#mercantilisme

  • Texte d’#Achille_Mbembe à l’occasion de l’#occupation du #Panthéon, 12 juillet 2019

    « Tout se passe comme si chaque fois que l’on ouvre les yeux, il y a des personnes humaines d’origine africaine quelque part dans notre monde en train d’être brutalises par une autorité ou une autre.

    Ailleurs, loin de chez eux, hors d’Afrique.

    Mais en Afrique aussi, entre les mains des leurs - des coups, surtout des coups, la brutalité avec laquelle tout #corps de nègre (simple gisement musculaire) est traité !

    Et cela fait très longtemps que ça dure.

    Ça dure depuis tant de temps que cela n’étonne plus personne.

    Les #Nègres, on s’attend a ce qu’ils soient brutalisés, et c’est le contraire qui est anormal.

    Il y a quelques semaines, un camp de prisonniers (car c’est de cela qu’il s’agit) en majorité africains a été littéralement bombardé en Libye. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été tues.

    D’autres périssent presque chaque semaine, noyés dans les eaux de la Méditerranée.

    On ne compte plus ceux dont les sables du Sahara recouvrent de leur linceul les dépouilles.

    Pas un seul mot de nos Chefs d’Etat.

    Pas un seul mot des représentants des peuples africains. Pas un seul mot des organisations continentales, encore moins de nos intellectuels, artistes, footballeurs, hommes et femmes d’Église ou entrepreneurs.

    Après deux jours, la nouvelle a disparu des grands médias occidentaux. Et tout a recommence comme si rien n’avait jamais eu lieu. De telles vies comptent-elles seulement ?

    La Libye est un pays où existent des marches d’#esclaves africains en plein XXIe siècle. Tout le monde le sait.

    Elle est un pays ravagé par le #racisme_anti-nègre qui menace de plus en plus la plupart des États maghrébins. Tout le monde le sait.

    Tout le monde le sait par ailleurs, certaines puissances européennes revendiquant le statut d’"amies des Africains" procurent des #armes sophistiquées a l’une ou l’autre des milices qui se disputent le pouvoir a Tripoli.

    L’Europe, qui a joue un role determinant dans la destruction de la #Libye, leur procure d’énormes sommes d’argent.

    L’objectif est d’empêcher la migration des Nègres en Europe. Pour ce faire, il faut transformer l’Afrique en un immense #Bantoustan.

    En réalité, il s’agit de subsides a la #chasse de captifs nègres que l’on entasse dans des prisons qui ne disent pas leur nom, et que l’on revend a l’encan sur les marchés locaux. Un commerce ignominieux est en cours dont les corps d’ébène servent une fois de plus de monnaie.

    Ceci, l’Europe prétend ne pas le voir, tout comme elle s’échine à rendre invisible la saignée en cours en #Méditerranéenne.

    Au sujet de ce scandale, nos Chefs d’Etat n’ont aucun mot a dire. Nos intellectuels, nos artistes, nos footballeurs, nos hommes et femmes d’Église et nos entrepreneurs non plus.

    Hier, le Président Emmanuel #Macron a réuni a l’Élysée des individus choisis au hasard par son gouvernement. Ces individus de son choix sont supposes représenter "la #diaspora_africaine" en #France. Le Président Macron, nous dit-on, est un grand intellectuel. Il serait un disciple de Paul Ricoeur et aurait suivi des séminaires avec Etienne Balibar.

    Mais quand il s’agit de l’#Afrique, il évite soigneusement de discuter avec des intellectuels africains critiques. Ils risquent de le démaquiller, de lui poser toutes les questions qui gênent, de lui opposer des arguments sérieux auxquels il n’a aucune réponse plausible. Ils risquent de remettre publiquement en cause les trois piliers de la politique française - le #militarisme, le #mercantilisme et le #paternalisme mâtiné, comme toujours, de #racisme.

    Et, naturellement, le soutien sans condition a des régimes corrompus qui militent activement contre les intérêts bien compris du Continent.

    Le President Macron leur préfére des gens choisis par ses diverses cellules de communication et autres conseils présidentiels - de pauvres étudiants d’une pauvre université qui ne savent pas comment formuler des questions pertinentes et qu’il se fait fort de ridiculiser ; des quidam qui n’ont étudié aucun dossier en profondeur et se contentent de généralités ; des Nègres de pacotille assoiffés de vanité et en quête de selfies, hilares et bon enfant, trop heureux de servir le Maitre lorsqu’il ne s’agit pas d’opportunistes peu scrupuleux en quête de prébendes.

    Tout heureux de se retrouver sous les lambris, hier ils lui ont en effet servi la soupe et ont soigneusement évité de traiter des vrais dilemmes - ceux qui font des rapports entre la France et l"Afrique le paradigme même du scandale néocolonial.

    Bal des cyniques, en vérité, et des deux côtés !

    Ce soir, cette comédie s’est révélée être ce qu’elle a toujours été.

    Des centaines d’Africains #sans-papiers ont occupe le Pantheon pour exposer aux yeux du monde le traitement qu’ils subissent en France.

    La réponse ne s’est pas fait attendre. Ils ont été "évacués" sans ménagement, à la manière exacte dont ils sont traités dans leurs pays respectifs par leurs propres gouvernements.

    Quant prendra fin ce scandale ? Quand apprendrons-nous a gagner de nouveau ? Quand est-ce que les vies nègres compteront enfin ?

    Tant que l’Afrique ne deviendra pas son centre propre, tant qu’elle ne se reconstituera pas en tant que vaste espace de circulation, tant qu’aucun Africain ne sera traité comme étranger en Afrique même, la #brutalisation des corps nègres se poursuivra.

    Pour le reste, le salut ne viendra pas de la France. Il n’y a strictement rien a attendre d’elle que nous ne puissions nous offrir a nous-mêmes. Le salut ne viendra pas non plus des diasporas. Il viendra d’abord de l’Afrique elle-même.

    Il faut donc réapprendre a faire corps et reprendre la #lutte. Il faut l’intensifier là où elle est déjà en cours. Il faut puiser dans la #mémoire, la #créativité et les énergies souterraines de nos peuples pour aller de l’avant.

    Nul ne nous libérera à notre place ou malgré nous. Les vies des nôtres disperses dans les quatre coins du monde ne compteront véritablement que le jour ou l’Afrique sera #debout sur ses propres jambes.

    Et c’est a travailler à reconquérir cette initiative historique que nous sommes appelés. Tout le reste n’est que diversion. »

    https://www.facebook.com/gildas.ledem/posts/10157313594073610?__tn__=H-R

    Texte signalé par @isskein

    #Mbembe #France #Paris #migrations #résistance #néo-colonialisme #néocolonialisme #Afrique

  • Grèce : un déni démocratique. Les institutions européennes ont montré leur vrai visage - le Plus
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1395953-grece-un-deni-democratique-les-institutions-europeennes-on

    Dans cette crise grecque, les institutions européennes ont montré leur vrai visage, un fonctionnement hégémonique honteux mélangé à un déni démocratique.

    Pour reprendre la célèbre expression, « nous accusons » :

    1. La banque centrale européenne (BCE), acteur primordial de cette crise, d’avoir été le maître d’œuvre d’un coup d’État en passe de réussir. Depuis le mois de février, elle a placé l’économie grecque sous la menace d’une rupture des liquidités. La fameuse procédure dite de l’ELA (emergency liquidity access) a été une sorte d’épée de Damoclès qui a pesé non seulement sur l’activité grecque mais sur la marge de manœuvre du gouvernement lui-même. L’activité ne pouvait qu’en pâtir.

    Disons-le, les banques grecques ne sont pas insolvables, leur problème ce sont les liquidités. La BCE a favorisé le « bank run », encourageait la sortie de capitaux et a été prête à faire courir un risque systémique à l’ensemble de la zone euro pour faire capituler Tsipras. Si les banques grecques ont fermé, ce n’est par décision d’Alexis Tsipras, mais par décision de la BCE qui n’a pas voulu augmenter les plafonds d’urgence aux banques pour empêcher la bonne tenue du référendum et rendre le « non » impossible. L’euro est devenu une monnaie étrangère pour la Grèce et la BCE a procédé à un véritable Grexit sauvage de la Grèce en la mettant au ban de sa politique monétaire.

    2. L’Allemagne et sa tentative hégémonique de soumettre un continent au service de ses seuls intérêts, avec la collaboration de nos élites, et de détourner à son profit les principales institutions européennes, notamment la BCE.

    3. Une partie de la gauche française et son principal représentant, le président de la République, d’avoir laissé tomber la Grèce et de n’avoir fait qu’emboîter les désirs de l’Allemagne. Au début du mandat, le Parti socialiste avait la chance historique de réorienter la construction européenne et de faire entendre raison à l’Allemagne. Le gouvernement français, après de vaines foucades, a espéré au contraire la victoire de l’Allemagne et a sacrifié la Grèce (et d’autres pays). Pour faire bonne mesure, le gouvernement français donnait dans le même temps vie à la loi Macron, loi bruxelloise pour obtenir un délai sur les déficits publics. La concordance des temps est troublante.

    4. Les institutions européennes de déni démocratique en rejetant avec tant de violence la volonté clairement exprimée du peuple grec de refuser l’austérité. En malmenant et en humiliant la Grèce pendant cinq ans, l’Union européenne a révélé au monde sa véritable nature : une oligarchie libérale qui a choisi le capitalisme au détriment de la démocratie. En refusant toutes demandes de la Grèce, les institutions européennes ont anéanti les rêves d’un euro progressiste, d’un rétablissement des droits sociaux des travailleurs ou encore d’une politique de relance.

    Les institutions européennes nous l’ont montré : le sort des Grecs importe peu et l’Europe des peuples est loin de l’Europe de la Commission. Souvenons-nous de la scandaleuse intervention du président du Parlement européen qui préfère la technocratie aux hommes et femmes issus de l’élection. En étouffant Syriza, les institutions européennes donnent une leçon à Podemos et aux autres futurs mouvements citoyens.

    Nous le savons tous : si l’austérité reprend ses droits en Grèce, les jours des Grecs seront sombres et la boîte de pandore s’ouvrira. En s’acharnant sur la Grèce, l’Union européenne a montré plus que jamais sa rigidité dogmatique froide et son refus du débat démocratique.

    via @cie813

  • How the #euro caused the Greek crisis
    http://www.vox.com/2015/7/2/8883129/greek-crisis-euro-explained-video #€ #EU #Europe #Greece #ECB

    "Control over the supply of currency is one of the most important tools of economic stabilization that any country has. If used poorly, it can wreak devastation. But if used correctly, it can be a great cure for unemployment.

    The problem is that Europe’s various countries have very different economies and very different economic situations. It’s impossible to make monetary policy that’s equally appropriate for Greece and Germany, and since Germany is larger and more important the European Central Bank winds up doing what’s right for #Germany. That’s a sensible enough decision under the circumstances, but it means that Greece is perpetually stuck with an inappropriate monetary policy with disastrous consequences for the Greek economy.

    In theory, this could be fixed with a much deeper form of economic integration that would continuously send vast sums of money from richer European countries to poorer ones

    But for understandable reasons, the citizens of richer countries don’t like that idea.

    Consequently, Europe has ended up stuck with an unworkable economic system. The single #currency is a valuable and important sign of Europe’s political commitment to peace, #integration, and unity but it makes managing #unemployment and #inflation essentially impossible"

    Having the USA lecture us about solidarity is quite humiliating.

  • Dani Rodrick : Le Retour du Mercantilisme

    http://www.project-syndicate.org/print/the-return-of-mercantilism-by-dani-rodrik/french

    L’Histoire économique est en grande partie un combat entre deux écoles de pensée : le libéralisme et le mercantilisme. L’économie libérale qui privilégie l’entreprenariat privé et les marchés est actuellement la doctrine dominante. Mais sa victoire intellectuelle masque le caractère attractif et les succès fréquents du mercantilisme. En réalité ce dernier n’a pas disparu, il se porte même bien, et sa confrontation permanente avec le libéralisme va probablement constituer une force qui contribuera à dessiner les contours de l’économie mondiale de l’avenir.

    On rejette généralement le mercantilisme comme un ensemble d’idées archaïques et manifestement erronées quant à la politique économique. Il est vrai qu’à son apogée, ses partisans avançaient des notions très étranges, notamment l’idée que l’accumulation de métaux précieux (l’or et l’argent) devait guider la politique d’un pays.

    Dans son ouvrage de 1776, La richesse des nations, Adam Smith a démoli de main de maître, nombre de ces idées. Il a montré notamment qu’il ne faut pas confondre argent et richesse. Ainsi qu’il l’a formulé, « la richesse d’un pays ne se limite pas à son or et à son argent, elle inclut ses terres, ses bâtiments et ses biens consommables de tout ordre ».

    Pourtant, il serait plus exact de penser le mercantilisme comme une manière différente d’organiser les relations entre l’Etat et l’économie, une vision tout aussi pertinente aujourd’hui qu’au 18° siècle. Les théoriciens du mercantilisme comme Thomas Mun étaient de farouches partisans du capitalisme, mais ils proposaient un autre modèle que le libéralisme.

    Ce dernier considère que l’Etat est un mal nécessaire et que le secteur privé cherche intrinsèquement une rente de situation. C’est pourquoi il veut une séparation stricte entre l’Etat et le secteur privé. De son coté, le mercantilisme propose une vision corporatiste dans laquelle l’Etat et le secteur privé sont des alliés qui coopèrent dans la poursuite d’objectifs communs (par exemple la croissance ou la puissance économique du pays).

    On peut chercher à disqualifier le mercantilisme en le qualifiant de capitalisme d’Etat ou de népotisme, mais quand il fonctionne (comme c’est souvent le cas en Asie), on l’encense parce qu’il favorise le partenariat public-privé et l’émergence d’un Etat favorable à l’entreprise privée. Les pays à la traîne sur le plan économique savent que le mercantilisme peut leur être utile. Même en Grande-Bretagne, le libéralisme classique n’est arrivé qu’au milieu du 19° siècle, autrement dit quand le pays était déjà une puissance industrielle dominante.

    Une autre différence oppose les deux modèles, l’un privilégie l’intérêt des producteurs et l’autre celui des consommateurs. Pour les libéraux, le consommateur est roi. L’objectif ultime de la politique économique est d’accroître le potentiel de consommation de la population, ce qui suppose de lui donner un accès facile aux biens et services au meilleur prix. A l’opposé, les mercantilistes privilégient le coté productif de l’économie. Pour eux, une économie saine repose sur une structure de production efficace, tandis que la consommation est sous-tendue par le plein emploi et des salaires adéquats.

    Comme l’on peut s’y attendre, ces deux modèles conduisent à des politiques économiques différentes : pour l’un il faut encourager l’importation, pour l’autre l’exportation. Le libéralisme favorise les importations, le moins cher elles sont, mieux c’est, même si cela se traduit par un déficit commercial. Le mercantilisme encourage les exportations, les échanges étant le moyen de soutenir la production intérieure et l’emploi.

    La Chine contemporaine porte le flambeau du mercantilisme, même si les dirigeants chinois ne sont pas prêts à l’admettre, car le terme résonne encore de manière péjorative. Une grande partie du miracle chinois est le résultat d’une politique volontariste qui a soutenu, stimulé et subventionné ouvertement les producteurs industriels chinois et étrangers.

    Même si la Chine a mis fin à nombre de ses subventions explicites à l’exportation pour devenir membre de l’OMC en 2001, son système de soutien au mercantilisme est encore largement en place. Ainsi l’Etat a géré le taux de change de manière à maintenir le profit des producteurs manufacturiers, ce qui s’est traduit par un excédent commercial confortable (qui a baissé récemment en raison notamment du ralentissement économique). Par ailleurs, les entreprises tournées vers l’exportation continuent à bénéficier d’un ensemble d’avantages fiscaux.

    Du point de vue libéral, ces subventions à l’exportation bénéficient aux consommateurs étrangers, mais appauvrissent les consommateurs chinois. Une étude récente de Fabrice Defever et d’Alejandro Riaño, deux économistes de l’université de Nottingham, évalue les « pertes » de la Chine à 3% de ses revenus et les gains pour le reste du monde à 1% du revenu mondial. Mais pour les mercantilistes, il ne s’agit là que du coût de la construction d’une économie moderne et du cadre nécessaire à la prospérité à long terme.

    Ainsi que le montre l’exemple des subventions aux exportations, ces deux modèles peuvent coexister harmonieusement dans l’économie mondiale. Les libéraux pourraient être satisfaits de voir leur consommation subventionnée par les mercantilistes.