• A contre-courant du féminisme carcéral

    Le #système_judiciaire protège-t-il les #femmes ? Si, pour la plupart des féministes, la lutte contre les #violences_sexistes et sexuelles passe par l’#incarcération des agresseurs, la chercheuse et militante #Gwenola_Ricordeau plaide au contraire dans son essai "Pour elles toutes : femmes contre la prison" pour un combat féministe émancipé du #système_pénal.

    Le jour où la prison a cessé d’être une abstraction pour moi, j’ai été convaincue qu’il fallait l’abolir. Ce n’est donc pas par un cheminement théorique, mais par les tripes, que s’est imposée à moi l’idée de l’abolition de la prison : je ne savais pas bien comment on pouvait s’y prendre – ni même si d’autres y avaient songé avant moi. J’avais une vingtaine d’années et je savais que j’allais y consacrer une partie de ma vie.

    Dans les années qui ont suivi, j’ai découvert, émerveillée, les idées que désigne généralement l’expression « abolitionnisme pénal » et rencontré d’autres abolitionnistes, notamment grâce à mon engagement dans des luttes anticarcérales. Mon abolitionnisme n’a pourtant pas été totalement étranger à mon parcours féministe dont la construction doit beaucoup à mon expérience d’avoir eu des proches en prison. J’ai pris conscience très tôt de vivre là une expérience de femme. Car si les prisons sont surtout remplies d’hommes, il y a, devant leurs portes, presque seulement des femmes. Et j’ai su très rapidement que ce sont elles qui, pour l’essentiel, assurent dehors les tâches de solidarité matérielle et émotionnelle qui sont nécessaires à la survie des hommes dedans.

    Mon parcours féministe a aussi été façonné par la réflexion que m’ont obligée de mener plusieurs événements plus ou moins dramatiques de ma vie. Cette réflexion découlait d’une question : quelles formes de réparation, de reconnaissance et de protection pouvais-je attendre du système judiciaire ? J’ai été amenée à y répondre de diverses manières, à trois occasions au moins, puisque j’ai dû recourir au système judiciaire dans deux situations d’urgence et que j’ai pu choisir de refuser de le faire dans une autre. Pourtant, ces diverses expériences m’ont toutes laissée insatisfaite. En raison du caractère structurel des violences auxquelles j’ai été confrontée, qu’elles aient été interpersonnelles ou d’Etat, je savais pertinemment que rien n’avait été vraiment résolu – même si se défendre d’un homme et se défendre de l’Etat ont des implications fort différentes. J’ai donc été bien moins intéressée par l’idée d’user, sur le terrain judiciaire, de mon bon droit que de contribuer, sur le terrain politique, à la résolution collective des conditions qui avaient rendu possibles ces violences.
    Combattre la « justice patriarcale »

    Je suis convaincue depuis maintenant une quinzaine d’années de la nécessité d’abolir la prison. Je connais donc bien l’étonnement que suscite fréquemment une telle position. Je sais aussi qu’une question ne tarde jamais à être posée : « Et les violeurs ? » J’aime répondre, en particulier aux femmes, par une autre question : « Que pensez-vous de la manière dont ont été traités les cas de violences sexuelles dont vous avez eu personnellement connaissance ? »

    Je n’ai jamais obtenu une réponse simple. J’ai écouté des souvenirs et parfois des confidences. J’ai entendu de la rancœur, de la honte, des inquiétudes, de la tristesse. Chaque femme, à sa manière, esquissait le portrait d’un système judiciaire pas toujours juste et d’une justice des hommes à laquelle on n’est pas toujours sûres de pouvoir faire confiance. Parce que ces discussions confrontaient chacune à ses doutes, ses peurs, ses colères ou ses espoirs, il était difficile d’y mettre fin.

    Les femmes servent, de plus en plus souvent, de prétexte pour justifier le durcissement des politiques pénales, quand celui-ci n’est pas directement imputable aux mobilisations féministes, en particulier parce que les auteurs d’infractions à caractère sexuel sont, avec les auteurs d’attaques terroristes, la principale figure du danger que brandissent les défenseurs de ces politiques pénales. Or l’échec des politiques mises en place jusqu’ici pour résoudre le problème des violences sexuelles est flagrant : l’ampleur du nombre de femmes qui ne portent pas plainte indique la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeut des réponses pénales aux violences sexuelles. Mais le système pénal n’a-t-il jamais protégé les femmes ? Quelle sorte de femme faut-il être pour avoir encore confiance dans le système judiciaire ?

    Des femmes sont en prison, certes en plus petit nombre que les hommes. Néanmoins, les conséquences sociales (en particulier sur les enfants) de leur incarcération sont plus importantes que dans le cas des hommes. Des femmes sont aussi très nombreuses – je l’ai évoqué plus haut – devant les portes des prisons. Preuve d’amour, d’amitié, ou de sympathie, mais aussi de l’obligation de solidarité qui est faite aux femmes. Alors, combien faudrait-il de femmes en plus derrière les barreaux et dans les parloirs des prisons pour que la prison soit incontestablement une question féministe ?

    Voilà quelques pistes de réflexion qui suggèrent qu’on peut puiser dans le féminisme des critiques radicales du système pénal. N’a-t-on pas au moins autant de raisons de combattre la « justice patriarcale » que la « justice bourgeoise » ou la « justice raciste » ? Et si l’on considère ce que fait la « justice » aux personnes LGBTQ, ces critiques radicales ne peuvent-elles pas au moins s’appuyer sur la pensée queer ?

    Parce qu’il a été façonné par mon abolitionnisme et par mes expériences du système judiciaire, mon féminisme est allergique à ce qu’on associe généralement au « féminisme », c’est-à-dire des appels, au nom des femmes, à la criminalisation de plus de types d’actes et au prononcé de peines plus sévères. Ce même féminisme qui s’indigne de la condamnation en France de Catherine Sauvage 1, qui dénonce facilement le fait que d’autres Catherine Sauvage soient en prison, mais qui ne considérera jamais la prison comme un problème pour les femmes.

    Alors, peut-on laisser à ce courant du féminisme le monopole des victimes ? Les abolitionnistes comme les féministes ne peuvent se tenir à l’écart des discussions que soulèvent à la fois les besoins de justice des femmes et le sort de celles qui sont confrontées à la prison. De qui et de quoi le système pénal protège-t-il les femmes ? Qui entend la voix des femmes incarcérées ? De celles qui ont des proches en prison ? Toutes ces questions suggèrent une discussion entre féminisme et ­abolitionnisme pénal.
    Analyses féministes et abolitionnistes

    Engager cet échange n’est pas simple, car les luttes féministes et les luttes abolitionnistes sont souvent présentées, notamment en France, comme antagonistes. Les premières sont réputées plaider, dans leur ensemble, pour plus de répression, tout particulièrement à l’encontre des auteurs de violences faites aux femmes. Dans le même temps, les luttes abolitionnistes sont généralement soupçonnées de se désintéresser des victimes et singulièrement, parmi elles, des femmes. Pour rendre la discussion plus épineuse encore, le terme « abolitionnisme » sème la confusion quand on parle de féminisme, car il peut servir à désigner la position de certains de ses courants à l’égard de la prostitution – position du reste assez éloignée de celles de l’abolitionnisme pénal.

    Un peu de bonne volonté et un vocabulaire mieux défini ne suffiront pas pour venir à bout de cette discussion. En effet, l’abolitionnisme pénal se trouve, avec certains courants du féminisme (comme avec certaines luttes antiracistes ou LGBTQ), devant une vraie contradiction : les politiques de la reconnaissance menées sur le terrain du droit et des droits s’accompagnent assez naturellement d’appels à la création de nouvelles infractions (par exemple, liées aux discriminations). Or la criminalisation de certains actes, et donc de certaines personnes, va à l’encontre du projet abolitionniste.

    Pour elles toutes vise à délier ce nœud, en répondant essentiellement à trois questions. Le système pénal protège-t-il les femmes ? Qu’est-ce que le système pénal fait aux femmes qui y sont confrontées ? Faut-il inscrire les luttes féministes sur le terrain du droit ? L’exploration systématique des formes de protection que les femmes peuvent (ou non) attendre du système pénal et des manières dont elles sont affectées par son existence, et en particulier par celle de la prison (qu’elles soient incarcérées ou qu’elles aient des proches en prison), suggère, sur les plans théorique et stratégique, deux autres questions. Comment penser l’articulation des analyses féministes et abolitionnistes ? Quelles stratégies adopter pour s’émanciper du système pénal ?

    J’écris à la lumière de mon expérience personnelle et militante, mais aussi des recherches que je mène depuis une dizaine d’années, en particulier sur les solidarités familiales des personnes détenues. S’il me revient l’entière responsabilité des réflexions que j’expose dans ce livre, je sais aussi ce qu’elles doivent aux échanges auxquels j’ai participé grâce à mon engagement dans des luttes anticarcérales et dans l’abolitionnisme pénal, principalement en France et, depuis quelques années, aux Etats-Unis où je vis désormais. Elles doivent aussi beaucoup à mes nombreuses rencontres avec des féministes, des proches de personnes détenues et des militant.es à travers le monde. Je ne prétends donc pas, avec ce livre, faire trembler les théories politiques, ni, à vrai dire, écrire des choses qui n’ont pas déjà été dites, pensées ou discutées par d’autres ou collectivement – et aussi écrites, surtout en anglais.

    Comprendre comment s’est tissée notre dépendance au système pénal est un travail long et minutieux. Il faut détricoter de ce côté-là pour pouvoir, de l’autre, tisser ensemble féminisme et abolitionnisme pénal. Ce livre s’y emploie, avec pour fil conducteur celui-là même avec lequel j’ai cousu la trame de mes engagements politiques. Car je suis féministe, donc pour l’abolition du système pénal, et je suis pour l’abolition du système pénal, donc féministe. Parce que féministe tant qu’il le faudra et abolitionniste tant qu’il y aura des prisons, j’espère contribuer à faire résonner, dans les luttes féministes comme dans les luttes abolitionnistes, le slogan : « #Femmes_contre_la_prison ! »

    https://lecourrier.ch/2021/06/06/a-contre-courant-du-feminisme-carceral
    #féminisme #prisons #emprisonnement #justice #violences_sexuelles #abolitionnisme #abolitionnisme_pénal #solidarité_matérielle #solidarité_émotionnelle #réparation #reconnaissance #protection #violence #justice_patriarcale #patriarcat #viols #échec #criminalisation #répression #droit #droits #solidarités_familiales

    • Pour elles toutes. Femmes contre la prison

      « Comprendre comment s’est tissée notre dépendance au système pénal est un travail long et minutieux. Il faut détricoter de ce côté-là pour pouvoir, de l’autre, tisser ensemble féminisme et abolitionnisme pénal. Parce que féministe tant qu’il le faudra et abolitionniste tant qu’il y aura des prisons. »

      Les luttes féministes et les luttes pour l’abolition du système pénal et de la prison sont souvent présentées comme antagonistes. Le présent ouvrage vise à délier ce nœud en explorant les formes de protection que les femmes peuvent (ou non) attendre du système pénal et en mettant en lumière les manières dont celui-ci affecte leur existence, qu’elles soient incarcérées ou qu’elles aient des proches en prison.

      Le système pénal protège-t-il les femmes ? Que fait-il aux femmes qui y sont confrontées ? Faut-il inscrire les luttes féministes sur le terrain du droit ? En répondant à ces questions, Gwenola Ricordeau dénonce la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeuvent des réponses pénales aux violences contre les femmes. Critique du « féminisme carcéral », elle plaide pour des formes d’autonomisation du système pénal.

      https://luxediteur.com/catalogue/pour-elles-toutes
      #livre

    • Making misery pay : Libya militias take EU funds for migrants

      When the European Union started funneling millions of euros into Libya to slow the tide of migrants crossing the Mediterranean, the money came with EU promises to improve detention centers notorious for abuse and fight human trafficking.

      That hasn’t happened. Instead, the misery of migrants in Libya has spawned a thriving and highly lucrative web of businesses funded in part by the EU and enabled by the United Nations, an Associated Press investigation has found.

      The EU has sent more than 327.9 million euros to Libya (https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/region/north-africa/libya), with an additional 41 million approved in early December (https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/all-news-and-stories/new-actions-almost-eu150-million-tackle-human-smuggling-protect-vulnerable), largely channeled through U.N. agencies. The AP found that in a country without a functioning government, huge sums of European money have been diverted to intertwined networks of militiamen, traffickers and coast guard members who exploit migrants. In some cases, U.N. officials knew militia networks were getting the money, according to internal emails.

      The militias torture, extort and otherwise abuse migrants for ransoms in detention centers under the nose of the U.N., often in compounds that receive millions in European money, the AP investigation showed. Many migrants also simply disappear from detention centers, sold to traffickers or to other centers.

      The same militias conspire with some members of Libyan coast guard units. The coast guard gets training and equipment from Europe to keep migrants away from its shores. But coast guard members return some migrants to the detention centers under deals with militias, the AP found, and receive bribes to let others pass en route to Europe.

      The militias involved in abuse and trafficking also skim off European funds given through the U.N. to feed and otherwise help migrants, who go hungry. For example, millions of euros in U.N. food contracts were under negotiation with a company controlled by a militia leader, even as other U.N. teams raised alarms about starvation in his detention center, according to emails obtained by the AP and interviews with at least a half-dozen Libyan officials.

      In many cases, the money goes to neighboring Tunisia to be laundered, and then flows back to the militias in Libya.

      The story of Prudence Aimée and her family shows how migrants are exploited at every stage of their journey through Libya.

      Aimée left Cameroon in 2015, and when her family heard nothing from her for a year, they thought she was dead. But she was in detention and incommunicado. In nine months at the Abu Salim detention center, she told the AP, she saw “European Union milk” and diapers delivered by U.N.staff pilfered before they could reach migrant children, including her toddler son. Aimée herself would spend two days at a time without food or drink, she said.

      In 2017, an Arab man came looking for her with a photo of her on his phone.

      “They called my family and told them they had found me,” she said. “That’s when my family sent money.” Weeping, Aimée said her family paid a ransom equivalent of $670 to get her out of the center. She could not say who got the money.

      She was moved to an informal warehouse and eventually sold to yet another detention center, where yet another ransom — $750 this time — had to be raised from her family. Her captors finally released the young mother, who got on a boat that made it past the coast guard patrol, after her husband paid $850 for the passage. A European humanitarian ship rescued Aimée, but her husband remains in Libya.

      Aimée was one of more than 50 migrants interviewed by the AP at sea, in Europe, Tunisia and Rwanda, and in furtive messages from inside detention centers in Libya. Journalists also spoke with Libyan government officials, aid workers and businessmen in Tripoli, obtained internal U.N. emails and analyzed budget documents and contracts.

      The issue of migration has convulsed Europe since the influx of more than a million people in 2015 and 2016, fleeing violence and poverty in the Mideast, Afghanistan and Africa. In 2015, the European Union set up a fund intended to curb migration from Africa, from which money is sent to Libya. The EU gives the money mainly through the U.N.’s International Organization for Migration (IOM) and the High Commissioner for Refugees. (UNHCR).

      But Libya is plagued by corruption and caught in a civil war. The west, including the capital Tripoli, is ruled by a U.N.-brokered government, while the east is ruled by another government supported by army commander Khalifa Hifter. The chaos is ideal for profiteers making money off migrants.

      The EU’s own documents show it was aware of the dangers of effectively outsourcing its migration crisis to Libya. Budget documents from as early as 2017 for a 90 million euro (https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/t05-eutf-noa-ly-03.pdf) outlay warned of a medium-to-high risk that Europe’s support would lead to more human rights violations against migrants, and that the Libyan government would deny access to detention centers. A recent EU assessment (https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/sites/euetfa/files/risk_register_eutf_0.pdf) found the world was likely to get the “wrong perception” that European money could be seen as supporting abuse.

      Despite the roles they play in the detention system in Libya, both the EU and the U.N. say they want the centers closed. In a statement to the AP, the EU said that under international law, it is not responsible for what goes on inside the centers.

      “Libyan authorities have to provide the detained refugees and migrants with adequate and quality food while ensuring that conditions in detention centers uphold international agreed standards,” the statement said.

      The EU also says more than half of the money in its fund for Africa is used to help and protect migrants, and that it relies on the U.N. to spend the money wisely.

      The U.N. said the situation in Libya is highly complex, and it has to work with whoever runs the detention centers to preserve access to vulnerable migrants.

      “UNHCR does not choose its counterparts,” said Charlie Yaxley, a spokesman for the U.N. refugee agency. “Some presumably also have allegiances with local militias.”

      After two weeks of being questioned by the AP, UNHCR said it would change its policy on awarding of food and aid contracts for migrants through intermediaries.

      “Due in part to the escalating conflict in Tripoli and the possible risk to the integrity of UNHCR’s programme, UNHCR decided to contract directly for these services from 1 January 2020,” Yaxley said.

      Julien Raickman, who until recently was the Libya mission chief for the aid group Médecins Sans Frontières, also known as Doctors Without Borders, believes the problem starts with Europe’s unwillingness to deal with the politics of migration.

      “If you were to treat dogs in Europe the way these people are treated, it would be considered a societal problem,” he said.

      EXTORTION INSIDE THE DETENTION CENTERS

      About 5,000 migrants in Libya are crowded into between 16 and 23 detention centers at any given time, depending on who is counting and when. Most are concentrated in the west, where the militias are more powerful than the weak U.N.-backed government.

      Aid intended for migrants helps support the al-Nasr Martyrs detention center, named for the militia that controls it, in the western coastal town of Zawiya. The U.N. migration agency, the IOM, keeps a temporary office there for medical checks of migrants, and its staff and that of the UNHCR visit the compound regularly.

      Yet migrants at the center are tortured for ransoms to be freed and trafficked for more money, only to be intercepted at sea by the coast guard and brought back to the center, according to more than a dozen migrants, Libyan aid workers, Libyan officials and European human rights groups. A UNHCR report in late 2018 noted the allegations as well, and the head of the militia, Mohammed Kachlaf, is under U.N. sanctions (https://www.un.org/securitycouncil/sanctions/1970/materials/summaries/individual/mohammed-kachlaf) for human trafficking. Kachlaf, other militia leaders named by the AP and the Libyan coast guard all did not respond to requests for comment.

      Many migrants recalled being cut, shot and whipped with electrified hoses and wooden boards. They also heard the screams of others emerging from the cell blocks off-limits to U.N. aid workers.

      Families back home are made to listen during the torture to get them to pay, or are sent videos afterward.

      Eric Boakye, a Ghanaian, was locked in the al-Nasr Martyrs center twice, both times after he was intercepted at sea, most recently around three years ago. The first time, his jailers simply took the money on him and set him free. He tried again to cross and was again picked up by the coast guard and returned to his jailers.

      “They cut me with a knife on my back and beat me with sticks,” he said, lifting his shirt to show the scars lining his back. “Each and every day they beat us to call our family and send money.” The new price for freedom: Around $2,000.

      That was more than his family could scrape together. Boakye finally managed to escape. He worked small jobs for some time to save money, then tried to cross again. On his fourth try, he was picked up by the Ocean Viking humanitarian ship to be taken to Italy. In all, Boakye had paid $4,300 to get out of Libya.

      Fathi al-Far, the head of the al-Nasr International Relief and Development agency, which operates at the center and has ties to the militia, denied that migrants are mistreated. He blamed “misinformation” on migrants who blew things out of proportion in an attempt to get asylum.

      “I am not saying it’s paradise — we have people who have never worked before with the migrants, they are not trained,” he said. But he called the al-Nasr Martyrs detention center “the most beautiful in the country.”

      At least five former detainees showed an AP journalist scars from their injuries at the center, which they said were inflicted by guards or ransom seekers making demands to their families. One man had bullet wounds to both feet, and another had cuts on his back from a sharp blade. All said they had to pay to get out.

      Five to seven people are freed every day after they pay anywhere from $1,800 to $8,500 each, the former migrants said. At al-Nasr, they said, the militia gets around $14,000 every day from ransoms; at Tarik al-Sikka, a detention center in Tripoli, it was closer to $17,000 a day, they said. They based their estimates on what they and others detained with them had paid, by scraping together money from family and friends.

      The militias also make money from selling groups of migrants, who then often simply disappear from a center. An analysis commissioned by the EU and released earlier this month by the Global Initiative Against Transnational Organized Crime (https://globalinitiative.net/migrant-detention-libya) noted that the detention centers profit by selling migrants among themselves and to traffickers, as well as into prostitution and forced labor.

      Hundreds of migrants this year who were intercepted at sea and taken to detention centers had vanished by the time international aid groups visited, according to Médecins Sans Frontières. There’s no way to tell where they went, but MSF suspects they were sold to another detention center or to traffickers.

      A former guard at the Khoms center acknowledged to the AP that migrants often were seized in large numbers by men armed with anti-aircraft guns and RPGs. He said he couldn’t keep his colleagues from abusing the migrants or traffickers from taking them out of the center.

      “I don’t want to remember what happened,” he said. The IOM was present at Khoms, he noted, but the center closed last year.

      A man who remains detained at the al-Nasr Martyrs center said Libyans frequently arrive in the middle of the night to take people. Twice this fall, he said, they tried to load a group of mostly women into a small convoy of vehicles but failed because the center’s detainees revolted.

      Fighting engulfed Zawiya last week, but migrants remained locked inside the al-Nasr Martyrs center, which is also being used for weapons storage.

      TRAFFICKING AND INTERCEPTION AT SEA

      Even when migrants pay to be released from the detention centers, they are rarely free. Instead, the militias sell them to traffickers, who promise to take them across the Mediterranean to Europe for a further fee. These traffickers work hand in hand with some coast guard members, the AP found.

      The Libyan coast guard is supported by both the U.N. and the EU. The IOM highlights (https://libya.iom.int/rescue-sea-support) its cooperation with the coast guard on its Libya home page. Europe has spent more than 90 million euros since 2017 for training and faster boats for the Libyan coast guard to stop migrants from ending up in Europe.

      This fall, Italy renewed a memorandum of understanding with Libya to support the coast guard with training and vessels, and it delivered 10 new speedboats to Libya in November.

      In internal documents obtained in September by the European watchdog group Statewatch, the European Council described the coast guard as “operating effectively, thus confirming the process achieved over the past three years” (http://www.statewatch.org/news/2019/sep/eu-council-libya-11538-19.pdf). The Libyan coast guard says it intercepted nearly 9,000 people in 2019 en route to Europe and returned them to Libya this year, after quietly extending its coastal rescue zone 100 miles offshore with European encouragement.

      What’s unclear is how often militias paid the coast guard to intercept these people and bring them back to the detention centers — the business more than a dozen migrants described at the al-Nasr Martyrs facility in Zawiya.

      The coast guard unit at Zawiya is commanded by Abdel-Rahman Milad, who has sanctions against him for human trafficking by the U.N.’s Security Council. Yet when his men intercept boats carrying migrants, they contact U.N. staff at disembarkation points for cursory medical checks.

      Despite the sanctions and an arrest warrant against him, Milad remains free because he has the support of the al-Nasr militia. In 2017, before the sanctions, Milad was even flown to Rome, along with a militia leader, Mohammed al-Khoja, as part of a Libyan delegation for a U.N.-sponsored migration meeting. In response to the sanctions, Milad denied any links to human smuggling and said traffickers wear uniforms similar to those of his men.

      Migrants named at least two other operations along the coast, at Zuwara and Tripoli, that they said operated along the same lines as Milad’s. Neither center responded to requests for comment.

      The U.N.’s International Organization for Migration acknowledged to the AP that it has to work with partners who might have contacts with local militias.

      “Without those contacts it would be impossible to operate in those areas and for IOM to provide support services to migrants and the local population,” said IOM spokeswoman Safa Msehli. “Failure to provide that support would have compounded the misery of hundreds of men, women and children.”

      The story of Abdullah, a Sudanese man who made two attempts to flee Libya, shows just how lucrative the cycle of trafficking and interception really is.

      All told, the group of 47 in his first crossing from Tripoli over a year ago had paid a uniformed Libyan and his cronies $127,000 in a mix of dollars, euros and Libyan dinars for the chance to leave their detention center and cross in two boats. They were intercepted in a coast guard boat by the same uniformed Libyan, shaken down for their cell phones and more money, and tossed back into detention.

      “We talked to him and asked him, why did you let us out and then arrest us?” said Abdullah, who asked that only his first name be used because he was afraid of retaliation. “He beat two of us who brought it up.”

      Abdullah later ended up in the al-Nasr Martyrs detention center, where he learned the new price list for release and an attempted crossing based on nationality: Ethiopians, $5,000; Somalis $6,800; Moroccans and Egyptians, $8,100; and finally Bangladeshis, a minimum $18,500. Across the board, women pay more.

      Abdullah scraped together another ransom payment and another crossing fee. Last July, he and 18 others paid $48,000 in total for a boat with a malfunctioning engine that sputtered to a stop within hours.

      After a few days stuck at sea off the Libyan coast under a sweltering sun, they threw a dead man overboard and waited for their own lives to end. Instead, they were rescued on their ninth day at sea by Tunisian fishermen, who took them back to Tunisia.

      “There are only three ways out of the prison: You escape, you pay ransom, or you die,” Abdullah said, referring to the detention center.

      In all, Abdullah spent a total of $3,300 to leave Libya’s detention centers and take to the sea. He ended up barely 100 miles away.

      Sometimes members of the coast guard make money by doing exactly what the EU wants them to prevent: Letting migrants cross, according to Tarik Lamloum, the head of the Libyan human rights organization Beladi. Traffickers pay the coast guard a bribe of around $10,000 per boat that is allowed to pass, with around five to six boats launching at a time when conditions are favorable, he said.

      The head of Libya’s Department for Combating Irregular Migration or DCIM, the agency responsible for the detention centers under the Ministry of Interior, acknowledged corruption and collusion among the militias and the coast guard and traffickers, and even within the government itself.

      “They are in bed with them, as well as people from my own agency,” said Al Mabrouk Abdel-Hafez.

      SKIMMING PROFITS

      Beyond the direct abuse of migrants, the militia network also profits by siphoning off money from EU funds sent for their food and security — even those earmarked for a U.N.-run migrant center, according to more than a dozen officials and aid workers in Libya and Tunisia, as well as internal U.N. emails and meeting minutes seen by The Associated Press.

      An audit in May of the UNHCR (https://oios.un.org/audit-reports, the U.N. refugee agency responsible for the center, found a lack of oversight and accountability at nearly all levels of spending in the Libya mission. The audit identified inexplicable payments in American dollars to Libyan firms and deliveries of goods that were never verified.

      In December 2018, during the period reviewed in the audit, the U.N. launched its migrant center in Tripoli (https://www.unhcr.org/news/press/2018/12/5c09033a4/first-group-refugees-evacuated-new-departure-facility-libya.html), known as the #Gathering_and_Departure_Facility or #GDF, as an “ alternative to detention” (https://apnews.com/7e72689f44e45dd17aa0a3ee53ed3c03). For the recipients of the services contracts, sent through the Libyan government agency LibAid, it was a windfall.

      Millions of euros in contracts for food (https://apnews.com/e4c68dae65a84c519253f69c817a58ec) and migrant aid went to at least one company linked to al-Khoja, the militia leader flown to Rome for the U.N. migration meeting, according to internal U.N. emails seen by the AP, two senior Libyan officials and an international aid worker. Al-Khoja is also the deputy head of the DCIM, the government agency responsible for the detention centers.

      One of the Libyan officials saw the multimillion-euro catering contract with a company named Ard al-Watan, or The Land of the Nation, which al-Khoja controls.

      “We feel like this is al-Khoja’s fiefdom. He controls everything. He shuts the doors and he opens the doors,” said the official, a former employee at the U.N. center who like other Libyan officials spoke anonymously out of fear for his safety. He said al-Khoja used sections of the U.N. center to train his militia fighters and built a luxury apartment inside.

      Even as the contracts for the U.N. center were negotiated, Libyan officials said, three Libyan government agencies were investigating al-Khoja in connection with the disappearance of $570 million from government spending allocated to feed migrants in detention centers in the west.

      At the time, al-Khoja already ran another center for migrants, Tarik al-Sikka, notorious for abuses including beating, hard labor and a massive ransom scheme. Tekila, an Eritrean refugee, said that for two years at Tarik al-Sikka, he and other migrants lived on macaroni, even after he was among 25 people who came down with tuberculosis, a disease exacerbated by malnutrition. Tekila asked that only his first name be used for his safety.

      “When there is little food, there is no choice but to go to sleep,” he said.

      Despite internal U.N. emails warning of severe malnutrition inside Tarik al-Sikka, U.N. officials in February and March 2018 repeatedly visited the detention center to negotiate the future opening of the GDF. AP saw emails confirming that by July 2018, the UNHCR’s chief of mission was notified that companies controlled by al-Khoja’s militia would receive subcontracts for services.

      Yaxley, the spokesman for UNHCR, emphasized that the officials the agency works with are “all under the authority of the Ministry of Interior.” He said UNHCR monitors expenses to make sure its standard rules are followed, and may withhold payments otherwise.

      A senior official at LibAid, the Libyan government agency that managed the center with the U.N., said the contracts are worth at least $7 million for catering, cleaning and security, and 30 out of the 65 LibAid staff were essentially ghost employees who showed up on the payroll, sight unseen.

      The U.N. center was “a treasure trove,” the senior Libaid official lamented. “There was no way you could operate while being surrounded by Tripoli militias. It was a big gamble.”

      An internal U.N. communication from early 2019 shows it was aware of the problem. The note found a high risk that food for the U.N. center was being diverted to militias, given the amount budgeted compared to the amount migrants were eating.

      In general, around 50 dinars a day, or $35, is budgeted per detainee for food and other essentials for all centers, according to two Libyan officials, two owners of food catering companies and an international aid worker. Of that, only around 2 dinars is actually spent on meals, according to their rough calculations and migrants’ descriptions.

      Despite the investigations into al-Khoja, Tarik al-Sikka and another detention center shared a 996,000-euro grant from the EU and Italy in February.

      At the Zawiya center, emergency goods delivered by U.N. agencies ended up redistributed “half for the prisoners, half for the workers,” said Orobosa Bright, a Nigerian who endured three stints there for a total of 11 months. Many of the goods end up on Libya’s black market as well, Libyan officials and international aid workers say.

      IOM’s spokeswoman said “aid diversion is a reality” in Libya and beyond, and that the agency does its best. Msehli said if it happens regularly, IOM will be forced to re-evaluate its supports to detention centers “despite our awareness that any reduction in this lifesaving assistance will add to the misery of migrants.”

      Despite the corruption, the detention system in Libya is still expanding in places, with money from Europe. At a detention center in Sabaa where migrants are already going hungry, they were forced to build yet another wing funded by the Italian government, said Lamloum, the Libyan aid worker. The Italian government did not respond to a request for comment.

      Lamloum sent a photo of the new prison. It has no windows.

      TUNISIA LAUNDERING

      The money earned off the suffering of migrants is whitewashed in money laundering operations in Tunisia, Libya’s neighbor.

      In the town of Ben Gardane, dozens of money-changing stalls transform Libyan dinars, dollars and euros into Tunisian currency before the money continues on its way to the capital, Tunis. Even Libyans without residency can open a bank account.

      Tunisia also offers another opportunity for militia networks to make money off European funds earmarked for migrants. Because of Libya’s dysfunctional banking system, where cash is scarce and militias control accounts, international organizations give contracts, usually in dollars, to Libyan organizations with bank accounts in Tunisia. The vendors compound the money on Libya’s black-market exchange, which ranges between 4 and 9 times greater than the official rate.

      Libya’s government handed over more than 100 files to Tunisia earlier this year listing companies under investigation for fraud and money laundering.

      The companies largely involve militia warlords and politicians, according to Nadia Saadi, a manager at the Tunisian anti-corruption authority. The laundering involves cash payments for real estate, falsified customs documents and faked bills for fictitious companies.

      “All in all, Libya is run by militias,” said a senior Libyan judicial official, who spoke on condition of anonymity for fear of risking his life. “Whatever governments say, and whatever uniform they wear, or stickers they put....this is the bottom line.”

      Husni Bey, a prominent businessman in Libya, said the idea of Europe sending aid money to Libya, a once-wealthy country suffering from corruption, was ill-conceived from the beginning.

      “Europe wants to buy those who can stop smuggling with all of these programs,” Bey said. “They would be much better off blacklisting the names of those involved in human trafficking, fuel and drug smuggling and charging them with crimes, instead of giving them money.”

      https://apnews.com/9d9e8d668ae4b73a336a636a86bdf27f

  • #MeToo dans le cinéma : l’actrice Adèle Haenel brise un nouveau tabou - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/031119/metoo-dans-le-cinema-l-actrice-adele-haenel-brise-un-nouveau-tabou?onglet=

    3 novembre 2019 Par Marine Turchi

    L’actrice Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans. Son récit est conforté par de nombreux documents et témoignages. Mediapart retrace son long cheminement, de la « prise de parole impossible » au « silence devenu insupportable ». Le cinéaste conteste « catégoriquement » les faits.

    #viol #harcèlement_sexuel #meetoo

  • Violée par la loi

    Le 7 juillet 2016, une jeune femme était violée par cinq hommes à #Pampelune. Le 26 avril, ils ont été condamnés pour simple abus sexuel. Tollé dans le pays. Une violation de plus.

    Depuis qu’a été rendue publique, le 26 avril, la décision de justice d’exempter les cinq membres de la « #Manada » (ils se faisaient appeler « la meute ») du viol collectif d’une jeune femme pendant les fêtes de #San_Fermín à Pampelune, des manifestations de protestation, d’indignation contre cette décision judiciaire se sont organisées dans de nombreuses villes espagnoles. En dépit du fait d’avoir reconnu que la jeune fille a été dénudée contre sa volonté dans un espace étroit, sans issue et entourée de José Ángel Prensa, Jesús Escudero, Ángel Boza, du militaire Alfonso Jesús Cabezuelo et du gendarme Antonio Manuel Guerrero, tous « plus âgés qu’elle et de forte constitution », le jugement nie qu’il y ait eu intimidation et violence et a reclassé le crime en « abus sexuel », abaissant la peine de 24 à 9 ans de prison.

    Tandis que le mouvement féministe gère et rend visible sa colère, le Parlement européen débat, à la demande de Podemos et contre le recours du parti Populaire, sur l’obligation ou pas de l’Espagne d’appliquer les conventions internationales relatives à la violence sexuelle. Le citoyen se demande alors avec stupéfaction : comment est-il possible que de tels accords n’aient pas déjà été appliqués en Espagne ? Quel est donc le protocole selon lequel sont jugés les crimes de violence sexuelle dans ce pays européen ?

    Le conflit actuel qui oppose les corps violés ou potentiellement violables à leurs juges nous force à reconnaître que l’Etat espagnol continue d’être un exemple de la juxtaposition d’au moins trois régimes judiciaires, trois modèles de vérité et de production de justice discordants : sur une structure juridique franquiste et patriarcale, on a greffé quelques protocoles démocratiques, et parsemé le tout de méthodes de vérification postmodernes rendues possibles via les techniques numériques.

    Au cours des six heures qui viennent de s’écouler, je n’ai rien pu faire d’autre que lire les 371 pages inouïes qui constituent la décision de justice complète, et qui - il ne pouvait en être autrement dans un régime juridique post-franquiste numérique - sont disponibles en PDF sur la page internet d’un grand journal (1). La décision de justice dont je ne recommande la lecture qu’aux individus dotés d’un estomac résistant et d’un solide réseau de soutien psychologique, pourrait être lue comme une histoire de Stephen King dans l’attente d’une postface de Virginie Despentes.

    On peut lire, dans cet étrange document légal, que tandis que la plaignante était dans un #état_de_choc, elle « a été pénétrée oralement par tous les accusés, vaginalement par Alfonso Jesús Cabezuelo et José Ángel Prenda, ce dernier à deux reprises, et par Jésus Escudero Dominguez qui l’a pénétrée la troisième fois par voie anale, les deux derniers ont éjaculé sans utiliser de préservatifs. » Pendant le déroulement des faits, deux des hommes concernés ont enregistré des vidéos avec leurs téléphones et pris des photos, qui seront distribuées sur les #réseaux_sociaux. La nuit même des événements, l’un des accusés a envoyé plusieurs messages de WhatsApp à « la Meute » et à « #Jouisseurs_San_Fermin » avec son téléphone portable, dans lesquels il a écrit : « les cinq en train de baiser une meuf », « difficile à raconter tellement c’était énorme », « une salope défoncée », « nous avons la vidéo » et « les cinq en train de baiser une pute, un pur délire. »

    Face à ces faits, le juge Ricardo González a décidé d’acquitter les cinq hommes du crime d’#agression_sexuelle et de viol en alléguant que dans les vidéos enregistrées par l’accusé, il observe seulement cinq hommes et une femme pratiquant « des actes sexuels dans une atmosphère de fête et de réjouissance. » Le lecteur se demande si, lorsqu’il caractérise un viol en tant que #fête, le magistrat se réfère à la façon dont historiquement les hommes ont été autorisés à se réjouir de la #pratique_collective de la violence sexuelle. La décision de justice comprend une théorie du #genre, une esthétique de la #pornographie et un traité sur le #plaisir_sexuel du point de vue patriarcal. Les images, assure le magistrat, sont « certainement d’un contenu dérangeant », mais il estime qu’il s’agit d’« une #relation_sexuelle brute et désinhibée, pratiquée entre cinq hommes et une femme, dans un environnement sordide, miteux et inhospitalier et dans laquelle aucun d’entre eux (ni la femme) ne montre le moindre signe de modestie, ni dans l’exposition de son corps ou de ses organes génitaux, ni dans les mouvements, les postures et attitudes qu’ils adoptent ». Le magistrat s’attendait-il à ce que les personnes impliquées dans le viol, les agresseurs et la victime, préparent le décor et bougent avec modestie et élégance ? « Je ne discerne, dit le juge, dans aucune des vidéos et des photographies aucun signe de #violence, de force ou de brusquerie exercées par les hommes sur la femme, je ne peux pas interpréter dans leurs gestes, ou dans leurs mots, de ce qu’ils ont été audibles pour moi ni #raillerie, ni #mépris, ni #humiliation ni #fanfaronnade de quelque nature que ce soit. » Mais quelle est la relation entre la raillerie, le mépris, l’humiliation ou la fanfaronnade avec l’imposition violente d’un acte sexuel ?

    La crise que cette affaire a engendrée est le résultat du conflit ouvert entre les #conventions_sociales qui régissent les institutions judiciaires et l’actuel processus d’#émancipation_féministe. Le cri de « Vous ne nous représentez pas » qui s’adressait auparavant aux politiciens s’étend désormais aux différents niveaux des institutions judiciaires. Dans le régime juridique numérique post-franquiste, les techniques de visibilité et d’accès public aux preuves fournies par les moyens d’enregistrement et de diffusion de l’image, des réseaux sociaux et d’Internet ne conduisent pas à une plus grande démocratisation des processus judiciaires, mais opèrent comme suppléments de #jouissance_patriarcale. L’inconscient juridique patriarcal se nourrit d’un tourbillon de messages, de tweets, de chaînes de hashtags et de réseaux Facebook… Les magistrats regardent les preuves comme s’ils regardaient un #porno et ne se préoccupent que de mieux jouir. Les images enregistrées lors de l’agression et les messages explicites diffusés sur les réseaux sociaux ne servent pas de #preuve incriminante, mais sont des supports narratifs qui confirment la #misogynie du #système_judiciaire. La décision de justice devient ainsi un nouveau rituel public dans lequel le système judiciaire répète et jouit (encore une fois) de la violation.

    Il y a donc eu deux violations rituelles. L’une a eu lieu devant un portail d’une rue de Pampelune le 7 juillet 2016. La seconde dans une salle d’audience de l’Etat espagnol, à laquelle ont participé avocats et juges. Le premier rituel cherchait à obtenir un supplément de plaisir et de #souveraineté_masculine et il était exercé avec violence par cinq hommes sur une personne seule et désarmée. Le deuxième rituel vise à protéger les droits des hommes à utiliser légitimement la violence pour obtenir des services sexuels. Si la première violation est d’ordre privé, la seconde est encore plus grave puisqu’elle est légitimée par l’institution judiciaire. La décision de la cour est une #pénétration_sans_consentement. Les juges mettent ainsi une bite dans chacune de nos bouches contre notre volonté. Les déclarations du magistrat opèrent comme une éjaculation médiatico-judiciaire sur nos droits. Encore une fois, la réponse ne peut pas être réformiste mais révolutionnaire : il ne s’agit pas seulement de modifier cette décision de justice, mais de dépatriarcaliser les institutions judiciaires en modifiant leur politique des genres et leurs techniques de production de la vérité.

    http://www.liberation.fr/debats/2018/05/04/violee-par-la-loi_1647912
    #viol #femmes #Espagne #loi #abus_sexuel #justice #injustice #dépatriarcalisation #condamnation #franquisme #patriarcat

    • La france doit être aussi un pays au passé franquiste car les institutions judiciaires françaises protège férocement l’impunité des violeurs.
      https://www.20minutes.fr/paris/2038631-20170328-viol-prouver-non-consentement-plus-grande-difficulte-vict
      L’article de 20 minutes date deja pas mal car il est mentionné que le droit français comporte une présomption de non consentement pour les mineurs de moins de 15 ans, or on sais maintenant que c’est faux. De plus Macron prépare une correctionnalisation automatique des viols et violences sexuelles y compris sur mineur·es.

      https://www.huffingtonpost.fr/julie-denes/juriste-et-victime-voila-ce-que-je-trouve-dangereux-dans-le-projet-de

      Parce que oui, les citoyens lisent les textes et ne se laissent pas tous berner par des points presse qui parfois maquillent, tronquent, embellissent malicieusement la réalité.

      Je l’ai trouvée à l’article 2 II (et III) du projet de loi, cette phrase, quelques mots, et la création du délit d’atteinte sexuelle avec pénétration sexuelle sur mineur de 15 ans. « Pénétration sexuelle », ces mots résonnent, éclaboussent, salissent, ces mots sont ceux du viol. Les voici attachés à un « simple » délit, écrit noir sur blanc. Nul besoin d’interprétation, nul besoin de faire appel à un spécialiste, nul besoin de tergiverser : c’est une inscription dans le marbre du droit de la « correctionnalisation du viol sur mineur », pratique décriée par le monde associatif, les familles et certains professionnels.

      En clair, le crime de viol sur mineur devient un « simple » délit jugé devant un tribunal correctionnel dont les peines sont moindres, et non plus un crime passible de la Cour d’Assises permettant des peines plus élevées, un débat, et la reconnaissance par la société du viol qu’a subi la victime. Ce statut de victime étant un des éléments permettant la reconstruction.

      On parle bien ici de délit d’atteinte sexuelle avec pénétration sexuelle sur mineur ! Que dire aux victimes ? Qu’elles n’ont pas été violées mais qu’elles ont subi une atteinte sexuelle avec pénétration ? Pourquoi ? Parce que la justice a eu un doute sur l’existence de la menace, de la violence, de la contrainte ou la surprise exercée par leur agresseur. Parce qu’elles n’ont pas crié, ne se sont pas débattues, et que de ce fait, elles semblaient consentant(e)s. Sommes-nous sérieux ? Texte inique et dangereux, et l’ajout d’un abus de confiance pour caractériser la contrainte morale du majeur sur le mineur n’y changera rien !

      Par conséquent : pas de viol, pas de victime de viol, pas d’antécédent judiciaire de viol en cas de récidive, des statistiques faussées. Circulez, y a rien à voir.

    • Bah si le viol est un phénomène culturel. C’est une expression féministe qui date des années 1970 qui sert à désigné les éléments culturels qui favorisent, excusent, invisibilisent les viols. Par exemple les scenarios de films qui rendent érotique les viols sont de la culture du viol. Les remarques sur les vetements portés par les victimes qui sois disent provoqueraient les violeurs c’est de la culture du viol. Le verdict de ce procès en espagne est une collection d’éléments de la culture du viol.
      Tu as jamais entendu cette expression avant @lydie ? Ca fait depuis 2013 que je la tag sur seenthis il y a énormément de ressources sous ce tag.
      voici une explication plus détaillé : https://www.huffingtonpost.fr/2017/11/27/la-culture-du-viol-expliquee-par-la-dessinatrice-emma_a_23288926

    • Si, j’ai déjà entendu cette expression. Mais le mot culture, pour le viol, je n’arrive pas à comprendre. Merci pour le lien, j’avais déjà vu cette BD (bien réalisée).

    • tu ne pourrais pas dire « instinct du viol » ou « nature du viol ». Il y a les psycho-éolutionnistes ou darwininstes sociales tel Peggy Sastre qui disent que le viol est un fait naturel, liée à l’évolution de l’espece. Peggy Sastre et ses ami·es disent que c’est un moyen naturel pour les hommes de dispersé leurs gènes. Plus d’explications ici : http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2011/06/le-darwinisme-et-linquietante-normalite.html

      Pour les féministes radicales dont je suis, le viol est un fait culturel et il est normalisé par des éléments de culture. Pour le cas de ce viol collectif, le juge trouve que c’est juste des jeunes qui s’amuse un peu brutaliement avec une femme qui n’avait finallement pas à venir sans être chaperonné d’un homme à Pampelune et encore moins à boire. Je comprend que l’expression n’est pas évidente à comprendre au premier abord mais je la trouve assez claire quant même. Par exemple en France seul 1 à 2% des viols sont l’objet d’une condamnation, c’est un choix culturel. Si tu compare avec la répression de la fausse monnaie tu voie bien quels sont les prioritées de nos institutions. Il existe pas exemple des cultures dites « sans viols » c’est à dire des cultures ou les viols sont fortement réprimés et donc rares. Voire ici : https://antisexisme.net/2013/01/09/cultures-du-viol-1
      et des cultures comme la notre ou la culture espâgnole, qui favorisent les viols en ne les réprimant pas, en culpabilisant les victimes et en excusant les agresseurs.