• Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • #Otto_Neurath, sur les traces d’une #planification_écologique

    Organiser l’#économie à partir des #besoins, en se focalisant sur des #grandeurs_physiques plutôt que leur #valeur en monnaie, tel était le projet subversif de ce philosophe des sciences qui eut à affronter les néolibéraux et les fascistes de son temps.

    Otto #Neurath, un philosophe autrichien du début du siècle dernier, tiendrait-il sa revanche ? La planification écologique, dont on peut le considérer comme étant un des ancêtres intellectuels, est en tout cas sortie des catacombes doctrinales. Pièce maîtresse du programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon, elle est également devenue, avec des intentions certes différentes, un objectif affiché par le pouvoir macroniste. Un secrétariat général auprès de la première ministre lui est dévolu, et des annonces détaillées sont prévues pour la fin de cet été.

    Parler de planification tout court n’a pas toujours été aussi évident dans le débat public. Il fallait montrer patte blanche, en rappelant qu’il a existé des planifications différentes, et que toutes n’ont pas conduit à l’autoritarisme et aux dysfonctionnements de l’Union soviétique et de la Chine maoïste. Mais au moins y avait-il des précédents historiques à invoquer, des travaux intellectuels à citer. La planification écologique, elle, souffre du handicap supplémentaire de ne pas s’être déjà incarnée dans des expériences à grande échelle.

    Celles et ceux qui la promeuvent aujourd’hui ont à surmonter une défaite vieille de près d’un siècle, lorsque de rares penseurs socialistes ont élaboré des modèles économiques démocratiques, attentifs à l’environnement et aux générations futures. Une « brèche écologiste [qui] fut dans l’ensemble colmatée et oubliée », regrette Serge Audier dans son travail sur L’Âge productiviste (La Découverte, 2019). Encore plus qu’à Karl Polanyi (1886-1964), connu pour ses appels à « réencastrer » l’économie dans la société, c’est à un autre intellectuel de la Mitteleuropa que l’on doit cette brèche : Otto Neurath.

    Philosophe des sciences, économiste, ce dernier a connu la prison pour avoir participé à la république des conseils de Bavière en 1919. Durant la décennie suivante, il a polémiqué avec certains des pères fondateurs du néolibéralisme, Ludwig von Mises (1881-1973) et Friedrich Hayek (1899-1992). Dans le même temps, il s’impliquait dans la vie politique et associative de « Vienne la Rouge ». Après que celle-ci a été écrasée par la dictature du chancelier Dollfuss en 1934, il a pris le chemin de l’exil, d’abord aux Pays-Bas puis au Royaume-Uni, où il est mort en 1945.

    En dépit de ce pedigree, on aurait tort de voir en lui une tête brûlée imprégnée d’idéaux marxistes. Tout aussi pacifiste et attaché à la préservation des ressources qu’il fût, il serait également déraisonnable d’en faire un « Vert » avant l’heure. Mais à quelques décennies de distance, sa figure intéresse à la fois la tradition socialiste et la tradition écologiste : d’abord par sa critique frontale et assumée de la logique de marché, ensuite par sa quête optimiste d’un chemin rationnel et méthodique vers l’amélioration du bien-être collectif.
    Un cocktail d’ingénierie et d’utopies sociales

    Né en 1882 à Vienne, le jeune Otto Neurath est élevé dans une famille de la bourgeoisie intellectuelle austro-hongroise, qui lui fait profiter du dynamisme culturel de la capitale impériale autant que de contacts répétés avec la nature.

    Dans un mémoire universitaire en forme de biographie intellectuelle, Billal Tabaichount mentionne l’influence durable exercée sur Neurath par son père. Ce dernier portait en effet un regard négatif sur la concurrence capitaliste, en raison de ses conséquences socialement décevantes et moralement dommageables sur la population.

    Le même chercheur souligne aussi l’influence de l’intellectuelle suédoise Ellen Key (1849-1926), avec qui Neurath a entretenu une correspondance. De cette féministe engagée sur les questions de pédagogie, le jeune homme aurait retenu qu’une « réforme sociale » désirable doit viser le « bonheur humain », compris de façon non religieuse, et ne doit pas « passe[r] uniquement par l’élite d’une société, mais […] concerner de larges pans de la population ».

    Formé aux sciences sociales à Berlin, Neurath revient à Vienne en 1907. Il y côtoie des intellectuels réunis par leur insatisfaction envers les approches idéalistes et métaphysiques qui dominent dans l’université de l’époque. D’horizons différents, ils privilégient les faits observables et les raisonnements logiques pour mieux appréhender le monde réel, et tenter d’améliorer l’insertion et le développement de l’humanité en son sein.

    Spécialisé en économie, Neurath travaille sur la théorie de la valeur. Il se familiarise notamment avec des travaux de statisticiens réfléchissant aux méthodes les plus rationnelles pour répondre à la subsistance des populations. Il observe le fonctionnement de sociétés en guerre, d’abord dans les Balkans au début des années 1910, puis dans toute l’Europe à partir de 1914. Il est alors frappé par la capacité de la puissance publique à répertorier, affecter et redistribuer des ressources de manière volontariste, la décision politique se substituant au « laisser-faire » du marché.

    « L’économie monétaire qui existait avant la guerre, écrit-il en 1916, n’était pas capable de remplir les nouvelles exigences qui étaient celles de peuples intéressés par la victoire. Il est apparu que la guerre se mène avec des munitions et de la nourriture, pas avec de la monnaie. » Dès lors, explique-t-il, l’attention s’est focalisée sur les structures concrètes de production et de distribution. L’évolution de ces dernières était pourtant jusque-là négligée, ou considérée comme une fatalité même lorsqu’elle causait des souffrances sociales.

    L’épisode conforte Neurath dans son rejet de l’aspect anarchique et « sous-optimal » du #capitalisme. Sa condamnation ne repose pas tant sur les asymétries de pouvoir, les rapports d’exploitation et l’aliénation que ce mode de production implique, que sur son caractère irrationnel. Comme le résume l’économiste Gareth Dale dans la revue Jacobin, « le capitalisme n’est pas suffisamment moderne » à ses yeux.

    De la révolution bavaroise à #Vienne la Rouge

    Même en temps de paix, pense Neurath, un autre ordre économique est possible, qui ne serait plus structuré par la maximisation individuelle du profit. Grâce à la délibération et l’expertise, la société doit pouvoir s’organiser consciemment pour mieux diffuser le bien-être. Neurath est d’ailleurs avide d’expériences dans ce sens. Selon le chercheur Thomas Kayzel, historien de la planification économique aujourd’hui affilié au CEE de Sciences Po, « c’est un penseur pragmatique, politiquement flexible et toujours à la recherche de nouvelles voies d’engagement et de réalisation ».

    Ainsi se comprend sa participation à la #révolution déclenchée contre la monarchie bavaroise, en novembre 1918. Nommé à la tête du Conseil économique central de Munich, dans le cadre de la république nouvellement instituée, il œuvre en faveur de la socialisation de l’économie de la région. Il y acquiert la conviction qu’un tel programme nécessite de forger un « bloc anticapitaliste » allant bien au-delà de la classe ouvrière industrielle.

    Dans l’immédiat, cependant, il se heurte aux intérêts du patronat, à ceux de la paysannerie, mais aussi aux velléités anarchisantes des groupes les plus révolutionnaires, là où lui défend la centralisation des décisions économiques une fois les besoins identifiés. Et s’il s’efforce de défendre une conception « technique » de sa tâche pour mieux l’isoler des soubresauts politiques permanents de l’expérience bavaroise, ceux-ci le rattrapent.

    Après qu’un gouvernement de type soviétique a pris le contrôle de Munich, une violente répression s’abat au printemps 1919. Elle est soutenue par les sociaux-démocrates au pouvoir à Berlin, qui ont déjà maté une première insurrection en début d’année dans la capitale – celle au cours de laquelle Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent assassinés. Neurath échappe à un sort aussi funeste, mais il est emprisonné pour haute trahison, avant d’être exfiltré en Autriche grâce au social-démocrate Otto Bauer, ministre des affaires étrangères de ce pays.

    Si c’est à Vienne que l’économiste s’épanouira, ces années tumultueuses sont importantes. Elles sont d’abord l’occasion pour Neurath d’exprimer sa croyance en la nécessité d’« #utopies_scientifiques », contre tout fatalisme ou déterminisme historique. Sous ce terme, il désigne des conceptualisations de futurs possibles, d’ordres sociaux améliorés, qui tiennent compte des contraintes naturelles et du type de personnalités qui auront été façonnées par l’ordre antérieur. Ces exercices intellectuels ne peuvent se substituer à des mobilisations sociales et politiques, mais sont propres à les encourager, en leur fixant un cap à la fois désirable et atteignable.

    Ensuite, ces années de guerre et de sortie de guerre sont celles où Neurath formule la proposition iconoclaste de se passer des prix, exprimés en argent, pour prendre des décisions économiques, voire pour échanger des biens et des services. « Ce qui remplaçait le motif du profit comme principe conducteur, dans la conception de Neurath d’une économie socialisée, était le plan économique, résume le philosophe des sciences Thomas Uebel, spécialiste de son œuvre. Ce plan était basé sur des calculs statistiques de production et de consommation – et ceci en nature, pas en termes monétaires. »
    Un plaidoyer pour une économie « en nature »

    Son approche suscite une réplique de l’économiste autrichien Ludwig von Mises, attaché à démontrer l’irrationalité du socialisme. Le débat sur la possibilité d’un calcul économique dans une économie collectivisée se poursuivra tout au long des années 1920, mais ne deviendra fameux qu’après avoir changé de nature. Entretemps, il a en effet impliqué l’économiste polonais Oskar Lange, qui s’est efforcé de défendre la rationalité d’un socialisme de marché.

    Neurath, qui a été oublié au passage, défendait le point de vue plus radical d’une économie sans marché, c’est-à-dire sans système de prix pour décider de l’allocation des ressources. Comme le précise Bilal Tabaichount, « Neurath ne veut pas d’une économie de troc, [mais] plutôt d’une économie où les biens et services transitent par des organisations centrales de coordination », les ménages pouvant disposer de « bons de rationnement non échangeables ».

    À l’époque, von Mises pointe la difficulté d’appliquer une telle proposition à grande échelle. Neurath ne lui répond que partiellement et tardivement. Mais son argument le plus important, qui n’implique pas forcément de se passer de tout marché, réside dans son refus de réduire les choix économiques à une seule unité de mesure.

    « Neurath conteste que la monnaie puisse être un résumé adéquat de la valeur des choses, explique la militante et chercheuse Claire Lejeune, engagée dans une thèse en science politique sur la planification. La réduction aux prix lui semble une mesure trop grossière pour penser notre rapport aux ressources et au temps. » Cette conviction vaut d’ailleurs pour toute autre unité de mesure à prétention universelle. Pour lui, il y a une incommensurabilité indépassable entre les différentes facettes du bien-être à travers les générations.

    C’est ici que se repère la dimension écologique de l’argument de Neurath. Dans un article de 1925 paru dans la presse sociale-démocrate, il affirme que l’économie socialiste doit viser « le bien-être de tous ses membres ». « Dès le début, ajoute-t-il, doit être déterminé ce qu’est “l’intérêt de la totalité sociale”. Est-ce que cela inclut la prévention de l’épuisement prématuré des mines de charbon ou de la karstification des montagnes ou encore, par exemple, de la santé et de la force de la prochaine génération ? »

    Comme l’illustrent aujourd’hui les émissions excessives de carbone et les nouveaux projets d’exploitation d’énergies fossiles, la centralité du marché et de la quête de profit est incompatible avec un tel souci pour le long terme. « L’argument écologique fut le principal argument de Neurath contre le fondamentalisme de marché, c’est-à-dire l’idée que les marchés sont la clé de résolution universelle des problèmes de coordination sociale », remarque Thomas Uebel.

    Cela fait-il de Neurath un écologiste ? L’homme avait conscience du caractère irréversible de certains dégâts infligés à la nature. Dressant une comparaison avec la reprise d’une production de pain ou la reconstitution d’un cheptel, il relève dans un de ses derniers textes « qu’il faut un temps beaucoup plus long pour reboiser des vastes zones de territoires et pour en changer le climat – et en quel temps bref une forêt et un climat peuvent être détruits ! ».

    Pour autant, il a aussi défendu avec peu de prescience la monoculture en matière agricole. Plus généralement, Thomas Kayzel le voit davantage comme une source d’inspiration que comme un véritable précurseur de l’économie écologique. Celle-ci conçoit l’économie comme un sous-système inscrit à l’intérieur du système Terre et soumis à la finitude des ressources planétaires, ce qui correspond à des intuitions mais pas à une vision aboutie chez Neurath.
    Pédagogie et délibération

    On peut également estimer incomplète sa compréhension du capitalisme. Focalisé sur la concurrence et la quête du profit, il a négligé la domination et la conflictualité sociales inhérentes à ce mode de production, de même que ses effets sur d’autres sphères de l’existence, comme l’oppression de genre et les rivalités impérialistes. Selon Gareth Dale, il a ainsi manqué la façon dont le capitalisme – a fortiori un capitalisme d’État – pouvait trouver un intérêt fonctionnel à la planification. Pour les mêmes raisons, sa critique du nationalisme et du racisme serait restée « rudimentaire ».

    Il n’en reste pas moins qu’Otto Neurath s’est distingué par sa conception « inclusive » de la planification. « Sa position est celle d’une construction démocratique de la rationalité, affirme Claire Lejeune. À ses yeux, les planificateurs et le centre politique n’ont pas le monopole de la décision, il est important de ménager une place à la pluralité des visions de ce que doit être un bon ordre social. »

    S’il s’est lui-même présenté comme un ingénieur social, il ne confondait pas ce rôle avec celui de philosophe-roi, ou d’un expert au-dessus des masses ignares. « Sa foi était grande dans le fait de définir et d’appliquer des programmes, précise Thomas Kayzel. Mais l’aspect délibératif comptait, car le but de la planification ne peut pas être établi de manière solitaire. Les “bonnes conditions de vie”, ce n’est pas quelque chose que des économistes et des ingénieurs peuvent calculer, les communautés concernées doivent s’exprimer dessus. »

    Neurath a ainsi distingué deux types de plans : un « plan directeur », fruit d’un processus démocratique d’identification et de hiérarchisation des besoins ; et un « plan technique », par lequel les experts mettent concrètement en musique la satisfaction de ces besoins, en tenant compte des diverses contraintes et en optimisant les ressources. Pour cela, Neurath accorde beaucoup d’importance aux données statistiques collectées et partagées de manière compréhensible par les pouvoirs publics.

    Ce n’est pas un hasard si l’économiste a travaillé pour plusieurs musées d’économie, notamment à Vienne, et sur la mise en forme visuelle d’informations, qu’elles soient chiffrées ou non. Avec sa compagne graphiste Marie Neurath et l’artiste Gerd Arntz, il a fondé un langage visuel international connu sous le nom de « système isotype », dont sont issus des pictogrammes que nous croisons tous les jours. « Sa visée était plus pédagogique que scientiste, défend Claire Lejeune. Il souhaitait inclure le corps social dans une prise de décision consciente. »

    La pensée de Neurath s’inscrit ainsi dans une tradition socialiste souhaitant poursuivre l’ambition des Lumières dans ses implications les plus radicales, c’est-à-dire l’exercice collectif de la raison, y compris dans le domaine de la production où l’on s’est habitués à ce que des décisions structurantes soient prises par une poignée de personnes, selon des critères éloignés de l’intérêt général et de la justice.

    C’est l’objectif de la démocratie économique qui est ainsi pointé. Rendu nécessaire pour lutter contre les « forçages » dont le système Terre fait l’objet, il a été perdu de vue par la social-démocratie au cours du XXe siècle. Ici réside l’actualité de Neurath, en plus du refus de la monétarisation et de la marchandisation des richesses naturelles.

    Même son souhait de raisonner « en nature » et « hors marché », qui pourrait apparaître hors de portée au regard de la complexité des économies actuelles, rencontre les nouvelles possibilités techniques de calcul et d’accumulation des données. Il fait en tout cas écho à la diversité des indicateurs dont le guidage de l’économie a désormais besoin, au lieu du simpliste produit intérieur brut (PIB).

    « Nous disposons aujourd’hui d’une grande quantité d’informations, qui devraient être considérées comme des “communs” pour naviguer dans l’anthropocène, et perfectionner nos outils d’action publique, estime Claire Lejeune. Otto Neurath nous rappelle qu’il ne sert à rien de rejeter la modernité en bloc, comme sont tentés de le faire certains écolos. L’héritage des Lumières comme l’histoire du socialisme ne sont pas monolithiques. »

    Neurath apparaît en tout cas comme une figure ayant plaidé pour une coordination centralisée et démocratique des activités économiques, au nom d’une répartition égale du bien-être qui ne soit pas opérée au détriment des générations futures. Si son socialisme proto-écologique laisse à désirer et n’offre pas de solutions clés en main à un siècle de distance, les coordonnées du défi qu’il proposait de relever nous sont familières.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/190823/otto-neurath-sur-les-traces-d-une-planification-ecologique

  • Où le #classement_de_Shanghaï mène-t-il l’#université française ?

    Le classement de #Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« #excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

    Des universités à la renommée mondiale qui attirent les meilleurs étudiants, les chercheurs les plus qualifiés et les partenaires financiers les plus magnanimes : depuis l’avènement des classements internationaux dans l’#enseignement_supérieur, il y a vingt ans, la quête d’une certaine idée de l’« excellence » a intégré le vocabulaire universitaire, jusqu’à se muer en un projet politique.

    En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre #universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux #standards. En 2010, le président de la République, #Nicolas_Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, #Valérie_Pécresse, un #objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007, portait alors ses premiers fruits, présentés en personne par Mme Pécresse, en juillet 2010, aux professeurs #Nian_Cai_Liu et #Ying_Cheng, les deux créateurs du classement. Les incitations aux #regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche ont fleuri sous différents noms au gré des appels à projets organisés par l’Etat pour distribuer d’importants investissements publics (#IDEX, #I-SITE, #Labex, #PRES, #Comue), jusqu’en 2018, avec le nouveau statut d’#établissement_public_expérimental (#EPE). Toutes ces tactiques politiques apparaissent comme autant de stigmates français du palmarès chinois.

    Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la #modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’#Ivy_League, Harvard en tête. On est donc très loin du #modèle_français, où, selon le #code_de_l’éducation, l’université participe d’un #service_public de l’enseignement supérieur.

    « Société de marché »

    Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une #vision du savoir et la perspective d’un bonheur public ». « N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, 22 euros). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une #vision_du_monde_du_savoir. »

    Citant un texte du philosophe Jacques Derrida paru en 2001, deux ans avant le premier classement de Shanghaï, la professeure à Paris-VIII définit l’université comme « inconditionnelle, en ce qu’elle peut #repenser_le_monde, l’humanité, élaborer des #utopies et des #savoirs nouveaux ». Or, « vingt ans après, force est de constater que ce texte reste un objet non identifié, et que rien dans le paysage universitaire mondial ne ressemble à ce qu’il projette, regrette Fabienne Brugère. Les grandes universités américaines que nous admirons et dans lesquelles Derrida a enseigné sont habitées par la société de marché ».

    Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

    En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de #publications_scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une #vision_normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un #retour_sur_investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un #déni_de_réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

    Derrière cet effacement des #spécificités_nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« #économie_de_la_connaissance ». « On ne parle plus de “l’#acquisition_du_savoir”, trop marquée par une certaine #gratuité, mais de “l’#acquisition_de_compétences”, efficaces, directement orientées, adaptatives, plus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur.

    Un poids à relativiser

    A y regarder de plus près, Shanghaï et les autres classements internationaux influents que sont les palmarès britanniques #QS_World_University_Rankings (#QS) et #Times_Higher_Education (#THE) valorisent des pays dont les fleurons n’accueillent finalement qu’un effectif limité au regard de leur population étudiante et du nombre total d’habitants. Le poids réel des « #universités_de_prestige » doit donc être relativisé, y compris dans les pays arrivant systématiquement aux tout premiers rangs dans les classements.

    Pour en rendre compte, Le Monde a listé les 80 universités issues de 16 pays qui figuraient en 2022 parmi les 60 premières des classements QS, THE et Shanghaï. Grâce aux sites Internet des établissements et aux données de Campus France, le nombre total d’étudiants dans ces universités a été relevé, et mis en comparaison avec deux autres statistiques : la démographie étudiante et la démographie totale du pays.

    Le cas des Etats-Unis est éclairant : ils arrivent à la 10e position sur 16 pays, avec seulement 6,3 % des étudiants (1,2 million) dans les 33 universités classées, soit 0,36 % de la population américaine.

    Singapour se place en tête, qui totalise 28,5 % des étudiants inscrits (56 900 étudiants) dans les huit universités de l’hyperélite des classements, soit 0,9 % de sa population. Suivent Hongkong, avec 60 500 étudiants dans quatre universités (20,7 % des étudiants, 0,8 % de sa population), et la Suisse, avec 63 800 étudiants dans trois établissements (19,9 % des étudiants, 0,7 % de sa population).

    Avec 98 600 étudiants dans quatre universités classées (Paris-Saclay, PSL, Sorbonne Université, Institut polytechnique de Paris), la France compte 3,2 % des étudiants dans l’hyperélite universitaire mondiale, soit 0,1 % de la population totale.

    La Chine arrive dernière : 255 200 étudiants sont inscrits dans les cinq universités distinguées (Tsinghua, Peking, Zhejiang, Shanghai Jiao Tong et Fudan), ce qui représente 0,08 % de sa population étudiante et 0,018 % de sa population totale.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/14/ou-le-classement-de-shanghai-mene-t-il-l-universite-francaise_6185365_440146

    #compétences #critique

    • Classement de Shanghaï 2023 : penser l’enseignement supérieur en dehors des palmarès

      Depuis vingt ans, les responsables politiques français ont fait du « standard » de Shanghaï une clé de #réorganisation des établissements d’enseignement supérieur. Mais cet objectif d’inscription dans la #compétition_internationale ne peut tenir lieu de substitut à une #politique_universitaire.

      Comme tous les classements, celui dit « de Shanghaï », censé comparer le niveau des universités du monde entier, suscite des réactions contradictoires. Que les championnes françaises y soient médiocrement placées, et l’on y voit un signe de déclassement ; qu’elles y figurent en bonne place, et c’est le principe du classement qui vient à être critiqué. Le retour de l’université française Paris-Saclay dans le top 15 de ce palmarès de 1 000 établissements du monde entier, établi par un cabinet chinois de consultants et rendu public mardi 15 août, n’échappe pas à la règle. Au premier abord, c’est une bonne nouvelle pour l’enseignement supérieur français, Paris-Saclay se hissant, derrière l’américaine Harvard ou la britannique Cambridge, au rang de première université non anglo-saxonne.

      Pourtant, ce succès apparent pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses sur l’état réel de l’enseignement supérieur français. Certes, la montée en puissance du classement chinois, créé en 2003, a participé à l’indispensable prise de conscience de l’inscription du système hexagonal dans un environnement international concurrentiel. Mais les six critères qui président arbitrairement à ce « hit-parade » annuel, focalisés sur le nombre de prix Nobel et de publications dans le seul domaine des sciences « dures », mais qui ignorent étrangement la qualité de l’enseignement, le taux de réussite ou d’insertion professionnelle des étudiants, ont conforté, sous prétexte d’« excellence », une norme restrictive, au surplus indifférente au respect des libertés académiques, politique chinoise oblige.

      Que les responsables politiques français aient, depuis vingt ans, cédé à ce « standard » de Shanghaï au point d’en faire une clé de réorganisation des établissements d’enseignement supérieur ne laisse pas d’étonner. Le principe « grossir pour être visible » (dans les classements internationaux) a servi de maître mot, il est vrai avec un certain succès. Alors qu’aucun établissement français ne figurait dans les cinquante premières places en 2003, ils sont trois aujourd’hui. Paris-Saclay résulte en réalité de la fusion d’une université, de quatre grandes écoles et de sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française.

      Mais cette politique volontariste de #fusions à marche forcée, soutenue par d’importants crédits, n’a fait qu’alourdir le fonctionnement des nouvelles entités. Surtout, cette focalisation sur la nécessité d’atteindre à tout prix une taille critique et de favoriser l’excellence n’a fait que masquer les #impensés qui pèsent sur l’enseignement supérieur français : comment améliorer la #qualité de l’enseignement et favoriser la réussite du plus grand nombre ? Quid du dualisme entre universités et grandes écoles ? Quelles sources de financement pour éviter la paupérisation des universités ? Comment éviter la fuite des chercheurs, aux conditions de travail de plus en plus difficiles ? Et, par-dessus tout : quel rôle dans la construction des savoirs dans un pays et un monde en pleine mutation ?

      A ces lourdes interrogations, l’#obsession du classement de Shanghaï, dont le rôle de promotion des standards chinois apparaît de plus en plus nettement, ne peut certainement pas répondre. Certes, l’enseignement supérieur doit être considéré en France, à l’instar d’autres pays, comme un puissant outil de #soft_power. Mais l’objectif d’inscription dans la compétition internationale ne peut tenir lieu de substitut à une politique universitaire absente des débats et des décisions, alors qu’elle devrait y figurer prioritairement.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/15/classement-de-shanghai-2023-penser-l-enseignement-superieur-en-dehors-des-pa

    • Au même temps, #Emmanuel_Macron...

      Avec 27 universités représentées, le classement de Shanghai met à l’honneur l’excellence française.

      Acteurs de l’enseignement et de la recherche : merci !

      Vous faites de la France une grande Nation de formation, de recherche et d’innovation. Nous continuerons à vous soutenir.


      https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1691339082905833473
      #Macron

    • Classement de Miamïam des universités françaises.

      Ayé. Comme chaque année le classement de Shangaï est paru. Et l’auto-satisfecit est de mise au sommet de l’état (Macron, Borne, et bien sûr Oui-Oui Retailleau). Imaginez un peu : 27 de nos établissements français (universités et grandes écoles) y figurent.

      Rappel pour les gens qui ne sont pas familiers de ces problématiques : le classement de Shangaï est un classement international très (mais vraiment très très très) sujet à caution, qui s’est imposé principalement grâce à une bonne stratégie marketing (et à un solide lobbying), et qui ne prend en compte que les publications scientifiques des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’université : ce qui veut dire qu’il ne regarde pas “l’activité scientifique” dans sa globalité, et que surtout il n’en a rien à secouer de la partie “enseignement” ni, par exemple, du taux de réussite des étudiants et étudiantes. C’est donc une vision a minima hémiplégique de l’université. Il avait été créé par des chercheurs de l’université de Shangaï comme un Benchmark pour permettre aux université chinoises d’essayer de s’aligner sur le modèle de publication scientifique des universités américaines, donc dans un contexte très particulier et avec un objectif politique de soft power tout à fait explicite. Ces chercheurs ont maintenant créé leur boîte de consultants et se gavent en expliquant aux universités comment l’intégrer. L’un des co-fondateurs de ce classement explique notamment : “Avant de fusionner, des universités françaises nous ont demandé de faire une simulation de leur future place dans le classement“.

      Bref du quantitatif qui vise à souligner l’élitisme (pourquoi pas) et qui n’a pour objet que de le renforcer et se cognant ostensiblement de tout paramètre qualitatif a fortiori si ce qualitatif concerne les étudiant.e.s.

      Mais voilà. Chaque été c’est la même tannée et le même marronier. Et les mêmes naufrageurs de l’action publique qui se félicitent ou se navrent des résultats de la France dans ledit classement.

      Cette année c’est donc, champagne, 27 établissements français qui se retrouvent “classés”. Mal classés pour l’essentiel mais classés quand même : les 4 premiers (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) se classent entre la 16ème (Paris-Saclay) et la 78ème place (Paris Cité) et à partir de la 5ème place (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) on plonge dans les limbes (Aix-Marseille est au-delà de la 100ème place, Nantes au-delà de la 600ème). Alors pourquoi ce satisfecit du gouvernement ? [Mise à jour du 16 août] Auto-satisfecit d’ailleurs étonnant puisque si l’on accorde de la valeur à ces classements, on aurait du commencer par rappeler qu’il s’agit d’un recul : il y avait en effet 30 établissements classés il y a deux ans et 28 l’année dernière. Le classement 2023 est donc un recul. [/mise à jour du 16 août]

      Non pas parce que les chercheurs sont meilleurs, non pas parce que la qualité de la recherche est meilleure, non pas parce que les financements de la recherche sont plus importants et mieux dirigés, mais pour deux raisons principales.

      La première raison est que depuis plusieurs années on s’efforce d’accroître le “rendement” scientifique des personnels en vidant certaines universités de leurs activités et laboratoires de recherche (et en y supprimant des postes) pour le renforcer et le concentrer dans (très peu) d’autres universités. C’est le grand projet du libéralisme à la française qui traverse les présidences de Sarkozy à Macron en passant par Hollande : avoir d’un côté des université “low cost” dans lesquelles on entasserait les étudiant.e.s jusqu’à bac+3 et où on ferait le moins de recherche possible, et de l’autre côté des “universités de recherche et d’excellence” où on n’aurait pas grand chose à foutre de la plèbe étudiante et où on commencerait à leur trouver un vague intérêt uniquement à partir du Master et uniquement pour les meilleur.e.s et uniquement dans certains domaines (genre pas en histoire de l’art ni en études littéraires ni dans la plupart des sciences humaines et sociales).

      La seconde raison de ce “bon” résultat est que les universités se sont regroupées administrativement afin que les publications de leurs chercheurs et chercheuses soient mieux prises en compte dans le classement de Shangaï. Exemple : il y a quelques années, il y avait plusieurs sites universitaires dans les grandes villes. Chaque site était celui d’une discipline ou d’un regroupement de discipline. On avait à Toulouse, à Nantes et ailleurs la fac de droit, la fac de sciences, la fac de lettres, etc. Et les chercheurs et chercheuses de ces universités, quand ils publiaient des articles dans des revues scientifiques, “signaient” en s’affiliant à une institution qui était “la fac de sciences de Toulouse Paul Sabatier” ou “la fac de lettre de Toulouse le Mirail” ou “la fac de droit de Toulouse”. Et donc au lieu d’avoir une seule entité à laquelle rattacher les enseignants-chercheurs on en avait trois et on divisait d’autant les chances de “l’université de Toulouse” de monter dans le classement.

      Donc pour le dire rapidement (et sans pour autant remettre en cause l’excellence de la recherche française dans pas mal de disciplines, mais une excellence dans laquelle les politiques publiques de ce gouvernement comme des précédents ne sont pas pour grand-chose), la France gagne des places dans le classement de Shangaï d’une part parce qu’on s’est aligné sur les règles à la con dudit classement, et d’autre part parce qu’on a accepté de sacrifier des pans entiers de financements publics de la recherche dans certains secteurs (notamment en diminuant drastiquement le nombre de postes disponibles).

      Allez je vous offre une petite comparaison. Évaluer la qualité de l’université et de la recherche française à partir du classement de Shangaï c’est un peu comme si on prétendait évaluer la qualité de la gastronomie française à partir d’un référentiel établi par Mac Donald : on serait rapidement en capacité de comprendre comment faire pour gagner des places, mais c’est pas sûr qu’on mangerait mieux.

      Je vous propose donc un classement alternatif et complémentaire au classement de Shangaï : le classement de Miamïam. Bien plus révélateur de l’état actuel de l’université française.
      Classement de Miamïam.

      Ce classement est simple. Pour y figurer il faut juste organiser des distributions alimentaires sur son campus universitaire.

      Le résultat que je vous livre ici est là aussi tout à fait enthousiasmant [non] puisqu’à la différence du classement de Shangaï ce sont non pas 27 universités et établissements mais (au moins) 40 !!! L’excellence de la misère à la française.

      Quelques précisions :

      – ce classement n’est pas exhaustif (j’ai fait ça rapidement via des requêtes Google)
      – l’ordre des universités ne signifie rien, l’enjeu était juste de lister “l’offre” qu’elles proposaient sans prendre en compte l’ancienneté ou la fréquence de ces distributions ni le nombre d’étudiant.e.s touché.e.s
      - ce classement est très en dessous de la réalité : par exemple je n’ai inscrit qu’une seule fois l’université de Nantes alors que des distributions alimentaires sont aussi organisées sur son campus de la Roche sur Yon. Beaucoup des universités présentes dans ce classement organisent en fait des distributions alimentaires sur plusieurs de leurs campus et devraient donc y figurer 2, 3 ou 4 fois au moins.
      - je me suis autorisé, sans la solliciter, à utiliser comme crédit image la photo de Morgane Heuclin-Reffait pour France Info, j’espère qu’elle me le pardonnera.

      [Mise à jour du 16 Août]

      On invite aussi le gouvernement à regarder le classement du coût de la vie pour les étudiantes et étudiants : en constante augmentation, et atteignant une nouvelle fois, pour cette population déjà très précaire, des seuils d’alerte indignes d’un pays civilisé.

      Enfin on pourra, pour être complet dans la recension de l’abandon politique de l’université publique, signaler la stratégie de mise à mort délibérée par asphyxie conduite par les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans. Extrait :

      “En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

      La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.“

      https://affordance.framasoft.org/2023/08/classement-shangai-miam-miam

  • Un désir d’égalité – Vivre et travailler dans des communautés utopiques | Les Oreilles loin du Front
    http://www.loldf.org/spip.php?article1011

    Twin Oaks, Acorn, ces noms vous disent quelque chose ? Ce sont deux « utopies concrètes » ou « communautés intentionnelles » aux modes de vie et de travail égalitaires qui existent aux États-Unis depuis de nombreuses années. Pour notre première émission de la saison, nous recevons le sociologue Michel Lallement, professeur au CNAM notamment, qui a publié aux éditions du Seuil en 2019 « Un désir d’égalité – Vivre et travailler dans des communautés utopiques ». Nous parlerons avec lui de l’histoire, du fonctionnement, des réalités quotidiennes de ces communautés et des personnes qui ont fait le choix d’y vivre. Durée : 1h20. Source : Fréquence Paris (...)

    http://www.loldf.org/archives/22.09.14.desir.egalite.lallement.mp3

    • Mode « lecture » de Firefox :

      « Pour son exposition d’été, le Manoir accueille 152 utopies, fruits d’un concours-collecte lancé en janvier 2022 et ouvert à toutes les disciplines artistiques ainsi qu’à toutes les personnes intéressées, artistes professionnel∙le∙x∙s ou citoyen∙ne∙x∙s engagé∙e∙x∙s et concerné∙e∙x∙s. Face aux bouleversements sociaux, sanitaires et climatiques, l’exposition se présente comme un catalogue d’idées, de pistes en faveur d’une transformation : des archives à consulter, à questionner, à valoriser et à conserver. En rassemblant ces œuvres et projets stimulants, le Manoir ouvre un espace de réflexion et donne le champ à l’art comme outil d’expression et de revendication. Parce qu’il est toujours temps de donner son avis, d’entendre celui des autres, de croire en demain et d’ouvrir une nouvelle ère… »

  • Les utopies sauveront-elles la planète ? | Tribunal des utopies #3
    https://topophile.net/rendez-vous/les-utopies-sauveront-elles-la-planete-tribunal-des-utopies-3

    Après nous avoir invité à réfléchir pour savoir si les utopies menaçaient notre bonheur ou non, puis si un monde à plusieurs pouvait s’imaginer seul·e, le Tribunal des Utopies revient pour une troisième séance interrogeant les possibilités et/ou devoirs écologistes des utopies. Le contexte d’urgence environnementale nous pousse à repenser nos liens avec la nature... Voir l’article

  • Une société sans voitures
    http://carfree.fr/index.php/2022/02/14/une-societe-sans-voitures

    Le texte suivant est paru dans le numéro de septembre-octobre 2016 de la Revue Nouvelle, dans un dossier coordonné par Thomas Ferretti et John Pitseys, intitulé « Less is more. Que Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Fin_de_l'automobile #Marche_à_pied #Quartiers_sans_voitures #Transports_publics #Vélo #Vie_sans_voiture #Ville_sans_voitures #alternatives #avenir #Belgique #futur #sans_voiture #société #utopies #ville

    • L’essentiel, c’est que les sans dent restent dans leurs lointaines banlieues.
      Leurs vielles voitures polluent un maximum, plus que les gros SUV des beaux quartiers.
      Ils/elles bouchent les trous de leurs carrosseries avec les auto collants des écolos.
      L’avenir, c’est les sans papiers en vélo, afin de livrer les colis amazon, les repas et les courses.

      Ceci dit, avec la crise énergétique, less will be the solution.

  • Demain, l’écologie ! - #Utopies & #anticipations environnementales

    Au XIXe siècle, la Révolution industrielle a profondément modifié le rapport de l’être humain à la #nature. Dès cette époque, l’#imaginaire littéraire s’est penché sur la question écologique et les textes d’anticipation réunis dans cette #anthologie (datant de 1810 à 1920 et pour la plupart réédités pour la première fois) envisagent les atteintes à la nature, la destruction de l’environnement, voire la fin du monde. Devant les développements de la science et de l’emprise de l’humanité sur la Terre, certains imaginent une planète où la nature a disparu, où l’eau de source est une denrée plus rare qu’un vin millésimé, où les derniers oiseaux se trouvent en haut d’un Himalaya pris d’assaut par les villes, où l’on vit dans les égouts parisiens, d’autres font part de leurs craintes face à l’épuisement des ressources naturelles, tous lancent des #avertissements qu’il faudra bien se résoudre un jour à écouter.

    https://www.publie.net/livre/demain-lecologie-utopies-anticipations-environnementales-collectif

    #utopie #environnement #livre #écologie

  • « Le mouvement des gilets jaunes a permis à beaucoup d’inventer une parole politique », Laurent Jeanpierre
    https://www.liberation.fr/debats/2019/08/23/laurent-jeanpierre-le-mouvement-des-gilets-jaunes-a-permis-a-beaucoup-d-i

    Si on raisonne à l’échelle du mouvement, il faut distinguer deux moments : une phase ascendante à partir de novembre 2018, puis une phase de déclin qui débute avec la destruction des abris sur les ronds-points fin janvier 2019. Dans la première période, on observe un des effets quasi miraculeux du mouvement : des divisions très ancrées dans les imaginaires, entre « ceux qui bossent » et « ceux qui ne foutent rien », s’estompent (elles reviendront lors du déclin du mouvement).

    #Gilets_jaunes #subjectivité #reproduction

    • « In girum », de Laurent Jeanpierre : situer les « gilets jaunes » ?, Jean Birnbaum
      https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/08/29/in-girum-de-laurent-jeanpierre-situer-les-gilets-jaunes_5504038_3260.html

      Dans un essai captivant « In girum », le professeur de science politique et intellectuel de gauche tente de cerner la « révolte des ronds-points », en se laissant ébranler par elle.

      Des « gilets jaunes » au « rond point des Gaulois », à Saint-Beauzire (Puy-de-Dôme), le 15 décembre 2018. THIERRY ZOCCOLAN/AFP

      Si l’essai de Laurent Jeanpierre émeut d’emblée, c’est qu’il assume la fragilité qui donne force à ce genre : méditant le mouvement des « gilets jaunes », l’auteur « essaye » pour de bon, et proclame la nécessité d’un humble tâtonnement. Ici, la modestie requise est à la fois scientifique et politique. Laurent Jeanpierre dit en substance : comme professeur de science politique mais aussi comme intellectuel de gauche, je suis l’héritier de modèles qui menacent d’écraser la nouveauté des actions vécues sous le poids d’une spéculation vétuste ; voilà pourquoi je ne prétends pas énoncer la « vérité cachée » de la rébellion jaune, je souhaiterais simplement me « laisser ébranler » par elle.

      Cette révolte a ruiné les certitudes des docteurs en insurrection
      De fait, l’ensemble de l’ouvrage, rédigé d’une plume sensible, se déplie au conditionnel. Son auteur rappelle d’abord les traits spécifiques de cette révolte : en rupture avec les légitimités traditionnelles, apparemment privée de cohérence idéologique et de débouchés politiques, obtenant par l’émeute ce que les défilés syndicaux étaient impuissants à conquérir, elle a ruiné les certitudes des docteurs en insurrection, militants de gauche comme chercheurs en sciences sociales.

      Les uns et les autres vacillent devant les ronds-points ? Oui, parce que leur culture commune demeure ancrée dans une certaine période, celle du capitalisme fordiste. A l’époque, le mouvement ouvrier formait l’archétype de tout combat émancipateur ; l’usine se tenait au centre des ­conflits ; les syndicats comptaient ; et même la sociologie. Quiconque a lu Alain Touraine, entre autres, sait que ce monde-là est entré en crise depuis des lustres. Mais Jeanpierre montre bien que le « moment jaune » marque son cruel enterrement.

      Au point d’ouvrir un nouveau cycle de luttes ? Laurent Jeanpierre se garde de toute réponse trop assurée. Mais il suggère une hypothèse. Par-delà leur diversité générationnelle et sociale, avance-t-il, les « gilets jaunes » auraient en commun d’être des « entravés », dont la mobilité spatiale ne recoupe plus aucune mobilité sociale ; sur les ronds-points, ils et elles auraient voulu rebâtir un lieu de vie, des espaces de rencontre et de solidarité ; sans rêver de révolution anticapitaliste, les « gilets jaunes » appelleraient donc de leurs vœux « le réencastrement de l’économie dans les réseaux de solidarité effectifs, plutôt que dans le marché, et au service des individus ». Conclusion : leur action viendrait essentiellement conforter une « relocalisation de la politique », à rebours de l’élan internationaliste qui avait animé, au tournant des années 2000, la galaxie « altermondialiste ». Afin d’étayer cette hypothèse, Laurent Jeanpierre situe la révolte des ronds-points dans une constellation planétaire « d’utopies politiques locales », dont il décrit avec finesse les succès et les impasses : zadisme, mouvement des « places » grecques, kibboutzim israéliens, révolte au Chiapas, « mairies rebelles » de Catalogne…

      Cette façon de prendre recul et hauteur produit des effets ambivalents. D’une part, elle permet à Laurent Jeanpierre de signer les pages les plus passionnantes de son livre. Mais, d’autre part, elle en ­exhibe la contradiction intime, celle qu’endure tout théoricien de l’émancipation confronté à un mouvement social, et désireux de dévoiler sa signification. A l’origine de ce bref essai, on s’en souvient, il y a le refus des jugements surplombants. En cela, Laurent Jeanpierre se place dans le sillage d’une certaine pensée anarchiste : pure dissidence des âmes et des corps, la révolte se passerait d’explication.

      Psychanalyste malgré lui

      Mais on ne se refait pas. Le savant a la mémoire longue et l’esprit conquérant. Si bien qu’au fil des pages Laurent Jeanpierre prête aux révoltés des ronds-points telle ambition « inconsciente », telle intention « qui leur échappe ». Sous sa plume, on voit alors resurgir ce maudit lexique de la « vérité cachée » dont il prétendait s’affranchir. Psychanalyste malgré lui, il évoque même les « tendances conservatrices ou néofascistes qui ont traversé le mouvement ».

      Ce point est mentionné à plusieurs reprises, comme en passant. L’approfondir aurait ­permis de « se laisser ébranler » jusqu’au bout en posant les questions suivantes : est-il possible de refuser, comme Laurent Jeanpierre le fait, la disqualification globale du mouvement par ceux qui le réduisent à ces « tendances néofascistes », tout en interrogeant le sens de ces pulsions ? Alors que d’autres mobilisations, au cours des dernières décennies, avaient aussi imposé un nouveau répertoire d’action collective (happenings d’Act Up, occupations par les sans-papiers, coordinations infirmières, forums altermondialistes…), comment expliquer qu’aucune d’entre elles n’ait jamais été suspectée d’une quelconque « tendance néofasciste » ? S’il y a là une singularité, se pourrait-il que la mobilisation des « gilets jaunes », loin de s’inscrire dans l’histoire des gauches et des luttes d’émancipation, ait eu pour vocation de rompre avec la tradition du mouvement ouvrier, voire d’en finir avec elle ?

      « In girum. Les leçons politiques des ronds-points », de #Laurent_Jeanpierre, La Découverte, « Cahiers libres », 192 p., 12 €.

      #livre #révolte #insurrection #émeute #militants #capitalisme-fordiste #usine #Mouvement_ouvrier #entravés #rupture #utopies_politiques_locales #néofasciste (tendance)

    • In Girum - Les leçons politiques des ronds-points, Laurent Jeanpierre, extrait
      https://books.google.fr/books?id=uAaqDwAAQBAJ&pg=PT10&source=kp_read_button&redir_esc=y#v=onepa

      « ... la politique en trouve pas sa consistance dans les discours et n’est pas avant tout une affaire d’opinion, de revendications, de programmes. »

      #entravés #espoirs_périphériques #reproduction #communes
      @monolecte @parpaing @kaparia @cie813 @vanderling @mona @recriweb et aux autres, bien sûr.

    • Rencontre avec l’auteur ce soir vendredi 6 septembre 2019.

      « La Librairie Petite Egypte (35 Rue des Petits Carreaux, 75002 Paris, Métro Sentier) me fait l’amabilité de m’inviter à présenter l’essai que je viens de publier aux Éditions La Découverte (In Girum. Les leçons politiques des ronds-points).
      J’en présenterai quelques aspects sous forme de dialogue à partir de 19 heures. La discussion sera suivie d’un pot amical. »

  • Balade commentée 2019 sur les pas de Jean meslier ce Samedi 15 Juin 2019 à partir d’Etrépigny

    Pour fêter le 355ème anniversaire du curé Meslier,l’association « Les Amis de Jean Meslier » organise, le samedi 15 juin 2019 à 16h30 à partir d’Etrépigny,
     
    Un circuit commenté sur 4 sites que Meslier a fréquentés,
    (Etrépigny – Villers-le-Tourneur – Mazerny – Hagnicourt), circuit en voiture personnelle ou en covoiturage de 25 km ouvert à tout public, gratuit – sans réservation
    Suivi d’un pique-nique semi-nocturne tiré des sacs.

    Programme :
    16h30 : Etrépigny : visite du village et de l’église où officia Meslier durant 40 ans.
    17h15 : Départ devant la mairie d’Etrépigny en convoi de voitures (et covoiturage) pour Villers-le-Tourneur
    17h30 : visite de l’église énigmatique de Villers-le-Tourneur et du village
    18h30 : Départ pour Mazerny visite de l’église fortifiée de Mazerny et du village
    19h30 : Départ pour Hagnicourt visite de l’église classée d’Hagnicourt
    20h30 : Apéritif offert par l’association et pique-nique tiré des sacs à Hagnicourt
    Retour à Etrépigny pour les covoiturés

    Sources : http://www.jeanmeslier.fr/jeanmeslierfr/infobox/balade-sur-les-pas-de-meslier-15-juin-2019
    https://www.facebook.com/Meslier.athee.revolutionnaire/photos/pb.1345994418759850.-2207520000.1553873122./3149591801733427/?type=3&eid=ARB1FZUVipugKiZpHVyQLe6eUfEF_aIrWYcWQ--mnVuiuUo-p3JUQYX_f-dv72

    #Jean_Meslier (Curé) #révolutions #laïcité #utopies #religion #balade #Ardennes

  • Post mai 68

    Que sont devenues dans les années 70 et après la pensée, les idées nées avec mai 68 : toute la semaine, la Fabrique interroge ces évolutions, et questionne la vision parfois trop idéaliste du mouvement actuellement célébré. Car des germes de dureté ont poussé aussi avec mai 68, une certaine radicalité a pu émerger et engendrer avec elle de nouveaux clivages, et certaines déceptions... Première étape ce matin avec notre grand témoin #Isabelle_Saint-Saëns qui fut membre du mouvement du #22_mars_1968 à #Nanterre. Elle nous raconte ici l’après de ces #espoirs ou de ces #utopies_anarchistes : comment certains se sont perdus, comment d’autres ont au contraire durci leur posture. Elle nous raconte aussi le lendemain des mythologies ouvriéristes et l’évolution de son propre #militantisme : comment elle s’est finalement investi dans de nouvelles formes d’action à partir des années 1980, via #Act_Up, le #Gisti, ou la revue #Vacarme .

    https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/post-mai-68-14
    #mai_68 #histoire

    –-> une interview qui date de 2008!

    Avec... @isskein en grand témoin!

  • Hauts-de-Seine - Les cités-jardins de #Vanves et #Suresnes distinguées pour leur architecture
    http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/les-cites-jardins-de-vanves-et-suresnes-distinguees-pour-leur-architectur
    https://img-s-msn-com.akamaized.net/tenant/amp/entityid/BBMECn7.img?h=630&w=1200&m=6&q=60&o=t&l=f&f=jpg

    Au cœur de l’été, certains habitants de Vanves profitent de l’esprit village qui règne dans leur quartier. Derrière la façade rouge du square Payret-Dortail, de petits immeubles de quatre étages accueillent près de 150 logements et 27 ateliers d’artistes. Bienvenue dans 30 premiers sites franciliens à être labellisés et des deux sites alto-séquanais. Et c’est une autre cité-jardin, celle de la ville de Suresnes, qui s’est vue distinguée dans le département. Probablement la plus emblématique de France, elle fut initiée par...

    Au cœur de l’été, certains habitants de Vanves profitent de l’esprit village qui règne dans leur quartier. Derrière la façade rouge du square Payret-Dortail, de petits immeubles de quatre étages accueillent près de 150 logements et 27 ateliers d’artistes. Bienvenue dans 30 premiers sites franciliens à être labellisés et des deux sites alto-séquanais. Et c’est une autre cité-jardin, celle de la ville de Suresnes, qui s’est vue distinguée dans le département. Probablement la plus emblématique de France, elle fut initiée par Henri Sellier, qui fut maire (SFIO) de la ville de 1919 à 1941, ministre de la Santé du Front populaire et fondateur de l’Association française pour l’urbanisme.
    Au cœur de la cité-jardin de Suresnes, le collège #Henri-Sellier rend hommage à l’initiateur du quartier./LP/E.D.

    « C’était un homme à la pointe qui, pendant l’entre-deux-guerres, a souhaité offrir du logement qui pourrait accueillir toutes les classes moyennes et dans lequel elles auraient accès à des équipements publics, raconte Christian Dupuy, actuel maire (LR) de Suresnes. Il s’est inspiré d’un concept anglais, le garden-city d’Ebenezer Howard, pour réaliser cette cité et répondre à la crise du logement. »

    #cités-jardins #banlieues #urban_matter #utopies #utopies_urbaines #otto_neurath

  • « Grattez le Russe, vous trouverez le tartare »

    Ça c’est de la carte ! Il y a 150 ans, on osait "vraiment".

    Découvert par hasard au cours de mes recherches sur le mystérieux citoyen utopiste Henri Dron, cette carte à la légende inouïe qui représente les peuples d’Europe en 1866 soit deux ans après la « carte des points noirs en Europe »

    

    Source : Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans

    « Carte des frontières naturelles des peuples de l’Europe, dressée sur les indications de l’ouvrage intitulé : Des réformes et des institutions européennes ou Vues par dessus l’Europe en 1860 »

    par #Félix_Levacher_Durclé

    

    #cartographie #cartographie_émotionnelle #cartographie_sensible #henri_dron #cartographie_thématique #utopies #couleurs #sémiologie #sémantique

    • L’esprit de justice et d’humanité fait distinguer et saillir de plus en plus le caractère français au-dessus des caractères des nations européennes.

      Cette grandeur d’âme éprise de justice qui, justement, saillira dans chacun des paragraphes qui suivront… (et n’oubliez jamais que nous sommes la nation française, hein).

      Une telle fierté dans la bêtise françaouis devrait être signalée à @le_bougnoulosophe – ce que je fais donc derechef…

  • Vers la révolution cosmopolitique
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/241217/vers-la-revolution-cosmopolitique

    Le philosophe #Francis_Wolff cherche à définir une utopie à l’échelle humaine, qui prenne de court l’utopie posthumaniste, située au-delà de l’humanisme, comme l’utopie animaliste, qui résiderait en deçà. Pour lui, la seule voie possible d’une humanité en crise réside dans le #cosmopolitisme et l’abolition des frontières étatiques.

    #Culture-Idées #animalisme #Philosophie #transhumanisme #utopies

  • Voyages en terres d’#utopies - Cartolycée

    http://www.cartolycee.net/spip.php?article93

    Et merci Jean-Christophe

    De l’Antiquité à la période des temps modernes, la carte ci-dessous cible sur quelques exemples de lieux symboles des récits utopistes. Elle a été construite à partir de la mappemonde de Gerard Mercator publiée en 1569. La version PDF ouvre sur une « cartoweb » : le clic sur les symboles permet d’accéder à une sélection d’articles qui peuvent aider à la mise en oeuvre de préparations sur cette thématique.
    En parallèle de la carte, L’ Atlas des utopies, paru en janvier 2017 propose deux cents cartes appuyant des articles qui couvrent de nombreuses questions du programme d’histoire et de géographie du lycée.

    #cartographie #visualisation

  • #Utopies_réalisées

    5 sites en région urbaine de #Lyon

    Partez à la découverte de 5 sites emblématiques de l’architecture XXe siècle, tous situés en région lyonnaise. Chacun d’eux raconte un chapitre d’une histoire passionnante, celle des grandes utopies sociales et urbaines du siècle passé.

    Ces utopies sont nées de la rencontre entre des architectes visionnaires et des maitres d’ouvrage audacieux, qui partageaient la conviction que l’architecture et l’#urbanisme modernes pouvaient contribuer à un monde meilleur.


    http://www.utopies-realisees.com

    #architecture #urban_matters #histoire #France #utopie #Villeurbanne #Eveux #Firminy #Givors #géographie_urbaine
    via @franz42

  • Comment concrétiser les #utopies
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/010917/comment-concretiser-les-utopies

    Deux livres aux titres quasiment identiques, mais à la facture très différente, s’intéressent aux utopies « réalisables ». Un troisième décrit « les #Alternatives qui peuvent tout changer ».

    #Culture-Idées #Attac #Capitalisme #Christophe_Aguiton #Elizabeth_Peredo #Erik_Olin_Wright #Geneviève_Azam #Pablo_Solon #Rutger_Bregman #utopies_concrètes

  • Utopia
    http://www.radiopanik.org/emissions/pbg/utopia

    Phalanstères, îles lointaines, colonies fondées par des pirates ou d’anciens esclaves, mondes imaginaires, de fourmis, de singes ou de chiens, pays invisibles ou rêvés, bienvenue dans les #utopies de la Police du Bon Goût. Harmonies parfaites et mondes idéaux ou à l’opposée, mondes qu’on aimerait surtout ne pas voir advenir des dystopies, nous parlerons de sociétés idéales, sur fond de #musique parfaites de l’ici et du maintenant.

    L’Anthropocène est-elle entrée dans sa phase finale comme nous l’explique Raphaël Stevens ? Malgré les chiffres, les crises, les guerres et le spectre possible de l’effondrement, le PBG veut encore y croire. A un monde plus juste, hein, pourquoi pas ?

    A l’occasion de sa spéciale utopies, PBG reçoit Serge Deruette, historien des idées (...)

    #culture #politique #histoire #invités #écologie #magazine #culture,politique,histoire,musique,invités,écologie,utopies,magazine
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/pbg/utopia_03561__1.mp3

  • Utopia
    http://www.radiopanik.org/emissions/pbg/utopia

    Phalanstères, îles lointaines, colonies fondées par des pirates ou d’anciens esclaves, mondes imaginaires, de fourmis, de singes ou de chiens, pays invisibles ou rêvés, bienvenue dans les #utopies de la Police du Bon Goût. Harmonies parfaites et mondes idéaux ou à l’opposée, mondes qu’on aimerait surtout ne pas voir advenir des dystopies, nous parlerons de sociétés idéales, sur fond de #musique parfaites de l’ici et du maintenant.

    L’Anthropocène est-elle entrée dans sa phase finale comme nous l’explique Raphaël Stevens ? Malgré les chiffres, les crises, les guerres et le spectre possible de l’effondrement, le PBG veut encore y croire. A un monde plus juste, hein, pourquoi pas ?

    A l’occasion de sa spéciale utopies, PBG reçoit Serge Deruette, historien des idées (...)

    #culture #politique #histoire #invités #écologie #magazine
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/pbg/utopia_03561__1.mp3

  • #Le_Pérou

    Nos métropoles occidentales débordent de corps en trop, de rebuts humains épars : #expulsés d’ici comme d’ailleurs flanqués à même le bitume ; #réfugiés dans les #délaissés, déprises, et autres innommables zones ; logés dans l’#insalubrité, le surpeuplement ou la #solitude, tout au bord de la rue. Simultanément – conséquence et cause tout à la fois –, nos métropoles se dépeuplent de ce qui fait d’une ville une #ville : des formes et pratiques de l’#accueil et de la #solidarité, des espaces et des gestes qui font l’#hospitalité. Une analyse des processus urbains à l’œuvre – techniques comme imaginaires – convainct de l’inéluctable aggravation de cette situation : un savoir-faire l’accueil disparaît en même temps qu’explose le nombre de réfugiés économiques parmi nous. Loin de promettre la résorption de l’#exclusion urbaine et du péril qu’elle engendre, le développement contemporain de nos métropoles la laisse s’accroître, voire la nourrit.

    Association loi 1901 fondée en septembre 2012, le PEROU est un #laboratoire de #recherche-action sur la #ville_hostile conçu pour faire s’articuler action sociale et action architecturale en réponse au péril alentour, et renouveler ainsi savoirs et savoir- faire sur la question. S’en référant aux #droits_fondamentaux européens de la personne et au « #droit_à_la ville » qui en découle, le PEROU se veut un outil au service de la multitude d’#indésirables, communément comptabilisés comme cas sociaux voire ethniques, mais jamais considérés comme habitants à part entière.
    Avec ceux-ci, le PEROU souhaite expérimenter de nouvelles tactiques urbaines – nécessitant le renouvellement des techniques comme des imaginaires – afin de fabriquer l’hospitalité tout contre la ville hostile. Alors que se généralise une politique aussi violente qu’absurde, action publique aux allures de déroute n’ouvrant que sur des impasses humaines – expulsions, destructions, plans d’urgence sans issues, placements et déplacements aveugles, etc – , le PEROU veut faire se multiplier des ripostes constructives, attentives aux hommes, respectueuses de leurs fragiles mais cruciales relations au territoire, modestes mais durables.

    http://www.perou-paris.org/index.html
    #architecture #urbanisme #Calais #urban_matter
    cc @reka : tu connais ?

  • Élisée Reclus, le géographe qui n’aimait pas les cartes !

    Aujourd’hui, chez Visionscarto on avait envie de se précipiter dans l’histoire et on publie trois archives qui retracent - grâce à Béatrice Collignon et Federico Ferretti - un peu de l’histoire et de l’œuvre des deux immenses géographes et cartographes (et humanistes) qu’étaient Élisée Reclus et Charles Perron.

    Charles Perron et la juste représentation du monde
    http://visionscarto.net/charles-perron
    par Federico Ferretti

    Élisée Reclus, le géographe qui n’aimait pas les cartes
    http://visionscarto.net/elisee-reclus-n-aime-pas-les-cartes
    par Federico Ferretti

    Le monde sans la carte
    http://visionscarto.net/le-monde-sans-la-carte
    par Béatrice Collignon

    N’oubliez jamais qu’ « Il n’en reste pas moins vrai que la Terre est ronde et que les cartes devraient logiquement l’être aussi... »

    #Anarchisme #Justice_spatiale #Cartographie #Enseignement #Géographie #Histoire #Socialisme_libertaire #Suisse #Utopies #Précurseurs

    • Elisée Reclus
      Édition établie et présentée par Alexandre Chollier et Federico Ferretti

      A l’heure où le pouvoir de la cartographie paraît sans limite, où, par la force et la vitesse de calcul, les artifices et les conventions qui l’ont rendue possible s’estompent de plus en plus et deviennent de plus en plus difficiles à discerner, son ambivalence doit être plus que jamais soulignée. A la fois remède et poison, #la_carte peut en effet figurer comme défigurer le monde, nous mettre en relation comme faire écran. A la réflexion, le cartographe n’est pas tant celui qui dessine la carte que celui qui va conserver en lui, coûte que coûte, la capacité d’être questionné par ce qu’il est en train de réaliser ou d’utiliser. Dans l’esprit d’Élisée Reclus (1830-1905) ce questionnement s’inscrit dans la volonté de nous en tenir toujours à la vérité géographique, quand bien même « toutes les représentations et tous les symboles de la vie sont sans grand rapport avec la vie elle-même », quand bien même « nos ouvrages sont dérisoires en regard de la nature ». Il sait que c’est un cas de conscience pour les géographes et les cartographes de toujours montrer la #surface_terrestre telle qu’ils la savent être et non telle que l’on voudrait qu’elle paraisse. Conscience cartographique donc, marquant le chemin à parcourir jusqu’à la « cartographie vraie », ainsi que la distance nous en séparant encore. Écrits cartographiques rassemble les #écrits_cartographiques majeurs, pour une part inédits, d’Élisée Reclus et de ses proches collaborateurs, Paul Reclus, Charles Perron et Franz Schrader. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’une cartographie capable de donner à sentir et percevoir l’unité terrestre, en son tout et en ses parties. Les objets (globes, cartes, reliefs) conçus et imaginés par Reclus et ses proches l’ont été dans ce but.

      http://www.heros-limite.com/livres/ecrits-cartographiques


      http://www.heros-limite.com/livres/lhomme-des-bois

      Le recueil L’homme des bois rassemble les écrits qu’Elisée Reclus (1830-1905), l’un des géographes les plus célèbres de son époque, et son frère aîné Elie Reclus (1827-1904), ont consacrés à l’Indien, l’habitant naturel des grands espaces américains, bien avant que ceux-ci ne deviennent Canada, Etats-Unis et Mexique que nous connaissons aujourd’hui.
      L’attention qu’Elisée Reclus porte aux #Indiens dans la Nouvelle Géographie Universelle (1876-1894), relève d’une démarche incluant pour la première fois, dans des ouvrages géographiques, la critique des crimes coloniaux, de la Conquista jusqu’aux Empires européens de la fin du 19e siècle. Les Indiens intéressent Reclus à la fois comme population indigène et en tant que victimes des persécutions et du racisme des prétendus civilisateurs blancs.
      Le géographe est fasciné par leur manière de vivre qui lui fournira, non pas des modèles, mais une source pour sa conception idéale de la société qu’il développera dans des écrits plus proprement anarchistes. #Elisée_Reclus a connu l’Amérique pendant son premier exil, de 1852 à 1857, en voyageant de la Louisiane jusqu’à la Sierra Nevada de Sainte-Marthe, où il avait essayé de fonder une communauté capable d’abriter d’autres exilés républicains européens, en s’inspirant de la très connue « utopie tropicale » d’Alexandre de Humboldt.
      Reclus deviendra célèbre aussi pour ses articles sur la guerre de sécession américaine, publiés dans la Revue des deux mondes de 1861 à 1865, qui lui valent la consécration comme porte-parole officieux du mouvement anti-esclavagiste américain. #Les_frères_Reclus sont passionnés par les moeurs des populations indigènes et y portent un regard qui ne relève jamais de la prétention de supériorité dudit « civilisé ».
      Les textes d’Elie sur la mythologie et la culture indiennes font écho aux articles de la Nouvelle Géographie Universelle d’Elisée. Il nous est paru important de présenter à la fois des textes d’Elisée et d’Elie, car leur étroite collaboration, commencée dans les milieux socialistes français et ayant contribué à la naissance du #mouvement_anarchiste international, se poursuit dans leurs carrières scientifiques respectives.
      Si Elie est bien moins connu que son frère, ses travaux comme #ethnographe et comme responsable de la bibliothèque de Hachette font de lui un des collaborateurs et des informateurs privilégiés de l’ouvrage encyclopédique d’Elisée.

      Les Apaches proprement dits se sont eux-mêmes donné l’appelation de Shis Inday ou hommes des bois. Ils parcourent, plutôt qu’ils n’habitent, le vaste #territoire à limites indécises, qui, des rives du Grand-Lac Salé au nord, descend vers Chihuahua au sud, et s’étend de la Californie et du Sonore à l’ouest, jusque dans le Texas et le Nouveau Mexique à l’est ; il est silloné par le Rio Grande qui débouche dans l’Atlantique, par un autre Rio Grande et par le Rio Gila qui se déversent dans le Pacifique.

      Les deux frères Reclus sont les premiers, parmi les scientifiques européens, à aborder l’Ailleurs de façon différente, pour arriver à penser le monde autrement. L’Ailleurs si souvent bafoué est longtemps demeuré inconnu. Dès le moment que nous le pensons, il nous apparaît plus proche. Si proche qu’il remet en cause nos manière d’être.

  • #crise_sociale : et si on parlait de projets ?
    https://reflets.info/crise-sociale-et-si-on-parlait-de-projets

    La crise sociale déclarée dans laquelle est plongée la France peut être résumée en quelques points. Le pouvoir #Politique en place à décidé de modifier profondément le rapport de force dans le monde du travail, entre employeurs et employés, par le biais d’une loi. Cette loi, passée en force, sans discussion démocratique, brise des acquis […]

    #Economie #Tribunes #Crise_économique #Croissance #Espagne #Grèves #Nuit_Debout #PIB #pouvoir_politique #projet_politique #réformes_du_travail #Syndicats #Technocratie #utopies_concrètes