►http://desordre.net/spectacles/l_etreinte
Il était temps, sans doute, que je me prenne par la main pour fabriquer une page du Désordre qui rende compte de la lecture de L’Etreinte par Adrien Genoudet et moi-même.
L’Etreinte c’est ce texte magnifique d’Adrien ( ▻https://inculte.fr/produit/letreinte ) dont je ne saurais trop vous recommander la splendide lecture, ça pourrait changer pas mal de choses pour vous, dans un premier temps dans la façon dont vous pensez les attentats du 13 novembre et par extension le reste du monde et de l’existence.
Lorsque j’ai découvert ce texte assez inouï, j’ai écrit une longue lettre à Adrien que je ne connaissais pas du tout. Six mois plus tard Adrien et moi étions transits de trac dans les coulisses du musée de la danse à Rennes où nous avons présenté une première lecture-projection d’un mélange de très beaux extraits de l’Etreinte et de ce qu’ils m’inspiraient dans cette fameuse lettre à Adrien.
Depuis nous l’avons relue-rejouée à Beaubourg en février dernier, à Autun, à la Folie, chez Martin et Isa, en juin, et nous serions sur le départ d’une tournée internationale (et triomphale) à Louvain-la Neuve en Belgique, mais chut.
C’est à Autun, chez Martin et Isa, dans les faubourgs de la Folie, 10, route de Château-Chinon, le 16 juin à 20H00, Isa Bordat nous fera la grâce d’un Mordre et Unir , puis Adrien Genoudet et moi-même feront une lecture-veillée de L’Etreinte , d’après le texte éponyme d’Adrien, entrecoupé d’extraits d’une lettre que je lui ai écrite après la lecture de L’Etreinte .
Ce sera l’occasion de déguster des petites choses qui n’ont lieu que dans les chaudrons d’Isa, de découvrir le très beau livre d’Adrien et même, de repartir avec un exemplaire dédicacé de L’Etreinte , d’ Une fuite en Egypte ou encore de Raffut , qui vient de sortir
Vous entrez dans un théâtre, sur scène une grande table noire, de part et d’autre de la-quelle, deux chaises indiquent qu’il y aura, conformément à l’affiche du spectacle, deux lec-teurs, d’ailleurs leurs deux textes sont posés sur la table au-devant des chaises et sont éclairés vivement dans un rectangle de lumière qui emprisonne parfaitement les deux tas de feuilles, la réflexion des deux tas de feuilles blanches est d’ailleurs le seul éclairage, si ce n’est la lumière rouge d’un écran, au lointain, derrière la table. La sonorisation de la salle de spectacle passe en boucle une chanson d’un autre temps, Smile, chantée par Timi Yuro. Vous vous installez et discutez, ou pas, avec les personnes autour de vous. Ça dure un peu, on vous passe bien cinq fois la chanson, c’est un peu lassant à vrai dire, puis au moment, où cela pourrait presque devenir plaisant, panne d’électricité, toutes les lumières s’éteignent et la chanson est brusquement interrompue. La rumeur autour de vous cesse. Deux ombres viennent s’assoir, l’une à jardin, l’autre à cour. Puis tout d’un coup le vidéoprojecteur envoie une image générique et sombre de la ville de nuit et, avec elle, la sonorisation, elle, crache des coups de feu, des cris, des invectives et pendant cinq minutes le plan fixe de la ville ne bouge pas, il se rapproche d’un immeuble, il y a une vie silencieuse dans des appartements, en revanche la bande-son est insoutenable parce que vous avez compris, assez rapidement, qu’il s’agissait d’un enregistrement aux abords du Bataclan un soir de 13 novembre 2015. Et très franchement, vous seriez en droit de vous demander si on vous a bien regardés, qui sont les personnes qui sont en train de vous imposer ces longues minutes, de les revivre d’une façon spectaculaire, vous êtes à deux doigts de vous lever et de foutre le camp, d’autant que la probabilité n’est pas faible que vous ayez perdu un proche dans les attentats du 13 novembre 2015, ou dans un autre attentat, ou encore que vous connaissiez, parmi vos proches, une personne qui a effectivement perdu quelqu’un dans des conditions tellement éprouvantes et, donc, qui sont les personnes - les deux ombres sur scène - - qui sont en train de faire spectacle de tout et de justement d’un événement pareillement mortifère ? Pour tout vous dire, les deux ombres en question y pensent salement et même redoutent qu’effectivement, vous vous leviez et même que vous les invectiviez et les deux ombres le redoutent tout particulièrement qu’elles trouveraient la chose, votre désertion, vos invectives, parfaitement justifiées et ces deux ombres sont en train de spéculer dans le noir, sans même se regarder, mais elles en ont parlé entre elles, plus d’une fois, et longtemps, de savoir si c’est ce qu’il va se passer ou si, au contraire, elles vont pouvoir s’appuyer sur la confiance du public pour lui dire ce qu’elles ont à vous dire - lire.
Et pour tout vous dire, les deux ombres en question ne sont pas exactement des professionnels du spectacle, elles ont un putain de trac et cette entrée en matière ne fait qu’ajouter de la peur à leur peur, la peur du public à la leur. Sans compter, répétitions obligent, que cette bande-son les deux ombres l’ont entendue un très grand nombre de fois et que ce n’est pas parce qu’elles l’ont déjà entendue un grand nombre de fois qu’elle fait moins mal à entendre, ce serait plutôt le contraire. De là à vous dire que les deux ombres s’imposent à elles-mêmes ce qu’elles sont en train de vous imposer. Dans la bande-son, la voix angoissée et incrédule d’un journaliste du Monde, voisin du Bataclan, qui, réflexe professionnel, filme au téléphone de poche la petite rue derrière le Bataclan - le passage Saint-Pierre Amelot - par lequel s’échappent des personnes, comme elles peuvent, parmi lesquelles une femme qui explique être enceinte et qu’elle va bientôt lâcher - de la rembarde de fenêtre à laquelle elle s’est suspendue pour s’échapper. Et de fait elle finira par tomber - ici, je préfère tout de suite dire que cette femme est toujours en vie et que son enfant est né quelques mois plus tard. Le journaliste du Monde filme et enregistre sa propre voix, trempée dans l’angoisse qui exige de savoir : « mais qu’est-ce qu’il se passe ? »
Et maintenant que se passe-t-il ?
Les deux îlots de lumière éclairent à nouveau les tas de feuille. Une voix off, jeune, en-tame la narration : « Désormais, nous le savons, tout est à recommencer. »
Si vous avez reconnu l’incipit de L’Étreinte d’Adrien Genoudet, vous avez bon. Et vous vous doutez depuis le début que je suis une des deux ombres et que l’autre c’est celle d’Adrien Genoudet et que nous sommes en train d’entamer la lecture spectacle de l’Étreinte, vous avez bon aussi. Et à vrai dire si vous n’avez pas encore lu L’Étreinte d’Adrien, je ne peux que vous encourager à le faire et vous allez enfin lire quelque chose de sensible, d’intelligent et de cultivé sur le sujets des attentats du 13 novembre 2015, ça devrait vous changer de tout ce que vous avez déjà lu sur le sujet. Le texte d’Adrien va vous prendre par la main, vous emmener partout où la violence a éclos et semé la mort et vous dire d’une très poétique façon que Notre Mal vient de plus loin, pour reprendre le titre d’Alain Badiou. Adrien avec force exemples, comparaisons, métaphores, symboles, citations, bref avec toutes les armes de la littérature, va faire rien moins que de vous dire que pour monstrueux que soient les attentats de novembre 2015, ils ne venaient pas de nulle part, qu’ils étaient en nous, prêts à germer, que notre part inconsciente, mieux encore, notre histoire, et notre culture, portaient tout cela en elles et en nous. Et pour comprendre, entendre de telles atrocités en somme, il va falloir nous faire confiance. Une confiance presque aveugle et qu’en quelque sorte ce qu’on vous a imposé au début de notre affaire c’était une manière, un peu maladroite, de vous demander cette confiance.
Et aussi invraisemblable que cela puisse paraître à la fin, vous serez remué et retournée ou retourné et remuée. En tout cas pas indemnes. A Rennes, après la première lecture, au foyer, un homme un peu plus âgé que moi est venu me trouver pour me dire que cette lecture lui avait fait prendre conscience que depuis le 13 novembre 2015 il se trompait du tout au tout dans sa lecture de ces faits affreux, et que pour ainsi parler, sur le sujet, on nous raconte beaucoup de carabistouilles, on nous fait avaler des couleuvres.
Il n’empêche la question des moyens employés subsiste, pourquoi ce début, et d’autres effets - je e vais pas tout vous dire non plus, des fois qu’on le rejoue, notamment le 16 juin à Autun, notez ! - et qui sommes-nous pour nous permettre de tels effets, une telle violence ?
Nous avons joué deux fois ce spectacle. Les deux fois, pendant tout le début, j’étais au bord de vomir de trac et d’angoisse, et quand c’est à moi de prendre la parole le premier - « Adrien, je viens de lire l’Étreinte que Tiffanie avait mis de côté pour moi » - je peux vous dire que je ne fais pas le fier, en revanche je suis vidé d’une chose, je n’ai plus peur et je vais pouvoir faire ce que j’ai à faire et que je ne sais pas vraiment faire, à savoir lire en public, devant une centaine de personnes, et même - les idées d’Adrien, des fois ! - vous gratifier de cinq dix minutes de complète improvisation sur une guitare électrique, instrument que je maîtrise presque aussi bien que des patins à glace. Bref je suis lancé. Et pour Adrien, c’est un peu pareil, pour lui c’est plus dur que pour moi, ses parties de texte sont plus longues à lire et c’est un peu son texte qu’on est en train de défendre ici. Et lancés, nous avons acquis une forme de légitimité, en tout cas, j’en ai le sentiment, après-coup.
Et pour tout vous dire une chose qui me donne à moi, pour Adrien je ne sais pas, je pense que cela vient d’ailleurs, cette forme à la fois de légitimité et de courage, c’est que je me dis que je ne pourrais jamais dire quelque chose de plus stupide que tout ce que j’ai entendu de la part des femmes et des hommes politiques de ce pays en commençant par le premier d’entre eux, le précédent président de la République, je sais je l’ai déjà dit, les deux pieds mal assurés sur les décombres du Bataclan, déclarer, faussement martial, que la France est en guerre. Et il s’est dit des choses plus stupides encore, notamment le 14 juillet suivant après les attentats de Nice, quand cet abruti de Guaino - l’homme qui vomit ses électeurs aux dernières législatives perdues par lui - qu’il faudrait installer des lance-roquettes sur des endroits comme la promenade des Anglais à Nice. C’est qu’elle va être belle la promenade des Anglais, ses palmiers et ses lance-roquettes, parfaitement intégrées dans le paysage, Philippe Stark nous fera bien quelque chose.
Je ne vais pas m’attarder sur le fait que l’état d’urgence décrété en 2015 n’a finalement été levé qu’une fois que ses dispositions avaient été intégrées au sein même du code civil, en revanche je ne doute pas qu’à la prochaine occasion, quand l’état d’urgence sera de nouveau décrété, cela permettra de corser encore un peu plus l’affaire, je crois même que militaires et bleusaille pourront désormais décider d’élire domicile chez qui leur semble bon, peut-être au-rons-ils la politesse d’apporter leurs propres brosses à dents, mais cela ne sera pas tant par politesse mais par souci, sans doute, de ne pas mélanger torchons et serviettes dans leurs petits fichiers de collectes d’ADN. Bref l’état d’urgence c’est maintenant. Surtout, comme l’ont amplement montré les journées du procès de Tarnac, la lutte contre le terrorisme, si fictive soit-elle, c’est en fait le Nord des gouvernements de droite qui se succèdent sur le trône. Ce serait très injuste et incorrect de ma part sans doute de sous-entendre que pendant que d’amples ressources matérielles et humaines étaient dédiées à la surveillance d’un magasin d’épicerie dans un petit village de la Creuse, d’aucuns se radicalisaient, et pas que sur internet.
D’ailleurs il est désormais loisible de prendre la mesure de cette menace, tout du moins ce que l’on veut bien nous en dire. Vous n’imaginez pas à côté de quoi nous sommes passés. Le journal Le Monde - au sommet sa volonté de nous informer sans doute, ou est-ce de nous pousser dans le gosier des données, graphiques compris, toutes droites pondues et made in ministère de l’Intérieur - nous donne donc le récit, à la fois exhaustif et pléthorique, de tous les attentats manqués ou réussis - leurs mots, pas les miens. Et cela me met dans une colère noire, vous n’avez pas idée.
Voici désormais les impensés du pouvoir et de leur chambre à écho, la presse.
À l’antiterrorisme, ils et elles sont trop forts, ils et elles n’arrêtent pas de nous éviter la mort au coin de la rue. Regardez tout ce qu’ils et elles ont déjoué.
Mais il faut quand même continuer d’avoir peur.
Grâce à l’état d’urgence, qui fait tellement l’économie de la liberté de chacunes et cha-cuns, on n’a pu déjouer tant et tant d’attentats (dont par ailleurs il est assez difficile de déter-miner le niveau de terreur, quelques empêchements de quitter le territoire national pour des mineurs sont parfois caractérisés, hypothétiquement, comme des évitements de grands mal-heurs, ce qu’ils sont peut-être, c’est possible, mais sont-ce vraiment des attentats déjoués)
Mais il faut quand même continuer d’avoir peur.
Lisez bien cette longue liste d’attentats déjoués et vous devriez normalement en trouver un près de chez vous. Elle n’est pas passée bien loin celle-là. Couplez cela avec un peu d’intelligence artificielle et la prochaine fois vous devriez avoir les horaires de passage manqué de la grande faucheuse. Quand on vous dit que l’antiterrorisme est une fiction - je vais finir par leur envoyer mon C.V. d’auteur et donc des compétences à revendre dans le domaine de la fiction, au moins je serais vraiment payer pour de telles compétences qui seraient enfin reconnue à leur insurpassable hauteur.
Mais il faut quand même continuer d’avoir peur.
Last but not least, ne perdez jamais de vue, braves gens, que le sujet de préoccupation principale qui doit être le vôtre c’est que le terrorisme est partout - devenez un peu comme Finkielkraut, désolez-vous que Nuit debout détourne l’attention publique de l’islam radical.
Mais il faut quand même continuer d’avoir peur.
Est-ce que la logique pure ne pourrait pas nous venir un peu en aide, chers et chères journalistes du Monde, le journal qui décode ? Est-ce qu’un attentat déjoué n’est pas, en soi, un non-événement par excellence ? Et est-ce qu’un non-événement n’est pas une non-information ? Et est-ce qu’une non-information n’est pas, par définition, de la désinforma-tion ? De la fiction ?
D’ailleurs posez-vous un peu la question, là, tout de suite, de quel fait d’actualité le pouvoir, et ses médias inféodés, aimeraient détourner notre attention, là, tout de suite, maintenant ?
Je vous aide un peu ou vous trouvez par vous-mêmes ?
Mon inconscient se sentant traqué
Devient cruel
Et m’impose tristesse peur et cruauté
Avant-hier j’étais triste
Hier j’avais peur
Ce matin je suis cruel
Petit-déjeuner à sept
Thé noir, tartines de confiture d’orange
Comté
Promenade autour du temple de Janus
Avec Monique qui me raconte
Un épisode de blizzard à Montréal
Notre petite marche
A la vertu divine
D’éclaircir le ciel !
Janus
Pas
Mort
Janus pas mort
Toujours vivant
Et puissant !
Je suis un athée
Qui donnerait volontiers du crédit
À des mythologies anciennes
Martin me fait un café
Je m’installe à une petite table carrée
Et je suis concentré comme jamais, Autun !
J’entends bien
Qu’on s’affaire dans la cuisine
Mais je suis concentré comme jamais
Phil
À
Table !
De petits éperlans frits
Me font penser à B.
Et à l’Escala
Nous déjeunons
Pure provocation, dehors
Sous un ciel d’orage
Et la pluie, bonne amie
Nous laisse déjeuner en paix
Nous prenons le dessert dans la cuisine
Gâteau de marrons
Lait de poule
Concert de soupirs d’aise
Je monte m’allonger
Pendant qu’une conversation du futur
S’organise avec le Québec
Je rêve d’un match de rugby
En pleine forêt de bouleaux
Comme dans L’Enfance d’Ivan, tu vois ?
Les défenseurs
Nous tirent dessus à balles réelles
En fait c’est la guerre qui est partout
Je reçois un mail de Mathilde
Qui compose Raffut
Rien ne vaut le travail le dimanche
L’orage de grêle
Joue fort
Sur le toit de tôle
Il fait sombre
Mon petit écran éclaire peu
Le grand atelier de Martin
Dans cette pénombre mal percée
Le concert augmente en intensité
La musique improvisée est partout
Je passe une petite heure
Avec Martin qui me montre un tableau
Que je ne connaissais pas : mon portrait !
Dehors c’est le déluge
Et nous buvons du café
En parlant peinture
Et on finit par s’attrouper
Autour du feu
Studieux, toutes et tous, Liszt aussi
Je bois un bol de soupe
En bout de table
Les au-revoir pour bientôt
Martin m’aide à charger
Ma précieuse cargaison
Son tableau d’après Van Dyck
Je conduis prudemment
De nuit et sous la pluie
La musique très forte, électrique
Et j’avale les kilomètres
C’est dimanche soir
Et je suis heureux
En arrivant le soir
Je trouve le premier jet
De composition de Raffut
Un peu plus
Et je réveillerais Zoé
Pour tester sa lecture de dyslexique
En tout cas
Pour moi-même, dyslexique léger
Cela fait déjà une différence
@philippe_de_jonckheere toi tu as une dent contre le comté.
Terrible, hein, je la fais à chaque fois. Et à chaque fois, tu es là, heureusement. Merci.
Mon Oncle Michel s’est remis à la peinture
Il peint sur du papier photo
Des vues en contre-plongée
Je réchappe de justesse
A l’écrasement par un tramway
Devant lequel j’avais traversé imprudemment
Je rejoins une communauté de clochards
Qui vivent sous un échangeur d’autoroute
Je joue de la musique avec l’un d’eux
Je discute avec un autre
Qui de sa blague à tabac
Sort un lézard et me le jette
Le lézard se faufile dans mon col
Et grossit et enfle sous ma chemise
J’ai de plus en plus peur, on se moque
Je tente de me réveiller
Pour m’extraire de ce cauchemar
Mais je ne m’en sors pas comme ça
Je dois finalement
Saisir mon courage à deux mains
Et saisir le lézard qui s’agrippe à mon dos
Je dépasse ma peur
Je survis
Je me réveille en tremblant
Oh bah ce rêve-là
Je serais content de le partager
Avec McEnroe !
Petit
Déjeuner
Pantagruélique
Je remonte dans l’atelier
Pour reprendre les notes de mon rêve
Le téléphone vibre, c’est McEnroe
« - Je ne vous dérange pas ?
– Non pensez, je suis en train de noter
Mon rêve de cette nuit pour mardi »
Petites courses pour les repas
De ces deux prochains jours
Abondance de chefs ne nuit pas
Œuf mollé
Epinards aux écorces d’orange
Conté
Sieste dans une cathédrale
Repu, allongé, mon regard
Vagabonde dans l’atelier de Martin
Je m’octroie le plaisir d’un peu de lecture
L’affaire de Tarnac dans Lundi matin papier
Mon admiration pour leur courage aux neuf
Mon admiration pour leur courage
Leur intelligence, leur analyse fine
Et leur talent rédactionnel
Je finis par verticaliser ma position
Quel indécrottable fainéant
Et je me mets un peu au travail
Je pars chercher Martin au Creusot
Concerto en Fa majeur pour clavecin
De Jean-Sébastien Bach, ça swingue, terrible
À la gare du Creusot
Des trains tellement rapides
Passent en percutant l’atmosphère
Le quai est désert
Je ferme les yeux
Je me croirais au Tracé
Si Seijiro Murayama
Jouait du train
Il pourrait jouer la même musique
De retour à Autun
Des odeurs capiteuses de curcuma
Promesses de Thaïlande bourguignonne
Monique
Martin, Isa et moi
Garance, Axel et Rose
Cabillaud lait de coco et piments
Chou-kal aux écorces d’orange
Soufflé aux pommes
La fatigue me tombe dessus de bonne heure
Et je m’endors en pleine conversation !
Le vieil homme et la journée réussie
Le rêve de ce matin
S’enfuit le temps
De me retourner
Je me lève d’excellente humeur
Je fais ma valise pour Autun
Nous partons au collège avec Zoé
Nous passons sous les fenêtres de la docteure L.
Et tout mon rêve de cette nuit
Et sa grande tristesse me reviennent d’un coup !
Je consulte la docteure L.
Avec Émile qui va mal
Il faut le mettre sous camisole
Le cabinet de la docteure L. qui pleure
Est une immense baie vitrée
Constellée de gouttes de pluie
Papa
Tu as l’air
Tout chose ?
Je viens de me souvenir
Du rêve de cette nuit
Et il était très triste
C’est une consolation de faire route
Avec Zoé jusqu’au collège
Après qu’une telle tristesse tombe sur moi
Open space
Affaires courantes
Je tire jusqu’au déjeuner
Déjeuner avec mon collègue Julien
Nous avions gardé un meilleur souvenir
De cette table. Deux cafés en face
Je remets un peu d’ordre
Dans mes fichiers d’écriture
Avant le week-end
En démarrant l’autoradio
Libère une voix familière
Que je ne veux plus entendre
J’écoute malgré tout
Comme par souci de vérification
Rien d’imprévu, au contraire, ronron
J’ai emporté plein de disques
L’embarras du choix
À plus de cent kilomètre-heure
Ma covoitureuse a annulé hier soir
J’ai le sentiment d’une conversation fantôme
Avec une personne dont je ne connais que la vignette
Je m’arrête prendre passe un café
Dans une station-service
Où cinq plus tôt, ce qui me rend triste, un peu
J’allais écrire un poème
À propos de mes choix musicaux
Mais je crois qu’on s’en moque un peu
D’ailleurs
Est-ce qu’on ne se moque pas
Du reste aussi ?
Et avec cette préoccupation
Tout en conduisant
Quand arriverai-je à la fin de Mon Oiseau bleu ?
La plaine d’Avallon
Toujours ce moment spécial
Dont j’ignore tout de la raison
Après Saulieu
La route que j’aime tant
Il faut doux, j’ouvre, j’entrouvre
Isa
Rose
Et moi
Rose et moi
Dans le hangar
Faisons du petit bois
Il n’y a plus guère qu’à Autun
Que je manie encore un peu la hache
Vlan une bûche me revient dans le tibia
Claudiquant et penaud
J’apporte le bois à Rose
Qui fait du feu comme son père
Trinquant avec Isa et Rose
Regardant les flammes s’éparpiller
Par grand vent, je suis incrédule
Peut-on commencer une journée
Dans la tristesse, transiter par l’open space
Et finir en beauté près des flammes ?
Nous dînons de trois belles truites
Cuites sur la braise
Et résistons mal à la palette des fromages
On rit beaucoup
Au-dessus des squelettes
De nos poissons
Je prépare mon lit avec Isa
Dans le grand atelier de Martin
Je vais dormir seul dans une cathédrale !
Je lis le numéro 2 de Lundi matin papier
À propos de l’affaire de Tarnac
Ce serait drôle si ce n’était pas drôle
Je m’endors
D’un coup
Sec !
Et il entame un nouveau fichier
Tandis qu’il fait encore nuit
McEnroe et moi. Fichier créé à 6 : 00, un score de tennis
McEnroe et moi
Démarre un 29 février 2018
Sur un score de tennis
Les aventures démarrent tôt ce matin
Une dame appelle à l’aide pour démarrer
Mobilisation de mes voisins, mes câbles, leur voiture
Courses vite faites
Avec Émile comme assistant technique
Le tout en moins d’une heure
Le tout en moins d’une heure
C’est du temps en plus pour jouer
Plus sûrement pour écrire
Plus sûrement pour écrire
Mais est-ce qu’écrire
Ce n’est pas, un peu, jouer ?
Pour Tiffanie
Je brode un argumentaire
À propos de l’autisme
Je l’intitule
L’autisme expliqué
À une fille du Sud-Ouest
Et rarement
Ai-je été aussi clair
Sur le sujet
Je lis au lit
Les Monarques
De Phil
I’ve got
Butterflies
In me stomach
Je pleure un peu
L’enfance de Phil, la mort du père
Et je ris beaucoup, Phil
Je prends l’avion pour Tel Aviv avec Phil
Je n’ai pas besoin de chercher très loin
Le livre resté en cavalier ouvert à la bonne page
Je dépose Phil à son hôtel
On se promet de reprendre l’entraînement
Pour le Cervin le lendemain matin
Je ne suis pas fatigué
Je sors prendre l’air, entre dans un café
Et rencontre une anthropologue
Nous échangeons plaisamment
Elle me demande mon numéro
Je suis incapable de le lui donner
Une virago s’interpose
Et fouille dans les photographies prises
Avec mon téléphone de poche
Et finit par y trouver ce qu’elle cherche
Une photo de homard en 3D
Good luck with that one McEnroe !
▻http://www.desordre.net/musique/webster.mp3
Déjeuner seul
Un peu de musique
Hodges/Webster mezzo voce
Le café de la maison
Est tellement meilleur
Que celui de l’open space
Home office
Je découvre par la fenêtre
La neige tombée cette nuit
Home office
Emile aimerait bien sortir
Je lui prête mes gros croquenots
Home office
J’affiche la couverture de Raffut
En fond d’écran
Home office
Je note les détails surprenants
Du rêve de ce matin
Home office
Charlie Parker/Dizzie Qu’il est speed
Et un jeune Monk au piano !
Home office
Et il faut s’intéresser
A la question du déjeuner
Visite surprise
De Clément et Juliette
Changement de fusil d’épaule
Visite surprise
Il faut toujours avoir
Du poisson dans son réfrigérateur
Home office
Après la vaisselle
Il faut retourner au cahier des charges
Home office
Gérer les entrées et sorties
Des enfants
J’avance l’heure de la sortie du bureau
Pour aller me promener avec Emile
Froid mordant, et un peu humide
Marche de peu de mots
Comme souvent les marches avec Emile
Mais le sentiment d’une proximité silencieuse
Dans le métropolitain
J’envoie des messages
Désopilants à Zoé qui répond de même
J’ai un peu d’avance
Sur mon rendez-vous avec Adrien
À L’Industrie
Je corrige quelques pages
De Frôlé par un V1
Quand j’entends : « Monsieur De Jonckheere ? »
On rentre de plain-pied
Dans L’Étreinte, critique de Beaubourg
Et échange d’idées pour Autun
Je parle du Trahison de Pinter
Vu au théâtre avec Zoé
L’idée de cuisiner sur scène
Affrontements habituels
Avec Adrien on a souvent besoin
De s’expliquer et ensuite plein accord
L’Industrie se bonde
Tintamarre infernal
Mais discussion et quelle !
En sortant Adrien croise une connaissance
Qui me tend la main : « Yannick Haenel
– Philippe De Jonckheere », réponds-je
Nous partons boire un autre verre
Je trinque avec Yannick Haenel !
Je voudrais avoir des témoins !
Yannick Haenel fait montre de la même immodestie
Se pensant entré dans l’espace littéraire
Le voilà qui s’imagine prophète a posteriori
La réalité est moins flatteuse
Il est un faible révisionniste qui écrit très médiocrement
Comme Jonathan Littell
J’écrivais de ces chroniques
Moi, il y a une huitaine d’années !
Soit j’ai vieilli, soit je me suis calmé
Adrien nous lâche
Je suis sauvé par Corentin
Belge médiateur universitaire qui nous étudie
Du métropolitain
Je traverse un bras de bois de Vincennes
Nuitamment, sombre, je me sens tellement bien
Quelques pages des Monarques
J’y vais doucement
Pour ne pas tuer Phil trop vite
Ernest Pinard — Wikipédia
▻https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Pinard
Pierre Ernest Pinard, né à Autun (Saône-et-Loire) le 10 octobre 1822, et mort à Bourg-en-Bresse (Ain) le 12 septembre 1909, est un magistrat et homme politique français. Il a été procureur impérial et ministre de l’Intérieur. Il est passé à la postérité pour ses réquisitoires contre Madame Bovary de Gustave Flaubert et Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.
Plusieurs fois dans la nuit
Réveillé
Frappé par la violence du vent
Et par de telles bourrasques
Les spores insaisissables du rêve
De cette nuit, éparpillés, tels des cendres
Café matinal
Avec Lola
Le vent nous fascine
Pensée pour l’atterrissage
De Martin et Isa
De retour du Québec
Dans quel état dispersé
Seront-ils ce soir
À Autun ?
Je prépare ma valise
Lola me cuisine des galettes indiennes
Et une salade de chou chinois
On se dit au revoir
Ému
Je retraverse le massif des Maures
Je reconnais, de loin
La Montagne Sainte-Victoire
D’après les tableaux de Cézanne !
Je finis par retrouver ma jeune co-voitureuse
Qui s’étonne de mon absence de GPS
J’avais appris la carte par cœur. « Comme mon Grand-Père ! »
Route longue
Difficile
Conversation pas déliée
Je dépose ma co-voitureuse
Au kiosque de la place d’Autun
Mondes qui ne se touchent pas
Je retrouve Martin et Isa
Ensuqués de décalage horaire
Et l’Arroux qui monte, qui monte
Je monte la garde pendant la nuit
Drôle de sentinelle, qui lit
Et qui écoute de la musique
De temps en temps
Je me sers de la sculpture de Martin
Comme d’un zouave pour jauger
Vers trois heures il me semble
Que l’eau est étale
À quatre heures, légère décrue
L’eau n’est finalement pas rentrée
Elle s’est arrêtée juste à temps
Une légère trace humide dans la trappe
Météo des neiges, #télévision de #riches - Acrimed | Action Critique Médias
►http://www.acrimed.org/Meteo-des-neiges-television-de-riches
Alors pourquoi la #météo des neiges est-elle programmée à une heure de grande écoute ? C’est parce que la télévision montre beaucoup plus de membres de la classe supérieure que de gens des classes populaires. On entend souvent dire que la télévision serait un organe de propagande du gouvernement ou le temple de la bêtise ou du consumérisme. Mais ce qui saute aux yeux d’abord c’est qu’elle fait des membres de la classe supérieure la référence obligée de tous les autres. Cette surreprésentation a des conséquences sur nos perceptions de la société – elles contribuent par exemple à notre méconnaissance des inégalités : ces couples de cadres avec trois enfants et une grande maison comme ceux du programme court « Parents mode d’emploi » sur France 2 deviennent la norme du « Français moyen » alors qu’ils font de fait partie des classes supérieures.
Mais cela a aussi des conséquences politiques : sur chaque sujet, ce sont d’abord des membres de la petite ou moyenne bourgeoisie qui s’expriment, donnant leur point de vue comme valant pour tous les autres et contribuant à valider certaines réformes et décrédibiliser certains mouvements sociaux. On interroge ainsi beaucoup plus souvent des entrepreneurs que des salariés pour parler des vertus d’un rétrécissement du code du Travail. Pourquoi cette domination des classes supérieures à la télévision et comment en sortir ?
Dans le même genre, il m’est chaque fois insupportable de constater à la fin de la lecture d’un artilce du Monde à propos d’une exposition ou d’un concert que ce sont, en fait, des événements culturels inaccessibles puisqu’ils se produisent qui en Angleterre, qui en Italie, qui en Autriche etc... On comprend alors entre les lignes que de tels articles sont prévus pour la lecture de personnes pour lesquelles un week end à Florence est aussi, voire davantage, facilement envisageable que pour moi d’aller à Lille ou Autun un vendredi soir.
Et ce qui est d’autant plus navrant c’est que tout cet espace rédactionnel pourrait être utilisé pour, au contraire, se faire l’écho de manifestations culturelles, elles accessibles pour se passer en France, pays où on lit le canard en question, et qui ne bénéficient pas, évidemment pas, d’une telle force de prescription.
Dans un troisième temps, cela permet à ses pseudo-élites de se lamenter sur la pauvreté de l’offre française et donc alimenter une machinerie parfaitement rodée d’un snobisme délétère.
Qu’ils et elles crèvent, #peigne-culs
Quand on veut tuer son chien...
dans « Je suis comme une truie qui doute » Claude Duneton se désespère que le modèle de la classe dominante soit enseigné aux enfants dès l’école.
Cette prise de pouvoir se fait au détriment de la visibilité des femmes/racisé·s/ouvrier·s/chomeur·s/ dans l’espace médiatique et politique.
Mais aussi, cela tend à créer un sentiment de mauvaise estime pour tout autre culture que celle des #peigne-culs. J’ai vu en province des personnes admirer les maisons de #prêt_à_crever au détriment de leur petite ferme et s’excuser de ne pas avoir un mur droit en béton, accéder à la richesse consistera alors à se #TF1niser et à nier sa propre histoire.
Cette image illustre cet article du Monde
Baisse des naissances, hausse de la mortalité... posez vos questions sur la démographie française
▻http://www.lemonde.fr/demographie/live/2018/01/16/naissances-familles-mortalite-posez-vos-questions-au-demographe-gilles-pison
Ben je ne sais pas vous mais je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de Noirs dans cet extrait de population française (dont j’ai l’intuition qu’il s’agit d’une foule de gens bien propres sur eux regardant un match de tennis ou uen compétition de golf).
#impensé ?
Elle me poursuit encore dans mes rêves
Mais même en rêve je parviens
Un peu, à la repousser
Dans mon rêve, une nouvelle discipline
De photographie : photographier
Des événements futurs
Petit déjeuner gargantuesque
Rires et discussions
Visite de l’atelier de Martin
Parmi les bustes
Que peint Martin
Un que je reconnais bien
Belle marche dans les ondulations
Du Morvan, lumière changeante
Pas de champignon mais un bel objet rouillé
François nous reçoit
Soupe de citrouille
Lentilles riz, et un armagnac, et quel !
François raconte une histoire (avec talent)
Interminable (qu’il fait durer, durer, durer…)
Avec une chute minuscule (j’adore)
Une belle partie d’échecs avec Angelo
Un verre d’Armagnac, un conte
Et c’est l’heure de retourner travailler
Retour à Autun
Martin me file un coup de main
Avec l’affiche de l’Étreinte
Isa au sommet de sa sorcellerie
Galettes coréennes
Aux moules et crevettes. Extraordinaire
Lesté de ma galette coréenne
Je prends la route, haleine de poireaux
Et musique à fond
Je passe devant un troupeau
De moutons aux yeux albinos
Dans les phares de ma voiture
Dans les phares de ma voiture
Des moutons insomniaques
Comptent les voitures qui passent
►http://www.desordre.net/musique/eels.mp3
Les Eels chantent : I need some sleep
I’ve tried counting sheep
But there’s one I always miss. Je ris
Dans une station-service déserte
Un couple de vieux Russes
Se dispute
Un pâtisson
Un potimarron
Un butternut
Un morceau de conté
De la sauce de soja
Et des rires. Souvenirs d’Autun
Maison endormie
Dans laquelle
Je m’endors sans délai
I need some sleep
I’ve tried counting sheep
But there’s one I always miss
Je repense
Aux moutons
Insomniaques
Tandis que je sors du studio d’enregistrement
L’ingénieur du son me confie qu’on devrait passer
Tout l’enregistrement en italique.
Je fais mon sac en hâte
Ce soir je pars à Autun
Couronnement d’une semaine riche
Miettes de croissant
C’est vendredi
Sur mon clavier
À la terrasse du BDP avec Julien
On croise Hélène, pas vue depuis depuis…
Souvenirs des Arts Déco
En route pour Autun
Manou Farine reçoit Daruysh Shayegan
Atiq Rahimi et Mahmoud Chokrollahi
Comme à son habitude, elle laisse les microphones ouverts
Et ses invités prestigieux entre eux
A la fin de l’émission : ils parlent en perse !
Lever d’une pleine lune rousse
Sur la plaine d’Avallon
Comme l’apparition d’une amie
Martin et Isa
Transformés
Par le Japon
Récits du Japon
Morgon
Tempura de cabillaud
Martin et Isa
Décalés
Seul le soir
Premières ébauches
De l’affiche de l’Étreinte
Quelques pages de Handke
►http://www.desordre.net/musique/beatles.mp3
Deux rêves curieux, l’un l’absolue frustration
Attente d’un train qui ne vient pas, l’autre
Le rêve parfait, les Beatles jouent pour moi seul
Levé le premier
Je bois mon café dans le jardin
Comme sur la margelle au Bouchet
L’atmosphère a tiédi
Le ciel s’est assombri
Mais je ne suis pas triste
Elle n’est pas venue
Elle n’avait jamais dit qu’elle viendrait
Je serais guéri quand je ne raconterais plus de fables
Deux kilogrammes
De sardines
A évider
En chantonnant It’s all right
To eat fish because
Fish don’t have feelings
Mes sardines
Ont fière allure
Le ventre ouvert
Mon café
A goût
De poisson
Poème tapé
Avec les doigts
Qui sentent la sardine
Dimanche matin laborieux
Chacun trouve rapidement
Quelque chose à faire, lendemain
Isa nettoie ses chaudrons
Dans la chaleur accrue
D’un gigantesque feu
C’est à Autun
Qu’ont lieu
Les plus belles fêtes
Et c’est souvent le dimanche
En nettoyant et rangeant
Qu’éclatent les plus gros rires
Où il est souvent question
D’un lait de poule
Et de quelques autres moqueries
Les filles ne sont pas en reste
Pour reconduire moqueries
Et anecdotes. La vie
Sardines à la braise
Ratatouille et haricots plats
Restes des desserts, café
Sieste dans une chaleur pesante
Rêves-reptiles, immédiatement
Evaporés, anguilles et lézards
▻http://desordre.net/bloc/ursula/2014/sons/pink_floyd.mp3
Départ longtemps différé
Pour les gorges de la Canche
Pink Floyd passe sur l’autoradio
Soudain au milieu de la forêt
Une installation hydraulique
Et son immense tuyau d’adduction
Chemin qui confine parfois
À l’escalade, je sue sang et eau
Heureusement que j’ai maigri !
Lumière orgiaque
Chaleur tropicale
Chaleur de l’amitié aussi
Soif inextinguible
Le long d’un petit
Cours d’eau
À la sortie du bois
Mon téléphone sonne
Légère détresse de Sarah
Tu me manques
Texte-je pour
Arrondir les angles
Chemin du retour avec Isa
Elle me parle de son installation
Et de sa performance à New York !
Je lui parle de mon projet
De livre tête bêche
et aussi de celui de récit croisé
Je suis choyé
Avant de repartir
On me sert une soupe
Sur la route du retour
A travers bois, fenêtre ouverte
Je respire goulument l’air des futaies
Je mène ma barque
A travers une circulation dense
En rêvassant les yeux ouverts
▻http://desordre.net/bloc/ursula/2014/sons/rem.mp3
Dans un embouteillage
Je mets la radio et tombe
Sur une veille chanson de REM
En vieil homme seul
J’avale mes médicaments
Et je branche mon respirateur
Finalement, non, je m’en doutais un peu
Un rêve médiocre, une partie de volley-ball
Dans une rame de métropolitain, c’est bien aussi
Mon ordinateur le matin
Tandis que je m’approche de lui
« De quoi a encore-t-il rêvé cette nuit ? »
Macron révise
Sa stratégie
De communication
Le chef de l’État
Estime que la phase de raréfaction
De sa parole est terminée
Un collègue a découvert Une fuite en Égypte
On en parle en plein open space
Tel est le cours, parfois surprenant, de ma vie
Et tu écris à propos de quoi maintenant ?
Et je lui montre mon écran
Ouvert sur les Anguilles les mains mouillées
Il fait soudain un temps de cochon
Au café, relisant, écrivant
Je détache mal ma pensée d’elle
Il
Faudrait
Pourtant
Sur le petit écran de mon appareil-photo
Je retrouve les images de mes enfants cet été
Cela redonne un sens à ma vie, un si petit écran
Mon voisin à la terrasse du BDP
Est un jeune ouvrier poussiéreux
Qui mange de bon appétit son poulet massala
J’aime le soin qu’il prend
A disposer ses couverts
Et assaisonner son repas
Phil, fais-moi ce plaisir, cette grâce
Détache ton esprit
Tu n’as pas droit à ce malheur
Le malheur
C’est pour les opprimés
Un peu de décence !
Et ça va
Tout de suite
Un (peu) mieux. Presque
Relisant Élever des chèvres en open space
Jusqu’au bout tu dois te méfier de toi-même
De ton désir de parler de ton train électrique
Mais
Tu touches
Au but
Tu fignoles
Comme tu faisais enfant
Avec tes maquettes d’avion
Un des plaisirs pervers de ma vie
Ecouter une conférence d’Onfray
En voiture. En route vers Autun
Sur la même route j’apprends
Qu’Orson Welles s’est intéressé
A l’affaire Dominici
Et d’autres trucs
Qui m’intéressent
Moins
Dans l’atelier d’Isa
En m’installant je sursaute
Une couleuvre, non un jouet en plastique
À la table de mes amis
On parle trois langues
Et ce n’est pas simple
Plaisir, toujours
De baragouiner
Un peu d’Allemand
Ça fait du bien d’être à Autun
Ca la repousse un peu
Pas seulement elle
Je m’endors d’un coup
Comme si je m’enfonçais
Dans mon lit, cela ne m’arrive jamais
Rêve des capsules olfactives
Des souvenirs de ses parents
À sa propre naissance
Il n’est pas sept heures
Et je suis déjà en train
D’écrire ( Anguilles et Oiseau bleu )
Peu après sept heures
Je reçois le courriel d’une jeune mère
Et qui reprend le travail. Ému
►http://www.desordre.net/musique/taylor.mp3
Ma voiture est malade
Mon garagiste qui écoutait Cecil Taylor
A revendu son affaire, puis-je avoir confiance ?
Je maigris encore
Je vais finir par apercevoir
Mes testicules !
Retour de vacances de ma collègue F.
Troublée, elle a besoin de parler, à moi donc
Ma reconversion professionnelle dans le champ psy
C’est lundi dans le monde
Est-ce que les ouvriers moldaves
Sont revenus ? Un jour aller en Moldavie
J’ai été actionnaire une fois dans ma vie
Pendant une heure, le temps de vendre
Toutes les actions de mon employeur (intéressement)
L’intéressement
Ne m’intéresse pas
Je ne suis pas intéressé
Le garagiste m’explique une panne
Je pourrais ne pas avoir de voiture vendredi
Pour aller à Autun écouter l’Anguison Quartet
Le vieux garagiste
Qui écoutait Cecil Taylor
Aurait compris un tel enjeu
On nous parle d’une cellule terroriste à Ripoll
On me dit Ripoll et je pense au portail de son monastère
Et je voudrais continuer de penser à Ripoll de cette manière
Je fais semblant
De ne pas penser à elle tout le temps
De temps en temps cela fonctionne
Et de temps en temps
Je reçois un signe d’elle
Pas toujours volontaire
Quelqu’un a peint un cercle ciblé
Sur le trottoir, il est inscrit Wish you were here
Là-même où nous nous sommes embrassés la première fois
Je vais prendre des nouvelles de mon automobile
J’adore l’odeur délétère de l’atelier (poussière et peinture)
Mais je plains les jeunes mécaniciens qui y travaillent
J’ai aimé, jeune, puis détesté
Plus vieux, l’odeur délétère
De l’hyposulfite de sodium
Sans parler
De L’hydroquinone
Oxydée
Dîner
Avec
Émile
Dîner,
En tête-à- tête
Avec Émile
Diner en tête-à-tête
Avec Émile
Au restaurant
Diner en tête-à-tête
Avec Émile
Au restaurant japonais
À la demande d’Émile
Dîner en tête-à-tête
Au restaurant japonais
À l’initiative d’Émile
Dîner en tête-à-tête au restaurant japonais
Émile s’était habillé élégamment pour moi !
Je raccompagne Émile
Nous passons par des rues inconnues
Belle lumière, beauté d’Émile, grandi
Coup de téléphone à B.
Coup de téléphone à A.
Coup de téléphone à C.
L’échange avec B.
Me catapulte
En Provence
Pas
Celui
Avec A.
Avec C.
Il est question
De faire passer un piano par la fenêtre
Attentat de Barcelone :
La police a abattu Abouyaaqoub,
Le conducteur de la fourgonnette
Commentaires élogieux pour la police
Au bas de cet article
Je m’interroge à propos du verbe abattre
On abat un arbre
On abat une bête
Abat-on un homme ?
Tous les soirs je me demande bien
De quoi sera fait le prochain paragraphe
Des Anguilles les mains mouillées ?
J – 30
Dans le métropolitain, le lis Hors du chantier natal de Claro, mélange foutraque de deux biographies, celle d’un ethnologue russe du siècle précédent le siècle précédent et celle de l’auteur, à laquelle donc, s’ajoute la conversation de ma voisine dans la rame qui explique dans le détail à son compagnon comment elle souhaite que soit construite la bibliothèque du salon et j’en suis presque à lui proposer bientôt de prendre la construction en charge, parce qu’il me semble avoir compris ce qu’elle voulait, à la différence de son compagnon, et que cela fait partie des choses que je sais faire, si seulement elle accepte de raccrocher et, partant, d’enlever cette épaisseur surnuméraire qu’elle impose à ma lecture quand j’en viens à comprendre que, pas du tout, je me comprends, mais cette conversation de téléphone de poche d’une inconnue et qui me fait envisager comment je concevrais certaines coupes à mi-bois et comment je jouerais de la fausse équerre dans l’angle du mur du fond, pour lequel son compagnon et elle ne sont visiblement pas d’accord, cette conversation donc, me permet d’ancrer avec force ce récit, peut-être trop intelligent à mon goût, à un réel, à un vernaculaire, qui me rendent cette lecture plus concrète, plus intelligible. Et j’en viendrais presque à suivre cette femme dans les couloirs du métropolitain jusqu’aux dernières pages du livre. Les rayonnages de la bibliothèque construits, je ne manquerais pas de lui offrir le livre de Claro, avec une dédicace, à celle qui m’a fait lire Claro . Et ce n’est pas rien.
Je retrouve ma voiture garée dans le bois de Vincennes. Je démarre, je profite d’un ralentissement de la circulation pour faire un demi-tour pour le moins hasardeux, je coupe une ligne continue, l’avenue est à quatre voies, vous voyez le genre. Surgit une voiture de police et je pense raisonnablement que mon heure est venue, je n’ai pas avec moi les papiers de la voiture, à vrai dire c’est rare que je les ai avec moi, j’ai perdu mon permis de conduire il y a au moins un an, je me fais chaque fois la promesse d’aller à la sous-préfecture pour m’occuper de son remplacement et je sais, Martin la dernière fois que je suis allé à Autun m’en a fait suffisamment le reproche, que mes pneus sont lisses, mon compte est bon. C’est sans compter sur le dieu des ivrognes. La voiture de police se porte à ma hauteur en roulant par ailleurs toutes sirènes hurlantes à contre sens de la voie opposée, mais ce n’est pas après moi que les policiers en ont mais à un autre citoyen qui roule, lui, dans une voiture qui a une autre apparence que la mienne, plus propre, et des pneus dont je vois bien qu’ils sont profondément gravés, eux, sans compter que lui a parfaitement indiqué par son clignotant qu’il souhaiterait tourner à gauche au prochain feu, je ne peux pas dire que je me sois embarrassé d’une tel protocole lors de mon demi-tour, un peu cavalier, et même, un peu dangereux, je le reconnais sans mal, on n’est pas toujours brillant, surtout conducteur, en revanche cet autre conducteur, plus prudent et plus civil, a, contre lui, d’être fort brun et sombre de peau.
Du temps de mon apprentissage de la photographie, mon père a un jour eu un besoin urgent d’une photographie d’identité. Et je lui ai réglé cette affaire pendant le week-end. Le samedi matin je l’avais fait poser devant un mur blanc, j’avais réglé le flash en indirect avec rebond sur le plafond blanc, l’enfance de l’art en somme. Mon père avait besoin de cette photographie d’identité dans le cadre de son travail, aussi il avait mis une chemise, une cravate et une veste de costume, pour le reste c’était samedi matin, il sortait de sa douche, il était donc en slip. Et il aura été en slip pratiquement jusqu’à la fin de sa carrière sur tous les documents professionnels le concernant, comme par exemple son badge d’accès à certaines zones protégées dans les aéroports. Et je ne peux pas m’empêcher d’y repenser tandis que Renaud Montfourny tire mon portrait de jeune primo-romancier, atteint, en pleine prise de vue, par une crise aigüe de démangeaison du scrotum.
J – 64 : Nous n’avons pas vu le retable du jugement dernier de Rogier Van der Weyden — puisque nous avons trouvé portes closes à Beaune —, mais nous avons fait le tour d’un petit lac dont les romains se servaient pour alimenter en eau la ville d’Autun.
Nous n’avons pas mangé de cette côte de bœuf — puisque je ne mange plus de viande ? dont j’aimais régaler mes amis quand je viens à Autun, mais Martin a cuit excellemment nos maquereaux sur la braise.
Nous n’avons pas fait de photographies des dernières réalisations d’Isa, mais j’ai pris presque 600 photographies pendant le week-end à Autun — alors que je ne prends presque plus de photographie.
Nous n’avons pas regardé Toni Erdman sur l’écran géant du hangar, là-même où j’avais projeté les images d’ Apnées et celles du spectacle avec Brâhma , mais nous avons discuté de Carl André.
Nous n’avons pas mangé de la sole, mais du cabillaud.
Nous ne nous sommes pas quittés comme souvent peu de temps après le déjeuner du dimanche midi parce que chaque fois je dois prendre toutes les précautions nécessaires pour être rentré et accueillir les enfants, et de ce fait nous avons pu aller nous promener en forêt, une merveilleuse forêt aux immenses mélèzes et aux jeunes chênes.
Nous n’avons pas bu de bourgogne blanc mais du Gamay et cela allait très bien avec les bulots et le cabillaud.
Je n’ai pas pu écouter le disque offert par Sophie Agnel en trio, parce qu’il était en quatuor avec un drone, le moteur vrombissant de mon automobile, du coup j’ai écouté des variétés internationales, Frank Zappa.
Je n’ai pas vu les éoliennes nuitamment sur le chemin du retour, mais j’ai deviné leurs grandes ombres à bâbord, dans la nuit.
J – 65 : Mon esprit d’escalier est parfois sans remède.
Samedi soir Martin et Isa avaient invité leur ami Denis, désormais à la retraite après une longue carrière comme agriculteur, Denis notamment produisait un fromage de chèvre qui rivalisait avec les pélardons de la Cézarenque que j’avais eu une fois l’occasion de lui faire goûter de retour des Cévennes en faisant un crochet par Autun pour couper la route, et ce soir-là Denis était là. Denis raconte un peu les mésaventures des repreneurs de sa ferme il y a quelques années auxquels il avait pourtant prêté main forte dans un très louable effort de transition. Malheureusement ces derniers n’ont pas eu la présence d’esprit d’écouter les conseils d’ancien de Denis qui avait pourtant fait de son exploitation une référence locale en matière de fromage de chèvres et ont fait graduellement capoter l’affaire. Ces repreneurs n’étaient pas agriculteurs de métier, ils tentaient de réinventer leur vie et avaient suivi une formation théorique pour ce qui relevait de la reconversion professionnelle, ils appliquaient trop strictement les savoirs reçus en formation et ne voulaient pas entendre que ces derniers devaient impérativement être pondérés par une connaissance locale acquise de longue date par un agriculteur qui, lui, avait réussi à produire du très bon fromage à cet endroit justement. Par exemple ils insistaient pour que les chèvres soient menées aux champs par un chien berger, ce qui dans la configuration des lieux n’avait aucune raison d’être et présentait par ailleurs l’inconvénient de stresser le troupeau. Denis se désole de cet entêtement. Et il me prend à témoin, me demandant, toi qui es informaticien, si tu voulais produire du fromage de chèvre au Rebout, tu t’y prendrais comment ? Et j’éclate de rire parce que je ne peux pas encore révéler à Denis que je suis justement en train de donner la dernière main à un roman dont le titre Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) indique que son intrigue se trouve un peu à la croisée des chemins de ce dont il nous parle ce soir.
Et j’en oublie même de demander à Denis quel est le nombre de litres de lait qu’il faut pour faire un fromage ce qui est précisément le détail, le renseignement, après lequel le narrateur informaticien ne cesse de courir sans jamais parvenir à élucider ce point ce qui l’empêche beaucoup de mener à bien ses calculs de probabilité quant à ses chances de reconversion professionnelle dans l’élevage des chèvres en Ardèche.
Je ne saurais donc jamais combien il faut de litres de lait de chèvre pour produire un pélardon. Je sais combien de litres une chèvre produit par jour, je sais le prix d’une chèvre, je sais le nombre de chèvres qu’il me faudrait pour une exploitation de fromage de chèvres dans les Cévennes, je sais le prix de certaines installations d’occasion sur internet, on trouve beaucoup de choses sur internet, quand même bien pratique internet, mais on ne trouve pas sur internet le renseignement quant au nombre de litres qu’il faut pour produire un pélardon. Telle est, pour moi, la limite d’internet. Et c’est à cette limite que des amis comme Denis prennent le relai. Encore faut-il penser à le leur demander quand on les voit.
Et écouter sa réponse.
J – 66 : Dans la vie il y a des journées d’ennui perdu au milieu d’un open space et dont l’enjeu finalement est de tout faire pour qu’en en sortant il me reste quelques forces vives pour travailler à ce qui me tient véritablement à cœur ET il y a aussi le spectacle d’un champ d’éoliennes en Bourgogne, éclairé par un le couchant sur fond de ciel d’orage tout juste passé.
En route pour Autun.
( Et , une série entamée il y a quatre ans qu’il faudrait que je revisite. ▻http://www.desordre.net/bloc/ursula/2015/images/vacances/index_ursula.htm)
J-152 : Je me demande si Guy - mon ordinateur s’appelle Guy - ne vieillit pas un peu, ou peut-être est-ce moi, je suis allé trop vite, je n’ai pas fait attention, que sais-je ?, Guy m’a posé une question, j’ai répondu sans réfléchir, sans y penser, j’ai été dépassé, je ne me suis pas rendu compte et j’ai continué de travailler, sans me rendre compte qu’en fait, j’avais potentiellement demandé à Guy de scier la branche sur laquelle j’étais assis. Et Guy a sans doute fait ce que je lui avais demandé de faire. Bref ce matin, parmi mes disques durs externes - une demi-douzaine tout de même - le disque dur qui porte le nom d’immense_disque ne contenait presque plus de données, juste trois petits fichiers images qui j’avais rangés à la va vite à la racine la dernière fois que je suis allé à Autun, notamment le scan d’une petite peinture de Martin à même une de mes photographies. Et la chose était incompréhensible parce que Guy par ailleurs avait l’air de penser que des quatre téraoctets d’immense_disque il n’en restait plus qu’un qui fut disponible.
J’interrogeais Guy en tous sens usant de mille subterfuges pour lui soutirer des informations, j’avais bien compris que lorsque je double cliquais sur immense_disque , Guy ne retrouvait pas autre chose que les trois fichiers déjà cités, aussi je tentais de biaiser en appelant des fichiers récents depuis différentes applications mais alors les réponses n’étaient pas rassurantes qui me disaient que non, décidément non, ces fichiers, les plus récents donc, n’étaient pas disponibles, ils avaient disparu, j’ai tenté d’accéder aux fichiers de mon site internet, de mes sites internet, depuis l’interface de compositions de pages html, rien à faire, depuis le logiciel de transferts de fichiers rien non plus : je n’avais manifestement plus accès à tout ce que j’avais pu produire de fichiers depuis presque deux ans et je savais que je n’étais pas particulièrement à jour de mes sauvegardes.
Oui, je sais c’est assez mal. Le problème étant que je ne parviens plus à suivre depuis que je me suis mis à faire de la vidéo d’une part mais surtout du film d’animation, deux activités qui tout d’un coup se sont mises non seulement à remplir mes disques durs d’une façon quasi exponentielle et aussi à les remplir parfois de tout un tas de fichiers dont je ne sais jamais bien à quoi ils correspondent, apparemment des fichiers de travail des logiciels de fabrication de séquences animées et de montage. Bref j’ai graduellement perdu le contrôle de ma petite entreprise : il y a deux ans, je devais consommer un téraoctet de nouvelles données par an, je ne suis désormais pas loin de quatre par an, ce qui d’ailleurs me fait m’interroger sur la pertinence d’un projet que je suis en train de caresser, un projet d’un long métrage réalisé uniquement avec des photographies (animations, time lapse , séquenceurs etc…)
Mais je n’en suis pas là, puisque pour le moment j’ai potentiellement perdu trois téraoctets de données. Ce qui me donne un peu le vertige tout de même.
La perte des données est un événement physiquement déstabilisant.
Ce n’est pas une blague en fait. J’ai tenté de réagir avec calme. Je me suis dit dans un premier temps que j’étais trop ému, oui, ému, pour avoir la moindre réaction intelligente, or il est primordial de réagir avec calme et intelligence si je veux avoir la moindre chance de revoir ces données, certaines au moins. J’ai voulu éteindre l’ordinateur, juste avant que je me dise que déjà ce n’était pas forcément une bonne idée, pour le moment Guy pensait encore que immense_disque contenait des données, il n’était pas exclu qu’un reboot lui fasse voir les choses différemment, il allait falloir agir avec prudence. Et tel les personnages de 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, je suis remonté du garage et à l’abri de Guy je me suis fait un café pour réfléchir à la façon dont j’allais procéder avec lui.
J’ai fait tomber la cafetière en la dévissant ce qui a eu pour effet de voiler son couvercle, certes pas au-delà du réparable, mais j’ai pu constater qu’au moment où le café percole, le sifflement ne produit plus tout à fait la même note. J’ai vu que mes mains tremblaient. Je me suis dit du calme.
J’ai tenté de me raisonner. Je me suis dit, il y a deux solutions. Je vais trouver le moyen de retrouver ces données, apparemment Guy a l’air de penser qu’il y a des données, et pas qu’un peu, trois téraoctets tout de même, sur immense_disque . Et la deuxième solution c’est que les données aient été effectivement formatées, écrasées, que ce soient des ex-données et de me poser la question, est-ce que c’est si grave ?
Ben oui, quand même un peu, me suis-je dit. Par exemple, c’est la première chose à laquelle j’ai pensé, les photographies prises au concert du Surnatural Orchestra samedi dernier, dans le lot il y en avait quand même quelques-unes qui valaient sans doute la peine d’être gardées, et puis Hanno allait être déçu, et avec lui les autres membres de la fanfare. Oui, pour cela, c’était embâtant. Mais est-ce que l’essentiel n’était pas sauvegardé, d’une façon ou d’une autre, par exemple ma façon de tout envoyer en ligne au fur et à mesure que je construis les pages html du Désordre faisait que pour ce qui était du travail sur le site, j’étais paré. Pour mes textes, comme je passais mon temps à en envoyer des versions notamment pour corrections à Sarah ou Julien, ce serait facile de retrouver de tels fichiers et je venais, au début de la semaine d’envoyer un fichier qui portait le nom éloquent de fuite_en_egypte_fichier_definitif.rtf à mon éditeur - j’aime bien dire mon éditeur . Finalement là où c’était le plus ennuyeux - quand je me parle à moi-même, quand je raisonne, je ne dis pas ennuyeux, j’ai plutôt tendance à penser et dire emmerdant et chiant, mais ennuyeux me plait à l’écrit, la contraction de l’ennui et des yeux sans doute - c’était pour les images en haute définition, sachant que par ailleurs une bonne partie de mon travail de photographe se trouve sur le site du Désordre , certes pas dans des définitions d’origine, donc ne permettant pas, entre autres choses, l’impression, mais je dois me poser sincèrement la question, en dehors de quelques images que je fais tirer de temps en temps pour faire des cadeaux la plupart du temps, est-ce que j’imprime quoi que ce soit ? Non.
Et c’est curieux parce que buvant mon café en regardant pas la fenêtre en pensant à tout cela, je me suis calmé, j’ai senti comme l’oppression que j’avais d’abord sentie à la découverte que peut-être j’avais perdu toutes mes données des deux dernières années au pire était en train de refluer et nettement plus calme, je me suis de nouveau assis devant Guy et je lui ai demandé, sans hargne, sans nervosité quelles étaient les solutions qu’il proposait. Je me suis souvenu que j’avais un jour téléchargé un logiciel qui permettait de récupérer des données écrasées, mais je ne trouvais plus trace de ce logiciel puisque ma logithèque était contenue sur immense_disque , du coup j’ai téléchargé un autre logiciel qui cependant ne m’a pas beaucoup rassuré parce que ce logiciel dont c’est pourtant le métier avait l’air de penser au contraire de Guy que mon disque dur était quasiment vierge. Guy m’a proposé de faire un scan du disque dur avec tentatives de récupération de secteurs défectueux, tout en me précisant que selon la taille des unités sur lesquelles il pouvait produire de telles tâches cela risquait de prendre un peu de temps tout de même, j’ai brièvement estimé que pour scanner et récupérer trois téraoctets de données, cela risquait effectivement de prendre quelques heures, voire quelques jours.
Je me suis dit qu’après tout c’était le moment ou jamais de tenter cette opération, quand bien même elle serait chronophage, et que monopolisant les ressources de Guy cela me contraindrait à trouver autre chose à faire de mes dix doigts que de l’html, comme par exemple de ranger un peu cette maison, de réparer les deux ou trois choses qui ne fonctionnaient plus, en quelque sorte d’étendre la réparation, et même, que si cela se trouvait, si Guy finissait par me dire non, décidément, non il ne retrouvait pas mes données, celles que nous avions produites ensemble, si j’apprenais la chose alors que j’avais remis de l’ordre dans mes papiers, réparé le tiroir de la cuisine et l’interrupteur de la lampe de chevet de Nathan, que j’avais avec moi la conscience du type qui s’est acquitté de ces tâches du quotidien, la mauvaise nouvelle serait plus facile à accueillir, j’ai donc lancé la recherche et la réparation des secteurs défectueux d’immense_disque et je suis remonté du garage avec la volonté d’en découdre avec la machine à coudre. Et c’était étonnant de voir comment des tâches que j’avais remises au lendemain depuis des lustres tombaient avec une facilité déconcertante, en une petite demi-heure, un café et l’écoute d’un vieux vinyle j’avais remis de l’ordre dans mes papiers en cours, en une demi-heure, un autre café et la face B du même vinyle, j’avais expédié la réparation du tiroir de la cuisine, je montais dans la chambre de Nathan, constatais que je ne pourrais pas réparer sans couper l’électricité pour ne pas courir le risque d’une électrocution, je suis donc descendu dans le garage et j’étais sur le point de commuter le disjoncteur quand j’ai vu s’inscrire sur l’écran que Guy venait de terminer le premier pourcent de la vaste tâche de récupération de mes données, je me suis dit que c’était encourageant et au moment d’appuyer sur le bouton, je me suis soudainent souvenu, ce que je peux être distrait des fois, que Guy avait besoin de l’alimentation électrique pour travailler. Un peu plus et je perdais tout pour de bon je crois.
Depuis ce matin onze heures, Guy a scanné entre 6 et 7 pourcents d’immense_disque, en revanche pour ménager le suspense il refuse, pour le moment, d’indiquer qu’il récupère quoi ce soit et m’interdit l’accès au disque dur immense_disque .
Si cela se trouve, il fait tout cela pour rien. Et j’ai vraiment perdu toutes mes données. Ou pas. Ou il n’aura pas avec cette manipulation retrouvé mes données, nos données, mais je pourrais chercher encore une autre méthode.
Le soir, avant de remonter, avant d’éteindre les lumières du garage, j’ai souhaité bon courage à Guy.
N’empêche je dois avoir sacrément vieilli pour avoir réagi avec un tel calme, ce n’est sans doute pas un mal, rester calme, en revanche je me méfie du prix à payer pour une telle sérénité, vieillir.
Exercice #44 de Henry Carroll : Créez un récit fort en une photographie
#pomme_s #attitude_paranoiaque_de sauvegarde - Guy, on est fort dans sa tête et on pédale. On est avec toi.
@reka, il scanne, il scanne, 57% (en trois jours de traitement)
@touti Oui, c’est exactement cela. Pour ma part quand je suis remonté du garage, pour prendre du recul, je me suis dit que j’étais en train de me cacher de Guy pour penser à la situation de la même manière que Dave invite son collègue à vérifier un truc sur une des capsules navettes.
Si Guy franchit le cap, attends toi quand même à retrouver des milliers de fichiers sans dossier et sans nom … ça m’est arrivé une fois, il a fallut les ouvrir un à un, sacré #désordre (tu connais ;). Du coup j’ai encore dans mes armoires un disque qui a crashé il y a bien longtemps mais que je n’ai jamais osé scanné de peur de tout perdre vraiment. Il garde son potentiel de possible récupération tandis que j’oublie la nécessité de tout ce qu’il contenait …
Good Luck Guy (de la part d’Émile)
Est-ce qu’une compression des données d’un disque disque dur externe peut produire ce résultat ? je me demandais si « Guy » n’avait pas posé cette question à @philippe_de_jonckheere, à savoir la compression des données pour libérer de l’espace mémoire sur « immense_disque ».
Ou alors, autre hypothèse,les données présentes sur le disque ont été cryptées puisque Guy semble encore détecter la présence de données sur ce lecteur.
Suis allé faire un tour par ici :
▻http://www.yodot.com/fr/dossier-recuperation/fichiers-supprimes-recuperer-de-externe-disque-dur.html
mais peut-être que tu as déjà consulté cette page ...
Bon courage et ... quand tu dis que perdre ses données est physiquement déstabilisant, je veux bien croire que ça doit faire le même effet qu’une maison partie en fumée ou ravagée par des inondations. Stay quiet !
attends toi quand même à retrouver des milliers de fichiers sans dossier et sans nom
Ce serait une catastrophe dans mon cas.
Et pour ce qui est des fichiers du site Désordre , je préfère ne même pas imaginer, je vais me retrouver avec des centaines et des centaines de fichiers 001.jpj, 002.jpg etc comme je l’explique dans la série, la Dernière debout . ▻http://desordre.net/blog/?debut=2012-04-08
@sombre Mon hypothèse pour le moment étant que lors de l’installation d’un petit dique dur externe sur lequel je voulais aller chercher des données venant d’un autre ordinateur (un mac) il y ait eu une question qui soit posée du genre je peux pas ouvrir ce disque, est-ce que je dois le formatter ? et que j’ai mal répondu à la question (il m’arrive de continuer et de m’obstner de travailler dans le garage le soir tard, dans des états de fatigue qui ne sont aps raisonnables) et qu’un déplacement, je ne sais quoi, a fait que la réponse à la question se soit adressée à une autre unité.
Guy en est à 66% ce matin. Il va y arriver. Je le sais. Guy ne ’ma jamais déçu. Cela fait sept ans que Guy fait du très bon travail, je ne crie jamais sur lui, au contraire, il m’arrive régulièrement de le féliciter
Guy a tout récupéré ! Guy est le plus fort. Guy est le meilleur ordinateur du monde. Guy, tu entends mes louanges ?
@philippe_de_jonckheere un outil très utile qui permet de faire une copie conforme d’un disque avant de tenter la récupération de données (qu’on fera donc sur une image du disque, évitant ainsi le risque que la mécanique ne lâche durant le processus) :
►http://korben.info/realiser-limage-dun-disque-dur-testdisk.html
C’est en ligne de commande, mais tout est bien expliqué dans le billet ci-dessus.
@julien1 Je mets cela dans un coin pour uen prochaine fois, qui ne devais pas arriver, en tout cas, en ce moment je suis à jour de mes sauvegardes.
▻https://www.youtube.com/watch?v=j90wXnECKiw
▻http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/surnatural_orchestra_pauvre_paris.mp3
On va encore dire que je mélange tout.
La France est en guerre, déclare un président de la république dont force est de constater qu’il ne fait peur à personne, non d’ailleurs que ce soit ce que l’on attende de lui, c’est juste que c’est un peu court et un peu improvisé comme déclaration de guerre, les deux pieds dans la poussière et les gravats du Bataclan . Et on pourrait facilement pardonner ce manque d’assise, ce côté déclaration de guerre sur un coin de table de bistro, si en plus d’être improvisé, cette déclaration n’était pas complétement stupide. En fait monsieur le président pas très assuré, vous êtes assez con pour ne pas savoir, ou mal faire semblant de ne pas le savoir, ou pire encore, de penser que nous ne le savons pas, nous, que nous sommes assez cons pour ne pas le savoir, mais la France, notre petit pays gris, poussiéreux et peureux, est en guerre depuis le 8 mai 1945, depuis les massacres de Setif en Algérie, et je ne suis pas certain que si on cumule, depuis cette date de la fin de la Seconde guerre mondiale, et donc du début de la Troisième guerre mondiale, tous les jours, toutes les périodes, pendant lesquelles la France n’a pas été en guerre quelque part dans le Monde, on parvienne à quelques années de paix. Ainsi du 8 mai 1945 jusqu’à la fin de la guerre d’Indochine, cela aura été la guerre sans discontinuer. Puis ce furent les années septante, celles des ingérences giscardiennes, la légion qui saute un peu partout en Afrique, missions d’ingérence qui furent plus ou moins tacitement reconduites dans les années 80, en 1991, la première guerre d’Irak, celle du Père ― puisque nous ferons cette remarquable exception de ne pas participer à la guerre du Fils ―, la Bosnie-Herzégovie, en 1995, l’Afghanistan à partir de 2001, la Lybie en 2012 et désormais la Syrie, où on peut dire que l’engagement de la France aura été particulièrement anisochrone, nous n’y sommes pas allés quand il fallait et nous y sommes allés quand ce n’était plus le moment d’y aller ― au rugby on dirait arriver en retard au soutien ce que vos coéquipiers auront du mal à vous pardonner tant c’est l’essence même du jeu.
Bref, ce n’est pas très brillant Monsieur le Président. Ni très rassurant. Tant l’intelligence ne semble pas être de votre côté, ni de celui de votre clique, à la fois les vôtres et à la fois vos faux ennemis, parce qu’avec la droite, dont vous êtes, c’est très pratique, que ce soit la droite de la droite, la droite droite ou la gauche de la droite, cela reste et cela restera toujours la droite.
Et nous, que nous reste-t-il pour faire face aux dangers dont vous-mêmes ne serez jamais frappé, mais pour nous ce sont autant de dangers qui peuvent nous frapper à tout moment, pour tout vous dire, il ne s’en est pas fallu de grand-chose pour vous ayez à prononcer mon nom parmi une liste de personnes ayant laissé la vie ce fameux soir de novembre l’année dernière, dangers dont on doit sans doute remercier votre incompétence crasse, votre absence de courage et in fine votre manque constant d’intelligence, de vision sur le long terme, de nous faire pleuvoir ces dangers sur la tête, que nous reste-t-il face à ces ciels sombres ?, eh bien il nous reste la poésie, la musique aussi, la beauté sans doute, mais aussi le courage, le courage que nous donne notre fragilité.
Tout cela, la poésie, la musique, la beauté, le courage et la fragilité, je l’ai vu sur scène, sur la scène d’un chapiteau, samedi soir, lors d’un spectacle intitulé l’Esquif , rencontre prodigieuse entre la compagnie Inextremiste Basinga et le Surnatural Orchestra et j’en aurais pleuré. Surtout à la fin.
J’imagine qu’il faudrait que je fasse la chronique de ce qui m’a tant plu, tant ému, dans ce spectacle, ce serait très difficile tant chaque moment de ce spectacle m’a enchanté à la fois par sa beauté, pour les risques aussi bien physiques qu’esthétiques qui étaient encourus par tous, et cette manière de solidarité qui était une évidence et à laquelle le public s’est même, contre son gré, retrouvé mêlé. Pour ce faire il faudrait presque que je commence par la fin. Essayons.
Le dernier morceau du dernier album du Surnatural Orchestra , Ronde , s’intitule Pauvre Paris , c’est un morceau lent, triste, avec un passage de chœur au milieu du morceau, il y a dans ce morceau une évidence, c’est la musique que les attentats du 13 novembre ont inspirée aux musiciens du Surnatural Orchestra , c’est triste comme des rues sombres, désertes et pluvieuses au milieu d’une nuit d’errance, c’est triste et c’est beau et les chœurs disent assez bien que la grande faucheuse est passée par là, c’est en mode mineur de chez mineur, impossible d’écouter ce morceau sans sentir la tristesse vous prendre aux tripes, le chœur décroit, la musique avec lui, et puis c’est une relance terrible, un riff rageur de guitare électrique et une envolée à la Surnatural , c’est free , extrêmement free , free de chez-free-en-face, tendance free , les saxophones hurlent, après la tristesse, le refus, à la fois le refus de la tristesse et le refus de se laisser enterrer, l’envie de vivre, on ne peut pas continuer, il faut continuer, on va continuer. C’est poignant et, de fait, on a, aussi, envie de continuer. Et maintenant imaginez la vingtaine de musiciens du Surnatural jouer cette folie, cette beauté d’abord triste et chaloupée, puis cette hargne pleine de défi, ces vingt musiciens, batteur et percussionniste compris, en équilibre sur trois madrillets qui ploient sous le poids des musiciens, de leurs instruments et de leur danse, les trois madrillets en équilibre sur trois bouteilles de gaz, à tout moment ils peuvent tous tomber, tous ensemble, et ils jouent et comme ils jouent ! Mieux, les trois acrobates équilibristes installent un quatrième côté, un madrillet en équilibre sur une bouteille de gaz et vont chercher quelques personnes dans le public et les emmènent en équilibre sur ce si tellement frêle esquif, et c’est tout le public qui est relié à cette précarité : tout est dit, notre fragilité, le courage qui peut être le nôtre en étant collectif, solidaire, la beauté, la poésie et la musique. Enfin. Enfin un peu d’intelligence et de la beauté. Comme réponse.
Je maintiens ce que j’ai déjà écrit ici, ce que j’avais échangé avec mon ami poète Laurent Grisel, à Autun, après Apnées : nos agissements ont tellement plus de portée que ceux des sinistres que nous tentons de marquer à la culotte .
En vrac quelques descriptions des moments parfois sublimes de ce spectacle. La femme funambule fait son numéro sur un filin qui est maintenu tendu au-dessus du vide par la traction d’une vingtaine de spectateurs qui tirent sur ce filin, ce sont ces vingt et quelques spectateurs qui sont responsables de son équilibre.
Avant même que le spectacle commence, on est déjà sollicité, le tromboniste distribue des hélices aux spectateurs tels des messages que ces spectateurs doivent aller apporter à d’autres spectateurs, l’autre spectateur c’est un étranger, le message un poème, et le poème donné, l’étranger est un semblable. Le tromboniste est par ailleurs prisonnier de la longueur limitée de la planche qui se trouve en équilibre sur deux bouteilles de gaz. C’est donc en engageant les spectateurs qu’il peut en atteindre d’autres.
Constamment les trois équilibristes sont les anges gardiens des musiciens qui sont presque agis par eux, à quelques expressions près, on voit à peine les équili-bristes, c’est une manière de spectacle d’équilibre par procuration.
À aucun moment l’équilibre des musiciens ne paraît très assuré, la fragilité est non feinte, elle est avérée et elle est sans cesse menacée, souvent par le même équilibriste un peu fou, en costume colonial, qui représente, à lui seul, le danger.
Lorsque le tromboniste, encore lui, va recruter des spectateurs pour tirer sur le câble de la funambule, il crée sciemment de l’inconfort et de la gêne, il faudra un jour que nous réalisions que nous ne sommes plus garantis de rien et que nous de-vons lever notre cul et descendre dans l’arène.
Après les applaudissements, le saxophone alto explique la nécessité d’une quête en faveur de la CIMADE du plateau des Mille vaches qui vient en aide aux réfugiés et leur donner cet asile que les sinistres refusent en notre nom.
Je ne résiste pas à la tentation et au plaisir de pointer vers cette chronique :
La Suède connaît un boom économique inattendu.
Les économistes suédois n’en reviennent pas : ils ont dû revoir en urgence leurs modèles pour tenter de comprendre ce qu’il se passait avec leur pays. Imaginez : au quatrième trimestre 2015, c’est-à-dire l’hiver dernier, la Suède a connu un taux de croissance de 4,5%.
Il a bien fallu trouver une explication. Les économistes distingués du royaume se sont réunis en congrès, ont passé des jours entiers à trifouiller les statistiques et, enfin, après des heures de discussions et de controverses, ils sont arrivé à un consensus scandinave.
La raison de cette croissance aussi époustouflante que soudaine tient en un mot : les migrants. La Suède est, en proportion, le pays d’Europe qui, en 2014 et 2015, a accueilli le plus de réfugiés en Europe : 160 000 personnes pour 9 millions et demi d’habitants.
►https://www.franceinter.fr/emissions/les-histoires-du-monde/les-histoires-du-monde-10-octobre-2016 (►https://seenthis.net/messages/531955 )
Que les sinistres démissionnent et que l’on donne le pouvoir au Surnatural Orchestra , ils ne pourront jamais faire pire que les sinistres. Ce serait la seule chose responsable à faire.
Je n’écris pas, je ne parviens pas à écrire, quand cela me chante, quand je le voudrais. J’imagine qu’il faut que je sois traversé par je ne sais quoi d’ailleurs, et je me demande même si je ne préfère pas ne pas savoir. Quant à être traversé, c’est sans doute beaucoup dire.
Mais je remarque une chose. J’écris sur toutes sortes de tables. Et il y a des bonnes et des mauvaises tables, des tables sur lesquelles j’écris bien, enfin bien, bien pour moi, et d’autres sur lesquelles je suis sec comme tout.
Par exemple, la table du garage, je n’y écris généralement rien de bon. Quelles que soient les circonstances.
La table de mon travail, de mon bureau, de l’ open space , de laquelle je devrais normalement y faire tout à fait autre chose, des choses d’ingénieur informaticien, de maîtrise d’ouvrage, et bien je n’y fais rien de bon dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage, en revanche, je me demande si ce n’est pas la table de laquelle j’ai le plus écrit. Des romans entiers en fait. Nombre de fois d’ailleurs, mes collègues d’ open space constatant le caractère frénétique de ma frappe, m’ont demandé, en riant, si j’écrivais un roman, ou ont dit quelque chose comme, ma parole tu écris un roman. Raffut, le Jour des innocents, J.,Je ne me souviens plus, et Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) ont été écrits presque entièrement sur cette table-là. Et il semble même que ce soit la destinée de Qui ça ? Et d’une bonne partie des différents écrits que je dois produire pour la Petite fille qui sautait sur les genoux de Céline . Encore que le premier jet de ce projet, je l’ai écrit sur ma table préférée.
Ma table préféré pour écrire, c’est celle de ma chambre dans les Cévennes. Mais seulement le matin. L’après-midi cette table ne donne rien de bon et le soir non plus d’ailleurs. Cette table le matin est placée devant la fenêtre de ma chambre. De cette fenêtre j’embrasse toute la vallée de la Cèze et le versant oriental du Mont-Lozère. C’est de cette même table que j’ai écrit, pendant l’été 1989 mon mémoire de fin d’études aux Arts Déco à propos de Robert Frank. Il y avait dans la chambre un immense désordre de livres restés ouverts, des livres d’images, à certaines doubles pages, d’autres livres, des petits livres, essentiellement de théorie, en cavalier à même le sol, et sur la table, le tas de feuillets sur lesquels j’écrivais, à la main, ce mémoire, je m’étais donné un mois pour l’écrire, avant de repartir à Chicago fin août. A l’époque, je ne doutais de rien. De pas grand-chose en tout cas. Et je ne me serais jamais posé la question de la table sur laquelle j’écrivais.
Il y a une table sur laquelle j’ai toujours très bien écrit, au point d’ailleurs d’y avoir eu recours consciemment au moins une fois, c’est la table dans l’atelier d’Isa (►http://www.isabordat.net), à Autun, il suffit que j’y pose mon ordinateur de genoux et c’est parti, c’est sur cette table que j’ai fini d’écrire Portmsouth qui restait bloqué comme tout, et surtout c’est sur cette table, la table d’Isa que j’ai écrit le Déluge de Paques en quelques jours seulement.
Depuis l’été dernier je dispose désormais d’une table dans ma chambre, laquelle s’est montrée être une très bonne table depuis, j’y ai écrit le deuxième moitié de Raffut , resté en suspens depuis plus d’un an, en l’espace de deux ou trois semaines, j’ai enchaîné avec Arthrose (spaghetti) , et c’est en alternance avec la table de mon bureau que j’ai écrit J. , et Je ne me souviens plus.
C’est d’ailleurs dans cette alternance entre les deux tables, celle de l’ open space et celle de ma chambre que j’ai si bien écrit pendant tout l’automne, l’hiver et le printemps. C’est amusant d’ailleurs parce que j’ai entamé ce cycle d’écriture le 24 août 2015, c’était un dimanche soir, je venais de terminer l’installation de ma chambre, monter mon nouveau lit, entièrement réaménagé ma chambre, ses gères de livres, au point qu’il y avait assez de place pour y installer cette table, sur laquelle j’ai installé un sous-verre, comme j’aime à faire, et sous lequel j’ai fait une manière de pêle-mêle d’images comme j’aime à faire aussi, dans ce pêle-mêle se trouvent une lithographie de l’annonciation par L.L de Mars — remarquable représentation de l’envol de l’ange après l’annonce faite à Marie, laquelle se tient le ventre déjà rond, c’est comme si dans cet envol qui ressemble à une fuite par la fenêtre d’un amant, était contenu tout entier le mystère de l’immaculée conception enfin révélé — une sérigraphie de Doug Huston — au bas mot douze passages de couleurs parfaitement repérés — une photographie, une parmi des milliers de la pièce Inventory de Natalie Bookchin, une photographie de Karen Savage, un tract de Formes d’une guerre , une lithographie sur papier kraft d’un étudiant portoricain avec lequel je m’entendais à merveille à Chicago, Alejandro, mais je n’ai plus aucun souvenir de son nom de famille, un polaroid agrandi par mes soins de Jennifer Pilch, l’affichette annonçant la lecture débat avec @mona à la librairie Mille pages à Vincennes, un tirage numérique de Barbara Crane, un petit collage photographique de Hanno me représentant à la Garde de dieu, l’été 1989, un tirage par contact d’un négatif 20X25, photographie représentant un cercueil, photographie d’un étudiant dont j’ai oublié du tout au tout, et je ne connais personne qui pourrait le connaître — son sujet de prédilection, les entreprises funéraires l’a toujours un peu situé à la marge, il faisait grand cas de Nicholas Nixon, c’est bien tout ce dont je me souviens de lui — des billets de un dollar sur lesquels John Pearson avait imprimé des cyanotypes, une ancienne publicité pour les pneus de marque Dunlop , je ne sais pas pourquoi les couleurs de cette réclame font resurgir en moi des souvenirs des années septante, un petit dessin de L.L. de Mars, une photographie de Mouli et moi dans notre appartement au 943 North Wolcott, une de mes photographies de la Très Petite Bibliothèque et une autre de la série 22042003.txt et la photographie de Carlos Fadon Vicente dont j’ai déjà parlé et c’est donc à même ce pêle-mêle que je me suis photographié à l’intervallomètre en train d’écrire la deuxième partie de Raffut, indocte alors que ce serait sur ce sous verre que j’allais être tellement productif pour les prochaines semaines, et cela tout l’automne, tout l’hiver et tout le printemps.
Mais je n’aurais jamais aussi bien écrit sur cette table seule, si l’écriture n’avait pas été entrecoupée par des moments d’écriture sur mon bureau d’ open space , c’est-à-dire, dans le pire contexte d’écriture que ce soit, un contexte dans lequel je risquais à tout moment d’être dérangé, voire surpris, en danger presque.
Cela fait des années que je ne m’étonne plus qu’un certain inconfort est nécessaire à ma pratique de l’écriture, et qu’au contraire le confort, celui d’une belle table bien dégagée de tout désordre, la possibilité d’écouter de la musique dans de bonnes conditions, voire me verser un petit verre d’un excellent alcool , ou mieux encore celui du garage, avec tous les outils à portée de main, ce confort ne me vaut rien de bon, la preuve c’est dans les allers-retours en train entre Paris et Clermont-Ferrand que j’ai écrit la quasi intégralité du Bloc-notes du Désordre et pas seulement la rubrique, à quoi tu penses ?
Et c’est ainsi qu’un lundi matin, au bureau, dans l’ open space , risquant d’être dérangé à tout moment, que j’ai eu l’idée de ce petit texte à propos des tables sur lesquelles j’écris, texte que je suis obligé d’interrompre parce que ma cheffe vient de rentrer dans l’ open space .
Et si un jour je parviens à l’âge de la retraite, que je vive dans les Cévennes, il faudra sans doute que j’accentue la bancalité de la table de ma chambre pour la rendre productive.
Exercice #6 de Henry Carroll : prendre une image politique de la nature.
De la nature, je ne sais pas trop. Politique, oui, surement. Ne serait-ce que la légende de cette image : Ancien camp de Birkenau, Oświęcim, juin 2007.
Ce sous-bois est celui dans lequel les victimes promises à l’asphyxie devaient se déshabiller, avant d’entrer, à leur tour, dans les chambres à gaz des crématoires 5 et 6 du fond du camp. La flèche, contemporaine, indique la prochaine station d’intérêt dans la visite du camp, c’est-à-dire, l’emplacement de ces deux crématoires.
Il y a quelque chose de très déconcertant dans la visite que l’on peut faire aujourd’hui de ces camps. On peut voir, par exemple, des touristes en tenus de tourisme, c’est-à-dire, en été, short, chaussettes blanches, chaussures de sport et t-shirt aux différentes effigies, faire la queue, pour entrer dans la dernière chambre gaz, que les Nazis n’ont pas eu le temps de détruire dans l’ancien camp d’Auschwitz, les mêmes défiler devant des vitrines de la partie muséale du camp qui contiennent d’anciens boîtes de conserves de granulés de Zyklon B, et les mêmes également, se prenant en photo sous le portail qui indique Arbeit macht frei , à ma dernière visite, en juin 2007, les perches à selfie n’existaient pas encore.
►http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/pifarely_trace_provisoire.mp3
J-227 : concert de Dominique Pifarély (violon) (@dominique) avec son quartet, Antonin Rayon (piano), Bruno Chevillon (contrebasse), François Merville (batterie), concert de sortie du disque du quartet, Tracé provisoire , chez ECM, tout de même.
Ils attaquent un peu par la face Nord. Du coup pas facile de rentrer dans une écoute plaisante de prime abord, ce qui est rendu d’autant plus difficile que c’est presque une face opposée à celle qui avait été notre versant trois jours plus tôt à la Folie à Autun avec Michele, et c’est d’autant plus difficile de trouver quelques repères dans cette affaire que François Merville n’est pas nécessairement un batteur obsédé par la rainure du swing ou du groove , ou même, de simplement marquer la mesure, fut-ce de façon libre, non, il est libre tout court, c’en est même à se demander s’il est dans le tempo, une sorte de batteur paradoxal qui laisserait aux solistes la tâche de battre la mesure, en tout cas il fourrage dans un set abondant et divers tant dans les objets sur lesquels il frappe, caresse, tripote, que ceux dont il se sert pour taper, caresser, tripoter, on pourrait même avoir le sentiment qu’il est en train de régler son bazar pour le morceau suivant. Bruno Chevillon gratifie l’auditoire d’une pédale de basse fort sourde, quasi percussive, en ce début de morceau, c’est à la fois mécanique et sans timbre, mat, terriblement mal, de temps en temps, malgré tout, ponctué des premières vraies notes de contrebasse, au piano Antonin Rayon pose la couleur, par plages entières, et il faut donc être Dominique Pifarély lui-même, pour retrouver ses petits dans un tel désordre, à peine construit, tout juste ébauché, ce que, justement, il s’emploie à faire avec une sûreté dont on se demande d’où elle peut lui provenir, dans ce qui serait un néant, peut-être pas, une absence d’ordre résolue cela, oui.
Et c’est de cette manière, de cette matière, de ce magma, que naît cette musique extraordinaire qui va nous être jouée ce soir, et dès ce premier geste créatif de Dominique Pifarély, cette installation en somme, il s’efface bien vite, manière de rappeler que les trois autres ne sont pas exactement ce que l’on peut appeler une section rythmique, en tout cas, il n’est pas né celui qui mettrait des chaînes assez solides aux pieds de ces trois-là pour les empêcher de prendre leur essor, c’est donc dans la pleine intelligence, la confiance et l’écoute de ces trois musiciens d’exception que Dominique Pifarély s’efface une première fois, ce ne sera pas la dernière, d’ailleurs c’en est presque une marque de fabrique, sinon celle de l’effacement du moins celle des alliances mouvantes au sein même de la formation. Les combinaisons par paires ― violon /piano, piano / contrebasse, piano / batterie, contrebasse / violon, contrebasse / batterie, batterie / violon ― puis par trios ― violon / piano / contrebasse, violon /piano / batterie, violon / contrebasse / batterie, piano / contrebasse /batterie, ça va vous suivez ? ― sans parler des solos complets des quatre instruments ne sont évidemment pas aussi nombreuses que celles possibles au sein du nonet de Dédales ― et le nom de cette formation est une indication sur son mode de fonctionnement ―, il n’empêche c’est bien de logiques d’alliage dont il est ici question. Et on se doute qu’un violoniste qui trouve, sans mal, les conditions d’un dialogue fécond avec une tromboniste ― voir Dédales donc ― n’aura aucun mal à produire quelque alchimie avec une contrebasse tenue par un Bruno Chevillon en grande forme, c’est-à-dire en pleines recherches, un Antonin Rayon, lui, déjà occupé aux alliages étendus de son clavier, comme si main gauche et main droite en créaient une troisième, comme on crée une troisième voix, une troisième voie, une troisième main qui serait dans les notes du milieu du clavier, et, donc, un funambule de la percussion qui semble ne rien aimer tant que provoquer des accidents sonores et, chercher, et trouver, les moyens de réparer ces catastrophes désirées.
C’est une farandole, une farandole des métamorphoses, surgit une flute asiatique, japonisante, mais qui en joue ? : Dominique Pifarély au violon, qui peut donc tout faire avec cet admirable construction de bois verni, du violon certes, et quel, mais aussi, donc de la flute, de l’orgue par moment, de la guitare électrique aussi, alors, pensez si c’est facile pour un tel musicien de produire des sonorités d’alto ou encore de violoncelle.
La contrebasse, parlons un peu d’elle, de son remarquable instrumentiste de ce soir, Bruno Chevillon. Bruno Chevillon joue de la contrebasse comme Antoni Tàpies ou Jasper Johns peignent, il y a un véritable dialogue avec la matière, la contingence. L’instrument contient des possibles, certains immédiats, le jeu cum arco et le pizzicato , c’est entendu, mais la caisse même de l’instrument se révèle être également une caisse de résonance qui peut être sollicitée de bien d’autres manières encore, comme, par exemple, par percussions allusives de l’archet au-devant du chevalet, à la fois champs et chant d’harmoniques, et la distribution de tout ceci se fait comme le mélange des tons sur une palette, mieux encore, par étalages successifs de nappes, comme le fait notamment Jasper Johns couvrant ses toiles de jaune citron avant d’entamer une cible verte et le vert alors chante et comme il chante ! Bruno Chevillon, musicien ou plasticien ? Les deux sans doute.
Après avoir joué tous les morceaux du disque, tout juste sorti donc, les musiciens entament un passage ad lib partout (police nulle part) ― et là ils sont en fin de match, chauds ―, sans doute n’en avaient-ils pas la moindre idée avant de se lancer dans ce dernier tour de toboggan, avant de se retrouver une dernière fois sur le thème même du disque, une phrase lancinante chantée à la contrebasse.
Déluge d’applaudissements, dans la salle on compte essentiellement des amis, des musiciens surtout, tous que je ne connais pas par leurs noms, mais tous que j’ai déjà aperçus au moins une fois sur une de scènes où se joue la musique vi-vante d’aujourd’hui. Je reconnais tout de même, Marc Ducret, Michele, bien sûr, Éric Groleau, Sylvaine Hélary, Nicolas du Surnat’ , Francis Marmande m’a-t-il sem-blé aussi, mais sans son chapeau, donc méconnaissable, et d’autres encore dont je ne connais pas les noms, mais sûr que l’un ou l’autre déjà aperçus aux Instants Chavirés .
Il paraît que dans un pays dans lequel on trouve de telles richesses musi-cales, on en soit à politiquement anticiper le sabordage pur et simple, qu’on soit politiquement sans solution. Et si on donnait le pouvoir aux musiciens. A ceux-là en tout cas. Ils ne feraient pas pire, ils ne pourraient pas. Ils feraient sans doute plus harmonieux. Quel grand dommage que cela n’arrivera pas. Quel soulagement de savoir qu’ils vont continuer de faire de la musique, de cette musique-là justement.
J-227 : Magie de voir Dominique (@dominique) et Michele évoluer dans le cadre tellement familier de la Folie à Autun, chez Martin et Isa. Grande tablée samedi midi, balance l’après-midi avec Rose aux boutons, Dominique après une petite demi-heure de réglages qui déclare être comme un coq en pâte , moi tout proche d’un des retours de scène de Michele, j’entends les moindres détails de son jeu tellement subtil, on y est, là où je voulais être, dès le début de l’été.
Plus tard le soir.
Pendant que les spectateurs entrent et s’installent, et découvrent tout à la fois le caractère chaleureux de la scène, le set de Michele, la table de contrôle de Dominique, ma petite table à moi aussi, les deux tapis au sol qui délimitent la scène, l’écran derrière, sur lequel est projeté en boucle lente la séquence de la truite aux gommettes, Dominique a installé une manière de prologue auto généré. De temps en temps j’épie depuis la porte de l’atelier de Martin, je trouve cela beau et surtout très accueillant. Au premier rang, je vois Adèle qui est déjà en train de filmer en suivant mes recommandations, cette beauté de la transmission avec mes enfants.
On s’installe, je réduis la luminosité de ce premier tableau, la main tremblante de trac sur la glissière de couche alpha, puis je bascule sur le calque suivant, celui des Croutes dorées explorées à la lampe de poche (▻http://www.desordre.net/bloc/contre/spectacle/images/croutes/grandes/index.htm), parfaite réaction de Dominique, on n’entend pas un bruit dans la salle, Michele installe quelques petits craquements dont il a le secret et c’est parti. Je suis tendu comme un arc.
Durant une heure je prends un plaisir tellement vif à ces enchaînements, mes propres improvisations, mes petites audaces encore timides, des moments où les images et la musique, son rythme, son atmosphère, se touchent parfaitement, s’enlacent, le sentiment de produire avec les deux musiciens un objet rêvé, et cela tombe bien parce que c’est le thème même de ce que je voulais faire, des images paradoxales, spectrales, abstraites par endroits, complexes aussi, cette heure aura été la plus rapide de toute mon existence, la plus belle aussi sans doute, la plus paradoxale sans doute aussi, j’étais à la fois fiévreux de peur et à la fois au comble du bonheur, comme si les images qui étaient projetées sortaient littéralement de ma tête.
Joie d’entendre le tonnerre d’applaudissements, le salut, bras dessus bras dessous avec Dominique et Michele, la force de ce triangle d’amitié, et le géné-rique qui arrache un sourire et des applaudissements répétés de la part de la septantaine de personnes présentes. Joie ensuite de croiser les regards de quelques amis, après le spectacle, tandis que nous dégustons quelques bouchées de pure sorcellerie culinaire d’Isa, parmi lesquels Laurent Grisel (@laurent2), avec lequel j’échange à propos de son Journal de la crise et de Qui ça ?
Oui, Laurent, je maintiens, nos propres agissements ont tellement plus de portée que ceux des sinistres que nous tentons de marquer à la culotte, avec des moyens inégaux, ceux de simples citoyens conscients, pas floués, pots de terre lan-cés, tels des bouteilles de champagne, contre la coque du France dans la rade du Havre, en 1964, ne nous brisons pas inutilement. En tout cas pas contre de tels blindages d’égoïsme et, in fine, de bêtise et de lâcheté.