• Raoul Vaneigem : « Contre le capitalisme, une révolution maraîchère » Par Catherine Marin - Reporterre - Entretien — Séries d’été
    https://reporterre.net/Raoul-Vaneigem-Contre-le-capitalisme-une-revolution-maraichere

    Écrivain engagé, acteur essentiel de l’Internationale situationniste, avec Guy Debord, médiéviste, Raoul Vaneigem a publié une cinquantaine de livres https://wikimonde.com/article/Raoul_Vaneigem depuis son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, qui participa à l’embrasement des universités en Mai 68. Un passionnant livre d’entretiens avec Gérard Berréby, Rien n’est fini, tout commence , paru en 2014 aux éditions Allia https://www.editions-allia.com/fr/livre/695/rien-n-est-fini-tout-commence , permet de mieux comprendre sa trajectoire, des milieux ouvriers du Hainaut belge à la défense du socialisme autogestionnaire.
    Parmi ses dernières publications, Rien ne résiste à la joie de vivre (éd. Grevis, 2022) et Retour à la vie (éd. L’insomniaque, à paraître en octobre). Un essai, d’Adeline Baldacchino, lui a récemment été consacré : Raoul Vaneigem — Une politique de la joie (éd. Michalon, 2022).

    Reporterre — Le 10 mai dernier https://reporterre.net/Desertons-des-jeunes-ingenieurs-appellent-a-refuser-les-jobs-destructeur , des étudiants d’AgroParisTech dénonçaient publiquement l’enseignement reçu, complices à leurs yeux des « ravages sociaux et écologiques en cours ». Après d’autres, ils appelaient à bifurquer https://reporterre.net/Comment-la-desertion-gagne-la-France pour des « vies moins cyniques », notamment à la campagne. Sont-ce là les germes d’une rébellion que vous appelez depuis longtemps de vos vœux contre le capitalisme et son mépris de la vie ?

    Raoul Vaneigem  — Quitter les centres urbains pour reprendre contact avec la nature n’est plus comparable au repli champêtre qui motiva les hippies, dans la retombée du Mouvement des occupations de Mai 68. Aux rêveurs bucoliques, les pesticides auraient tôt fait de rappeler que le profit répand ses remugles en tous lieux. Le choix de la campagne va bien au-delà d’une réaction d’autodéfense de la vie en proie à la pollution urbaine.

    L’ironie de l’histoire nous remet ici en mémoire les luttes communalistes qui, aux XIIe et XIIIe siècles, voient les villes naissantes se soulever, en Catalogne, en Italie du Nord, en Allemagne, en France occitane et picarde, contre la tyrannie des seigneurs féodaux. L’importance croissante du libre-échange, qui inaugure la lutte du capitalisme contre un immobilisme agraire, cadenassé par l’aristocratie, est alors l’élément moteur d’une lutte dressant la bourgeoisie des villes contre la puissance oppressive des féodaux https://www.mollat.com/livres/660017/raoul-vaneigem-le-mouvement-du-libre-esprit-generalites-et-temoignages-sur-l . Cependant, ce projet d’émancipation révèle très vite son ambiguïté. Dans sa Complainte des tisserandes https://www.chants-de-lutte.com/la-complainte-des-tisserandes , Chrétien de Troyes se fera l’écho de la nouvelle oppression. Pour avoir nourri les luttes communalistes, le slogan « l’air des villes rend libre » servira de tremplin à l’idéologie d’un bonheur terrestre débarrassé des dieux et de leur tutelle.

    L’attrait de la campagne tient à ce qu’elle offre de nouvelles assises aux luttes qui s’esquissent aujourd’hui, inséparablement existentielles et sociales. Car, en dehors de l’obstination des Gilets jaunes, la stagnation des combats revendicatifs est atterrante. La révolte aspire à se frayer d’autres voies. La campagne offre à la perspective d’un bouleversement collectif et individuel ce que l’on pourrait qualifier de « champ de bataille démilitarisé » , un lieu des possibles, ouvert aux gageures de la poésie créative.

    Une évidence se fait jour : le mouvement d’émancipation universelle naîtra de petites entités fédérées, de microsociétés mues par la volonté de défendre et de développer le sens humain. C’en est fini de miser sur le grand nombre des protestataires, sur les foules trop aisément manipulables, sur les nations, les ensembles surpeuplés. Si la ville peut parer à l’étouffement du surnombre, c’est en ravivant ses anciennes structures villageoises, en recréant ces solidarités de quartiers qui ont toujours été propices aux émeutes et aux insurrections — Haussmann ne s’y trompait pas, qui les quadrilla et les éventra de grandes avenues.

    En 1967 https://www.babelio.com/livres/Vaneigem-Traite-de-savoir-vivre-a-lusage-des-jeunes-genera/15798 , votre « Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations » appelait à sortir des déterminismes sociaux pour « se créer en recréant la société ». Aujourd’hui, ces jeunes adultes déserteurs qui cherchent à se réancrer dans une existence matérielle https://reporterre.net/Lola-Keraron-A-24-ans-j-ai-deserte-AgroParisTech en lien avec le vivant (boulangerie, apiculture, etc.) répondent-ils à ce mouvement ?

    Du haut de leur bureaucratie politique et syndicale, où ils gèrent les impuissances de la subversion, les rhéteurs de l’anticapitalisme ont toujours traité avec mépris ceux qui souhaitaient atténuer par des réformes une inhumanité dont ils réprouvaient viscéralement la cruauté. Les réformistes n’étaient pas révolutionnaires. Les grandes idéologies prolétariennes ne l’étaient pas davantage, si l’on en juge par le démembrement de la conscience ouvrière, dont nous leur sommes redevables. À vrai dire, il ne faut pas se leurrer, la plupart des prétendues organisations à but humanitaire — du style Kouchner https://books.openedition.org/iheid/2943?lang=fr — sont une imposture. Elles relèvent de la philanthropie, du marché caritatif, bref des bonnes œuvres du capitalisme. Mais, là comme partout, c’est à nous de poser sans relâche la question « Cui prodest ? À qui cela profite-t-il ? » Il n’est pas d’autres moyens de départager, en les passant au crible, les entreprises délétères et les initiatives salutaires.

    Ce qu’il y a d’attractif dans le projet de « se créer en recréant le monde » découvre sa pratique par l’entremise de groupes solidaires dont l’autonomie individuelle est l’élément central. Tandis que l’État et ses commanditaires multiplient les zones à détruire, un nombre croissant de collectivités lui opposent le rachat, à titre privé, de terrains qu’ils dédient à la permaculture, à l’agriculture renaturée, au maraîchage, à l’artisanat, à la recherche d’énergies non polluantes ; tout en excluant l’écologie marchande. De telles initiatives favorisent des révoltes inattendues, comme celle d’ingénieurs agronomes refusant de collaborer davantage à l’empoisonnement agro-alimentaire, de chercheurs ne supportant plus les technologies de l’inhumain, de techniciens devenus hostiles aux industries de la pollution climatique qui les emploient. Imaginez, dans la foulée, un sabotage des taxes et des impôts par les fonctionnaires devenus malgré eux les collecteurs de l’injustice !

    « La planète entière frémit du même désir d’une vie libre. »

    Sous les couleurs de l’humour et de la bonne humeur, une « révolution maraîchère » s’emploie à récupérer une terre qui est la nôtre, il faut le rappeler. Les coups qui aboliront la tutelle des États et des intérêts privés jailliront de l’existentiel et de son tissu social. Il est de la plus haute importance qu’en ces lieux de fraternité retrouvée se redécouvrent la joie de vivre ensemble, l’efflorescence des passions, le désir sans fin. Que l’apiculteur se sente au sein de ses abeilles comme au sein d’un milieu naturel et de relations véritablement humaines, c’est toute la différence avec la même occupation exercée dans le monde marchand. Ce qui s’opère sous nos yeux est un basculement radical. La résurgence de l’entraide et de l’individu autonome annonce la fin du règne de l’individualiste, de l’esclave prédateur, du petit homme au calcul égoïste. C’est le déracinement de la servitude volontaire.

    Réduire ces solidarités nouvelles à un folklore associatif, c’est oublier qu’elles peuvent être le ferment de plus amples développements. Le rejet de la barbarie a donné naissance à des zones à défendre tels le Chiapas zapatiste https://reporterre.net/Declaration-pour-la-vie-les-zapatistes-annoncent-leur-venue-en-Europe et le Rojava. La France l’illustre avec une revendication galactique d’une spécificité insolite et insolente. Si la présence imperturbable des Gilets jaunes rayonne humblement de résonances poétiques qui troublent le monde entier, ce n’est ni hasard ni magie, mais parce que la planète entière frémit du même désir d’une vie libre. Parce que partout, du Chili au Sri Lanka, le rêve d’une société radicalement nouvelle se conjugue avec l’histoire et se concrétise.

    Ces gestes forts sont l’écho d’une conscience écologique qui s’affirme. Pensez-vous que l’écologie politique, avec ses luttes contre les grands projets inutiles https://reporterre.net/La-carte-des-luttes-contre-les-grands-projets-inutiles (routiers, aériens, etc.), sa dénonciation du productivisme et du travail contraint (chez les pionniers), sa défense du vivant, peut être une chance de renaissance politique ? Dans quelle mesure ?

    Si sympathiques qu’elles soient, les manifestations en faveur du climat servent d’exutoires au sentiment d’impuissance qu’éprouvent intimement les protestataires. Comment imaginer que des mesures pratiques et un tant soit peu conséquentes contre la pollution puissent être adoptées par des États et des monopoles qui en sont la cause et les bénéficiaires ? Ce n’est pas dans les capitales que la colère est requise, c’est aux côtés des zadistes en lutte contre la propagation des nuisances, des pesticides, des inutilités rentables — on n’a même pas obtenu l’interdiction des produits qui tuent les abeilles et nous empoisonnent https://reporterre.net/Neonicotinoides-tueurs-d-abeilles-le-passage-en-force-du-gouvernement !

    De quelles vertus voulez-vous créditer la politique et le parlementarisme ? Les marchandises électorales sont interchangeables. L’envers vaut l’endroit. Le populisme fascisant réclame la liberté de ne pas se faire vacciner et le populisme gauchiste appelle à la vaccination obligatoire. Avons-nous jamais connu une telle disette de l’intelligence sensible et du sens humain ? Pendant que les pitreries médiatiques captent l’attention, les lobbies du nucléaire, du pétrole, de la pharmacie, de la 5G, du gaz de schiste, des malversations bancaires, triomphent avec le soutien d’une corruption et d’un parasitisme étatiques exhibés sans scrupules. Ce beau monde s’en donnerait à cœur joie s’il en avait un. En l’occurrence, la « totale » assurance de poursuivre son entreprise de destruction lucrative lui suffit.

    Comment passer de la désertion individuelle à l’insurrection collective ?
    L’État et ses commanditaires auraient intérêt à nous entraîner dans une guerre civile, ou du moins dans sa parodie. Ils en tireraient un double avantage. Ils nous acculeraient sur un terrain qu’ils connaissent assez pour nous écraser. Plus déplorable encore, ils nous militariseraient, ils nous mécaniseraient, nous engageant à contresens de la conscience humaine pour laquelle nous luttons. Libre à qui le souhaite de recourir à une de ces guérillas sans armes, selon le principe « ne jamais détruire un être humain, mais détruire les machines qui nous déshumanisent » .

    Néanmoins, compte tenu de l’effondrement programmé par l’écart croissant entre l’économie réelle et l’économie spéculative, mieux vaut miser sur une insurrection pacifique comme celle qu’illustrent à leur façon les zapatistes, les Gilets jaunes et ces insurgés improbables qui surgissent de partout.

    Le peuple avait fini par s’aviser que ses exploiteurs étaient des malades. Il lui apparaît maintenant que le pouvoir n’est plus assumé par des égrotants mais qu’il est géré par la terreur épidémique et l’épidémie de terreur. Le capitalisme moribond érige la morbidité en mode de gouvernement. La peur de la maladie est l’instrument d’une oppression automatisée. Une fois mise en branle, la machine fonctionne seule, elle s’accommode de dirigeants décérébrés, de créatures acéphales trébuchant de sottises en incompétences. L’État et ses commanditaires sont déchargés de toute responsabilité. Et nous, de tout devoir envers eux ! L’autodéfense sanitaire devient pour chacune et chacun la substance d’une autodéfense généralisée. Sous cet angle, l’autogestion — autrement dit l’organisation du peuple par lui-même — n’a plus rien de subversif, c’est une cure de santé parfaitement légitime !

    #raoul_vaneigem #vaneigem #gilets_jaunes #capitalisme #autogestion #état #zad #coronavirus #mai68 #zapatistes #autodéfense #anarchisme #travail #capitalisme #oppression #exploitation #effondrement #des_grands_projets..._inutiles_

    l’Internationale situationniste
    https://www.youtube.com/watch?v=jc38K2JFLDA

  • DÉSOBÉISSANCE CIVILE !

    La violence de la vie n’a rien en commun avec la violence dont la mort se revêt. La vie n’a cure de répondre à la barbarie qui l’opprime.
    Vivre humainement est une expérience à la fois intemporelle et, historiquement parlant, radicalement nouvelle. S’y attacher et la poursuivre suffit pour que toute velléité d’entraver sa liberté se heurte à une fin de non-recevoir. Ainsi sommes-nous fondés à passer outre à tout décret liberticide.

    La désobéissance civile est une des émanations poétiques de cette fin de non-recevoir. Elle ne tolère aucune forme de prédation, aucune forme de pouvoir. Elle est le non-agir qui s’affirme en rayonnant, elle est la pulsion vitale qui va devant soi et, maillon après maillon, brise, comme par inadvertance, la totalité de ses chaînes.
    La guerre civile est un jeu de mort où toutes et tous s’affrontent, la désobéissance civile est le jeu de la vie solidaire où les passions se vivent en s’accordant.

    A chaque instant se poser la question : à qui cela profite-t-il ?

    La stratégie de la confusion est l’apanage des gouvernements et des puissances financières mondiales. L’art de la communication sert à discréditer les révoltes de la liberté offensée. Le mouvement des Gilets jaunes a été de la sorte assimilé à un populisme où grenouillaient fascistes, antisémites, homophobes, misogynes et fous furieux. Ces grotesques calomnies n’ont guère eu besoin d’être dénoncées. Elles ont été balayées avec une manière de désinvolture sidérante par la tranquille détermination des manifestants d’accorder aux aspirations humaine une priorité absolue. Chose étonnante, l’opposition de gauche, voire gauchiste et libertaire, avait fait montre à l’endroit des Gilets jaunes d’une réticence méprisante, assez proche de l’arrogance oligarchique. Quand les bureaucrates politiques et syndicaux s’avisèrent de leur bévue et ambitionnèrent de rejoindre le mouvement des ronds points, ils se trouvèrent mis à l’écart par la ferme et salutaire résolution de ne tolérer ni chefs ni guides autoproclamés.

    L’épidémie est venue à point pour rendre au Pouvoir vacillant un peu de son autorité répressive.

    Certes, le coronavirus et ses mutations constantes représentent un danger incontestable. Mais là où des mesures favorables à la santé eussent permis d’en atténuer l’impact, on a assisté à une gestion catastrophique du chaos. La gabegie hospitalière, les mensonges en cascades, les marches et contre-marches, la prévarication des milieux scientifiques ont aggravé le péril. Plus toxique encore a été et reste la panique orchestrée par les médias, serpillières des intérêts privés. La partie était belle pour les grands laboratoires pharmaceutiques dont les actionnaires s’enrichissent chaque fois que les citoyens-cobayes paient le renouvellement des vaccins.

    Trois ans de gilets ensoleillés en toutes saisons ont affermi la résistance à une barbarie, qui ne les a pas épargnés. Il y a là de quoi inquiéter et irriter les fantoches étatiques, les derniers politicards, les marchands de pesticides à tous vents.

    La brutalité ne suffisant pas, la vieille pratique du bouc-émissaire a pris le relais. Experte en la matière, l’extrême-droite a choisi de mâchouiller les migrants de sa dent unique et branlante. Avec les Gilets jaunes et leurs émules, les gestionnaires de la corruption nationale et mondialiste font face à un projet d’une autre envergure et d’une autre substance.
    En 2018, le gouvernement français s’était ridiculisé en traitant le peuple des ronds-points de péquenauds incultes et irresponsables. Que la vogue du coronavirus lui livre l’occasion de reprendre l’offensive avec plus de pertinence n’a rien d’étonnant.

    Quant aux résidus de ceux qui bousillèrent le mouvement ouvrier et dont l’électoralisme a fait surgir de sa boite de Pandore un fascisme de pacotille, ils ont une revanche à prendre sur ce peuple qu’ils ne reconnaissent pas parce qu’il refuse de les reconnaître. Ils cautionnent la grossière manoeuvre de culpabilisation par laquelle les responsables de la dévastation sanitaire imputent la propagation de l’épidémie à des insurgés surtout coupables d’avoir compris que l’obligation de se faire vacciner laissait augurer un contrôle social à la chinoise.

    Au lieu de dénoncer les fauteurs de la morbidité généralisée, une faction d’intellectuels, de rétro-bolcheviques, de prétendus libertaires ont adopté la novlangue orwellienne, devenue le mode de communication traditionnel des instances gouvernementales. Ils dénient au peuple le droit de choisir ou non les vaccins en cours d’expérimentation. Ils apportent à l’Etat un soutien effarant en taxant d’individualistes les gilets jaunes en lutte pour le droit de vivre et la liberté qu’elle implique. Or, cela fait trois ans que les insurgées et insurgés de la vie quotidienne, n’ont plus à démontrer qu’ils sont des individus autonomes, réfléchissant par eux-mêmes, non des individualistes, à qui la pensée grégaire inspire des propos du genre : « si tout le monde se faisait vacciner, on n’aurait pas besoin de passeport sanitaire ».

    Ni peur ni culpabilité. Le vivant aura raison de ce monde à l’envers et de ses complices. Même si le combat pour la joie de vivre subit maints revers, pourquoi s’en inquiéter ? L’embrasement qui s’apaise se ravivera comme par inadvertance au moindre souffle de la vie.

    Le retour à la base exclut les faux débats. Il n’y a que la santé de l’Homme abstrait qui accepte d’être traitée par statistiques et par décrets.
    Se faire vacciner ou non contre le virus est une décision qui relève du libre choix. Je ne l’impose à personne - soit-il vieux ou vulnérable - et je me battrai pour que personne ne me l’impose.

    L’individu autonome tient sa force de lui-même et de la solidarité de ses semblables. L’individualiste est un adepte du calcul égoïste, un vulgaire prédateur, un pur produit du capitalisme.

    Délaissant la lice des combats factices, les peuples ont appris dans la souffrance que seuls les marchands d’armes gagnent une guerre. Notre combat n’est pas concurrentiel, il se résume à tenter de vivre selon nos désirs en revendiquant pour tous et toutes un droit identique au bonheur.

    La joie de vivre est une inclination naturelle. C’est à sa souveraineté que la nature devra d’être libérée de l’homme prédateur. Seule une absolue liberté anéantira l’absolutisme qui nous tue.

    Raoul Vaneigem, août 2021

    https://pour.press/desobeissance-civile
    https://blogs.mediapart.fr/vingtras/blog/130821/desobeissance-civile
    https://blogs.mediapart.fr/vingtras/blog/150821/desobeissance-civile-suite
    --

  • Les situationnistes et l’économie cannibale

    François Bott

    https://lavoiedujaguar.net/Les-situationnistes-et-l-economie-cannibale

    Au début de l’année 1968, un critique, traitant de la théorie situationniste, évoquait, en se moquant, une « petite lueur qui se promène vaguement de Copenhague à New York ». Hélas, la petite lueur est devenue, la même année, un incendie, qui a surgi dans toutes les citadelles du vieux monde. À Paris, à Prague, à Rome, à Mexico et ailleurs, la flambée a ressuscité la poésie, la passion de la vie dans un monde de fantômes. Et beaucoup de ceux qui, alors, ont refusé le sort qui leur était fait, la mort sournoise qui leur était infligée tous les matins de la vie, beaucoup de ceux-là — jeunes ouvriers, jeunes délinquants, étudiants, intellectuels — étaient situationnistes sans le savoir ou le sachant à peine.

    Une fois le feu apparemment éteint, les sociologues et autres futurologues d’État se sont efforcés, comme on exorcise une grande peur, de rechercher les origines du printemps 1968. Ils n’ont récolté que des miettes de vérité, autrement dit des parcelles de mensonge. N’importe quel blouson noir rebelle en savait beaucoup plus sur la révolution de mai. Les distingués penseurs n’ont pas songé à se référer aux écrits de l’Internationale situationniste, que ce soit la revue ainsi intitulée — dont le premier numéro date de 1958 — ou les essais de Debord et Vaneigem. (...)

    #situationnistes #économie #Mai68 #Debord #Vaneigem #spectacle #réification #capitalisme #urbanisme #Lautréamont #Fourier #Marx #poésie

  • Considérations sur les temps qui courent (IIIc)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Considerations-sur-les-temps-qui-courent-IIIc

    Dans la première partie de ces considérations, j’ai eu l’occasion d’aborder la question de la monnaie d’un point de vue général en partant de l’idée que tout bien ayant une valeur d’échange peut être utilisé comme monnaie à condition de présenter quelques caractéristiques qui permettent de quantifier sa valeur en l’augmentant ou en la diminuant jusqu’à obtenir une équivalence avec le bien échangé (j’y reviendrai). J’avais surtout noté une idée qui m’apparaissait pleine de promesses théoriques et qui m’apparaît toujours particulièrement intéressante : la monnaie est avant tout une tournure d’esprit. Recourir à une monnaie d’échange n’est pas insignifiant comme nous pourrions le penser, cela signifie que les protagonistes de l’échange ne cherchent pas à s’engager dans un jeu de prestige et à donner à leur échange une quelconque publicité. Il s’agit d’un échange qui se soustrait à une relation intersubjective, la personne s’évapore ; son lien avec les autres, le lignage, le clan ou le village n’existe plus ; le protagoniste ou les protagonistes de l’échange ne se posent plus comme sujets ; ce qui constituait leur humanité s’est dissous ; nous avons affaire à des individus engagés dans un échange privé (sous-entendu de dimension sociale et publique). En général, les peuples ont recours à cette forme d’échange dans un troc avec un partenaire qu’ils ne connaissent pas et avec lequel ils n’ont aucune relation sociale fixée par la coutume, ce partenaire leur est, dans le sens le plus stricte du terme, étranger. (...)

    #échange #monnaie #Malinowski #consommation #Marx #Kant #État #Vaneigem

    • Nous revenons à la grande tromperie que nous avons signalée et qui consiste à prétendre que la valeur est une notion objective. La valeur n’est pas une donnée objective immanente à l’objet créé, au produit, à la marchandise, comme Karl Marx [5] et les marchands voudraient nous faire croire. L’étalon d’or, le poids de l’or est une immense tromperie. Qui trompe qui ? C’est le marché de l’or qui donne l’heure de l’or, sa valeur relative, sa valeur estimée en fonction de l’échange de toutes les marchandises avec toutes les marchandises. La valeur d’une marchandise est estimée et elle varie, tant elle est susceptible, pour un oui et un non. Et tout se joue sur la connaissance et la prévision des aléas du marché. En dernière instance, c’est le marchand et les partenaires de l’échange qui décident de la valeur d’un produit en fonction de l’offre et de la demande, en fonction, donc, du marché et de la connaissance qu’ils en ont.

      À l’origine, c’est le peuple qui estime la valeur d’un bien en fonction de sa place et de son rôle dans les échanges au sein de la société. La valeur d’un objet est arbitraire, même si sa rareté et sa beauté contribuent à la renforcer, toutefois c’est bien la société, elle-même (la collectivité, le peuple) qui reconnaît et attribue sous forme d’un consensus qui n’est pas discuté une valeur d’échange à un objet ; je dirai que la valeur accordée à certains biens fait partie du patrimoine social d’un peuple au même titre que ses usages. Les pierres trouées ont une valeur pour le peuple de l’archipel de Yap, elles n’ont pas de valeur pour les autres peuples, les colliers de porcelaine pour les Algonquins, ou les plaques de cuivre pour les Kwakiutl, ou les colliers kula et les brassards pour les Trobriandais. Enfin la notion de valeur n’est pas attachée uniquement à la monnaie, elle est propre à un bien considéré comme précieux par un peuple et ce bien peut être utilisé comme moyen d’échange, c’est-à-dire comme monnaie, sous certaines conditions (que nous venons de voir et de préciser).

      @ktche est-ce que tu aurais un texte en tête (pas trop immense, pas un livre entier quoi), qui compare/commente/critique ces deux conception opposées de définir « la valeur » ? Entre la conception marxienne du temps de travail social, et la conception relative au marché et aux échangistes.

      #valeur #anthropologie #économie

    • merci ! :)
      bon là c’est plus général, ce texte si je comprends bien serait l’un des arguments (le principal ?) à opposer, qui est de dire qu’ils projettent dans les deux sens, sans voir les spécificités historiques des différentes sociétés/anthropologies. Mais je vois ça plus comme une cause à la racine de pourquoi ça aboutit à un mauvais raisonnement ensuite, mais pas à une argumentation de pourquoi c’est incorrect (tu vois la diff ?).

      Avec mon maigre bagage, j’ai du mal à répondre clairement à : « considérer que la valeur est une notion relative/négociée entre les gens qui échangent est incorrect parce que… ». Juste dire « parce que non c’est intrinsèque à l’objet, à son temps de travail, etc » c’est pas une argumentation, ça c’est l’affirmation de l’autre conception, qu’il faut argumenter aussi. Mais du coup il faut le pourquoi des deux, pourquoi la première serait fausse et pourquoi c’est l’autre qui correspond mieux à la réalité (à la réalité du mode de vie capitaliste évidemment, sans plus être anhistorique).

    • OK. En gros il faudrait un texte pour expliquer en quoi la maxime de Terence ("Rien de ce qui est humain ne m’est étranger") est fondamentalement fausse, ou tout au moins toujours relative.

      Dis encore autrement, il faudrait une argumentation pour poser rationnellement que chaque forme de synthèse sociale produit ses propres "catégories universelles" non transposables hors de ce contexte, car elles sont inscrites dans le mouvement de sa reproduction, tout en étant dépassables.

      Je n’ai pas en tête de texte qui réponde immédiatement à cette question (tout au moins, pas dans une forme "courte") mais cela m’évoque tout de suite ce passage de Postone dans TTDS :

      [...] la théorie marxienne de la constitution des structures sociales et de la dynamique historique de la société moderne par des formes historiquement déterminées de pratique pourra être lue comme une théorie raffinée du type de celle récemment proposée par Pierre Bourdieu – c’est-à-dire comme une théorie de la relation mutuellement constituante qu’entretiennent la structure sociale et les formes quotidiennes de pratique et de pensée.

      Postone fait ici référence à l’ouvrage de Pierre Bourdieu Esquisse d’une théorie de la pratique publié en 1972, et plus particulièrement à la section « Les trois modes de connaissance théorique » (pp. 162-174) et aux deux derniers paragraphes de la section « Structures, habitus et pratiques » (Ibid., pp. 187-189)

      Il faudrait que je remette la main sur le bouquin de Bourdieu pour savoir s’il y a là une bonne piste...

    • Alors oui, c’est aussi intéressant (vraiment), mais j’ai encore une fois l’impression que tu pars immédiatement « haut dans les tours », en terme d’abstraction ou de « cause » en amont.

      Plus prosaïquement, je me pose la question de l’argumentation de la définition de « comment la valeur est attribuée », entre ces deux conceptions vraiment opposées : inhérente à l’objet là-maintenant dans le capitalisme, ou relative/négociée entre les participants.

      Et sachant que là par exemple Georges Lapierre qui penche pour la seconde et critique Marx, est anthropologue, lecteur de Clastres, etc, et donc on ne peut pas dire qu’il n’ait pas un peu en tête que toutes les sociétés ont pas les mêmes conceptions quoi… Mais à chaque fois je vois des textes évoquant la valeur en affirmant « c’est comme ça qu’elle vient », mais sans trouver vraiment, ni dans un sens ni dans l’autre, l’argumentation qui montrerait que c’est l’une ou l’autre (ou l’argumentation de la critique de l’autre, et pas juste l’affirmation qu’elle est fausse). Ça vaut pour l’autre point de vue aussi hein, là par ex Lapierre à chaque fois qu’il critique Marx ou le fait que la valeur serait inhérente, dans différents textes il en fait allusion, il n’explique pas non plus pourquoi.

      Désolé de mes bêtes questions, mais ça fait partie du jeu, il faut de la critique théorique, abstraite (j’en suis persuadé), et il faut de l’éducation populaire. Et par l’échange, par des questions de gens qui ne comprennent pas, c’est toujours bien comme méthode. :p
      (D’ailleurs sur ce point précis, je suis un peu deg de pas pouvoir être dispo la semaine du camp d’été…)

    • Plus prosaïquement, je me pose la question de l’argumentation de la définition de « comment la valeur est attribuée », entre ces deux conceptions vraiment opposées : inhérente à l’objet là-maintenant dans le capitalisme, ou relative/négociée entre les participants.

      En fait, les deux conceptions ne sont pas opposées. Elles se situent juste dans des plans différents. La « valeur » qui se négocie entre deux (ou plus) participants n’est pas la « valeur » comme noyau de la forme de synthèse sociale sous le capitalisme. La première est saisie dans une approche que l’on qualifie d’individualisme méthodologique : on prend un cas isolé dont on fait la matrice d’une totalité par la mise en série. On en tire des « lois » économiques que certains critiquent parce que fondées sur un arbitraire ou des visions détestables de ce qu’est un sujet humain. La seconde pose l’existence de la valeur comme un a priori des sujets de la société de production marchande. Une forme totale non pas par juxtaposition des comportements individuels mais comme contrainte objective reproduite par (et attachée à) l’activité des producteurs de marchandises eux-mêmes et à leurs produits. Cette contrainte est la part déterminante pour expliquer l’engagement des producteurs et la dynamique globale qui leur fait face, elle ne vient pas post festum parasiter leurs activités par ailleurs indéterminées.

      A ce titre, selon l’analyse des catégories du capital (valeur, marchandise, travail...) par la wertkritik, il n’y a pas de « valeur » attribuée (objectivement ou subjectivement) à une marchandise individuelle ou à une activité isolée, mais uniquement une masse de valeur globale que la société marchande arrive de moins en moins à reproduire du fait même de la dynamique contradictoire qui anime cette reproduction.

    • Ayant avancé un peu dans Les aventures de la marchandise, il y a clairement une distinction entre valeur-tout-court et valeur d’échange (qui au début étaient la même chose pour Marx alors qu’après il les distingue).

      Mais bon faudrait vraiment faire un lexique accessible des définitions propres à Marx/critique de la valeur. Peu importe qui est d’accord avec quoi, avoir un lexique simplifié qui dit « pour Marx/critique de la valeur, la valeur-tout-court c’est ça, tandis que la valeur d’échange c’est ça », ça permet de s’y référer quand on le compare à d’autres conceptions « concurrentes » (et qu’on vienne pas me dire que c’est pas possible, qu’il y a des livres entiers juste sur ces définitions, je suis certain que c’est possible : ya des livres entiers pour argumenter, mais là je parle pas d’argumentation, je parle de donner le résultat final, la seule définition, après on dit à la fin de lire tel ou tel livre pour comprendre d’où ça sort).

  • Décrétons l’autodéfense sanitaire

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Decretons-l-autodefense-sanitaire

    La menace que le coronavirus a fait planer sur la santé des populations du monde entier a démontré que le véritable danger venait d’une dégradation des services médicaux. Cette dégradation, il n’est pas douteux que les impératifs de profit, partout prédominants, ne cesseront de l’accélérer.

    Gérer les hôpitaux comme des entreprises à rentabiliser implique de sous-payer et de surexploiter le personnel, de diminuer le nombre de lits et de moyens techniques. Les grandes firmes pharmaceutiques paralysent la vraie recherche, jettent le discrédit sur les scientifiques qu’elles stipendient, interdisent des médicaments à bas prix qui ont fait leurs preuves pour vendre des vaccins douteux dont la seule efficacité garantie est l’intérêt financier qu’ils produiront.

    Il va de soi que les États n’hésiteront pas à réitérer le coup des libertés restreintes, qui leur a si bien réussi. Tout en laissant se répandre les virus issus de la fonte du permafrost, ils se serviront sans scrupule du même prétexte épidémique pour confiner préventivement celles et ceux qui s’insurgent contre leur politique criminelle. Il faut dès maintenant déjouer cette manœuvre. (...)

    #Vaneigem #autodéfense #coronavirus #peuples #capitalisme #résistance #solidarité

  • Salut à Marcel Moreau

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Salut-a-Marcel-Moreau

    Marcel Moreau, né dans le Borinage. Fut longtemps correcteur dans la presse parisienne. Chaque jour levé à cinq heures du matin, réveillé par l’écriture, le soir couché par elle (...)

    La vie te salue, Marcel,

    Tu n’as jamais cessé de la célébrer et elle te tient quitte de ces oraisons funèbres que la frénésie du profit multiplie avec une hâte redoutable. À la tristesse de ton départ forcé se mêle une rage. Elle aussi se propage et il me tarde qu’elle réduise au silence et balaie de notre vue la tourbe des assassins dont la sottise et la bouffonnerie ne masquent plus l’ignominie. Que l’on te fasse entrer dans le bilan comptable et complaisant des mortalités participe de ce mépris de l’humain auquel les peuples du monde ont résolu de mettre fin. Car tu n’es pas la victime d’un virus, tu es tombé sous les coups de ce terrorisme d’État qui verse des dividendes aux gestionnaires du profit et envoie à la casse les hôpitaux, les écoles, les services publics. Rien ne serait plus ridiculement odieux qu’une justice populiste et vengeresse qui songerait à décapiter des pantins dont les têtes sont interchangeables. En revanche, c’est au nom des libertés de la vie pleine et entière qu’il faut anéantir ces impostures que sont la liberté du commerce, la liberté d’exploiter, d’opprimer, de tuer.
    Dors en paix, Marcel, on y arrivera.
    En toute amitié,
    Raoul

    #Marcel_Moreau #salut #Vaneigem #liberté #écriture

  • Coronavirus

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Coronavirus

    Contester le danger du coronavirus relève à coup sûr de l’absurdité. En revanche, n’est-il pas tout aussi absurde qu’une perturbation du cours habituel des maladies fasse l’objet d’une pareille exploitation émotionnelle et rameute cette incompétence arrogante qui bouta jadis hors de France le nuage de Tchernobyl ? Certes, nous savons avec quelle facilité le spectre de l’apocalypse sort de sa boîte pour s’emparer du premier cataclysme venu, rafistoler l’imagerie du déluge universel et enfoncer le soc de la culpabilité dans le sol stérile de Sodome et Gomorrhe.

    La malédiction divine secondait utilement le pouvoir. Du moins jusqu’au tremblement de terre de Lisbonne en 1755, lorsque le marquis de Pombal, ami de Voltaire, tire parti du séisme pour massacrer les jésuites, reconstruire la ville selon ses conceptions et liquider allègrement ses rivaux politiques à coups de procès « proto-staliniens ». On ne fera pas l’injure à Pombal, si odieux qu’il soit, de comparer son coup d’éclat dictatorial aux misérables mesures que le totalitarisme démocratique applique mondialement à l’épidémie de coronavirus.

    Quel cynisme que d’imputer à la propagation du fléau la déplorable insuffisance des moyens médicaux mis en œuvre ! Cela fait des décennies que le bien public est mis à mal (...)

    #coronavirus #apocalypse #Vaneigem #Tchernobyl #totalitarisme #bien_public #catastrophisme #capitalisme #vache_folle #dénaturation #peste_émotionnelle #Espagne #réflexion

  • Pour la Commune

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Pour-la-Commune

    Une insurrection populaire gagne le monde. Elle se propage à un nombre croissant de pays. En dépit des différences de conditions, de motivations, de cultures, de mentalités, tous présentent un point commun : le peuple ne veut plus d’un gouvernement qui prétend lui imposer sa présence et son autorité. C’est la lutte de ceux du bas contre ceux du haut.

    Nous sommes dans l’équilibre instable du statu quo. Le pouvoir oppressif campe sur ses positions, il refuse de céder d’un pouce. Il craint un basculement de la situation. Ce basculement est à la portée du soulèvement populaire qui nargue l’État et, avec la fermeté d’une juste colère, affirme sa détermination de poursuivre sans relâche son combat.

    Au premier abord, le statu quo joue en faveur de l’État et de ses commanditaires. L’intransigeance des gouvernants vise à vulgariser dans l’opinion l’image d’une forteresse inamovible que rien ne réussira à ébranler. Leur propagande agite le spectre du désespoir qui hante toujours la mémoire des révoltes perdues. Ils misent sur la fatigue, ils comptent sur l’amer « à quoi bon » pour renvoyer les insurgés à la niche. Nos ennemis se trompent deux fois ! (...)

    #Vaneigem #Commune #État #existence #conditions #audace #référendum #mesure #vie #générosité #femme #territoire #unité #désobéissance

  • Unité et différences dans les insurrections de France et du Chili

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Unite-et-differences-dans-les-insurrections-de-France-et-du-Chili

    Lettre de Raoul Vaneigem aux insurgées et aux insurgés du Chili, pour faire suite à une demande de précision sur la notion de « bien public » (31 janvier 2020), suivie de « Réponse et nouvelles du Chili ».

    La France a occupé et continue d’occuper dans l’imaginaire des révolutions une place particulière. Elle est le pays où pour la première fois dans l’histoire une révolution a brisé l’immobilisme et l’obscurantisme qu’imposait la prépondérance d’une économie essentiellement fondée sur l’agriculture. Sa victoire n’a pas signifié le triomphe de la liberté, elle a seulement marqué la victoire d’une économie de libre-échange qui, très vite, a étouffé les aspirations à une vraie liberté.

    La vraie liberté, c’est la liberté vécue. Les philosophes des Lumières en avaient pris conscience. Les Diderot, d’Holbach, Rousseau, Voltaire en avaient gravé l’évidence dans la mémoire universelle, et avant eux les principaux penseurs de la Renaissance, Montaigne, La Boétie, Rabelais, Castellion (à qui l’on doit le propos « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme »).

    Bien que présente dans nombre de pays d’Europe, la lutte pour la liberté revêt en France une singulière acuité. Dès les XIe et XIIe siècles les insurrections communalistes se multiplient et s’intensifient. Elles ont pour but de libérer les villes de l’autorité tyrannique de la classe aristocratique, dont les revenus viennent principalement des paysans, des serfs qui travaillent leurs terres. (...)

    #Vaneigem #insurrections #unité #différences #bien_public #France #Chili #Gilets_jaunes #communalisme #révolution #Mai68 #émancipation #totalitarisme #Résistance #acquis #autogestion #radicalité #liberté

  • Tout commence ici et maintenant

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Tout-commence-ici-et-maintenant

    À celles et ceux de Commercy,

    Jusqu’à présent le capitalisme n’a vacillé qu’en raison de ses crises de développement interne, de ses flux de croissance et de décroissance. Il a progressé de faillite en faillite. Jamais nous n’avons réussi à le faire tomber, si ce n’est en de très brèves occasions où le peuple a pris en main sa propre destinée.

    Ce n’est pas jouer les prophètes que de l’affirmer : nous sommes entrés dans une ère où la conjoncture historique est favorable à l’essor du devenir humain, à la renaissance d’une vie ivre de liberté.

    C’en est assez des murs de lamentations ! Trop d’hymnes funèbres minent en sourdine le discours anticapitaliste et lui donnent un arrière-fond de défaite.

    Je ne nie pas l’intérêt d’observatoires du désastre. Le répertoire des luttes s’inscrit dans la volonté de briser la mondialisation financière et d’instaurer une internationale du genre humain. Je souhaite seulement que viennent s’y ajouter les avancées expérimentales, les projets de vie, les apports scientifiques dont la poésie individuelle et collective jalonne trop discrètement ses territoires. (...)

    #Vaneigem #Commercy #Commune #capitalisme #devenir_humain #internationale #poésie #subjectivité #insurrection #terre #finance #État #autodéfense #auto-organisation #zapatistes #EZLN #Rojava #autoconstruction #permaculture #école #Gilets_jaunes

  • La renaissance de l’humain est la seule croissance qui nous agrée

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/La-renaissance-de-l-humain-est-la-seule-croissance-qui-nous-agree

    Les coups de boutoir que la liberté porte à l’hydre capitaliste, qui l’étouffe, font fluctuer sans cesse l’épicentre des perturbations sismiques. Les territoires mondialement ponctionnés par le système du profit sont en butte à un déferlement des mouvements insurrectionnels. La conscience est mise en demeure de courir sus à des vagues successives d’événements, de réagir à des bouleversements constants, paradoxalement prévisibles et inopinés.

    Deux réalités se combattent et se heurtent violemment. L’une est la réalité du mensonge. Bénéficiant du progrès des technologies, elle s’emploie à manipuler l’opinion publique en faveur des pouvoirs constitués. L’autre est la réalité de ce qui est vécu quotidiennement par les populations.

    D’un côté, des mots vides travaillent au jargon des affaires, ils démontrent l’importance des chiffres, des sondages, des statistiques ; ils manigancent de faux débats dont la prolifération masque les vrais problèmes : les revendications existentielles et sociales. Leurs fenêtres médiatiques déversent chaque jour la banalité de magouilles et de conflits d’intérêts qui ne nous touchent que par leurs retombées négatives. (...)

    #conscience #réalités #mensonge #dévastation #violence #La_Boétie #vie_quotidienne #souveraineté #capitalisme #explosion #Mirbeau #autonomie #auto-organisation #autodéfense #offensive #insurrections #écologistes #utopie #Gilets_jaunes #Chili #zapatistes #Rojava #Catalogne #Iran

    • Pour information, dans le mail qui accompagnait ce texte.

      A toutes et à tous,

      Je prépare l’édition d’un petit livre intitulé Textes et entretiens sur l’insurrection de la vie quotidienne, qui doit paraître aux éditions Grevis, en avril 2020. J’ai ajouté à ces interventions, qui vont de novembre 2018 à août 2019, des remarques susceptibles de contribuer aux débats et aux luttes en cours en France et dans le monde.

      La date tardive de parution du livre m’a suggéré de diffuser dès maintenant sur les réseaux sociaux ces propos sur la renaissance de l’humain. Leur lecture peut être utile avant la comédie étatique des élections municipales françaises, et en raison des flux et des reflux insurrectionnels où la moindre initiative d’individus et de collectivités, animés par la redécouverte de la vie et du sens humain, revêt une importance croissante.

      Libre à vous d’en faire (ou non) l’usage qui vous plaira.
      #raoul_vaneigem #vaneigem

  • Intégralité de l’entretien accordé par Raoul Vaneigem
    au journal Le Monde (paru le 31 août 2019)

    https://lavoiedujaguar.net/Integralite-de-l-entretien-accorde-par-Raoul-Vaneigem-au-journal-Le-

    Le quotidien Le Monde a amputé d’une part significative l’entretien par écrit avec Raoul Vaneigem paru dans l’édition du 31 août 2019. Nous en publions la version intégrale.

    Est-il possible de sortir de la spirale des violences ?

    Il faut poser la question au gouvernement et lui rappeler le propos de Blanqui : « Oui messieurs, c’est la guerre entre les riches et les pauvres, les riches l’ont voulu ainsi, ils sont en effet les agresseurs. Seulement, ils considèrent comme action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu’il se défend s’il est attaqué. » Le projet de Blanqui, qui prône la lutte armée contre les exploiteurs, mérite d’être examiné à la lumière de l’évolution conjointe du capitalisme et du mouvement ouvrier, qui luttait pour l’anéantir.

    La conscience prolétarienne aspirant à fonder une société sans classe a été une forme transitoire dont l’histoire a revêtu la conscience humaine à une époque où le secteur de la production n’avait pas encore cédé la place à la colonisation consumériste. C’est cette conscience humaine qui resurgit aujourd’hui dans l’insurrection dont les gilets jaunes ne sont qu’un signe avant-coureur. Nous assistons à l’émergence d’un pacifisme insurrectionnel qui, avec pour seule arme une irrépressible volonté de vivre, s’oppose à la violence destructrice du gouvernement. (...)

    #Vaneigem #entretien #censure #violence #gilets_jaunes #zapatistes #insurrection #civilisation

  • Appel à la vie contre la tyrannie étatique et marchande

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/Appel-a-la-vie-contre-la-tyrannie-etatique-et-marchande

    Raoul Vaneigem
    Appel à la vie contre la tyrannie étatique et marchande
    Le cri des rebelles est le cri de la vie qui renaît

    Raoul Vaneigem jette ici « de quoi grappiller quelques hypothèses et suggestions » avec le seul souci « qu’elles marquent une rupture absolue avec les préjugés et les dogmes du passé ». Il s’adresse aux révoltés qui « se sentent démunis devant l’effondrement du vieux monde et la trop lente émergence du nouveau » et « mise sur la radicalisation spontanée des individus et des collectivités ». Il prône l’autogestion généralisée.

    Notre « civilisation pyramidale », « vieille et pourrie dès le départ », s’effrite et s’effondre. « Autorité, patriarcat, patrie, famille, travail, idéologies, religions, sacralité ne suscitent plus que des ricanements, jusque dans la bouche de ceux qui veulent y croire malgré tout. » « La civilisation marchande crève et fait crever sans apprêt. Sa purulence est à vif. Elle prête à son agonie la rentabilité d’une faillite frauduleuse, elle ne s’en cache pas. » (...)

    #Vaneigem #travail #autogestion #Mai68 #gilets_jaunes

  • Le combat des zapatistes est le combat universel de la vie
    contre la désertification de la terre

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Le-combat-des-zapatistes-est-le-combat-universel-de-la-vie-contre-la

    Alors que les intérêts financiers et le totalitarisme de l’argent tuent tout ce qui vit en le transformant en marchandise, le vent d’une révolte se lève et se propage, issue moins du souffle des idées que de l’existence intolérable imposées aux hommes et aux femmes du monde entier.

    Cela fait cinquante ans que ce qu’il y avait de plus radical dans le Mouvement des occupations de mai 1968 a manifesté son refus de cette imposture qu’était le welfare state, l’état de bien-être consumériste. Il y a vingt-cinq ans qu’a retenti le « ¡Ya basta ! » par lequel les zapatistes manifestaient leur volonté de décider librement de leur sort en formant des collectivités capables de mettre fin à l’oppression qui depuis des siècles bafouaient leurs droits et leur dignité d’hommes et de femmes. Si cette expérience d’une vraie démocratie a très vite suscité des échos bien au-delà d’un petit territoire, dont le mensonge médiatique aurait aimé souligner le caractère strictement local, c’est que le volcanisme de cette éruption sociale faisait resurgir dans l’émoi la ligne de rupture sismique tracée par la liberté tout au long de l’histoire. (...)

    #Vaneigem #Mexique #zapatistes #Mai68 #Notre-Dame-des-Landes #gilets_jaunes #Internationale

  • Ce film, diffusé en coopération avec le CHS du XXe siècle, retrace l’histoire, la mémoire et la légende d’un mouvement subversif… qui a fini par être patrimonialisé par la société qu’il voulait renverser :

    https://sms.hypotheses.org/13472

    #film, #documentaire, #histoire, #situationnisme, #internationale_situationniste, #IS, #debord, #Vaneigem, #révolution, #révolutionnaire, #patrimoine, #patrimonial, #mai_1968, #étudiant, #subversif, #subversion

  • Tout est possible, même les assemblées d’autogestion
    au milieu des carrefours, dans les villages, dans les quartiers

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Tout-est-possible-meme-les-assemblees-d-autogestion-au-milieu-des-ca

    (...) le propos de mon livre est principalement de secouer la résignation, l’indifférence et l’apathie qui jusqu’à ce jour ont toléré que la désertification de la terre et de la vie soit froidement programmée et imposée, avec un cynisme croissant, aux dépens des populations du Globe. Qu’une grande explosion de colère éclate soudain, inopinément, avec les mobiles dont l’apparence seule est futile, me procure donc une grande satisfaction. Ils se sont levés pour préserver leur place, dites-vous ? Quelle place ? Ils n’ont pas de place dans ce beau monde affairiste qui les exploite comme consommateurs télécommandés, comme producteurs de biens qu’ils doivent payer, comme fournisseurs, bureaucratiquement contrôlés, de taxes et d’impôts qui vont renflouer les malversations bancaires. Certes, le grand cri du « ¡ya basta ! », du « il y en a marre ! », peut retomber, tourner court. La servitude volontaire a maintes fois connu des révoltes sans lendemain. Mais même si la colère des gilets jaunes stagne et reflue, une grande vague véritablement populaire — et non pas populiste — s’est élevée et a prouvé que rien ne résiste aux élans de la vie. (...)

    #Vaneigem #entretien #gilets_jaunes #conscience_humaine #autogestion #démocratie_totalitaire #Notre-Dame-des-Landes

    • Il n’y a ni bon ni mauvais usage de la #liberté_d'expression, il n’en existe qu’un usage insuffisant. » L’affirmation de Raoul Vaneigem donne le ton de cet essai qu’il consacre à la liberté la plus fondamentale de l’être humain. Un texte sans concession pour défendre une liberté qui ne doit, d’après lui, rencontrer aucune limitation, qu’elle soit politique, morale ou juridique.
      Contre les vérités-sanctuaires et les secrets d’État, contre les lois sur la calomnie, le racisme et la pornographie, l’auteur considère qu’on ne combattra et vaincra la bêtise et l’ignominie qu’en travaillant à faire disparaître les conditions qui les rendent possibles. Il affirme haut et fort : « Autorisez toutes les opinions, nous saurons reconnaître les nôtres, nous les combattrons, nous apprendrons à annuler la force attractive des nuisances. [...] Nous les combattrons par la seule critique qui les puisse éradiquer : en pensant par nous-mêmes... ». L’enjeu de l’usage illimité et entier de la liberté d’expression est, pour Raoul Vaneigem, que l’homme parvienne enfin à sortir de son état de minorité et de dépendance, à se restaurer dans sa pleine humanité.
      Ce texte provocateur, d’une grande qualité littéraire, met en pièces les idées reçues qui courent dans le débat public. Il ébranle les certitudes raisonnables des bien-pensants et bouscule les bonnes intentions des juges et des apprentis censeurs qui toujours veulent imposer des limites à une activité qui ne peut en tolérer aucune.

    • Le préfacier a été ajouté tardivement, je dispose heureusement de l’ancienne version sans cette racaille de Béziers.
      Précisons qu’en 2008, jusqu’a fin Septembre il était encore directeur de reporter sans frontières... (mais je me rapelle que j’avais déja pas apprécié ses accointance avec le réseau voltaire).
      La page wikipédia précise :

      Il abandonne ses idées de gauche et devient réactionnaire au cours de sa direction de RSF — sans que cela apparaisse évident auprès des observateurs, ou auprès de ses collaborateurs —47,128, puis se rapproche de l’extrême-droite française au tournant des années 2010129, bien qu’il assure penser « pis que pendre » de certains de ses représentants. Dans le même temps, il se coupe de quasiment tous les intellectuels et journalistes de gauche qu’il côtoyait avec son épouse57. Cette évolution suscite l’incompréhension de ses anciens amis de l’époque RSF. Robert Ménard perçoit quant à lui son parcours politique comme l’histoire d’une « maturation » : « Peut-être est-ce ça, devenir adulte ? Je dis ouvertement des choses que je pensais sans oser les dire ou me les avouer »32. Il est par ailleurs un « europhile proclamé »8.

    • « Je dis ouvertement des choses que je pensais sans oser les dire ou me les avouer ».
      Comme l’a dit Audiard, c’est à cela qu’on les reconnaît. Si quelqu’un en a l’usage, avis aux intéressés : comme il l’avoue lui-même, la conscience de Robert Ménard ne lui sert plus de rien...

      Ménard va vernir sa provocation de liberté là où il peut. On appelle cela de la récupération. Et Vaneigem ne l’avait pas attendu pour mal vieillir !
      Laissez donc les situs hors de cela, il y a 42 ans que l’IS n’existe plus.

      « bien pensant » est un pauvre anathème.
      La question de la liberté d’expression abordée de façon absolue, idéaliste, hors de toute considération des conditions et de la compagnie dans lesquelles on se trouve, hors de toute pensée historique, ce n’est pas la première fois qu’un libertaire renommé se prend les pieds dedans... déjà, en son temps, Noam Chomsky avait fait montre d’inconséquence en accordant un texte à Faurisson au nom d’une « défense de la liberté d’expression » qui se prétendait un peu vite au-dessus du moment et de la manière dont elle était manifestée.

    • Le talent ne suffit pas pour tout justifier... Et ok pas de liberté sans totale liberté d ’expression ... C est simplisime : ces complicités des avant garde éclairées m’interroge sur leurs « lucidités ». Désolé il y a des lignes à ne pas franchir. Et les soutiens à Zemmour de la part de Mélenchon, Cohn Bendit, Onfray (et j en passe) heurtent le peu d’éthique qui m anime... On peut comprendre et ne pas être d accord.
      #CohnBendit #Zemmour #Ménard #Mélenchon #Onfray

  • N’oubliez pas qu’il existe d’autres possibilités ! (Épisode 1)

    par Christine Treguier

    http://www.politis.fr/N-oubliez-pas-qu-il-existe-d,27699.html

    Comme chaque année, des chroniques à suivre (3), avec quelques ouvrages, livres, revues, et DVD, entre critique, révolte et œuvres d’artistes, pour ne pas bronzer idiotEs et ne pas oublier que, souvent, les autres possibilités sont à portée de main, plus près qu’on ne le pense… Tout d’abord, plusieurs revues-livres-objets singuliers, nouveaux ou moins nouveaux, énergétiques et inspirants.

    La bande (franco-belge) à Zélium, revue-journal satirique irrégulomadaire n’a pas la plume et le crayon dans sa poche. Son n °16 (format journal papier) est intitulé « Wallonie, terre d’asile » : 24 pages de BD, caricatures méchantes, chroniques et articles monolingues mais binationaux. La moitié du journal est gérée par une rédaction multi-têtes française. On y trouve de jeunes talents et de moins jeunes dessinateurs et plumitifs pas nés de la dernière pluie, comme Noël Godin, Jérôme Thorel, Yves Frémion, Jérôme Bonnet, pour ne citer qu’eux. L’autre moitié (à lire à l’envers) est concoctée par une rédaction wallonne. Vous aurez la bonne surprise d’y déguster les écrits d’un autre vieux routard, Raoul Vaneigem en personne, et de quelques autres. Le n° 15 (format revue) a pris pour cible l’écologie : croquis saignants et vertes critiques du greenwashing et autres pratiques qui ont l’air, le goût et l’odeur du vert, mais ne sont pas ce qu’elles prétendent être. « 100 % biodégradant », annonce la rédaction ! Zélium se trouve dans les bonnes librairies et les points de vente amicaux. Et, via son site internet, vous pouvez vous abonner bien sûr, mais aussi devenir relais, voire diffuseur… pour la bonne cause. L’équipe des éditions Jack is on the road a également commis un petit livre, Dieu est amûûûr, de Decressac : « 56 dessins bénis » qui cognent dur, dans la grande tradition de Siné, Cavanna ou Reiser. Mixant sexe, politique et religion, Decressac revisite la Bible, cogne sur le clergé et l’actualité, qui est ou qui vient, avec un « humûûûr » noir et des encres caustiques à souhait.

    Autres revues, autres genres, Tête-à-tête et Orbs, l’autre planète. Toutes deux se veulent thématiques, tricotant arts, sciences, esthétique, informations et pensées hautement protéinées et nourrissantes pour l’esprit. Les deux sont profondément actuelles, se situant volontairement hors du galop frénétique de « l’actu », et en cela nécessaire et de salubrité publique.La première, annuelle, éditée par Le Bord de l’eau et pilotée de main de maîtresse par Anna Guilló, artiste catalane polyvalente, propose une collection d’entretiens réalisés par divers auteurs avec des artistes. D’où son titre : Tête-à-tête. Le n° 5 a exploré le thème de « Human Inside », le n° 6 s’est focalisé sur « Partir ». « Partir c’est faire la démonstration d’une capacité d’agir », écrit Anne Guilló, dans son édito intitulé « Ce qui reste ». Celui-ci s’achève sur une évocation du « partir » ultime que d’aucuns croient définitif, de ces départs douloureux que nous éprouvons et éprouverons tous un jour ou l’autre. Un « partir » qui peut se révéler être non une fin, mais le début d’une autre possibilité, d’« une épique destinée [qui] ne s’arrête pas au dernier souffle ». Elle s’écoute et s’entend, ajoute-t-elle, « à travers la polyphonie des voix [qui racontent] ce qu’il reste de ces voyages, souvenirs que l’on fait revenir dans les œuvres – échos d’un lointain requiem que l’on compose pour lui ». Au menu de ce n° 6, Bureau d’étude, Mathias Énard, Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, Laura Restrepo, Richard Pottier, Frank Koolen et quelques autres à découvrir…

    Orbs, résurgence rêvée par plus d’un(e) d’entre nous de la mythique revue Planète, de Louis Pauwels, entend (re)connecter arts, sciences, humanité et consciences. C’est dire si pour ce Planète 2.0, « irruptant » dans un XXIe siècle à dominante high-tech-scientiste-transhumaniste, il y a du pain sur la planche. En trois numéros, son instigateur, Maxence Layet (et ses tribus) semble être en passe de gagner son pari. Comme son ancêtre, cette revue-livre est tout d’abord un magnifique objet : fabriqué selon des règles éthiques (imprimé en France, avec des encres si possible moins polluantes, etc.), elle tisse dessins, graphismes variés, images et textes, mis en valeur par une maquette créative et riche de sens. Côté contenu, la revue fait elle aussi le choix d’une thématique autour de laquelle se raccordent et s’entrecroisent des sujets divers. Le n° 2 (3e du genre) tisse autour de la notion de « transformation » et jette des passerelles (en anglais « bootstrap » intraduisible) entre le « Discours de la huppe aux oiseaux » (Cantique des oiseaux, de Farid ad-din Attar-1177), l’Exoplanète Darwin IV (Wayned Barlowe), les Mandalas du ciel (Howard Crowhurst), Passeurs de rêve, histoires de l’art aborigène (Pierre Grundmann) ou de la thèse de la thermodynamique de l’économie de François Roddier. À commander en ligne et à déguster sans modération. Ajoutons que les souscriptions sont permises, Orbs étant une revue indépendante, sans publicité cela va sans dire, et autofinancée !

    Dans la catégorie dessinateurs-créateurs d’images sans fond, vous tomberez peut-être sous le charme déstabilisant de Erreur dans le titre, signé par Erro et sa tribu chez Gallimard, « Collection Alternatives ». Un ouvrage détonnant plastiquement, textuellement et bourré de talents. Graffeur de la première heure, ex-membre du collectif SRE, Sans rancune Émile (Émile étant le préposé au nettoyage des graffitis), adepte du verdana barré et du Wysiwyg (What You See Is What You Get, traduction « Erroesque » : négation de l’image), l’artiste se présente comme un joueur/détourneur de codes (graphique, informatique, publicitaire, etc.) et amateur d’exercices de style. Erro crée aussi collectif. Pour réaliser ce bel objet-livre – qui s’ouvre sur une citation d’Edmond Jabès : « Ce n’est pas la plume qui barre le mot » – il a invité 25 artistes, qui ont travaillé sur 26 thèmes et réalisé avec lui cet abécédaire d’un autre type. Chaque lettre est une clé pour déjouer « un obstacle, une cloison qui empêche » : de A comme abandon, à Z comme zoom, en passant par L comme line (ligne) ou U comme usage.Le petit dernier, Black Fez Manifesto, est signé Hakim Bey, alias Peter Lamborn Wilson, déjà auteur du mythique TAZ, Temporary Autonomous Zone, aux éditions de l’Éclat. Ce manifeste poétique est lui aussi un objet textuel étrange et non identifié. Il commence ainsi : « Nous prêtons allégeance au Califat Ottoman & à sa longue retraite dans le Mundus Imaginalis pas tout à fait encore mort mais en décomposition. Puisque notre ancienne anarchie s’accorde si bien pour une fois comme Punch & Judy avec un sultanat superbe & corrompu… » Édité en 2008 chez Autonomedia, il vient d’être traduit par les Éditions èRe. L’acheter aura un autre effet : soutenir èRe, petit éditeur farouchement indépendant, prenant le risque de textes complexes, qui, comme tant d’autres, est menacé de disparition.

    Où les trouver ?

    Zélium :http://www.zelium.info, http://www.editionsalternatives.com/site.php?type=P&id=1189&marecherche=erro

    Tête-à-tête :http://www.revue-tete-a-tete.org

    Orbs :http://www.orbs.fr/Black Fez Manifestohttp://www.editions-ere.net

    TAZ :http://www.lyber-eclat.net/collections/secours.html#bey1

    et

    http://www.virtualistes.org

    @seenthis chronique librement diffusable sous réserve de mention de la source

    #Zélium #Decressac #ORBS_l'autre-Planète #Tête_àTête #Erro #Hakim_bey #Black_Fez_Manifesto #TAZ #Vaneigem #Jérome_thorel #Frémion #Noel_Godin #etc_etc_etc

  • In Conversation with Raoul Vaneigem | e-flux
    http://www.e-flux.com/journal/in-conversation-with-raoul-vaneigem

    Hans Ulrich Obrist : I just visited Edouard Glissant and Patrick Chamoiseau, who have written an appeal to Barack Obama. What would your appeal and/or advice be to Obama?

    Raoul Vaneigem: I refuse to cultivate any relationship whatsoever with people of power. I agree with the Zapatistas from Chiapas who want nothing to do with either the state or its masters, the multinational mafias. I call for civil disobedience so that local communities can form, coordinate, and begin self-producing natural power, a more natural form of farming, and public services that are finally liberated from the scams of government by the Left or the Right. On the other hand, I welcome the appeal by Chamoiseau, Glissant, and their friends for the creation of an existence in which the poetry of a life rediscovered will put an end to the deadly stranglehold of the commodity.

    HUO: Could we talk about your beginnings? How did your participation in situationism begin, and what was your fundamental contribution? At the outset of your relationship with the SI, there was the figure of Henri Lefebvre. What did he mean to you at the time? Why did you decide to send him poetic essays?

    RV: I would first like to clarify that situationism is an ideology that the situationists were unanimous in rejecting. The term “situationist” was ever only a token of identification. Its particularity kept us from being mistaken for the throngs of ideologues. I have nothing in common with the spectacular recuperation of a project that, in my case, has remained revolutionary throughout. My participation in a group that has now disappeared was an important moment in my personal evolution, an evolution I have personally pressed on with in the spirit of the situationist project at its most revolutionary. My own radicality absolves me from any label.

    #situationnistes #Vaneigem #anarchisme #spectacle

  • Le parti #situationniste - Lieux Communs
    http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article655

    Deux ouvrages viennent de paraître qui, partant d’une critique globale du vieux monde, découvrent dans les nouvelles formes de contestation de l’ordre établi le signe d’une révolution sans précédent. Ils se présentent, l’un et l’autre, précédés de leur commune réputation. De l’invention d’une internationale situationniste, de la séduisante outrecuidance de quelques pamphlets, de l’agitation qu’ont faite en leur nom des étudiants strasbourgeois — assez bruyants pour inquiéter un moment l’autorité du syndicat et celle de l’université — ils ont tiré un prestige qui désigne leurs livres à l’attention particulière d’un petit nombre. Ces livres, après le temps des déclarations, des déclamations et des dénonciations inaugureraient-ils celui de la réflexion ? Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations [1], La Société du spectacle [2], leurs titres font attendre un mode d’expression auquel #Debord et #Vaneigem ne s’étaient pas encore décidés. Se pourrait-il donc que prenne forme un discours subversif d’un nouveau genre ? Il n’est pas jusqu’à la coïncidence de leurs publications qui ne nous mette en alerte. Un discours qui, dans le même moment, naît de deux sources différentes, semble échapper à l’arbitraire, il multiplie son effet.

    Texte de #Claude_Lefort paru le 15 décembre 1968 dans la Quinzaine Littéraire. Repris dans Le Temps Present, Ecrits 1945-2005, Belin, Paris, 2007, p.211-215.