person:isabelle

  • Vive éclosion des langues de révolte | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/06/08/vive-eclosion-des-langues-de-revolte

    Arabat réunit un ensemble de textes, photographies et dessins et un film en deux parties sur DVD, le tout né de la résidence, en 2018, d’Élodie Claeys et de Caroline Cranskens à Plounéour‐Ménez, en plein cœur des monts d’Arrée.

    Le titre, signifiant en breton « ne pas » (aussi bien : « interdit », « défense de »  – « ça suffit »), est inspiré d’un poème d’Anjela Duval (1905−1981), paysanne et poétesse bretonne dont les artistes auteures se sont nourries tout au long de leur séjour entre deux hivers.

    #langues_de_révolte

    • Arabat
      Va hiraezh. Va c’hwervoni
      — N’anavezan ket an enoe —
      Arabat o lakaat em gwerzennoù.
      E teñvalañ kombod va c’halon
      E fell din o derc’hel kuzh.
      Arabat ‘ouezfe den va c’halvar
      Nemet an Hini en deus merket deomp an Hent.
      Arabat sammañ seurt sammoù
      War divskoaz ar re yaouank.
      ‘Pad ma c’hell ar c’hozhiad
      O dougen e-unan.
      Ret mousc’hoarzhin d’o mousc’hoarzh,
      Zoken pa vroud ar boan grisañ.
      Ret eo magañ dezho o spi
      En un Dazont a vo o hini
      Hag a baeo kantvedoù mezh…

      2 a viz Kerzu 1972

      https://www.anjela.org/oberenn/arabat/?lang=bz

      E galleg

      Interdit
      Mon mal d’’être. Mon amertume
      — Je ne connais pas l’’ennui —
      Je n’’ai pas le droit de les mettre dans mes vers.
      Dans le coin le plus sombre de mon cœœur
      Il faut que je les garde au secret.
      Personne ne doit savoir mon calvaire
      Si ce n’’est Celui qui nous a montré le Chemin.
      Défense de déposer ces fardeaux
      Sur les épaules des jeunes.
      Tant que la vieille peut
      Les porter par elle-même.
      Il faut grimacer un sourire
      Même quand perce la douleur la plus vive.
      Il faut leur donner l’’espoir
      En un Avenir qui sera à eux
      Et qui effacera des siècles de honte…

      2 décembre 1972

      (Traduction Paol Keineg)

      https://www.anjela.org/oberenn/interdit-2


    • Arabat - Éditions isabelle sauvage
      https://editionsisabellesauvage.fr/catalogue/arabat

      Présentation
      Arabat réunit un ensemble de textes, photo­gra­phies et dessins et un film en deux parties sur DVD, le tout né de la rési­dence, en 2018, d’Élodie Claeys et de Caro­line Crans­kens à Plounéour‐​Ménez, en plein cœur des monts d’Arrée.

      Le titre, signi­fiant en breton « ne pas » (aussi bien : « inter­dit », « défense de » — « ça suffit »), est inspiré d’un poème d’Anjela Duval (1905−1981), paysanne et poétesse bretonne dont les artistes auteures se sont nour­ries tout au long de leur séjour entre deux hivers.

      Versant livre sont réunis les regards de Caro­line Crans­kens et d’Élodie Claeys, à travers textes et photo­gra­phies, et celui d’Agnès Dubart, qui lors d’un séjour de quelques semaines auprès d’elles a dessiné à l’encre noire les yeux de diffé­rentes personnes rencon­trées en concluant chaque séance de pose par cette même ques­tion : « qu’est-ce que vos yeux aiment voir ? », avant de traduire ces regards inté­rieurs par la couleur et l’aquarelle.

      Versant film, deux parties donc, indé­pen­dantes et complé­men­taires, « à valeur d’ici et d’ailleurs », l’une, Prises de terre, se passant dans les monts d’Arrée, l’autre, Au‐​Delà de Nous, à travers la France, là où il est ques­tion de collec­tifs, de résis­tance et de révolte (de Notre‐​Dame‐​des‐​Landes aux ronds‐​points des gilets jaunes). Caro­line Crans­kens et Élodie Claeys ont suivi le fil des rencontres pour explo­rer quelques cellules vivantes parmi une profu­sion infi­nie. Au rythme du vent, des clairs‐​obscurs, du chant du cour­lis cendré ou des slogans de mani­fes­ta­tions, cadrées sur les pieds, les visages ou les mains, les histoires de vies entrent en réso­nance et en contra­dic­tion avec les aspi­ra­tions et les colères du présent. Comment faire le pont entre les actes et les paroles, les indi­vi­dus et les foules, la nature et la nature humaine ? Arabat est avant tout une vision du collec­tif en mouve­ment, de l’entraide possible entre lieux, enra­ci­ne­ments, luttes, géné­ra­tions, corps et langages. Parce qu’il est l’heure de se bran­cher à la terre et à la fois de se relier aux autres, plus que jamais.

    • Merci pour toute cette documentation @simplicissimus.

      Et sinon, question plus personnelle : parles-tu breton ou as-tu approché cette langue de quelqu’autre façon ?
      Parce que en lisant les pages que tu références, je me suis laissé dériver de liens en liens et je suis (fatalement) arrivé ici :

      https://www.coop-breizh.fr/1030-livres-en-breton

      Aurais-tu quelques conseils à me donner pour entrer en apprentissage de cette langue ?

    • Ah ! le breton,…

      Non, je ne le parle pas, mais l’ai cotoyé de très très près. Un peu moins maintenant, mais encore.

      Je fais partie de la génération Stivell puis Tri Yann et Servat. À l’époque, et compte tenu de mon goût pour les langues, j’avais évidemment essayé de plonger dedans, de la grammaire de Roparz Hémon à la méthode Assimil. Mon principal problème étant que je manquais d’occasion de le pratiquer. Dans mon patelin du littoral, les derniers locuteurs disparaissaient dans l’indifférence générale. À l’époque, il en subsistait un accent à couper au couteau en français, mais cet accent à aujourd’hui totalement disparu. Reste encore les très abondants #bretonnismes, qui viennent d’ailleurs de faire un retour remarqué par le biais de l’opuscule d’Hervé Lossec qui a connu, et connait toujours, un succès de librairie ahurissant.

      À Paris, bien qu’habitant non loin, voire dans le quartier, je ne fréquentais pas les milieux actifs. Bref, pas de breton.

      Quelques années (!) passent et il se trouve, à peu près par hasard, que ma fille à l’occasion de démarrer sa scolarité en breton. Elle y a accompli tout le trajet de la maternelle à la fin du primaire. Pour les mêmes raisons que moi à peu près, elle en est sortie en comprenant mais, étant en milieu bilingue, sans volonté affirmée de le parler. Sur les trois grandes copines, une seule - qui n’est pas ma fille – est restée dans le réseau bilingue (en fait, deux successifs), va passer son bac en breton et défile pour que les épreuves de maths soient en breton.

      Étant donné le mode de fonctionnement de ses écoles auquel les parents d’élèves sont fortement associés, j’ai pas mal entendu parler et j’ai fini par comprendre à peu près de quoi on parlait, mais je ne parle toujours pas. On me dit grand bien des stages d’immersion, mais je n’ai pas essayé. J’ai accompagné l’apprentissage de ma fille, lu les livres d’enfants et passé les CDs de comptine et autres. Il en reste quand même quelques choses, mais l’occasion manque toujours.

      Pour l’apprentissage, je ne saurais pas trop quoi te recommander. Surtout vu mon propre résultat… L’imprégnation et la pratique.

      D’ailleurs, coïncidence, aujourd’hui est passé, je crois bien pour la première fois, l’excellente émission de France 3 Bretagne #Bali_Breizh que je regarde assez souvent (quand c’est des copains ou des connaissances qui passent). Pointée par @vanderling, en réponse à billet de @philippe_de_jonckheere à propos du clarinettiste Dominique Jouve (le documentaire est vraiment remarquable). L’émission est en breton, mais sous-titrée.
      https://seenthis.net/messages/785888

      Sinon, tu as (avais…) la série de sketches djeunz’ Ken tuch’
      https://vimeo.com/45565882


      avec divers personnages récurrents, dont un Roumain apprenant le breton à Rennes (l’acteur était un des profs de ma fille et le personnage très fortement inspiré d’un assistant maternel…)
      (sous-titres également)

      Y a aussi une autre mini série, genre Un gars, une fille qui tourne en ce moment et passe de temps en temps sur FB, mais je n’arrive pas à mettre la main dessus.

    • D’après ce que tu dis au premier billet de tes réponses, nous devons être de la même génération (Stivell, Dan Ar Braz, Servat, Ar Sonerien Du, Planxty, etc...) J’ai eu l’occasion de côtoyer quelques Bretons à Lyon pendant mes études. Un d’entre eux m’a même appris à jouer du « tin whistle » irlandais et on se faisait des guinches terribles avec quelques autres « folkeux » de toute origine dans nos piaules. Étant originaire de l’Est (Franche-Comté), j’ai donc eu la chance par ce biais d’être initié à la culture musicale « celtique » et ça ne m’a jamais lâché. Au cours d’un long périple en Bretagne en 1980 (ou 81 ?) j’ai repris un bon bain de culture musicale chouchenn-compatible et j’ai même trouvé un bouquin d’apprentissage du ... breton vannetais. Mais vu que le contenu de cet ouvrage était imprégné de catholicisme pur et dur, j’ai pas vraiment eu l’envie de décoller. Je sais bien que la Bretagne est une terre où la tradition religieuse est restée très prégnante, toussa, mais bon, faut quand même pas déconner ... Donc je papillonne au gré de mes navigations internautesques. Le mieux serait d’aller s’installer dans cette région mais après, il faudrait retrouver des anciens qui parle le « vrai » breton et là ... Car apparemment, le breton enseigné institutionnellement est empreint d’un certain académisme. On va y réfléchir et peut-être songer à organiser un déménagement avant toute chose. En attendant, merci pour toutes ces références.

  • La France, plus gros producteur de déchets plastiques en Méditerranée, selon la WWF 7 Juin 2019 - Ouest France
    https://www.ouest-france.fr/environnement/pollution/la-france-plus-gros-producteur-de-dechets-plastiques-en-mediterranee-se

    La mer Méditerranée est malade de ses déchets. Selon l’ONG WWF la France serait le mauvaise élève de l’Europe, responsable de produire plusieurs millions de tonnes de déchets plastiques.

    La France est le pays du pourtour méditerranéen qui produit le plus de déchets plastiques, dont plus de 10 000 tonnes atterrissent dans cette mer semi-fermée, selon un rapport publié vendredi par le WWF. L’organisation non gouvernementale avait déjà tiré la sonnette d’alarme deux mois plus tôt à l’échelle planétaire.

    A deux jours de l’organisation de la Journée Mondiale de l’océan, le bilan dressé est loin d’être positif. La France a produit 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques en 2016, soit 66,6 kg par personne, selon ce rapport publié à la veille de la Journée mondiale de l’océan. Si 98 % du total (4,4 millions de tonnes) ont été collectés, seulement 22 % ont été recyclés. Le tourisme saisonnier est notamment pointé du doigt.

    Les 2 % de déchets plastiques restants génèrent « la fuite de 80 000 tonnes de plastique dans la nature », dont 11 200 tonnes « pénètrent en Méditerranée », a calculé l’ONG.

    Activités côtières à contrôler
    Selon le WWF, la pêche, l’aquaculture et le transport maritime sont à l’origine de 9 % de cette pollution. « Les casiers à crabes, les filets à moules, les conteneurs sont parmi les débris retrouvés », précise l’ONG environnementale. Les fleuves charrient 12 % des déchets plastiques retrouvés en mer. Les activités côtières représentent le gros de la pollution (79 % soit 8 800 tonnes) en Méditerranée en provenance de France, « en raison notamment d’une mauvaise gestion des déchets et de l’impact des activités touristiques et de loisirs ».

    La concentration de débris plastiques est particulièrement élevée près de Marseille, de Nice et de la Corse, ce qui s’explique en partie par « le tourisme et les activités de loisirs ».

    Autre facteur, le système de recyclage des déchets est moins performant dans les départements méditerranéens. « Le taux de mise en décharge est particulièrement élevé dans certaines zones » comme Marseille et la Corse, avec la présence de décharges à ciel ouvert, relève WWF.

    Cette pollution plastique, outre son impact pour la faune et la flore, a un coût important, avertit encore le rapport : l’impact pour la pêche est estimé à 12 millions d’euros (débris plastiques dans les moteurs de bateaux ou les filets), à 21 millions pour le commerce maritime (enchevêtrement dans les pales d’hélice, collisions…) et de 40 millions pour le tourisme. Le coût du nettoyage des côtes est estimé à 3 millions.

    Plus de fuite dans la nature
    Il faut parvenir à « zéro fuite dans la nature » et « promouvoir le réutilisable, en particulier pour les contenants », indique à l’AFP Isabelle Autissier, présidente de WWF France.

    Concernant la promesse d’Emmanuel Macron de parvenir à 100 % de plastiques recyclés en 2025, « il y a un peu des effets d’annonce », juge-t-elle.

    « Tout le monde parle du recyclage, mais nous ne connaissons pas bien les conditions de la recyclabilité », explique-t-elle. Un meilleur objectif, selon elle, serait « qu’on dise que la France va diminuer sa consommation de plastique » d’un certain pourcentage.

    Il est essentiel de réduire la consommation de plastiques, mais aussi que « les industriels proposent autre chose » et qu’« on collecte les déchets à la source, sur terre, dans les rivières ».

    La navigatrice ne croit pas en revanche aux solutions promettant de ramasser les plastiques dans les océans où ils atterrissent : « On ne va pas peigner la mer. »

    #plastique #pollution #déchets #tourisme #environnement #Méditerranée #mer

  • Je vois comme un thème, là… Si tu veux mon avis, le gars François il aurait meilleur temps de carrément dissoudre le truc et de remonter un nouveau parti avec un nouveau nom, un nouveau logo et un nouveau slogan.

    – Le Pape sur Touitteur :
    https://twitter.com/pontifex_fr/status/894521005712035841?lang=fr

    Le pardon libère le cœur et permet de recommencer : le pardon donne espoir. Sans pardon on n’édifie pas l’Église.

    – Roumanie : le pape François présente des excuses aux Roms
    http://www.rfi.fr/europe/20190602-roumanie-le-pape-francois-presente-excuses-roms

    – Le pape François présente des excuses aux victimes d’abus sexuels
    https://www.lemonde.fr/religions/article/2018/01/22/le-pape-francois-presente-des-excuses-aux-victimes-d-abus-sexuels_5245408_16

    – Le pape demande pardon pour « le scandale et la trahison »
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1120135/abus-sexuels-pape-francois-accuse-ex-ambassadeur-vatican

    – Le Pape présente ses excuses aux jeunes
    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/10/28/01016-20181028ARTFIG00160-le-pape-presente-ses-excuses-aux-jeunes.php

    – Excuses officielles de l’église catholique par Jean Paul II
    https://www.ina.fr/video/CAB00012437

    Ce matin, en la basilique Saint Pierre, lors d’une cérémonie religieuse, Jean Paul II, portant sur les épaules les péchés du passé, a prononcé ses méa culpa solennels incluant les violences de l’inquisition jusqu’au coupable silence à l’égard des juifs, plus explicitement la shoah. Un reportage d’Isabelle STAES.

    – Le pape présente des excuses pour les crimes commis contre les peuples indigènes par l’Eglise catholique
    https://www.survivalinternational.fr/actu/10847

    – Le pape s’excuse auprès d’une femme défigurée par son mari avec de l’acide
    http://paroissiens-progressiste.over-blog.com/2018/11/le-pape-s-excuse-aupres-d-une-femme-defiguree-pa

    – Le pape François demande pardon aux Vaudois
    http://unitedeschretiens.fr/Le-pape-Francois-demande-pardon-aux-Vaudois.html

    – Le Pape demande pardon aux protestants
    https://www.bbc.com/afrique/monde/2016/01/160126_pope

    – Le Pape demande pardon à l’Eglise orthodoxe
    https://www.ina.fr/video/CAB01022479

    – Espagne : le pape demande pardon à trois prêtres lavés de toute accusation de pédophilie ou d’abus
    https://www.infocatho.fr/espagne-le-pape-demande-pardon-a-trois-pretres-laves-de-toute-accusation-d

    – Génocide rwandais : Le pape François demande pardon pour l’Eglise
    https://www.liberation.fr/planete/2017/03/20/genocide-rwandais-le-pape-francois-demande-pardon-pour-l-eglise_1557116

    – Le pape François demande "pardon" aux réfugiés "rohingyas"
    https://www.lepoint.fr/monde/le-pape-francois-demande-pardon-aux-refugies-rohingyas-02-12-2017-2176725_24

    – Le Pape François demande pardon au nom de l’Église pour les scandales à Rome et au Vatican
    https://www.jeuneafrique.com/271764/societe/pape-francois-souverain-pontife-demande-pardon-nom-de-leglise-scandale

    Après, y’en a qui ne sont visiblement pas convaincus :

    – Le Canada réclame des excuses du Pape François
    https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/le-canada-reclame-des-excuses-du-pape-francois_2005071.html

    – "Jusqu’ici nous n’avons que des excuses" : le pape attendu en Irlande sur les scandales de pédophilie dans l’Église
    https://www.francetvinfo.fr/monde/vatican/pape-francois/jusquici-nous-navons-que-des-excuses-le-pape-attendu-en-irlande-sur-les

    – Le président mexicain demande des excuses pour les “abus” coloniaux, l’Espagne refuse
    https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-le-president-mexicain-demande-des-excuses-pour-les

    – Le pape François a-t-il trahi les catholiques de Chine ?
    https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-27-septembre-2018

    Et c’est là que tu te rends compte qu’à Facebook, ils sont vraiment sur une mauvaise pente quand…
    – Le patron de Facebook s’excuse pour la censure anti-catholique
    https://www.cath.ch/newsf/le-patron-de-facebook-sexcuse-pour-la-censure-anti-catholique

  • Paris : blessée par une trottinette électrique, la pianiste ne sait pas si elle pourra rejouer - Le Parisien
    http://www.leparisien.fr/societe/blessee-par-une-trottinette-electrique-la-pianiste-ne-sait-pas-si-elle-po

    Isabelle Albertin a eu une double fracture après avoir été renversée par une trottinette électrique. Elle veut fédérer les victimes et s’indigne de l’anarchie qui règne sur les trottoirs de la capitale.

    Sa vie a basculé le 17 mai. Isabelle Albertin traverse le jardin Nelson-Mandela, devant la canopée des Halles, au cœur de Paris. D’un seul coup, elle se retrouve projetée à terre. Une immense douleur l’envahit. Elle vient d’être fauchée par le conducteur d’une trottinette électrique. Bilan : une double fracture — radius et cubitus — du bras droit. Les récits comme celui d’Isabelle, 60 ans, se multiplient alors que démarre ce lundi, à l’Assemblée nationale, l’examen de la loi d’orientation sur les mobilités (LOM) qui doit réglementer ces engins.
    « Je n’ai rien entendu, ni vu venir », explique cette pianiste qui accompagne depuis trente-deux ans les petits rats de l’opéra Garnier lors de leurs cours de danse. Diagnostic de l’hôpital Cochin où elle est transportée : double fracture avec arrachement osseux. « Je n’ai pas été opérée immédiatement. J’ai attendu le lundi car je souhaitais l’être dans une clinique spécialisée de la main. Depuis le 20 mai, j’ai donc une plaque dans le bras, des vis et j’ai ma main droite très très engourdie. »

  • « Je me suis senti agressé » : un architecte en guerre contre le street art sur ses barres à Paris
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/05/28/street-art-et-architecture-en-conflit-sur-la-dalle_5468800_3246.html

    La justice a interdit l’extension d’un parcours de fresques dans le 13e arrondissement de Paris.


    Vue sur les fresques des artistes Shepard Fairey (« Delicate Balance » ; « Rise above Rebel » ; « Liberté, Egalité, Fraternité »), Add Fuel (« Envolvente ») et Invader (« PA_240 »), dans le 13e arrondissement de Paris.

    C’est l’histoire d’une greffe ratée entre un parcours de street art momumental et un site des années 1970 avec cinq barres de logements sociaux sur dalle, implanté au beau milieu du boulevard Vincent-Auriol (Paris 13e). Après une procédure en référé lancée le 7 mai par l’architecte Gilles Béguin et la designer graphique Isabelle Jégo, la justice a tranché le 20 mai : le duo a obtenu l’interdiction, sans leur accord préalable écrit, de toute intervention de street art sur les pignons de l’îlot Say, tout juste rénové par leurs soins et propriété de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). « C’est une décision exceptionnelle sur le fondement du droit moral », commente l’avocate Agnès Tricoire, leur conseil.

    Porté par la mairie du 13e, Boulevard Paris 13 est un parcours de fresques orchestré par la galerie Itinerrance, qui avait déplacé les foules en 2013 avec son projet éphémère de Tour Paris 13 – des dizaines d’artistes de la scène street art avaient été invités à intervenir dans un immeuble voué à la destruction. Ces dernières années, son directeur, Mehdi Ben Cheikh, s’est attelé à transformer la portion du boulevard Vincent-Auriol traversée par le métro aérien (ligne 6) en un « musée à ciel ouvert » en constante expansion. Les curieux peuvent y découvrir un enchaînement de muraux de grandes signatures, de l’Américain Shepard Fairey (Obey) au Français Invaders.

    Le conflit survenu sur l’îlot Say est inhabituel et, du côté de la RIVP, les mots sont durs. « Depuis onze ans que je suis à la direction de la RIVP, avec des centaines d’opérations de complexité variable, je n’ai jamais vu un architecte se comporter aussi mal. Je suis un grand défenseur des architectes, mais là, il y a eu un manque de loyauté », réagit Serge Contat, son directeur général. Il estime que, depuis trois ans, Gilles Béguin les « a baladés dans une espèce d’ambiguïté sans jamais contester le projet de street art ».

    « Nous avons tous perdu du temps »

    Même son de cloche du côté du maire. « Je n’ai jamais voulu mettre architectes et artistes en concurrence, et je ne souhaite pas polémiquer, assure Jérôme Coumet (PS). Nous faisons toujours des demandes d’intervention très en amont, et dans ce cas, nous avons prévenu dès 2016 que nous souhaitions faire intervenir des artistes sur des pignons. L’architecte avait accepté le principe, il n’a pas tenu sa parole, et nous avons tous perdu du temps. »

    Gilles Béguin, architecte : « J’ai voulu que la rénovation soit sensible à l’histoire ouvrière du quartier, dont il a été fait table rase dans les années 1970 »

    Gilles Béguin, lui, défend la cohérence de son travail. « Mon projet de rénovation a été retenu par la RIVP en 2012, études et permis avaient été déposés en 2013. En 2016, le projet était déjà très avancé quand le maire a organisé une rencontre avec le galeriste », résume l’architecte. Il défend son approche des lieux, basée sur l’histoire du site, qui était une vaste raffinerie de sucre jusqu’en 1968 : « J’ai voulu que la rénovation soit sensible à l’histoire ouvrière du quartier, dont il a été fait table rase dans les années 1970. » Il a fait appel, dès 2015, à la designer graphique Isabelle Jégo. « Il y a eu un travail de recherche à partir des archives et de la mémoire des habitants », avec l’idée « de réinterpréter l’esprit d’origine des parements en béton cannelé », avec des pictogrammes et des phrases moulés dans des plaques de béton en composite blanc. Avec, comme effet recherché, une « vibration de la lumière évoquant une pluie de sucre », détaille l’architecte.


    « Madre Secular 2 », par Inti et « Etreinte et Lutte », par Conor Harrington aux 81 et 85, boulevard Vincent-Auriol (Paris 13e).

    « Lors de cette rencontre de 2016, nous avons dit OK pour un pignon, mais pas pour de la peinture recouvrante, plutôt une intervention discrète comme une mosaïque d’Invader, et en collaboration avec nous. Notre projet était déjà très cohérent, je ne voyais pas l’intérêt d’ajouter des fresques, surtout sans lien avec l’histoire des lieux. Ils ont voulu passer en force », estime-t-il, visiblement affecté.

    « Mépris » pour son travail

    Pendant trois ans, l’incompréhension grandit. D’un côté, les tenants du street art estiment que le message a été passé et que les pignons sont à disposition ; de l’autre, l’équipe architecturale se réjouit du rendu de son revêtement et espère que le projet d’intervention n’est plus d’actualité. Gilles Béguin explique avoir appris à la mi-avril que des fresques étaient finalement programmées sur neuf pignons sur dix. Puis des nacelles sont apparues au pied du revêtement fraîchement posé. « Ils ont estimé que la question des fresques n’était pas mon problème. Je me suis senti agressé, et je me suis juste défendu face à un manque de respect pour notre travail, qui n’offre pas une esthétique spectaculaire, mais respecte le contexte », confie-t-il.

    « Il y a quand même une trentaine de fresques déjà réalisées à fêter », rappelle le maire, Jérôme Coumet

    Ce même « mépris » pour son travail, selon les termes de l’avocate, a été ressenti concernant l’annonce de la pose sur l’un des toits-terrasses de l’ensemble d’une sculpture du street artiste français Seth, l’un des lauréats du concours Embellir Paris. L’ajout de cette silhouette enfantine sur un toit constitue-t-elle aussi une atteinte au droit moral ? La justice a estimé que oui. Avouant être réticent à l’esthétique de l’œuvre, l’architecte reconnaît que l’essentiel s’est joué sur la manière : « Tout s’est organisé sans me demander mon avis, et alors que je n’avais même pas encore fait réceptionner le bâtiment. »

    « Tant pis, on trouvera un autre endroit », commente Mehdi Ben Cheikh, qui précise qu’il était prévu qu’une fresque du même Seth soit réalisée sur le pignon à l’aplomb de la sculpture. L’inauguration officielle du parcours, le 13 juin, qui devait accompagner l’arrivée des nouvelles interventions, est maintenue, avec un « banquet populaire » qui s’étirera sous le métro aérien entre les stations Nationale et Chevaleret. « Il y a quand même une trentaine de fresques déjà réalisées à fêter », rappelle le maire, tandis qu’une « solution de secours » a été imaginée pour Seth, précise le galeriste : il a agrandi sa fresque précédente sur un immeuble situé de l’autre côté du boulevard.

    • Perso je dirais pas ca @val_k c’est l’application du droit moral des artistes sur leurs création (droit français), rien à voire avec le copyright (droit US) qui ne reconnais pas ce droit moral aux artistes. L’architecte explique bien qu’il n’était pas opposé sur le principe (il etait ok pour certains artistes) mais demande à être consulté sur le choix et le nombre des fresques. Il dit avoir souhaiter faire une intervention en rapport à l’histoire ouvrière du lieu (assez light je reconnais, l’effet pluie de sucre semble être un peu de la rigolade) et ne voulais pas d’un motif seulement décoratif et dépolitisé. Il précise avoir en plus fini de restauré le revetement et avoir été surpris de voire que la ville efface ce travail en voulant recouvrir 9 des 10 facades. Ici on a un architecte qui prétend à une démarche politisé avec un respect du lieu dans lequel il est implanté et en face des galeristes et agents municipaux qui surf sur la mode du street art et se servent des artistes sans prise en compte de l’histoire du lieu, des batiments, des habitants. Ces fresques font monté la cotes des artistes et de l’immobilier, c’est pas si altruiste qu’on pourrait le pensé comme démarche et je dirait pas qu’il y a un méchant architecte qui fait du copyright madness contre des gentils peintres qui font une jolie ville avec des belles couleurs et leur grand cœurs si généreux. Ca semble plus à une bataille d’ego et d’intérêts politique entre promoteurs.

    • En effet à la lecture de l’article hier je me suis demandée dans quelle mesure ce combat était « douteux ». Etait-ce la bataille d’un architecte mégalo qui ne laisse pas vivre ses façades, ou celui d’un artiste qui oeuvre pour un peu de mieux pour les résidents des tours (qui en grande partie seraient des locataires , par conséquent non intéressés par la plus value immobilière qu’apporterait un musée de street art à ciel ouvert, les transformant par la même occasion en sorte de « bêtes de foire »), sans considérer l’avis des politiques . Je me suis Donc permis, par acquis de conscience, de contacter en direct M.Gilles BEGUIN, et ai recu reponse a mes questions dans la journée ! Magnifique :) et au final, en substance, en espėrant ne pas déformer ou edulcorer ses propos, je trouve au final que l’article n’est pas tout à fait objectif (mon avis uniquement) bien qu’il permette de se poser des questions ; car le présenterait plutot comme un produit de la première option, alors que la démarche releve au contraire plutot de la seconde a ce que je comprends. Bref je crois que tous les éléments du débat ne sont pas présentés ici, comme en premier lieu l’avis détaillé de l’artistE qui a signé les façades de la rénovation ainsi que peut être et surtout les résultats des consultations de résidents ! Apres on peut toujours relever le fait que ca fait beaucoup d’énergie dépensée, qui n’aurait certainement pas été perdue si les personnes de l’asso en question et les architectes étaient simplement allés boire un coup ensemble au préalable :) ah la communication..

    • @goujon n’hésite pas à partagé les infos qui nous manque si tu en as de première main.
      En dehors de cette histoire je me demande quel est le ratio d’artistes femmes. Je vais voire, je reviens
      de retour, il n’y a que 1,5 femmes sur les 30, 1,5 car l’une est en fait un couple...

  • Zabou Breitman : « Dès que ça devient trop sérieux, j’ai toujours envie de déconner »
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/05/26/zabou-breitman-des-que-ca-devient-trop-serieux-j-ai-toujours-envie-de-deconn

    Comédienne, réalisatrice, metteuse en scène, Zabou Breitman, 59 ans, multiplie les projets au théâtre et au cinéma. Son premier film d’animation, Les Hirondelles de Kaboul, d’après le roman de Yasmina Khadra, coréalisé avec Eléa Gobbé-Mévellec, vient d’être présenté au Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard. Parallèlement, son spectacle enchanteur, Logiquimperturbabledufou, est actuellement repris au théâtre du Rond-Point. A la rentrée, Zabou Breitman mettra en scène La Dame de chez Maxim, de Feydeau, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Elle fait aussi partie des cinq candidats à la succession d’Irina Brook à la direction du Théâtre national de Nice.


    Je ne serais pas arrivée là si…

    Si je n’avais pas eu des parents si particuliers, si atypiques. Un papa très cultivé, issu d’une famille bourgeoise de médecins originaire de Russie, devenu comédien et scénariste. Une mère originaire du Québec, issue d’une famille pauvre de onze enfants, qui a eu une éducation catholique raide, dure, et avait un désir de se sauver, un désir de liberté. C’était une révoltée. Elle rêvait d’être comédienne, a été premier prix de conservatoire à Québec. Lui, après la guerre, avait envie de voyager. Il est parti au Canada, est tombé amoureux et s’est marié avec ma mère. Tous deux étaient en rébellion contre leur famille, ils se sont échappés. Et tous deux étaient très féministes. Mon père me disait tout le temps : « Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas faire les mêmes trucs qu’un garçon. » Grâce à lui, je sais fabriquer plein de choses et j’ai tout lu.

    Tout ?

    Tous les genres : de la science-fiction à la bande dessinée, de Gotlib, Hara Kiri, Charlie Hebdo à la comtesse de Ségur, Les Trois Mousquetaires, Jules Verne, Victor Hugo. Mon père me répétait : « Ce qui compte, ce n’est pas ce que tu lis, mais que tu lises. » Je ne serais pas arrivée là si je ne m’étais pas énormément ennuyée. On avait quitté Paris, je me suis retrouvée dans un prieuré du XIIIe siècle, enfant unique, avec personne. Alors je lisais beaucoup. J’ai tellement lu que je n’arrive plus à lire. Mes parents m’ont fabriquée de tout ce qu’ils étaient : lui plutôt Courteline, Feydeau, Hugo, Racine, Shakespeare, elle, plutôt Goldoni et Tchekhov.

    Lors de votre discours à la cérémonie des Molières en 2018, vous avez dit, en parlant de vos parents, que « le métier les avait abandonnés »…

    Parce que je ne serais pas arrivée là si, après le grand succès qu’ont connu mes parents avec le feuilleton télévisé Thierry la Fronde – écrit par mon père et dans lequel ma mère jouait le rôle de la compagne du héros –, il n’y avait pas eu leur échec. Oui, ils ont été abandonnés. Et cet échec a été fondamental dans ma construction.

    Que s’est-il passé ?

    En 1968, ils ont été extrêmement actifs. A tort ou à raison, ils étaient purs et durs. Ma mère suivait, un peu dans la soumission. Enfant, j’ai baigné dans l’engagement politique. Des organisations comme Secours rouge, Comité Gavroche… J’ai pleuré quand ma mère m’a annoncé que la Sorbonne avait été reprise. Cet élan était beau, mais, quand vous voyez vos parents détruits par ça et que, pour finir, parce qu’ils n’ont plus de travail, vous vous retrouvez à vivre dans un truc pas chauffé, il y a une désillusion. Ils ont lâché et ont été lâchés. Mais je n’en souffrais pas vraiment. Pourtant il y avait des Noëls où il n’y avait rien. J’étais plus triste pour eux que pour moi.

    Ces parents si particuliers, qu’est-ce qu’ils vous ont le plus appris ?

    Mon père me disait : « Ce qui compte, c’est l’histoire horizontale. Quand tu as une date, regarde ailleurs dans le monde à la même date ce qui s’est passé. C’est comme cela que tu comprendras l’histoire. » Ma mère, elle, était plus en retrait. Comme tous les gens qui ont été brimés dans leur enfance, elle ne se sentait pas légitime. Sa beauté était son garde-fou, son arme. Elle me parlait des femmes, lisait les romancières. Je ne me rendais pas compte qu’il fallait lutter, ça m’est apparu bien plus tard. Elle me disait régulièrement : « Tu as de la chance. » Et cela m’exaspérait. Mais oui bien sûr, j’ai de la chance d’avoir toujours été autorisée et libre. Mais je ne l’ai pas compris avant qu’elle meure dans la misère, détruite.

    Quelles étaient vos envies durant votre jeunesse, vous projetiez-vous dans un univers artistique ?

    Non, pas du tout. J’ai été une bonne élève jusqu’à 13 ans, puis j’ai lâché l’affaire. Je m’emmerdais lors des dissertations. Grâce à ma mère, qui gardait tout, j’en ai retrouvé une, dont le sujet était : « Partir, c’est mourir un peu. » A la fin de mon devoir, j’avais écrit une histoire drôle : au Moyen Age, on laissait les gens dans les cachots, on les torturait, et ces martyrs finissaient par mourir, se décomposer. Moralité : « Martyr, c’est pourrir un peu ! » Cela amusait mon père ! Ma mère, c’était plutôt : « Quand même, tu exagères. » Mais j’ai toujours aimé les histoires drôles. Parce que j’adore la disjonction. Dans tout ! La disjonction permet de jouer avec le lecteur ou le spectateur, elle suscite la connivence. Dès que ça devient trop sérieux, j’ai toujours envie de déconner. On a le droit, c’est l’esprit humain.

    Pourquoi être allée passer cette audition pour une émission pour enfants, « Récré A2 » ?

    Parce que je n’avais pas d’argent. J’étais en fac, il me fallait un petit boulot. Une dame qui avait participé à Thierry la Fronde et qui travaillait sur Antenne 2 a dit à mon père que Jacqueline Joubert (directrice de l’unité jeunesse) recrutait. Donc j’y suis allée. Le surnom de Zabou vient de Récré A2. Mes parents l’utilisaient souvent et comme il y avait déjà une Isabelle dans l’émission, on a opté pour Zabou, persuadés que cela plairait aux enfants. Je m’amusais beaucoup à écrire mes sketchs.

    C’est grâce à la télé que vous allez faire du cinéma ?

    Jacky, avec qui je travaillais dans Récré A2, était copain avec Ramon Pipin du groupe Odeurs. C’est lui qui m’a incité à passer l’audition du film Elle voit des nains partout ! (1982). Mais je ne me suis jamais dit que j’avais trouvé ma voie. Tout n’est qu’une succession de choses, tout le temps.

    Mais il y a eu quand même un moment capital, votre rencontre avec Roger Planchon. Ce rôle d’Angélique qu’il vous a donné dans « George Dandin », de Molière, a été, avez-vous dit, un « détonateur »…

    Je ne pense pas qu’il existe de détonateur. Il n’y a que des choses qui font écho. Ce que disait Planchon m’inspirait tellement ! Rétrospectivement, il a été capital. Planchon était venu me voir jouer La Vie à deux, de Dorothy Parker, adaptée par Agnès de Sacy. Après le spectacle, il me propose un rôle. Je lui dis : « Oui, mais c’est pour quoi ? » Il m’explique qu’il s’agit d’Angélique dans George Dandin. Je lui réponds : « Pardon, mais on peut tellement s’emmerder dans le classique, on ne comprend pas toujours ce qui s’y dit. » J’étais totalement inconsciente ! Il me sourit et réplique, la main sur le cœur : « Alors on va faire en sorte de ne pas s’emmerder. » Quelle classe ! Ensuite, j’allais à toutes les répétitions, même celles où je ne travaillais pas. Juste pour l’écouter. Quand je n’y arrivais pas, il me disait : « Ce n’est pas grave, ce n’est pas encore passé au cœur. Laisse faire. » Je comprends encore mieux aujourd’hui à quel point tout ce qu’il disait était fondamental.

    Isabelle Breitman, Zabou et finalement Zabou Breitman, pourquoi avez-vous décidé d’ajouter votre patronyme à votre nom de scène ?

    Mon père avait choisi Jean-Claude Deret, du nom de sa mère, ce que faisaient beaucoup d’acteurs à l’époque. Et puis, au sortir de la guerre, Jean-Claude Deret, cela faisait moins juif que Breitman. En 1983, alors que je tourne l’ineffable Gwendoline, de Just Jaeckin, je fais des photos sur le tournage, et, sur les conseils d’un ami, je les vends à France Soir magazine. Jean-Marie Cavada, alors responsable de Parafrance, le distributeur du film, m’appelle et m’explique qu’il y avait une exclusivité avec une agence photo. Catastrophée, je m’excuse mais il me dit à plusieurs reprises : « Vous avez fait ça pour l’argent. » Je réponds non et je sens un petit venin arriver. Il ajoute : « Ça ne m’étonne pas, c’est quoi votre vrai nom déjà ? » J’ai senti comme un poison dans le corps, j’ai eu mal au ventre. J’ai refusé direct d’être victime, j’ai repensé à mon grand-père paternel juif, mais profondément laïque. Jamais je ne m’étais vue juive, sauf ce jour-là. J’ai rétorqué : « Pardon ? ! » Il a poursuivi : « Je me comprends très bien. »

    Je ne voulais pas en parler. Cela a mis dix ans avant que je le raconte, lors d’une interview, à André Asséo. Quand l’article est paru, Cavada a fait un scandale, des démentis. Je m’en fous. Je sais ce qui s’est passé, ce qui s’est dit très exactement. Et j’ai repris mon nom : Zabou Breitman. Cela a été un acte volontaire, la décision la plus forte que j’ai prise. La première fois que j’ai vu mon nom écrit entièrement sur une affiche a été pour La Jeune Fille et la mort, d’Ariel Dormant.

    Votre carrière est très éclectique, il est difficile de vous ranger dans une case. Est-ce assumé ?

    C’est assumé et involontaire. J’aime faire plein de choses, je n’y peux rien. Au lieu de rester à « ce serait bien de faire ça », je le fais ! Je suis toujours partante et fonctionne beaucoup à l’instinct. Pourquoi ne ferions-nous pas ce qu’on a envie de faire ? Mais le syndrome de la bonne élève, rendre un beau truc, reste très fort. Je lutte et travaille pour y arriver. Je suis bordélique dans ma vie mais obsessionnelle dans le travail.

    « Des gens », « Se souvenir des belles choses », « Logiquimperturbabledufou », d’où vous vient votre attirance pour ces histoires aux êtres fragiles, empêchés ?

    C’est peut-être dû au rythme de ma vie. J’ai eu une enfance extraordinaire, puis la fracture épouvantable vécue par mes parents a sans doute laissé des traces. Par exemple, ce qui me rend dingue, c’est l’approximation dans l’exécution, que les gens ne soient pas extrêmement appliqués à faire bien quelque chose. Parce qu’à ce moment-là on est dans le cynisme, dans l’absence de l’être humain. Pourquoi s’appliquer autant alors qu’on va tous crever ? Mais parce que, précisément, on peut le faire. Le gâchis me lamine. Au « bon, ben, tant pis », je réponds tout le temps, « non, tant pis pas ». J’adore me dire « si, c’est possible » et me battre pour faire les choses.

    Votre premier film en tant que réalisatrice, « Se souvenir des belles choses », vous l’avez écrit avec votre père et avez obtenu le César de la meilleure première œuvre…

    Avec mon père, on a toujours écrit ensemble. Mais quand j’ai reçu le César, je ne l’ai même pas nommé, même pas remercié. Je m’en suis voulu. J’en suis encore malade. Peut-être est-ce parce qu’il disait souvent « Ah, tu es bien ma fille », comme si je ne faisais rien par moi-même. Peut-être ai-je voulu lui mettre une petite pâtée, lui rendre la monnaie de sa pièce !

    En 2012, vous bousculez, avec Laurent Lafitte, l’antenne de France Inter avec l’émission parodique sur la santé « A votre écoute, coûte que coûte ».

    Avec Laurent, on a fait Des Gens, pièce tirée de deux documentaires de Raymond Depardon. Je l’avais repéré lors d’un tournage avec Gilles Lellouche. Il avait beau avoir un tout petit rôle, je me disais : « Mais il est dingue cet acteur ! » Puis il a fait son one-man-show extraordinaire, Laurent Lafitte, comme son nom l’indique. On est devenus très amis et un jour, Philippe Val, alors directeur de France Inter, voit son spectacle et lui propose une carte blanche. Mais Laurent avait une idée autour d’une émission de service et me la propose. Nous avons commencé à écrire. On s’est tout permis ! On a tellement ri ! Le standard a explosé plusieurs fois !

    Avez-vous toujours ce besoin de mener un projet ?

    Oui, absolument. Mon père disait toujours : « Si on n’a pas de projet, on meurt. » A chaque projet, je pense très fort à lui. Particulièrement pour Logiquimperturbabledufou, il aurait adoré.

    Que ce soit contre l’homophobie ou contre les violences conjugales, vous n’hésitez pas à vous engager. Qu’est-ce qui vous pousse ?

    Quand j’étais petite, mon père m’expliquait : « Tu noteras toujours que la xénophobie, l’antisémitisme, l’homophobie et la misogynie ont les mêmes ressorts d’intolérance. » Cela m’a marquée. Si je peux faire quelque chose, il faut être là. Mais à cause de ce que j’ai vécu enfant, confrontée à la politique beaucoup trop jeune, j’aborde les choses différemment. L’engagement c’est aussi jouer, faire un film. Tout compte, tout est politique. L’engagement, c’est une attitude générale.

  • L’OGM est dans le pré - Isabelle Paré - 24 Mai 2019 - Le devoir(Canada)
    https://www.ledevoir.com/societe/environnement/555114/l-ogm-est-dans-le-pre

    Près de 25 ans après l’introduction des premières cultures OGM au Canada, les plantes trans-géniques règnent en maîtres dans les champs. Or, l’histoire démontre que leur dispersion dans l’environnement n’est pas sans risque pour tout le secteur agricole.

    Dans son coin du Lac-Saint-Jean, le producteur de grains biologiques Guillaume Dallaire, de la ferme Tournevent, est un des rares producteurs de canola biologique au Québec, encore suffisamment isolé pour pouvoir produire une récolte sans traces d’OGM.

    « On a été cherché nos grains dans un coin reculé de l’Ouest. Les variétés traditionnelles de la région ont été contaminées par le pollen qui se diffuse très facilement par le vent ou les insectes. Il faut s’éloigner de plusieurs kilomètres pour cultiver, se concentrer dans des zones forestières », explique ce producteur, le seul à opérer une huilerie de canola bio au Québec.

    Comme le village gaulois encerclé par l’armée romaine, les producteurs bio sont de plus en plus isolés au sein d’une mer de maïs, de soja et de canola transgéniques, et à risque de perdre leur certification en cas de contamination.

    Selon un rapport du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB), la contamination par des cultures génétiquement modifiées (GM) a rendu presque impossible celles d’espèces non GM dans certaines régions.

    En Saskatchewan, en sept ans, la presque totalité des cultures de canola naturelles a été contaminée par pollinisation croisée. En raison de son fin pollen transporté par le vent, les insectes et les animaux, le canola GM pose un risque accru de contamination.

    Encerclés
    Ici, de petits producteurs comme Guillaume Dallaire essaient tant bien que mal de résister à cette invasion.

    « On aimerait faire plus, car la demande pour le bio est là, mais il existe peu d’espaces libres de cultures GM. La contamination, c’est notre préoccupation constante. C’est le futur de notre huilerie qui est en jeu », soutient ce dernier.

    En 2016, pas moins de 90 % du canola cultivé au Québec était génétiquement modifié, ainsi que 84 % du maïs-grain et 64 % du soja, selon des chiffres du gouvernement.

    La superficie destinée aux cultures GM au Québec est cinq fois plus grande que dans l’Europe tout entière, affirme Guillaume Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM, un organisme qui milite pour un suivi plus serré des OGM au Canada.

    Entre 2000 et 2018, la superficie des terres dédiées à la culture du maïs GM a triplé, et celle dévolue à la culture du soja GM a été multipliée par 10, totalisant 600 000 hectares de terres au Québec.

    D’un champ à l’autre
    Le maïs GM pose aussi un risque particulièrement élevé pour les producteurs de grains non GM ou bios, compte tenu de la volatilité de son pollen. « C’est difficile de m’isoler de mes voisins qui ont des cultures GM. Il faut des brise-vent, des bandes tampons d’autres plantes le long de mes champs », explique le producteur de grains bios Pierre Labonté.

    La contamination génétique menace non seulement les récoltes bios, mais aussi les semenciers, qui voient parfois leurs lots contaminés lors du stockage dans des silos ou lors du transport.
    Selon La Terre de chez nous, 50 % des échantillons non OGM testés en Montérégie par des producteurs bios contenait plus de 0,5 % d’OGM, alors que de 5 à 10 % en contenaient plus de 1 %. Un seuil suffisant pour « être déclassé » de la certification bio, ajoute M. Labonté, président du Syndicat des producteurs de grains biologiques du Québec.

    Ces producteurs doivent redoubler de prudence et faire analyser leurs semences avant les semis pour éviter l’introduction inopinée d’intrus GM dans leurs terres. Sinon, c’est toute leur production qui pourrait être vendue à un prix deux à trois fois inférieur.

    Aucun seuil de « traces d’OGM » à ne pas dépasser n’a été établi pour maintenir la certification bio, mais tous s’accordent pour dire que ces traces ne doivent pas excéder la barre de 0,9 %.

    « Quand on vend notre soja au Japon ou en Corée pour la consommation humaine, ils sont très exigeants. C’est l’acheteur qui a le dernier mot », affirme Pierre Labonté.

    Malgré la hausse de la demande pour les grains bios, la production demeure limitée par l’omniprésence des cultures GM sur le territoire, dit-il. « On n’est que 300 au Québec. On n’a pas un gros poids pour forcer les autres producteurs à faire attention à la contamination. Tout ce qu’on peut faire, c’est se protéger », dit-il.

    Un enjeu d’avenir
    Pour l’organisme Vigilance OGM, c’est toute la filière des cultures GM qu’il faudrait surveiller de plus près. Des lacunes survenues au fil des ans ont mené à de lourdes pertes, notamment pour les producteurs de lin canadiens qui ont perdu dans les années 2000, après une contamination, une part de leurs débouchés en Europe, où la culture de grains GM est interdite.

    L’approbation récente de la luzerne GM par le Canada, une vivace qui n’aurait plus besoin d’être plantée chaque année, fait aussi craindre le pire.

    « Ça veut dire une perte d’autonomie importante pour les producteurs qui cultivent leur propre luzerne pour nourrir leurs bêtes, croit M. Rehn. Sans compter le risque d’introduction dans la chaîne alimentaire, et celui que la luzerne naturelle finisse par être éradiquée. »

    #ogm #agriculture #monsanto #alimentation #semences #agrobusiness #santé #quelle_agriculture_pour_demain_ #environnement #multinationales #nature_/_ecologie #europe #agrochimie #génétique #agro-industrie #contamination

    • Je ne retrouve pas de version complète du dossier en ligne, juste une version archivée mais très incomplète :
      http://bat8.inria.fr/~lang/ecrits/libe/www.liberation.fr/multi/trombinet/index.html

      Seule la partie « Les activistes » affiche encore la liste des heureux sélectionnés (hommes, blancs, pas trop de femmes s’il vous plaît) :
      http://bat8.inria.fr/~lang/ecrits/libe/www.liberation.fr/multi/trombinet/pop_acti.html

      Le seul élément qui permet de se faire une idée des autres heureux élus, c’est un récapitulatif dans la version 2002, évoquant ce que sont devenus ceux de 2001. Où l’on se souviendra qu’à cette époque, pour les médias, le Web commençait à sérieusement se limiter aux formidables entreprenautes de la nouvelle économie.

      Ils étaient dans le trombi. net en 2001...
      https://www.liberation.fr/cahier-special/2002/03/22/ils-etaient-dans-le-trombi-net-en-2001_397933

      ... ils sont en place

      Thierry Ehrmann, président du groupe Serveur, poursuit l’aventure d’Artprice. Anne-Sophie Pastel, PDG d’Aufeminin, le premier portail féminin français. Laurent Alexandre, président de Medcost, a réorienté sa société vers l’ingénierie informatique. Patrick Chêne, président du portail Sporever qui s’est spécialisé dans la fourniture de contenus sportifs à des sites et chaînes de télévision. Isabelle Bordry, toujours à la tête de Yahoo France. Patrice Legrand, PDG de Boursorama, toujours bénéficiaire. Gauthier Picquart, directeur général de Rueducommerce, proche de l’équilibre. Roland Coutas, toujours chez Travelprice où il a fait venir Marc Rochet, ex-président d’AOM-Air Liberté, qui est appelé à devenir président du directoire. Jacques Rosselin, à la tête de Canalweb, devenu prestataire de solutions pour la diffusion de programmes audiovisuels sur le Net, en redressement judiciaire.

      ... ils ont revendu leur société

      Jean-Pierre Arbon travaille dans la maison d’édition en ligne 00h00.com revendue à Gemstar TV Guide, le leader des technologies de livre électronique Ebook. Pierre-François Grimaldi a revendu le site d’enchères en ligne iBazar à Ebay. Christophe Agnus a revendu le mensuel Transfert au groupe l’Ile des Médias mais reste directeur de la rédaction. Laurent Edel a revendu sa participation dans l’incubateur Republic Alley. Il a fondé un cabinet de conseil aux contours encore flous mais au nom optimiste : Good Futur...

      ... ils ont bougé

      Marie-Christine Levet a quitté la direction générale de Lycos France pour prendre la tête de Club-Internet. Jean Ferré n’est plus président de l’association des start-up parisiennes Silicon Sentier, aujourd’hui disparue, et a aussi quitté la direction de l’éditeur de logiciels Arisem, revendu. Anne Sinclair, « virée » (selon-elle) de la vice-présidence de e-TF1, travaille pour Netgem (décodeurs pour la télé interactive) en tant que conseillère du Président.

  • Fraude fiscale et corruption : les Balkany devant la justice (Le Figaro)
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/16012-fraude-fiscale-et-corruption-les-balkany-devant-la-justice-le-figar

    Ils vont servir d’exemple mais quid de Total, BNP, HSBC, Engie, Google, Amazon etc... ces 600 milliards qui manque cruellement à la France... Pour stopper net l’évasion fiscale il faut sortir de l’Europe...

    Le maire de Levallois encourt dix ans de prison et 750.000 euros d’amende. Isabelle Balkany, qui a tenté de se suicider le 1er mai, devrait comparaître aux côtés de son mari.

    Si discrets dans les montages financiers qui, selon l’accusation, leur ont permis de soustraire au moins 13 millions au fisc entre 2009 et 2015, Patrick et Isabelle Balkany l’étaient beaucoup moins dans leur vie quotidienne. Les époux, aujourd’hui âgés respectivement de 70 et 71 ans, menaient grand train entre leur luxueux moulin de Giverny, leur villa de rêve sur l’île de Saint-Martin et leur riad paradisiaque (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • Atelier Machinima
    https://www.nova-cinema.org/prog/2019/171-killing-2360/games-and-over/article/atelier-machinima

    A l’occasion de cette programmation autour du jeu vidéo, Isabelle Arvers viendra animer un atelier de création de machinima. Tu as toujours rêvé de voir tes personnages de jeux vidéo préférés incarner d’autres rôles que ce qu’ils jouent d’habitude ? Tu voudrais voir un de tes film projeté dans une vraie salle de cinéma ? Rejoins cet atelier ! Les machinimas sont des films conçus à partir de jeux vidéos. Ouvert à tous (à partir de 8 ans), l’atelier permettra à chacun de découvrir l’histoire de cette pratique, les différentes techniques et réaliser son propre film.

    dimanche 28 avril 2019 à 10h

    #Workshop

  • Fichage des gilets jaunes blessés, le Canard Enchaîné enfonce le clou - Next INpact
    https://www.nextinpact.com/brief/fichage-des-gilets-jaunes-blesses--le-canard-enchaine-enfonce-le-clou-84

    Selon le Canard Enchaîné, et malgré les dénégations de Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), les services hospitaliers ont bien reçu la consigne d’inscrire dans un fichier les nom des gilets jaunes blessés à l’occasion de certaines des manifestations.

    Une mesure confirmant plusieurs informations révélées préalablement par des professionnels du secteur ou Mediapart. « Il est indispensable de saisir les identités des victimes en temps réel dans SI-VIC » écrit l’administrateur de garde, dans une capture réalisée par nos confrères.

    Le fichier SI-VIC avait été initié à la suite d’une délibération de la CNIL du 7 juillet 2016. Il autorisait à l’origine le ministère de la Santé à mettre en œuvre un traitement automatisé « ayant pour finalité l’établissement d’une liste unique des victimes d’attentats pour l’information de leurs proches par la cellule interministérielle d’aide aux victimes ».

    Une solution présentée par le gouvernement comme « provisoire, dans l’attente du développement d’un outil interministériel destiné au suivi des victimes d’attentats dont les modalités restent à définir et qui fera l’objet de formalités propres auprès de la Commission ».

    Plus d’un an plus tard, le gouvernement publiait un décret pour ouvrir l’accès à ces données au ministère de l’intérieur, passé sans grande difficulté devant la CNIL. La présidente d’alors, Isabelle Falque-Pierrotin relevait tout de même que désormais, « les catégories de données relatives aux utilisateurs finaux du système d’information ne sont pas mentionnées ». Elle recommandait que le projet soit complété sur ce point.

    Si le gouvernement a pu ouvrir les vannes de SI-VIC, c’est tout simplement parce que la loi du 23 décembre 2016 qui encadre ce traitement évoque des cas de situations exceptionnelles, pas seulement des actes de terrorisme.

    • version gentillette du Monde où la réponse à la question est du genre, Non, ou alors, juste un peu et ça porte pas à conséquence.

      Et c’est temporaire, parce que bientôt, la loi obligera d’informer le patient arrivant aux Urgences (en état de choc ?) qu’il a un droit d’opt-out pour l’inscription nominative au fichier civique…

      Y a-t-il eu fichage des « gilets jaunes » blessés lors des manifestations ?
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/20/y-a-t-il-eu-fichage-des-gilets-jaunes-blesses-lors-des-manifestations_545277

      Les personnes qui ont été blessées lors des manifestations de « gilets jaunes » ont-elles fait l’objet d’un « fichage » par les personnels des services d’urgences, via un dispositif d’identification – appelé Si-Vic – créé après les attentats de 2015 pour gérer les « situations sanitaires exceptionnelles » ?

      Si les autorités compétentes ont toujours reconnu avoir ponctuellement recours à ce système d’information afin de « consolider le nombre de victimes prises en charge », elles ont également toujours démenti toute possibilité d’un usage abusif, garantissant notamment que le ministère de l’intérieur n’avait accès ni aux données ni à l’outil, sauf en situation d’attentat. Le dispositif ne « comporte pas de données médicales », assurent-elles.

      « Jamais je ne demanderai aux soignants de ficher leurs malades », avait écrit sur Twitter la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, en février. « Connaître le nombre de personnes hospitalisées qui seraient soit des “gilets jaunes”, soit des forces de l’ordre, ça n’est pas comme ça que fonctionnent les hôpitaux, et heureusement ! », avait-elle lancé sur Europe 1.

      Il y a quelques jours, c’était au tour de Martin Hirsch, le patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), de certifier que cette procédure permettait de « répondre au mieux aux enjeux sanitaires, pas de violer le secret ». Il dénonçait une « agitation de mauvaise foi » après la publication par Le Canard enchaîné le 17 avril d’un message interne au groupe hospitalier demandant aux personnels de « saisir les identités » des blessés.

      Des propos qui n’ont visiblement pas suffi à rassurer le Conseil national de l’ordre des médecins. « Alerté par des médecins, notamment responsables de départements d’information médicale ou de services d’urgences », l’ordre a annoncé, vendredi 19 avril, avoir saisi la direction générale de la santé (DGS), au ministère de la santé, pour qu’elle lui apporte « toutes précisions utiles » au sujet du déploiement du dispositif. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a également été saisie « afin de recueillir son avis sur l’extension du système qu’elle avait autorisé pour faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, dans un contexte qui paraît être bien différent ».

      Le même jour, une plainte a été déposée au tribunal de grande instance de Paris par une personne blessée à la main par un tir de grenade, lors d’une manifestation de « gilets jaunes » le 9 février, et soignée à l’hôpital européen Georges-Pompidou (15e arrondissement de Paris). Au motif, notamment, de « collecte illicite de données à caractère personnel » et « violation du secret professionnel ». Arié Alimi, son avocat, dénonce un « fichage discriminatoire à raison de l’appartenance politique ».

      A la DGS, on assure que le dispositif Si-Vic a déjà été activé « plus d’une centaine de fois » depuis sa création, lors d’attentats ou lors d’événements avec de nombreuses victimes. Selon la DGS, le système n’a par ailleurs été activé lors des manifestations de « gilets jaunes » sur l’ensemble du territoire national « que les 8 et 15 décembre 2018. Il a ensuite été activé ponctuellement selon la situation locale par les agences régionales de santé ou les SAMU ».

      Sous couvert d’anonymat, un médecin urgentiste de l’AP-HP raconte au Monde avoir trouvé « très gênant » la demande de la direction de remplir Si-Vic, notamment parce que « les patients n’étaient pas informés qu’ils étaient inscrits dans ce fichier ». Il explique avoir choisi à titre personnel de ne pas remplir les noms des patients, « sauf en cas d’attentat ».
      Interrogée par le Monde sur cette absence de communication aux principaux concernés, la DGS assure que « ce système d’information transitoire sera remplacé dans les prochains mois par un système d’information pérenne qui comprendra une fonctionnalité permettant de délivrer à la personne une information sur ses droits ».

    • « Gilets jaunes » : l’AP-HP reconnaît un usage « inapproprié » d’un fichier recensant les blessés
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/24/gilets-jaunes-l-ap-hp-reconnait-un-usage-inapproprie-d-un-fichier-recensant-

      Après avoir, dans un premier temps, dénoncé une « agitation de mauvaise foi », la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a finalement reconnu avoir parfois utilisé « de manière inappropriée » un fichier nominatif recensant les blessés pris en charge lors de grands événements, notamment lors des manifestations de « gilets jaunes ».
      Selon Le Canard enchaîné du mercredi 24 avril, qui a eu accès à des données issues de ce fichier, certaines des fiches concernées comportent, à la case « commentaire », des précisions sur le type de blessure, comme « tir flash-ball : plaie arcade » ou « problème au poignet, suite coup de matraque selon le patient ».

      Le fichier, appelé Si-Vic (système d’information pour le suivi des victimes), mis en place après les attentats de 2015 pour faciliter l’identification et la prise en charge des victimes, ne comporte, sur sa « page principale », « aucune ligne qui aurait pour objet ou pour effet de recueillir des informations médicales », a rappelé, dans un communiqué, la direction de l’AP-HP.
      […]
      Une telle pratique, « inadéquate », a été observée pour « plus d’une dizaine de patients » lors des trois samedis de 2019 où le dispositif a été déployé, a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) François Crémieux, le directeur général adjoint de l’AP-HP. De telles données médicales « n’avaient rien à faire » dans ce fichier, a insisté ce responsable.

    • Le Monde ne semble pas remarquer que la seule chose que regrette la direction de l’AP-HP est la présence d’éléments médicaux. Le contexte (flash-ball, coup de matraque,…) ne comprend pas de données médicales et ne poseraient donc pas de problème ?…

      « Cette précision, qui avait été mentionnée dans un souci de bonne prise en charge des patients, n’aurait pas dû apparaître ; au contraire, il aurait dû être rappelé qu’aucune information médicale ne devait être saisie », souligne la direction, qui dit avoir donné des « instructions » pour « corriger ces éléments ».

  • Faire genres !
    http://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/faire-genres--10

    Faire #Genre ! glisse ses pieds dans les pantoufles des Promesses de l’Aube et vous propose une matinale antipatriarcale, queer et féministe.

    Aujourd’hui nous recevons Isabelle Jans, qui nous parle de « Pouvoirs et Dérives dans les arts de la scène », collectif crée l’an dernier suite aux faits de harcèlements et d’abus de pouvoir dénoncés en novembre 2017, Pouvoirs et Dérives organise des rencontre-conférences pour réfléchir ensemble aux outils spécifiques et nécessaires que demande le milieu culturel et artistique.

    Le prochain rendez-vous est fixé à La Bellone les 29 et 30 avril prochain, et se concentrera sur les écoles supérieures artistiques.

    https://www.facebook.com/events/2645281178847900

    Extrait du texte d’accueil écrit et lu par Carole Thibaut, à l’occasion de la reprise de (...)

    #Féminisme #Féminisme,Genre
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/faire-genres--10_06564__1.mp3

  • Soudan : une femme en blanc, icône de la révolte | Isabelle Mourgere
    https://information.tv5monde.com/terriennes/soudan-une-femme-en-blanc-icone-de-la-revolution-294716

    Elles sont les nouvelles « Kandaka », du nom des souveraines nubiennes qui régnaient avant l’ère chrétienne. Depuis le début des rassemblements contre le régime soudanais, les femmes sont majoritaires dans les cortèges. Drapée de blanc, arborant aux oreilles des boucles traditionnelles dorées, l’une d’elle est même devenue, par le biais des réseaux sociaux, le symbole de ce soulèvement Source : Terriennes

  • Madame la ministre de la Santé, libérez l’avortement
    https://www.liberation.fr/debats/2019/04/04/madame-la-ministre-de-la-sante-liberez-l-avortement_1719150

    Face à la menace de « grève des IVG » lancée par certains gynécologues pour faire pression sur le gouvernement, un collectif demande à Agnès Buzyn de saisir le conseil de l’ordre et de supprimer la clause de conscience relative à l’avortement.

    Nous sommes de ces femmes qui ont vu, le 13 mars, leurs droits pris en otage par le Syndicat des gynécologues et obstétriciens français (Syngof). Nous sommes de ces femmes qui ont vécu cette menace de « grève des IVG » comme l’ultime provocation de médecins dont les dérives ne datent pas d’hier. Nous sommes de ces femmes qui ont subi, années après années des violences gynécologiques et obstétricales. Aujourd’hui, dénoncer l’inacceptable ne suffit plus.

    Vous avez, madame la ministre, condamné le procédé des docteurs Marty, de Rochambeau et Paganelli, soulignant dans un communiqué, « le caractère inadmissible de ces menaces ». Vous avez insisté sur le fait qu’en « aucun cas une telle prise en otage des femmes ne peut servir de levier de négociation ou de médiatisation ». Pourquoi ne pas aller plus loin ? D’après l’article R4126-1 du code de la santé publique, « l’action disciplinaire contre un médecin […] peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance » par « le ministre chargé de la Santé ». Nous vous demandons, madame la ministre, de saisir la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins.
    Mettre fin aux pressions médicales sur les femmes

    Vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre, que cet appel à la grève, diffusé massivement auprès de 1 600 médecins par le premier syndicat de gynécologues de France constitue une incitation au délit d’entrave à l’IVG. Cette injonction a nécessairement pour objectif d’exercer des pressions sur les femmes qui souhaiteraient recourir à l’IVG et qui se trouvent confrontées à la peur qu’un praticien leur refuse ce soin et leur impose ses opinions.
    Renforcer la loi sur l’avortement en abrogeant la clause de conscience spécifique à l’IVG

    Nous réitérons ici, la demande récurrente des collectifs féministes et du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG. Concédée en 1975 pour faire passer la loi Veil, cette clause est aujourd’hui un instrument mis à la disposition des anti-IVG pour contrer la loi sur l’avortement et remettre en cause un droit durement acquis par le combat acharné des femmes et des féministes. En la détournant de son usage, le Syngof a prouvé que cette clause spécifique est le symbole d’un pouvoir médical qui continue à se mobiliser pour contrôler le corps des femmes.
    Autoriser les sages-femmes à pratiquer l’avortement instrumental

    Afin d’enrayer le problème récurrent d’accès à l’avortement, nous réclamons que la loi autorise les sages-femmes à pratiquer l’avortement instrumental. Vous avez rappelé à juste titre que c’est un acte chirurgical à faible risque. L’IVG n’est pas un acte relevant de la pathologie gynécologique. Il relève donc de la compétence des sages-femmes déjà autorisées à pratiquer l’avortement médicamenteux depuis 2016. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé préconise l’intervention autonome des sages-femmes dans l’IVG instrumentale au premier trimestre de la grossesse.

    Nous refusons d’être victimes de médecins qui nient nos droits, jugent nos choix, et violentent nos corps.

    Madame la ministre, libérez l’avortement ! Libérez les femmes des abus de pouvoir médical !

    Parmi les signataires :

    Avortement en Europe : les femmes décident collectif composé de 105 associations et organisations, Rebecca Amsellem fondatrice de la newsletter les Glorieuses, Isabelle Attard ex-députée écologiste, Clémentine Autain députée La France insoumise, Lauren Bastide journaliste, podcast la Poudre, Julien Bayou porte-parole national EE-LV, Fatima Benomar porte-parole des Efronté-e-s, Chantal Birman sage-femme, Sonia Bisch porte-parole collectif Toutes contre les violences obstétricales et gynécologiques, Laura Berlingo gynécologue obstétricienne, Jacques Boutault maire écologiste du IIe arrondissement de Paris, Francine Caumel sage-femme, Laurence Cohen sénatrice du Val-de-Marne, Mélanie Déchalotte journaliste, Monique Dental présidente du Réseau féministe Ruptures, Mounia El Kotni chercheuse en anthropologie de la santé, Emma bédéaste, Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique et chargée de mission égalité-diversité à l’Université de Reims, Christian Gaudray président de l’Union des Familles Laïques – UFAL, Cécilia Gondard secrétaire nationale du Parti socialiste à l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations, Marie Laguerre ingénieure, Marie-Hélène Lahaye juriste, Ophélie Latil fondatrice Georgette Sand, Anaïs Leleux militante féministe, Michèle LOUP présidente de l’association Du côté des femmes (DCDF), Raphaëlle Rémy-Leleu porte-parole d’Osez le féminisme !, Claire Monod coordinatrice nationale de Génération.s, Raquel Rico Berrocal anthropologue et sage-femme, Muriel Robin comédienne, Suzy Rojtman porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, Laurence Rossignol sénatrice, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes, Bruno Sanches comédien, Elise Thiébaut essayiste, Martin Winckler médecin, écrivain, éthicien.

  • Dans la jungle des contrats courts, Anne Rodier, Bertrand Bissuel
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/24/dans-la-jungle-des-contrats-courts_5440588_3234.html

    Dans la jungle des contrats courts

    En 2017, 1,2 million de personnes occupaient, en France, un contrat de moins de trois mois, d’après l’Insee. Le phénomène préoccupe le gouvernement, qui doit dévoiler dans les prochains jours le contenu de sa réforme.

    Il sait ce que le mot précarité veut dire. Durant une dizaine d’années, jusqu’à la fin 2011, Bachir, qui témoigne sous un prénom d’emprunt, fut employé comme maître d’hôtel par Lenôtre, l’un des traiteurs français les plus renommés. On faisait appel à lui pour des « extras » – de courtes périodes d’activité, parfois de quelques heures seulement, sur une journée. Puis la relation s’est éteinte, dans un climat conflictuel. Aujourd’hui âgé de 68 ans, Bachir a fait valoir ses droits à la retraite, tout en continuant à travailler, en tant que serveur dans un grand hôtel de l’hypercentre de Paris. Là encore, il exerce son métier dans l’instabilité, en qualité d’intérimaire.

    « Je fais six à sept jours dans le mois », confie-t-il. Ça lui permet de compléter sa « petite pension » et de subvenir aux besoins du foyer : ses deux filles sont encore à la maison, il a un emprunt sur le dos… Etre intérimaire implique de se mettre « à la disposition » de l’entreprise, rapporte Bachir : « “Ils” n’aiment pas qu’on refuse les missions. Si c’est le cas, ils vous oublient pendant une ou deux semaines et vous restez sur le carreau. » Difficile, dans ce contexte, « de prévoir quelque chose », de « mener une vie normale ». Des plannings sont certes distribués, « à l’avance », mais « parfois, ils rajoutent des jours ou ils en retirent ».

    Chaque année, ils sont des centaines de milliers à signer des contrats courts – c’est-à-dire d’un mois ou moins, selon la définition la plus courante. Cette forme d’emploi a été multipliée par 2,5 entre 2000 et 2016. En 2017, 1,2 million de personnes – soit 5,1 % de la population salariée – occupaient un contrat court, d’après l’Insee, qui retient d’autres critères pour le caractériser (il dure moins de trois mois et prend en compte l’intérim).

    Les enjeux sont aussi d’ordre financier

    La montée du phénomène préoccupe le gouvernement. Pour des raisons sociales, tout d’abord : « Les salariés concernés bénéficient moins que d’autres de formations qualifiantes, alors qu’ils sont moins qualifiés et plus éloignés du marché du travail, explique Gilbert Cette, professeur associé à l’université d’Aix-Marseille. De surcroît, ils ont plus de difficultés à accéder aux prêts bancaires et aux logements locatifs. » Les enjeux sont aussi d’ordre financier. Les personnes abonnées aux contrats courts passent régulièrement par la case assurance-chômage, ce qui a un coût : un peu moins de 2,9 milliards d’euros par an, en tenant compte des intermittents du spectacle et des missions d’intérim de moins d’un mois, selon l’Unédic.

    Au début de l’automne 2018, le premier ministre, Edouard Philippe, a demandé aux partenaires sociaux de s’attaquer au sujet dans le cadre d’une négociation interprofessionnelle. Peine perdue ! Les discussions, étalées sur trois mois et demi, se sont soldées par un échec, à la mi-février, le patronat et les syndicats étant incapables de s’entendre sur des mesures susceptibles de traiter le mal. L’exécutif reprend donc la main sur le dossier et doit dévoiler, dans les prochains jours, le contenu de sa réforme, sur une problématique complexe, qui n’est pas circonscrite à la France.

    De nombreux pays développés sont touchés, mais la France l’est davantage – ainsi que la Belgique –, d’après M. Cette. Au hit-parade de la volatilité de la main-d’œuvre, trois secteurs émergent, dans l’Hexagone : l’hôtellerie-restauration, l’hébergement médico-social et une catégorie fourre-tout appelée « autres activités spécialisées scientifiques et techniques », dans laquelle figurent notamment les instituts de sondage.

    Un recours vital, selon les entreprises

    Comment en est-on arrivé là ? Parallèlement à la tertiarisation de l’économie, la consommation de services s’est fragmentée et les commandes de produits passées au dernier moment ne cessent de s’amplifier. De tels usages plongent les entreprises dans une imprévisibilité croissante et les forcent à moduler leurs effectifs en fonction de ces à-coups.

    Au sein de plusieurs branches professionnelles, le recours aux CDD de quelques jours est présenté comme la seule réponse à des contraintes spécifiques. « Dans notre profession, les contrats courts sont indispensables : beaucoup d’entreprises ont souvent besoin de quelqu’un un jour par-ci, un jour par-là, témoigne Pascal Pelissier, président de la branche café-bar-brasserie du GNI, l’une des organisations patronales du secteur. En “extra”, on essaie de prendre toujours la même personne, pour des questions de confiance et de gain de temps. » Près d’un contrat court sur deux est en emploi de façon quasi continue et 70 % d’entre eux sont réemployés par la même entreprise.

    Dans le secteur médico-social, le discours est similaire : « Le contrat court est structurellement vital pour les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes [Ehpad]. C’est un secteur féminisé à 85 %, avec beaucoup de congés maternité et d’arrêts-maladie, et qui forme énormément. Or toutes ces absences imposent des remplacements immédiats, du fait de la continuité des soins », plaide Céline Fabre, directrice des ressources humaines du groupe DomusVi.

    « Le secteur nécessite une professionnalisation constante. Nous avons 475 000 heures de formation prévues en 2019 pour 8 500 équivalents temps plein », ajoute-t-elle. En volume, « on conclut 70 000 contrats courts par an, dont six contrats en moyenne par personne. En service de proximité, c’est fondamental d’avoir ses propres salariés, à l’égard des patients et de la clientèle. Un tiers de nos recrutements sont des transformations de CDD en CDI, mais de plus en plus de directeurs d’établissement se heurtent à des salariés qui refusent les CDI ; 60 % des contrats courts sont sur les filières soins, qui sont en grande pénurie. »

    Le besoin de main-d’œuvre dans ce champ-là s’accroît car il y a de plus en plus de personnes fragiles ou d’un grand âge susceptibles d’être accompagnées, complète Sébastien Darrigrand, délégué général de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES).

    « Plus fréquents dans les emplois routiniers »

    Les mutations technologiques en cours pèsent aussi sur le comportement des patrons. « Bon nombre de sociétés anticipent des transformations majeures en recourant aux contrats courts, car elles sont en train de numériser leurs process et savent que des emplois vont disparaître, estime Alain Roumilhac, président du spécialiste de l’intérim ManpowerGroup France. L’économie française ne pourrait pas fonctionner sans cette forme d’emploi. »

    Les exonérations de charges sur les bas salaires ont également contribué à l’envolée de la précarité, comme l’a souligné une récente étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques

    Les exonérations de charges sur les bas salaires ont également contribué à l’envolée de la précarité, comme l’a souligné une récente étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : ces allègements de charges ont favorisé la création de postes peu qualifiés, « ce qui a eu une incidence à la hausse sur les contrats courts, car ceux-ci sont plus fréquents dans les emplois routiniers », décrypte l’économiste Eric Heyer. Autre élément à mentionner : la diffusion des CDD d’usage (CDDU), un statut ultra-flexible dont les entreprises raffolent – y compris celles qui n’y sont pas éligibles, théoriquement.

    Enfin, les règles de l’assurance-chômage sont également pointées du doigt : « Environ 25 % des demandeurs d’emplois indemnisés gagnent davantage en alternant chômage et activité que s’ils travaillaient en continu dans la même activité », affirme Gilbert Cette – une donnée que le gouvernement a également mise en avant, fin février, en se fondant sur une recherche conduite par Pôle emploi. Autrement dit, dans certaines situations, l’entreprise et le salarié noueraient une sorte de pacte qui privilégierait le CDD fractionné, la première y gagnant en agilité et le second en retirant un avantage financier.

    Mais un point dans ce diagnostic ne convainc pas l’exécutif : c’est celui, répété à l’envi par le patronat, qui consiste à soutenir que certains employeurs ne peuvent pas faire autrement que de conclure beaucoup de CDD très temporaires. « Il serait absurde et aveugle de dire que l’utilisation des contrats courts n’est qu’une question de contraintes économiques », martèle un collaborateur de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. « Dans tous les secteurs », poursuit-il, les pratiques peuvent être très différentes entre des sociétés dont la taille et le modèle économique sont identiques. C’est la preuve, pour le ministère du travail, que « la qualité de l’organisation du travail et la pratique managériale » jouent aussi un rôle déterminant dans le turn-over des effectifs.

    Dans un premier temps, le gouvernement a joué la carte du dialogue en exhortant, en 2018, les branches professionnelles à prendre des mesures. Quelques-unes se sont prêtées à l’exercice. Dans la métallurgie, par exemple, un compromis a été trouvé qui prévoit, notamment, de réduire les périodes de carence entre deux CDD ou deux missions d’intérim (ce qui revient à diminuer le nombre de jours durant lesquels la réembauche d’une personne sur un poste donné est interdite).

    Mais le bilan de ces accords « est maigre », considère Marylise Léon, numéro deux de la CFDT : « Peu de chambres patronales ont joué le jeu et véritablement inscrit à l’ordre du jour la qualité de l’emploi. Seuls quelques secteurs – comme la propreté – s’y sont attelés, en articulant cette problématique avec l’organisation du travail. C’est indispensable ! » D’une manière générale, les confédérations de salariés trouvent que le Medef et ses alliés ne sont pas très allants pour résorber la précarité.

    Le gouvernement, qui semble partager cet avis, envisage, aujourd’hui, de manier la carotte et le bâton, par le biais du bonus-malus. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, ce dispositif module les cotisations d’assurance-chômage des entreprises en fonction du nombre de fins de contrat donnant lieu à une inscription à Pôle emploi : plus les séparations sont nombreuses, plus le patron est mis à contribution, et inversement, selon le principe du pollueur-payeur. Un mécanisme ardemment défendu par plusieurs économistes de premier plan : Jean Tirole, Pierre Cahuc…

    Un dossier bordé par des « lignes rouges »

    Seule petite ombre au tableau : les mouvements d’employeurs s’y opposent. « Nous sommes sceptiques sur cette option d’une taxation, déclare Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism’emploi, l’organisation qui représente les sociétés d’intérim. Elle risque d’avoir des effets inopportuns puisque les études montrent qu’une hausse de 1 % du coût du travail non qualifié se traduit par une diminution du volume d’emploi. »

    Président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Jacques Chanut pense que le bonus-malus peut changer « le modèle économique et social » de la profession : à l’intérim se substitueraient le travail au noir et le recours aux autoentrepreneurs, afin d’affronter les pics d’activité. Thierry Grégoire, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), rappelle que la majoration des cotisations, décidée en 2013 pour certains types de CDD, n’a nullement stoppé leur prolifération.

    L’autre piste à l’étude pour juguler l’inflation des CDD courts vise à revoir les règles de l’indemnisation chômage, afin que le demandeur d’emploi ait toujours intérêt à reprendre une activité durable. Un scénario, là aussi, très critiqué, mais par les syndicats, cette fois-ci, qui redoutent une réduction des droits pour les inscrits à Pôle emploi.

    Autrement dit, le dossier est bordé par des « lignes rouges », qu’il ne faut pas franchir aux yeux des partenaires sociaux. Les solutions consensuelles paraissent introuvables alors que tous les protagonistes s’accordent à reconnaître l’acuité du problème. Le défi est de taille pour le gouvernement.

    #travailleurs_précaires #chômeurs #revenu

  • Exils : poésie syrienne
    http://www.radiopanik.org/emissions/et-la-poesie-alors-/poesie-syrienne

    Textes lus :

    Hala Mohammad :

    La mémoire | الذاكرة

    La vie passe | يمضيي العمر

    J’ai beaucoup ri ce matin | ضحكت كثيراً هذا آلصباح

    Les Syriens aiment s’asseoir à la fenêtre | السوريون يحبون الجلوس قرب النوافذ

    Traduction Antoine Jockey : Ce peu de vie, éd. Al-Manar, 2016 & Prête-moi une fenêtre, éd. Bruno Doucey, 2018

    Omar Souleimane :

    La joue de ma mère | خدُّ امِّي

    Au printemps | في الرَّبيع

    Traduction Salah Al Hamdani et Isabelle Lagny : Loin de Damas, éd. Le temps des Cerises, 2016

    Nazih Abu Afach :

    En fuite | هرباً من هناك

    Tiré de : Damas-Marseille : un échange de poésie contemporaine, ouvrage collectif, éd. cipM, 2002

    Programmation musicale :

    Wajd Ensemble, Oud improvisation — Khaled Aljaramani, Joie — Al-Turath Ensemble, Taqsim Nay — Franz Schubert, 8e Symphonie, 2nd mouvement — Jacques Brel, Le bon dieu

    Invités : Racha Mounaged, (...)

    http://www.radiopanik.org/media/sounds/et-la-poesie-alors-/poesie-syrienne_06419__1.mp3

  • Le #9ème_art est né en #Suisse mais il est snobé par l’Etat

    La bande dessinée suisse connaît une vitalité et une diversité extraordinaires. Inventé au 19ème siècle par le Genevois #Rodolphe_Töpffer, cet art du récit ne bénéficie pas encore d’une reconnaissance officielle.

    En novembre 2018, une petite équipe de représentants de la bande dessinée (BD) suisse a été reçue par la direction de l’Office fédéral de la culture (OFC). But de cette visite : obtenir de la Confédération qu’elle intègre le 9ème art comme une discipline à part entière, avec la création d’un prix suisse de la BD et d’une bourse nationale. Le tout aurait pu figurer en 2019 dans le message culturel publié tous les quatre ans par l’OFC. Malheureusement, l’équipe déléguée par le Réseau suisse de la BD a fait chou blanc. « Le message culturel mentionnera la BD, mais sans plus. Nous sommes déçus, car nous attendions un vrai signal en vue de la reconnaissance de cet art », avoue Jana Jakoubek, directrice artistique du festival Fumetto, à Lucerne. « Le jour où la BD recevra des subventions à la création, comme c’est le cas pour le théâtre, j’espère qu’il y aura encore des livres », ironise Zep. Le créateur de Titeuf a vendu près de 20 millions d’albums dans le monde. Il ne comprend pas la frilosité des autorités suisses, « alors que les musées de la BD, de la Corée aux USA, mentionnent le fait que le créateur de la bande dessinée est le Genevois Rodolphe Töpffer ».
    La Suisse compte désormais une Ecole supérieure de bande dessinée

    Cofondateur de la première Ecole supérieure de BD en Suisse, lancée à Genève en 2017, le dessinateur Tom Tirabosco milite pour la création d’un centre suisse de la BD. Il définit la BD comme « un art majeur ayant atteint l’âge adulte ». « Les créateurs abordent désormais toutes les thématiques et se trouvent parfois très éloignés de la classique BD franco-belge, celle de Spirou ou Lucky Luke », défend-il. « C’est le seul médium artistique jamais inventé par la Suisse », complète Dominique Radrizzani, le directeur du festival lausannois BDFIL. Genève a fait honneur à cette discipline, en accueillant un hôtel Ibis, consacré à Töpffer et ses successeurs locaux (voir encadré page suivante).

    Des deux côtés de la Sarine, des auteur(e)s s’exportent à l’international. Les Romands sont les plus nombreux, avec notamment Derib, Cosey, Buche, Bertschy, Tirabosco, Peeters et Wazem. Les alémaniques, successeurs de l’artiste allemand Wilhelm Busch, auteur de « Max et Moritz », comptent dans leurs rangs des auteurs majeurs. A commencer par Thomas Ott et Anna Sommer. D’où vient alors cette timidité évoquée par Zep ? « La BD est souvent considérée comme un art de divertissement ou une industrie », résume Philippe Duvanel, qui dirige le festival Delémont’BD. Lui aussi était monté à Berne, il y a 4 ans, avec une délégation jurassienne, pour défendre un prix suisse de la BD. Il indique pourtant savoir que le conseiller fédéral Alain Berset, qui chapeaute l’OFC, est sensible à cet art. « Il y a sans doute un problème sur la légitimité de la BD à recevoir un soutien public, alors que ce n’est pas le cas pour d’autres disciplines, comme le théâtre, par exemple », regrette-t-il.
    Dessiner une BD requiert peu de matériel mais beaucoup de temps

    Si le matériel nécessaire pour dessiner est simple, « la création d’ouvrages de bandes dessinées nécessite un temps énorme », explique Zep. Le dessinateur indique que les créateurs sont en train de se précariser, dans un monde où le nombre d’ouvrages explose, mais avec des tirages de plus en plus limités. Il défend un système d’aide à la création, comme c’est le cas en France avec le Centre national du livre, où des jurys spécialisés accordent des subventions. En Suisse, seules existent quelques bourses cantonales et les appuis fédéraux à la BD ne sont pas décernés par des jurys spécialisés, cet art étant rangé dans une case dédiée au design.

    Malgré tout, la BD suisse serait en passe d’accéder à une reconnaissance des pouvoirs publics, notamment en Suisse romande, où les villes de Lausanne et Genève plancheraient sur un centre du 9ème art. « La BD suisse est en train de placer Genève sur la carte des lieux importants de cet art, à côté de Paris, Bruxelles et Angoulême », souligne Tom Tirabosco, qui préside la Swiss Comics Artists Association. Depuis 1997, Genève décerne chaque année des distinctions à travers les prix Töpffer. La Suisse compte aussi un musée de la BD : le Cartoon Museum de Bâle. Elle possède trois festivals de taille : BDFIL, Fumetto et Delémont’BD. Des évènements existent aussi à Aigle (VD), Belfaux (FR), Tramelan (BE) et Lugano.
    Des éditeurs qui travaillent avec l’Europe

    L’édition suisse n’est pas en reste, avec des maisons comme Atrabile, tournée vers la BD underground, ou encore Paquet, qui publient des ouvrages en Europe. RVB, collection dirigée par le dessinateur genevois Yannis La Macchia, publie des bandes dessinées numériques. En Suisse alémanique, la BD suisse s’exprime dans des magazines comme « Ampel », publié à Lucerne par un collectif, et « Strapazin » à Zurich. Moderne a publié le dernier ouvrage d’Anna Sommer (voir image ci-contre), auteure qui est traduite en français. Existe-t-il une BD suisse ? « Peut-être dans la façon d’envisager ce métier qui s’est développé dans un univers à la fois multiculturel et isolé », conclut Zep.
    La BD a crû sur un terreau alternatif

    Né en 1799, le satiriste genevois Rodolphe Töpffer est considéré comme l’inventeur du 9ème art. « Töpffer rédigeait des chroniques, qu’il découpera avec des dessins à l’appui du texte. Il a mis en place tout ce qui fait la BD moderne », explique Dominique Berlie, conseiller culturel au service culturel de la Ville de Genève. Montage, cases, effets de répétition, suspense : grâce à ces inventions, le créateur autodidacte de la « littérature en estampes » connaîtra un succès international avec entre autres, l’« Histoire de Monsieur Jabot » (voir page 10). « Il a aussi présenté une théorie de son art et a reçu le soutien de Goethe, qui y a vu quelque chose d’important », rappelle Dominique Berlie. « Après lui, il ne s’est plus passé grand-chose pendant longtemps en Suisse », continue Jana Jakoubek.

    « L’éclosion d’une BD qui se vendra à l’international remonte aux années 1960 et 1970, à travers une bande dessinée alternative, liée au monde des squats, qui s’est exprimée dans des affiches et journaux de gauche », raconte Dominique Berlie. Dans les années 1970, les dessinateurs genevois Ceppi et Poussin montent à Paris et réussissent à se faire publier par de grands éditeurs. Au début des années 1990, la revue genevoise « Sauve qui peut » publiera des dessinateurs issus des arts décoratifs, permettant à de jeunes pousses de s’exprimer, parmi lesquelles Zep, Wazem, Baladi, Helge Reumann, Peeters ou Tirabosco.

    Le jeune Zep avait fait des propositions à des quotidiens du cru, sans susciter d’intérêt. Mais le futur créateur du « Guide du zizi sexuel », sera soulagé de découvrir des confrères émerger dans les médias. « Le succès de gens comme Derib – auteur de Yakari – m’a permis de croire à la possibilité de faire ce métier », raconte-t-il. Zep évoque aussi sa rencontre avec Cosey, créateur de « A la recherche de Peter Pan ». « Moi qui aime la montagne, je me suis retrouvé dans ces récits contemplatifs qui se déroulent dans les Alpes valaisannes. Cela a montré qu’il était possible de parler de nos propres histoires, suisses, à une époque où la BD parisienne était très loin de ces préoccupations. »

    La relève de la BD suisse est en marche, assure Dominique Berlie. Il cite notamment des auteurs comme Peggy Adam, Isabelle Pralong, ou Guillaume Long. Outre Sarine, Tom Tirabosco cite le peintre Andreas Gefe, originaire de Schwyz. Jana Jakoubek met en avant les travaux des jeunes lucernois Noemi Laake et Andreas Kiener, actifs dans le collectif et magazine « Ampel ». (SH)

    https://www.revue.ch/fr/editions/2019/02/detail/news/detail/News/le-9eme-art-est-ne-en-suisse-mais-il-est-snobe-par-letat
    #BD #bande_dessinée

  • Violences sur les Champs-Elysées : « J’ai fait comme les autres, je n’ai pas réfléchi », Yann Bouchez
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/19/violences-sur-les-champs-elysees-j-ai-fait-comme-les-autres-je-n-ai-pas-refl

    Une cinquantaine des personnes interpellées samedi à Paris ont comparu lundi devant le tribunal.

    L’écart est saisissant. Samedi 16 mars, lors de l’acte XVIII des « #gilets_jaunes », les images de violences sur les Champs-Elysées ont tourné en boucle, montrant tour à tour commerces incendiés, vitrines éventrées et magasins pillés. Mais dans la salle d’audience 6.01 du tribunal de grande instance de Paris, personne, parmi la première poignée de prévenus à comparaître, lundi 18 mars, ne présente le profil du pilleur, de l’incendiaire ou du casseur rompu aux débordements.

    Il y a d’abord Clément, jeune paysagiste intérimaire, au buste aussi fin que ses dreadlocks sont épaisses, poursuivi pour avoir, près de la place de la Concorde, jeté une bouteille de bière en direction des forces de l’ordre, sans faire de blessé. Six mois de prison avec sursis. Raphaël, apiculteur de 32 ans, a été interpellé en fin d’après-midi, avec un sac contenant une veste Morgan et un jogging Nike, encore avec leurs antivols. Trois mois avec sursis. Cyprien, lycéen de 19 ans, reconnaît, lui, avoir fait un doigt d’honneur aux forces de l’ordre avant d’être arrêté puis avoir donné, dans le fourgon, un coup de pied à une policière. Six mois de sursis. Vincent, 21 ans, « street medic », a été retrouvé, avenue Foch, avec deux morceaux de marbre et de bitume dans ses poches. Des « souvenirs », se défend-il. Quatre mois ferme, avec mandat de dépôt.

    A Loïc, 29 ans, il est bien reproché d’avoir débuté un incendie, vers 22 heures. Mais il s’agissait d’un début de feu de poubelle, près de la place de la République, et l’homme, éméché, a très vite été maîtrisé. « On a une dichotomie énorme entre ceux qu’on a vus à la télévision ce samedi et les dossiers de personnes qui sont devant vous », résume l’avocat de Clément. Sur les quelque 250 gardés à vue du week-end à Paris, en marge des manifestations des « gilets jaunes », une grosse cinquantaine ont été présentés lundi en comparution immédiate.

    « C’est raisonner comme une pioche »

    Devant Corentin, sixième prévenu dans la salle 6.01, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, le reconnaît sans détour : « Il y a ceux qui cassent tout et pour l’instant on ne les a pas vus. » Mais elle ajoute : « Et puis il y a ceux qui ramassent et qui cautionnent, quelque part. » Aux yeux de la magistrate, le jeune homme de 22 ans, venu de Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or), en fait partie. Corentin est arrivé à Paris samedi matin, à 8 heures, « pour manifester pacifiquement ». Il a été interpellé, en fin de journée, vers l’Arc de triomphe, avec des vêtements de chez Zara et Hugo Boss, deux enseignes pillées quelques heures plus tôt. Le sac Okaïdi avec les cadeaux pour enfants était à lui par contre : après vérification, les policiers ont pu établir que le jeune homme les avait bien achetés pour une amie.

    Pour le reste, Corentin dit avoir trouvé les vêtements dans la rue. « Je ne serais jamais rentré dans le magasin, assure-t-il. Je me suis dit : “C’est perdu dans tous les cas pour le commerçant.” » « Ce n’est pas un raisonnement ça, c’est raisonner comme une pioche », gronde la présidente. Le procureur, Sébastien Hauger, insiste : « Receler des vêtements issus de pillages (…), c’est donner raison à ceux qui ont défoncé les Champs-Elysées, samedi. » Trois mois de prison avec sursis, et un an d’interdiction de paraître à Paris. « Je pense que la vie en Bourgogne est bien plus agréable », estime le procureur.

    Vies cabossées

    De sa vie pourtant, Corentin, comme tant de manifestants qui défilent à la barre depuis quatre mois, n’a presque pas parlé. Il a juste écouté la présidente en lire les grandes étapes. Le placement en famille d’accueil à 10 ans, la fin de la scolarité à 16 ans. Le travail, très tôt, dans les vignes et à l’usine. Combien gagne-t-il, d’ailleurs ? « Mille trois cents euros les meilleurs mois. » Elle indique une mention à son casier judiciaire pour usage de stupéfiants et tente un conseil, en répétant dans un sourire le nom de « Nuits-Saint-Georges » : « Vous prenez du cannabis ? Le rouge, c’est mieux. Raisonnablement. »

    Face au défilé de ces vies cabossées dans l’enceinte du tribunal, l’humour paraît souvent déplacé. « Ben, c’est pas bien gai », résume d’ailleurs à haute voix Isabelle Prévost-Desprez au moment d’évoquer la vie de Bryan, venu de l’Eure. Une mère alcoolique décédée. Une vieille dépendance au cannabis. A 26 ans, Bryan, la carrure solide, reconnaît avoir lancé « une ou deux pierres » sur des forces de l’ordre, samedi. « J’ai fait comme les autres, je n’ai pas réfléchi, je me suis fait engrener », tente-t-il d’expliquer. Mais c’est son parcours qui interpelle les juges. De 2011 à 2018, Bryan a travaillé dans l’armée. Il a fait partie des patrouilles, dans Paris, après les attentats de Charlie Hebdo. « On a fait plus de 300 jours de “Vigipirate”, j’ai même eu une médaille », raconte-t-il.
    « Vous ne voyez pas le problème ?, demande la présidente.
    – Si.
    – C’est quand même sidérant…
    – Je regrette.
    – On vous croit. Il y a eu beaucoup de regrets aujourd’hui. Un peu comme si vous redescendiez d’un trip. »
    Dix mois de prison ferme, sans mandat de dépôt. Bryan a pu repartir chez lui, où il doit terminer un travail d’intérêt général lié à son problème de drogue.

    • Je trouve super importants tous les comptes-rendus de procès. C’est le seul moyen de démontrer par le réel (et hélas le sordide de révéler impudiquement sa vie, son orgine) que les « casseurs » c’est ... ta soeur, ton voisin, ta collègue.
      Y’a aussi ce thread très complet : https://twitter.com/Salome_L/status/1107618884213972992
      avec cette réponse aussi qu’elle fait à une personne qui la questionne :

      De source de judiciaire pas plus d’une dizaine d’étrangers dans les personnes interpelées samedi. Je n’ai personnellement assisté à aucun jugement hier et ne peut vous dire s’il y en a eu dans les autres chambres correctionnelles.

      https://twitter.com/Salome_L/status/1107853188026249219

    • Gilets jaunes : prison ferme pour trois jeunes interpellés samedi, Faits divers|Louise Colcombet
      http://www.leparisien.fr/faits-divers/gilets-jaunes-prison-ferme-pour-trois-jeunes-interpelles-samedi-19-03-201

      Les comparutions immédiates se sont poursuivies ce mardi pour juger des suspects impliqués dans les violences de samedi à Paris.
      « Je suis entré dans le magasin, c’est une erreur de ma part. Toute l’après-midi, j’ai vu des personnes prendre beaucoup de choses, alors je me suis dit que j’allais tenter ma chance… », admet, l’air penaud, le prévenu. Il a 21 ans, un casier vierge, et une carrière toute tracée à la SNCF, pour laquelle il étudie en alternance.

      Interpellé samedi devant la boutique du PSG, pillée comme tant d’autres sur les Champs Elysées lors de l’acte 18 des Gilets jaunes, il était jugé ce mardi après-midi en comparution immédiate au tribunal de grande instance de Paris pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradation » ainsi que pour « vol » et « rébellion ». Sur lui, les policiers ont retrouvé trois maillots du club parisien, floqués aux noms de MBappé, Di Maria et Neymar… Ce qu’il reconnaît, tout en niant la rébellion.
      Le jeune homme vit chez sa mère

      « Avez-vous tenté de vous débattre ? » l’interroge le tribunal. « J’ai essayé d’enlever la main du policier… après, je suis tombé ». Il affirme avoir alors reçu trois coups de matraque, avant de finir à l’hôpital. Bilan : traumatisme crânien, plaie au crâne.
      Le jeune homme, non politisé, qui vit chez sa mère dans les Yvelines, explique d’une voix timide être venu à l’acte 18, non pas pour manifester, mais « pour voir ». « Pour voir quoi ? s’agace le président du tribunal. Pour voir les techniques de guérilla urbaine, pour voir les policiers recevoir des projectiles sur la tête ? » Le prévenu, inaudible et déstabilisé, marmonne dans sa barbe. « Et pourquoi être resté sur les Champs Elysées alors que les violences et les dégradations avaient lieu ? Vous n’étiez pas là pour prêter main-forte aux forces de l’ordre, tout de même… ? » le tance encore le président avant que la procureure ne réclame à son encontre six mois de prison ferme.

      « Etre au coeur de l’action »
      « Trois maillots du PSG, c’est vrai que c’est considérable », ironise d’emblée Me Pierre-François Rousseau, son avocat, plaidant un « moment d’égarement », et « l’absence de matériel pour blesser ou dégrader ». « Il a 21 ans, il veut se rendre compte, être au cœur de l’action au lieu de regarder cela sur BFMTV, comme beaucoup de ceux qui sont montés sur les barricades en 1968 ! », poursuit le pénaliste, jugeant les réquisitions excessives. En vain. Le frêle jeune homme est reconnu coupable de l’ensemble des faits, et écope de six mois de prison, dont trois avec sursis.

      Une fermeté qui se poursuit alors que pénètrent dans le box Mehdi et Charles, deux copains âgés de 20 ans et 19 ans. Le premier, habitué du mouvement, avait convié son ami, novice et peu politisé, venu spécialement de Toulouse (Haute-Garonne) « parce que c’était la dernière manifestation des Gilets jaunes ». Tous deux ont été arrêtés vers 16 heures samedi alors qu’ils tentaient de retourner sur les Champs Elysées après avoir avalé un casse-croûte. Bloqués par un cordon de CRS au milieu d’autres manifestants, ils racontent avoir été pris en tenaille et avoir vu fondre sur eux des policiers en civil venus de l’arrière… sans d’abord les identifier comme tels.

      « Votre carrière dans la police, c’est mal parti... »
      « Je me suis agité parce qu’au début j’ai cru que c’était des Blacks blocs, ils étaient en noir », se défend Charles, poursuivi comme son acolyte pour rébellion mais aussi violences - une bouteille de bière qu’il conteste avoir lancée -, « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradation » et recel d’une chemise Hugo Boss retrouvée dans son sac. Charles affirme « ne pas être d’accord total avec les Gilets jaunes », encore moins avec les casseurs. « J’en ai vu incendier des plantes synthétiques, je leur ai dit que c’était complètement con ! », plaide-t-il. Quant à la chemise, il comptait l’enfiler pour sortir le soir même. « Je l’ai achetée il y a trois mois pour passer les tests pour devenir ADS (adjoint de sécurité, NDLR) ». « Pour votre carrière dans la police nationale, c’est un peu mal parti… », lui fait remarquer un juge assesseur.
      Issu d’une famille aisée et engagée politiquement, étudiant en école de commerce, Mehdi, lui, assume son implication dans le mouvement des Gilets Jaunes. D’une voix posée, le jeune homme raconte avoir été sensible au manque de moyens des hôpitaux, alors que son père - décédé il y a un mois - était gravement malade. « Je suis jeune, c’est important de participer aux mouvements sociaux pour espérer un avenir meilleur », détaille-t-il. Problème : son gilet fluorescent a été retrouvé dans un sac qui contenait aussi des lunettes de piscine, un masque de paintball, des fumigènes et des gants coqués. Il portait aussi deux épaisseurs de vêtements, de quoi lui permettre de se changer pour se fondre dans la masse en cas d’exactions, soupçonne le tribunal. Lui assure avoir seulement voulu « se protéger ». « Ce n’est pas un matériel de protection, mais d’agression » ! tonne la procureure, fustigeant des jeunes « venus chercher le frisson de l’émeute » et réclamant pour le duo huit mois de prison dont deux fermes.

      Enfermement immédiat

      « Abasourdi », Me Pierre-François Rousseau rappelle que les policiers eux-mêmes ont estimé que Charles et Mehdi ne faisaient partie d’aucun groupe. « Comme disait Renaud, Je suis une bande de jeune à moi tout seul », se moque-t-il, avant de souligner la fragilité des procès-verbaux rédigés à chaud par des policiers débordés. « Vous n’avez pas parole d’Évangile d’un côté, et des petits jeunes qui disent n’importe quoi de l’autre ! », poursuit-il, revenant notamment sur le profil de Charles, apprenti policier à l’avenir désormais compromis. « Mais regardez son pull… Il a un pull avec des fleurs, on n’est pas face à un Black bloc ! », lance-t-il encore. Le jeune homme, relaxé pour l’affaire de la chemise, est finalement condamné à six mois de prison dont deux ferme. Son ami Mehdi à huit mois, dont deux fermes, avec mandat de dépôt, synonyme d’enfermement immédiat.

    • « Il n’y a que quand ça casse qu’on est entendu »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/16/il-n-y-a-que-quand-ca-casse-qu-on-est-entendu-recit-d-une-journee-de-violenc

      A l’arrière, les autres manifestants se chauffent au soleil, prennent des selfies devant les vitres brisées, se servent éventuellement dans les boutiques éventrées. Les premières semaines du mouvement, il y avait toujours des manifestants pour protester contre les pilleurs. Cette fois, rien. « Ça fait dix-huit semaines qu’ils ne nous écoutent pas !, explique John, un animateur de 28 ans qui a fait la route depuis Nancy. Les black blocs avant ils faisaient peur à tout le monde, maintenant on trouve que c’est un plus. C’est eux qui font avancer les choses, nous, on est trop pacifistes. »

      « Le Fouquet’s, ce symbole de l’oligarchie »

      Ils sont nombreux à dire la même chose. « On a pris conscience qu’il n’y a que quand ça casse qu’on est entendu… Et encore même quand on casse tout on ne nous entend pas », assure Johnny, 37 ans, directeur de centre de loisirs dans les Ardennes : « Il faut que Macron se rende compte que maintenant, il est cuit ». Isabelle 60 ans, venue de l’Essonne, se tient un peu en retrait, mais elle avoue : « Si j’étais plus jeune, j’irais à l’affrontement. C’est la #violence_d’Etat la première violence, celle qui donne la rage. »

      Les vitrines de nombreux magasins ont volé en éclat : Boss, Etam, Al-Jazeera Parfums, Nike, Swarovski, Bulgari, Longchamp, SFR, la boutique du PSG, mais personne ne bronche. « Jusqu’ici dans les #manifestations, je m’interposais pour éviter la casse. Mais là maintenant je me dis “tant pis”, confie Jennifer, 39 ans, cariste venue de Rouen et mère de deux enfants. Quand j’ai vu casser le Fouquet’s, ce symbole de l’oligarchie, je ne dis pas que j’étais satisfaite mais je ne suis plus contre. »

      Ana, 33 ans, une factrice venue de Toulouse est plus directe encore : « C’est génial que ça #casse, parce que la #bourgeoisie est tellement à l’abri dans sa bulle, qu’il faut qu’elle ait peur physiquement, pour sa sécurité, pour qu’ils lâchent. Après j’aurais été contente qu’on n’ait pas besoin de ça pour obtenir le RIC [Référendum d’initiative citoyenne] et le reste mais ça ne marche pas ».

      #Gilets_jaunes

  • Financer l’action sociale avec des fonds privés : les débuts laborieux des « contrats à impact social », Isabelle Rey-Lefebvre
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/07/les-debuts-laborieux-des-contrats-a-impact-social_5432627_3224.html

    Les CIS obéissent à une logique très macronienne, en associant le public et le privé. Seuls trois contrats ont été conclus en trois ans.

    Cela fait trois ans qu’ils existent, mais on ne peut pas dire qu’ils se soient vraiment imposés dans le paysage. Christophe Itier, haut commissaire à l’économie sociale et solidaire, tire, ce jeudi 7 mars, un premier bilan des contrats à impact social (CIS). Ils ont été lancés en 2016 par Martine Pinville, qui était alors secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale et solidaire d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie. Et M. Itier entend leur redonner du souffle. Cette formule vient du Royaume-Uni, où elle a été expérimentée, dès 2010, sur l’insertion des prisonniers à leur sortie de la prison de Peterborough, parvenant à réduire le taux de récidive de 9 %.

    Les CIS obéissent à une logique très macronienne, en associant le public et le privé, cette fois dans le domaine de l’#action_sociale. Ces contrats réunissent quatre partenaires : une association ou un opérateur qui propose une innovation sociale ; un investisseur privé qui la finance ; une entité publique, Etat ou collectivité locale, qui remboursera l’investisseur avec intérêts (entre 3 % et 5 %) si les objectifs de performance fixés au contrat sont remplis ; et un évaluateur externe chargé de vérifier les résultats.

    « Mesurer les coûts évités »

    « C’est une nouvelle façon de concevoir l’action publique, plus tournée vers la prévention, en mesurant les coûts évités grâce à cette action et permettant aux associations de passer à une échelle supérieure, s’enthousiasme M. Itier. Plus de vingt pays ont adopté ce système, décliné en 120 projets, pour un investissement total de 400 millions d’euros. »

    Un premier appel à projets, en 2016, avait obtenu quinze réponses. Seuls trois contrats ont été conclus.

    En France, le bilan est bien plus modeste. Un premier appel à projets, en 2016, avait obtenu quinze réponses. Seuls trois contrats ont été conclus. Trois autres devaient être officialisés le 7 mars, pour un total de 9,7 millions d’euros. L’association La cravate solidaire a, après une longue année de mise au point, signé son CIS fin décembre 2018. Elle espère développer son activité de coaching des jeunes à la recherche d’un emploi : « Il ne s’agit pas seulement de trouver un costard au jeune, mais de lui donner confiance et le préparer à l’entretien », explique Nicolas Gradziel, l’un des trois fondateurs que ce projet a réunis à leur sortie d’école de commerce.

    Cette activité pourra ainsi, avec l’apport de 500 000 euros par les assurances Maif et Aviva, la Caisse des dépôts et le fonds Inco – ex-Comptoir de l’innovation, géré par le #groupe_SOS – s’étendre au Val-d’Oise et en Seine-Seine-Denis. Un camion itinérant, deux salariés et des bénévoles sillonneront les banlieues les plus oubliées. « Nous devrons prouver, à l’aide d’indicateurs, que notre méthode assure un plus grand succès à l’entretien d’embauche que si le jeune n’a pas bénéficié de nos conseils », précise M. Gradziel.

    L’association Wimoov, du groupe SOS, aide les chômeurs et bénéficiaires du #RSA à trouver des solutions de transports pour les inciter à accepter un emploi ou une formation qui leur semblent géographiquement hors de portée. « Ce sont de petites actions, avec un conseil personnalisé, explique Florence Gilbert, fondatrice de Wimoov. Par exemple, convaincre un chômeur de prendre sa bicyclette pour parcourir les cinq kilomètres qui le séparent de son emploi ou de la gare en lui proposant un vélo à prix réduit et un itinéraire rapide et sûr ; aider un jeune à passer son permis et acquérir une voiture à petit prix ; organiser un covoiturage avec de petits bus ; convaincre une ville de modifier les horaires d’un car. »

    Un CIS soutient l’activité de l’association Article Un, qui aide les jeunes ruraux boursiers à oser choisir des études longues et difficiles.
    Wimoov compte 130 conseillers en mobilité quotidienne, répartis dans 27 plates-formes financées par les collectivités locales. Ils conseillent, chaque année, 11 000 personnes. Dans ce cas, le CIS apporte 750 000 euros financés par la BNP, le Crédit coopératif, la Caisse des dépôts et toujours le fonds Inco. Il permet de développer un nouvel outil, numérique cette fois, pour un plus grand nombre de bénéficiaires, à un coût moindre, avec diagnostic par internet.
    Un troisième CIS soutient l’activité de l’association Article Un, qui aide les jeunes ruraux boursiers à oser choisir des études longues et difficiles. Il est financé par le fonds B, lancé à titre personnel par Emmanuel Faber, Président de Danone, souvent consulté par Emmanuel Macron.

    « Ambiguïté »

    Ce principe des CIS ne fait cependant pas l’unanimité. « Evaluer l’action sociale est une bonne chose et nous avons des progrès à faire dans ce domaine, admet Patrick Doutreligne, président de Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, qui représente les trois quarts des intervenants dans le domaine sanitaire et social. Mais c’est toute l’ambiguïté de ces contrats à impact social : on voit bien que leur but n’est pas seulement d’être plus efficace mais d’abord de faire des économies d’argent public. Les indicateurs peuvent être biaisés et l’attribution de ces contrats rester opaque et source de conflits d’intérêts. »

    Conscient de la difficulté qu’ont les CIS à se multiplier, M. Itier cherche à en simplifier le processus. Il a confié cette mission à Frédéric Lavenir, président de l’Association pour le droit à l’initiative spécialisée dans le microcrédit, qui fera ses propositions d’ici au mois de juin.

    Quand le social finance les banques et les multinationales , Collectif
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/quand-le-social-finance-les-banques-et-les-multinationales_4880783_3232.html

    Les « investissements à impact social » posent des problèmes graves, qui remettent en question les missions de l’Etat, la nature du travail social et le rôle des associations, expliquent les membres d’un collectif d’associations de terrain.

    "Trois arguments sont mis en avant pour promouvoir les SIB : dans une période de pénurie d’argent public, faire appel au privé est une solution innovante ; la puissance publique ne prend aucun risque car les investisseurs ne sont payés que si les objectifs sont atteints ; à terme, le contribuable fait des économies. Tous sont fallacieux."

    Le gouvernement s’apprête à introduire en France les « investissements à impact social », avec, pour fer de lance, la création de « Social Impact Bonds » (SIB) pour lesquels il ne reste plus qu’à trouver une appellation « à la française ». Depuis la remise au gouvernement en septembre 2014 du rapport d’Hugues Sibille (alors vice-président du Crédit coopératif, dont il préside désormais la Fondation), le lobbying en faveur des SIB n’a jamais cessé.

    Le 4 février 2016, Le Monde publiait un article faisant la promotion des SIB, sous le titre « Quand les investisseurs privés financent l’action sociale », signé par Benjamin Le Pendeven, Yoann Lucas et Baptiste Gachet, qui sont aussi les auteurs du document « Social Impact Bonds : un nouvel outil pour le financement de l’innovation sociale » financé et diffusé par l’Institut de l’entreprise, un think tank dépendant des grands groupes industriels et financiers français.

    Depuis, une partie de la presse a suivi : Les Echos, La Croix, Libération et L’Humanité… Ces articles comportent nombre d’approximations sur le fonctionnement de ces produits financiers et en cachent les méandres qui permettent aux organismes financiers, aux consultants et aux cabinets d’audit de dégager des marges considérables.

    Trois arguments sont mis en avant pour promouvoir les SIB :
    – Dans une période de pénurie d’argent public, faire appel au privé est une solution innovante ;
    – La puissance publique ne prend aucun risque car les investisseurs ne sont payés que si les objectifs sont atteints ;
    – à terme, le contribuable fait des économies.
    Tous sont fallacieux.
    Supériorité du privé sur le public jamais démontrée

    Le premier argument est vieux comme le capitalisme. En réalité, la meilleure participation « innovante » du privé serait que les grands groupes multinationaux bancaires ou industriels payent les impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits et que l’optimisation et l’évasion fiscales ne soient plus possibles (il n’y aurait alors plus de déficit budgétaire dans aucun pays de l’Union européenne).
    Le second est également faux : le vrai risque est toujours assumé par la puissance publique, qui paye en dernier ressort, soit en rémunérant dans des conditions exorbitantes les financeurs, soit en reprenant le programme à son compte en cas d’échec (comme cela a été le cas, par exemple, pour le tout premier SIB, censé réduire la récidive des prisonniers de Peterborough, en Grande-Bretagne, et abandonné en cours de route).

    La meilleure participation « innovante » du privé serait que les grands groupes multinationaux bancaires ou industriels payent les impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits
    Pour le troisième, la supériorité du privé sur le public, aussi bien en termes d’efficacité que d’efficience, n’a jamais été démontrée.

    L’expérience des partenariats publics privés (PPP) prouve le contraire, comme le souligne le rapport de la commission des lois du Sénat.
    En clair, une autorité publique (souvent conseillée par les financeurs) qui souhaite engager une action dans un domaine social (insertion, récidive, décrochage scolaire, parentalité etc.), mais a des difficultés financières ou souhaite rompre avec le subventionnement des associations, s’adresse à un « organisme financier intermédiaire » (une banque qui, bien entendu, se rémunère). Cet intermédiaire récolte des fonds auprès d’investisseurs (banques, fondations d’entreprises, épargnants…) qui souhaitent s’impliquer dans le domaine social, tout en effectuant un investissement rentable.

    Un évaluateur de l’évaluateur de l’évaluateur
    L’autorité publique fixe (en principe) des objectifs à atteindre. L’intermédiaire sélectionne ensuite un « opérateur » qui peut être une association, mais aussi une entreprise privée (qui se rémunérera aussi) lequel sera chargé de la mise en œuvre.

    Un cabinet d’audit « indépendant » (également rémunéré) sera chargé de l’évaluation. Alors qu’il est très délicat d’évaluer des résultats dans le domaine social, dans certaines expériences en cours à l’étranger, il a été fait appel à un évaluateur de l’évaluateur et même un évaluateur de l’évaluateur de l’évaluateur (un nouveau marché pour les cabinets spécialisés).

    Bien entendu les thuriféraires français des SIB et le gouvernement nous promettent de faire mieux, puisque ce sera « à la française ».
    Au final, selon les résultats obtenus, les investisseurs vont recevoir, un retour sur investissement payé par l’autorité publique (donc par l’impôt des citoyens) à deux chiffres (jusqu’à 13 % voire, 15 % par an, selon les contrats).
    Un modèle prestataire
    Dans le système antérieur, une tout autre relation liait les associations (par définition non-lucratives) et les pouvoirs publics. Bons experts du terrain et du territoire, elles pouvaient conduire leur travail social, avec le plus souvent des professionnels, de façon relativement autonome, dans un climat de confiance et de coopération démocratique. Ce modèle est désormais déclaré caduc. À la mission de service public rémunérée par une subvention assortie de certaines contreparties se substitue aujourd’hui un modèle prestataire, régulé par la concurrence, au service de collectivités publiques se considérant elles-mêmes comme des entreprises.
    Les SIB sont bien une nouvelle forme de partenariats public-privé (PPP), tristement connus dans le domaine du BTP, dont les conséquences désastreuses ont déjà été soulignées à maintes reprises, y compris par la Commission des lois du Sénat qui parle de « bombes à retardement » pour les finances publiques (Rapport de la commission des lois du Sénat du 16 juillet 2014 sur les partenariats publics-privés (PPP) : « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? »).

    Il s’agit, ni plus ni moins, de transformer les « dépenses sociales » en « investissement social » très rentable, sans risque puisque le retour sur investissement est garanti par l’Etat, en contrepartie d’hypothétiques économies au terme du contrat ! Il est significatif que ces actions mobilisent les plus « grands philanthropes » du monde, tels Goldman Sachs, Merrill Lynch ou encore la fondation Rockefeller…

    L’ensemble du dispositif repose en réalité sur un socle purement idéologique : le privé serait, par principe, plus efficace et moins cher que le public. Un postulat qui n’a jamais été démontré mais qui rapporte ! L’institut de l’entreprise, dans la quasi-totalité des exemples qu’il fournit dans son étude, démontre que la plupart des SIB induisent un retour sur investissement qui double le capital investi en trois ans ! Pour le SIB « Advance Programme » au Royaume-Uni qui porte sur l’emploi, pour un capital investi de 3 millions de livres, le retour certes maximum sur trois ans est de 3,3 millions.

    Escroquerie financière
    Mieux encore, certaines actions menées à l’étranger par le biais d’un financement SIB ont coûté en moyenne trois fois plus cher au contribuable que si l’action avait été financée directement par la puissance publique. Au-delà de l’escroquerie financière, les « investissements à impact social » posent des problèmes graves, qui remettent en question les missions de l’Etat, la nature du travail social et le rôle des associations.

    La mise en place des SIB pose en effet la question de la définition de l’intérêt général : si désormais c’est le secteur financier qui décide de soutenir une action sociale plutôt qu’une autre (tout en puisant dans les fonds publics, c’est-à-dire dans la poche du citoyen), selon la seule règle de la maximisation du profit et la minimisation des risques, à quoi servent encore les élus et toute la vie démocratique à laquelle contribuent les différents organes de la société civile ?

    Plus besoin de métiers en tant qu’espaces d’autonomie, de socialisation et de responsabilité, puisqu’il s’agit pour les professionnels de ce secteur de devenir les exécutants de logiques financières

    Si les investisseurs déterminent à la fois les actions à financer, les indicateurs de performance et les objectifs (chiffrés) à atteindre, quid de la doctrine même du travail social ? Le travail social ne consiste pas à poser des rustines sur les dégâts du capitalisme. Il vise à l’émancipation des personnes vulnérables dans une société capable de reconnaître sa responsabilité dans la production d’inégalités et cherchant sans cesse à y remédier…

    Il ne s’agit donc pas simplement de produire les prestations adaptées
    et rentables, à une « cohorte » d’individus ayant des besoins particuliers, mais, partant de leurs ressources, de travailler « avec » eux au changement, dans une perspective de court et moyen terme, sans jamais être sûr, à l’avance, de la performance… C’est le prix de la solidarité en actes, que ne connaît pas le commerce.

    #Usagers-marchandise
    Si les acteurs de terrain (en grande majorité les associations) sont obligés de compter sur des financements de type SIB, avec mise en concurrence des « projets » et soumission absolue au diktat financier pour les « heureux élus » – en imposant un management ad hoc qui peut aller jusqu’à la mise en place d’un directeur financier dans la structure – que reste-t-il de l’essence même de la vie associative, reposant, répétons-le, sur la capacité des citoyens à s’organiser eux-mêmes pour trouver, par eux-mêmes, des solutions innovantes à des problèmes qu’ils sont les seuls (ou les premiers) à identifier ?

    Dans un système du paiement au résultat appliqué au social, la notion de métier est niée et, avec elle, la dimension créative des acteurs de terrain. On comprend mieux pourquoi le Plan d’action en faveur du travail social qui soutient l’ouverture du travail social aux investissements à impact social s’appuie sur une refonte des métiers du travail social : la réflexion sur la pratique n’est plus considérée comme un élément central de la formation, il suffit de former les travailleurs sociaux à des fonctions de coordination ou à acquérir des compétences purement techniques, suivant le niveau de qualification (« Défendre les métiers sociaux », Le Monde du 23 juin 2015).

    En effet, plus besoin de métiers en tant qu’espaces d’autonomie, de socialisation et de responsabilité, puisqu’il s’agit pour les professionnels de ce secteur de devenir les exécutants de logiques financières qui passent par une « rationalisation » de l’action. Pour les usagers également, la relation avec les professionnels du social change de nature : plus question d’une rencontre avec l’autre, plus question d’être considéré comme un citoyen protégé par la collectivité, mais bel et bien de devenir une marchandise.

    Les SIB sont présentés comme un outil innovant pour financer l’action sociale. En fait il s’agit juste d’accommoder une vieille recette qui consiste à faire payer la collectivité publique au bénéfice du privé lucratif, à s’accaparer des financements publics et à instrumentaliser le travail social.

    Mécanique néolibérale
    Même dotée d’un visage « solidaire », la mécanique néolibérale ne quitte jamais ses fondamentaux : haro sur l’Etat (et la démocratie), haro sur les capacités des citoyens à s’organiser eux-mêmes (en dehors du sacro-saint marché), haro sur toutes celles et ceux qui œuvrent à la transformation de la société dans une optique de justice, d’égalité et de fraternité, du bien commun, de l’intérêt général. Non seulement il faut refuser de s’engager dans la voie des SIB, mais les rescrits fiscaux opaques, les optimisations et évasions fiscales doivent cesser.

    L’avenir n’est pas dans la financiarisation du social mais dans l’instauration de nouvelles formes de relations entre associations et autorités publiques, reposant sur une co-construction réelle, l’indépendance des structures et le respect des métiers.

    Premiers signataires : Jean Claude Boual (Président du Collectif des associations citoyennes), #Michel_Chauvière (Directeur de recherche émérite au CNRS), Gabrielle Garrigue (Avenir Educs), Eric Denoyelle (Collectif pour une éthique en travail social), #L’appel_des_Appels.

    #Borello :
    https://seenthis.net/messages/741504

  • Piètres conditions de travail, rémunérations faibles... l’aide aux personnes âgées ne parvient plus à recruter, Francine Aizicovici
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/06/l-aide-aux-personnes-agees-en-souffrance_5432155_3234.html


    Une aide soignante et la résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, à Paris, le 20 septembre 2017. Céline Gaille / HansLucas

    Embaucher un aide-soignant ou une auxiliaire de vie sociale est une gageure. Cette situation sociale tendue génère de la « souffrance au quotidien ».

    « Chez une personne âgée valide, le matin, je devais en une demi-heure l’aider à sa toilette, préparer son petit-déjeuner, mettre ses médicaments dans le pilulier, faire son lit et, si j’avais le temps, passer un coup de balai », raconte Annie (le prénom a été modifié), qui explique à quoi ressemblaient ses journées. Et si l’ex-auxiliaire de vie sociale pour une association des Vosges dépassait la demi-heure, elle n’était « pas payée plus, bien sûr. En revanche, la personne payait le dépassement à l’association » .

    L’aide aux personnes âgées et/ou dépendantes se concentre au moment du lever, des repas et du coucher de la personne. Il faut tout faire vite. Faute de personnel suffisant, les salariés s’épuisent. Annie a fini par quitter cet emploi où l’amplitude de sa journée s’étendait de 8 heures à 20 heures, coupée en quatre tranches de deux heures de travail. « Je faisais au moins 100 kilomètres par jour pour aller dans huit petits villages, se souvient-elle. C’était très fatigant. » Depuis le 1er janvier, elle travaille dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), au sein d’« une bonne équipe ».

    Le secteur des services aux personnes âgées manque cruellement de personnel, et offre de piètres conditions de travail et des rémunérations faibles. A la suite d’une #grève très suivie, le 30 janvier 2018, dans les #Ehpad, le gouvernement avait annoncé le déblocage progressif de 360 millions d’euros pour ces établissements, une enveloppe de 100 millions pour les services d’aide à domicile ainsi qu’une loi autonomie avant la fin de 2019. Mais ces mesures n’ont pas suffi à apaiser les tensions.

    « Pression budgétaire »

    La loi autonomie arrivera « bien trop tard », estime Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) : « Nous parlons de ces problèmes depuis au moins quinze ans. Nous attendons des mesures très urgentes et concrètes. » Le financement public de l’aide à l’autonomie des personnes âgées représentait, en 2016, 22,8 milliards d’euros. Il faudrait « 10 milliards d’euros supplémentaires », selon lui, pour faire face aux besoins. « La pénurie grandissante de personnel résulte d’une pression budgétaire due aux choix des conseils départementaux et aux lois de financement de la sécurité sociale qui, depuis trois décennies, visent à raréfier les ressources du secteur », accuse Evelyne Rescanieres, secrétaire générale de la fédération CFDT Santé-sociaux.

    Or, il faut préparer l’avenir car avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes en perte d’autonomie devrait passer de 1,255 million actuellement à 1,6 million en 2030 et 2,45 millions en 2060. Selon le site Emploipublic.fr, 300 000 emplois nouveaux seraient à pourvoir dans les onze ans qui viennent.

    Cela n’ira pas de soi. L’enquête de Pôle emploi sur les besoins en main-d’œuvre 2018 révèle, en effet, que les Ehpad s’attendaient à rencontrer des difficultés dans 47 % de leurs projets de recrutement. Cette proportion montait à 58 % pour les aides-soignants et à 83 % pour les médecins coordinateurs. Dans l’aide à domicile et l’aide ménagère, associations, entreprises, organismes publics et plates-formes numériques anticipaient 76,8 % de recrutements difficiles (contre 70 % en 2017 et 60,6 % en 2016) alors que pour l’ensemble des projets d’embauche, la moyenne était de 44,4 %.

    Peu de candidats recrutés

    Aides à domicile, aides ménagères et aides soignants figurent en outre dans le Top 10 des métiers les plus recherchés. Un sondage réalisé en 2018 par le principal réseau d’aide à domicile, l’UNA, auprès de 256 de ses structures, indique, selon l’agence AEF, que 47 % d’entre elles n’ont pu pourvoir leurs postes vacants.

    Pôle emploi incite pourtant les chômeurs à se tourner vers ces professions « en tension », qui ne demandent pas toutes des qualifications. Mais « l’aide à domicile est un métier difficile, compliqué, où un certain comportement est attendu de la part des intervenants », tels la disponibilité, le sens des responsabilités, etc., prévient Quentin Duvivier, responsable du développement des relations avec les entreprises à Pôle emploi. Or, « certains demandeurs d’emploi imaginent qu’il suffit de s’être occupé de sa grand-mère pour savoir s’occuper d’une autre personne âgée… »

    « Beaucoup de candidats sont reçus par nos associations mais peu sont recrutés, observe Hugues Vidor, directeur général d’Adessadomicile, qui réunit 350 structures employant 30 000 salariés. Nos postes à pourvoir sont en concurrence avec ceux de secteurs comme l’industrie où les salariés sont à temps plein et n’ont pas de déplacements à faire. » « C’est difficile de valoriser un travail fragmenté, mal rémunéré, où les conseils départementaux nous imposent des temps d’intervention de plus en plus courts , ajoute-t-il. Passer d’une heure à quinze minutes pour faire la même chose, cela veut dire aller directement aux gestes utiles sans accompagnement social de la personne. »

    « Du travail à la chaîne »

    Dans les Ehpad, « quand il n’y a qu’une infirmière pour 40 personnes, le minimum est fait, mais la qualité du #soin relationnel n’y est pas, regrette une ancienne infirmière. Ça fait perdre le sens de notre métier. On n’a plus le temps de faire de l’individualisation. Cela devient du travail à la chaîne ».
    Pour une grande partie des salariés, les rémunérations avoisinent le smic ou lui sont « inférieures à domicile, où les emplois sont à #temps_partiel », précise M. Champvert. Julien Jourdan, directeur général de la Fédération des services à la personne (Fédésap), qui représente des entreprises du secteur, estime que le système actuel des aides « ne permet pas de rémunérer [les salariés] à un juste niveau ».

    Selon les départements, les aides varient entre 17 et 25 euros de l’heure. Les niveaux les plus bas ne couvrent pas le coût de revient des services aux personnes âgées et les hausses des tarifs sont maigres. « Pour 2019, le ministère de l’économie a fixé cette augmentation à 1,42 % quand le smic a été réévalué de 1,5 %, déplore Olivier Péraldi, directeur général de la Fédération du service aux particuliers (FESP). Cela fait cinq ans que l’augmentation est inférieure à celle du smic. »
    « On ne peut pas dire, comme le fait le gouvernement et comme le désire une très grande partie des gens, que la priorité est le maintien à domicile des personnes âgées et ne pas mettre en face les financements qui vont avec », résume Aline Mougenot, secrétaire générale adjointe à la CFTC Santé-sociaux.

    « Souffrance au quotidien »

    En établissement, les conditions de travail sont parfois difficiles, y compris psychologiquement. « Dans mon Ehpad, qui accueille 200 résidents dépendants, dont 20 souffrent de la maladie d’Alzheimer, un poste d’#aide-soignante et un d’infirmière ont été supprimés en un an et demi, calcule Isabelle (prénom modifié), infirmière dans un établissement de l’Aude. Mais on n’a pas moins de résidents ! Nous gérons beaucoup de fins de vie, avec des soins palliatifs, sans avoir le temps nécessaire pour le relationnel. On va accorder peut-être cinq minutes à une personne qui sait qu’elle va mourir. C’est de la maltraitance ! » « Heureusement, la bonne cohésion de l’équipe nous sauve, ajoute-t-elle. Mais si les conditions ne changent pas, je partirai. Je n’ai pas envie d’être dégoûtée de mon métier. »

    Dans ce climat pas vraiment porteur, une délégation des dix syndicats du secteur et de représentants de l’AD-PA a tenté, jeudi 21 février, de se rendre à l’Elysée pour remettre à Emmanuel Macron 30 000 « cartes-pétitions » revendiquant en urgence l’augmentation des salaires et des effectifs. Face au refus de les recevoir, l’intersyndicale et l’AD-PA ont dénoncé un « mépris vis-à-vis des salariés » et promis de revenir.

    Cette situation sociale tendue, aggravée par la suppression des contrats aidés, génère de la « souffrance au quotidien » pour les personnes âgées et leur famille comme pour les salariés. Conséquence : une mauvaise image continue de coller aux services d’aide aux personnes âgées qui, par ricochet, voient leur pénurie de candidats à l’embauche s’aggraver. Et ce, alors que les premières générations de papy-boomers atteindront, en 2030, 85 ans, âge moyen d’entrée en Ehpad aujourd’hui.

    Le président du Haut conseil du financement de la protection sociale, Dominique Libault, doit remettre d’ici à la fin mars au premier ministre, Edouard Philippe, ses propositions sur l’amélioration de la prise en charge des personnes dépendantes, issues de la concertation conduite depuis le mois de septembre 2018. L’amélioration de leurs conditions d’accompagnement devrait en faire partie. En attendant, l’union Aide à domicile en milieu rural (ADMR, 2 700 associations locales d’aide à domicile employant 94 000 salariés), a lancé le 4 février sa première campagne de publicité radio-télé, sur le thème : « Les gestes qui vous aident sont les liens qui nous unissent. » Des liens, à l’évidence, de plus en plus fragiles.

    #femmes #travail #vieilles #vieux #horaires_en_coupures #care

  • « Un héritage empoisonné », d’Isabelle Masson-Loodts
    https://reporterre.net/Projection-Un-heritage-empoisonne-AVANT-PREMIERE-Paris

    Des poisons de 14-18 aux déchets nucléaires : au fil d’une enquête sur l’héritage toxique de la Grande Guerre, se dessine une mise en perspective (d)étonnante. Dans les années 1920, la Belgique et la France se sont débarrassés des rebuts chimiques du conflit dans des territoires défavorisés. L’opposition des populations locales a été balayée par l’urgence des décisions et par les pressions exercées par les lobbies industriels et agricoles. L’actualité révèle que le déni des craintes exprimées à l’époque a favorisé un oubli délétère. Les habitants du nord du département de la Meuse subissent encore aujourd’hui les conséquences de l’amnésie qui a entouré la pollution de leurs terres. Or 100 kilomètres plus au sud, à Bure, d’autres citoyens luttent contre un projet de poubelle nucléaire. Alors qu’un siècle a suffi pour faire oublier le danger des pollutions héritées de 14-18, notre mémoire permettra-t-elle de préserver les générations futures de déchets qui resteront dangereux pour plusieurs millénaires ?

    #mémoire #oubli #nucléaire #Bure #Meuse

    • « Paysages en bataille », Isabelle Masson-Loodts, Editions Nevicata, 2014
      http://www.paysagesenbataille.be/le-projet/le-livre

      Le dernier combattant, toutes nations confondues, de la Première Guerre mondiale est mort en 2011. Pourtant, sur l’ancienne ligne de front, la Grande Guerre n’appartient pas qu’au passé.

      Elle fait partie du quotidien de ceux qui travaillent la terre des anciens champs de bataille et ramassent chaque année, dans les sillons creusés par leurs tracteurs, les obus et grenades que la terre recrache.

      La lecture des paysages de la Grande Guerre révèle aussi quelques « secrets » dérangeants. Les sols et les mers resteront encore longtemps pollués par le conflit. Et l’Armistice de 1918 n’a pas empêché la guerre de continuer à faire des victimes.