Selon Abou Ismaël, un jeune lieutenant issu d’une famille aisée et qui dirigeait une entreprise prospère avant de rejoindre le combat contre Bachar al-Assad, ce problème est particulièrement prononcé à Alep.
Un grand nombre des bataillons qui sont entrés dans cette ville au cours de l’été dernier provenaient des campagnes, dit-il. C’étaient de pauvres paysans qui véhiculaient des siècles de rancune envers les riches habitants d’Alep.
Il y avait également un sentiment persistant que cette ville - où les entreprises avaient exploité pendant des décennies la main d’œuvre bon marché des paysans - ne s’était pas soulevée assez vite contre les Assad. « Les rebelles voulaient se venger des habitants d’Alep parce qu’ils avaient le sentiment que nous les avions trahis, mais ils ont oublié que la plupart des habitants d’Alep sont des marchants et des commerçants et qu’ils auraient payé pour se débarrasser de leurs problèmes », a dit Abou Ismaël. « Alors même que le reste de la Syrie était prise dans la révolution, les Alepiens disaient, ’pourquoi devrions-nous détruire nos entreprises et gaspiller notre argent’ ? »
Lorsque les rebelles sont entrés dans la ville et ont commencé à piller les usines, une source d’argent s’est tarie.
« Pendant le premier mois et demi, les rebelles étaient vraiment un groupe révolutionnaire uni », a dit Abou Ismaël. « Mais maintenant c’est différent. Il y a ceux qui ne sont là que pour piller et faire de l’argent et les quelques-autres qui combattent encore ». L’unité d’Abou Ismaël s’est-elle livré au pillage ? « Bien sûr. Comment croyez-vous que nous nourrissons les hommes ? Où pensez-vous que nous obtenons, par exemple, tout notre sucre et notre pain ?
Dans l’économie désordonnée de la guerre, tout est devenu une marchandise. Par exemple, l’unité d’Abou Ismaël a mis la main sur les réserves de gazole d’un complexe scolaire, et chaque jour son unité échange quelques jerricans du précieux liquide contre du pain. Parce que son bataillon a des réserves de nourriture et de carburant, il est plus attrayant que d’autres dans le secteur. Les chefs qui sont incapables de nourrir leurs hommes ont tendance à les perdre ; ceux-ci désertent et rejoignent d’autres groupes.