangereusement fissuré pour les millennials, nés entre 1980 et 2000. Ils gagnent en moyenne 20 % de moins que leurs parents au même âge et sont significativement endettés pour plus de la moitié d’entre eux.

    L’œuvre de Marx a donc retrouvé sa fonction majeure de critique du capitalisme : elle permet à la jeunesse américaine de dénoncer des inégalités économiques et sociales perçues comme insoutenables. Mais n’est-ce pas édulcorer la pensée de Marx que de voir en lui un humaniste épris de justice sociale ? L’apport majeur de Marx à la critique du capitalisme ne fut pas de pointer les inégalités, mais de décrire les conflits de classe qui les produisent, et d’en tirer les conséquences pratiques pour transformer l’économie et la société. Comme le rappelle Dick Howard, « pour Marx, le prolétariat n’est pas seulement une force de refus et d’indignation. Il est porteur d’un projet de société ».

    Or il n’est pas certain que les jeunes socialistes américains mobilisent le marxisme comme fondement d’un projet politique nouveau. Le mouvement Occupy n’était pas sous-tendu par une approche fondée sur le conflit de classes, mais reposait sur une dénonciation de la concentration des richesses, d’une part, et sur l’exigence de renouvellement des pratiques démocratiques, d’autre part. Des thèmes qui n’appartiennent pas en propre au marxisme.

    Quant à Bernie Sanders, comme le rappelle Jeffrey Isaac, « il ne préconise pas l’abolition de la propriété privée dans les moyens de production, ni l’expropriation des grandes fortunes. Il préconise le démantèlement des grandes banques, la mise en place d’impôts sur le revenu plus progressifs et le subventionnement public des soins de santé et de l’éducation – des choses pour la plupart assez courantes en Europe ».

    La jeunesse américaine n’est donc probablement pas en train de préparer la révolution, même si Seth Ackerman, de Jacobin, observe malicieusement : « Nos lecteurs et ceux qui se tournent vers le socialisme sont des jeunes gens éduqués, souvent très endettés, qui perdent toutes leurs illusions en arrivant sur le marché du travail. Or Lénine a bien insisté sur l’importance d’une avant-garde éclairée – et précarisée – dans le processus révolutionnaire. »

    Qui sait néanmoins si cette remobilisation de la grille de lecture marxiste ne pourrait, un jour, retraverser l’Atlantique et nourrir de nouvelles radicalités européennes, à la recherche d’une idéologie mobilisatrice ? L’avenir nous le dira.

  • Comment gagner la « bataille culturelle » ?
    https://la-bas.org/4982

    « Il faut gagner la bataille culturelle. » Cette expression empruntée à Gramsci est devenue le mantra des femmes et des hommes politiques, de la socialiste Najat Vallaud-Belkacem à l’extrême droite Marion Maréchal-Le Pen, pour expliquer leurs défaites politiques ou électorales. Pas sûr qu’Antonio Gramsci, penseur marxiste, fondateur du Parti communiste italien emprisonné 11 ans par le régime fasciste, apprécierait cette descendance. Razmig Keucheyan revient au texte de Gramsci pour expliquer ce que la bataille culturelle n’est pas… et ce qu’elle devrait être.Continuer la lecture…

    #Radio #Autour_du_Monde_diplomatique #Politique

  • Antonio Gramsci et ses ennemis
    http://lvsl.fr/antonio-gramsci-et-ses-ennemis

    Délivrez-nous des purs !

    « Ah, les purs ! … Toutes les idées, tous les partis ont de ces gardiens de la pureté, hystériques et fanatiques, mauvais garçons qui se masturbent, ou vieux célibataires aigris, qui sont profondément convaincus d’avoir reçu la mission de propager le vrai christianisme, ou la vraie république, ou le vrai socialisme et sauvent à tout moment les faibles âmes des contacts peccamineux, et écrasent les hérétiques sous le poids de leur sainte immaculée indignation.

    Qui nous sauvera, o Christ, o Marx, o Mazzini, de vos très purs et incorruptibles disciples ? »

    En lançant ces imprécations, Gramsci clame son exaspération à l’égard des militants cramponnés à des étiquettes politiques périmées, à des principes abstraits, à des entités morales désincarnées. Les actuels missionnaires de la « vraie » gauche ou de la « vraie » droite pourraient allonger la liste. Ces « purs », comme Gramsci les appelle, risquent de s’aveugler sur les enjeux immédiats et sur l’évolution réelle des rapports sociaux. Confites dans une auto-complaisante intransigeance, ces bonnes âmes s’épuisent pour des absolus qui les décevront. A force de fuir le « contact peccamineux » des idées qui leur déplaisent, la possibilité même d’une contradiction leur paraît extravagante. L’existence de l’adversaire devient une aberration à traiter par le mépris ou la dérision. Et cela, quelque soit son crédit auprès du grand nombre. On doit à cette tendance l’infamant épithète « populiste ». Le traitement du peuple mal-votant, celui qui bascule vers les extrêmes, par des élites empanachées de vertu nous suggère que Gramsci avait vu juste.

  • « Je hais le Nouvel an »
    http://www.contretemps.eu/gramsci-je-hais-le-nouvel-an

    Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année. C’est pourquoi je hais ces nouvel an à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. On finit par croire sérieusement que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette ses erreurs etc. etc. C’est un travers des dates en général. On dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire ; on peut l’admettre. Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien élevée conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvel an. Le nouvel an de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne. Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que la vie en Italie a commencé en 752, et que 1490 ou 1492 sont comme des montagnes que l’humanité a franchies d’un seul coup en se retrouvant dans un nouveau monde, en entrant dans une nouvelle vie. Ainsi la date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante. Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle. Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant.

    Antonio Gramsci, 1er janvier 1916 sur l’ Avanti !, édition de Turin, rubrique « Sotto la Mole ».

  • Le vertige mortifère du marxisme culturel (I)
    http://www.dedefensa.org/article/le-vertige-mortifere-du-marxisme-culturel-i

    Le vertige mortifère du marxisme culturel (I)

    Si la fuite en avant semble caractériser les errements de l’occident, il faudrait bien prendre le temps d’en cerner les causes. Il semblerait que la faillite des idéologies de la gauche des lumières coïncide avec la déréliction d’un néolibéralisme qui table de plus en plus sur la division sociale pour imposer sa loi. C’est dans contexte que l’on peut affirmer que les avatars du marxisme culturel ont fini par être récupérés par les marchés financiers. Les théories du genre deviennent les nouveaux évangiles d’un impérialisme planétaire plongé dans une mutation véritablement suicidaire.

    L’Hégémonie culturelle ou le crépuscule du langage

    Antonio Gramsci, idéologue marxiste hérétique, réalisant que la Révolution bolchévique n’est pas duplicable en Europe de l’Ouest, (...)

  • Le pire n’est pas normal
    https://mouisebourgeoispresents.wordpress.com/2017/04/22/le-pire-nest-pas-normal

    Boire une tasse de thé, fumer une clope, faire ma revue de presse quotidienne, écouter de la musique en même temps pour empêcher à ma petite voix intérieure, qui hurle en lisant les infos, de prendre toute la place dans mon cerveau. Refaire une tasse de thé, rallumer une clope, penser qu’il faudrait que j’arrête… Source : Mouise Bourgeois presents

    • « Je vais être très clair »… Probablement ignorant des logiques élémentaires du symptôme, Emmanuel Macron semble ne pas voir combien cette manière répétitive de commencer chacune de ses réponses trahit le désir profond de recouvrement qui anime toute sa campagne. « Entre le flou et le rien, continuez de baigner », voilà ce qu’il faut entendre en fait à chacune de ses promesses de clarté. À sa décharge, on admettra que déférer à l’obligation de parler quand on a surtout l’intention de ne rien dire est l’un de ces fléaux de la « démocratie » contre lequel on n’a pas encore trouvé d’antidote satisfaisant. On objectera que la plupart des candidats finissent par s’accommoder de ce long et mauvais moment à passer, et que le mensonge de campagne est un genre bien établi qui ne devrait plus rien avoir pour surprendre quiconque. Le problème pour Emmanuel Macron prend cependant des proportions inédites car il ne s’agit plus simplement de faire passer en douce une ou deux énormités, fussent-elles du calibre de « la finance, mon ennemie » : c’est sa campagne dans son intégralité, et jusqu’à sa personne même comme candidat, qui constituent une entreprise essentiellement frauduleuse...

    • http://lvsl.fr/emmanuel-macron-anatomie-dune-strategie-politique
      Emmanuel Macron et le populisme

      Le 19 mars dernier, l’ancien ministre de l’Economie déclarait au JDD : « Appelez-moi populiste si vous voulez. Mais ne m’appelez pas démagogue, car je ne flatte pas le peuple ». Le concept de « populisme », trop souvent vidé de son contenu analytique et désormais transformé en catégorie-repoussoir du débat politique, est régulièrement appliqué à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Pour le candidat d’En Marche, la question est loin d’être évidente.

      Le néolibéralisme, qui constitue la clé de voûte du projet d’Emmanuel Macron, se caractérise habituellement par la recherche du dépassement des « vieux » clivages au profit d’un traitement technique, supposément « désidéologisé », des grandes questions économiques et sociales. Le candidat d’En Marche n’échappe pas à la règle, lorsqu’il relativise la pertinence de l’affrontement gauche/droite et privilégie le registre de l’expertise et de la compétence. A cet égard, il semble excessif de voir dans le macronisme le « stade suprême du populisme », comme le suggère Guillaume Bigot dans un article du Figaro. Le populisme est en effet une méthode de construction des identités politiques qui repose sur la réintroduction du conflit, par la « dichotomisation de l’espace social en deux camps antagonistes », selon Ernesto Laclau, l’un de ses principaux théoriciens. Là où le populisme cherche à réinjecter du politique, envisagé comme conflictuel par nature, l’ « esprit » du néolibéralisme tend à l’inverse à dépolitiser.

      Néanmoins, la stratégie discursive d’Emmanuel Macron que nous nous sommes attachés à présenter – nouvelle dichotomie de l’espace politique entre progressistes et conservateurs, rhétorique anti-élites et positionnement en dehors des cadres institutionnels, valorisation du renouveau – relève effectivement en partie de la construction populiste. Là où la droite républicaine présente l’austérité et les réformes structurelles comme un horizon indépassable, sur un registre fataliste en résonance avec le fameux « There is no alternative » de Margaret Thatcher, Emmanuel Macron tente de susciter un élan positif d’adhésion collective à son projet.

      Les analyses gramsciennes, développées notamment par le politiste Gaël Brustier, ou par Antoine Cargoët dans LVSL, prennent ici tout leur sens. Dans le sillage du penseur italien Antonio Gramsci, on peut considérer qu’un acteur politique détient l’hégémonie lorsqu’il réussit à donner une portée universelle à son projet, en installant la conviction que les intérêts qu’il défend sont ceux de l’ensemble de la communauté politique. Or, le néolibéralisme, en panne de récit de légitimation et incapable d’intégrer les secteurs subalternes, souffre aujourd’hui d’une profonde crise organique : son hégémonie est menacée de toute part. L’émergence du « phénomène » Macron peut dès lors être perçue comme une tentative de reprise en main des élites, à travers la formulation d’un « nouveau récit d’adhésion au libéralisme », d’après les termes de Gaël Brustier : désencombré du conservatisme des droites et des complexes des socialistes, débarrassé des appareils partisans disqualifiés, incarné par un nouveau visage plus dynamique et plus moderne, le néolibéralisme « en marche » est susceptible d’obtenir une plus large adhésion. C’est la « révolution passive ».

      Emmanuel Macron reprend donc à son compte certaines caractéristiques clés d’une stratégie populiste, saisissant la nécessité d’adapter son discours à l’état de délabrement du champ politique français, et rapprochant le libéralisme du sens commun par son association au progressisme et au renouvellement démocratique. Seulement, le « populisme » du leader d’En Marche entre en tension avec l’essence d’un projet qui réaffirme clairement le primat des décisions techniques sur la souveraineté populaire.

    • http://www.humanite.fr/nicolas-framont-se-pencher-sur-la-position-sociale-des-anti-systeme-est-ess

      Justement Macron, auteur de Révolution, avance l’idée qu’En marche ! est le fer de lance d’une vague citoyenne. Sauf que vous démontrez, dans votre ouvrage les Candidats du système , qu’il s’est lancé sur la base du système oligarchique...

      Nicolas Framont Le candidat n’a pas joué le jeu des partis politiques parce qu’il était suffisamment riche et bien entouré pour pouvoir s’en passer. Il a cette capacité de court-circuiter tout un tas de logiques qui auraient aidé à l’enfermer dans le costume de « l’héritier de Hollande ». Seulement, En marche ! est l’inverse d’une démarche citoyenne. C’est encore moins citoyen qu’un parti politique, avec une organisation encore plus verticale, à l’américaine, où les citoyens n’ont aucun rôle à jouer et où les militants sont de simples supporters. Alors que les partis politiques avaient cette capacité d’ascenseur social, En marche ! est seulement l’écurie d’un homme. Ses initiales sont révélatrices de cela (« EM » pour Emmanuel Macron et En marche ! – NDLR ). Les proches d’Emmanuel Macron, membres influents de grands ministères de la finance, ont réalisé que le bipartisme ne fonctionnait plus, que les taux d’abstention explosaient et qu’il pouvait être leur nouvelle tentative. Il a été mis en piste depuis longtemps par Attali, la banque Rothschild, puis des capitalistes influents. Le côté « renouveau », qui n’est que de la communication, s’appuie sur des moyens considérables. Et cela paie visiblement auprès des journalistes.

  • Orwell, Pasolini, Gramsci : halte au pillage !
    http://www.revue-ballast.fr/orwell-pasolini-gramsci-halte-pillage

    Ils se plaisent à faire les poches aux morts. Ils paradent dans les ruines, par trop heureux de s’emparer des armes de ceux qui les auraient combattus en leur temps. Chasseurs de trophées, détrousseurs d’idées ; ils s’agitent et se répandent, soucieux d’insoumission à peu de frais. L’absence de cohérence ? Silence, on triche ! On sait Proudhon loué par les nationalistes du siècle dernier ; on sait Jaurès brandi par le Front national : on assiste, depuis quelques années, au détournement intellectuel d’un trio d’auteurs engagés dans la lutte sociale et révolutionnaire — George Orwell, Pier Paolo Pasolini et Antonio Gramsci. Dernière rapine en date : la création, la semaine passée, d’une web-tv du nom d’Orwell par une éditorialiste du Figaro … ☰ Par Émile Carme

    • « vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

      « Orwell intégra les rangs du Parti ouvrier d’unification marxiste, en 1936, afin d’ouvrir le feu sur les franquistes — tout en confiant qu’il eût préféré prêter main forte aux anarchistes. »

      « Pasolini qualifiait l’anticommunisme de "haine sinistre" et faisait du colonialisme et du racisme les principaux "problèmes" à résoudre. »

      L’époque est cul par-dessus tête. Le zapping s’est emparé des mots après avoir englouti les images. Les idées remuent sur les étals, éparses, et chacun d’y piocher selon son bon plaisir : un nom qui sonne, une citation sans souci du restant, la satisfaction narcissique de l’éclectisme ou de l’hors-cadres. Les longues durées, les attaches, le noyau dur des mémoires, les grands récits irréductibles et les fractures à jamais ouvertes ? Connaît plus. « Si l’on reconnaît les crises historiques à leur puissance de brouillage et à leur pouvoir de déstabilisation — des croyances et des clivages établis —, nul doute que nous y sommes. Nous vivons l’époque de toutes les confusions », assure le philosophe et économiste hétérodoxe Frédéric Lordon, avant de poursuivre : « Or on ne survit au trouble captieux de la confusion qu’en étant sûr de ce qu’on pense, en sachant où on est, et en tenant la ligne avec une rigueur de fer . » De la rigueur, oui. Natacha Polony rapporte, dans Ce pays qu’on abat, qu’il conviendrait de « faire taire » ces « pelés, ces galeux » qui, comme elle, auraient l’audace de réfléchir par-delà les clivages et d’appeler à quelque « dialogue en forme de dialectique » : personne, ici, ne tient à les réduire au silence ; on aimerait seulement qu’ils se contentent de parler en leur nom.

  • Basel al-Araj : « Il ne faut jamais capituler face à l’Occupation »
    par Budour Youssef Hassan | 14 mars 2017 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
    http://chroniquepalestine.com/basil-al-araj-ne-jamais-capituler-face-occupation

    Il y aura divers récits de ce qui s’est passé dans la région de Ramallah le 6 mars 2017, lorsque Bassel al-Araj a été tué dans un raid militaire israélien.

    Combien de temps a duré la confrontation entre Basel et les soldats israéliens ? Est-ce que la vidéo publiée par Israël prétendant rendre compte de l’incident est authentique ? Basel a-t-il réussi à blesser un des soldats ?

    Nous ne le saurons peut-être jamais. Mais une chose est sûre, c’est que Basel ne s’est jamais rendu.

    « La plus grande insulte qu’on peut faire à un martyr serait de dire qu’il était obéissant, soumis à son assassin et poli avec lui », a déclaré Basel.

    Basel était tout sauf docile.

    La résistance était son choix. Il n’a pas été conduit dans cette voie par la dépression, la peur du lendemain ou le manque de débouchés, mais plutôt par un engagement inébranlable à la lutte palestinienne pour une libération totale et inconditionnelle.

    Les images diffusées sur les médias sociaux palestiniens après l’assassinat de Basel sont très symboliques. On y voit des taches de sang, les chaussures bleues de marque de Basel, son kuffiyeh, un fusil et une pile de livres.

    Parmi les livres de Basel, il y en avait un sur l’idéologie du marxiste italien Antonio Gramsci. Ça lui correspondait tout à fait : Basel incarnait l’intellectuel de base que Gramsci a décrit.

    « Un intellectuel, doit s’engager », a déclaré Basel dans l’une des tournées de conférences sur l’histoire qu’il organisait à Jenin, une ville du nord de la Cisjordanie occupée. « Si vous ne voulez pas vous engager – si vous ne voulez pas affronter l’oppression – vous êtes un intellectuel inutile. »(...)

    #Basel_al-Araj

  • En hommage à André Tosel
    http://www.contretemps.eu/hommage-andre-tosel

    Du nombre de ceux qui n’ont jamais cédé, André Tosel ne renia jamais ses engagements de jeunesse, ni le sérieux, ni la colère, ni la passion qui continuaient de l’animer, toujours en prise sur son temps, attentif à ses contradictions et à ses complexités. Son œuvre est multiple et cohérente à la fois, fortement charpentée par les approches issues de Marx et de Gramsci notamment. Car il fut le plus « italien » des marxistes français. Pas seulement du fait de son travail pour Gramsci, mais aussi de sa profonde immersion dans la culture et la politique italienne, de sa lecture de Giambattista Vico à sa connaissance des évolutions du mouvement communiste transalpin et à son amour pour l’opéra.

    Le dernier livre d’André Tosel est tout entier consacré à Antonio Gramsci ( Etudier Gramsci , édité par Kimé). Il fera date au sein de la littérature internationale sur le sujet, en dépit de son écho resté pour le moment insuffisant. Son travail portait aussi sur certains auteurs dits « classiques », Spinoza en particulier ( Spinoza ou le crépuscule de la servitude , magnifique livre paru en 1984 chez Aubier), mais aussi Kant et Hegel, abordés sous l’angle de leur intervention théorique et politique, loin des approches strictement académiques qui sont celles d’une certaine histoire de la philosophie qui s’emploie à désamorcer la charge critique des auteurs dont elle s’empare.

    Sa réflexion se tourna aussi vers le fait religieux, à égale distance du repli théologique et des conceptions étroites et sectaires de la laïcité et de l’athéisme. Lui qui fut dans sa jeunesse un militant chrétien progressiste, il était profondément hostile à toutes les instrumentalisations politiques et à toutes les simplifications faciles. C’est une approche respectueuse et complexe, matérialiste et dialectique de la question religieuse, qu’André Tosel a développée dans plusieurs ouvrages, et tout récemment encore dans Nous citoyens, laïques et fraternels ?, paru en 2015 aux éditions Kimé, faisant suite aux volumes consacrés chez le même éditeur à la mondialisation culturelle...

    #André_Tosel #Diaporama #Théorie #Antonio_Gramsci #communisme #Karl_Marx #marxisme #philosophie

    • Cité autant par Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Christiane Taubira, que par Emmanuel Macron, mais qui est donc Antonio Gramsci ?

      « Je hais les indifférents. Je crois comme Friedrich Hebbel que « vivre veut dire être partisan ». On ne peut être seulement homme, étranger à la cité. Qui vit vraiment ne peut pas ne pas être citoyen, et partisan. L’indifférence est aboulie, parasitisme, lâcheté ; elle n’est pas vie. C’est pourquoi je hais les indifférents. L’indifférence est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet que doit traîner le novateur, c’est la matière inerte en laquelle il n’est pas rare que se noient les plus beaux enthousiasmes, c’est le marais qui entoure la vieille ville et qui la défend mieux que les remparts les plus épais, mieux que les poitrines de ses guerriers, en engloutissant les assaillants dans ses sables mouvants, en les décimant et en les décourageant, et en les faisant parfois renoncer à leur entreprise héroïque. L’indifférence agit vigoureusement dans l’histoire. Elle agit passivement, mais elle agit. Elle se fait fatalité ; elle est ce quelque chose que l’on n’attendait point ; ce quelque chose qui bouleverse les programmes, renverse les plans les mieux établis ; la matière brute qui se rebelle devant l’intelligence et l’étrangle. Les événements, le mal qui s’abat sur tous, le bien que pourrait engendrer un acte héroïque (de valeur universelle), ne dépendent pas tant de l’initiative du petit nombre qui agit, que de l’indifférence, de l’absentéisme de la multitude. (…) Mais, si je hais les indifférents, c’est aussi parce que leurs pleurnicheries d’éternels innocents me sont insupportables. "

      #Antonio_Gramsci, « Je hais les indifférents » (février 1917)
      http://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/qui-est-antonio-gramsci

    • Les exploités, écrit-il à grands traits, ne peuvent échapper au pouvoir qui impose son hégémonie. Pour ne pas sombrer dans l’indifférence — marqueur de la liberté des dégagés de la vie —, l’individu doit cheminer avec colère et indignation, sans jamais, toutefois, perdre de vue le sens de l’empathie. La destination ? Une sorte de confrérie guidée par la sensibilité (pour percevoir), l’intelligence (pour analyser) et l’imagination (pour trouver une solution). Et l’œuvre complète de Gramsci de passer de la seule dénonciation de l’indifférence à la promotion directe d’une organisation collective, arme de subversion contre l’hégémonie dominante et premier pas vers l’action.

      http://www.revue-ballast.fr/cartouches-8

      Deux communistes : un philosophe théoricien et un poète cinéaste. L’un connut le cachot ; l’autre les procès, les plaintes, les scandales et la mort violente. Pasolini fut un héritier de Gramsci — à l’heure où parade le grotesque « gramscisme de droite », revenons aux sources.

      http://www.revue-ballast.fr/gramsci-pasolini-recit-dune-fraternite

  • Procès d’un « faucheur de chaises » dénonçant l’évasion fiscale : le procureur demande la relaxe
    http://www.bastamag.net/Premier-proces-d-un-faucheur-de-chaises-le-procureur-demande-la-relaxe

    Plus de 2000 personnes se sont rendues le 9 janvier à Dax pour soutenir un « faucheur de chaises » qui comparaissait au tribunal de grande instance. Jon Palais, militant de l’organisation basque Bizi !, est poursuivi par BNP Paribas pour « vol en réunion » suite à une action de réquisition de chaises dans une des succursales parisiennes de la banque, en octobre 2015. Pour cette action militante, il risque cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Lors de l’audience, Jon Palais a rappelé que « le (...)

    En bref

    / Que faire face à la crise financière ?, #Paradis_fiscaux, #Finance

    #Que_faire_face_à_la_crise_financière_ ?

    • http://www.regards.fr/web/article/faucheurs-de-chaises-le-radicalo-pragmatisme-selon-txetx-et-jon-palais

      À l’occasion du procès d’un “faucheur de chaises” ce lundi à Dax, deux figures de l’organisation Bizi, Jon Palais, poursuivi par BNP Paribas, et Txetx Etcheverry, co-fondateur d’Alternatiba, expliquent leur stratégie de lutte "radicalo-pragmatique".

      Mener la "bataille des idées" pour soustraire les classes populaires à l’idéologie dominante… L’ analyse d’Antonio Gramsci, bien souvent galvaudée, connaît une remarquable résurgence dans la gauche française. Mais à Bizi d’autres penseurs se devinent comme bien plus influents : Albert Camus, Mark Twain, André Gorz. Et surtout Cornélius Castoriadis, qui considérait que « la meilleure éducation en politique, c’est la participation active ». En effet, aujourd’hui, face au danger que représente la droitisation générale du monde politique, la gauche peine à retrouver des leviers d’influence. Pourtant, la mobilisation des classes moyennes et populaires ne peut provenir que des premiers concernés, comme le rappelle Txetx :

      « La première des formations c’est la pratique, c’est elle qui crée la conscience et pas l’inverse ».

  • Le dialogue continu de #Poulantzas avec #Gramsci
    http://revueperiode.net/le-dialogue-continu-de-poulantzas-avec-gramsci

    À partir de 1965 jusqu’à la rédaction de L’État, le pouvoir, le socialisme, son dernier livre, le marxisme de Nicos Poulantzas porte l’empreinte d’Antonio Gramsci. D’abord influencé par Lucien Goldman et Lukacs, c’est en lisant et en discutant non seulement les travaux d’Althusser, mais aussi l’œuvre du communiste italien que Poulantzas s’oriente peu à peu vers le sujet qui le préoccupera jusqu’à sa mort, et qui constitue son principal apport au matérialisme historique : une théorie de l’État capitaliste comme pouvoir de classe. Dans cette intervention, Panagiotis souligne la richesse et la pertinence intactes du débat autour des concepts gramsciens d’hégémonie, d’État intégral et de guerre de positions, et invite à poursuivre une des discussions les plus stimulantes du marxisme (...)

    #Uncategorized #double_pouvoir #Etat #hégémonie

  • Le nouveau monde qui tarde à apparaître
    http://loveliveminimal.tumblr.com/post/154339728075/le-nouveau-monde-qui-tarde-à-apparaître

    La situation semble désespérante. L’offensive des droites et des extrêmes droites occupe l’espace et les esprits. Elle s’étale dans les médias et prétend exprimer la droitisation des sociétés. Il n’en est rien et rien n’est joué. Les sociétés résistent et les contradictions sont à l’œuvre ; ce sont elles qui déterminent l’avenir. Pour comprendre la situation, repartons de la citation de Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur …

  • La discipline du temps. L’application de la mesure temporelle au procès productif et la discipline du travail (XVIIIe-XXe siècles) [Séminaire Anselm Jappe, séance du 5 décembre]
    http://www.palim-psao.fr/2016/12/l-application-de-la-mesure-temporelle-au-proces-productif-et-la-disciplin

    Il s’agit de la séance du 5 décembre 2016 du séminaire d’Anselm Jappe, qui traite du thème indiqué, du taylorisme (avec ses grands admirateurs que seront Gramsci et Lénine) et des cultures temporelles capitaliste et prémoderne.

    Parmi de nombreux matériaux, que nous ne pouvons résumer ici, on trouvera notamment un ensemble de remarques critiques des vues intéressantes mais souvent trop limitées de Edward P. Thompson dans son Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, qui naturalise le travail et n’a pas vraiment de recul critique vis-à-vis de la proto-industrie déjà capitaliste, qu’il idéalise. Thompson se centre sur une critique assez limitée du temps abstrait et de la transition de l’ancienne culture temporelle à la nouvelle, au travers de l’opposition entre la mesure du temps « orienté par la tâche » (task-oriented) et celle évaluée, dans le factory system, en unité de temps (timed labour).

    Dans « Américanisme et fordisme » (Cahiers de prison 22), Antonio Gramsci, marxiste traditionnel forgeant les bases d’un anticapitalisme tronqué glissant vers des parallèles avec les catégories d’extrême-droite de « capital rapace » etc. (depuis longtemps, l’ultra-Droite en Italie et ailleurs fait référence positivement à Gramsci), passé par ailleurs des conseils ouvriers au parti communiste aux ordres de Moscou, fait également l’éloge du travail et de la disciplinarisation du matériel humain (lutte contre alcoolisme, le libertinage, les oisifs parasites, l’élimination de ceux qui ne voudront pas se soumettre, etc.) sur la chaîne de montage taylorisé, pour le bien de la production. La chaîne taylorisée libérant évidemment le travailleur pour Gramsci... comme bien sûr pour le marxisme traditionnel et ses expériences historiques de capitalisme d’Etat. Trotski voulait quant à lui organiser des "armées de travail", à l’image du culte du travail que l’on retrouve également chez certains anarchistes (voir aussi l’anecdote sur Durruti à propos de la mise au travail des Gitans), les conseillistes et dans l’ensemble du mouvement ouvrier qui voulait lever, comme dans le procès de travail capitaliste, tous les obstacles au développement des forces productives naturalisées comme extérieures à la synthèse sociale capitaliste.

    #Anselm_Jappe #temps #travail #critique_du_travail #capitalisme #Histoire #critique_de_la_valeur #Gramsci

  • L’élection de Donald Trump, symptôme alarmant du monde qui vient ? - Basta !
    http://www.bastamag.net/L-election-de-Donald-Trump-symptome-alarmant-du-monde-qui-vient
    http://www.bastamag.net/IMG/arton5902.jpg?1478698266

    En élisant Trump à la Maison Blanche, les États-Unis basculent dans le camp des puissances gouvernées par des courants ultra-réactionnaires et conservateurs : de l’Inde où les nationalistes règnent, au Brésil où une droite évangéliste et néolibérale a destitué la présidente Dilma Roussef, en passant par la Turquie qui avance à grande vitesse vers une dictature réactionnaire. Sans oublier la Russie de Poutine. Ou encore l’attrait qu’exercent certaines idéologies nihilistes et meurtrières, telle celle diffusée par Daech. Est-ce là ce clair-obscur d’où surgissent les monstres, alors que le vieux monde se meurt et que le nouveau monde tarde à apparaître, pour reprendre la célèbre citation d’Antonio Gramsci ? « Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments », poursuivait celui qui mourut dans les prisons mussoliniennes.

    Avec plusieurs questions : la France – et l’Europe – sont-elles, elles aussi, en train de basculer dans ce clair-obscur ? Combien de tragédies nous promettent cette « phase de transition » ? Quelles énergies et nouvelles forces devront être mobilisées pour en sortir ? Ce scrutin montre en tout cas que miser sur l’aversion des électeurs envers un adversaire repoussoir – sexiste, raciste, populiste ou issu de l’oligarchie qu’il pourfend – est bien loin d’être suffisant pour espérer gagner une élection.