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  • Utopie et soin psychiatrique - Au sujet de : François Tosquelles, Soigner les institutions, textes choisis et réunis par Joana Maso, L’Arachnéen
    https://laviedesidees.fr/Tosquelles-Soigner-les-institutions

    François Tosquelles est une figure mythique de la psychiatrie. Il n’a cessé d’expérimenter de nouvelles manières de prodiguer des soins et de nouvelles façons de concevoir l’hôpital. Cette anthologie rassemble des textes majeurs d’un auteur original, convaincu que la médecine devait chercher dans la poésie ses ressources.
    Il y a deux types d’hommes et de femmes. Ceux et celles qui réussissent leur folie et ceux et celles qui se retrouvent à l’hôpital psychiatrique. Dans nos sociétés enclines à distinguer clairement la frontière entre le sain et le malsain, une telle affirmation est devenue incompréhensible. Et pourtant, elle est fondamentale pour saisir l’importance de la pensée de François Tosquelles – auteur de ladite affirmation – et dont certains textes font aujourd’hui l’objet d’une édition récente en français. Des morceaux de vie et de pensée, choisis et présentés par Joana Maso, nous donnent à voir et à lire le parcours exceptionnel et la richesse intellectuelle d’une œuvre singulière.

    Le personnage fait indéniablement partie du panthéon des professionnels de la psychiatrie et est devenu une figure mythique convoquée au chevet d’une psychiatrie en crise, mais connaissons-nous vraiment Tosquelles ? Tout à la fois trublion et fondateur, fantasque et organisateur, intemporel et produit de son espace-temps, le psychiatre catalan interpelle encore et toujours par l’originalité de ses interrogations et de ses engagements. Ce livre – une « anthologie de fragments » (p. 19) - n’est évidemment pas un travail dégagé d’une admiration sans bornes, mais il représente une étape importante dans l’écriture d’une histoire de la psychiatrie du XXe siècle et particulièrement de ce que l’on a appelé la psychothérapie institutionnelle.

    « La chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste »

    « J’ai eu une autre chance extraordinaire, la chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste je ne peux pas m’en plaindre parce qu’une chose extraordinaire est arrivée, qui est qu’à partir de 1931 ont commencé à venir à Barcelone des juifs réfugiés, surtout d’Autriche. » Dans un entretien informel traduit du catalan (p. 76) datant de 1983 dont est extrait cette citation, Tosquelles ouvre une fenêtre sur le contexte qui a vu naître ! son projet de « foutre la psychanalyse dans les asiles psychiatriques » (p. 76). Né en Catalogne en 1912, Tosquelles était familier de la médecine et des questionnements du monde ouvrier. Avec un père trésorier de la coopérative santé des ouvriers et un oncle médecin qui écrivait sur Freud, deux de ses passions étaient déjà là. Durant ses études de médecine à Barcelone (1928-1934), il s’engage auprès du bloc ouvrier et paysan, commence une psychanalyse et lit Lacan qui vient de soutenir sa thèse en 1932. Le jeune catalan est polymathe. Il écrit sur l’anarchisme, le syndicalisme, le féminisme, la psychanalyse, la poésie et collabore déjà à diverses institutions médico-psychologiques.

    (...) dans L’enseignement de la folie en 1992 : « je ne me suis jamais engagé dans la recherche de quelque chose de radicalement neuf. Jamais je n’ai parié sur le métier d’inventeur. Je n’ai jamais pensé à construire et faire valoir quoi que ce soit qui puisse être breveté. Je penche plutôt du côté des plagiats ou, si on veut, du vol d’idées que je glane n’importe où et qui me semblent constituer de petits cailloux qui peuvent être utilisés dans ma tâche de psychothérapeute. En fait, paradoxalement, c’est dans mon travail de psychothérapeute que j’ai eu le plus fréquemment l’occasion de glaner. Mais aussi dans tous les événements de ma vie concrète »

    #François_Tosquelles #Lucien_Bonnafé #psychiatrie #chronicisation #psychothérapie_institutionnelle #livre

    • Vu cette semaine « Sur l’Adamant » de Nicolas Philibert, très touchant

      C‘est un vaisseau à quai, une péniche ancrée à l’écart des klaxons et de l’agitation urbaine, entre la grande horloge de la gare de Lyon et le clapot de la Seine qui lèche gentiment sa coque. L’Adamant (c’est son nom) est un centre de jour ouvert aux Parisiens atteints de troubles psychiques. On s’y confie, on y converse, on y cultive des relations humaines dans le cadre d’ateliers inspirés par la psychothérapie institutionnelle. Celle-là même que pratiqua le psychiatre Jean Oury à la clinique de La Borde, et dont Nicolas Philibert évoqua le quotidien dans La Moindre des choses, en 1997. Un quart de siècle après ce film qui compte parmi ses meilleurs, le documentariste revient sur la question de la santé mentale dans un triptyque en cours de production. Sur l’Adamant, distingué par un Ours d’or à la dernière Berlinale, en est le premier volet. Le deuxième nous mènera à l’hôpital Esquirol de Charenton-le-Pont ; le troisième suivra des visites au domicile de patients.

      https://www.telerama.fr/cinema/films/sur-l-adamant-1-249323025.php